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Page 1: PHILIPPE LACOUE-LABARTHE La forme toute oublieuse · PDF fileRevue des Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22 11 de restitution - ou d’«invention» - de la théologie

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de restitution - ou d’«invention» - de lathéologie des Grecs, que les Grecs eux-mêmes - ceux d’avant Platon et Aristote, qui«disposent» un peu trop au christianismeinstitué - n’ont jamais pris le soin d’expli-citer comme telle.

La tragédie, pour Hölderlin, la tragédiesophocléenne - et en elle, exemplairement,les deux tragédies symétriquement antago-niques d’Œdipe et d’Antigone -, est le docu-ment, ou le monument, de cette théologie.Ou si l’on préfère: Œdipe-roi et Antigonesont le testamentdes Grecs: là s’atteste eneffet l’expérience grecque du divin,laquelle, selon la loi de l’Histoire que, bienavant la (re)fondation chrétienne, elle insti-tue, retentit jusqu’à nous.

Pour le comprendre il faut se reporter àla définition initiale que donne Hölderlin dutragique. Il écrit ceci:

La présentation du tragique repose prin-cipalement sur ceci que le monstrueux(dasUngeheure) comment le Dieu-et-hommes’accouple, et comment, sans limite, la puis-sance de la nature et le tréfonds de l’hommedeviennent Un dans la fureur, se conçoitpar ceci que le devenir-un illimité se puri-fie par une séparation illimitée.

Il n’est pas trop difficile, cette fois, depercevoir ici l’écho, même déformé, de deuxdes catégories majeures de la Poétiqued’Aristote: l’hubris et la katharsis. ChezAristote, on le sait, ces catégories sont pure-ment «techniques»: l’hubris, démesure outransgression, est à la fois un trait détermi-nant de l’ethostragique et le ressort primitifdu drame, de l’action (c’est la faute tragiquepar excellence); la katharsis, purification(rituelle) ou purgation (homéopathique, surle modèle hippocratique), qui est une catégo-rie fonctionnelle, désigne l’effet attendu dela tragédie (la «guérison» des affects, terreuret pitié, qu’elle suscite par la (re)présentation- mimèsis- des «actions des hommes»).Hölderlin, lui, les soumet à une réélaborationproprement métaphysique, théologico-spé-culative. Bien qu’il interprète encore la tra-

gédie en termes de mimèsis(de Darstellung),celle-ci n’est plus la (re)présentation despragmatamais celle du tragique lui-mêmeen son essence, c’est-à-dire de l’expérienceou de l’épreuve du divin. Par voie de consé-quence, la katharsisn’est plus du tout unecatégorie fonctionnelle: c’est l’issue, enmode religieux, rituel et sacrificiel, del’ hubris(ce qui explique qu’elle soit interneau muthos, à la fable, et qu’elle entre dans lasignification de la tragédie).

En quoi consiste l’hubris, la transgres-sion? Hölderlin l’énonce crûment: dansl’accouplement (sich paaren) de l’hommeet du Dieu. C’est, littéralement, l’expé-rience de l’enthousiasme, de l’unendlicheBegeisterung, disent les Remarques surAntigone, de l’«infinie possession parl’esprit». Bien avant Nietzsche, mais à peuprès en même temps que Friedrich Schlegel,Hölderlin soupçonne chez les Grecs, dansleur nature originelle (l’élément oriental,dit-il), une sauvagerie et une violence, unefureur «mystiques», nous dirions probable-ment aujourd’hui: une disposition à latranse. La folie grecque, la maniadont par-lait Platon, est la folie de Dieu. Ce qui veutdire également, et c’est bien de la sorte quel’entend aussi Hölderlin, la folie méta-phy-sique elle-même. L’hubrisest la transcen-dance in-finie, il-limitée, dans l’acceptionactive du mot «transcendance»: c’est, eneffet, la transgression - du fini (par où dureste commence à s’expliquer la référenceobstinée à Kant).

Or une telle transgression est l’impos-sible même. Dans le bref commentaire dontil accompagne l’un des neuf fragments dePindare qu’il traduit à la même époque, Leplus haut, Hölderlin l’énonce de manièrelimpide. Le fragment dit:

Le statut la loi, <das Gesetzt>De tous le roi, mortels etImmortels; voilà qui mène pourcette raison puissammentLa plus juste justice de la plus haute

main.

Et Hölderlin commente:L’immédiat, pris en toute rigueur, est

pour les mortels impossible, comme pourles immortels.

Mais la médiateté rigoureuse est le sta-tut <la loi>.

Dans le lexique qui est celui déjà del’onto-théologie dialectique-spéculative,alors en voie de formation, cela porte sansdétour l’affirmation inconditionnée (la Loi,ou en langage kantien, l’impératif catégo-rique) de la nécessité de la limite - ou de lamesure, comme le répètent tant de poèmes.En sorte que si, dans le registre proprementthéologique de la tragédie, l’hubris, le«devenir-Un illimité [...] dans la fureur»,n’est ni plus ni moins que sacrilège, ouimpiété, la Loi de la médiateté commandela purification: la «séparation illimitée». Latragédie, autrement dit, est la présentationde la Loi. Le commandement de l’impiétépar l’obligation même de la fidélité.Hölderlin appelle cela: la Révolution, etnous en sommes toujours là.

D’une telle présentation, à vrai dire,Hölderlin donne deux versions. Celle quenous venons de lire, à propos d’Œdipe. Uneseconde, identique quant à la structure maisnotablement différente quant au «résultat»,à propos d’Antigone. La voici, elle permetd’éclairer ce qui se passe avec Œdipe:

La présentation du tragique repose,comme il a été indiqué dans les Remarquessur Œdipe, sur ceci que le Dieu immédiat,tout un avec l’homme (car le Dieu d’unapôtre est plus médiat, est l’entendement leplus haut au sein de l’esprit le plus haut),que l’infinie possession par l’esprit, en seséparant salutairement<saintement, hei-lig> se saisit d’elle-même infiniment, c’est-à-dire en des oppositions, dans laconscience qui supprime (aufhebt) laconscience, et que le Dieu est présent dansla figure de la mort.

Cette version de la purification tragiqueest proprement grecque: violente et brutale(la parole grecque, est-il dit plus loin, est

Dans l’une de ses prosesphilosophiques les plus

hautes et les plus difficiles,dans les Remarquesqui accompagnaient

sa traduction de Sophocle,Hölderlin, à propos

de l’Œdipe-roi, établitl’énigmatique rapport qui lie la

fidélité, en son essence,à l’infidélité.

A près avoir déduit d’une définitiongénérale de la «présentation dutragique» (Darstellung des

Tragischen) la structure antagonique oucontradictoire, dans son développement, dela tragédie (structure dont rend compte laformule: «Tout est discours contre discours,chacun supprimant l’autre»), Hölderlinenchaîne de la manière suivante(1):

Tout cela en tant que langue pour unmonde, où parmi la peste et le dérèglementdu sens, et un esprit de divinisation partoutexacerbé, en un temps de désoeuvrement, leDieu et l’homme, afin que le cours dumonde n’ait pas de lacune, et que la mé-moire de ceux du ciel n’échappe pas, secommuniquent dans la forme touteoublieuse de l’infidélité, car l’infidélitédivine, c’est elle qui est le mieux à retenir.

En un tel moment, l’homme oublie, soi-même et le Dieu, et se détourne, certes desainte façon, comme un traître. A la limiteextrême de la passion (Leiden), il ne resteen effet plus rien que les conditions dutemps ou de l’espace.

A cette limite, il oublie, l’homme, soi-même, parce qu’il est tout entier à l’inté-rieur du moment; le Dieu, parce qu’il n’estrien que temps; et de part et d’autre on estinfidèle, le temps parce qu’en un tel momentil vire catégoriquement, et qu’en lui débutet fin ne se laissent plus du tout accorder

comme des rimes; l’homme, parce qu’àl’intérieur de ce moment, il lui faut suivrele détournement catégorique, et qu’ainsi,par la suite, il ne peut plus en rien s’égalerà la situation initiale.

Ainsi se dresse Hémon dans Antigone.Ainsi Œdipe lui-même au coeur de la tra-gédie d’Œdipe.

Ce texte n’est pas seulement difficileparce qu’il est elliptique; ni non plus parceque les références ou les allusions à Kant(«conditions du temps ou de l’espace»,«détournement catégorique») demeurentparfaitement obscures tant que l’on n’a paspris la mesure précise de l’usage queHölderlin, aux fins apparemment d’unepoétique, faisait de Kant - «le Moïse denotre nation» avait-il dit (et, cela devraitéveiller l’attention, il savait ce qu’il disait).Ce texte est encore difficile parce que cequ’il expose en réalité, c’est une théologie,et que cette théologie est tout à fait singu-lière, sans exemple dans la tradition: cen’est pas une «théologie négative» ou unethéologie du Deus absconditus; ce n’est pasnon plus, comme - de manière différente -chez Hegel et chez Nietzsche, une théolo-gie post-luthérienne du «Dieu (lui-même)est mort». C’est une «autre» théologie.Toutefois, il ne s’agit pas, comme on s’estprécipité à le croire, d’une théologie«inouïe»; mais bien plutôt d’une tentative

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PHILIPPE LACOUE-LABARTHE

La forme toute oublieusede l’infidélité

Philippe Lacoue-Labarthe

Faculté de Philosophie

Revue des Sciences Sociales de la France de l’Est, 1995, n° 22

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temps: une pure syncope - non sans rapportavec la césure qui structure la tragédie -«à la limite extrême du pathein» ou dans cetinstant «de la plus haute conscience» oùl’âme «s’esquive de la conscience»(6). Cemoment, s’agissant d’Œdipe, est celui dumilieu de la tragédie d’Œdipe (in der Mitteder Tragödie von Oedipus). C’est unmoment d’oubli, réciproque: l’hommes’oublie lui-même et oublie le Dieu, «parcequ’il est tout entier à l’intérieur dumoment»; le Dieu oublie «parce qu’il n’estrien que temps», c’est-à-dire la loi de l’irré-versibilité: le «c’est irrattrapable» du destintragique. Ou, à la limite, la (possibilité dela) mort. Dans un tel moment, il ne resteplus, en effet, que les conditions- c’est-à-dire, en langage kantien, la finitude elle-même; et ce qui advient (a lieu sans avoirlieu), c’est l’impossible même: l’expé-rience des «conditions de l’expérience», cesformes «pures» ou «vides», selon Kant, dutemps ou de l’espace (ce à partir de quoi del’étant, en général, peut se présenter). Le«moment» tragique est l’expérience du né-ant - de l’être -, fulgurante du fait mêmequ’elle met en présence de la condition detoute présence: du temps lui-même commea priori, puisque c’est ce que Hölderlinaccentue. Ou de Dieu lui-même, dont levisage détourné, la volte-face, estle temps.Le moment tragique, cela pourrait se laisserintitulé, non pas Sein und Zeit, mais bien,selon l’ultime revirement: Zeit und Sein.

Le revirement, de fait, est ce qu’ilimporte de considérer en second lieu: c’estl’infidélité. L’homme n’en décide pas, ilobéit à sa loi - qui est donc la Loi, en géné-ral. La pieuse traîtrise de l’homme est uneréponse, la seule manière qui soit de main-tenir une «communication» avec le Dieucatégoriquement détourné et de le garder,comme tel, en mémoire. Le Dieu, en sonessence, est révolte et imposition de larévolte. Ou, pour le dire autrement, l’his-toire est révolution. C’est «afin que le coursdu monde n’ait pas de lacune, et que la

mémoire des Célestes n’échappe pas» que«l’infidélité divine est [...] à retenir (zubehalten)». Le moment tragique, dans sanullité même, n’est pas historique: il est lacondition de l’histoire. Laquelle n’est riend’autre que la soumission - fidèle infidèle -à l’interdit de la transgression ou, celarevient au même, du désir méta-physique.Les Remarques sur Antigonele disent entoute clarté: «Pour nous, vu que nous vivonssous le règne du Zeus qui est plus propre-ment lui-même, ce Zeus qui non seulementérige une limiteentre cette terre et le mondesauvage des morts, mais encore force plusdécisivement vers la terrel’élan paniqueéternellement hostile à l’homme, l’élan tou-jours en chemin vers l’autre monde [...]».Ou encore: «Que ce soit de manière plus oumoins déterminée, c’est bien Zeus qui doitêtre dit. En tout sérieux, plutôt: Père dutemps, ou: Père de la terre, parce que c’estson caractère, contrairement à l’éternelletendance, de retourner (kehren) le désir dequitter ce monde pour l’autre en un désirde quitter un autre monde pour celui-ci...».

L’infidélité - la fidélité même - est doncl’impiété métaphysique, c’est-à-dire lapiété envers la Loi métaphysique (une sortede pur noli me tangere) qui nous destine,nous «occidentaux», depuis que, ainsi quel’énonce l’élégie Pain et vin- dédiée aussibien à Dionysos, le fils du Dieu, qu’auChrist -, «le Père a détourné des hommesson visage». Une élégie est un chant dedeuil, en grec; comme la tragédie, en alle-mand, est un «jeu du deuil»: Trauerspiel.Notre destin est conséquent d’assumer ledeuil du divin. Ou notre expérience, celarevient au même, est mélancolique. Il n’estpas certain que, de Hegel à Nietzsche et àFreud, toute la mesure en ait été prise.

Notes

1. Je cite, en la modifiant sur quelques points, latraduction de François Fédier; cf. Hölderlin,Remarques sur Œdipe, Remarques surAntigone, traduction et notes par FrançoisFédier. Préface par Jean Beaufret, Paris: UGE,1965, Bibliothèque 10-18; la même traductionest reprise dans Hölderlin, Oeuvres, Paris:Gallimard, 1967, Bibliothèque de la Pléiade. Letexte forme la conclusion de la troisième partiedes Remarques sur Œdipe. - Je ne me proposepas, bien entendu, de commenter ce texte en sonentier, mais simplement de parvenir à éclairerles propositions sur l’infidélité fidèle.

2. La Mort d’Empédocle, dont les trois versionss’échelonnent de 1798 à 1800. Le Fondementpour Empédocle, qui précède la troisième ver-sion, inachevée, est le premier essai d’une théo-rie générale de la tragédie. Les Remarquesreprennent, et modifient substantiellement, ceprojet sur l’exemple de Sophocle.

3. L’hubris est présomption impie; Antigones’identifie à - se prend pour - Niobé; Œdipe«interprète trop infiniment l’oracle», il usurpele rôle du prêtre autorisé.

4. En ce qui concerne la philosophie de l’histoireque, pour l’essentiel, Hölderlin déduit de soninterprétation de Sophocle, je me permets derenvoyer à mon essai «Hölderlin et les Grecs»,recueilli dans l’Imitation des Modernes, Paris:Galilée, 1986, La Philosophie en effet.

5. Ibid., «La césure du spéculatif».6. C’est la formule que Hölderlin utilise lorsqu’il

caractérise l’hubris d’Antigone telle qu’elle serévèle dans le célèbre kommos où elle se com-pare à Niobé: «On m’a dit que semblable audésert elle est devenue, etc.» Hölderlin com-mente: «Sans doute le plus haut traitd’Antigone. La présomption sublime, si le déliresacré est la plus haute manifestation del’homme, ici plus âme que parole, dépasse toutce qu’elle a pu dire jusqu’à ici; [...] C’est unegrande ressource de l’âme, dans son travailsecret, qu’au moment de la plus hauteconscience, elle s’esquive de la conscience, etqu’avant que le Dieu présent ne s’en empareeffectivement, elle l’affronte d’une parole har-die et souvent blasphématoire, gardant ainsivivante la sainte possibilité de l’esprit». La para-doxie est la même que dans le cas d’Œdipe (leblasphème est le comble de la piété); la syncope- le moment-limite - précède juste la présenta-tion, ou l’imprésentation, du Dieu comme lamort, l’anéantissement du signe.

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«meurtrière», tödtlichfaktischet non passeulement meurtrissante, tödtenfaktisch),sacrificielle: elle s’opère dans l’anéantisse-ment du héros, «le Dieu présent dans lafigure de la mort». A l’époque où lui-mêmes’essayait à la tragédie, quelques annéesauparavant(2), Hölderlin avait, de ce typed’issue tragique, esquissé une formalisa-tion: dans un fragment consacré à «la signi-fication des tragédies» - laquelle «s’ex-plique le plus facilement, disait-il, par leparadoxe» -, il expliquait que lorsque l’ori-ginel ou la nature, autant dire le divin, semanifeste, que ce soit dans son caractère leplus fort ou le plus faible, alors, invariable-ment, «le signe = 0», il est «insignifiant».La manifestation du divin est l’anéantisse-ment de son signe, le mortel enthousiaste oupossédé - mais ivre, aussi, de s’égaler auDieu(3).

Il en va tout différemment avec la tragé-die d’Œdipe: c’est que celle-ci n’est déjàplus tout à fait grecque et qu’elle préfigure,par contraste avec la brièveté fulgurante dudestin grec, la lente catastropheen quoiconsiste le destin occidental ou, commedisait Hölderlin, «hespérique»(4). Là s’éla-bore, dans l’interrogation de cette diffé-rence destinale qui sous-tend l’Histoire enson entier, l’énigmatique pensée de l’infi-délité fidèle - ou de la pieuse impiété.

La raison de cette différence est trèssimple: Œdipe, dans Œdipe-roi, ne meurtpas; et s’il meurt dans Œdipe à Colone,c’est de la façon mystérieuse - mais accom-plie - que l’on sait, après sa longue «errancesous l’impensable». Qu’Œdipe ne meurepas, cela ne veut pas dire seulement que leDieu ne se présente pas «dans la figure dela mort», mais bien que, d’une certainemanière ne se présente pas du tout. Ousinon, de façon absolument paradoxale, parson retrait même: ce que Hölderlin nommeson détournement (Umkehr), son virage ousa volte-face (Wendung), son infidélité(Untreue). La paradoxie ici mise en oeuvre,je me suis risqué à la définir comme une

«hyperbologique», suspensive du procèsdialectique (antagonique) qui gouverne lemécanisme tragique. Elle est dans la formede l’augmentation en rapport infinimentinverse des opposés ou des contraires. Ici:plus le Dieu se manifeste, plus il se détourne- et inversement; ou bien, cela revient stric-tement au même: plus il est infidèle, plus il

est fidèle(5). Qu’est-ce que cela veut dire aujuste?

Il importe tout d’abord de bien saisir quela manifestation ou la présentation du Dieu- si tant est qu’il se manifeste ou se présenteautrement que selon son retrait même, quilaisse le héros atheos(Œdipe-roi, vers 661),ou dans la mort qu’il inflige - est unmoment, en vérité arraché ou soustrait au

Man Ray, La Volière, Aérographie et détrempe sur carton, 1919.© Man Ray Trust, ADAGP, Paris, 1995