(ph.d.) 2000 · un problème dentaire au cours des 12 mois précédant l'enquête) et...

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Université de Montréal Demande et utilisation des services dentaires parmi les adultes québécois Par Christophe Bedos Département de médecine sociale et préventive Faculté de Médecine Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de Philosophiæ Doctor en santé publique (Ph.D.) Option promotion de la santé Août 2000 8 Christophe Bedos, 2000

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Université de Montréal

Demande et utilisation des services dentaires parmi les adultes québécois

Par

Christophe Bedos

Département de médecine sociale et préventive

Faculté de Médecine

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de

Philosophiæ Doctor en santé publique (Ph.D.)

Option promotion de la santé

Août 2000

8 Christophe Bedos, 2000

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L'auteur conserve la propriété du droit d'auteur qui protège cette thèse. Ni la thèse ni des extraits substantiels de celle-ci ne doivent être imprimés ou autrement reproduits sans son autorisation.

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Liste des CO-auteurs dela thèse de Christophe Bedos intitulée

Demande et utilisation desservices dentaires parmi les adultes québécois

Jean-Marc Brodeur, DDS, MSc, PhD Professeur titulaire dans Ie département de médecine sociale et préventive et chercheur au GRIS, Université de Montréal

Marie Olivier, DMD, MSc

Mike Benigeri, DMD, MSc, PhD

Dentiste-conseil à Ia Direction de la santé publique de Montréal-Centre

GRIS, Université de Montréal

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Autorisation des coauteurs des articles de microfilmer et de diffuser

la thèse de doctorat en santé publique de Christophe Bedos intitulée

<< Demande et utilisation des services dentaires parmi les adultes québécois »

Marie Olivier Date 2 (r m- Signature f-- CL&- /

Mike Benigeri ~ a t e 24 a a Signature

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et présentée par Christophe Bedos

a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

Raynald Pineault

Jean-Marc Brodeur

Lucie Richard

Paul Allison

Jean-Paul Lussier

Président - rapporteur

Directeur de recherche

Membre du jury

Examinateur externe

Représentant du Doyen

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Cette recherche s'intéressait à la demande et à l'utilisation des services dentaires et

poursuivait deux objectifs. Le premier consistait à appréhender le comportement

habituel de demande des adultes québécois tandis que le second visait à décrire leur

itinéraire thérapeutique consécutif à un problème dentaire. À cette fin, un questionnaire

fùt adressé à 9930 parents d'enfants scolarisés en maternelle et en deuxième année, ces

derniers étant sélectionnés aléatoirement à travers le Québec dans le cadre de l'Enquête

Santé Dentaire Québec 1998-1999. Si la grande majorité des f a d e s complétèrent le

questionnaire (84,9 %), la participation des pères resta très faible puisque ceux-ci

représentent à peine 12 % de l'échantillon.

Les résultats révèlent que la majorité des parents âgés de 30 à 44 ans, 76 % des femmes

et 73 % des hommes, consultent le dentiste de manière préventive et n'attendent pas que

des problèmes se déclarent. Malheureusement, de profondes inégalités viennent ternir

ces données : tandis que les personnes riches multiplient les visites de contrôle, les

pauvres tendent à les espacer et adoptent souvent un mode de consultation

symptomatique. Or, justement, cette étude montre que ceux qui attendent l'irruption de

symptômes avant d'agir ne sont pas à l'abri des maladies (49 % d'entre eux ressentirent

un problème dentaire au cours des 12 mois précédant l'enquête) et gagneraient à

consulter plus souvent.

En affectant 12 % des répondants au cours des 12 mois de la période de rappel, le bris

d'obturation dentaire apparaît comme le problème le plus fréquemment rencontré par les

adultes québécois. Les comportements de demande qui découlent de cet événement

varient grandement d'un groupe social à l'autre : les personnes défavorisées manifestent

un attentisme qui confine parfois au refus des soins alors que les personnes aisées se

dépêchent généralement de contacter le dentiste. Ainsi, dans la catégorie de revenu

familial inférieur à 30 000 $, l'attente dépasse un mois dans 60 % des cas et n'aboutit pas

toujours à la rencontre avec un praticien. Dans la catégorie de revenu de 50 000 $ ou

plus, ce chiffre tombe à 28 %.

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En dévoilant un pan des comportements de demande et d'utilisation des adultes

québécois, cette recherche met donc à jour un phénomène douloureux dont le Québec,

comme la plupart des sociétés, ne parvient pas à sY&anchir : les inégalités sociales. En

s'appuyant sur la théorie de l'action de Bourdieu, cette étude a tenté de montrer comment

les structures sociales, économiques et sanitaires rétrécissent "l'univers des possibles"

dans lequel vivent les personnes pauvres, univers oppressant qui façonne leurs attitudes,

leurs comportements, et même, par contrecoup, ceux des dentistes. Faut-il se contenter

de cette situation? Nous ne le croyons pas. Cet ouvrage propose que le champ de la

santé publique s'investisse dans la lutte contre la pauvreté en développant des actions qui

toucheraient les domaines politique, communautaire et organisatiomel.

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TABLE DES MAI'TÈRES

SOiMM4LRE iii

LISTE DES TABLEAUX S..

VZZZ

LISTE DES FIGURES ix

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVL~TIONS xi

REERCIEmNTS xii

1. INTRODUCTION 1

2.1. Préambule 4

2.2. Principales maladies buccodentaires 4 2.2.1. Carie dentaire 4

2.2.1.1. Étio-pathogénie 4 2.2.1.2. Épidémiologie 6

2.2.2. Parodontopathies : gingivite et parodontite 9 2.2.2.1. Étio-pathogénie 9 2.2.22. Épidémiologie 1 O

2.2.3. Conchsion 1 O

23. Modèles de traitement de la carie et des parodontopathies 11 2.3.1. Modèles de traitement de la carie 11

2.3.1.1. Modèle de l'extraction - prothèse 11 2.3.1.2. Modéle restaurateur (également nommé chirurgical) 12 2.3.1 -3. Modèle préventif (également nommé médical ou non-invasif) 13 2.3.1 -4. Synthése 14

2.3.2. Traitement des parodontopathies 15

2.4. Dans quelles circonstances les Québécois devraient-ils consulter le dentiste ? - 15 2.4.1. Les symptômes douloureux sont-ils de bons hdicateurs de besoins de services ? 15

2.4.1.1. Cas de la carie 15 2.4.12. Cas des parodontopathies 17

2.4.2. Les visites asymptomatiques sont-elles recommandables ? 18 2.4.2.1. Cas de la carie 18 2-4.2.2- Cas des parodontopathies 18 2-4.2.3. Synthése 19

2-4.3. Avec quelle ftkquence planifier les visites de routine ? 19 2.4.4. Conclusion 20

2.5. Dans quelles circonstances les Québécois consultent-ils le dentiste ? 21

2.6. Demande et utilisation des services dentaires 23 2.6.1. Concepts 23

2.6.1.1. Stratdgies relatives i?î la demande et à i'utilisation 24 2.6.12. Processus de demande 26 2.6.1.3. Processus d'utilisation 28

2.6.2. Instruments de mesure 29

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2.6.2.1, Mesure de la stratégie et des comportements qui en résultent 29 2.6.22. Mesure des processus 3 1

2.7. Déterminants de la demande et de l'utilisation 32 2.7.1. Approches socioculturelles 3 3 2.7.2. Approches psychologiques 36 2.73. Approche d'Andersen 37 2.7.4. Approches privilégiées par les chercheurs en santé dentaire 39

2.8. Conclusion 40

3. OBJECTIFS DE LA RECWERCUE 42

3.1. Premier objectif : appréhender le comportement habituel de demande 43

3.2. Second objectif : décrire le processus de demande et d'utilisation en réponse à un problème dentaire 43

4.1. Stratégie de la recherche 46

4.2. Population à l'étude et échantillonnage 46 4.2.1. Population 46 4.2.2. Taille de l'échantillon et procédure d'échantillonnage 47 4.2.3. Taux de participation et pondération 48

4.3. Collecte des données et définition des variables 48 4.3- 1. Procédure de coIlecte des données 48 4.3.2. Description du questionnaire 49 4.3.3. Variables Li L'étude 50

4.3.3.1. Objectif 1 50 4.3.3.2. Objectif 2 5 1

4.4. Saisie et analyse des données 52 4.4-1. Saisie des données 52 4.4.2. Analyse des données 52

5. ARTICLE I : inégalités sociales dans la demande de services dentaires au -

Québec 54

6. ARTICLE 2 : une fréquence semestrielle des visites de contrôle est-elle nécessaire pour prévenir les problèmes dentaires des adultes ? 77

7. ARTICLE 3 : itinéraire thérapeutique des adultes québécoises après un bris - -

d'ob fura fion dentaire 94

8.1. Rappel des résultats de la recherche 115

8.2. Limites de la recherche 115 8.2-1. Conséquences de certains choix stratégiques 115

8.2.1.1. Choix de nous associer B l'Enquête Sant6 Dentaire Québec 1998- 1999 115 8.2.1.2, Choix de mettre I'accent sur les itinéraires symptomatiques 118 8.2- 1.3. Choix du cas traceur des itinéraires symptomatiques 119

8.2.2. Limites d'ordre méthodologique 120 8.2.2.1. Échantiilonnage et collecte des données 120 8.2.22, instrument de mesure 122

8.2.3. Conclusion 126

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vii

8.3. Implications de la recherche 126 8.3.1. Quelles recherches complémentaires faut-il entreprendre ? 126

8.3.1.1- Axe 1 : strategie et comportement habituel de demande 127 8.3.12. Axe 2 : éI&nents d'une stratégie préventive - modéIe thérapeutique préventif et fidquence des visites de contrôle 128 8.3.1.3. Axe 3 : processus asymptomatique et symptomatique de demande 129 8.3.1 -4- S ynthése 130

8.3.2. Quelles actions faut-il engager dans le domaine de la santé dentaire ? 131

9. CONCLUSION 135

IO. RÉ~~@RENCES 138

ANNEXE I : équipe de l'enquête santé dentaire Québec 1998-1999 xiv

ANNEXE 2 : nombre de sujets sélectionnés en maternelle et en deuxième année xv

ANN- 3 : pi& attribué aux dzflérenfes strates de 1 'échantillon xvi

ANNlX?Z 4 : version fiançaise du questionnaire adressé aux parents xviii

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 indice CAOF moyen (et ses composantes) des Québécois dentés et âgés de 35 à 44 ans en 1995 en fonction de leur revenu familial annuel

Tableau 1 . symptümes douloureux et traitements à diférents stades de la carie

Tableau III indicateurs du comportement de demande de services dentaires et concepts auxquels ils se réfirent

Tableau IV tata de réponse aux questionnaires en fonction de la zone de résidence

Tableau Y princ@aIes variables répondant à l lobjectrJf/

Tableau VI princ@ales variables réponciant à l'objectif2

ARTICLE I

Tableau 1 comportement de demande de services dentaires des adultes de diflérents pays industrialisés

Tableau 2 distribution, siratzjZe par le sexe et le revenu familial annuel, des Québécok âgés de 30 à 44 ans en fonction de leur comportement de demande de services dentaires et de la fréquence de leurs visifes de contrôle

Tableau 3 régression logistique avec comme variable dépendante le comportement de demande de services denraires

Tableau 4 traitements de la carie dentaire en fonction du comportement de demande des individus et du modèle thérapeutique adopté par les dentistes

ARTICLE 2

Tableau 1 pozircentage des Québécois âgés de 30 à 44 ans ayant ressenti un problème dentaire au cours des 12 derniers mois en fonction de leur comportement de demande

Tableau 2 pourcentage des Québécok âgés de 30 à 44 ans ayant ressenti les problèmes dentaires suivants (seul le dernier problème dentaire est rapporté par les individus) au cours des 12 derniers mois en fonction de leur comportement de demande

Tableau 1 itinéraire thérapeutique engagé par les Québécoises âgées de 30 à 44 ans après un bris d'obturation dentaire en fonction de leur revenu familial annuel 112

Tableau 2 régressions logistiqzres avec pour variables dépendantes la première décision prise après un bris d'obturation dentaire et le délai enrre le bris et la consultation dzi dentiste 113

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LIS'IT DES FIGURlES

Figure I

Figure 2

Figure 3

Figure 4

Figure 5

Figure 6

Figure 7

Figure 8

Figure 9

Figure I O

Figure 1 I

Figure 12

modèle causal de la carie

pourcentage des caries des enfants et des jeunes adultes restant confinées à l'émail en fonction de la période de suivi

attaque de la carie en fonction de I'age

pourcentage des Québécois âgés de 35 à 44 ans et complètement &dent& en 1993 en fonction de leur revenu familial annuel

pourcentage des Qzcébécok hg& de 35 à 44 ans en 1995 avec au moins une poche parodontale de 6 mm ou plus en fonction de leur revenu familial a n d

processus de perte des dents comécutifà la carie

pourcentage des QuébécoÏs âgés de 18 ans et plus ayant consulté le dentiste au cours des 12 derniers mot3 entre 1971 et 1993

pourcentage des adultes québécois ayant consulté un praticien au cours des 12 derniers mois en 1993 (pour les personnes âgées de 35 à 44 ans. les résultats sont strat~jiés selon le revenu familial annuel, le sexe et la langue d'usage)

modèle de Donabediun

modèle de Suchman

production des styles de vie selon Bourdieu

modèle d'Andersen

ARTICLE I

Figure 1 distribution, stratrjEe par le sexe, des Québécois âgés de 30 à 44 ans en fonction de leur comportement de demande de services dentaires et de la fréquence de leurs visites de contrôle 72

Figure 2 pourcentage des Québécois 5gés de 30 à 44 ans avec une scolarité collégiale ou universitaire, une vie de couple, une assurance dentaire privée et un dentiste de famille depuis p l u de 5 ans, en fonction du revenu familial annuel 74

ARTICLE 2

Figure 1

ARTICLE 3

iceberg de la carie dentaire 93

Figure I princ@ales variab les séquentielles de l'itinéraire thérapeutique 109

Figure 2 itinéraire thérapeutique engagé par les Québécoises âgées de 30 à 44 ans après un bris d o bturation dentaire 110

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Figure 3 délai avant de comlter le dentiste en fonction de la première riécuion prise (échanlilon restreiinr QUZ- Québécoises qymr ressenti un bris de plombage dam me période antérieure allant de IZ à I mois) I I I

DISCUSSION

Figure 13 production der comportements de demande ef d'urilisation der services dentaires 131

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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

CAOF L'indice CAOF estime l'expérience cumulée de la carie dentaire chez un individu. Il se calcule en additionnant le nombre de faces dentaires cariées et non traitées (composante C), absentes (composante A), et obturées par un matériau de restauration (composante O)

CAOD Comme l'indice CAOF, le CAOD mesure L'expérience cumulée de la carie dentaire chez un individu. La diflférence entre Ies deux tient seulement à l'unité d'analyse : tandis que le CAOF additionne les faces, le CAOD totalise les dents cariées et non traitées (composante C), les dents absentes (compcsante A) et les dents obturées (composante O)

CLSC Centre Local de Services Communautaires

ESDQ Enquête Santé Dentaire Québec

GRIS Groupe de Recherche Interdisciplinaire en Santé de l'université de Montréal

RAMQ Régie d'Assurance Maladie du Québec

OMS Organisation Mondiale de la Santé

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xii

REMERCIEMENTS

Au cours de ces trois années de doctorat, Jean-Marc Brodeur, mon directeur de

recherche, n'a pas ménagé ses efforts ni sa sollicitude. À dire vrai, je n'ai cessé d'être

h p p é par son inépuisable gentillesse et sa générosité. Toujours disponible et

bienveilkmt, toujours incisif dans ses critiques, Jean-Marc ne s'est pas contenté de faire

avancer mes études. Il s'est également soucié de mon avenir, professionnel ou autre, et

s'est dépensé sans compter pour me lancer sur orbite. Que dire de plus sinon lui exprimer

ma plus profonde gratitude et lui dire que, au moment de quitter l'université de

Montréal, je me sens un peu orphelin.

Voilà plusieurs années que je marche sur les pas de Mike Benigeri. A l'école dentaire, à

Paris, nous étions ensemble, dans le même promotion, nous croisant dans les couloirs de

l'université sans trop nous connaître. Puis Mike s'échappa et prit un peu d'avance. Il fila

d'abord plein sud, au Burkina Faso où, longtemps après son passage, des personnes

inconnues et rieuses m'interpeiiaient dans les rues de Fada N'Gourma pour obtenir de ses

nouvelles. Mike mit ensuite le cap à l'ouest, direction l'hiver et le Mont Royal. Et c'est

là, en septembre 1994, mon vieux sac à dos sur l'épaule, que je finis par le rejoindre et

qu'il m'accueillit sur le pas de sa porte. Depuis lors, Mike s'emploie à me dépanner

chaque fois que je suis dans le pétrin. Mon ordinateur qui flanche, des analyses

statistiques qui s'enlisent, Mike, homme-orchestre aux talents divers et à l'âme

généreuse, est toujours là pour me donner un coup de main et redresser une situation

délicate. Présent quand tout va mal, Mike est également là quand tout va bien, et je m'en

réjouis.

Mon travail s'est également appuyé sur d'autres personnes. Au sein de l'équipe de

L'Enquête Santé Dentaire Québec, Marie Olivier a toujours apporté avec sa rigueur et sa

compétence une bonne humeur communicative. Aussi nos réunions, tout en étant

productives, se déroulaient-elles dans une ambiance décontractée et joyeuse. Malgré un

emploi du temps surchargé, Slim Haddad me proposa son appui et contribua

généreusement à la construction du questionnaire qui garde l'empreinte de ses conseils et

de ses critiques. À l'université, Witnisse Méréus et Mathilde Renaud m'apportèrent un

formidable soutien en s'impliquant activement dans les prétests de mon questiomaire et

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en mtoBant leur aide dans les tâches que je trouve les plus ingrates, la vérification des

copies, la reliure des thèses ... Chantal Galameau, bien qu'exilée en Montérégie, n'hésita

pas à me proposer son appui et répondit avec célérité à mes demandes lorsque j'eus

besoin de son expérience dans le domaine des modèles thérapeutiques. L'équipe FCAR

en promotion de la santé s'impliqua à plusieurs reprises en évaluant mes articles et en me

criblant de questions. Leurs critiques et recommandations furent utiles, et en particulier

celles que Pierre Pluye émit dans son style si particulier, à la fois généreux et tonitruant.

Le personnel administratif du GRIS et du département de médecine sociale et préventive

dut régulièrement me dépanner et répara toujours avec bienveillance les multiples

erreurs qu'une aversion irrépressible pour les démarches administratives me fit

commettre. Enfin, outre les personnes qui participèrent aux prétests, près de 8500

Québécois interrompirent leurs activités et prirent un peu de leur temps pour répondre à

notre questionnaire.

Le tableau ne serait pas complet si je ne citais le soutien indéfectible de ma famille. J'ai

apprécié que mes parents et ma grand-mère se penchent sur mes articles et n'hésitent pas

à les commenter, à les questiomer, aussi. Enfin, depuis notre renconee à Port-au-Prince,

Loma m'a fait don de sa joie dc vivre et de son enthousiasme, malgré mes longues

soirées en tête-à-tête avec l'ordinateur et mon humeur noire lorsque m'accablait le

syndrome de la page blanche.

À tous, j'adresse mes remerciements.

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1. INTRODUCTION

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Loin d'être délaissé, le domaine de la demande et de l'utilisation des services dentaires a

drainé l'énergie d'une nuée de chercheurs au cours des demières décennies. Leurs efforts

conjugués et leurs assauts sans cesse renouvelés ont fait fleurir une abondante

littérature : la banque de données Medline répertorie 1000 articles répondant aux mots

clés utilizatiun et dental services pour la période qui s'étend de 1980 à 1999, et encore

ces articles ne représentent-ils qu'une partie de la production scientifique. Aussi

pourrions-nous espérer que ce thème inlassablement labouré ait livré ses secrets les plus

intimes. Malheureusement, il n'en est rien. Les recherches ont beau se répéter, les

publications s'accumuler et remplir les bibliothèques, la demande et l'utilisation des

services dentaires cachent de larges zones d'ombre.

L'obscurité la plus sombre entoure les pratiques des individus et dissimule les processus

qui les conduisent ou, peut-être, ne les conduisent pas à demander et à utiliser les

services fournis par les dentistes. Pourquoi tant d'inconnues dans un domaine aussi

parcouru ? Les chercheurs pèchent avant tout dans la conceptualisation de la demande et

de l'utilisation, étape qu'ils survolent ou esquivent pour directement aborder la mesure à

l'aide d'indicateurs simples et souvent de faible validité. Aussi leurs résultats se prêtent-

ils à des interprétations somme toute assez modestes et offrent peu de pistes d'action.

Si ces lacunes conceptuelles et méthodologiques attirèrent notre attention et soulevèrent

notre intérêt pour ce domaine, ce sont les chiffres catastrophiques sur l'état dentaire des

adultes québécois qui décidèrent de notre engagement. Car la situation est plus grave

qu'il n'y parait. Demère le déclin séculaire de la carie que l'on annonce en fanfare se

cache un phénomène d'édentation qui fait des ravages d'autant plus douloureux et

intolérables qu'ils s'imprègnent de profondes inégalités sociales. Nous croyons que cette

situation trouve son origine, du moins en grande partie, dans les comportements des

Québécois relatifs à la demande et à l'utilisation des services dentaires. Cet ouvrage

s'attachera donc à mieux les comprendre, à mieux les appréhender, et engagera pour cela

une réflexion touchant à la fois les concepts et les instnunents de mesure.

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2. REVUE DE LA LITTÉRATURE

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2.1. Préambule

Avant que le lecteur n'entame la lecture des trois articles qui constituent le cœur de cette

thése, nous l'invitons à parcourir une revue de la littérature qui commence ici. Toute

randonnée en montagne débute dans la vallée dont elle emprunte les sentiers battus et

s'élève lentement dans une longue marche d'approche. C'est ce que nous ferons en nous

attardant sur les principales affections buccales, la carie et les parodontopathies, que

nous décrirons sous différents angles : la pathogénèse, la distribution dans le temps et

l'espace et enfin les traitements. Ces longs prolégomènes ne seront pas inutiles. D'abord

parce que ces thèmes sont dynamiques et sujets à controverses, ensuite parce qu'ils nous

aideront à déterminer des stratégies comportementales satisfaisantes en regard de la

demande et de l'utilisation des services dentaires. Ces stratégies sont-elles suivies par les

Québécois? La section 2.5 montrera que les données dont nous disposons sont

parcellaires, incomplètes et laissent cette question en suspens. Aussi terminerons-nous

par un vaste tour d'horizon sur les concepts associes à la demande, à l'utilisation, aux

processus qui les font mûrir et, enfin, à leurs déterminants.

2.2. Principales maladies buccodentaires

2.2.1. Carie dentaire

Héritier des théories microbiennes de la fin du 19e siècle, le modèle causal de la carie

dentaire auquel adhèrent Les biologistes repose sur

trois éléments primaires qui s'entrelacent et se

conjuguent (figure 1) : l'hôte (la dent), l'agent (la

flore bactérienne) et le substrat. C'est ce dernier,

fortement lié à l'alimentation, qui fournit à la flore

microbienne ses besoins nutritionnels et

énergétiques pour envahir les surfaces dentaires, les

coloniser et sécréter des substances chimiques

Figure 1 : rnodéle causal de la carie (adapté de Keyes (1) et de Nikifomk (2))

responsables de la destruction des dents. À ces éléments primaires s'ajoutent des facteurs

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secondaires qui, comme le flux salivaire et son pouvoir tampon, é toeen t ou raniment le

processus carieux et modulent la progression de la maladie dans un sens ou dans

l'autre (2)-

La carie débute par une déminéraiisation superficielle de l'émail, simple petite tache

blanche qui n'entame pas la surface dentaire. Avec le temps, elle forme une cavité qui

s'insinue progressivement dans l'émail, s'introduit dans la dentine sous-jacente et se

dirige lentement vers le cœur de la dent, la pulpe. Si son cours n'est pas contrarié, la

carie finit par grignoter la totalité de la dent. Cette maladie se déclare avant tout sur les

surfaces rugueuses des dents où les micro-organismes, mettant à profit les puits, les

fosses et les sillons, trouvent une niche à l'abri des contraintes physiques pour

entreprendre leur tâche destructrice. Chez les adultes, la carie apparaît aussi sur les

surfaces radiculaires que la gencive dénude parfois sous l'effet de l'âge ou des maladies

parodontdes. Si longtemps les chercheurs ont pensé que le processus carieux était

linéaire et affichait son destin funeste dès le stade initial (3), la plupart, aujourd'hui,

rejettent vigoureusement ce modèle déjà désuet : face à la déminéralisation de la dent se

dresserait un processus inverse de reminéralisation, l'un succédant à l'autre dans

d'incessants mouvements de balancier(4). De ce grand "bras de fer" d'où la

déminéralisation triompha souvent dans le passé, la reminéralisation semble aujourd'hui

prendre s a revanche : désormais contrariée, la carie dentaire évolue lentement et parfois

même se fige, vaincue. Ce phénomène s'observe clairement parmi les enfants et les

jeunes adultes dont environ les trois quarts des lésions restent confinées à l'émail après

deux ans et cette proportion ne fléchit que doucement avec le temps (5) (figure 2).

Lorsque la carie fianchit la jonction amélo-dentinaire, toutefois, sa course à travers les

tissus plus tendres de La dentine devient plus facile et semble s'accélérer (6, 7). Restons

tout de même prudents, ce sujet manque de données et d'ailleurs, comment pourrait-il en

être autrement ? Évaluer la vitesse de la maladie dans la dentine fait courir le risque de

lésions pulpaires irréversibles et pose aux chercheurs d'incontournables questions d'ordre

éthique.

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Figure 2 : pourcentage des caries des enfants et des jeunes adultes restant confinées à l'émail en fonction de la période de suivi (adapté de Pitts (5))

La carie dentaire est considérée comme une maladie moderne des pays occidentaux, non

qu'elle n'existait pas dans les temps anciens, mais parce qu'elle prit son essor dans la

seconde moitié du 19= siècle (8-11) pour atteindre son apogée dans les années 1960-

1970. Jugée par l'OMS comme l'un des grands fléaux de notre temps, elle affectait la

quasi totalité de la population des sociétés industrielies. C'est alors que, par un

revirement dont l'histoire est pourtant coutumière, elle prit le monde par surprise en

amorçant un fiacassant déclin parmi les jeunes. Le Québec, comme les autres, fut

entraîné dans cette chute dont l'indice CAOF' enregistra l'amplitude : parmi les

adolescents de 14 ans, sa valeur moyenne dégringola de 9,4 a 3,2 entre 1977 et

1997 (12).

Ce déclin inattendu de la carie qui réjouit les épidémiologistes et pousse même

Baum (13) à évoquer la mort de la dentisterie présage-t-il un avenir radieux pour la santé

buccodentaire des Québécois ? Malheureusement, nous en doutons. Notre manque de

confiance en des "lendemains qui chantent" reflète peut-être un scepticisme naturel. Sans

doute se nourrit-il aussi du regard que nous portons s u . l'histoire, sur ses tropismes, ses

déterminismes et ses hasards. Retournons-nous sur les maladies infectieuses qui

labourèrent les siècles, sur la peste qui joua à lui terrifiant cache-cache avec l'humanité,

profitant de longs silences pour calmer les inquiétudes avant de lancer ses attaques

mortelles (14). Sans nous aventurer dans des comparaisons hasardeuses, que penser du

' L'indice CAOF estime i'expérience cumulée de la carie dentaire chez un individu. Il se c a l d e en additionnant le nombre de faces dentaires cariées et non traitées (composante C), absentes (composante A), et obturees par un matériau de restauration (composante O).

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déclin de la carie ? Nos héros modernes, les fluorures, ont-ils définitivement gagné la

partie ? 11 y a lieu d'en douter. La carie recule, se tapit, se cache, mais ne s'efface pas,

simplement ralentie par un rééquilibrage des forces qui s'opposent, la déminéralisation

d'un coté, la reminéralisation de l'autre(4). Ses pics d'incidence, qui culminent

traditionnellement à 6 et 14 ans, subissent une sévère érosion, mais ils tiennent toujours.

Et puis, qui sait si la maladie ne prépare pas sa contre-attaque et ne s'apprête à rejaillir à

l'âge adulte, sous la forme d'une recrudescence des lésions radiculaires, par exemple

(figure 3). Les jeunes de 14 ans, parmi lesquels nous soulignions plus tôt la chute de

l'indice CAOF, ne sont donc pas tirés d'affaire et leur route est encore bien longue.

Figure 3 : attaque de Ia carie en fonction de t'âge (adapte de Nikiforuk (2, p42))

Âge (annf es)

Notre pessimisme se nourrit aussi de la situation dentaire catastrophique des adultes nés

trop tôt pour avoir pleinement profité du déclin de la carie. Ainsi, 14 % des Québécois

âgés de 35 à 41 ans ont déjà perdu toutes leurs dents naturelles et cette proportion enfle

lorsque les cohortes vieillissent : 22 % entre 45 et 54 ans, 37 % entre 55 et 64 ans et

58 % à partir de 65 ans (15). Faut-il, pour finir, nous pencher sur les inégalités sociales

et souligner que la carie sévit panni les plus pauvres, marqués dès l'enfance par leur

origine sociale et leurs difficiles conditions d'existence ? Ainsi, pratiquement le quaxt des

personnes âgées de 35 à 44 ans et gagnant moins de 25 000 $ par an sont totalement

édentées (l5), chifne qui laisse pantois les chercheurs et les intervenants en santé

publique et accable une société dont une des vocations est d'assurer le bien-être de tous

les individus, sans discrimination (figure 4).

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Figure 4 : pourcentage des Québécois âgés de 35 à 44 ans et complètement édentés en 1993 e n fonction de leur revenu familia1 annuel

20%

10%

0% /s Revenu familial

+O - '*o. annuel "'sa

Oos

Si L'on s'intéresse à la partie cachée de l'iceberg, c'est à dire aux seules personnes qui

conservent des dents naturelles, les inégalités sociales persistent en dépit d'un biais dans

les comparaisons. Certes, les plus démunis ne montrent pas une plus grande expérience

de la carie, l'indice CAOF variant peu selon le revenu, mais ils affichent plus de dents

absentes que les riches (16) (tableau 1). Ils présentent aussi plus de caries non traitées,

2,6 contre 0,9 en moyenne par personne, valeur qui trahirait un recours trop tardif aux

services dentaires ou leur utilisation inadéquate.

En bref, derrière le déclin de la carie et l'optimisme qui l'accompagne se cache une

réalité douloureuse. Douloureuse pour beaucoup de personnes pauvres qui duchappent

pas à une maladie dont les symptômes rythment le cours de la vie et laissent souvent des

séquelles indélébiles : la perte des dents. La réalité est également déplaisante pour les

chercheurs en santé publique et, nous le croyons, pour de nombreux dentistes que la

carie dentaire et l'édentation remplissent d'un sentiment d'échec, d'impuissance ou de

culpabilité.

Tableau 1 : indice CAOF moyen (et ses composantes) des Québécois dent& et âgés de 35 à 44 ans en 1995 en fonction de leur revenu familial annuel

Revenu familial annuel Nombre de faces Nombre de faces (dents) Nombre de faces Total cariées non traitées absentes obturées (imdice CAOF)

Moins de 30 000 $

30 O00 $ il 59 999 %

60 O00 % ou plus

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2.2-2- Parodontopathies : gîngivite et parodontite

Les parodontopathies désignent un ensemble d'affections Mammatoires des tissus mous

et osseux qui soutiennent les dents. Comme la carie, elles sont causées par des bactéries

qu'abrite la cavité buccale et qui s'accumulent naturellement autour des dents sous la

forme d'une pellicuie blanche et moUe, la plaque (17). Si cette dernière, redoutable, n'est

pas éliminée lors du brossage ou par la Mction des aliments, des lèvres ou de la langue,

elle entraîne vite une inflammation de la gencive que l'on nomme gingivite et qui, au

bout de 10 à 21 jours, alerte la personne par des saignements, parfois spontanés, mais

aussi par des douleurs et des altérations de la morphologie tissulaire : la gencive gonfle

et abandonne sa codeur habituelle pour un rouge vif(18).

Battant vite en retraite lorsque la personne améliore son hygiène buccale, la gingivite

s'attarde indéfiniment si un équilibre s'établit entre les défenses corporelles et les rnicro-

organismes. Parfois, ce fragile équilibre se brise et l'inflammation prend le dessus, se

propageant aux tissus sous-jacents et donnant naissance à la parodontite. Alors

commence son long travail de sape : la maladie détruit progressivement l'os alvéolaire et

les dents, perdant leur soutien naturel, se mobilisent lentement jusqu'au jour où, en bout

de course, déracinées, elles f i s sen t par tomber. Si la perte d'attache osseuse

s'accompagne parfois d'une récession gingivale qui dénude les racines deritaires, souvent

la gencive se plaque-t-elle contre les surfaces radiculaires pour former des poches riches

en germes pathogènes qui, en s'approfondissant, deviennent vite inaccessibles au

nettoyage quotidien. Soulignons que, contrairement à la gingivite, la parodontite

provoque des lésions qui se montrent difficilement réversibles : le terrain perdu et

abandonné à la maladie se récupère rarement (1 8).

La parodontite progresse différemment selon les individus et l'état d'avancement de la

maladie. Tantôt elle évolue de manière linéaire, tantôt elle se manifeste par de brusques

poussées entrecoupées de longues périodes de rémission, plusieurs années en l'absence

de traitements (19, 20). Par exemple, dans un groupe de laboureurs sri lankais dont

l'hygiène buccodentaire était loin d'être une préoccupation majeure, Loe (2 1) a constaté

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que la maladie ne progressait rapidement, jusqu'à un millimètre par année, que dans un

petit groupe d'individus, à peine 8 % de l'échantillon. Pour la grande majorité des

laboureurs, 8 1 %, la perte d'attache osseuse restait modeste en ne dépassant pas un demi

millimètre par an sur une période de 15 ans- Enfin, pour les I l % restants, la situation ne

s'aggravait pas pendant la durée de l'étude.

La gingivite se déclare très tôt dans l'enfance et se répand si vite qu'à la puberté elle

n'épargne presque personne. Sa prévalence et sa gravité amorcent alors un léger reflux,

courte période de répit accordée à l'adolescence avant l'arrivée d'une nouvelle vague à

l'âge adulte. Excepté dans ses formes juvéniles, très rares, la parodontite se manifeste

surtout après 40 ans, c'est pourquoi elle fut longtemps considérée comme un signe

normal de vieillissement alors que l'influence de l'âge reflète simplement une plus

longue exposition aux facteurs étiologiques (18). Au Québec, en 1995, 52 % des

personnes âgées de 35 à 44 ans présentaient au moins une poche parodontale de quatre à

cinq millimètres de profondeur et 21 % montraient une poche de six millimètres ou

plus (16). Ici encore, les Québécois ne sont pas égaux face à la maladie et leur condition

sociale vient jouer un bien triste jeu : si les poches profondes affectent peu les riches, il

en va différemment des pauvres, la prévalence s'élevant à 29 % (22) pamll ceux gagnant

moins de 30 000 $ par an (figure 5).

Figure 5 : pourcentage des Québécois âgés de 35 à 44 ans en 1995 avec au moins une poche parodontale de 6 mm ou plus en fonction de leur revenu famiIia1 annuel

30%

20%

10% Revenu familial

Moins dc 30 000s 30 000 a 59 999s 60 000s ou plus annuel

2.2.3. Conclusion

Ainsi, davantage affectés par la carie et par les parodontopathies, les Québécois de

milieu défavorisé sont victimes d'édentations précoces et extensives. Le domaine

buccodentaire n'échappe donc pas à des inégalités sociales qui, faut-il le rappeler,

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touchent profondément les autres domaines de la santé et génèrent une abondante

littérature. Aussi renvoyons-nous le lecteur intéressé par ce sujet vers des ouvrages de

référence. concernant le Québec, citons le Rapport annuel 1998 sur la santé de la

population publié par la Direction de la santé publique de Montréal-Centre. Ce rapport

brosse un portait inquiétant de notre société où, "pour les résidents des quartiers à faible

revenu de Montréal, L'espérance de vie est de 5 ans inférieure à celle dans les zones à

revenu élevé. Il ne s'agit pas de quelques années à soustraire a la fin d'une longue vie par

ailleurs en santé, mais souvent d'une vie de qualité réduite, car les inégalités sociales de

la santé s'observent à tous les âges de la vie (. . .)" (23, p iv). Citons également le rapport

Black (24). Publié en Angleterre en 1980, celui-ci montrait que les gens riches vivaient

plus longtemps que les pauvres, et que cet écart s'était accru au cours des 50 dernières

années. Enfin, toujours en Angleterre, ment io~ons l'étude de Whittehall initiée par Rose

et Marmot (25) chez des cols blancs de la fonction publique et remarquablement

synthétisée par Evans (26). Là encore, le taux de mortalité augmente lorsque le rang

social diminue, et ce lien s'applique à toutes les causes de décès étudiées, même en

contrôlant pour les facteurs de risque connus.

2.3. Modèles de traitement de la carie et des parodontopathies

2.3.1. Modèles de traitemen[ de la carie

Dans le traitement de la carie dentaire, trois modèles ont parcouru et successivement

dominé le 20e siècle : l'extraction, la restauration et la prévention.

2.3.1.1. Modèle de L'extraction - prothèse

L'extraction de la dent et son éventuel remplacement prothétique constituait la réponse

typique du dentiste face à la carie à la fin du 19' siècle et au début du 20e (27), non qu'il

fut impossible d'obturer les cavités, le praticien s'y hasardait quelquefois (28), mais

parce que les matériaux et les techniques restaient modestes et les coûts trop élevés pour

la plus grande partie de la population. Un faible accès géographique aux services laissait

également peu d'alternatives : seules des raisons impérieuses motivaient la consultation

du dentiste. Ce modèle, aujourd'hui décrié, symbole douloureux que la profession

dentaire tente d'enfouir dans son passé, continue pourtant son règne dans beaucoup de

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pays en développement où les dentistes, peu nombreux, accablés par une instrumentation

désuète, soulagent ies souffi.ances et se résignent au rôle ingrat "d'arracheurs de dents".

Si au Québec et dans les autres sociétés industrieiles les praticiens renvoient ce modèle à

la préhistoire de la dentisterie, que dire des populations ? Certains groupes ne s'y

réfèrent-ils pas, encore et toujours ? Rappelons que les couches les plus basses de notre

société sont meurtries par le phénomène de l'édentation, signe anachronique d'une

demande pour un traitement sufanné.

2.3.1.2. Modèle restaurateur (également nommé chirurgical)

L'extraction fût abandornée pour une approche dont les principes techniques, énoncés

par Black (29) en 1908, traversèrent le 20' siècle sans grande concurrence, ni remise en

question, si bien qu'on eût pu les croire éternels. Dans cette révolution thérapeutique, le

dentiste se débarrassa de son habit d'arracheur de dents pour enfiler celui de restaurateur,

d'artiste, accédant ainsi à la noblesse que cet état confere. Car avec le modèle

restaurateur désormais, le praticien refuse l'extraction si ce n'est en dernière extrémité : il

élimine les tissus cariés, taille une cavité rétentive dans l'émail et la dentine puis l'obhue

à l'aide d'un matériau inerte, l'amalgame, qu'il sculpte pour que la dent retrouve sa

morphologie, sa fonction et sa beauté. Malheureusement, si la restauration permet au

professionnel de "sauver" l'organe dentaire et d'exercer ses talents artistiques, le recul

montre qu'elle est souvent de courte durée, qu'une carie se déclare à nouveau sur les

tissus sains ou que l'amalgame, vieilli, usé, perde son intégrité ou se brise. Ainsi la dent

cariée entre-t-elle dans des cycles de restauration - rerestauration qui vont en

s'accélérant car le nouvel amalgame est généralement plus volumineux et plus fragile

que celui qu'il remplace (30,3 1). En bout de course, il faut souvent se résoudre à ce que,

justement, l'on souhaitait éviter : l'extraction (figure 6).

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Figure 6 : processus de perte des dents consécutif a la carie (adapté de Kingman (32))

--i L a carie &vollie jusqu'à la perte de la dent (modèle 0 --b= - a --+- 4 :.-.t de l'extraction)

1' 1 1' ---: La dent carite est restain& mais une succession de - cycles de resrauration - rerestauration ccndiot

.I lentement ii la perte de Ia dent

L'efficacité du modèle restaurateur pour fieiner le processus de perte des dents dépend

beaucoup du stade de la carie : lorsque celle-ci débute, le dentiste pose un petit

amalgame dont la solidité lui assure une longue vie (flèche 1 sur la figure 6); en

revanche, quand elle est étendue et profonde, elle exige du praticien un amalgame

volumineux, h g i l e (flèche 2), conduisant à brève échéance à la pose d'un nouvelle

obturation, d'une couronne prothétique (flèche 3) ou même à l'extraction (flèche 4). Bien

évidemment, la résistance de l'amalgame dépend aussi de la compétence du dentiste et

de la qualité des matériaux qu'il emploie. Au sein d'un même pays, la Grande Bretagne,

Maryniuk (33) note que la durée médiane de vie des amalgames varie de 5,5 à 11,s

années d'une étude longitudinale à l'autre. Akerboom (34) laisse penser que cette période

pourrait être un peu plus longue en constatant que seuls 8,5 % des amalgames couvrant

plusieurs surfaces dentaires sont changés après dix ans. Toujours est-il que le modèle

restaurateur de traitement de la carie dentaire, en exigeant le contrôle et le

renouveIlement des amalgames, crée des besoins de longue haleine qui occupent jusqu'à

71 % de toute l'activité des dentistes (30) et qui, en conséquence, drainent d'énormes

ressources économiques.

2.3.1.3. Modèle préventif (également nommé médical ou non-invasif)

C'est avec le déclin de la carie que le modèle restaurateur commença à subir les assauts

des critiques et, soudain, vacilla sur des bases devenues fiagiles. En effet, avec le lourd

fardeau des cycles de restauration de la dent, restait-il pertinent d'obturer des lésions qui,

par un rééquilibrage des processus de déminéralisation et de reminéralisation, risquaient

de guérir sans l'aide du dentiste ? N'était-il pas préférable d'attendre, de surveiller

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l'évolution des lésions, et même de les aider à se reminéraliser ? Ne devait-on pas limiter

l'usage des amalgames aux seuls cas où la carie ne s'arrêtait pas et menaçait la pulpe

dentaire ? C'est avec ces remises en question que prit forme un modèle préventif destiné

à préserver l'intégrité des tissus dentaires et à augmenter les chances de conservation des

dents sur l'arcade, modèle basé sur "le diagnostic de l'activité carieuse, I'instauration de

mesures prophylactiques individualisées visant la reminéralisation des lésions, le suivi

médical des lésions (monitoring) jusqu'à confirmation de la rerninéraiisation, les

traitements restaurateurs étant réservés aux lésions avec cavitation" (3 5).

Sapé dans ses fondations, le modèle restaurateur bat aujourd'hui en retraite et laisse

lentement sa place au modèle préventif dans les universités, presque à regret, sous la

pression de personnages charismatiques tel Anusavice (30) qui, en 1995, vitupérait les

nombreuses écoles dentaires américaines tardant à enseigner les protocoles de

reminéralisation. Tout changement de paradigme se fait dans la douleur, laissant les

personnes désemparées, perdues (36, p123), et les dentistes n'échappent pas à ce

sentiment troublant car la majorité d'entre eux proviennent du même moule de l'école

restauratrice. Aussi peut-on comprendre les difficultés qu'ils éprouvent face à cette

révolution, pas tant dans l'acquisition de nouvelles techniques, qui restent simples au

demeurant, que dans l'abandon d'une certaine vision de la dentisterie et de ses grands

maîtres.

2.3.1.4. Synthèse

Nettleton (37, p29) soutient que la dentisterie s'est fondée sur le concept de prévention, à

l'image de la santé publique. En fait, il lui aura fallu près d'un siècle pour passer d'un

modèle de prévention tertiaire à un modèle de prévention primaire de la carie même si,

aujourd'hui encore, les trois approches continuent à cohabiter et à rivaliser. L'application

du premier modèle conduit à une édentation précoce des individus, et l'on peut

s'inquiéter de sa survivance auprès des Québécois de milieu défavorisé dont l'indice

CAOD subit l'emprise de la composante A (nombre de dents absentes). Le modèle

restaurateur ne fait pas fléchir la valeur absolue du CAOD (38), mais, correctement

appliqué, il soulage la composante A, ne serait ce que de manière temporaire, en

transférant son poids a la composante O (nombre de dents obturées). Finalement, le

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modèle préventif tranche avec les deux précédents puisqu'il tente de conserver les dents

saines et un indice CAOD proche de la vaieur zéro. Malheureusement, son implantation

est encore lente en Amérique du Nord et bien sûr au Québec où, par exemple, les jeunes

reçoivent très peu d'agents de scellement, minces films plastiques codés dans les puits et

sillons des dents (39).

2.3.2. Traitement des parodontopathies

Les procédures pour traiter la gingivite sont les mêmes que celles destinées à la prévenir

et se résument essentiellement à l'elimination mécanique de la plaque. L'individu y

prend une part importante par le brossage et l'utilisation de la soie, de même que le

professionnel, hygiéniste ou dentiste, qui enseigne l'hygiène et complète la prophylaxie

en enlevant les accumuiations de plaque molle ou calcifiée (tartre). Également

applicables au traitement et à la prévention de la parodontite, ces mesures ne sufnsent

pas lorsque les poches parodontales s'approfondissent trop. Inaccessibles au brossage au

delà de cinq millimètres de profondeur (1 7) et riches en germes pathogènes, les poches

doivent être réduites ou même supprimées par des interventions chirurgicales touchant

les tissus osseux et gingivaux (40). Le contour gingival ainsi remodelé, l'élimination de

la plaque redevient possible et permet de fieiner ou même de bloquer le processus de

perte d'attache de la dent.

2.4. Dans quelles circonstances les Québécois devraient-ils consulter le dentiste ?

2.4.1. Les symptômes douloureux sont-ils de bons indicateurs de besoins de

services ?

2.4.1.1. Cas de Ia carie

Brefs et discrets, les premiers symptômes douloureux de la carie apparaissent lorsque

celle-ci a fianchi l'émail et pénétre un tissu parcouru de fibres nerveuses, la dentine. Le

froid des boissons et des aliments provoque alors une sensation désagréable mais si

furtive au début que la personne n'y accorde pas toujours de l'importance et parfois

même l'ignore. C'est donc souvent par un coup de tonnerre que la carie, atteignant la

pulpe dentaire, fait son entrée en scène : des douleurs violentes, spontanées, éclatent

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brutalement et laissent peu de répit à l'individu dont la préoccupation majeure devient le

soulagement de ses so&ances (tableau II),

Dans le modèle radical de l'extraction, les symptômes signalent qu'une dent est malade

et qu'un destin tragique l'appelle. Aussi la personne qui en est victime doit-elle se

résigner au pire, l'extraction, soit en anticipant la rage de dents qui s'annonce, soit en

attendant que Ia douleur apparaisse et ne laisse plus d'alternative. En bref, les symptômes

constituent un indicateur valable de besoins de services puisqu'aucun traitement

améliorant le pronostic n'est disponible pendant la période présymptomatique. Avec le

modèle restaurateur, en revanche, Ies perspectives changent. En consultant après la

survenue des symptômes, la personne se prive d'une obturation précoce de la carie qui

améliorerait l'espérance de vie de la dent. Le modèle préventif va encore plus loin en

accroissant les bénéfices des traitements présymptomatiques : la remïnéralisation

entreprise lorsque la lésion est superficielle bloque la cane et évite d'engager la dent

dans des cycles de restauration - rerestauration qui conduisent souvent à l'extraction. En

conclusion, nos deux révolutions thérapeutiques ont relégué les symptômes de la carie

au rang d'indicateurs tardifs des besoins en services. Si le modèle de l'extraction

enfermait l'individu dans un monde de sensations, de perceptions et de douleurs, le

modèle restaurateur et, a forliori, le modèle préventif aspirent à le plonger dans un

monde asymptomatique et paisible.

Tableau II : symptômes douloureux et traitements a différents stades de la carie

Progression de la carie Ldsion superficielle de Cavité limitée A l'émail Cavitt touchant la Lésion atteignant la dentaire I'email dentine pulpe

Traitement requis avec le modéle de l'extraction

Traitement requis avec le modèle restaurateur

Rares Sensibilité au froid Douleur spontanée ("rage de dentn)

Amalgame

Extraction

Amalgame Traitement de canal / coumnne

Traitement requis avec le Services préventifi Services pdventiti Services prkventifi Tnitement de canal / modtle prkventif (rerninéralisation) (rernintralisation) etfou amalgame couronne

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Nous terminerons cette section relative à la carie dentaire en abordant le cas de son

principal avatar, l'amalgame. Faut-il le remplacer après quelques années ou simplement

attendre qu'il se brise et attire l'attention de l'individu? Le renouvellement de

l'amalgame usé, vieilli par les années, mais encore solide, fonctionnel et

asymptomatique, est une tentation qui dépasse le simple intérêt financier du dentiste, Ie

modèle restaurateur ayant poussé au plus haut degré le culte de la perfection de sa

morphologie, de Ia finesse de ses sculptures et, disons-le, de sa beauté. Si l'avènement du

modèle préventif ne remet pas en cause un certain perfectionnisme, il met toutefois en

garde contre ses excès : le vieillissement de l'amalgame ne signifie pas qu'il perd ses

qualités fonctionnelles. La rerestauration précoce apporte donc de faibles bénéfices en

regard de ses inconvénients, souvenons-nous que la nouvelle obturation tend a dépasser

en volume et en fiagilité celle dont elle prend la place- Voici pourquoi, contrairement à

Ia carie qu'fi s'agit de traiter le plus tôt possible, Anusavice (30) recommande le plus

grand attentisme dans le renouvellement de l'amalgame et suggère même de le réparer

pour repousser cette échéance.

2.4.1.2. Cas des parodontopathies

Symptômes classiques de la gingivite, la douleur, les saignements et la mauvaise haleine

sont si discrets et si banals qu'ils laissent souvent la personne dans l'ignorance de sa

maladie et même de la conversion de celle-ci en parodontite. Parfois est-ce la mobilité

dentaire qui, beaucoup plus tard, éveille L'attention; dans d'autres cas, c'est la poche

parodontale dont Ia profondeur excessive génère un abcès qui déforme Ie contour des

muqueuses et provoque des douleurs plus violentes.

Dans la cas de la gingivite, la douleur et les saignements constituent un bon indicateur

d'un besoin en mesures prophylactiques, et l'individu peut les adopter ou les renforcer

sans nécessairement faire appel à un professionnel (1 8). Il en va différemment pour la

parodontite en raison de son caractère irréversible et de la discrétion des symptômes qui

jalonnent sa progression. Ces derniers conduisent à une consultation tardive du dentiste

qui prive l'individu de traitements précoces relativement efficaces (41) : nettoyage et

curetage si les poches sont de profondeur moyenne, interventions chirurgicales

lorsqu'elles se révèlent profondes.

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2-42. Les visites asymptomaîiques sont-elles recornrnundables ?

Puisque les symptômes de la carie et de la parodontite sont des indicateurs tardifs d'un

besoin en services dentaires, la logique appelle des consultations précoces,

asymptomatiques, que les dentistes prônent avec beaucoup d'ardeur même si Hill (42)

tempère quelque peu leur zèle en posant trois conditions d'ordre sanitaire : les tests de

diagnostic sont-ils valides et montrent-ils une forte valeur prédictive positive ? Le

diagnostic précoce améliore-t-il le pronostic ? Les traitements et, ajoutons-le, Ies

mesures préventives sont-elles efficaces ? Dans les paragraphes précédents, nous avons

répondu par l'affirmative aux deux dernières conditions, aussi nous reste-t-il la première

que nous traiterons dans les sections suivantes.

2.4.2.1, Cas de lacarie

Traditionnellement, les dentistes examinent la cavité buccale et posent leur diagnostic en

s'aidant d'une lampe, d'un miroir et d'un explorateur. Malgré la confiance rassurante

qu'ils dégagent dans cette situation, leur diagnostic souffre parfois d'erreurs, non par

manque de compétence, mais simplement parce que les caries peu volumineuses sont

difficiles à détecter et trompent parfois leur œil exercé. Certes, l'examen clinique

conventionnel affiche une forte spécificité, mais sa sensibilité est faible Lorsque la lésion

se limite à l'émail et à la dentine (43). Elle tend même à se dégrader avec l'accroissement

récent des caries cachées (hidden caries), nommées ainsi parce qu'elles se dissimulent

derrière une surface pratiquement intacte et progressent dans la plus grande

discrétion (44). La dentisterie dispose de tout un arsenal technologique pour éclairer les

diagnostics, mais beaucoup de praticiens tardent à en profiter (45). Par exemple, si la

radiographie s'est implantée il y a longtemps dans les cabinets dentaires, cela n'est pas

encore le cas pour l'illumination par fibre optique (FOR) ou pour les systèmes utilisant

la conduction électrique.

2.4.2.2. Cas des parodontopathies

Le sondage de la profondeur des poches à l'aide d'une sonde parodontale o B e au

dentiste une mesure satisfaisante de la perte d'attache osseuse (46). Celle-ci indique une

activité microbienne antérieure mais fournit toutefois peu d'indications sur l'activité

présente et fiture d'une maladie qui progresse souvent par à-coups. Haffajee (47), par

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exemple, révèle que les poches, les saignements et même la suppuration constituent un

très mauvais prédicteur d'une aggravation de la maladie, ce qui conduit sans doute

Loe (48) à déclarer : "I would submit that the most profound problem in clinical

periodontolog~ today is the Zack of precise criteria for disease acrivity and for

identifying patients at risk".

2-4.2.3, Synthèse

Les tests de dépistage des maladies buccodentaires recueillent donc quelques critiques :

pour la carie, le passage du modèle restaurateur au modèle préventif exige une détection

plus précoce des lésions et appelle l'adoption d'outils plus sensibles par les dentistes;

pour la parodontite, le diagnostic se montre satisfaisant mais la prédiction d'une

aggravation de la maladie reste fort aléatoire. Malgré ces lacunes que la profession

dentaire devra bien combler un jour, Leake(41) estime que la consultation

asymptomatique du dentiste est pertinente, surtout pour la carie, et répond globalement

aux exigences formulées par Hill (42).

2.4-3. Avec quelle fréquence planifier les visites de routine ?

De la conviction que les visites asymptomatiques étaient pertinentes, à la prescription de

leur fréquence semestrielle, il n'y eut qu'un pas que l'Association Dentaire Britannique

h-anchit dès 1893 (37, p33), posant ainsi les fondations d'un dogme auquel s'accrochent

toujours la plupart des praticiens et notamment ceux du Québec (49). Aucune Bastille

n'étant sans faille, Sheiham (50, 5 1) lui décocha ses premières flèches à la fin des années

1970 en estimant que Ia consultation semestrielle ne reposait pas sur des bases

scientifiques. Selon lui, la vitesse de progression des maladies buccodentaires serait

l'élément essentiel à considérer pour planifier les visites : en l'occurrence, leur lenteur

justifierait un espacement des rencontres d'autant plus grand que les personnes seraient

âgées. Cette croisade trouva un écho favorable dans un pays comme la Norvège qui,

abandonnant ses vieux principes, décida d'espacer les visites de rappel jusqu'à 20 mois

pour 80 % des adolescents et, dans le même temps, choisit d'appliquer un modèle de

traitement préventif de la carie dentaire qui, nous l'avons vu, exige pourtant une

détection précoce des lésions (52). Une des caractéristiques intéressantes du programme

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norvégien tient à une certaine flexibilité accordée au dentiste qui peut écarter

contraire rapprocher les visites selon le risque ou la vulnérabilité de l'enfant (53).

Peu sensible aux arguments de Sheiharn, EIderton (54) s'est posé en défenseur de la

visite semestrielle, surtout avec l'avènement du modèle préventif qui réclamerait un

renforcement des contacts entre l'individu et son dentiste : "Patients have to be

repeatedly exhorted and re-advised"' . Néanmoins, même dans ce cadre, les perspectives

changent. En 1999, dans un forum de discussion intemet, un professeur d'université de

New York faisait partager sa vision d'une dentisterie nouvelle dans laquelle le

professionnel s'intégrerait pleinement à sa communauté et délaisserait son rôle

traditionnel de "mécanicien" :

"lf we look beyond cavities, we see dentists who are practising as doctors; they do growth counselling, talk about overall nutrition and body health, make sure sealants are placed on potentially susceptible surfaces they have identifed and pay close attention to over-retention of primary teeth. They look for signs of unusual Wear, e-g. erosion. They think about and custom-make mourh protectors to prevent unnecessary trauma etc, etc. There is plenty for them to do of a preventive nature on recalls" .

Ainsi le déclin de la carie dentaire, induisant un modèle préventif de traitement, dans un

étrange paradoxe, justifierait aujourd'hui une emprise accrue du dentiste sur ses clients.

C'est la voie qu'a choisie la ville de New, au Danemark, en implantant un programme

municipal destiné aux enfants et résolument axé sur la prévention. En fonction du risque

individuel, les séances consacrées à l'hygiène buccodentaire, à l'éducation pour la santé

et au contrôle des caries se trouvent ainsi multipliées, jusqu'à 11 par an pour certains

enfants. Selon Thylstnip (59, cette débauche d'efforts apporterait d'éclatants résultats,

l'indice CAOF diminuant plus que dans le reste du pays et les dents des jeunes

participant au programme restant saines plus longtemps.

2.4.4. Conclusion

Si les chercheurs et les dentistes s'accordent sur l'importance des visites

asymptomatiques, c'est à dire organisées avant l'apparition des symptômes, le débat

concernant leur fréquence se montre âpre et indécis. Le dogme de la visite semestrielle

tient-il toujours ? Au Québec, il prévaut dans le domaine professionnel malgré les

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critiques toujours plus vives qui l'accablent. Certains, comme Sheiham, souhaitent

espacer les consultations, d'autres, au contraire, préfërent les rapprocher; enfin,

beaucoup pensent que la fréquence doit être modulée en fonction des besoins qui, pour

un même individu, varient au cours du temps en fonction de l'âge ou des circonstances.

Lorsque l'on se penche sur le triste tableau de la santé buccodentaire au Québec, la

question qui vient également à I'espnt est la suivante : comment les Québécois se

comportent-ils dans ce domaine ? Consultent-ils de manière préventive, cornme le

recommandent instamment les dentistes, ou attendent-ils que des symptômes se

déclarent avant d'agir? Et quand ces derniers se manifestent, que font-ils ? Dans la

section suivante, nous montrerons que le Québec, pourtant riche en études

épidémiologiques, manque toujours de domées dans le domaine de la demande et de

l'utilisation des services dentaires.

2.5. Dans quelles circonstances les Québécois consultent-ils le dentiste ?

Jusqu'à présent, les chercheurs québécois n'ont pas accordé à ce domaine d'étude

l'attention qu'il mérite, non par manque d'intérêt mais parce que leurs efforts furent

engloutis dans l'établissement d'un portrait sanitaire de la population, vaste ouvrage qui

nécessita une série d'enquêtes provinciales ciblant les enfants et les adultes. Les données

dont nous disposons proviennent d'un indicateur classique, la visite du dentiste au cours

des 12 derniers mois, que les chercheurs glissent régulièrement dans leurs questionnaires

a fh de collecter des informations complémentaires. Celles-ci ne sont pas dénuées

d'intérêt puisqu'elles révèlent que la proportion d'adultes québécois accédant aux

services dentaires s'est fortement accrue dans la seconde moitié du 20e siècle, passant de

29 % en 1971 à 53 % en 1993 (figure 7).

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Figure 7 : pourcentage des Quc?bécois âges de 18 ans et plus ayant consulté le dentiste au cours des 12 derniers mois entre 1971 et 1993

Sources des donnees :

- 1971 et 1985 : Brodeur et al (56) - 1988 : Brodeur et al (57) - 1993 : Brodeur et al (58)

Ce phénomène d'ouverture aux services dentaires est commun à la plupart des sociétés

industrielles; il sufit de se pencher sur le cas des États-unis ou de la Grande Bretagne

pour s'en convaincre (59,60) : rencontrer le dentiste était un événement rare au début du

siècle, exceptionnei même pour les pauvres et pour ceux qu'un habitat rural isolait du

monde. Puis, peu à peu, les gens et les dentistes se sont rapprochés, la consultation s'est

faite plus commune en s'intégrant lentement aux habitudes et qui sait si aujourd'hui elle

n'est pas devenue une affaire banale pour certains. Nous serions tentés de parler de

démocratisation si la figure 8 ne venait nous ramener a la réalité : l'accès aux services

varie grandement d'un groupe à l'autre, répondant à de nombreux facteurs parmi lesquels

on notera l'âge, le sexe, la langue d'usage et, bien sûr, encore et toujours, le niveau socio-

économique. Celui-ci agit comme un prisme qui décompose la société québécoise en un

large éventail : parmi ceux qui gagnent moins de 25 000 $ par an, la proportion t o m e

autour de 55 %, alors qu'à l'autre bout de l'échelle des revenus, elle culmine à 85 % (15).

Rappelons, s'il le faut encore, que la prévalence de l'édentation complète suit un gradient

inverse de celui-ci.

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Figure 8 : pourcentage des adultes québécois ayant consulté un praticien au cours des 12 derniers mois en 1993 (pour les personnes âgées de 35 Ci 44 ans, les resultats sont stratifiés selon le revenu familial annuel,

I

Adultes â g 6 de 35 Q 44 ans

Ainsi l'indicateur qui appréhende la visite dentaire au cours des 12 derniers mois n'a-t-il

pas été inutile au Québec, d'abord en dégageant une tendance séculaire dans l'accès aux

services, puis en révélant les disparités et, disons-le, les inégalités, qui secouent notre

société. Toutefois, en réduisant la rencontre avec le dentiste a sa plus simple expression,

il ne répond pas aux questions qui nous intéressent: dans quelles circonstances

s'organisent les visites, quelle est leur fréquence, comment se comportent les Québécois

lorsque survient un épisode morbide ou anormal? Ces interrogations sans réponses

constituent le fond du problème. Elles ont motivé notre recherche, elles la justifient.

Notre conceptualisation des comportements de demande et d'utilisation s'est appuyée sur

une littérature dont nous allons degager, dans les sections suivantes, les points qui nous

semblent les plus importants, les plus discutables aussi. Nous invitons donc le lecteur à

marcher dans nos traces afin de mieux comprendre notre approche, nos choix

stratégiques, et les contraintes qui rendirent notre chemin épineux.

2.6. Demande et utilisation des services dentaires

2.6.1. Concepts

Bien que les concepts de demande et d'utilisation different, rares sont les chercheurs en

santé dentaire qui les clarifient. Pis, en employant ces termes de manière

interchangeable, ils créent des confusions et favorisent les interprétations erronées (59,

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61). C'est pourquoi nous commencerons par des définitions qui, en dépit de leur

caractère peut-être arbitraire, lèveront les ambiguïtés qui planent sur notre discours. La

demande, tout d'abord, se rapporte à la recherche de services dentaires par l'individu (62)

et, stricîo sensu, s'exprime à la fin de ce processus lorsqu'il rencontre le dentiste.

L'utilisation lui succède alors avec la production de services. La demande et l'utilisation

que nous définissons ne se limitent donc pas à de brefs faits ponctuels mais réferent à

des processus qui s'étendent et se succèdent dans le temps et l'espace. Hornbrook (63)

aide à comprendre leur agencement temporel en décrivant quatre événements qui se

conjuguent: les épisodes de maladie perçue par I'individu (nlness), d'affèction

diagnostiquée par le professionnel (Disease), de soins (Medical Care) et enfin de

prévention (Health Mainte fiance).

2.6.1 - 1. Stratégies relatives à ia demande et à I'utilisation

Les dentistes redoutent que les comportements des individus soient le f i t du hasard ou

répondent à des inspirations profanes; voilà pourquoi ils établissent des stratégies

destinées à canaliser Ieurs conduites, à réglementer leurs habitudes, dans ce que

Armstrong (64) qualine de problématisation du normal. Toute stratégie préventive de

demande et d'utilisation a pour but de prévenir les p ~ c i p a l e s maladies buccodentaires et

de les soigner de manière précoce; elle s'opérationnalise par des visites de routine dont la

fréquence doit être suffisamment élevée pour "prendre de vitesse" les maladies, ce qui

permet au praticien d'intervenir avant l'apparition des symptômes. Cette approche, bien

sûr, n'est pas sans failles, elle n'exclut pas les échecs tant la vie est semée d'embûches, de

circonstances difficilement prévisibles : tantôt c'est un amalgame qui se brise, tantôt c'est

une chute ou un coup qui ébrèche une incisive; une autre fois, c'est une dent de sagesse

qui fait des siennes et trouble le cours pourtant calme et régulier de son éruption ... Aussi,

correctement élaborée et appliquée, une stratégie préventive se traduira par la répétition

de visites de routine que, de temps en temps, viendront interrompre des consultations

motivées par une morbidité ou par un événement imprévus (65). Si l'on pèse les visites

de contrôle et les visites symptomatiques dans une perspective temporelle, la balance

devrait donc pencher pour les premières, même si le seuil normatif d'équilibre entre les

deux reste à définir.

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La stratégie préventive ne constitue pas une démarche "naturelle" pour les individus, ni

pour les dentistes d'ailleurs, puisqu'elle n'existe pas avec le modèle de l'extraction. On

pourrait du reste parler de stratégies, au pluriel, tant les voix divergent et s'élèvent en

cacophonie plus qu'en contrepoint lorsqufil s'agit de normaliser la fréquence des

contrôles. Ce débat est légitime, toutefois, il relève du fonctionnement normal de la

science qui fait et défait les théories et, de temps à autre, abat ses icônes les plus sacrées.

Le bien fondé et les modalités d'une stratégie préventive relèvent donc en grande partie

de Ia médecine dentaire et sont véhiculés par ses représentants, les dentistes. Ces

derniers usent de leurs connaissances, de leur statut, de leur charisme et du cadre

solennel de leur cabinet pour imposer leurs vues : au Québec, on peut supposer qu'ils

proposent d'emblée la tenue de visites semestrielles et qu'ils s'appliquent ensuite à Ies

routiniser, par exemple en rappelant la date du rendez-vous à leurs clients par des appels

téléphoniques ou des courriers. Si les individus peuvent accepter en bloc leurs

recommandations, il arrive qu'ils les discutent, les négocient et les adaptent à leurs

exigences comme à leurs contraintes. La stratégie préventive requiert donc une forme de

collaboration entre les deux parties, un accord tacite ou clairement formulé.

Malgré la force de persuasion des dentistes et les avantages apparents qu'offie une

approche préventive, certaines personnes, pour des raisons diverses, ne l'adoptent pas ou

l'abandonnent pour un mode de fonctionnement curatif basé sur l'attente des symptômes.

Ainsi renoncent-ils au monde apparemment feutré de la stratégie asymptomatique pour

un univers de sensations, de perceptions et de douleurs, rythmé de manière plus ou

moins régulière par des épisodes de maladies et, à l'occasion, par des traitements. Peut-

on parler de stratégie curative dans leur cas, le terme de stratégie étant emprunté au

langage militaire et signifiant "l'art de cordonner les actions, de manœuvrer habilement

pour atteindre un but" ? Cela reste discutable et oblige du moins à considérer la stratégie

dans son sens le plus large : celle-ci ne résulterait pas forcément d'une réflexion

approfondie dans laquelle la personne pèserait le pour et le contre; elle pourrait n'être

que simple routine, intuitive ou inconsciente car insérée dans une culture de "résistance à

l'utilisation des systèmes médicaux" (66). Suchman (67) évoque à ce sujet des structures

sociales, communauté, cercle d'amis et famille, dont le caractère fermé, imperméable au

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discours scientifique, entraînerait un décalage culturel ( " d u r a l lag") vis-à-vis de la

médecine et un rejet du système de soins et de ses préceptes.

Notre réflexion nous a donc amenés à dégager deux grandes stratégies, nommées

préventive et curative, qui induisent deux types de demande, asymptomatique et

symptomatique, même si ces concepts ne se superposent pas d'une manière parfaite.

Préventive, la stratégie révèle une conamence avec la culture médicale qui porte

l'individu à respecter les recommandations du praticien et à le consulter diligemment

lorsque survient un problème; curative, elle reflète une opposition au modèle médical

qui exclut les visites asymptomatiques et tend vers un ralentissement ou même un

blocage des processus symptomatiques. Bien entendu, l'orientation médicale des

individus ne se limite pas à ce dualisme quelque peu manichéen, elle se positionne plutôt

sur un continuum entre ces deux bornes extrêmes (67).

2.6.1 -2. Processus de demande

Le processus de demande asymptomatique est rarement évoqué par les chercheurs. Peut-

être jugent-ils, et cela semble logique, que cet itinéraire est simple, sans détours, car le

fniit d'un accord ou au moins d'un partage de vues entre le praticien et son client : la

stratégie préventive qu'ils élaborent met en scène les comportements et laisse peu de

place à l'improvisation dans l'organisation et le déroulement des visites de routine. Qu'en

est-il lorsque l'individu adhèle peu à la stratégie préventive ou éprouve des réticences

face aux recommandations du dentiste? Gageons que le processus de demande

asymptomatique abandonne alors son cours tranquille et régulier pour s'étaler dans de

larges méandres; son flux devient erratique, parsemé d'embûches et parfois se tarit : les

rendez-vous sont oubliés, reportés ou annulés.

A priori plus complexe, le cheminement de l'individu malade suscite aussi un plus vif

intérêt, du moins dans le domaine de la médecine où Freidson (66), prenant le contre-

pied de Parsons (68), en fait une description des plus profondes : lorsqu'un individu

ressent des symptômes, il préjuge de leur caractère temporaire et tente de leur donner

une signification, seul, puis en prenant l'avis de son entourage. Si le problème persiste, il

engage un auto-traitement dont l'échec peut finalement le décider à consulter un

médecin. Dans cet itinéraire, il subit d'abord l'influence de son réseau social, que

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Freidson appelle structure référentielle profane, puis passe sous la coupe des

professionnels de la santé selon une hiérarchie de compétences. Donabedian (69) se

place dans la même logique en proposant un modèle qui intègre le duaiisme des

systèmes référentiels et souligne les étapes, déjà inscrites dans les travaux de Freidson,

qui jalonnent le processus de demande : reconnaissance d'un besoin, décision de

chercher de l'aide, recherche d'une aide, acceptation du rôIe de malade (figure 9). Parmi

les auteurs qui tracent l'itinéraire perceptuel et décisionnel des patients, nous citerons

aussi Mechanic (70), Suchman (71), Fabrega (72), Igun (73) et Haddad (74) dont les

modèles assument que les individus interprètent la maladie en fonction de leurs

traditions socioculturelles et du contexte environnant-

Figure 9 : modéle de Donabedian (69, p59)

Cornpoitemnt du client Comportement du fournisseur

1 Besoin 1

Processus dingnonr

Utilisation des services

1

Dans le domaine dentaire, Grernbowski (75) semble le seul à s'aventurer dans le

domaine des itinéraires thérapeutiques et à en proposer un modèle. Selon lui, la demande

débute lorsque l'individu perçoit un problème ou un besoin, celui-ci n'étant pas

forcément déclenché par des symptômes. Elle se poursuit par l'établissement d'un plan

de traitement individuel, la recherche éventuelle d'un praticien et aboutit avec la

première rencontre du dentiste. Commence alors le processus d'utilisation. Le praticien

pose un diagnostic, offre d'entreprendre des traitements ou suggère qu'ils soient effectués

par un autre dentiste, un spécialiste par exemple. Contrairement à ce que l'on pourrait

penser, cet itinéraire n'est pas forcément linéaire puisque la personne peut court-circuiter

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certaines étapes, faire marche arrière, s'arrêter et décrocher à tout moment. Cette

récursivité rend donc compte du "magasinage thérapeutique" (74) qu'effectue l'individu

peu satisfait du dentiste et qui souhaite en changer.

2.6.1.3. Processus d'utilisation

Après leur description du processus de demande, certains théoriciens s'essoufflent en

arrivant à l'utilisation. Souvent n'identifient-ils qu'une seule séquence, comme si le

parcours se simplifiait après la première visite, l'individu adoptant alors un rôle de

malade, de patient, soumis à l'autorité immanente et absolue du professionnel. Si cette

coajecture parsonienne (68) se défend dans certains cas, convenons qu'elle résiste mal à

la lecture des travaux de Freidson (76) et trouve ci le ment sa place dans le domaine

dentaire- Car les conflits potentiels y sont multiples et peuvent surgir à tout moment,

même avant le début des soins lorsqu'il s'agit de choisir un traitement parmi de multiples

alternatives. Ce choix réclame des explications et d o ~ e lieu a d'étroites tractations en

raison de ses implications fonctionnelles, esthétiques et financières (77). Face à une

carie dentinaire, par exemple, le dentiste penchera souvent pour une restauration à

l'amalgame, matériau facile d'emploi et relativement solide. Une personne hantée par

l'esthétique contestera cette proposition et négociera une solution plus satisfaisante, le

collage d'une résine, par exemple, même si ce produit trahit une certaine f iamté. Une

personne sensible à la qualité et la résistance des matériaux suggérera une couronne

prothétique, mieux ajustée aux tissus dentaires, plus robuste, mais aussi plus chère.

Enfin, un budget étriqué ou le désir d'en nnir d&nitivement avec une dent récalcitrante

pousseront parfois le client à réclamer une extraction, requête qui heurtera les principes

éthiques du dentiste et à laquelle, selon toute probabilité, il répondra par la négative.

Freidson (66) estime que la première séance est importante, elle constitue un test à l'issu

duquel la personne décide de continuer avec un praticien ou au contraire de l'abandonner

pour en chercher un qui o£f.kira des prestations plus conformes à ses attentes. La

symétrique est également possible : dans certains cas, c'est le dentiste lui-même qui

rejette les clients ne lui convenant pas, que ces derniers ne respectent pas ses

recommandations, manquent de motivation ou même de ressources financières (78-80).

Ainsi le processus d'utilisation des services dentaires s'expose à des relations tendues

voire conflictuelles entre le professionnel et l'individu, et la trajectoire de celui-ci prend

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facilement un aspect sinueux, tomiré : refus du plan de traitement, inten-uption des soins,

changement de praticien.

2.6-2. Instruments de mesure

2.6.2.1. Mesure de la stratégie et des comportements qui en résuitent

Les chercheurs en santé dentaire ne s'intéressent pas tant à mesurer la stratégie, qui reste

du domaine de l'intention, qu'à évaluer les pratiques qui en découlent. Nous avons rangé

leurs indicateurs dans trois grandes catégories, chacune se rattachant à un concept

particulier : la régularité des visites, leur kéquence et enfin leur motif, terme quelque

peu générai qui recouvre également les conditions, asymptomatiques ou

symptomatiques, dans lesquelles s'organisent les consultations (tableau III). Que faut-il

penser de ces indicateurs et surtout des concepts qui les soutiernent ? Ces derniers sont-

ils pertinents dans le contexte actuel ?

La régularité renvoie à une antienne bien connue, devenue classique, tant les praticiens

l'ont martelée et l'ont faite résonner dans d'innombrables campagnes éducatives :

consulter le dentiste tous les six mois. Ce message insiste sur la répétition des visites et

sur le caractère invariable, rigide, de la période qui les sépare. Or, nous l'avons vu, le

modèle thérapeutique préventif qui émerge lentement véhicule un autre son de cloche :

la flexibilité. Celle-ci n'exclut ni la régularité, ni l'irrégularité, efle autorise simplement

la modulation de la fiéquence des visites, leur accélération ou leur ralentissement selon

des besoins qui, pour un même individu, peuvent fluctuer dans le temps. En bref,

l'irrégularité des consultations n'est plus synonyme de comportement inadéquat, de

même que leur régularité n'implique pas leur caractère asymptomatique. Les indicateurs

basés sur le concept de régularité perdent donc une grande partie de leur intérêt et leur

emploi se justifiera de plus en plus difficilement à L'avenir.

La notion de fiéquence recueille des critiques du même ordre : les visites rapprochées ne

sont pas l'apanage d'une stratégie préventive, elles peuvent en effet s'inscrire dans une

stratégie curative si les épisodes morbides sont nombreux et répétés, situation qui, nous

en conviendrons, tend à se raréfier de nos jours avec le déclin de la carie dentaire parmi

les jeunes; inversement, un grand espacement des consultations de routine peut se

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révéler adéquat avec des personnes dont la vulnérabilité à la carie et aux

parodontopathies est très faible. En conclusion, interpréter la fréquence mesurée dans les

études exige que l'on identine aussi la stratégie de demande de services. Si cette dernière

est préventive, l'adéquation de la fiéquence s'évalue en fonction de la vulnérabilité de

l'individu aux maladies buccodentaires.

Les auteurs cités dans la dernière rangée du tableau III, en se référant implicitement à

une stratégie préventive, appréhendent la demande d'une manière plus satisfaisante;

certains mentionnent les check-up, d'autres, plus rares, insistent sur le caractère

asymptomatique ou symptomatique des visites. Toutefois, la plupart succombent à la

tentation ou à la nécessité d'intégrer à leur indicateur une seconde composante normative

fort discutable : tantôt ils en appellent à la régularité, négligeant la flexibilité, tantôt ils

mentionnent une fréquence, comme le fait Hawley (8 1) en posant comme critère la tenue

de deux visites de routine par période de trois ans. Notons tout de même que celui-ci

s'écarte largement du dogme de la consultation semestrielle et tolère une certaine

flexibilité dans l'organisation des visites. Sheiham (38), finalement, semble le seul à

résister à la tentation. Il identifie d'abord la stratégie préventive, puis raffine sa mesure

par une question appréhendant la fkéquence des consultations.

Si les mesures s'appuient largement sur les concepts que nous venons de décrire, elles

sont également tributaires des devis de recherche et des sources de données. Les études

longitudinales conviennent bien pour appréhender dans la durée une succession

d'épisodes et pour remédier, grâce à des mesures répétées, aux inévitables égarements

que subit la mémoire des répondants; l'utilisation de formulaires complétés par les

dentistes o&e une alternative intéressante que plusieurs chercheurs britanniques,

avantagés par un système administratif tentaculaire et pointilleux, n'ont pas manqué

d'exploiter à des fins scientifiques.

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TabIeau III : indicateurs du comportement de demande de services dentaires et concepts auxquels ils se réfêrent

Concept Concept Auteurs Catkgories de comportement Devis d e P&riode principal secondaire recherche* de rappel

Ré yIar i t i Schwanz & Hansn Visita régulières (annuella) 1 i r réyl iém 1 pas de visite T Sans 1976 (82)

Friquencc Holsf 1979 (83) Visita r é y l i i r s (au moins 1 par an) / i d y l i ë r c s T 3 3 n ~

Lennon &Taylor. 1980 (84) Visites tiguliirrs I occasionneIles / irrégulières T Petenen. 1983 (85) Visites riyli€rcs 1 irrébwlièrrs 1 pas de visite T HeIk et ai. 1988 (86) Visites r é g u l i k (annuelles) f occasionnelles /

irniylièrcs

Motif des visites Gilbert et al, 1997 (87) Visita réyliires / occasionneIles. pmblimc OU pas / en T cas de problhe ou pour d a soins 1 jamais de visite

Frëquence Nuttall. 19% (88) (Eddie. Visites fréquentes (en moyenne I consultation par an et L 5 ans 1984 et 1985 (89.90)) pas plus de 18 mois entre 2 visites) I peu fréquentes / pas

de visite

Sheiham et ai. 1985 (38) Visites tous les 6 mois I 1 fois par an / 1 fois tous les 1 T ans / moins souvent 1 jamais

Motif des visitcs Beal & Dickron. 1975 (92) Visites tous les 6 mois 1 tous les 6 mois - 1 an / tous les T 1 - 2 ans / moins souvent que tous les 2 ans / seukment en us de douleur l jamais

Motif d u Régularité Cnft & Cmucher. 1980 (93) Check-up.v réguliers / occasionnels 1 visites uniquement T visites en cas de pmbltmc

Rébwliuîti S r i h d i et ai. 1983 (94) Cflcck-up réguliers 1 irréguliers T Sheihm et al, 1985 (38) Visites seulement en cas de problème / sur la base de T

clicck-;+.Y

Ribwluïté Whittle. 1993 (95) Clieck-upr dyliers 1 occasionnels 1 visites uniquement T' en cas de problème

Fréquence Hawlcy. 1996 et 1997 (8 1. Componement asympromatiquc (au moins 2 visites de L 2 x 3 m 96) routine tous les 3 ans) 1 symptomatique

R + h r i t i Gilben et ai. 1997 (87) Cflrck-1ip.s rébwliers (annuels) T 5 ais

* T e t L réfirent 3, des devis respectivement transversaI et longitudinal

2.6.2.2. Mesure des processus

Malgré la modélisation des processus de demande et d'utilisation des services dentaires,

il faut se tourner vers la médecine pour trouver des chercheurs qui "désagrègent" les

itinéraires thérapeutiques. Ceux qui œuvrent dans les pays en développement se

montrent les plus prolifiques en raison de l'enchevêtrement complexe de systèmes et de

sous-systèmes médicaux qu'il s'agit de démêler. Fassin (97) recense deux approches pour

mesurer la trajectoire des individus. La première met en scène une situation morbide

fictive sur laquelle le répondant est amené à se prononcer lors d'entrevues semi-

structurées ou dirigées par un questionnaire; la deuxième approche s'appuie sur une

maladie vécue à partir de laquelle l'individu déroule le fil des événements, solution qui a

l'avantage de se baser sur des faits concrets, réels. Malheureusement, ces derniers

subissent L'usure du temps et s'évanouissent progressivement dans les mémoires, ce qui

fait courir un risque de biais. Aussi les chercheurs doivent-ils déterminer la durée de la

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période de rappel en fonction du caractère mémorable de l'épisode morbide ou des

circonstances qui l'entourent. Pour des événements bénins, peu marquants, la durée se

limite à quelques semaines alors que pour les accouchements, dont les souvenirs

s'effacent difficilement, elle atteint dix ans. L'épisode de départ, par sa gravité et par le

dérangement qu'il occasionne, conditionne donc les processus engagés et constitue un

nitre au travers duquel se fait la lecture et l'interprétation des comportements (98). C'est

pourquoi Kessner suggère de le circonsc~e à l'aide d'une "maladie-traceur", tactique

méthodologique qui vise à utiliser des "cas médicaux spécifiques pour tracer le

comportement des fournisseurs et des bénéficiaires de services de santé et de leur

interaction mutuelle" (99). Kessner subordonne le choix de la maladie-traceur à une

série de critères : elle doit ainsi avoir un impact fonctionnel, être facile à diagnostiquer,

se produire assez souvent et le praticien doit pouvoir la traiter selon des règles claires et

bien dé f i e s ,

Comme pour la demande, les chercheurs du domaine dentaire délaissent totalement les

processus d'utilisation et se concentrent sur leurs extrants, le volume des visites par

exemple. Sa mesure prend plusieurs formes dont la plus simple est le nombre de séances

pendant une période de temps donnée (1 00- 102). Des auteurs critiques (1 O3 - 105)

récusent l'usage de cette variable qui traite toutes les consultations avec le même poids,

sans égard à la quantité et à la nature des services reçus. Aussi certains la rafient-ils en

spécifiant et comptant les actes (86, 106, 107) tandis que d'autres se placent sous un

angle économique et évaluent le volume individuel ou collectif des dépenses (61, 100,

108).

2.7. Déterminants de la demande et de l'utilisation

Si l'on veut comprendre les conduites des individus, saisir le sens de leurs stratégies, il

faut appréhender les forces, obscures ou déclarées, puissantes ou faibles, qui entrent en

jeu, se rejoignent, s'allient ou s'afncontent derrière la scène, en coulisses, et donnent

naissance aux comportements. Ces derniers sont-ils rationalisés, structurés, polis par la

raison et la volonté, ou au contraire irréfléchis comme ces "mille gestes qui fleurissent,

s'achèvent d'eux-mêmes et vis-à-vis desquels nul n'a à prendre de décision, qui se

passent, au vrai, hors de notre pleine conscience" (1 09, p12-13) ? Les théoriciens qui

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dédient leur temps ou leur carrière à ces vastes questions proviennent d'horizons divers.

Sociologie, psychologie ou économie, chaque champ apporte ses concepts, ses a priori,

ses dynamiques, et, sans exclure l'emprunt ni le métissage, fait germer une abondante

littérature. Dans ce foisonnement d'études et d'approches qui traitent de la demande et de

l'utilisation des services médicaux, plusieurs auteurs ont tenté de mettre un peu d'ordre

en établissant des typologies : McKinlay (1 IO), Anderson (1 11) ou Haddad (74) par

exemple. Nous leur emboîterons le pas, mais de manière succincte, sans rechercher

l'exhaustivité, afin de brosser un portrait des approches qui nous paraissent les pIus utiles

dans notre domaine.

2.7.1. Approches sociocuIfure22es

Sociologues et anthropologues attachent une grande importance à la structure sociale, à

la culture communautaire. Celle-ci constitue une matrice d'influences collectives qui

recouvre normes, croyances et valeurs, et dans Iaquelle les comportements puisent leur

logique, leur force et leur symbolique (1 12). Freidson, nous l'avons vu, estime que deux

mondes parallèles coexistent, les systèmes profanes et les systèmes professionnels.

Qu'ils divergent fortement et "la clientèle d'une communauté fera preuve, à un degré

élevé, de résistance à L'utilisation des systèmes médicaux" (66); qu'ils s'accommodent et,

au contraire, les gens tendront à s'adresser aux praticiens pour développer des relations

stables et hannonieuses.

En communion avec la pensée de Freidson, Suchman (67) explique les itinéraires

thérapeutiques en mettant l'accent sur une structure sociale qui comprend trois niveaux,

la communauté, le réseau d'amis et la famille. Lorsque cette structure est cloisonnée,

tournée sur elle-même, les individus s'imprègnent peu du discours scientifique et

prennent une orientation médicale qui s'accorde mal à la médecine moderne (figure 10).

Inversement, quand cette structure sociale est ouverte, perméable aux influences

extérieures, elle favorise une orientation médicale "scientifique" des individus, une

congruence de leurs valeurs avec celles de la médecine et une tendance à utiliser les

senrices que foumit cette dernière. Le modèle de Suchman tient également compte des

facteurs démographiques et socio-économiques, ces éternels trouble-fëte : la pauvreté,

par exemple, concourrait à une structure sociale fermée et à de mauvaises expériences

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dans le domaine de la santé- De façon à la fois indirecte et directe, elle pousserait les

individus à rejeter le système de soins.

Figure 10 : modéle de Suchman (67)

Facteurs sociaux Facteurs socio-médicaux Facteurs médicaux

État de santé * I I 1

Orientation médicde des individus 1 1 1

* Soins médicaux

Écartons-nous un peu du domaine médical avec un sociologue fran~ais, Bourdieu. Celui-

ci a fondé une théorie de l'action dans laquelle Suchman trouverait probablement ses

aises puisqu'avec le concept d'habitus, qui enrichit celui d'orientation médicale, elle

établit un lien d'homologie entre deux espaces superposés : la structure sociale et les

pratiques (figure 11). C'est dans l'espace social, où chacun de nous se situe en fonction

de son capital économique, culturel ou relationnel, que se dressent les frontières

objectives de nos conduites, de nos trajectoires. C'est aussi dans l'espace social que

s'enracine I'habitus, système de perception et système générateur de pratiques qui élève

des fiontières subjectives à nos comportements. L'habitus, "comme tout art d'inventer,

est ce qui permet de produire des pratiques en nombre fi, et relativement

imprévisibles (. ..), mais limitées cependant dans leur diversité" (1 13, p93). Autrement

dit, il "rend possible la production libre de toutes les pensées, toutes les perceptions et

toutes les actions inscrites dans les limites inhérentes aux conditions particulières de sa

production, et de celles-là seulement". En n'excluant pas un calcul stratégique des

individus dans l'adoption des comportements, Bourdieu renvoie dos à dos les

anthropologues qui insistent sur la raison, et les structuralistes "extrémistes" dont le

déterminisme réduit les personnes "à de simples épiphénomènes de la structure" (1 14,

~10)-

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Figure 1 1 : production des styles de vie selon Bourdieu (1 15, p 19 1) - Actes de perception et d'appréciation Conditionne

Sqstéme de schèmes gédrateurs de pratiques

Conditions d'existence 1 Habitus 1

I Système de schèmes de

perception et d'appréciation ("le goùt!)

Dans La Distinction (1 15), Bourdieu illustre sa théorie par de nombreux exemples qu'il

puise dans la société française. Selon lui, les goûts en matière de sport, de boisson, de

musique ou de jeux de société sont corrélés entre eux et varient grandement d'un groupe

social à un autre : ainsi, en simplifiant un peu, les ouvriers seraient plutôt portés vers le

football (soccer), la belote et l'accordéon tandis que les professions libérales

préféreraient le ski, le bndge et le piano. Ces inclinations ne sont pas fixées une fois

pour toutes, elles évoluent dans le temps comme dans l'espace : "une pratique

initialement noble peut être abandonnée par les nobles -- et c'est ce qui arrive, le plus

souvent --, lorsqu'elle est adoptée par une fiaction croissante des bourgeois ou des petits-

bourgeois, voire des classes populaires (il en fut ainsi en France de la boxe, que les

aristocrates de la fin du 19' siècle pratiquaient volontiers)" (1 14, p19). La théorie de

Bourdieu pourrait s'appliquer aux comportements de santé et de maladie, comme Le

pensent certains chercheurs du domaine de la santé (1 16, 117); d'ailleurs, Bourdieu lui-

S ysteme de schèmes générateurs de pratiques

même évoque différents espaces de comportements : espaces reliés aux loisirs, aux

pratiques alimentaires, aux habitudes d'hygiène, etc.

Style de vie 2 Conditions d'existence 2 1

etc.

Habitus 2 etc-

I Systéme de schèmes de perception et d'appréciation -

("le goût")

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2.7.2. Approches psychologrques

Selon McKinlay (1 lO), les approches qui relèvent de la psychologie sociale (social-

psychologial approach) reposent généralement sur l'un des trois concepts suivants : la

motivation, les perceptions et l'apprentissage. Avec le premier, les auteurs analysent les

besoins que ressentent les individus et qui les poussent à rechercher l'aide d'un

professionnel; avec les perceptions, ils assument que les gens agissent en accord avec

leur vision du monde et font preuve de rationalité; enfin, lorsqu'ils mettent l'accent sur

l'apprentissage, les chercheurs considèrent celui-ci comme le principal moteur des

comportements. McKinlay fait remarquer avec justesse que ces trois concepts

s'entremêlent et sont difficiles à dénouer : la motivation influence la perception qui

permet par ailleurs l'apprentissage.

Basé sur les perceptions, le modèle des croyances en santé (f ial th Belief Model) a été

développé pour expliquer les pratiques préventives, même si, par la suite, il s'est étendu

aux comportements de maladie (1 18). Il postule que la probabilité d'entreprendre une

action est fonction de Ia croyance en son efficacité et de la perception des menaces

engendrées par la maladie. Les personnes pèseraient donc le pour et le contre, les

avantages comme les inconvénients des comportements reliés à la santé, la consultation

asymptomatique du dentiste, par exemple. Dans le domaine dentaire, les chercheurs

(1 19- 12 1) qui penchent pour me approche psychologique semblent lui préférer la

théorie de l'action raisonnée, même si cette dernière, proposée par Fishbein et

Ajzen (122) en 1975, n'a pas été spécifiquement développée pour les comportements de

santé. Elle stipule que toute conduite est rationnelle et se trouve précédée par une

intention, en amont de laquelle Fishbein et Ajzen placent deux composantes : l'attitude

de la personne face au comportement et les normes subjectives qui lui sont relatives.

Quelques années plus tard, Ajzen (123) ajouta une troisième composante inspirée des

travaux de Bandura (124), la croyance en l'efficacité personnelle, estimant que le modèle

ne rendait pas sunisamment compte de la capacité ou plutôt de l'incapacité des individus

d'exercer un contrôle sur leurs pratiques. De notre coté, nous lui reprocherons d'être trop

centré sur l'individu et de mal appréhender les forces de nature sociale, organisationnelle

ou culturelle qui guident les pratiques.

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2.7.3. Approche d'Andersen

Nous présenterons à part les travaux d'Andersen (125), peut-être parce qu'ils se situent à

cheval sur plusieurs approches et qu'ils réunissent ou réconcilient des champs différents.

D'ailleurs, les collègues d'Andersen, Pescosoiido en tête, estiment que ce sont les

économistes de la santé et les psychologues qui font fnictiher son modèle, et non les

sociologues auxquels il était pourtant destiné. Présenté à la fin des années 1960, le

modèle s'est néanmoins enrichi au cours des décennies suivantes, son cœur, les

caractéristiques de la population et de l'individu, se couvrant d'enveloppes successives :

l'environnement, les pratiques personnelles, les résultats. Avec la phase 4, représentée

dans la figure 12, Andersen espère rallier Les sociologues à sa cause en insistant sur le

caractère dynamique du modèle et sur la récursivité des infiuences qui s'exercent sur les

gens.

Figure 12 : modéle d'Andersen (125)

Environne ment Canct6ristiques de la population Comportements Résultats

Système de soins

I Environnement

externe

Facteurs Facteurs de - pai5disposants - capnciié *

Pratiques personnel les

de santé

l Utilisation des services

Santé perçue

I Santé évaluée

I Satisfaction du consommateur

Avec les caractéristiques de la population et de l'individu, revenons sur le cœur du

modèle, ce bloc initial qui constitue aussi la clé de voûte de l'édifice. Il n'est pas

homogène pourtant, car il englobe et organise en séquence causale trois grandes

composantes : les facteurs prédisposants, les facteurs de capacité et les besoins. Les

facteurs prédisposants, en vertu desquels les individus ont une propension plus ou moins

marquée à faire appel aux professiomels, recouvrent leurs caractéristiques

démographiques, la structure sociale dans laquelle ils s'insèrent et leurs croyances

relatives à la santé. Ainsi cette première composante pourrait-elle satisfaire les

préoccupations traditionnelles des sociologues et des psychologues, les premiers

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insistant sur la culture et les interactions sociales, les seconds s'attachant

particulièrement aux croyances, aux'co~aissances et aux attitudes.

Un peu plus en aval, les facteurs de capacité réfèrent à l'accessibilité, concept parfois

flou que Penchansw (126) définit comme le degré de congruence entre les personnes et

les services de soins ("degree of 'Pt" beîween the clients and the system"). Cette

congmence entre nos deux systèmes comprend cinq facettes. La disponibilité

("availability"), tout d'abord, signifie que non seulement des ressources humaines et

organisationnelles sont présentes, mais aussi qu'elles sont adaptées à la taille et aux

besoins de la population. L'accessibilité géographique ("accessibility") raffine cette

notion sur le plan spatial : elle réfêre aux moyens dont disposent les gens pour se rendre

sur le lieu des soins, au temps et aux dépenses que le transport exige. Quant à la

commodité ("accommodution"), elle insiste sur le système d'accueil (les heures

d'ouvemire, l'organisation des rendez-vous, les seMces téléphoniques, etc.) et sur la

capacité des gens de s'y adapter. En cela, elle renvoie aux conditions de travail de ces

derniers, à leurs horaires, à la flexibilité et a la tolérance de leurs employeurs.

L'accessibilité économique ("aflordability") est une dimension que l'on retrouve souvent

lorsque les seMces sont payants, ce qui est malheureusement le cas dans le domaine

dentaire, puisqu'elle met en relation le prix des soins et la capacité de payer. Par

extension, elle touche le revenu des individus ainsi que leur adhésion à des régimes

privés d'assurance. Enfin, la dernière facette de I'accessibilité est l'acceptabilité

("acceptubility"), c'est-à-dire l'entente entre les fournisseurs de seMces et leurs clients,

leur tolérance et leur respect mutuels concernant des attributs aussi divers que l'origine

ethnique, le sexe, l'âge, la religion ou la position sociale.

Nous en terminerons avec le modèle d'Andersen par une composante de besoins qui

assume l'héritage des facteurs prédisposants et des facteurs de capacité, et qui, de l'autre

coté, donne naissance aux comportements : un besoin évalué par le professionnel sera

surtout relié au volume des soins a effectuer tandis qu'un besoin perçu se rapportera

plutôt aux sensations de l'individu. C'est sur ce dernier point, le lien direct entre le

besoin perçu et la demande de services, que des travaux empiriques mettent le modèle en

difficulté et soulèvent des interrogations. Dans le domaine dentaire, par exemple,

Gilbert (127) montre que ce sont les facteurs prédisposants et non les besoins perçus qui

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expliquent le mieux l'utilisation des services par des vétérans de l'armée américaine.

Kiyak (128), de son coté, rétablit un peu l'équilibre : certes, les croyances et les attitudes

joueraient un rôle important, mais les besoins perçus restent incontournables.

Andersen (125) répond à ces critiques en assurant que les besoins perçus, souvent reliés

aux symptômes et en particulier à la douleur, sont indissociables des croyances des

individus et de la structure sociale dans laquelle ils baignent. Aussi la difficulté

résiderait-elle dans la modélisation des besoins.

2.7.4- Approches privilégiées par les chercheurs en santé dentaire

La plupart des chercheurs en santé dentaire qui appréhendent la demande et L'utilisation

ne font pas appel à des théories aussi structurées que celles abordées dans les

paragraphes précédents. Certains interrogent directement les individus sur les raisons de

leur non-utilisation des senrices, raisons que Ter Horst (129) classifie en deux

catégories. La première relève principalement du dentiste avec, en premier lieu, le coût

élevé des traitements et l'inaccessibilité du prestataire de soins. La difficulté d'obtenir un

rendez-vous quand on le désire et certaines caractéristiques du praticien tels le sens de la

communication, la compréhension et la compétence technique, sont également citées. Le

second groupe de raisons invoquées prend sa source dans la personnalité ou l'état de

santé du client. Ici, le manque de besoins perçus et la peur prédominent sur les motifs

qui réErent à une disponibilité insufEsante ou traduisent une motivation fiagile : oubli,

faibles attentes, paresse.

D'autres chercheurs traitent le sujet selon une approche que McKinlay (1 10) et

Anderson (1 11) qualient de socio-démographique parce qu'elle porte sur l'âge, le sexe,

le niveau socio-économique, l'éducation ou l'origine ethnique. Si la figure 8 présentée

plus tôt montre que ces facteurs polarisent les résultats au Québec, comme dans les

autres sociétés industrielles d'ailleurs (59), nous insisterons sur la place incontournable

que prend la condition sociale des individus. La pauvreté imprime sa marque sur les

comportements de demande (l30), et notamment sur le caractère asymptomatique des

visites, mais aussi sur certains de ses déterminants : la possession d'un dentiste de

famille (9 l), I'adhésion à un régime privé d'assurance (6 1, 100, 105, 13 1-137) ou, dans

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un autre registre, l'anxiété et la satisfaction face aux soins, les attitudes, les croyances et

les normes relatives à la santé (13 8-144)-

2.8. Conclusion

Que faut-il retenir de cette revue de la littérature ? Nous noterons d'abord que la

compréhension des principales maladies buccodentaires n'est pas a-asi limpide, aussi

évidente que nous pouvions le croire et l'espérer. Celles-ci conservent leurs zones

d'ombres, protègent leurs secrets : la carie décline aujourd'hui, qu'en sera-t-il demain ?

Nul ne le sait. Parallèlement, les thérapeutiques de la carie se trouvent dans une position

charnière : le modèle restaurateur achève son long règne dans la douleur, à I'image des

monarques qui, lorsque leur peuple s'enflamme et prépare la révolution, refusent

l'évidence jusqu'au dernier moment, jusqu'au dernier souffle. Cest dans ce contexte

dynamique, changeant et conflictuel que Les chercheurs en santé publique et les dentistes

réfléchissent aux stratégies de demande et d'utilisation destinées à épargner aux

individus les peines et les souffrances que ces maladies égrènent. Pour le moment, tous

s'accordent sur l'utilité des visites préventives, même si les problèmes ne manquent pas :

l'approche préventive doit s'imposer, les diagnostics mériteraient d'être améliorés,

I'évaluation du caractère évolutif de la parodontite reste trop hasardeuse. Mais c'est avec

la fréquence des visites de routine que le débat s'échauffe entre les tenants du dogme de

la visite semestrielle, ceux qui prônent l'écartement des consultations, et ceux qui, au

contraire, recommandent leur multipiication. De notre coté, nous penchons pour une

grande flexibilité dans le rythme des visites et en appelons à des études complémentaires

afin d'apporter un peu plus de cohérence dans le discours d'une communauté scientifique

désunie et turbulente.

En ce qui concerne le Québec, nos préoccupations proviennent des chiffres désastreux

de l'édentation, et le déclin de la carie dentaire ne suffit pas à les dissiper. Ravagée par

les inégalités, notre société m c h e une bien triste figure et tient mal le rang auquel elle

aspire. Comment le Québec en est-il amvé l a ? Nous passerons sur la frilosité des

autorités provinciales et municipales lorsqu'il s'est agi, à plusieurs reprises dans le passé,

d'ajouter des fluorures dans les eaux de boissons, et nous reviendrons sur les données

touchant la carie. L'examen des indices CAOD et CAOF et du poids relatif de leurs

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différentes composantes laisse penser qu'une fiange importante de la population, parmi

!aqueIle nous placerons la majorité des personnes pauvres, rejette toute stratégie

préventive et embrasse un modèle thérapeutique anachronique : l'extraction dentaire.

Cela, toutefois, reste du domaine de l'hypothèse car les données manquent cruellement et

trahissent l'adoption par les scientifiques d'indicateurs simples, faciles à glisser dans un

questionnaire mais difnciles à interpréter. Aussi sur le plan empirique ignorons-nous

tout des stratégies adoptées par les individus comme de leurs processus de demande et

d'utilisation des services dentaires : dans quelles circonstances consultent-ils, quels

choix font-ils, quels obstacles rencontrent-ils ? Ces questions appellent des réponses,

elles sont importantes, car comment agir sur un déterminant important de la santé que

l'on ne connaît pas ou très peu ?

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3. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

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Prenant son élan sur la recension des écrits que nous venons de présenter, cette

recherche s'intéressait aux inégalités sociales et poursuivait deux objectifs formulés de la

façon suivante :

Objectif 1 : appréhender le comportement habituel de demande de services dentaires des

adultes québécois.

Objectif2 : décrire les processus de demande et d'utilisation déclenchés par la

perception d'un problème dentaire.

3.1. Premier objectif : appréhender le comportement habituel de demande

Le premier objectif ne ciblait pas les stratégies de demande évoquées dans la revue de la

littérature mais plutôt les pratiques qui en découlaient, avec notamment la répétition

dans le temps des processus asymptomatiques et symptomatiques. De manière

spécifique, il s'agissait :

.r de déterminer la proportion d'individus dont le comportement, préventif,

repose surtout sur des visites de contrôle,

de mieux cerner le comportement préventif en identifiant :

* la fréquence des visites de routine,

9 les incidents, symptômes ou bris d'obturation, se déclarant entre les

consultations de contrôle.

d'identifier les principaux déterminants du comportement habituel de

demande

3.2. Second objectif: décrire le processus de demande et d'utilisation en réponse

à un problème dentaire

Le second objectif se charpentait sur une réflexion dont les modèles de

Grembowski (75) et de Donabedian (69) constituaient la colonne vertébrale. Comme

nous l'avons mentionné précédemment, ces derniers ont décrit les étapes qu'empruntent

les individus lors d'un processus de demande de services. Dans notre cas, il s'agissait de

retracer le parcours des adultes ayant ressenti, dans un passé récent, un problème

d'origine dentaire en insistant sur les points suivants :

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pour la demande :

la première décision pnse après l'apparition des symptômes,

la proportion d'individus qui interrompent le processus de demande et

évitent la rencontre avec le dentiste,

pour ceux qui consultent un dentiste, le délai qui s'écoule entre le

début de l'épisode de maladie et le début de l'épisode de soins,

pour l'utilisation, la proportion d'individus qui suspendent Le processus

d'utilisation lorsque le dentiste propose de continuer les soins.

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4.1. Stratégie de la recherche

En 1998, notre recherche se jumela à l'Enquête Santé Dentaire Québec (ESDQ) 1998-

1999 que dirigeaient conjointement l'université de Montréal et la Direction de la santé

publique de Montréal-Centre (annexe 1). Cinquième élément d'une série commencée en

1977, L'ESDQ était subventionnée par le Ministère de la santé du Québec. Son but était

d'évaluer l'état buccodentaire des écoliers québécois de maternelle et deuxième année et

de mieux connaître leurs comportements de santé et de maladie, Pour cela, elle prévoyait

organiser des examens cliniques en milieu scolaire et adresser aux parents un

questionnaire à compléter à leur domicile. En nous proposant de la rejoindre, l'équipe de

I'ESDQ nous offrait de partager ce questionnaire et nous gratifiait en outre de la

logistique qui s'y rattachait : échantillonnage, collecte et saisie informatique des

données. Bien sûr, elle nous imposait aussi quelques contraintes : contraintes en regard

de la population cible, tout d'abord; contraintes de temps, ensuite, une date limite étant

fixée dans la construction de l'instrument de mesure; contraintes d'espace, enfin,

puisqu'une portion bien précise du questionnaire nous était dévolue et qu'il n'était pas

possible de déborder.

4.2. Population à l'étude et échantillonnage

4.2.1. Population

Les parents d'enfants scolarisés au Québec dans les classes de maternelle (5-6 ans) et de

deuxième année (7-8 ans) constituait la population ciblée par le questionnaire de

PESDQ. C'était donc également la nôtre, même si, pour des raisons diverses, nous

l'avons restreinte dans les analyses. Première limitation : un âge compris entre 30 et 44

ans. Notre intérêt se portait sur des personnes ni trop jeunes, ni trop âgées; pas trop

jeunes, sinon leurs habitudes auraient manqué de temps pour se cristalliser et sfaf%ranchir

de l'influence parentale; pas trop âgées, sinon l'édentation aurait fait ses ravages et

amené des pratiques différentes : l'abandon des visites de contrôle, par exemple, souvent

perçues comme inutiles après la perte de la dernière dent. Cette remarque nous conduit à

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une deuxième restriction que le lecteur comprendra aisément : l'exclusion des personnes

édentées qui répondaient à des modèles comportementaux différents.

4-2.2. Taille de l'échantilon et procédure d'échantillonnage

Les chercheurs de l'ESDQ calculèrent la taille de l'échantillon en fonction de deux

critères majeurs : la précision de l'estimateur du niveau de carie des écoliers et la

représentativité. L'échantillon devait en effet procurer une image provinciale des écoliers

de maternelle et, pour ceux de deuxième année, une image pour chacune des 11 régions

participantes. Pour compliquer l'affaire, certaines régions avaient émis le souhait de

gonfler leur échantillon : en maternelle, Montréal et Lanaudière désiraient un portrait

régional de leur population, en deuxième année, c'est 17Estrie qui demandait un sur-

échan tao~age afin d'obtenir une représentativité sous-régionale. Enfin, anticipant une

inévitable perte de sujets due aux refus de participer et aux absences au moment de

l'examen, les chercheurs majorèrent la taille de l'échantillon dans chacune des régions en

fonction du taux de participation observé lors de l'ESDQ précédente, réalisée en 1996- 1997

auprès d'élèves de sixième année. En bref, ces diverses exigences amenèrent l'équipe de

recherche à sélectionner 9930 écoliers et Ieur f a d e à travers la majeure partie du

Québec (annexe 2).

L'échantillonnage s'appuyait sur les directives que l'OMS a émises dans son Guide

d'enquêtes épidémiologiques sur la santé buccale (145). Stratifié selon la région et le

niveau scolaire, il comptait plusieurs étapes. Avec L'aide du Ministère de l'éducation du

Québec, il fallut d'abord dresser la liste complète des groupes scolaires et des écoliers

des classes de maternelle et de deuxième année. C'est alors que les chercheurs tirèrent au

S O ~ 24 écoles dans chacune des régions, chaque groupe scolaire ayant une probabilité

d'être sélectionnée proportionnelle à ses effectifs. Bien sûr, pour les régions procédant à

un sur-échantillonnage, le nombre d'écoles fut accru, il atteignit 48 dans Lanaudière par

exemple. À Montréal, notons qu'une stratification supplémentaire fut effectuée pour

assurer aux sujets anglophones une représentation suffisante. Le deuxième tirage au sort

concerna les écoliers : 18 à 22 écoliers de deuxième année et 5 à 8 écoliers de maternelle

h e n t ainsi aléatoirement choisis dans chacune des écoles retenues.

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4-2.3. Taux de participation et pondération

Le tableau N révèle un taux de réponse très satisfaisant puisqu'il frôle 85 % et dépasse

nettement celui des ESDQ précédentes (39, 146). Une des explications à cela tient au

jeune âge des écoliers concernés. 11 est en effet logique que les parents accordent une

oreille attentive à l'enfant débutant sa scolarité et à ses enseignants; il est également

compréhensible que leur attention se relâche avec le temps car l'enfant grandit et son

chemin se banalise.

Tableau IV : taux de réponse aux questionnaires en fonction de la zone de résidence

Nombre de familles Nombre de questionnaires Taux de réponse sélectionnées complMs

Zone de résidence : métropolitaine

urbaine rurale

Ensemble de I'échantiIIon

Afin de mieux représenter la population du Québec, les données furent pondérées en

fonction de plusieurs variables : la région (sauf pour les écoliers de maternelle), la zone

de résidence (métropolitaine, urbaine ou male), le revenu et la langue parlée (français

ou anglais). Autrement dit, les domées échantillonnales furent redressées et ajustées aux

données populationnelles provenant des recensements provinciaux (annexe 3).

4.3. Collecte des données et définition des variables

4.3.1. Procédure de collecte des données

Les centres scolaires impliqués dans L'ESDQ transmettaient les questionnaires aux

parents par l'intermédiaire des enfants et les recueillaient lorsque ces derniers les

ramenaient compl6tés. Chargées du suivi, les hygiénistes et les infirmières supervisant

les écoles organisaient la collecte, la vérification puis l'expédition des questionnaires aux

responsables régionaux de L'ESDQ. Ces derniers, simples relais, les acheminaient alors à

la Direction de la santé publique de Montréal-Centre où l'équipe de I'ESDQ s'attablait à

un long travail de vérification de l'échantillonnage et de la collecte. Un par un, les

questionnaires étaient dégrafés, les réponses inscrites au crayon à papier et difficiles à

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lire lors de la saisie étaient noircies au stylo à encre. Enfin, l'ensemble était envoyé à

l'Université de Montréal où se déroulait la saisie informatique des données, dernière

étape d'un long périple à travers l e Québec. Précisons que toutes ces opérations de

transport et de stockage ne détournèrent pas l'équipe de I'ESDQ de ses devoirs d'ordre

éthique : la confidentialité des réponses fut ainsi jalousement protégée, les

questionnaires étant empilés dans des boites fermées et entreposés dans des salles

verrouillées.

4.3.2. Description du questionnaire

Le document que reçurent les parents à leur domicile comprenait cinq feuillets brochés

et imprimés recto verso. La page de couverture représentait le formulaire de

consentement pour l'examen clinique de leur enfant et introduisait le questionnaire qui

lui succédait (annexe 4). Une première section traitait des visites de l'enfant chez le

dentiste et enregistrait des informations d'ordres démographique et socio-économique,

en particulier le revenu familial annuel, le niveau de scolarité des parents, la possession

d'une assurance dentaire privée et l e statut en regard de la sécurité du revenu. Cette

section comptait également deux questions d'importance pour notre recherche car elles

constituaient deux critères d'exclusion : I'évaluation du degré d'édentation du répondant

et son âge.

La seconde section identifiait brièvement le répondant puis s'intéressait à ses

connaissances, à ses croyances et à ses comportements. C'est ensuite, dans ies quatre

dernières pages du document, que s'inséraient les questions de notre recherche,

numérotées de 16 à 28a. Les cinq premières, de 16 à 17b, renvoyaient à l'objectif 1, c'est

à dire au comportement habituel de demande. Les 18 restantes répondaient à l'objectif 2

et retraçaient, de manière chronologique, l'itinéraire thérapeutique des répondants ayant

ressenti un problème dentaire au cours des 12 mois précédant l'étude. Nous préférâmes

nous référer à un épisode précis de maladie, dont nous situions le début à l'aide de la

question 19, plutôt qu'à un cas général ou à une simple préférence, cela afin de

bénéficier d'un support concret, l'histoire de la maladie vécue par le répondant, et non

d'une situation décontextualisée et forcément un peu abstraite (97).

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Précisons que la partie du questionnaire qui nous échu fit l'objet de prétests qualitaifs et

d'une validation selon un processus récursif. Des entretiens individuels fiuent en effet

organisés auprès d'adultes montréalais diin de nous assurer que les questions étaient

clairement formulées et que des individus peu scolarisés ies comprenaient correctement.

Ce processus de construction du questionnaire s'appuya sur le guide édité par

Multiculturalisme et Citoyenneté Canada (147) afin de rendre les textes officiels

accessibles aux personnes dont la capacité de lecture est réduite. Les prétests permirent

aussi de vérifier l'adéquation des indicateurs aux concepts d'intérêt. Chaque série de trois

à cinq entrevues entraînait une réécriture partielle du questionnaire qui elle-même

appelait de nouvelles entrevues. Ce processus s'arrêta au bout d'une douzaine de cycles

et d'environ 50 entretiens car les données tendaient à se saturer-

C e questionnaire était disponible en fkançais, bien sûr, mais aussi en anglais car nous

l'avons traduit à l'attention de la communauté anglophone. La version anglaise, toutefois,

fut amputée des questions attachées à l'objectif 2 et s'arrêtait avec la question 17b. La

raison à cela est simple : les anglophones formaient un sous-échantillon de taille

modeste alors que notre approche méthodologique, gourmande en sujets, exigeait un

échantillon imposant. En effet, la question 18, qui introduisait la section sur les

itinéraires, éliminait d'emblée les personnes n'ayant pas ressenti de problème dentaire au

cours des 12 derniers mois. La purge continuait à la question 24 avec les individus qui

n'avaient pas consulté le dentiste et dont l'itinéraire, évidemment, se terminait; elle se

poursuivait à la question 27 qui délestait l'échantillon, déjà largement écrémé, des

personnes dont les soins se terminaient dès la première séance. En bref, même traduite

en anglais, cette section ne nous aurait pas permis, faute d'un échantillon suffisamment

grand, de correctement analyser les comportements des anglophones à la suite d'un

problème dentaire.

4.3.3. Variables à l'élude

4.3.3.1. Objectif 1

Les travaux de Sheiham (38) et de Hawley (81) guidèrent la construction de notre

principal indicateur du comportement habituel de demande (question 17). Celui-ci

séparait les personnes consultant surtout pour des visites de contrôle de celles s'adressant

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au dentiste surtout en cas de problème, c'est à dire lorsque "quelque chose n'ailait pas

avec leurs dents, leur faisait mal". Une question (17a) appréhendant Ia fiéquence des

visites de contrôle rafnnait cette information et apportait un peu plus d'épaisseur aux

pratiques des Québécois (tableau V). Tandis que le premier article de cet ouvrage se

centre sur les questions que nous venons de décrire, le deuxième, toujours rattaché à

l'objectif 1, porte sur les incidents, symptômes ou bris d'obturation, qui se déclarent entre

les consultations de contrôle et perturbent la routine des Québécois. Il fait donc le

parallèle entre les comportements habituels de demande (questions 17 et 17a) et les

problèmes perçus par les individus (questions 18 et 20).

Tableau V : principales variables répondant A L'objectif 1 - - - - . . . - - - - - - - - - - -- -- - -

Objectifs spécifiques principaux Variables Variables Variables de contrôle dtpendantes independantes

- ---- -- - - - --

Comportement habituel de demande Question 17 Revenu (quest 8) - Sexe (quest 12) -Âge (quest 12a) - Langue parlée - Niveau de scolarité (quest 7) - Statut vis-&vis de la sécurité du revenu

(quest 9) - Situation familiale - Assurance dentaire (quest 4) - Dentiste de famille (que% 16a et b)

Frtquence des visites de contrde Question 17a Idem Idem

Comportement de demande et Questions 18 et 20 Questions 17 ct L7a ptésence dc symptàmes

4.3.3 -2. Objectif 2

L'objectif 2, traité dans le troisième et dernier article de cette thèse, s'appuyait sur une

série de questions qui déroulaient le fil de l'itinéraire thérapeutique a partir d'un

événement symptomatique survenu dans la vie du répondant lors des 12 mois précédant

l'étude. Quatre variables dépendantes principales supportaient cette analyse (tableau VI).

La première et la deuxième décision (questions 23 et 23c) évaluaient ainsi l'attentisme

face aux soins dentaires et l'éventuelle interruption du processus de demande. Venait

ensuite l'évaluation du délai entre l'apparition des symptômes et la consultation du

professionnel (question 25) puis, lorsque ce dernier proposait de poursuivre les

traitements, la décision de l'individu de continuer ou d'interrompre le processus

d'utilisation (question 28).

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Tableau VI : principales variables répondant à l'objectif 2

Objectifs spécifiques principaux VariabIes Variable VariabIes de contrôle dependantes indépendante

attendre Première ddcision : consulter le dentiste ou Question 23 Revenu -Nature et acuie du probléme

ressenti (quest 20 à 22) - Sexe - Âge

- Assurance dentaire - Niveau de scolarité - Situation familiale - Dentiste de famille

Deuxième décision (pour les attentistes) : Question 23c Idem Idem consulter ou interrompre le processus de demande

Délai e n a les épisodes de maladie et de soins Question 25 idem Idem

Continuité ou interruption du processus Question 28 idem Idem d'utilisation

4.4. Saisie et analyse des données

4 - 4 1 Saisie des données

Bien qu'effectuée par un lecteur optique, la saisie des données n'était pas totalement

automatisée. Une personne la dirigeait, vérifiant les réponses identifiées avec difficulté

par le logiciel (Teleforrn - CardzffSof~ares) et, le cas échéant, les comgeant. Précisons

que cette personne avait suivi une formation rigoureuse et disposait d'un guide de saisie

des données qui l'aidait à affronter différentes situations délicates. A tout moment, un

membre de l'équipe de recherche était disponible pour répondre à ses questions et pour

l'appuyer en cas de difficulté. La qualité de la saisie fut également vérifiée dans un

deuxième temps : nous choisAmes au hasard une cinquantaine de questionnaires pour

comparer les données inscrites par les répondants à celles enregistrées

informatiquement. Ce contrôle apporta entière satisfaction et nous autorisa à passer à

l'étape suivante : ~'anaiyse des données.

2 Analyse des données

L'analyse des données commença par la mise en forme du fichier informatique (logiciel

SPSS) et par ce que, familièrement, Ilon nomme "nettoyage de fichier". Malgré la

consonance profane de cette locution, cette étape était importante car elle visait à

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idenfifier les réponses aberrantes et à les comger. 11 s'agissait notamment de traiter les

cas où les personnes suivaient mal les flèches destinées à les guider dans le

questionnaire et répondaient à des questions ne les concernant pas. Si par exemple à la

question 18 ("Au cours des 12 derniers mois, avez-vous ressenti (. ..) quelque chose qui

n'allait pas avec vos dents (.. .) ?) un individu répondait "non", nous éliminions la suite

de son questionnaire sur l'itinéraire thérapeutique et effacions donc ses réponses

éventuelles. Ainsi la question 18 primait sur les suivantes et Le nettoyage de fichier,

dirigé par la prudence, rétablissait une cohérence qui pouvait faire défaut, que le

répondant eût mal compris les textes ou que, fatigué, iI eût manqué d'attention. Cette

mise en forme du fichier s'appliqua à tous les endroits où des flèches aiguillaient les

répondants vers la sortie du questionnaire ou vers une série supplémentaire de questions.

Cela étant dit, nos analyses montrèrent peu de réponses aberrantes et renforcèrent notre

confiance dans la clarté du questionnaire.

L'étape suivante consistait à comparer L'échantillon avec la population qu'il représentait

et, en nous basant sur les principales variables sociodémographiques, à le pondérer.

Enfin, nous éliminâmes les répondants autres que les parents, les personnes totalement

édentées et celles âgées de moins de 30 ans ou de plus de 44 ans. Le fichier informatique

était alors prêt pour des analyses statistiques que nous décrirons dans la section

"méthodes" de chacun des trois articles suivants.

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5. ARTICLE 1 : inégalités sociales dans la demande de sewices dentaires au

Québec

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Inégalités sociales dans la demande de services dentaires au Québec

Revue ciblée : Revue d'épidémiologie et de santé publique

Mots clés : demande de services dentaires (dental attendance), inégalités sociales (socid inequuZity), adultes (adulrs)

Auteurs

Christophe Bedos Dr en chirurgie-dentaire, MSc

Jean-Marc Brodeur DDS, MSc, PhD

Étudiant au doctorat en santé publique et agent de recherche au GRIS, Université de Montréal

Professeur titulaire dans le département de médecine sociale et préventive et chercheur au GRIS, Université de Montréal

Mike Benigeri Titulaire d'une bourse postdoctorale de recherche en Dr en chirurgie-dentaire, MSc, PhD santé publique à l'université McGill

Marie Olivier DMD, MSc

Dentiste-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre

Correspondance et demandes de réimpression

Christophe Bedos Département de médecine sociaIe et préventive, GRIS Université de Montréal, C.P. 6128, Succ. Centre-ville, Montréal, Québec, Canada, H3C 357 Téléphone : (514) 343-61 11, poste 3067 Fax : (5 14) 343-2207 Adresse électronique : [email protected]

Remerciements

Les auteurs remercient L'équipe FCAR en promotion de la santé de l'université de Montréal et en particulier Pierre Pluye pour ses critiques et ses recommandations

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Résumé

Cette recherche traite du comportement de demande de senrices dentaires des adultes

québécois âgés de 30 à 44 ans. L'échantillon est constitué de 6585 parents d'enfants de 5

à 8 ans ayant participé à l'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-1999. Ces derniers

furent choisis aléatoirement dans 11 régions socio-sanitaires du Québec et les données

furent pondérées afin que l'échantillon soit représentatif de la province en regard de la

zone de résidence, du revenu et de la langue parlée. Notre recherche révèle que la

majorité des parents, 76 % des femmes et 73 % des hommes, consultent le dentiste de

manière préventive et n'attendent pas que des problèmes se déclarent avant de le

contacter. Malheureusement, de profondes inégalités v i e ~ e n t ternir ces résultats :

contrairement aux personnes riches, Les pauvres tendent à espacer leurs visites de

contrôle et à suivre un mode de consultation symptomatique qui n'autorise pas les

praticiens a engager des thérapeutiques préventives de la carie dentaire. Ces inégalités

surprennent peu en regard des contraintes sociales et économiques qui rétrécissent

"l'univers des possibles" dans lequel vivent les personnes pauvres, univers oppressant

qui façonne leurs comportements, leurs attitudes, et même, dans un deuxième temps,

ceux des dentistes. Voilà pourquoi nous pensons que la santé publique dentaire doit

participer à la lutte contre la pauvreté par des actions qui touchent les domaines

politique, communautaire et organisationnel.

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Introduction

S'enorgueillissant d'excellents indicateurs de santé générale, le Québec se trouve dans

une position peu flatteuse dans le domaine de la santé buccodentaire, en particulier chez

les adultes où s'expriment de profondes inégalités. L'édentation totale en est le trait le

plus douloureux. Alors qu'elle reste à un niveau acceptable panni les personnes

économiquement aisées, elle atteint un degré effarant chez les plus démunies : ainsi, près

de 25 % des Québécois âgés de 35 à 44 ans et gagnant moins de 25 000 $ par an ont dkjà

perdu toutes leurs dents (Brodeur, Payeîte, Benigeri, Olivier, & Chabot, 1995). On

retrouve les mêmes disparités parmi les personnes qui ne sont pas totalement édentées.

Les pauvres, avec approximativement autant de dents affectées par la carie que les

riches, montrent plus de dents non traitées, moins de dents obturées et, encore une fois,

plus de dents extraites (Brodeur et al., 1998).

Cette situation catastrophique provient en grande partie de la carie dentaire car les

parodontites, qui apparaissent généralement à l'âge adulte, exigent rarement des

extractions avant 50 ans (Fejerskov, 1995). En simplifiant, le processus d'édentation se

résume aux étapes suivantes : dent saine - carie - restauration - renouvellement de la

restauration (plusieurs cycles possibles) - extraction (Kingman & Selwitz, 1997). Lente

et souvent inachevée lorsque la carie est traitée de manière précoce, cette séquence

s'accélère lorsque le dentiste identifie tardivement la lésion car celle-ci, devenue

volumineuse et mutilante, nécessite une extraction dentaire immédiate ou différée par

des cycles de restauration - rerestauration. Ainsi, à incidence égale de la carie, les

personnes qui ne s'adressent au dentiste qu'en situation d'urgence auront plus de lésions

non traitées, moins d'obturations et plus de dents extraites que celles consultant pour de

fréquents contrôles.

Ces deux premiers paragraphes suggèrent que les inégalités de santé dentaire se

rattachent à des inégalités dans les comportements de demande et d'utilisation des

services : les personnes des couches sociales favorisées de notre société tendraient à

consulter le dentiste de manière préventive tandis que les personnes situées à l'autre bout

de l'échelle sociale agiraient surtout en cas de problème. Au fond, une telle situation ne

serait pas singulière : toutes les études qui s'intéressent à ce sujet dans les autres sociétés

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industrielles montrent d'importantes disparités dans les pratiques (tableau 1). Cet article

s'attachera donc à vérifier, dans un premier temps, l'hypothèse selon laquene les

inégalités dans les comportements de demande sont trés marquées parmi les adultes

québécois âgés de 30 a 44 ans. Il montrera ensuite les conséquences probables de cette

situation lorsque les dentistes adopteront pleinement une philosophie thérapeutique

préventive de la carie dentaire, axée sur la reminéralisation des lésions plutôt que sur

leur obturation. Dans un second temps, cet article s'appuiera sur une théorie sociologique

de l'action pour analyser les obstacles qui se dressent face aux personnes de faible

niveau socio-économique dans l'accès aux services dentaires.

Insérer le tableau 1

Méthodes

Nos données proviennent de l'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-1999 dans laquelle

9930 écoliers de classes matemelle et deuxième année (cinq à huit ans) fiirent

sélectionnés aléatoirement afin d'être examinés cliniquement. Également invités à

participer, leurs parents reçurent un questionnaire portant sur leurs comportements de

demande et d'utilisation des services dentaires. Panni eux, 8430 adultes le renvoyèrent

complété, ofiant un taux de réponse de 84,9 %. Après l'exclusion des personnes

totalement édentées et des répondants autres que les parents, notre échantillon fut réduit

aux 6585 personnes âgées de 30 à 44 ans. Précisons que dans le but de corriger les

erreurs échantillonnales, nous avons appiiqué une pondération selon plusieurs critères :

la région, la zone de résidence, le revenu et la langue parlée. Cet échantillon d'adultes

représente donc bien les familles québécoises avec un enfant scolarisé en matemelle ou

deuxième année, à une exception toutefois, celle du sexe des répondants puisqu'à peine

12 % d'entre eux sont des hommes. Aussi avons-nous présenté séparément leurs résultats

qui, soulignons-le, pourraient so&Er d'un biais dans le sens d'une surévaluation de la

prévalence des comportements préventifs s'il s'avère que les pères ayant répondu

s'impliquaient plus que les autres dans la santé de leurs enfants.

En rupture avec les enquêtes provinciales précédentes, nous n'avons pas retenu

l'indicateur classique de la demande de service : la visite du dentiste au cours des 12

derniers mois. En ne tenant pas compte de la nature de la demande et en fixant une

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période de rappel très largement discutée, cette variable classait ensemble des personnes

dont les pratiques divergeaient fondamentalement. C'est pourquoi nous lui avons préféré

un indicateur qui appréhendait le comportement habituel, plutôt que ponctuel, et qui se

référait aux circonstances dans Lesquelles s'organisaient les consultations. La question

qui mesurait le comportement de demande se présentait ainsi : Habituellement, quand

allez-vous chez le dentiste pour vous-même ? Le répondant choisissait p a d trois

réponses citées dans cet ordre :jamais (ou quasiment jamais); surtout Zorsqtre quelque

chose ne va pas, me dérange ou me fait mal; et enfin surtout pour des contrôles ou des

nettoyages. Dans les analyses, nous avons classé à comportement symptomatique les

personnes ayant coché l'une ou l'autre des deux premières réponses, et à comportement

préventif celles consultant surtout pour des contrôles ou des nettoyages. Dans ce dernier

cas seulement, les parents complétaient une question supplémentaire sur la fréquence de

leurs visites de contrôle.

Dans un premier temps, les analyses furent effectuées séparément pour chacun des

sexes : elles se limitèrent à des distributions de fiéquence et à des tableaux croisés, les

associations statistiques étant vérifiées à l'aide du Chi carré de Pearson. Nous

construisAmes ensuite mi modèle de régression logistique d'après la méthode (stepwise

backward) de Hosrner et Lemeshow(Hosmer & Lemeshow, 1989), c'est-à-dire en

intégrant toutes les variables indépendantes avec une valeur-p inférieure à 0,25 dans des

Chi carrés de Pearson, puis en retirant celles rejetées par les tests de Wald au seuil de

0,05. Précisons enfh que les fortes corrélations entre d'une part le revenu familial, et

d'autre part le niveau de scolarité, la possession d'une assurance dentaire privée, la durée

avec un dentiste de famille et la situation familiale (monoparentale), nous amenèrent à

exclure ces quatre dernières variables pour éviter un phénomène de colinéarité.

Résultats

Les adultes de 30 à 44 ans qui consultent de manière préventive sont majoritaires au

Québec, leur proportion atteint 76 % parmi les femmes et 73 % parmi les hommes.

Quant à la fréquence de Leurs visites de routine, elle s'avère relativement élevée

puisqu'elle est semestrielle ou annuelle dans la majorité des cas (figure 1).

Malheureusement, la situation sociale des individus distord et assombrit ces résultats

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encourageants : les riches tendent à multiplier les visites de contrôle, les pauvres a les

espacer. Parmi ces derniers, la proportion des personnes avec un comportement

symptomatique atteint 39 % chez les femmes et surtout 46 % chez les hommes (tableau

2). Pauvres parmi les pauvres, les prestataires de la sécurité du revenu tirent peu parti du

programme public d'assurance dentaire qui leur est destiné : la prévalence de

comportements symptomatiques reste élevée à 37 % parmi les hommes et à 39 % parmi

les femmes.

Insérer la figure I et le tableau 2

La figure 2 rappelle que la pauvreté ne se Limite pas à de faibles ressources

économiques. Elle prend de nombreux visages. Celui d'une faible scolarité, par exemple,

ou encore d'une vie familiale chaotique, souvent marquée par la rupture du couple. Dans

ces conditions, bien difficile de se tirer d'&aire dans une société qui n'est pas toujours

clémente, difficile de surmonter les écueils de la vie et de consacrer du temps aux loisirs

ou à la santé. La pauvreté, c'est aussi l'absence d'assurance dentaire privée et, ûiste

corollaire, la difficulté pour établir une relation suivie avec un dentiste. Notons ainsi que

21 % seulement des personnes pauvres disposent d'une assurance dentaire privée, alors

que 68 % des riches, qui logiquement en auraient moins besoin, en bénéficient.

Insérer la figtrre 2

Comme plusieurs variables ont été exclues de la régression logistique afin d'éviter des

phénomènes de colinéarité, le revenu familial y occupe une place centrale avec des

ratios de cotes très élevés : 3,O pour la catégorie de revenu intermédiaire et 5,3 pour celle

de revenu faible (tableau 3). À un niveau moindre -- les ratios de cotes ne dépassent pas

la valeur 1,s -- ressortent les variables sexe, langue d'usage et âge des individus : les

hommes, les francophones et les jeunes étant plus portés à un comportement de demande

symptomatique.

Insérer le tableau 3

Discussion

Dans la demande de senrices dentaires, le Québec soutient avantageusement la

comparaison avec les pays industrialisés qui fournissent des statistiques puisque seuls le

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Danemark et la Norvège affichent des résultats du même ordre (tableau 1). Toutefois,

nous resterons prudents dans des comparaisons internationales toujours hasardeuses tant

est grande la diversité des concepts, des indicateurs et des devis de recherche. Le critère

retenu en Écosse, par exemple, est si exigeant (sur une période de 5 ou 10 ans, en

moyenne une consultation par an et pas plus de 18 mois entre chaque visite) que seule

une infime minorité des individus réussit à le satisfaire : il tolère peu les écarts, l'oubli

d'un rendez-vous ou l'espacement délibéré des visites si l'individu est peu vulnérable.

Appliqué dans un autre pays, quels résultats aurait-il fournis ? Au Québec, même si près

du tiers des adultes consultent tous les six mois, la proportion aurait été probablement

faible; elle l'aurait été encore plus en Norvège (Wang, Berger, & EIlingsen, 1998), par

exemple, où la nouvelle politique gouvernementale pose comme objectif pour les

adolescents une visite tous les 20 mois environ.

Le choix de l'indicateur est donc essentiel car il trace une frontière normative entre

différents comportements. En cela, il répond à plusieurs paramètres tels que la politique

de santé, les thérapeutiques offertes par les praticiens, la nature, l'incidence et la rapidité

des processus pathologiques. Pour le Québec, nous souhaitions que la variable isole

deux catégories de comportements qui se distinguent d'abord par la nature des visites,

préventive ou symptomatique, mais aussi, comme nous le verrons plus tard, par leurs

conséquences sur la santé. Cela, pourtant, ne signifie pas que nos catégories sont

totalement homogènes sur le plan des comportements. Le groupe préventif, par exemple,

comprend probablement des personnes répondant aux critères pourtant si sévères des

chercheurs écossais, consultant scrupuleusement tous les six mois, n'oubliant aucun

rendez-vous, appliquant à la lettre les consignes de leur praticien. Sans doute y

rencontre-t-on aussi des individus qui espacent leurs visites de contrôle si peu de besoins

se font sentir, quitte à fiôler ou même à franchir, dans un sens puis éventuellement dans

l'autre, la fiagile frontière qui les sépare du comportement symptomatique. Nous

tolérons cette diversité en portant le normatif sur la nature des visites plutôt que sur leur

fréquence, celle-ci devant plutôt s'ajuster à des besoins que les dentistes déterminent

avec leurs clients. Hétérogénéité également pour le groupe symptomatique qui

amalgame des personnes consultant seulement lorsque la douleur se fait violente, et

d'autres qui, malgré des efforts pour effectuer des visites de contrôles, n'y réussissent

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que de manière occasionnelle. Néanmoins, tous partagent une situation que nous

qualifions d'échec car les consuItations symptomatiques se répètent et éclipsent les

demandes préventives.

Cela étant dit, que sibonifient nos résultats, ne nous offrent-ils pas un double visage, à la

fois satisfaisant et inquiétant ? Le coté plutôt positif tient à la prévalence globale du

comportement préventif de demande que nous attendions un peu plus faible. La

firéquence des visites de routine est élevée, généralement semestrielle ou annuelle, et

favorise la prévention ou le dépistage précoce des affections. Ce type de comportement,

nous le pensons, autorise l'abandon par les dentistes de l'approche restauratrice

traditionnelle au profit d'une philosophie préventive qui tarde à émerger, peut-être parce

qu'avant de l'adopter, la profession dentaire souhaite obtenir de fermes assurances de la

part de la population sur la continuité des visites de contrôles (Elderton, 1985). Précisons

que le monde de la dentisterie se trouve dans une situation charnière où deux modèles

thérapeutiques de la carie entrent en concurrence. Le modèle restaurateur traditionnel est

basé sur L'exérèse des tissus cariés, la taille d'une cavité dans l'émail et La dentine puis

son obturation à l'aide d'un matériau collé (résine) ou simplement posé dans la dent

(amalgame). Le modèle préventif, appelé à le remplacer, vise à bloquer et même à

inverser le processus de déminéralisation qui caractérise les Lésions carieuses. Cette

"reminéralisation", obtenue notamment par l'application locale de fluorures, bloque le

processus d'édentation dès l'étape initiale, dent saine - dent cariée, et évite ainsi la pose

d'une obturation souvent mutilante pour l'organe dentaire.

La face sombre de nos résultats provient des inégalités qui marquent la société

québécoise et dont le revenu familial est un bon révélateur. Les riches, dans leur très

grande majorité, consultent de manière préventive et multiplient les visites de routine

tandis que presque la moitié des pauvres agissent sur un mode symptomatique. Aussi

comprend-on un peu mieux pourquoi les personnes démunies sont si souvent édentées

au Québec. Le revenu n'est pas le seul facteur discriminant, toutefois, puisqu'avec

l'origine ethnique et le sexe ressortent deux autres éléments importants de la société

québécoise : traditionnellement, à niveau socio-économique égal, les anglophones et les

femmes manifestent des comportements de santé généralement plus satisfaisants que les

francophones et les hommes, et le domaine dentaire n'y échappe pas. L'adoption par les

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dentistes du modèle thérapeutique préventif', que nous espérons prochaine, va-t-eile

réduire Ies inégalités de santé entre les riches et les pauvres ? Au contraire, nous pensons

qu'elle va les accroître puisqu'eile ne profitera qu'aux personnes avec un comportement

préventif. Le tableau 4 résume notre point : avec une approche restauratrice dominante

panni les dentistes, la diffirence entre demandeurs préventifs et symptomatiques est

surtout quantitative car, dans les deux cas, s'engage un processus de perte de la dent, lent

pour les premiers et rapide pour les seconds; avec l'avènement de l'approche préventive,

la différence deviendra qualitative puisque les demandeurs préventifs conserveront leur

intégrité dentaire, le processus carieux étant bloqué dès le début, alors que les

demandeurs symptomatiques continueront avec l'ancien système basé sur les obturations

à l'amalgame et sur les extractions.

Imérer le tableau 4

Aussi, aujourd'hui plus qu'hier, la lutte contre les inégalités dans les comportements de

demande s'élève au rang de priorité dans le domaine de la santé dentaire publique. Mais

avant d'échafauder des stratégies pour les combattre, essayons de les comprendre et

d'isoler leurs prémices : que signifient les inégalités sociales et par quels mécanismes

apparaissent-elles ? Nous avons adopté le revenu pour illustrer les clivages sociaux,

choix qui peut se révéler réducteur et manquer de validité selon la définition que l'on

donne de la classe sociale. Si l'on se référe à la pensée marxiste, où la classe se définit

par la relation avec les moyens de production, notre indicateur montre quelques

faiblesses en amalgamant, dans le groupe à faible revenu, ouvriers, étudiants ou artisans,

par exemple. Si l'on préfère les idées de Weber, et que l'on attribue une place importante

au prestige, là encore nos catégories s'avèrent hétérogènes puisque le prestige ne

s'accorde pas forcément à la richesse. Aussi nos résultats doivent-ils être lus et

interprétés avec un esprit critique, sachant que la réalité comme la mesure, sont

équivoques : les classes sont des entités virtuelles dont les frontières sont floues (Aron,

1964). La position théorique qui guide notre réfiexion est celle que propose Bourdieu

dans La Distinction (Bourdieu, 1979). Celui-ci décrit un espace social dans lequel se

positionnent les individus selon différents critères, économique et culturel notamment. À

cet espace social, dont la pauvreté est une borne importante, se superpose un espace des

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prises de position, des pratiques et des comportements parmi lesquels figurent ceux

relevant de la santé et de la maladie.

Un trait important de cette théorie de l'action tient à la notion d'habitus qui tresse le lien

entre ces deux espaces, c'est-à-dire entre la position sociale et les comportements.

L'habitus est le sens pratique des individus, "système acquis de préférences, de principes

de vision et de division (ce que l'on appelle d'ordinaire le goût), de structures cognitives

durables et de schèmes d'action (...) qui orientent la perception de la situation et la

réponse adaptée" (Bourdieu, 1994, p 45). Si Bourdieu n'exclut nullement un habitus

individuel, il insiste avant tout sur un habitus de classe modelé dans l'homogénéité des

conditions d'existence, dans un environnement social avec "ses carrières fermées, ses

places inaccessibles ou ses horizons bouchés" (Bourdieu, 1980, p 100). Les goûts ne

seraient donc pas libres, mais forcés et réduits au nécessaire par les conditions

d'existence (Bourdieu, 1979, p 199). Appliqué à notre sujet, l'habitus se retrouve dans la

propension des individus à consulter le dentiste de manière préventive, dans la confiance

qu'ils lui vouent, le respect qu'ils accordent à ses prescriptions comme, de manière plus

générale, dans l'intérêt qu'ils portent à la santé ou à l'hygiène. Ces attitudes sont

façonnées par un univers des possibles dont les frontières varient d'un groupe social à

l'autre : fiontières géographiques pour certaines communautés isolées du Québec, mais

surtout frontières économiques pour les Québécois dont les revenus sont modérés. Dans

les paragraphes qui suivent, nous tenterons de montrer comment cette barrière financière

pourrait forger l'habitus et rejaillir sur les pratiques reliées à la santé dentaire des adultes

en situation de pauvreté.

Notre étude révèle en effet que la très grande majorité des personnes pauvres, à l'inverse

des riches, ne disposent d'aucune assurance dentaire privée : elles doivent donc payer les

visites de contrôle mais aussi, le cas échéant, les soins que prescrit le dentiste s'il

découvre une affection ou un problème. L'obstacle financier, bâti à la fois sur les

dépenses réelles et sur les dépenses potentielles, dissuade donc doublement les individus

de consulter préventivement. A cette dissuasion purement économique s'en attache une

d'ordre psychologique. Acculé à refuser un traitement ou à négocier pour trouver une

solution moins onéreuse, le client se place dans une situation moralement inconfortable

car il dévoile au dentiste ses limites, ses échecs dans une société où un gros revenu

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incame la réussite. Le dentiste lui-même n'est pas insensible à la situation sociale et

hancière de ses patients peu fortunés. Plusieurs recherches entreprises aux États-

Unis (Mïlgrom et al., 1996; O'Shea, Corah, & Ayer, 1983; Rouse & Hamilton, 1991)

révèlent que les praticiens accordent une importance centrale à la notion d'observance

(cornpliance), et plus particuliérement au fait que leurs clients respectent les rendez-

vous, acceptent les plans de traitement et s'acquittent de leurs honoraires. En cela, les

dentistes répondent à leur propre univers des possibles dont les limites sont modelées par

la rentabilité financière de leur pratique privée. Pour le client comme pour le dentiste, la

capacité ou plutôt l'incapacité de payer suscite donc des fhstrations qui dévalorisent et

éventuellement distendent leur relation : dans certains cas la personne préférera renoncer

aux visites de contrôle, dans d'autres c'est le praticien qui ne souhaitera pas la revoir, non

parce qu'elle est pauvre, mais parce que la pauvreté rend leur entente difficile. Le fait

qu'ils n'appartiennent pas, ou très rarement, au même milieu social n'arrange

probablement pas la situation tant ils divergent par leurs horizons, leurs valeurs, styles

de vie ou affinités.

Dans la demande de seMces dentaires, la pauvreté rétrécit donc singulièrement un

univers des possibles qui, selon Bourdieu, laisserait son empreinte dans les goûts et les

préférences des individus. L'habitus ainsi produit engendrerait "toutes les conduites

raisonnables, de sens commun", et exclurait "toutes les «folies» («ce n'est pas pour

nous»), c'est-à-dire toutes les conduites vouées à être négativement sanctionnées parce

qu'incompatibles avec les conditions objectives" (Bourdieu, 1980, p 93-94) : autrement

dit, l'habitus des classes défavorisées tendrait à espacer les visites de contrôle voire

même à rejeter toute stratégie préventive de demande. De toutes façons, cette stratégie

suppose un calcul à long terme qui se heurte à un horizon plutôt sombre : il est difficile

de sacrifier un présent à un futur auquel on ne croit pas, et comment pourrait-on y croire

lorsque l'édentation est un phénomène si commun dans l'entourage qu'il paraît

inéluctable ? Plusieurs auteurs ont évoqué la faible propension des pauvres à consulter le

dentiste, que ce soit sous la forme d'une indz@érence dentaire (Nuttall, l996), d'un faible

intérêt porté aux dents (Schuurs, Duivenvoorden, Coolen, & van Rijckevorsel, 1984;

Syrjala, Knuuttila, & Syrjala, 1992) ou dans des attitudes négatives à l'égard des soins et

de la santé dentaires (Gilbert, Duncan, Hefi, & Coward, 1997). Ces obstacles cognitifs,

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dont la barrière financière poserait les bases, seraient d'une grande solidité puisqu'ils

continuent à imprimer les comportements même si la barrière financière vient à

s'écrouler, par l'introduction de la gratuité des soins, par exemple. Le cas des prestataires

de la sécurité du revenu en est une illustration : bien qu'un programme gouvernemental

prenne en charge les dépenses dentaires de ces personnes en situation précaire, leur

demande préventive stagne à un faible niveau.

Parallèlement, les contraintes économiques imposées aux dentistes et les bstrations

qu'ils subissent dans leurs relations malaisées avec les pauvres pourraient façonner leur

propre habitus. Système de perception, celui-ci se manifesterait par une préférence pour

les gens aisés, par exemple, et les observations de Rouse (Rouse & Hamilton, 1991)

corroborent cette hypothèse : plus les praticiens sont sélectifs avec leur clientèle, plus ils

s'attachent aux personnes capables de payer des soins optimaux et à celles qui

bénéficient d'une assurance dentaire privée. Pour les autres individus, rencontrer un

dentiste avec lequel on tissera une relation solide et harmonieuse devient donc difficile,

et notre figure 2 tend à le soutenir. Principe générateur de pratiques, l'habitus pousserait

aussi les dentistes à proposer des traitements adaptés à la situation hancière de leurs

clients, anticipant ainsi les malaises et parfois les refus qu'engendrent leurs difficultés

financières. A une personne jugée peu accommodante (cornpliant), et ce jugement peut

découler d'une simple observation de son état dentaire, jalonné par des traitements

antérieurs peu onéreux (low dollar denris@& le dentiste éviterait de proposer de

multiples visites pour privilégier une solution simple et économique : "1 could tell that

she had opred for less expensive treatment in the past. I would go slowly-.. suggest Zess

expensive work" (Redford & Gifi, 1997). Si ce jugement a prion réduit les discordances

et évite certains échecs dans les traitements, il présente également l'inconvénient de

cantonner les pauvres dans un même régime thérapeutique et dlo£ûir peu d'échappatoires

à leur destin.

Conclusion

Comprimé, écrasé par de multiples contraintes économiques et sociales, "l'univers des

possibles" dans lequel vivent les pauvres est donc un univers restreint, et cette étroitesse

se répercute sur les habitus, affectant les comportements de demande de s e ~ c e comme

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les relations client-dentiste. Face à cette constatation, le secteur de la santé dentaire

publique doit-il s'engager dans une lutte contre la pauvreté qui, par son ampleur, par ses

implications tant politiques qu'idéologiques, tend à Le dépasser et à l'exclure ? S'il tient à

chacun d'apporter sa propre réponse, nous pensons néanmoins qu'un investissement dans

ce sens est nécessaire, individuellement, bien sûr, mais aussi collectivement en

réunissant tous les domaines de la santé publique. Faut-il rappeler que tous se heurtent

au problème de la pauvreté et des inégalités sociales ? Certes, la tâche est ambitieuse, et

les intervenants, comme les organismes publics, devront surmonter certaines réticences

pour entreprendre des actions qui touchent à la sphère politique, parce qu'ils les

connaissent mal, mais aussi parce qu'ils hésitent à transgresser la règle selon laquelle on

ne mord pas la main qui vous nourrit. Un des éléments de la lutte contre la pauvreté et

pour l'élargissement de L'univers des possibles réside dans L'introduction d'un régime

d'assurance dentaire qui couvrirait l'ensemble de la population québécoise, et dont

l'absence fait figure d'anachronisme dans une société qui, depuis plus d'un quart de

siècle, défend l'accès aux services médicaux pour tous, indépendamment de la capacité

de payer.

Le domaine de la promotion de la santé offre également des solutions pour saper les

barrières qui, tels les habitus, séparent et opposent les personnes pauvres et les dentistes.

Cette réconciliation nous semble possible si les différents protagonistes acceptent de

renouer le dialogue et s'accordent sur le droit et le besoin fondamental de chaque

individu au bien-être et à la santé. Il revient, en premier lieu, aux institutions de santé

publique d'amorcer un rapprochement entre les dentistes, les groupes communautaires et

les individus en situation difficile, que se soit par la création de réseaux ou par la mise

en place de coalitions. Cette mission n'est évidemment pas simple : après tout, quels

intérêts les dentistes trouveront-ils à s'impliquer avec les pauvres ? Comment les

intervenants rejoindront-ils les plus démunis dans leur marginaiisation sociale ? Les

programmes engagés dans d'autres domaines de la santé apportent des réponses à ces

questions et montrent que les changements que nous appelons ne sont pas utopiques,

qu'il s'agisse d'un renversement dans les attitudes, d'un ajustement des normes de

pratique ou d'une réduction des tarifs.

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Tableau 1 : comportement de demande de seMces dentaires des adultes de différents pays industrialisés

Pays Études Concept Critéres normatif

Groupes Résultats (prévalence) d'5ge

Angleterre (Craft & Croucher. Motif des Check-ups réguliers 1980) visites

16-20 ans Travailleurs non manuels : Femmes : 76 % Hommes : 56 %

Travailleurs manuels : Femmes : 55 % Hommes : 38 %

Ausvalie (Srikandi, Carey, & Motif des ChecGups réguliers Clarke. 1983) visites

35-39 ans 41 %

17-64 ans Revenu élevé : 53 % Revenu moyen : 4 1 % Revenu faible : 37 %

Écosse (Nuttall, 1984) Fréquence V-kites fréquentes (en moyenne 1 Adultes 16 '3'0 visite par an pendant 5 ans et pas plus de 18 mois entre 2 visites)

(Nuttall & Davies, 199 1) Fréquence idem, mais pendant IO ans Adultes 9 %

Danemark (Schwarz & Hansen, Régularité Visites réguIières (visite annuelle 30-39 ans Femmes : 80 % 1976) pendant 5 ans) Hommes : 65 %

15anset+ F e m i e n z 4 5 % Cols blancs (haut) s 90 %

(Petersen, 1983) Rdgularité Visites réguIières 35-44 ans 67 % Niveau social étev6 : 89 % Niveau social faible : 44 %

États-unis (Gilbert e t al., 1997) Motif des Check-ups réguliers (visite 45 ans et + Non pauvres : visites annuelle pendant 5 ans) Blancs : 58 %

Noirs : 21 %

Pauvres : Blancs : 21 % Noirs: 11 %

Norvége (Helst, 1979) Régularité Visites régulieres (visite annuelle 3049 ans 62 % pendant 3 ans) Scolarité collégiale G 80 %

Scolarité primaire s 35 %

(Heloe. Hoist, & Rise, Régularite Visites réguliéres (visite annuelIe 30-49 ans 76 % 1988) pendant 5 ans) 15 ans e t +- Revenu devé : 77 %

Revenu moyen : 55 % Revenu faible : 42 %

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Figure 1 : distribution, stratifiée par le sexe, des Québécois âgés de 30 à 44 ans en fonction de leur comportement de demande de services dentaires et de la fréquence de leurs visites de contrôle (n=5795 pour les femmes, et n=790 pour les hommes)

Femmes Hommes

Comportement symptomatique

Fréquence bisannuelle 7 Fréquence annueHe ? Fréquence semestrielle J

comportement préventif

Nota Bene : dans des tests de Chi carré de Pearson, [a valeur-p est inférieure j; 0.05 pour la comparaison des comportements et supérieure a 0.05 pour [a comparaison des fdquences

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Tableau 2 : distribution, stratifiée par le sexe et le revenu familial annuel, des Québécois âgés de 30 à 44 ans en fonction de leur comportement d e demande de services dentaires et de la fiéquence de leurs visites de contrôle (n=5795 pour les femmes, et n=790 pour Les hommes)

Revenu familial Comportement pr4ventif (%) comportement annuel symptomatique

Fréquence Fréquence Friquence Total semestrielle annuelle bisannuelle préventif

(%)

Femmes Moins de 30 000 $ 18 3 5 7 61 De 30 000 $ B49 999 $ 27 39 8 74 50 000 $ ou plus 42 42 6 89

Hommes Moins de 30 000 $ 16 28 9 54 De 30 000 % à49 999 $ 19 40 6 65 50 O00 $ ou plus 48 32 7 87

Nota Bene : pour chacun des sexes, la valeur-p est inffrïeure a 0.01 à la fois dans la comparaison des comportements de demande et dans la comparaison des fiequences de visites (tests de Chi cam5 de Pearson)

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Figure 2 : pourcentage des Québécois âgés de 30 à 44 ans avec une scolarité collégiale ou universitaire, une vie de couple, une assurance dentaire privée et un dentiste de famille depuis plus de 5 ans, en fonction du revenu familial annuel (n=6585)

, moins de 30 000 $ a30000à49999$ O 50 000 % ou plus 1 I I

scolarité collégiale ou Vie en couple possession d'une assurance dernisb de famiIfe depuis universitaire dentaire privée plus de 5 ans

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Tableau 3 : régression logistique avec comme variabIe dépendante le comportement de demande de services dentaires (n=6585)

Variables indépendantes Comportement symptomatique

Ratios de cotes [C 95%

Revenu familial annuel 50 O00 S ou pIus De 30 000 $ A 49 999 $ Moins de 30 000 $

Sexe Femme Homme

Langue d'usage

Anglais Français

Âge 40844an.s 35 8 39 ans

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Tableau 4 : traitements de Ia carie dentaire en fonction du comportement de demande des individus et du modèle thérapeutique adopté par les dentistes

ModèIe thérapeutique adopté par les dentistes

Modéle traditionnel restaurateur Modèle préventif

Comportement préventif Restauration Reminédisation (processus de perte de la dent engagé mais lent) (processus de perte de la dent infléchi)

Comportement symptomatique Restauration - extraction Restauration -extraction (processus de perte de la dent engag6 et rapide) (approche préventive non applicable)

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6. ARTICLE 2 : une fréquence semestrielle des visites de contrôle est-elle

nécessaire pour prévenir les problèmes dentaires des adultes ?

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- --

Une fréquence semestrielle des visites de contrôle est-elle nécessaire pour prévenir r les problèmes dentaires des adultes ?

Revue ciblée : Journal Canadien de Sanié Publique

Mots clés : demande de services dentaires (dental attendance), fréquence des visites (recall intervals), bris d'amalgames (amalgam failures), carie dentaire (dental caries)

Christophe Bedos Dr en chirurgie-dentaire, MSc

Jean-Marc Brodeur DDS, MSc, PhD

Mike Benigeri Dr en chirurgie-dentaire, MSc, PhD

Marie Olivier DMD, MSc

Étudiant au doctorat en santé publique et agent de recherche au GRIS, Université de Montréal

Professeur titulaire dans le département de médecine sociale et préventive et chercheur au GRIS, Université de Montréal

Titulaire d'une bourse postdoctorale de recherche en santé publique à l'université McGill

Dentiste-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre

1 Correspondance et demandes de réimpression 1 Christophe Bedos Département de médecine sociale et préventive, GRIS Université de Montréat, C,P. 6128, Succ. Centre-ville, Montréal, Québec, Canada, H3C 357 Téléphone : (514) 343-61 11, poste 3067 Fax : (5 14) 343-2207 Adresse électronique : [email protected]

Remerciements 1 Les auteurs remercient l'équipe FCAR en promotion de la santé de l'Université de Montréal pour ses critiques et ses recommandations

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Résumé

Bien que la majorité des dentistes du Québec et des associations dentaires

professiomelles recommandent une visite de contrôle semestrielle, seule une minorité de

la population adulte s'y conforme, la majorité consultant une fois par an ou moins

souvent. Cette recherche fait le lien entre l'espacement des visites et la présence de

symptômes et de signes perçus au niveau des dents par les adultes québécois au cours

d'une période de 12 mois. Elle s'appuie sur un échantillon de 6302 personnes âgées de 30

à 44 ans et non complètement édentées. Ces dernières répondirent à un questionnaire

auto-administré dans lequel elles décrivaient leur comportement habituel de demande et

l e u dernier problème dentaire à condition qu'elles l'aient détecté elles-mêmes et qu'il fût

survenu au cours des 12 mois précédant l'étude. Les résultats montrent que 27 % des

répondants avec un comportement de demande préventif ressentirent un problème

dentaire, proportion qui variait peu avec la fréquence des visites de contrôle, qu'elle soit

semestrielle, annuelle ou même bisannuelIe. Par contre, cette proportion atteignait 49 %

parmi les individus avec un comportement de demande symptomatique, c'est à dire

parmi ceux qui consultent surtout lorsque surviennent des symptômes. La carie dentaire

et le bris d'obturation, principal problème rencontré par les Québécois, montraient des

patrons de données semblables. Ces résultats relancent l'hypothèse selon laquelle les

visites de controle sont pertinentes mais pas forcément nécessaires tous les 6 mois.

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Introduction

Parmi les controverses qui agitent le monde de la santé buccodentaire, la détermination

de la fiéquence idéale d.es visites de contrôle est une des plus anciennes et des plus

irrésolues. Elle demeure d'actualité car ses implications sont importantes, sur le plan de

la santé des populations, bien sûr, puisqu'il s'agit de prévenir ou de traiter précocement

les affections, mais aussi d'un point de vue économique. Une multiplication exagérée des

visites, en effet, entraîne une inflation des dépenses que les assurances publiques ou

privées, préoccupées par n'efficience des programmes, s'efforcent de maîbiser.

Déterminer la fiéquence des visites de routine revient à conjuguer deux phénomènes :

d'un coté les maladies, l e w incidence, leur rapidité d'évolution et leur gravité, de l'autre

la qualité et l'efficacité des moyens dont disposent les dentistes pour prévenir ou traiter

ces affections. La résolution de cette équation se montre donc complexe car les

paramètres relatifs aux maladies sont nombreux, parfois méconnus et varient d'un

individu à l'autre, d'une population à l'autre. 11 en va de même pour les thérapeutiques

dont le dynamisme vienit brouiller les cartes : les protocoles évoluent et ouvrent de

nouvelles perspectives, les coûts fluctuent.

Face à cette complexité, une approche pragmatique consiste à flxer arbitrairement une

fiéquence et à l'ajuster am gré des circonstances, individuelles ou collectives. L'Ordre des

dentistes du Québec, semble-t-il, a suivi cette voie- Faisant preuve d'une grande

prudence, il appelle tous les individus, sans discrimination d'âge ou de vulnérabilité aux

principales affections, à consulter un praticien tous les six mois (1). Sheiham (2, 3) fut

sans doute l'un des premiers à contester cette fXquence, se plaçant sur le terrain

scientifique pour montre= qu'elle est inutilement élevée pour les adolescents et encore

plus pour les adultes. Ses arguments, dont le principal est la relative lenteur des

processus pathologiques, ont trouvé un écho favorable dans certains pays, la Norvège,

par exemple, qui vise un intervalle de 20 mois entre chaque visite pour 85 à 90 % des

adolescents (4).

Au Québec, seule une miinorité des adultes de 35 à 44 ans respecte la règle que prescrit

le conseil de l'Ordre : la visite semestrielle. Panni les femmes, par exemple, la

proportion se limite à 301 %, les autres consultant une fois par an (39 %), tous les deux

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ans (7 %) ou encore de manière symptomatique (24 %), c'est à dire essentiellement en

réponse à des problèmes (5). Pourquoi un tel laxisme vis-à-vis de la norme semestrielle ?

S'il est possible que certains dentistes décident d'espacer les visites lorsqu'ils estiment les

risques faibles, nous pensons que ce sont les clients, en premier lieu, qui éprouvent des

diEcultés ou des réticences à multiplier les visites de contrôle. Pour preuve le fait que

les personnes pauvres consultent moins souvent que les riches alors que,

paradoxalement, elles présentent de plus grands besoins (5).

Cette étude évaluera dans quelle mesure l'espacement ou l'absence de visites de contrôle

se traduit par un accroissement des problèmes dentaires ressentis par les adultes

québécois entre deux rendez-vous chez le dentiste. En portant surtout notre attention sur

la carie dentaire, qui a durement affecté cette génération, et sur un de ses principaux

avatars, le bris d'obturation, nous apporterons notre contribution au débat sur la

pertinence des visites de routine semestrielles.

Méthodes

Notre étude s'inscrit dans le cadre de L'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-1999 dont

l'objectif principal consistait à évaluer la santé buccodentaire des écoliers québécois de 5

à 8 ans. Afin que l'échantillon représentât chacune des régions du Québec, près de

10 000 enfants furent sélectionnés aléatoirement à travers la province. Leurs parents

complétaient un questionnaire dont une des sections traitait de leur comportement

habituel de demande de services dentaires. Étaient classés symptomatiques les adultes

qui ne s'adressaient jamais (ou quasiment jamais) au dentiste ou qui consultaient

essentiellement en cas de problème. Ceux qui, au contraire, se déplaçaient surtout pour

des contrôles ou des nettoyages étaient jugés à comportement préventif et précisaient la

fréquence de leurs visites. Le questionnaire comprenait également une section sur les

itinéraires thérapeutiques qui débutait par la question suivante : Au cours des I2 derniers

mois. avez-vous ressenti ou découvert par vous-même quelque chose qui n'allait pas

avec vos dents. qui vous faisait mal ? Cette question s'accompagnait d'exemples (dent

avec carie, dent douloureuse, abcès dentaire, bris de plombage, dent déchaussée

douloureuse...). En cas de réponse positive, la personne spécifiait la nature du problème,

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ne considérant que le dernier incident si plusieurs s'étaient déclarés pendant la période de

rappel.

L'échantillon, qui a été pondéré afin de mieux représenter la population de référence,

comprend 6302 individus non totalement édentés et âgés de 30 ans à 44 ans. Les

analyses statistiques présentées dans la section suivantes sont testées à l'aide du Chi

carré de Pearson et font le lien entre le comportement habituel de demande de services

dentaire et la prévalence des problèmes dentaires.

Résultats

Comme l'indique le tableau 1, le comportement de demande des adultes québécois

s'associe fortement à la prévalence des problèmes dentaires ressentis. Ainsi, parmi ceux

qui consultent de manière préventive, c'est-à-dire surtout pour des contrôles ou des

nettoyages, à peine 27 % furent victimes d'un ou plusieurs incidents dans les 12 mois

précédant l'étude alors que, dans le groupe des individus avec un comportement

symptomatique, ce chifie culminait à 49 %. Doit-on en déduire que la prévalence des

problèmes s'élève lorsque s'espacent les visites de contrôle ? Paradoxalement, le tableau

1 montre que, dans une limite de deux ans, cela n'est pas le cas. Que les personnes

consultent tous les six mois, tous les ans ou tous les deux ans, la prévalence change peu :

respectivement 28 %, 26 % et 24 %.

Insérer le tableau 1

On observe la même relation entre le comportement de demande et la prévalence des

problèmes dentaires lorsque l'on s'intéresse à la nature de ces derniers. Prenons le cas

des obturations brisées, de loin le plus prévalent. Dix huit pour cent des personnes dont

le comportement de demande est symptomatique subirent un bris d'obturation, contre

10,5 % de celles avec un comportement préventif (tableau 2). Dans ce dernier groupe,

encore une fois, la fréquence des visites de contrôle importe peu puisque le pourcentage

reste compris entre 9,9 et 10,7 %. Le schéma est semblable avec les caries et les abcès

dentaires qui demeurent toutefois beaucoup plus rares.

Insérer le tableau 2

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Discussion

Bien que la majorité des adultes québécois avec un comportement préventif s'écartent de

la norme semestrielle et choisissent une fréquence annuelle ou bisannuelle, la prévalence

des problèmes dentaires ressentis demeure stable. Expliquons ce résultat en prenant

d'abord le cas de la carie. Comme l'illustre le schéma de "l'iceberg de la carie", que nous

empruntons à Pitts (6), les dentistes peuvent identifier et traiter les lésions carieuses de

manière très précoce, bien avant que ceiles-ci atteignent la dentine et alertent les

individus par des sensations désagréables (figure 1). Entre ces deux seuils de détection,

plusieurs années peuvent s'écouler car la carie progresse généralement avec lenteur (7).

Shwartz (8), par exemple, estimait au début des années 1980 que les lésions proximales

prenaient en moyenne trois ans et demi pour atteindre la dentine chez des adolescents

américains et même huit ans pour des jeunes adultes suédois. Cette lenteur du processus

carieux accorde donc à la plupart des individus une "marge de manœuvre" qui, comme

cela est sans doute le cas au Québec, leur permet d'espacer les visites sans pour autant

être dérangés par des lésions profondes. Pour les personnes très vulnérables, toutefois,

cette marge se trouve réduite car leurs caries progressent plus rapidement : consulter

moins souvent le dentiste devient alors risqué.

Insérer lafigure I

L'extension de six mois à un ou deux ans de la période entre deux visites de contrôle

affecte également peu la prévalence des bris d'obturation, et cela ne nous surprend pas.

En effet, la durée de vie des obturations est suffisamment longue, plusieurs années, pour

que les praticiens détectent à temps les signes avant-coureurs de fracture, lorsque ces

derniers existent, ou les problèmes qui Ieur sont associés, carie secondaire, infiltration ou

changement de couleur, espacement du joint dento-amalgame, etc. D'ailleurs,

Anusavice (9) recommande l'attentisme concernant le remplacement des obturations car

les nouvelles restaurations se révèlent souvent plus larges et plus fiagiles que celles qui

les précèdent (10). Cela réduit leur durée de vie et crée des cycles restauration - rerestauration qui se raccourcissent et accroissent la mutilation des dents.

Pour les personnes dont la vulnérabilité est faible ou modérée, la question qui se pose

alors est la suivante : l'extension de la période entre les visites de routine affecte-t-elle

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les traitements de la carie et nuit-elle à leur succès ? Le contexte actuel se situe à la

charnière entre deux approches thérapeutiques, deux philosophies des soins de la carie.

La plus ancienne, basée sur les principes édictés par Black au début du 2oerne siècle, est

de nature restauratrice et consiste à éliminer dès que possible les tissus cariés pour les

remplacer par un matériau d'obturation. Dans cette perspective, la visite annuelle ou

bisannuelle change peu la situation par rapport à la visite semestrielle : l'obturation est

posée un peu plus tard, certes, mais son volume et sa solidité restent assez semblables

compte tenu du caractère mutilant des techniques opératoires et de la faible vitesse de

progression des lésions. Ajoutons que cet espacement des visites réduit même le risque

de diagnostics faux positifs et donc de traitements superflus (1 1). Si par contre la

personne choisit de consulter de manière symptomatique, la situation prend une tournure

différente. La lésion, plus volumineuse, contraint le dentiste à poser une obturation

d'envergure, souvent sur plusieurs faces dentaires et donc plus Gagile (12); parfois, il

doit engager un traitement endodontique voire même extraire la dent.

L'approche thérapeutique la plus moderne, qui a émergé à la £in du 2oeme siècle mais

tarde à s'implanter (9, 13, 14), a été nommée préventive, médicale, ou encore non

invasive par opposition à la technique restauratrice car elle vise la reminéralisation des

Lésions plutôt que l'exérèse des tissus infectés et l'obturation des cavités. La figure 1

montre que cette reminéralisation (preventive cure) est souhaitable dès les stades initiaux

jusqu'au moment ou la carie se développe dans la dentine. Ainsi, là encore, la visite

annuelle ou bisannuelle change peu la situation par rapport à la visite

semestrielle puisque dans les trois cas le dentiste entreprend une reminéralisation de la

lésion. Notons que la personne qui consulte de manière symptomatique se place dans

une situation différente car la carie, souvent trop profonde pour autoriser une

reminéralisation, oblige le dentiste à entreprendre des soins plus traditionnels :

obturation, endodontie. Wang (15, 16) a montré auprès de jeunes norvégiens qu'un

espacement des visites de contrôle était compatible avec cette approche préventive, tout

en préservant leur santé dentaire et en réduisant les ressources allouées aux services.

Aussi les autorités norvégiennes décidèrent-elles de modifier Leur stratégie : plutôt que

de convoquer les enfants une fois par an, elles choisirent d'adapter la fréquence des

visites au niveau de risque de chacun. Pour les enfants jugés peu vulnérables par les

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cliniciens, cela se traduisit par un espacement des consultations pouvant dépasser 20

mois. A l'inverse, pour les jeunes les plus à risque, à peine 10 % de l'échantillon, la

période fut raccourcie en deçà de 12 mois (4).

Faut-il en conclure, comme le suggèrent nos données et notre discussion, que les

dentistes du Québec doivent espacer les visites de contrôle des adultes dont la

vulnérabilité à la carie est faible ou modérée ? Deux raisons majeures nous incitent à

réserver notre jugement. La première, soulevée par Elderton (17) il y a plus de 15 ans,

stipule que l'approche préventive, appelée à remplacer l'approche restauratrice, se fonde,

non sur un espacement des visites, mais au contraire sur un renforcement des contacts

entre le professionnel et son client. Ces contacts permettent une constante motivation du

patient, un enseignement répéte des techniques d'hygiène buccodentaire et autorisent une

surveillance des lésions : "OnZy ifJPequent monitoring is allowed to ocntr, will if be

ethical for the dentist to adopt a non-invasive approach when in doubt." Thylstrup ( 1 8 ) a

appliqué ces principes dans un programme public touchant de jeunes danois, avec succès

semble-t-il, axant ses efforts sur l'enseignement de l'hygiène buccodentaire et en

multipliant les rencontres. Ainsi, les adolescents de 15 à 17 ans rencontraient le dentiste

en moyenne 44 minutes par an, réparties sur 2,5 consultations dont 1,8 consacrées au

diagnostic et à des soins non opératoires. Adapté au risque individuel, le nombre de

visites de rappel variait grandement, de 1 à I l , de même que le nombre de séances

consacrées à l'enseignement de l'hygiène, de O à 6. Séduisante, cette stratégie exige

toutefois une révolution philosophique et organisationnelle. Révolution philosophique

pour les dentistes qui deviennent avant tout des éducateurs, et Thylstrup le reconnaît en

abordant le concept d'innovation, mais aussi pour leurs clients conviés à se rendre

fkéquemment chez le dentiste et, paradoxalement, à endosser une très large

responsabilité dans leur santé. Révolution organisationnelle également puisqu'il s'agit

d'adapter les cursus et structures universitaires et, bien évidemment, de redéfinir le

système de rémunération des services.

La seconde raison incitant à la prudence dans l'espacement des visites de contrOle tient à

l'attention que les dentistes doivent accorder aux affections autres que la carie dentaire,

et en particulier aux maladies parodontales qui, soulignons-le, ne rentraient pas dans les

objectifs de notre étude. Celles-ci apparaissent généraiement à l'âge adulte, et les

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statistiques du Québec nous rappellent leur forte prévaience : 52 % des personnes de 35

à 44 ans présentent au moins une poche parodontale profonde de 4 à 5 millimètres, et

21 % au moins une poche de six millimètres ou plus (19). Ces chiffies inquiétants

indiquent que la majorité des adultes nécessitent des traitements qui, pour le moins,

incluent l'enseignement de l'hygiène buccodentaire ainsi que la suppression mécanique

de la plaque et du tartre sus et sous-gingivaux (20). Des visites régulières sont donc

requises avec une fkéquence qui, là encore, reste largement ouverte à la discussion : à

l'extrême, il a été invoqué une période de trois mois qui co'incide avec le temps que

prend la flore microbienne pathogène pour se reconstituer dans les zones sub-

gingivales (2 1)-

Après avoir débattu de la fréquence des consultations préventives, nous terminerons en

évoquant les faiblesses de ces dernières dans la prévention des bris d'obturation tout

d'abord, puis dans la détection des lésions carieuses. Nos résultats montrent en effet que

10 % environ des personnes consultant tous les semestres subirent un bris d'obturation

Ion des 12 mois précédant notre étude. Difficile à prévenir, le bris d'obturation constitue

à la fois le symbole et le lourd héritage d'une époque marquée par une forte incidence de

la carie et par une approche thérapeutique surannée. Quant aux caries non détectées lors

des contrôles, qui affectent plus de 4 % des individus consultant tous les 6 mois, elles

soulèvent le problème de la faible validité de l'examen clinique visuel conventionnel et

du retard pris par les praticiens nord-américains dans l'utilisation d'outils de diagnostic

plus efficaces (22, 23). Rappelons que l'examen conventionnel affiche une faible

sensibilité dans la détection des lésions (6), qu'elles soient proximales ou occlusales,

dentinaires (D3) ou arnélaires (Dl). Cette faible sensibilité s'est aggravée, ces dernières

années, en raison d'un phénomène nouveau : les caries cachées ou hidden caries. Ces

lésions progressent à travers l'émail puis la dentine sans que la surface extérieure ne les

trahisse (24), rendant leur détection très difficile en l'absence de radiographies ou d'une

transillumination des organes dentaires. C'est ce que montre Brodeur (25) dans un

échantillon de 427 adolescents québécois : sur 212 lésions profondes identifiëes à l'aide

du FOTI, 55, soit près de 25 %, avaient échappé à la vigilance de l'examinateur muni

seulement d'un miroir et d'un explorateur.

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Conclusion

En bref, si l'on s'en tient à la carie dentaire et à la surveillance des obturations,

l'espacement des visites de contrôle semble acceptable jusqu'à un an et peut-être même

deux pour les Québécois dont la vulnérabilité est faible ou modérée tandis que, pour les

autres, la prudence exige le maintien des consultations semestrielles. Nous pensons que

ces observations s'appliquent à la philosophie restauratrice traditionnelle, même si celle-

ci devrait être abandonnée, et à celle qui la remplacera, basée en partie sur la

reniinéralisation des caries. Dans le cadre de cette dernière approche, toutefois, le

concept de flexibilité devrait supplanter celui de régularite des visites : en réévaluant

leur espacement lors de chacune des séances, les dentistes s'octroieraient la possibilité de

les rapprocher pour contrôler l'évolution d'une nouvelle lésion, pour remotiver une

personne ou pour parfaire ses techniques d'hygiène buccodentaire. En l'absence de

problème et en cas de faible risque, les praticiens auraient aussi toute latitude pour

espacer les consultations, offrant à leurs clients une sorte de "service à la carte". Bien

entendu, dans l'établissement de ce calendrier des visites, les dentistes doivent prendre

en compte les affections autres que la carie dentaire. Chez les adultes, qui constituent ici

notre population cible, les maladies parodontales, hélas incontournables pour beaucoup,

exigent des procédures préventives et curatives répétées qui ne co'incident pas forcément

avec celles reliées à la carie dentaire.

Nous terminerons cet article en appelant à la prudence dans la lecture de nos résultats

qui mériteraient d'être confirmés dans le cadre d'une étude longitudinale. Des biais ne

sont d'ailleurs pas à exclure. Peut-être les personnes consultant tous les six mois

attachent-elles une plus grande attention aux symptômes que les autres. Dans ce cas, leur

seuil de détection des maladies serait précoce et viendrait "gonfler" l'incidence des

problèmes ressentis entre deux visites de contrôle. Inversement, cette incidence des

problèmes entre les consultations semestrielles "se dégonflerait" en raison d'un autre

phénomène : les personnes les plus vulnérables aux maladies ne sont pas forcément

celles qui consultent le plus souvent. N'oublions pas que les pauvres tendent à espacer

leurs visites et même à consulter sur un mode symptomatique.

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Références

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Tableau 1 : pourcentage des Québécois âgés de 30 à 44 ans ayant ressenti un problème dentaire au cours des 12 derniers mois en fonction de leur comportement de demande (n=63 02)

Comportement de demande Probléme dentaire Pas de probIéme dentaire

Comportement préventif (consulte surtout pour des contrôles) : 27 73

Visite de contrôle une fois par six mois 28 72

Visite de contrôle une fois par an 26 74

Visite de contrôlë une fois par deux ans ou moins souvent 24 76

comportement symptomatique (consulte surtout en cas de probléme) 49 51

Total 3 2,3 67.7

Tests de X2: dans la comparaison des comportements, la vdeur-p est inférieure à 0,01 ; dans la comparaison des frequences de visites, elle est supérieure à 0,05.

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Tableau 2 : pourcentage des Québécois âgés de 30 à 44 ans ayant ressenti les problèmes dentaires suivants (seul le dernier problème dentaire est rapporté par les individus) au cours des 12 derniers mois en fonction de leur comportement de demande (n=6302)

Comportement de demande Obturation Carie Abcès Dent bristh dentaire dentaire "déchausst5e"

Comportement asymptomatique (surtout pour des contrôles) : 103 4 J 1-9 2,4

Visite de contrôle une fois par six mois 10-4 4.1 2.0 2-6

Visite de contrôle une fois par an 1 0,7 4-1 ,9 2,6

Visite de contrôle une fois par deux ans ou moins souvent 9.9 5 9 1.5 1 ,O

Comportement symptomatique (surtout en cas de problème) 18,f 14.5 4-4 2 s

Tests de XZ: dans la comparaison des comportements, la vaIeur-p est inférieure Li 0.01 sauf dans le cas d'une dent "déchaussee" (vaieur-p > 0,05); dans la comparaison des fréquences de visites, la valeur-p est supérieure à 0,05 dans tous tes cas.

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Figure 1 : iceberg de la carie dentaire (adapté de Pitts)

Seuil approximatif de détection par l'individu (sensibilité/douleurs) Traitements préventifk

et restaunteurs conseiliés

Lésions denunaires déteciables

"Cavités" limitées B l'kmail décecnbles cliniquement Traitements préventif5

conseillés Seuii de déteaion Lésions de l'émail laissant les surfaces

Pas de traitements f i i o n s "sub-cliniques" dans un processus dynamique de

progression /régression actifs

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7. ARTICLE 3 : itinéraire thérapeutique des adultes québécoises après un bris

d'obturation dentaire

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Itinéraire thérapeutique des adultes québécoises après

un bris d'obturation dentaire

Revue ciblée : Ruptures, revue b-ansdisciplinaire en santé

Mots clés : demande de services dentaires (dental attendance), inégalités sociales (socral inequali~), adultes (adults)

Auteurs

Christophe Bedos Dr en chirurgie-dentaire, MSc

Jean-Marc Brodeur DDS, MSc, PhD

Étudiant au doctorat en santé publique et agent de recherche au GRIS, Université de Montréal

Professeur titulaire daris le département de médecine sociale et préventive et chercheur au GRIS, Université de Montréal

Mike Benigeri Titulaire d'une bourse postdoctorale de recherche en Dr en chirurgie-dentaire, MSc, PhD santé publique à l'université McGill

Marie Olivier DMD, MSc

Dentiste-conseil à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre

Correspondance et demandes de réimpression

Christophe Bedos Département de médecine sociale et préventive, GRIS Université de Montréal, C.P. 6128, Succ. Centre-ville, Montréal, Québec, Canada, H3C 357 Téléphone : (5 14) 343-61 1 1 , poste 3067 Fax : (5 14) 343-2207 Adresse électronique : [email protected]

Remerciements

Les auteurs remercient le Dr Slim Haddad pour son importante contribution dans la construction du questionnaire

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Résumé

Insérée dans l'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-1999, cette recherche avait pour but

de décrire le comportement des individus consécutif à l'irruption d'un problème dentaire.

Pour cela, 5545 Québécoises âgées de 30 à 44 ans complétèrent à leur domicile un

questionnaire qui appréhendait leur dernier bris d'obturation dentaire, à condition que

celui-ci fût survenu au cours des 12 mois précédant l'étude. À partir de là, une série de

questions déroulaient le fil de l'itinéraire thérapeutique en distinguant les étapes qui

conduisaient les individus à s'adresser au dentiste et a utiliser ses senrices. Les résultats

montrent que la trajectoire des Québécoises dépend beaucoup de leur condition sociale

et du dérangement causé par le bris d'obturation. Les personnes aisées, par exemple, sont

portées à consulter sans attendre : le délai est inférieur à un mois dans 72 % des cas

lorsque leur revenu familial annuel atteint ou dépasse 50 000 $. En outre, si le dentiste

leur propose d'ajouter des séances pour compléter les soins, toutes, ou presque, acceptent

de revenir. Il en va différemment des personnes démunies. Elles adoptent souvent une

position attentiste et parfois même refusent de consulter le praticien : quand leur revenu

familial est inférieur à 30 000 $, leur attente dépasse un mois dans 60 % des cas et

n'aboutit pas toujours. Cet article montre que de fortes inégalités sociales traversent le

Québec et soulève plusieurs hypothèses relatives à l'exclusion dont les pauvres seraient

victimes au sein du système de soins dentaires.

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Introduction

Dans la demande et l'utilisation des seMces dentaires, il convient de distinguer deux

types d'itinéraires. Le premier, à visée préventive, naît généralement en l'absence de

maladie ressentie et a pour but de surveiller l'état de santé, de prévenir certaines

affections et, le cas échéant, de les soigner. Fruit d'un accord ou au moins d'un partage

de vues entre le praticien et son client, ce cheminement asymptomatique est relativement

simple. Les visites de contrôle sont organisées et planifiées sous l'influence directe du

dentiste qui, comme cela est l'usage au Québec, rappelle généralement à ses clients, le

moment venu, la date des rendez-vous. En dépit d'importantes inégalités sociales, la

majorité des adultes québécois se trouvent dans cette situation, consultant le dentiste

pour des contrôles ou des nettoyages avec une fréquence essentiellement annuelle ou

semestrielle (Bedos, Brodeur, Benigeri, & Olivier, soumis).

Cette forte prévalence des comportements préventifs de demande n'exclut toutefois pas

le deuxième m e d'itinéraires, nommé symptomatique car il répond à un épisode

morbide ou à une situation problématique. Comme l'a montré Freidson (Freidson, 1 970)

dans le domaine médical, l'irruption d'un phénomène souvent inattendu et incompris

conduit l'individu qui en est victime à rechercher sa signification, en puisant dans ses

connaissances et son expérience personnelle puis, s'il le faut, en prenant l'avis de son

entourage. Tant que le diagnostic n'est pas établi, la personne préjuge généralement du

caractère temporaire des symptômes. Cela légitime une attente et un auto-traitement qui,

en cas d'échec, peuvent être abandonnés pour la recherche d'un praticien. Ainsi,

contrairement à la demande préventive que le dentiste tend à réguler, la demande

symptomatique échappe au contrôle direct du professionnel et laisse une grande marge

de manoeuvre à l'individu qui prend lui-même les décisions.

L'état dentaire catastrophique des adultes québécois nous oblige à porter attention à ces

itinéraires symptomatiques. D'abord parce qu'ils demeurent largement méconnus, les

études traitant la demande de seMces portant essentiellement sur les visites préventives,

leur régularité, leur fréquence. Ensuite parce que Ia très forte prévalence des personnes

totalement édentées, 14 % en moyenne entre 35 et 44 ans, et près de 25 % parmi les plus

pauvres (Brodeur, Payette, Benigeri, Olivier, & Chabot, 1995), suggère que, confrontés

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à un problème, les Québécois, dans une forte proportion, attendent avant de consulter un

dentiste et contraignent ce dernier à des traitements de dernière extrémité. Aussi cette

étude tentera-t-elle d'identifier les positions prises par les adultes suite à un bris

d'obturation, tant dans te processus de demande que d'utilisation. Elle essayera

notamment de vérifier l'hypothèse selon laquelle les inégalités sociales, déjà observées

sur le plan de l'état dentaire, se retrouvent dans les comportements, les personnes issues

d'un milieu défavorisé étant plus portées que les autres à éviter le dentiste. E h , elle

amorcera une réflexion sur l'exclusion du système de soins dont sont victimes les

pauvres et sur la signification que, dans ces conditions, prennent l'attentisme et le refis

des soins.

Méthodes

Cette recherche constitue l'un des volets de l'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-1 999

dont l'objet principal était d'évaluer la santé dentaire des enfants scolarisés en classes de

maternelle et deuxième année. Pour cela, près de 9930 écoliers provenant de 11 régions

socio-sanitaires du Québec furent sélectionnés aléatoirement selon une procédure

multistratifiée. Égalernent sollicités, leurs parents recevaient à leur domicile un

questionnaire qui comprenait deux grandes sections. La première portait sur Les

pratiques de santé de leur enfant et enregistrait des informations d'ordres démographique

et socio-économique : revenu familial annuel, adhésion à un plan d'assurance dentaire

privé, âge et niveau de scolarité des parents, etc. La seconde section traitait de la

demande et de L'utilisation des services dentaires. Elle commençait par l'identification du

comportement habituel de demande, préventif (asymptomatique) ou symptomatique

(Bedos et al., soumis), puis appréhendait l'itinéraire thérapeutique emprunté par le

répondant à la suite de son dernier problème dentaire, à condition que ce dernier fût

survenu au cours des 12 mois précédant L'étude. Une série de questions déroulaient le fü

de l'itinéraire en s'inspirant des modèles de Donabedian (Donabedian, 1973) et de

Grembowski (Grembowski, Andersen, & Chen, 1989) (figure 1).

Ainsi le point de départ de l'itinéraire réfêre-t-il à un épisode précis de maladie plutôt

qu'à un cas général, cela afin de bénéficier d'un support concret, vécu, et non d'une

situation décontextualisée, abstraite et éloignée de la réalité du répondant (Fassin &

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Brousselle, 1991). Précisons que nous avons Limité nos analyses au parcours des

individus ayant brisé ou perdu une obturation dentaire, de préférence à la trajectoire des

personnes victimes d'une carie, d'un abcès ou d'un ennui avec une prothèse. Cette

restriction se justifie en regard des critères formulés par Kessner dans son concept de

maladie-traceur, tactique méthodologique qui vise à utiliser des "cas médicaux

spécifiques pour tracer le comportement des fournisseurs et des bénéficiaires de services

de santé et de leur interaction mutuelle" (Kessner, 1971). En effet, le bris d'obturation

présente deux avantages essentiels sur les autres affections : son incidence est élevée

dans toutes les couches de la société et il passe rarement inaperçu. Cela permet aux

individus de dater le début de i'épisode de maladie, exercice qui se révèle dinicile avec

les caries dont les premières manifestations sont souvent subtiles.

Insérer la figure I

Des 9930 personnes contactées à travers le Québec, 84,9 % complétèrent leur

questionnaire. Les données furent saisies à l'université de Montréal à l'aide d'un lecteur

optique; une personne vérifiait les réponses que le logiciel (Teleform) lisait avec

difficulté et, le cas échéant, les rectifiait. Une fois le fichier informatique (logiciel SPSS)

constitué, l'échantillon subit plusieurs transformations successives. La première était

destinée à corriger les erreurs échantillonnales et consista à pondérer les données selon

plusieurs critères, la région, la zone de résidence et le revenu. La deuxième exclut les

individus complètement édentés de même que les répondants autres que les parents :

conjoints, grands fières et sœurs, grands-parents, etc. Enfin, en nombre insufnsant (à

peine 12 % des répondants), les hommes furent éliminés et seules furent conservées les

femmes âgées de 30 à 44 ans. Entreprises avec un échantillon de 5545 personnes, les

analyses commencèrent par décrire la trajectoire des personnes ayant brisé une

obturation, d'abord dans l'ensemble de I'échantillon puis dans chacune des trois

catégories de revenu familial, les associations statistiques étant vérifiées à l'aide du Chi

carré de Pearson. Elles se terminèrent par la construction de deux modèles de régression

logistique qui emprunta la méthode (stepwise backward) décrite par Hosmer et

Lemeshow (Hosmer & Lemeshow, 1989), les variables dépendantes étant la première

décision de la personne après le bris d'obturation et le délai avant de consulter le

dentiste.

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Résultats

Parmi les 12 % de Québécoises âgées de 30 à 44 ans qui subirent un bris d'obturation au

cours des 12 derniers mois, deux grandes trajectoires se dessinent (figure 2). La

première, relativement rectiligne, est empruntée par celles (65 %) qui décident d'emblée

de consulter le dentiste : la rencontre avec le praticien se produit dans un très court délai

(figure 3), une semaine ou moins pour la majorité (56 %), et lorsque le dentiste propose

des visites supplémentaires pour terminer les soins ou en commencer de nouveaux, 93 %

d'entre elles répondent favorablement. Si la première trajectoire est rectiligne, la

deuxième, adoptée par 35 % des femmes, se montre plus tortueuse car leur première

décision après le bris d'obturation n'est pas de consuiter mais d'attendre. Si cette

temporisation couvre généralement plusieurs semaines, elle n'est pas forcément

définitive, que les personnes se décident à contacter le dentiste (30 %) ou attendent leur

prochaine visite de contrôle (41 %). Dans certains cas (29 %) toutefois, elles adoptent

une stratégie d'évitement du praticien qui peut prolonger indéfiniment l'attente. Lorsque,

halement, la rencontre avec le dentiste se produit et que ce dernier propose des visites

supplémentaires, 77 % acceptent, c W e que nous devons nCanmoins considérer avec

prudence en raison du faible nombre dc répondants à ce stade de l'itinéraire

thérapeutique.

Insérer les figures 2 et 3

Bien que le dérangement occasionné par le bris d'obturation et sa gravité perçue soient

semblables dans les trois catégories de revenu, le statut socio-économique des

Québécoises influence grandement leur parcours thérapeutique (tableau 1). En premier

lieu, les personnes pauvres sont plus portées a l'attente et même au refus des soins : 44 %

d'entre elles temporisent contre 27 % des personnes dont le revenu annuel atteint ou

dépasse 50 000 $. Parmi les attentistes, 38 % des pauvres décident finalement de ne pas

consulter un dentiste alors que seulement 12 % des plus riches se trouvent dans cette

situation. En conséquence, le processus de demande de seMces dentaires est plus lent

chez les personnes démunies et aboutit moins souvent. Notons à ce sujet que 25 % des

pauvres rendent visite au dentiste dans la semaine suivant le bris d'obturation, contre

43 % des femmes aisées. Le deuxième point concerne la continuité des soins une fois les

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traitements engagés. Si les pauvres, dans leur grande majorité (84 %), répondent

favorablement a la proposition du dentiste, elles se distinguent encore une fois des riches

qui, de façon unanime (100 %) dans notre échantiflon, acceptèrent de faire compléter le

ou les traitements.

insérer le tableau I

Le tableau 2 présente deux modèles de régression logistique qui mettent en évidence

deux facteurs importants dans le processus de demande consécutif à un bris

d'obturation : le dérangement causé par le bris et la condition sociale de l'individu. Ainsi

l'absence de douleur incite-t-elle les personnes à ne pas consulter le dentiste ou du moins

à tarder, à prendre leur temps. Il en va de même avec la pauvreté : une comparaison

pauvres / riches montre des ratios de cotes élevés, 2,l pour une première décision

attentiste et 4,1 pour un délai avant de consulter supérieur à un mois. En fait, cette

condition sociale idenfinée par le revenu cache un ensemble de facteurs inter-reliés,

l'absence d'assurance dentaire privée, par exemple, ou encore un faible niveau de

scolarité et l'absence de dentiste de famille. Ces facteurs ne transparaissent pas dans nos

modèles de régression car nous les avons exclus afin d'éviter un phénomène de

colinéarité.

insérer le tabieau 2

Discussion

Ainsi, après un bris d'obturation dentaire, les femmes issues des couches les plus

favorisées de la société québécoise se comportent d'une manière qui devrait satisfaire les

praticiens puisque la plupart consultent très rapidement et acceptent de prolonger

l'épisode de soins lorsque le dentiste le propose. Certes, une partie des femmes aisées

préférent temporiser, mais cette attente se traduit rarement par un refus des soins : dans

certains cas elles changent d'avis et se décident à contacter le dentiste -- et on peut

supposer que le dérangement et la douleur causés par le bris interviennent dans ce

revirement; dans d'autres cas, et ils sont plus fréquents, eues attendent leur prochaine

visite de contrôle pour régler le problème. Rappelons à ce sujet que, dans le groupe avec

un revenu familial annuel de 50 000 $ ou plus, 42 % des femmes âgées de 30 à 44 ans

consultent tous les six mois et 42 % une fois par an (l3edos et al., soumis). Ces visites de

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contrôle constituent un "filet de sécurité" qui les maintient à l'intérieur du système de

soins et limite leur attente si survient un problème dentaire. Paradoxalement, ce filet

risque aussi de justifier une attente si le dérangement est minime et la prochaine visite

planifiée, la personne préférant un statu quo à un bouleversement de son calendrier et de

celui du dentiste.

Si, par leurs comportements de santé comme de maladie, les riches s'insèrent bien dans

le système de soins dentaires, iI en va différemment des personnes pauvres. Non

seulement adoptent-elles plus rarement un comportement fondé sur des visites de

routine (Bedos et ai., soumis), mais, lorsque survient un bris d'obturation, souvent

penchent-elles pour un attentisme qui tend au refus des soins. Ces deux phénomènes,

bien sûr, ne sont pas indépendants. Comme nous l'avons mentionné précédemment, la

planification des visites de contrôle et la prise de rendez-vous longtemps à l'avance

tresse un filet de sécurité qui confine les personnes à l'intérieur du système. Mais cela

n'est pas tout : le comportement préventif de demande et la consultation rapide en cas de

problème sont les deux f i t s d'un même accord et de la congruence entre la personne et

son dentiste, entre leurs communautés respectives. Ainsi rejoignons-nous

Freidson (Freidson, 1970) dans sa description des systèmes profanes et professionnels,

systèmes qui tendent à se rapprocher pour les membres des professions libérales et à

s'éloigner lorsqu'il s'agit des classes infërieures. Cet éloignement des pauvres face au

système de soins signifie-t-il que ces personnes s'émancipent, s'appropriant à la fois leur

santé et leur maladie, et reprenant une autorité sur leur corps que les riches confient

généralement ii leur praticien ? Doit-on plutôt penser qu'elles sont simplement exclues

du système de soins et qu'eues s'efforcent de le réintégrer? Dans les prochains

paragraphes, nous défendrons l'hypothèse selon laquelle 1 'excZusion et 1 'émancipation ne

sont pas antithétiques, mais coexistantes et interactives : l'exclusion fait le lit de

l'émancipation et l'émancipation renforce l'exclusion.

L'exclusion est la face cachée de l'accessibilité et comprend plusieurs facettes. Au

Québec, elle est bien sûr financière puisque consultations et traitements sont payants et

que seule une minorité des pauvres bénéficie d'un plan privé d'assurance dentaire : 2 1 %

panni ceux qui gagnent moins de 30 000 $ par an (Bedos et al., soumis). Certes, l'État

assure la gratuité des soins aux plus démunis par le biais du régime d'aide sociale, mais

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cette couverture n'entre en vigueur que six mois après l'enregistrement des personnes et

écarte celles qui, en épousant le marché du travail, font d'incessants aller-retour et

bénéficient "en pointillé" du programme. Ajoutons à cela que, non seulement les pauvres

méconnaissent souvent leurs droits, mais les institutions éprouvent parfois des difficultés

à les appliquer. Nous manquons de données à ce sujet au Québec, mais notons qu'aux

États-unis, de nombreux dentistes refusent de recevoir les personnes couvertes par le

programme Medicaid, et ce pour de multiples raisons : procédures administratives trop

lentes, remboursements insuffisants, comportement peu observant (cornpliant) des

clients, etc. (Jones, 1998). L'exclusion dont Les pauvres sont victimes est également

d'ordre spatio-temporel. En Angleterre, par exemple, Les dentistes se répartissent

inégalement : ils délaissent certaines zones et en particulier les quartiers défavorisés,

obligeant Leurs habitants à parcourir d'importantes distances ou à patienter longtemps

avant d'obtenir un rendez-vous (Anderson & Morgan, 1 992; Carmichael, 1 98 5).

Rappelons ici la situation particulière vécue par les mères dont la disponibilité se trouve

limitée par le fardeau des tâches ménagères et par la charge des enfants (Gunderson Br

Muszinski, 1990). Enfin, l'exclusion prend une forme culturelle et sociale puisque

pauvres et dentistes se situent aux deux extrémités de l'échelle sociale et se côtoient

rarement en dehors du cabinet dentaire. Ancrées dans leur espace social respectif, leur

culture comme lems perspectives divergent fondamentalement et ne facilitent pas la

compréhension et la tolérance mutuelle.

Si cette exclusion suscite rancœur, frustration et sentiment d'impuissance, elle peut aussi

conduire les pauvres à s'émanciper, d'une part en rejetant le système de soins et d'autre

part en s'adaptant, en trouvant des solutions. Nous défendrons cette thèse, et en

particulier Le premier point, le rejet du système de soins, en faisant appel à la théorie

sociale de l'action de Bourdieu (Bourdieu, 1979) qui stipule que nos conditions

d'existence modèlent nos jugements et nos goûts. Ces derniers ne sont donc pas libres,

mais forcés, réduits au nécessaire. Ainsi, que le système de soins rejette les pauvres et

ces demies, dans un mouvement inconscient de protection, finiront par lui tourner le

dos et trouver des solutions compatibles avec l'univers dans lequel ils vivent. Les

alternatives seront multiples, individuelles ou collectives. On peut penser, comme le

soutenait Canguilhem (Canguilhem, 1979), que les individus redéfïniront leurs normes

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au gré de leurs expériences : la santé ne sera plus forcément jugée comme l'absence ou

l'éradication d'une crise organique, mais plutôt comme la capacité de la surmonter et

d'établir un nouvel ordre. Par exemple, une personne estimera acceptable de conserver

un amalgame brisé dès lors qu'elle réussira à fonctionner, soit comme avant, so i t en

modifiant certaines habitudes. Évidemment, cette adaptation se révélera difficile s i de

violentes douleurs se manifestent. Certains feront alors appel à la force, à leur robustesse

intrinsèque, et Herzlich (Herzlich, 1969) accrédite cette thèse pour les individus qui

perçoivent la santé comme un avoir, une capacité de combattre. D'autres pencheront

pour l'auto-traitement ou chercheront de l'aide au sein de leur communauté.

Freidson (Freidson, 1970) soutient que "tout le processus de recherche d'aide implique

l'existence d'un réseau de consultants, s'étendant du domaine intime et informe9 du

noyau familial, en passant par des profanes successifs, de plus en plus éloignés,

spécialisés et autorisés pour en arriver au professiomel", ce dernier constituant I'ulrime

recours.

Comme nous le stipulions initialement, l'émancipation des pauvres les coupe encore plus

du système de soins et tend, par contrecoup, à consolider les murs que dressait déjà

l'exclusion. En fait, elle sépare un peu plus les systèmes médicaux et profanes et rend

leur relation conflictuelle : les personnes émancipées adoptent des comportements, des

attitudes et des croyances en regard de la santé et de la maladie qui heurtent les dentistes,

contestent leur savoir et sapent leur autorité. Les traitements que ces derniers propcrsent

sont parfois remis en question, négociés et même refusés; leurs actes thérapeutiques sont

souvent contraints par les exigences de leurs clients ou par les circonstances dans

lesquelles les visites se produisent, et nous pensons en premier lieu aux extractions

dentaires imposées par une attente prolongée. Ainsi les dentistes s'exposent-ils à un

sentiment d'échec et d'impuissance pour contrecarrer la maladie et influencer les

pratiques des individus. Leur frustration se nourrit également de considérations

financières : soigner les pauvres est peu rémunérateur et menace la rentabilité

économique de leur cabinet dentaire. En bref, éprouvant peut-être plus de fnistrations

que de satisfactions à soigner les personnes pauvres, il est logique que les dentistes

soient réticents à travailler dans des zones défavorisées et à traiter des individus qui leur

causeront des difficultés. Un groupe de réflexion réunissant les principales associations

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dentaires américaines a pris conscience de ce problème. Dénonçant la pauvreté et

l'exclusion, il a émis une série de recommandations parmi lesquelles l'identification des

zones mal desservies et la recherche d'incitatifs pour que les jeunes diplômés s'y

installent (Jones, 1998).

Conclusion

Si nos hypothèses sont justes, quelle position doit prendre le secteur de la santé

publique : doit-il se réjouir d'une certaine indépendance des personnes pauvres vis-à-vis

de la médecine dentaire ou doit-il au contraire la combattre, au même titre que

l'exclusion ? Illich opte clairement pour l'émancipation des individus puisqu'elle les

soustrait à un système médical qu'il juge aliénant et iatrogène (Illich, 1975). Cette

iatrogénèse est clinique, mais aussi sociale et structurelle dans la mesure où elle prive les

gens de leur capacité de "se soigner, de faire face, de s'adapter et de guéru.", mais aussi

de "transformer leurs conditions de vie et de travail, celles-là mêmes qui les rendent

malades" (Illich, 1975, p 1 10). Ainsi l'élimination de la douleur par la médecine a-t-elle

des effets pervers car "l'homme, organisme faible mais muni du génie de la récupération,

devient un mécanisme fiagile soumis à une continuelle réparation" (Illich, 1975, p133-

134). La médecine moderne tendrait donc à acculturer les gens, supprimant le sens que

prennent certains événements, comme la douleur et la mort, et érodant la p i se en charge

tant individuelle que collective de leur santé. Si cette argumentation iconoclaste n'est pas

dénuée de bon sens, on peut tout de même s'interroger, pour en revenir à noce sujet, sur

la "qualité" de L'indépendance des pauvres : jusqu'à quel point leur système profane est-il

structuré et apporte-t-il satisfaction aux individus so&ant des dents, par exemple ?

Rappelons que si les structures indigènes des pays en développement se montrent

souvent solides et fonctionnelles, on peut douter qu'il en soit de même dans les sociétés

industrielles où la pauvreté s'accompagne souvent d'une désagrégation sociale. En

conséquence, l'action des intervenants en santé publique qui adhèrent aux arguments

d'Illich pourrait porter sur un appui aux communautés afin qu'elles renforcent leurs

structures profanes et s'émancipent encore plus.

À l'opposé d'Illich, les membres des professions médicales rejettent l'émancipation des

individus et des communautés, non seulement parce qu'elle affaiblit leur autorité et leur

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prestige, mais aussi parce qu'elle menace la santé physique des individus. Nous

pourrions citer les risques infiectieux que fait courir un évitement des soins, de même que

le problème de I'édentation dont la prévalence est déjà effarante parmi les adultes

québécois (Brodeur et al., 1995). Rappelons que, dans le cas de la carie, des

consultations tardives après un épisode de maladie n'aident pas les dentistes à fieiner le

processus de perte des dents et, parfois même, les condamnent à effectuer des

extractions. En bref, si le secteur de la santé publique adopte une conception

biomédicale de la santé, la logique le poussera à lutter contre l'indépendance des

individus et des communautés et à redonner aux dentistes une autorité que les structures

profanes entament. Seulement, pour cela, il faudra inévitablement combattre la pauvreté

et l'exclusion qui l'accompagne et nous sommes en droit de nous demander dans quelle

mesure les institutions, les professions médicales et, d'une manière générale, la société

toute entière sont prêtes à s'engager dans cette voie.

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Figure 1: principales variables séquentielles de L'itinéraire thérapeutique (inspiré des modèles de Grembowski et de Donabedian)

Au cours des 12 derniers moïs. a m - vous ressenti ou dicouvert par vous

Pas d itinéraire même qutlque &ose qui dallait pas i ï ï o s dents qui vous faisait ml ?

Consulta

Qu'avez-vous &id& ensuite ? c=' Fin de ritmérairr

Non

4

Aprés cette ~orvisÙc. est-ce que k dentiste MUS a demandt! de revcnu i son cabinet ou chez un autre dmüste

auquel ii vous a tiférè, pour compléter le ou les traitements?

4 F~I de r itinetnire Non-

Fimiement. êtes-vous d é chez un dentiste ?

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Figure 2: itinéraire thérapeutique engagé par les Québécoises âgées de 30 à 44 ans après un bris d'obturation dentaire (n=5545)

Bris dobtilratïon den& au corn des 12 derniers mois

non 88%

Première ditisimn

attendle Deuxième décision

35%

attendre prochaine

visite 4 1%

I

Visite au dentiste (ou rcndz-vous pris) au moment de Pétude

t Demande de visite supplémentriire

exprimée par le dentiste

+ Continudi des soins avec le mëme

dentiste

Visite au dentiste (ou rendez-vous pris) au moment de Iétude

Demande de visite supplëmaimire exprimée par le dentiste

Continudé d a soins ava: le même dentiste

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(échantillon restreint aux Québécoises d'obturation dans une période antérieure

Fignre 3 : délai avant de consulter le dentiste en fonction de la première décision prise âgées de 35 à 44 ans ayant ressenti un bris allant de 22 à I mois).

CU mn)

NB : dans un test de X2 de Pearson, la valeur-p est inférieure à 0,O 1.

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Tableau 1 : itinéraire thérapeutique engagé par Ies Québécoises âgées de 30 à 44 ans après un bris d'obturation dentaire en fonction de leur revenu familial annuel

Variables Revenu familial annuel Test de

Moins de De 30 000 à 50 000 S ou x'

30 O00 $ 49 999 % PIUS

Bris d'obturation au cours des 12 derniers mois

Oui Non

DCrangement caus6 p a r le bris d'obturation

Pas - un peu Assez - beaucoup

Gravit6 perçue d u bris d'obturation

Pas - un peu Assez - beaucoup

Prcmiére dicision

J'ai tout de suite décidé d'aller voir un dentiste J'ai décidé d'attendre

Deuxiéme décision (pour ceux ayant d'abord dicide d'attendre)

J'ai préfer6 prendre rendez-vous avec le dentiste J'ai décide d'en parler au dentiste lors de la prochaine visite J'ai décidé de ne pas aller voir un dentiste

Visite d u dentiste ou rendez-vous pris au moment de I'Ctude

Oui Non

Delai avant de consulter un dentiste

1 semaine ou moins De 1 semaine à 1 mois Plus de 1 mois (que la visite ait eu lieu ou non)

Demande d e visite supplbmentaire (exprimée par le dentiste)

Oui Non

Continuitb des soins

Je suis allé (ou j'irai bientôt) faire compléter le ou Ies traitements Je suis allé (ou j'irai) plutdt chez un autre dentiste J'ai ddcidé de ne pas faire compléter le ou les traitements

* échantillon restreint aux personnes ayant ressenti un bris d'obturation dans une période ant€rieure allant de 12 B 1 mois.

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Tableau 2 : régressions logistiques avec pour variables dépendantes la première décision prise après un bris d'obturation dentaire et le délai entre le bris et la consultation du dentiste

Variables indépendantes Première décision attentiste Délai supérieur A un mois

Ratio de cotes [C 9s x Ratio de cotes IC ~ S X

- - -

Revenu familial annuel 50 000 $ ou plus De30 OOO%à49999S Moins de 30 000 $

Dkangemeot causé pas le bris d'obturation Beaucoup /assez Peu 1 pas du tout

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8. DISCUSSION

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8.1. Rappel des résultats de la recherche

Avant de brosser les limites de notre travail et de présenter nos recommandations,

résumons brièvement nos résultats et, d'une façon plus large, notre contribution à

l'avancement du champ de la santé dentaire publique. Cette contribution s'échelonne sur

trois niveaux. Elle relève premièrement des domaines conceptuels et méthodoIogiques

avec la construction d'instruments de mesure qui faisaient défaut et que les autres

chercheurs, nous l'espérons, n'hésiteront pas à employer dans leurs travaux fiiturs. Cette

étude a également comblé un vide en montrant que la majorité des adultes québécois de

30 à 44 ans consultent le dentiste de manière préventive et s'adressent à un professionnel

dans d'assez brefs délais lorsqu'ils sont confkontés à un bris d'obturation dentaire.

Malheureusement, de profondes inégalités sociales viennent ternir ce tableau : plus la

popdation est démunie, plus le comportement habituel des individus est de type

symptomatique et plus l'attentisme prévaut après un bris d'obturation. Enfin, une des

originalités et, ajoutons-le, une des forces de cet ouvrage est d'engager une réflexion s u .

les inégalités sociales. En nous appuyant sur une théorie sociologique, celle de Bourdieu,

nous défendons I'idée selon laquelle les inégalités dans les comportements, et bien sûr

dans la santé, s'inscrivent directement dans Ia structure sociale. C'est donc en agissant

sur la société, en abattant notamment les barrières qui fieinent l'accessibilité aux services

des plus démunis que le Québec deviendra plus égalitaire et plus juste.

8.2. Limites de la recherche

8.2.1. Conséquences de certains choix stratégiques

8.2.1.1. Choix de nous associer à l'Enquête Santé Dentaire Québec 1998-

1999

Au printemps 1998, l'équipe de recherche de I'ESDQ nous proposa de rejoindre ses

rangs et de bénéficier du questionnaire qu'elle prévoyait adresser, à l'automne 1998, aux

parents d'écoliers de maternelle et de deuxième année. Au delà de son formidable appui

logistique dans l'échantillonnage et la collecte des données, elle nous oEait un mode de

travail collectif puisant sa dynamique dans les compétences et l'esprit à la fois critique et

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constructif de ses différents membres, réunis régulièrement pour des discussions portant

sur les domaines conceptuel, instrumental et, bien évidemment, opérationnel.

Néanmoins, comme un lourd paquebot à l'allure régulière, L'ESDQ déviait peu son

sillage, apportant à l'équipage et surtout aux passagers désirant pimenter le voyage son

lot de contraintes et parfois de hstrations : ainsi imposait-elle une population

particulière, un mode précis de collecte des données et un calendrier ficelé par des

échéances serrées et difficilement extensibles; les points négociables tomaient autour

du questionnaire, son architecture, sa présentation et l'espace alloué à chaque chercheur,

à chaque thème d'étude. Ces diverses exigences étaient-elles acceptables, s'accordaient-

elles à nos objectifis de recherche et à notre propre agenda ? Nous le pensons, aujourd'hui

comme il y a deux ans, et ce en dépit des contraintes suivantes.

Prenons d'abord le cas de la population à l'étude. Notre intérêt initial se portait sur les

adultes sufnsamrnent jeunes pour que leurs dents ne fussent pas décimées par la carie et,

en même temps, sufnsarnrnent âgés pour être &anchis de la tutelle parentale : en gros,

nous ciblions un groupe d'âge assez classique, avec un centre de gravité avoisinant 3 5-40

ans. En approchant les parents de jeunes écoliers, I'ESDQ satisfaisait donc nos attentes

même si elle restreignait la condition d'adulte à celle de parent. En quoi cette restriction

venait-elle changer la donne ? Les parents d'écoliers de cinq à huit ans différaient-ils des

adultes sans enfants, différaient-ils des auees parents ? À ces deux questions réunies en

une seule, nous répondrons plutôt oui et plutôt non. Plutôt oui parce que la naissance des

enfants constitue pour le couple une occasion de renouer des liens avec le système de

santé (148) : d'abord avec les corn prénataux proposés par les CLSC; ensuite avec

I'accouchement qui se déroule généralement en milieu médicalisé; puis, après la

naissance, avec Les visites chez le pédiatre et, un peu plus tard, chez le dentiste. La

gratuité des services dentaires que la RAMQ accorde aux enfants de moins de 10 ans

aide les parents à reprendre parole avec le professionnel et, qui sait, à orienter leur

stratégie de demande dans une direction plus préventive. Les parents d'écoliers de cinq à

huit ans Werent-ils des autres parents ? Plutôt non car, une fois les contacts solidement

établis, les rythmes changent peu: en grandissant, bon gré mal gré, les enfaots

continuent à fréquenter le dentiste même si leurs visites se ralentissent quelque peu à

l'adolescence. Et ce n'est que bien plus tard, quand tous les edants sont grands, que les

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parents perdent ce lien particulier avec le système de santé. En conclusion, nous limiter

aux parents d'enfants de cinq à huit ans n'a pas constitué un gros sacrifice puisqu'il

n'interdit pas les extrapolations aux autres parents; par contre, gardons prudence dans la

transposition de nos résultats aux adultes de cet âge qui n'ont pas d'enfants.

Cette discussion soulève la question de la validité externe de notre recherche, question

qui n'épargne d'ailleurs aucune étude, ou presque : dans quelle mesure les résultats

obtenus dans une population donnée sont-ils tramposables à une autre population ? La

santé publique n'est pas une science aussi exacte que l'on pourrait l'espérer : comme les

paléontologues tirent profit de quelques os découverts dans la poussière, ici un fémur, là

une mâchoire et un os temporal, pour imaginer l'ensemble du squelette et reconstituer le

régime alimentaire, la stature ou le degré d'intelligence de nos ancêtres, les chercheurs

en santé publique construisent des p d e s avec des pièces manquantes. Les plus

obstinés tenteront bien de les retrouver pour compléter leur ouvrage, mais cela n'est pas

toujours facile, n i possible. Aussi, malgré les frustrations qu'engendrent ces tableaux

inachevés faut-il nous résoudre à des compromis : d'un coté tolérer une certaine

incertitude, de l'autre développer des mécanismes, des structures logiques qui la

réduisent en rendant les extrapolations aussi peu hasardeuses que possible. Voilà

pourquoi nous pensons que, dépassant nos résultats c M é s , c'est notre réflexion et

notamment celle relative aux inégalités sociales qui voyage te mieux d'une population a

l'autre. Structurée mais flexible, elle s'échappe du carcan de la mesure pour décrire des

phénomènes sociaux qui ne se bornent pas à un groupe particulier et, sans être

universels, se retrouvent d'une société industrielle à l'autre. Bien que cette étude

provienne d'une population étriquée et d'un système où les soins dentaires sont payants

(le programme public d'assurance dentaire ne couvre que les enfants de moins de IO ans

et Les prestataires de la sécurité du revenu), ses bénéfices ne se limitent pas au Québec,

ils concernent aussi les provinces voisines du Canada, les États-unis et peut-être même

certains pays européens. Après tout, la théorie de Bourdieu que nous appelons à la

rescousse pour donner un sens à nos chiffies n'a-t-elle pas été forgée outre-Atlantique,

dans la société française, ne s'est-elle pas épanouie avec les études que ce sociologue

entreprit en Afiique du Nord ? Et puis, si les résultats étaient si attachés à des

populations précises, pourquoi les chercheurs persisteraient-ils à publier leurs articles

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dans des pays étrangers, dans des langues étrangères, et surtout, pourquoi les lecteurs

continueraient-ils à s'intéresser à des travaux provenant de contextes si différents du

leur? Aussi, renouvelons notre appel à la prudence dans l'extrapolation des résultats

chïBés, mais ouvrons aussi nos discussions à des oreilies lointaines pour cofionter nos

théories, partager nos doutes, nos espoirs et trouver des solutions aux problèmes qui

affectent nos sociétés.

Après cette longue parenthèse sur la validité externe, penchons-nous sur un imposé se

rapportant à la collecte des données : le questionnaire. Bien que I'emême complexité

des itinéraires thérapeutiques justifiât une approche anthropologique ou sociologique

fondée sur des entrevues ou des histoires de cas, le recours à un questionnaire ne fut pas

vécu comme une contrainte. Il était importaof en effet, de tirer parti des modèles déjà

établis pour brosser un portrait des Québécois en regard de leurs pratiques de demande

et d'utilisation, mais aussi de quantifier les inégalités sociales. Rappelons que ce

domaine restait inexploré, vierge, et appelait une première ébauche cartographique avant

son exploration en profondeur. En cela, nous plaidions pour une complémentarité des

approches épidémiologiques et sociologiques, les premières participant à l'identification

des populations à risque et des facteurs associés, les secondes assumant une causalité

systémique, structurelle, et plaçant la communauté et les relations entre les individus au

centre des préoccupations. Cette thèse constitue donc une première étape qui, par ses

conclusions et par les réflexions qu'elle fait mûrir, pose les bases d'une étude

"qualitative" qui s'inscrit déjà à notre calendrier.

8.2.1.2. Choix de mettre l'accent sur les itinéraires symptomatiques

Appréhender les itinéraires thérapeutiques fût un choix libre mais contraignant tant

l'instrument de mesure avait faim d'espace et engloutit rapidement les pages que nous

allouait I'ESDQ dans le questionnaire. Malgré nos efforts pour le confiner dans des

limites raisonnables, nous abandonnâmes à la mesure des comportements habituels de

demande, qui constituait le premier objectif, une portion congrue de notre outil. Avec le

recul, les résultats valent-ils ce sacrifice ? Difficile d'y répondre, même en pesant le pour

et le contre : d'un coté nous avons approfondi les connaissances de manière significative

en défichant un domaine longtemps resté obscur; de l'autre, nos efforts n'ont pas sufn à

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saisir pleinement la complexité des trajectoires thérapeutiques et, en même temps, ont

limité l'attention que nous avons portée aux stratégies et aux comportements préventifs.

Or justement, notre recherche renforce l'idée que ces stratégies sont importantes, non

seulement dans la programmation des visites préventives, mais aussi dans le

déroulement des itinéraires. Aussi, sans regretter notre choix initial qui autorise ces

conclusions, nous estimons pertinent d'effectuer un léger recentrage dans nos prochaines

études et, ainsi, d'accorder une attention accrue aux comportements habituels de

demande, aux stratégies qui les modèlent et, d'une manière plus générale, aux forces tant

sociales qu'individuelles ou organisatiomelles qui les déterminent.

8 -2.1 -3. Choix du cas traceur des itinéraires symptomatiques

Les prétests qualitatifs effectués auprès d'une cinquantaine de personnes révélèrent que

le bris d'obturation constituait le problème le plus prévalent dans notre groupe d'âge.

Aussi fîmes-nous face à lm dilemme dans la construction de l'instrument de mesure : soit

nous limiter au bris et l'identifier dès le début du questionnaire, ce qui faisait courir le

risque de ne pas obtenir, en bout de course, un nombre sunisant de cas; soit continuer

sur notre lancée en ouvrant la porte à tous les problémes dentaires ressentis avant d'en

faire le tri, solution qui assurait une échappatoire si la prévalence des bris se montrait

insuffisante. Comme souvent, la prudence l'emporta sur l'audace, qu'il est difficile a

priori de distinguer de la témérité, et mal nous en prit puisque, in fine, nous &es du

bris notre cas traceur. Quels avantages auraient apporté la première solution ? Taillé "sur

mesure" pour le bris d'obturation, le questionnaire aurait gagné en cohérence, en

compacité, en clarté. Certaines questions auraient été simplifiées, refomulées (questions

18, 23a et 23 b) et d'autres, devenues inutiles, supprimées (question 20). L'espace dégagé

dans le questionnaire et la limpidité accrue de sa lecture aurait peut-être permis, en

outre, de mieux appréhender les signes et les symptômes associés au bris et d'accorder

une attention accrue aux étapes finales traitant de l'utilisation.

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8.2.2, Limites d'ordre méthodologique

8 -2.2.1. Échantillonnage et collecte des données

Faut-il le rappeler, l'échantillon provient d'une population bien particulière : les parents

d'écoliers de maternelle et de deuxième année. En f ~ t , cette population n'était pas

directement ciblée par 1'ESDQ qui s'intéressait en priorité aux enfants afin d'évaluer leur

état buccodentaire, la qualité de leur hygiène et leurs comportements de santé. Voilà

pourquoi le cadre d'échantillonnage dressait la liste des écoliers parmi lesquels se faisait

le tirage au sort. Et c'est dans un deuxième temps que, grâce à l'appui des enseignants,

les parents étaient appelés à consentir à la participation de leur enfant, 1'ESDQ profitant

de cette occasion pour les inviter à compléter un questionnaire. La question qui s'impose

alors est la suivante : l'échantillon représente-t-il bien la popdation parentale ? Nous

tâcherons d'y répondre en détaillant successivement trois points : la procédure

d'échantillonnage, la méthode de collecte des données et le taux de réponse.

L'échantillonnage multistratifié reposait sur l'équiprobabilité de sélection des enfants

dans chacune des strates. La compétence et la rigueur des chercheurs de L'ESDQ, leur

longue expérience des enquêtes de ce type, la première date de 1984, et enfin une

logistique devenue au fi1 des ans une mécanique bien huilée, affermissent la confiance

que nous portons dans la qualité et l'efficacité de cette procédure. Et si malgré tout

subsistent quelques doutes, l'examen des pondérations destinées à rétablir l'équilibre

entre les strates (certaines, à la demande de plusieurs dentiste-conseils, ayant fait l'objet

d'un sur-échantillonnage), mais aussi, à l'intérieur de chaque strate, à compenser

d'éventuelles erreurs échantillomales, tend à les gommer : les poids qui corrigent

l'échantillon restent modérés, autrement dit, les imprécisions sont faibles, mineures.

En fait, c'est avec la méthode de collecte des données que surgissent les problèmes et

naissent nos soucis car, en adressant un seul questionnaire aux parents, I'ESDQ

abandonna à ces derniers la responsabilité de désigner le répondant : la mère, le père ou

Le conjoint de l'un des deux. Comme les mères continuent, en cette fin de 20e siècle, à

assumer la majeure partie des tâches domestiques et éducatives, cette procédure

conduisait à sur-représenter les femmes, ou plutôt à sous-représenter les hommes, et c'est

ce qui arriva au delà de nos prévisions les plus pessimistes : ces derniers constituent

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seulement 12 % de notre échantillon final. Les hommes qui répondirent reflètent-ils

l'ensemble des pères ? Probablement pas, car le simple fait de compléter le questionnaire

révèle ici une implication peu commune dans l'éducation des enfmts : en somme, les

répondants seraient des "pères modernes", des pères qui participent aux tâches

ménagères, s'investissent activement dans l'instruction de leurs enfants, suivent de près

leur scolarité et surveillent leurs pratiques relatives à la santé. Cette modernité signerait

également leur ouverture, leur réceptivité aux discours provenant de l'extérieur et

notamment à celui que véhicule la médecine dentaire. Comme le défend Suchman (67)

dans sa théorie, une structure sociale perméable aux influences extérieures favoriserait

une orientation médicale "scientifique" des individus, la congruence de leurs valeurs

avec celles de la médecine et, finalement, leur utilisation des services de santé,

Apportons une clarification sur un point : ces hommes n'étaient pas "forcés" de répondre

par une situation familiale monoparentale, la grande majorité d'entre eux (77 %) vivant

avec la mère de leur enfant. En bref, cette étude surévaluerait la proportion des hommes

québécois avec un comportement habituel de demande préventif; de même sous-

évaluerait-elle l'écart qui sépare les hommes des femmes à ce sujet. Ce biais était41

évitable ? Adresser un questionnaire ou du moins une section du questionnaire à chacun

des parents l'aurait atténué, assurément, mais comme tous les vases communiquent entre

eux, cette alternative aurait également amplifié les dépenses de YESDQ. Plus

économique, l'envoi d'un questionnaire adressé de façon aléatoire, soit au père, soit à la

mère, aurait fàit courir le risque d'affaib!ir le taux de réponse global, ce que, là encore,

L'ESDQ pouvait difficilement tolérer.

Enfin, en effleurant 85 %, le taux de réponse dépasse celui des études provinciales

précédentes et réduit fortement, sans pour autant l'exclure, l'ampleur d'un éventuel biais

de sélection. Les personnes qui n'ont pas renvoyé leur questionnaire sont-elles

différentes des autres ? Imaginons le pire : les individus n'auraient pas répondu en raison

de leur aversion pour les soins dentaires, aversion qui s'étendrait jusqu'à l'évocation

même de la santé dentaire. Le biais, ici, serait patent; notre étude tendrait à surévaluer la

congruence des Québécois avec les services dentaires. Deuxième scénario : malgré nos

efforts pour rendre sa lecture facile, accessible au plus grand nombre, le questionnaire

exclurait les individus qui éprouvent de grandes difficultés avec le langage écrit.

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Gageons tout de même qu'une partie d'entre eux, forcés par un quotidien difficile et

parfois hostile à trouver des solutions, réussit à se "débrouiller" et à compléter le

questionnaire; par exemple en faisant appel à l'aîné de leurs enfants, à un voisin ou à un

proche pour déchiffrer les questions et y répondre par leur intermédiaire. La probable

sous-représentation de personnes à lecture réduite pourrait introduire un biais si leur

orientation en regard des soins est plus d'inspiration profane que médicale, comme cela

est fort possible. Toutefois, la stratification des analyses selon le revenu limiterait ce

biais car ces personnes sont généralement pauvres. Autres causes plausibles de non

participation : l'étourderie, la négligence, l'oubli ou la lassitude d'être sollicité sont des

défauts si banals qufiis touchent tous les milieux, affectent toutes les strates de notre

société et, en toute logique, ne devraient pas créer de biais majeur. En conclusion, de ces

trois scénarios, l'aversion pour la dentisterie, la difficulté avec le langage écrit et

l'étourderie, lequel l'emporte ? Nul ne le sait avec exactitude mais en étant probablement

tous vrais, ils diluent et affaiblissent le biais qui tend à surévaluer le comportement

préventif.

Instrument de mesure

La question de la validité de la mesure se posa dès la construction du questionnaire qui,

malheureusement, pouvait difficilement compter sur des instruments déjà existants, du

moins pour les itinéraires. Son élaboration prit donc appui sur différents travaux

théoriques et bénéficia de deux processus de validation menés conjointement. D'un coté

un panel d'experts de l'ESDQ, composé de trois chercheurs en santé dentaire publique,

évaluait l'adéquation des construits théoriques avec les variables qui les appréhendaient.

De l'autre coté, le questionnaire était testé de façon cyclique auprès d'individus appelés à

critiquer la présentation et la clarté du langage, mais aussi à puiser dans leur vécu pour

évaluer la pertinence des questions et la qualité des réponses proposées. C'est ainsi que,

comme le bloc de terre se transforme dans les mains du sculpteur, touche après touche,

le questionnaire, à force d'aller-retour de la théorie à la pratique, prit une forme

satisfaisant à la fois le panel d'experts et les personnes qui le prétestaient. A posteriori,

notre confiance dans la validité de la mesure sort renforcée par la plausibilité des

résultats : ces derniers se montrent cohérents avec les hypothèses que suggère la

littérature et, en regard des comportements habituels de demande, s'accordent avec les

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données provenant d'autres pays, même si, comme mentionné dans le premier article, les

comparaisons restent hasardeuses. Bien sûr, cette validation nomologique demeure

fiagile pour les processus de demande symptomatique pour lesquels les points de

comparaison manquent cruellement. Ces longs processus de validation ne dispensent

donc pas l'instrument de mesure de subir une analyse critique. Dans les paragraphes

suivants, nous poserons notre regard sur des variables importantes et justifierons certains

de nos choix.

Section 1 du questionnaire : comportement habituel de demande

Dans la première section du questionnaire qui évaluait le comportement habituel de

demande des Québécois, la question 17 distinguait deux grandes catégories d'individus :

ceux à comportement préventif et ceux à comportement symptomatique. Ces labels

préventif / symptomatique surprkent peut-être le lecteur par leur caractère non

antithétique : pourquoi préventif et non asymptomatique, pourquoi symptomatique

plutôt que curatif? Les raisons sont simples. Le comportement préventif fut nommé de

la sorte car il répondait obligatoirement à une stratégie préventive, même s'il n'excluait

pas la présence chronique de symptômes ni, de temps a autre, des visites motivées par

l'irruption d'un problème. Quant au comportement symptomatique, il répondait

essentiellement à des symptômes, soit parce que la stratégie était curative ou axée sur

l'extraction, soit parce qu'elle était préventive mais inadéquate, les visites de contrôle

étant trop espacées, par exemple. Notre position est arbitraire, cela est clair, mais

défendable. D'ailleurs, Thomson (149) la soutient implicitement dans un article récent en

baptisant de manière identique les comportements de demande.

Après l'étiquetage de ces deux catégories, venons-en à leur ligne de partage, à cette

frontière un peu floue qui sépare les comportements préventifs des comportements

symptomatiques. Peu aidés par la littérature, nous prîmes la décision de tracer la

démarcation au point où les visites de contrôle, prises dans leur ensemble, s'équilibrent

avec les visites symptomatiques : un comportement préventif deviendrait symptomatique

lorsque les visites de routines se feraient moins fréquentes que les consultations

motivées par des symptômes. Cette distinction se répercuta dans le libellé de la question

17 et de ses réponses par l'emploi des adverbes "habituellement" et "surtout" :

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"Habituellement, quand ailez-vous chez le dentiste (...) ?"; "Surtout lorsque quelque

chose ne va pas (...)", "Surtout pour des contrôles (...)". Les répondants jugeaient donc

eux-mêmes du coté où ils se situaient, lecture évidemment subjective puisqu'elle faisait

appel à leur appréciation comme à leur mémoire.

Or, justement, certains chercheurs britanniques (150) fustigent la mémoire relative aux

comportements de demande qu'ils jugent peu fiable et donc indigne de confiance. Leurs

doutes sont compréhensibles, mais les arguments qu'ils brandissent restent discutables et

illustrent le flou théorique qui sévit dans ce domaine. Ouvrons une parenthèse avec

l'étude de Eddie (89), leur argument massue. L'auteure révèle que la régularité des

visites rapportée par les individus ("Regular / Occasional / OnZy with trouble") couicide

mal avec la fidquence des consultations (" Frequent / Infiequent / Not attendes')

mesurée à l'aide de registres gouvernementaux. Dans cette équation a deux inconnues,

bien difficile de savoir si les différences proviennent de la fragile mémoire des

répondants ou d'une divergence des deux concepts mesurés. Aussi, contrairement à

Hawley (150), nous gardons confiance dans la mémoire des individus, même si des biais

surévaluant les comportements préventifs restent possibles. Dans notre étude, par

exemple, les personnes éprouvant des difficultés pour appliquer une stratégie préventive

devaient résister a la tentation de re-accorder, sur le papier du moins, leurs pratiques

avec leurs intentions. Voilà pourquoi nous plaçâmes la réponse "Surtout pour des

contrôles (...)" en dernière position, elle constituait ainsi l'ultime recours pour ceux qui

refusaient de s'identifier à une démarche symptomatique.

Nous clôturerons la section 1 en mentionnant une faiblesse qui touche la question 1%

("En général, qui prend les rendez-vous ?"). Rajoutée au questionnaire après le dernier

cycle de prétests qualitatifs par une sorte de "pêché de gourmandise" des chercheurs, elle

échappa au crible de la validation, à ce mûrissement qui est nécessaire au questionnaire

comme au bon vin le vieillissement en cave. Son but était d'appréhender la façon dont

les dentistes et leurs clients programment les visites de contrôle et à évaluer l'influence

que prennent les premiers dans ce processus : les professionnels contrôlent-ils la

fréquence des visites en les planifiant à l'avance, c'est-à-dire d'une séance à l'autre ?

Remémorent-ils la date des rendez-vous à leurs clients ? Et dans ce cas, comment s'y

prennent-ils : par un courrier, un appel téléphonique ? En s'intéressant à la fois à ces trois

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points mais en omettant de les décomposer, la question 17b contenait une ambiguïté

fatale qui interdisait son utilisation dans les analyses. En bref, si le questionnaire est un

jour réutilisé, ce problème devra être préaiablement réglé. Dans la même veine, les

négociations qui mettent aux prises les dentistes et leurs clients dans la planification des

visites de contrôle nécessiteraient des éclaircissements : par exemple, les protagonistes

engagent-ils un bras de fer, y a-t-il au contraire une forme de soumission du patient face

au savoir et à l'autorité du dentiste ?

Section 2 du questionnaire : itinéraire théra~eutiaue rés un ~roblérne dentaire

Déjà abordée dans le paragraphe traitant du choix du cas traceur, l'analyse de la

deuxième section du questionnaire sera brève et portera sur la question 23 ("Quelle a été

votre première décision?") qui identine la décision prise par l'individu après le bris

d'obturation : celle de consulter un dentiste ou au contraire d'attendre, de temporiser,

L'emploi du terme "décision" mérite réflexion car il sous-entend l'existence d'un

processus de délibération, d'une forme réfléchie de pesée des avantages et inconvénients

des différentes alternatives. Est-ce le cas ? Y répondre nous ramène à des controverses

anciennes, a des débats d'écoles. Pour s'en convaincre, il suffit de passer en revue les

multiples approches théoriques qui fleurissent dans les domaines de la psychologie, de la

sociologie ou de l'économie et qui penchent tantôt pour des comportements conscients,

tantôt pour des comportements inconscients; certaines se réfèrent à la volonté

individuelle, d'autres à un déterminisme social. La théorie de Bourdieu qui étaye nos

interprétations se trouve à cheval sur ces différentes positions. Elle n'écarte ni le

déterminisme, ni la force de la volonté, même si cette demière est corsetée par l'univers

des possibles. Nous partageons a priori cette optique même si nos résultats ne

permettent pas de trancher. Précisons simplement que les prétests qualitatifs ne remirent

pas en cause la formulation de la question 23, le terme "décision" s'accordant bien aux

différentes situations vécues par les individus : dans le cas des bris d'amalgame, par

exemple, le choix de consulter le dentiste se prend souvent sans réflexion, de manière

presque réactionnelle car évident dans l'esprit des participants; la décision semble plus

réfléchie dans les cas litigieux, lorsque des douleurs suspectes, irrégulières viennent

ruser avec la capacité d'autodiagnostic des individus et les poussent à s'interroger, à

hésiter, à peser les différentes alternatives.

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8- 2-3- Conclusion

L'insistance avec laquelle furent évoquées les Limites de cette recherche ne constitue

aucunement un aveu d'échec. Certes, des faiblesses existent, mais eues sont limitées et

en outre suffisamment connues pour que l'on puisse brosser leur portrait, tracer leur

contour et ainsi établir une sorte de guide de la prudence et de l'interprétation des

données. Que faut-il en retenir ? S'il fallait alerter le lecteur face à un seul problème,

nous insisterions sur les biais qui, possiblement, surévaluent légèrement la prévalence

des comportements préventifs : les résultats du premier article constitueraient donc une

estimation quelque peu optimiste de la réalité et mériteraient d'être tempérés. Si par

ailleurs un chercheur désirait réutiliser notre questionnaire, nous lui recommanderions de

comger la variable 17b, de la décomposer en sous-questions afin de mieux appréhender

l'influence des dentistes dans l'organisation des visites préventives. Nous

l'encouragerions également à retenir d'emblée le bris d'obturation comme cas traceur des

itinéraires thérapeutiques et à modifier l'instniment en conséquence. Notre réflexion sur

les limites de cette étude n'est donc pas un travail d'autodestruction ni de repentance.

Elle s'insère dans ce processus perpétuel de déconstruction et de reconstruction qui fait

le lien entre les recherches passées et les recherches futures.

8.3. Implications de la recherche

8.3.1. Quelles recherches complémentaires faut-il entreprendre ?

Il est rare qu'une étude apporte satisfaction absolue et résolve définitivement le problème

auquel s'attaquaient les chercheurs. En fait, lorsque le sujet est neuf et riche en mystères,

elle agit souvent comme une allumette que Iton grille pour s'éclairer dans une cave

inconnue : sa fiagile lueur dévoile quelques objets fuyants mais se fane si vite qu'elle

laisse dans le noir des masses sombres, à peine entr'aperçues. Est-on sûr d'avoir bien

vu ? Que cache l'ombre demère le faible halo de lumière ? La curiosité, parfois la

nécessité, incitent à persévérer, à dissiper cette obscurité en grattant quelques allumettes

supplémentaires ou en enflammant une chandelle. Ainsi notre thèse, par ses lacunes

comme par ses résultats et par les hypothèses qu'elle génère, crée une dynamique, un

appel d'air pour des études complémentaires et nous encourage à continuer. Quelle

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direction faut-il prendre ? Les sections suivantes décriront trois axes de recherche qui

chacun se superposent à un des articles.

8 -3.1.1. Axe 1 : stratégie et comportement habituel de demande

Le premier axe de recherche porte sur les stratégies de demande et d'utilisation adoptées

par les Québécois et sur les comportements qui en découlent. II ne se cantonne pas à leur

identification respective mais s'étend à leur relation, aux liens qui les unissent. Ces

derniers ne sont probablement pas a sens unique, et d'ailleurs comment le seraient-ils, les

aléas des processus de demande et d'utilisation leur imposent un caractère dynamique et

interactif: si Ia stratégie influence les comportements, l'inverse est également vrai.

Comment saisir et organiser ces thèmes de recherche ? La stratégie offre deux angles

d'attaque, d'un coté les forces et les processus qui la mettent en place, de l'autre sa

finalité et les directives explicites ou implicites qu'elle renferme. L'analyse des forces

qui l'établissent renvoie à la structure de l'espace social, à la conpence des systémes

médicaux et profanes, à leur flexibilité et à leur perméabilité respectives; sur un plan

individuel, elle conduit aux relations qui s'établissent ou ne s'établissent pas entre le

dentiste et L'individu, aux expériences de ces derniers, à leurs succès comme à leurs

échecs. Pmallèlernent, l'étude de la £inalité des stratégies et de leurs directives mène

peut-être à l'habitus de Bourdieu qui est à la fois système générateur de pratiques et

système de perception et d'appréciation.

Quant aux comportements de demande, nous suggérons de !es embrasser dans une

perspective longitudinale afin d'identifier l'agencement des épisodes thérapeutiques dans

le temps. Pour chaque individu étudié, il s'agirait d'abord de répertorier tous les

événements, les uns après les autres, en distinguant leur nature comme leur espacement.

Cette première cartographie brosserait un tabIeau assez confus des comportements, un

enchevêtrement d'épisodes difficiles à dénouer et à interpréter. Voilà pourquoi il faudrait

ensuite les clarifier, les ordonner en séquences riches de sens. Quels Spes de séquences

se dégageraient de ce tissu complexe ? Parmi les plus élémentaires, citons par exemple

la répétition d'épisodes préventifs (épisode préventif - épisode préventif) ou, en

opposition stratégique, la succession d'épisodes de maladie sans que des soins ne

viennent s'intercaler (épisode de maladie - épisode de maladie). Évidemment, rien

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n'interdirait les chercheurs d'allonger ces séquences pour former des blocs plus massifs

comptant trois, quatre ou cinq épisodes; autre possibilité, regrouper les &pisodes par

période de temps : un, deux, trois ans. Ainsi, comme L'enfant qui joue au Lego associe

des pièces Mérant par leur couleur et leur forme, le chercheur réunirait des épisodes de

façon à résumerz mais aussi à comprendre et a interpréter les comportements de

demande de services dentaires. Dans ce processus de construction, si L'enfant laisse

parler sa créativité, le chercheur, de son coté, la canaliserait en respectant certains

principes d'assemblage et en se référant à des concepts comme la régularité, la

fréquence, la flexibilité ou l'évolution des pratiques. Pourquoi disséquer ainsi les

comportements ? En plus de documenter les pratiques des individus et d'identifier leurs

dynamiques comme leurs routines, cette analyse permettrait d'évaiuer la validité des

indicateurs déjà existants. Par exemple, que vzut la frontière que nous avons fixée entre

les deux types de comportements ? Les catégories que définit notre indicateur

pourraient-elles se raffiner, se subdiviser ? Assurément, une telle recherche est

ambitieuse, mais elIe apporterait des réponses à nos incertitudes et domerait un

vigoureux coup d'accélérateur au domaine de la demande et de l'utilisation des services

dentaires.

8.3-1.2. Axe 2 : éléments d'une stratégie préventive - modèle thérapeutique

préventif et fréquence des visites de contrôle

Le deuxième axe nous ramène à la composante normative des comportements de

demande et d'utilisation. Dans la revue de la littérature comme dans les deux premiers

articles, nous avons émis des doutes quant à la conversion des dentistes à un modèle

thérapeutique préventif de la carie dentaire. L'objectif n'est évidemment pas de

stigmatiser les praticiens, mais de savoir comment s'effectue cette transition

paradigmatique au Québec et surtout d'identifier les tropismes qui la fkeinent. Ces

derniers restent méconnus même si l'on en devine les multipies origines :

pro fessiomelle, universitaire, gouvernementale. Au niveau universitaire, par exemple,

quelles sont les difficultés rencontrées par les professeurs pour adapter leur

enseignement? Quels mécanismes d'éducation continue se mettent en place pour

rejoindre les praticiens formés à l'ancienne école ? Au niveau gouvernemental, pourquoi

le programme d'assurance dentaire adressé aux enfants ne couvre-t-il pas la pose

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d'agents de scellement ? Quels sont les blocages d'ordre organisationnel dans l'adoption

par les professionnels de thérapeutiques induisant la reminéralisation des caries ? Cette

question ne s'adresse pas seulement à la RAMQ, elle concerne également les assureurs

privés et, pourquoi pas, les fabricants de produits dentaires. Le problème n'est pas

simple, évitons donc de le confiner aux seuls dentistes qui constituent seulement la

partie émergée de l'iceberg.

Autre point important, connexe au premier : le débat sur la fréquence des visites de

contrôle. Irrésolu et polémique, il oppose les tenants des consultations semestrielles,

largement soutenus par les dentistes, à ceux qui contestent leur efficience et prônent leur

espacement. Notre étude, sans doute, apporte un peu d'eau à leur moulin mais elle est

loin de clore le débat. Fréquence semestrielle, annuelle, semestrielle ou plutôt flexibilité

des périodes ? Ces questions exigent des réponses plus franches, non seulement sur le

plan de l'efficacité des thérapeutiques et de Ia vitesse de progression des maladies, mais

aussi en regard de la relation dentiste - client sur laquelle insistent les praticiens. Par

exemple, dans quelle mesure des visites fréquentes favorisent-elles l'harmonie de cette

relation, la satisfaction et le bien-être des individus ou encore leur engagement, leur

motivation dans le maintien et la promotion de leur santé dentaire ? Réfléchissons aussi

aux éventueis effets pervers des visites semestrielles : lorsque la vulnérabilité de

l'individu est faible et que le dentiste, de manière répétée, ne découvre aucune affection,

la personne n'éprouve-t-elle pas le besoin d'espacer ou même d'abolir les visites

préventives, risquant ainsi de passer à un mode de consultation symptomatique ?

Soulignons que les chercheurs qui aborderont ces thèmes pourront difficilement faire

l'économie d'un devis longitudinal.

8 -3.1 -3. Axe 3 : processus asymptomatique et symptomatique de demande

Notre suggestion de recentrer les prochaines études sur les stratégies ne signifie

nullement qu'il faille maintenant se désintéresser des processus asymptomatique et

symptomatique de demande. Premier pas d'une longue marche, notre thèse n'a pas suffi

pour démêler la complexité des processus ni même pour dévoiler les forces souterraines

qui les poussent. Ainsi les systèmes référentiels profanes évoqués par Freidson (66)

restent-ils dans l l o b s c ~ t é : comment ces réseaux s'organisent-ils, comment structurent-

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ils les comportements ? Comprennent-ils des personnes ressources, des personnes

endossant le rôle de guérisseur et tendant à se substituer aux dentistes dans les

communautés défavorisées ? Voilà des questions passionnantes qui s'inscrivent sur une

liste déjà bien longue et néanmoins incomplète. Le phénomène d'émancipation évoqué

dans le troisième article, par exemple, demeure une hypothèse. Il s'agit désormais de la

vérifier et de l'étoffer : jusqu'où va leur autonomie, comment est-elle vécue, assumée par

les individus, leur apporte-t-elle satisfaction ?

Cet axe de recherche n'est pas anodin car il nous conduira tôt ou tard à redéfinir la santé

dentaire. Traditionnellement, les chercheurs et les praticiens la considèrent comme le

"double inversé" de la maladie et de ses séquelles, mais est-ce vraiment le cas parmi les

personnes pauvres ? L'autonomie que nous leur avons attribué de manière hypothétique

suggère plutôt que santé et maladie ne s'excluent pas mutuellement, thèse qui, au fond,

n'est pas nouvelle. Rappelons-nous la longue réflexion de Canguilhem (1 51) sur le

normal et le pathologique. Souvenons-nous aussi des travaux des sociologues européens

dans le domaine des représentations sociales de la santé et des maladies. Herzlich (152),

par exemple, décrit un modèle de santé qu'elle nomme "avoir", ou "fond de santé", et

dans lequel la personne fait appel au courage, puise dans sa force ou son capital

personnel. C'est ainsi qu'elle se mobilise, qu'elle surmonte les épreuves et conserve sa

participation sociale. Les personnes pauvres, au Québec, n'adhèrent-elles pas a une telle

vision de la santé ? En soulevant l'hypothèse de l'autonomie, notre étude crée donc une

dynamique dont les ramifications s'étendent jusque dans le domaine des représentations

sociales de la santé et des maladies dentaires.

8.3.1.4. Synthèse

Plutôt que de superposer les axes de recherches complémentaires à nos articles, peut-être

aurait-il été plus logique de les ordonner à l'aide de la théorie de Bourdieu qui épaula

l'interprétation des résultats. Nos recommandations se seraient réparties différemment, se

nichant dans l'espace social, dans l'espace des comportements, ou encore dans l'habitus

qui les relie (figure 13). Dans le premier se logeraient les études portant sur les réseaux

profanes, sur l'accessibilité aux services, sur les pratiques des dentistes et sur les

stratégies normatives. Le deuxième couvrirait les recherches démêlant l'écheveau des

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épisodes thérapeutiques et celles appréciant dans leur complexité les processus de

demande et d'utilisation. Enfin, I'étude des habitus embrasserait les stratégies des

individus de même que leurs représentations de la santé, de la maladie et du système de

soins.

Figure 13 : production des Comportements de demande et d'utilisation des services dentaires (inspiré de la théorie de L'action de Bourdieu)

1 Espscr sacial et médical Espace des comportements de santé I

+ Actes de perception ct d'appréciation

8.3.2. Quelles actions faut-il engager dans le domaine de la santé dentaire ?

Conditionne

Conditions d'existence:

Cette thèse s'est longuement attardée sur les inégalités sociales. Elle a dénoncé la

pauvreté, cette plaie ouverte des sociétés modernes, et en a dévoilé les stigmates dans la

demande et l'utilisation des semices dentaires. Identifier l'ennemi était assez facile,

d'autres l'ont fait, le terrasser est une autre histoire : les chercheurs passent, le problème

demeure ... Dans cette "drôle de guerre" dont on ne voit ni la fin, ni même le début,

quelle stratégie retenir ? Faut-il s'attaquer directement a l'habitus des pauvres en leur

imposant de nouvelles stratégies et en sapant l'autonomie qu'à force d'exclusion ils

finissent probablement par acquérir ? Nous en doutons, car l'habitus n'est transformable

que si l'on change aussi l'espace social qui le nourrit et dont il est le reflet. C'est donc en

modifiant ou en distordant celui-ci que les trajectoires profanes et professio~elles

deviendront congruentes et que, un jour peut-être, se brisera l'exclusion.

S-es de danandc / système de sehémer &intcms dc pratiqua :

- Fmdiri - Moddïuh / d u m i v a

-

Nous voici donc engagés dans un débat à forte coloration idéologique : la transformation

de la société. Les marxistes d o ~ e n t de la voix et apportent une réponse qui a le mérite

d'être claire : il faut abattre le capitalisme et supprimer l'existence même des classes.

Cette solution est contestable à plus d'un titre, d'abord parce qu'elle n'est pas simple, elle

appelle une révolution ou l'attente d'un effondrement spontané du régime actuel, ensuite

- Sysléma rëf prnfmcr - Accasibilkë aux m i c a

tiilbiRLS - Pro- de danan& butiIisrition asympmmatiqua d - Slnidgia nomtïves symptanatique~

- EvIodiks tfitr;ipeutïqua

Repraaintions sccialts I sysièmc de nhànes de perception et d'appréciation ('le goût")

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parce que son succès demeure aléatoire. Ainsi l'URSS, qui en a fait l'expérience, ne

réussit jamais à éradiquer la stratification de sa société et les différences de revenus ne

disparurent pas, "ni, par suite, les distinctions dans les manières de vivre et Ies

prestiges" (153, pl3 1). Aussi emboîterons-nous le pas des réformistes qui, à mi-chemin

entre révolution et immobilisme, proposent un changement progressif de la société pour

juguler les inégalités et faire fondre la pauvreté. Leur prografnme ne se réduit pas à une

meilleure répartition des richesses, il va plus Loin : combattre la pauvreté, c'est aussi

accroître la capacité des individus à se faire entendre, à bénéficier des institutions, à

améliorer leur condition et leur avenir (154, p3 15). La Banque Mondiale semble l'avoir

admis, elle qui n'a pourtant jamais manifesté un humanisrne exacerbé. Dans les travaux

préparatoires à son prochain rapport sur la pauvreté, elle définit ainsi de vigoureux

moyens d'actions qu'elle articule sur la trilogie suivante : "démarginalisation - sécurité

matérielle - opportunités".

La "démarginalisation" évoquée par la Banque Mondiale amène la lutte contre la

pauvreté sur le terrain médical, par exemple avec l'amélioration de l'accessibilité aux

services dentaires. Là encore le défi est de taille, car il ne s'agit pas d'esquiver certaines

facettes de l'accessibilité. Nous pensons d'abord à la barrière fiancière que l'État doit

aplanir en étendant son programme d'assurance médicale universelle aux seMces

buccodentaires ou, au pis, en élargissant franchement des programmes dentaires

anémiques. Ces derniers couvrent juste les prestataires de la sécurité du revenu et les

enfants de moins de 10 ans. Nous pensons aussi à l'accessibilité géographique, à la

commodité des heures d'ouverture et du système de rendez-vous, à l'acceptabilité

mutuelle des dentistes et de leurs clients avérés ou potentiels, tant de fils désunis qu'il

convient de patiemment renouer. Dans cette tâche ambitieuse, deux pôles sont

inévitablement appelés à se rejoindre pour unir leurs efforts et partager les

responsabilités : d'un coté la corporation et les syndicats dentaires, de l'autre le service

public incluant le Ministère de la santé et des services sociaux, les Régies régionales et

les CLSC.

Si la description détaillée des actions à entreprendre ne rentre pas dans le cadre de cette

thèse, il est néanmoins pertinent d'identifier les principales barrières qui, dans le

contexte actuel, s'opposent à leur entreprise. La première est d'ordre idéologique et

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touche la participation de l'État dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Au

Québec, comme dans la plupart des sociétés industrielles, le néolibéralisme s'est

tellement insinué dans les discours et les esprits qu'en cette fin de 20' siècle, peu osent le

remettre en question (155). Les principaux partis politiques, dans un même élan, misent

avant tout s u . les marchés et sur la croissance économique pour régler les problèmes

sociaux, car la tendance est à un retrait de l'État qui se manifeste à la fois par la

réduction des impôts et par l'abandon de ses prérogatives dans la gestion des affaires

sociales. Dans de telles conditions, la lutte contre la pauvreté risque vite de s'asphyxier si

l'on ne redonne pas un peu d'air au débat politique et idéologique.

Le deuxième écueil dans la bataille pour l'amélioration de l'accessibilité tient à la

fiagilité des passerelles entre les seMces publics et la profession dentaire. En fait, les

intervenants en santé publique, qu'ils soient dentisteconseils dans les Régies régionales,

hygiénistes dans les CLSC ou même chercheurs dans les universités, ne bénéficient

d'aucune structure pour coordonner leurs efforts à ceux des dentistes. Leurs actions

respectives sont donc cloisonnées et ne s'enrichissent d'aucune réflexion conjointe,

d'aucune dynamique. Dans ce cas, comment les praticiens réagiront-ils aux éventuelles

initiatives publiques ? Comment s'impliqueront-ils dans la lutte contre l'exclusion ?

Rappelons-le, les professionnels et les services publics doivent s'unir dans la réflexion et

intégrer leurs actions, ce que les Américains semblent avoir bien compris. En 1996,

Jones (156) dirigea un groupe de travail réunissant les senices publics et les différentes

associations dentaires américaines, tant professionnelles que de santé publique. Son but

était de promouvoir un partenariat public - privé au niveau fédéral comme au niveau

local, afin de faciliter l'accès aux seMces des populations vulnérables : il fallait

notamment définir les rôles et les responsabilités respectives des différents organismes et

mettre sur pied des stratégies communes. Le Québec devrait s'inspirer de cette initiative

pour établir un dialogue entre deux pôles qui se côtoient mais ne communiquent pas.

En conclusion, réduire les inégalités dans le domaine de la santé dentaire exige que l'on

ouvre des portes aujourd'hui solidement fermées. Aux deux verrous évoqués dans cette

discussion, nous avons proposé deux clés. La première consiste à dénoncer sans relâche

la pauvreté et, pour la combattre, à aider les décideurs à surmonter leurs réticences dans

la participation de l'État aux affaires sociales. Pour cela, peut-être faudra-t-il souffler sur

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les braises d'un débat idéologique que l'avènement du néolibéralisme tend à éteindre. La

deuxième clé est d'intégrer les réflexions et les actions émanant du senrice public et des

professionnels, ces derniers 6 tant appelés, individuellement et collectivement, à assumer

des responsabilités nouvelles dans le bien-être des Québécois. Qui, aujourd'hui ou

demain, osera s'emparer de ces clés ? Nous pensons en premier lieu aux personnes qui

s'impliquent dans la promotion de la santé et adhèrent à ses valeurs. Tout d'abord parce

que ce mouvement s'ancre dans une idéologie égditariste qui, en privilégiant une

implication de l'État et des services publics, constitue une alternative au néolibéralisme.

Ensuite parce que ses actions touchent différents niveaux de la société, et notamment

"les particuliers, les groupes communautaires, les professiomels de la santé, les

institutions o B m t les services et les gouvernements" (157). En bref, capable d'initier la

bataille sur ces deux fronts, la promotion de la santé pourrait catalyser la lutte contre la

pauvreté et la faible accessibilité aux services dentaires.

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9. CONCLUSION

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Notre revue de la littérature révélait des lacunes importantes dans le domaine de la

demande et de l'utilisation des services dentaires. Les pratiques des Québécois, en effet,

baignaient dans une obscurité que les chercheurs ne parvenaient à dissiper. Certes,

accablés de tâches pressantes, ils se trouvaient dans l'incapacité d'accorder à ce sujet une

attention soutenue, mais ce n'est pas la seule raison. Leurs instruments de mesure

restaient sommaires et limitaient singulièrement leurs interprétations. Cette faiblesse

méthodologique n'était pas le propre du Québec. En fait, elle était quasi générale et

traduisait un manque de conceptualisation de la demande et de l'utilisation des services

dentaires. Bien que largement parcouru, ce domaine reste une forêt presque vierge car

les chercheurs se contentent de cartes approximatives et rechignent à quitter les sentiers

battus pour braver l'inconnu.

Notre étude, justement, s'est efforcée de mieux cartographier ce domaine en engageant

une réflexion théorique et en s'aventurant en temtoire inconnu. Y voit-on plus clair

aujourd'hui ? Nous le croyons. Cette recherche dévoile tout un pan des pratiques des

adultes québécois en regard de la demande et de l'utilisation : elle découvre ainsi leurs

habitudes, la fréquence avec laquelle s'organisent leurs visites de contrôles et leur

itinéraire lorsque survient un bris d'obturation, incident malheureusement assez fréquent

sous le règne du modèle restaurateur de traitement de la carie. Elle renforce également

notre confiance dans l'utilité des visites de contrôle, même si, parallèlement, elle laisse . . -. planer un doute sur la pertinence de leur Wquence semestrielle. Sur le plan

méthodologique, elle o f i e de nouveaux outils de mesure aux chercheurs québécois qui,

par exemple, pourront les employer dans les prochaines enquêtes provinciales afin de

dégager des tendances séculaires.

Enfin, cette recherche a braqué ses projecteurs sur des phénomènes douloureux : les

inégalités sociales et la pauvreté. Les Québécois de milieux défavorisés consultent plus

rarement que les autres le dentiste sur une base préventive et, en cas d'incident,

manifestent un attentisme qui confine parfois à l'évitement des soins. La richesse de

notre étude ne se limite pas à ces résultats, elle provient aussi des interprétations que

nous en faisons, des conjectures que nous formulons sur les fondements des inégalités et

sur le cycle de l'exclusion et de l'autonomie. En cela, nous nous sommes a£franchis d'une

approche épidémiologique qui domine le domaine dentaire et dans laquelle le chercheur

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se retranche derrière ses c w e s et ose rarement leur donner un sens. Ainsi les inégalités

sont-elles souvent incriminées mais si peu comprises que les chercheurs se trouvent

généralement dans l'incapacité de proposer des solutions concrètes. En empruntant à

Bourdieu sa théorie, nous avons voulu donner vie à nos cbiffi-es, leur donner un sens et

en même temps offrir des solutions à un problème qui ravage notre société.

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xiv

ANNEXE 1

Équipe de l'enquête santé dentaire Québec 1998-1999

Jean-Marc Brodeur, DDS, MSc, PhD Professeur titulaire au département de médecine sociale et préventive et chercheur au GRIS, Université de Montréal

Marie Olivier, DMD, MSc

Agent de recherche :

Mike Benigeri, DMD, MSc, PhD

Coord inatrice :

Sylvie Williamson

Dentiste-conseil a la Direction de la santé publique de Montréal-Centre

GRIS, Université de Montréal

Direction de la santé publique de Montréal-Centre

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ANNEXE 2

Nombre de sujets sélectionnés en materneiie et en deuxième année

Maternelle Deuxihme année

Régions

Saguenay-Lac-Saint-Iean Quebec Maurïcie-Bois-Francs Estrie Moncréai Outaouais Abi ti bi-Témiscamingue Côte-Nord Chaudihe-Appalaches Laval Lanaudière

Zones de résidence

métropolitaine urbaine rurale

Ensemble de l'échantillon

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ANNEXE 3

Poids at tribu6 aux différentes strates de l'échantillon

Classes de deuxième année

Région Zone de Revenu O q e ) résidence

Saguenay

Sagucmy

Sagumy

Saguenay

Québec

Qdk

Quebec

Québec

W k c

Wb-=

Matuicie

Maun'cie

Mataicic

Mauricie

Mauricir

Esnie

Esnie

Estrie

Esaie

Gmk

Esnie

MontrCaI

Moncréai

Montréal

Monrrtal

3 u f i l o ~

3utaouais

hitaouah

Abitibi

Abitibi

Abitibi

Abitibi

Cbte-Nord

Côte-Nord

Zhauditrc

Zhauditrc

3auditre

Urbainc

Urbaine

R u n k

Rumk

Urbaine

Urbaine

Urbaiat

Rurak

Rurak

R m k

Urbaine

Urbaine

Urbaine

Rurak

Rurak

Urbaine

Urbaine

Urbaine

Rurak

Rurak

Rurak

Mttro

Mf no

Mt?m

MCtro

Urbainc

Rurak

R m k

Urbaine

Urbaiac

R u n k

Rurak

Urbainc

R m k

Urbaine

Urbaine

Urbaine

fk* Mojmifaii k

Moyen

Faibk

É k v t

Moyen

Faib k

É k v t

Moyen

Faibk

Ékvt

Moycri a i b k

É k v ~ m o y c a

a i b k

&v€

Moyen

Faibk

f kvt

Moyen

Fybk

ÉkvCIumyedFaibk

É k v ~

Faibk

É k v t

Moycdfaib k

Ékve

Moycdfaib k

Ékvf

Moyen

Faibk

Doon& icbnriüiloLL13PIes

N % du total

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Chaudière R m k Éicvt

Chauditrc Runk Moyen

Chaudite Rwak h i b k

bmudittc Urbairit É k v ~

bnauditrr Urbaïrr Moyen

Lamuditrc Urba.int h i b k

LamudiErc Rurak Ékvtlmoycn

knauditrc Rurik Faibk

Totd

Classes de materneiie

Zone de résidemce Revenu (Iangue)

Urbain

Urbain

Urbain

Riirak

Rura k

R u n k

É~cvt

Moyen

lâibk

É k v ~

Moyen

Faible

Zn Faib k

hllIlkS p 0 p U h t i o ~ d k ~

N 46 du total

Poids

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ANNEXE 4

Version française du questionnaire adressé aux parents

[ ~ o i r c i s s e z one nule réponse par pudon, sauf fndicaîioo con- et suivez bien les flkba

IL EST IMPORTANT DE NOIRCIR LES CERCLES 0 AVEC UN STYLO A ENCRE NOIRE OU BLEUE, COMME CECI +

PRE&RE SECTION

1. Votre enfant a-t-il visité le dentiste depuis an (1) an ?

I la. Qudlc en est la prindpalc rrison ?

Si vous a v a répondu 04 .Ikz directement 8 la qucsüoii 2

Ib. À quaad remonte sa dupiere visite ?

Ornoinsde2ans

Ode2à5ans

O pIus&Sans

O il n'a jamais *té le denuste

Ojeucsaispas

2. Habituellement, à quel moment prcna-vous rendez-vous pour votre enfant c h a son dentiste ?

O lorsque je pense qu'il est temps que mon enfant ait un examen de rappel

O lorsqu'on me &phone du bureau du dentiste pour m'aviser qu'il est temps quc mw enfuit ait un examen de rappel

O lorsque L'hygienine denlaire ou i'infirrniàt & i'école m'avise que mon aifuit a besoin d'aller chez le denirine

O lorsque mon enfuit se plaint qu'il a mal aux dents ou qu'il a un problhe avec ses dents

Ojamais

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3. Rnbltuelltmtnt, P quelle trLqoenct votre enfuit visite-t-il le dcnîkte pomr ses examens de rippei ?

O une fois par 6 mois envuOn

O une fois par année! environ

O une fois par 2 ans environ

O moins souvent que p

O jiuniüs

4. Avez-vous un plan personnel d'assurance dentaire p r i d qui c o o m les soins dentaires de votre familit ?

O oui

O non

5. Avec que&) adoltc(s) habite votre enfant ?

O pèreet mère

O un des parents naturels et son conjoint

O mère sedement

O @re seulement

O g a r d e m k O autre, pc&isez svp : ..-.,..-.......,-.tre,tre,tre,tre,tre,tre,tre,tre,tre,tre,.tre,tre,tre,.tre,tre,tre,tre,tre,* **--*

6. Avez-vous immigré au Canada ?

Si vous a v a répoudu runa, Jkr directement h 18 quatka 7

Odt6ià10ans

O plus de 10 ans

7. Quel est le de scolarité que voas avez ? (Vous pouvez répondre au nom de I'autre parent)

Mere de I'enIant Père de l'enfant

O moins que secondaire 5

O secondaire 5 (cenificat déNdes secondaires)

O d i p l d m de cégep. école & metiers w i n s t i ~ technique

O diplôme universitaire

Ojeneaispas

O nminsqueoecondaire5

O secondaire 5 (certificat dénides secmdaùes)

O diplôme & cégep. école de métiers w institut technique

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8. Quel est votre revenu tamiliai annael, avant impôts ?

O moins de 5.000 S

O entre 5.000 et 9.999 S

O enve 10.000 et 19.999 S

O enue 20.000 et 29.999 S

O entre 30.000 et 39.999 S

O entre 40.000 et 49.999 S

O enve 50.000 et 74,999 S

O 75.000 S ou plus

& Combien de personnes (indunt vous-même) - vivent de ce nveno ?

O w

Odeux

O mis

0 q- O cinq ou plus

9. Êtes-vous bénéflciafre de l'aide socfale (sicarité da revenu) ? (VOUS paivez dpoodre au nom de i'autrt parent.)

Mère de l'enfant

Ooui

O non

Ojenesaispas

10. À quand remonte votre derniére visite c h u le duitlste ? (Vous pouvez répondre au nom de i'iu~ue parent)

Mère de L'enfant

O moins de 1 an

O entre 1 et2ans

O d e 2 à 5 ~ i s

O plus de 5 ans

O n'a jamais visité le dentiste

Ojenesaispas

Père de l'enfant

Omoïmde tan

O entre 1 et 2 ans

Ode2ASyis

O plus de5ans

O n'ajamis visitd k dencine

Ojenesaîspas

11. Avez-vous encore au moins une dent mtarcik ? (Vws pouvez répoodrr au mm de i'ainrie parent)

Mare de l'enfant

O oui

O non

Ojenesaispas

Père de l'enfant

O w i

O non

O jene sais pas

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14. Les questions suivantes se rapporteor la prévention de la d e duitrlrt chu votre d a o t Noris aimerions savoir si vous êtes en accord op en d€saccord avec lei propasltions mivantes

Se n'ai pas assez de renseignements pour savoir -ment œ qu'il f u t fire pour pdvenir Ies caries chez mon d u i t

O O O O

Ça coule trop cher de fire suivre réguli&emmt moci enfant par un dtntistt O O 0 O

La prévention des a ies dentaires âevnit se faire dYlS les écoles O O O O

La Regie de I'ysur;ince-maladie devrait prendre en charge les soins Qntaires O O 0 O pour les enfants m h e après l'5ge de 9 ans

C'est surtout le dentiste qui peut prévenir les cyies Qntaires chez mon enfuit O 0 O 0

15. Nous aimerions savoir ce quf est important pour vous lorsque vous devez cboisir un dentiste pour vous ou votre enfant. Pourriez-vous indiquer i'importanct que vous accordez aux q~alités suivantes ?

Pu Ru Aue% Tnts L'nccessibiiitC des services UnpaPat imponuir impmmt i m p o m

Les tarifs des soins sont nisonnables O O O O Le bureau du dentiste est frrile d'& (pnxrbe de chez moi) O O O O 11 n'y a pas trop d'mente pour dxenir un &z-vous 0 0 O 0

La qualité des soins

La r é p d o n de la dent est solide (elle dure Ioagwnps) O O O O

Après h répadon. la dent a un bel aspect (-que) O O O O Après la réparation, je peux m q u e r de fapn efficuie O O O O

La douleur e t i'aarlCt6

Le dentiste ne fait pas mai pendant le Uai<enitnt O O O O Le dentiste soulage rapidement Iotçqu'on a mal aux dmls O O O O Le dentine sait nous nssurier lonqu'on est üqukl O O O O

La prCvention

iz dentiste fait tout ce qui est &œs&e pour éviter qu'on ait d'mues a i e s

Le dentiste prend le temps d'expliquer les moyens pour prévenir les Canes et les maladies des gencives

Divers

i~ bureau du dentiste est modeme et bien équipé O O O O te dentiste prend le temps d'expliquer les traitemnts qu8 fait O 0 O O

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Avez-vous un dentiste régulier (de famille) ?

Si vous i v a r6poQdu noa. dkt dinrilmcnt h la question 17

17, Habituellement, quand allez-vous chez le dentiste pour vous-même ?

O surtout pour des contrûles ou des nenoyages i7 Si vous a v a ripondri poar d u coa<rala w d u mttoy- cwpi&z kr qPalioar 178 et Ifb

17% À quelle IrCqu- Inlies-vous les visites de contrôle ? * Si vous i v c r r é p o a d u ~ ou w t w t lorsqœ quelque chose ne va pu, w d k ~ e ai me Idt mol. a l l a directement k Ii question 18

O une fois par6 moisennnni

O une fois par IliinBt environ

OunefoisparZansenviroa

O moins souvent que ça

1% En générai, qui prend I t s rendez-vous ?

O c'est le bureau du denüsIe qui me cocit;rte

O c'est moi (ou un prock) qui prend rendez-vous

18. Au cours des m-, avez-vous ressenti on découvert quelque d o s e qui n ' f i t pas avec vos dents, qui vous faisait mai ?

Exemples : dent avec carie, dent doalonremt, abch dentaire, bris de plombyc, dent déchmus& doofourcnsc, ,

Attention : - ne tenez pas compte des problèmes de gencive et de dentier (m @el) - ne tenez pas compte des problèmes que te dentiste a luiaiâne déamverts

O oui. j'ai ressenti un ou plusieurs problàns avec nig denrs

non. je n'ai ressenti aucun de ces Si vous avez répondu non, compl€ttz I. question 1ûa

~ vous avez ressenti PU moins on probl&me avec vos dents. allez

18a. Cependant, avu-vous ressenti an problème de gencive ou de dentier (partiel) ?

directement P la question 19 O non

Vous ove% tcrmlné le qnstionnn[n. Mad beaucoup pour votre coü8bontion I cette h d r

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19. Quand a probilme a-t-U commead ? (Si vous avez ressenti pIt~siears problèmes, prenez -. O il y a moins de 1 mois

O entre 1 et 3 mois O enûe 3 et 6 mois

O entre 6 et 12 mois

20. Quel Ctai t ce problème ? ( m e seule réponse)

21. An de%ut, cela vous a-t-U dérangé ?

O pas du tout &mg6

O un peu derang6

1 21a. Qu'est-ce qui vous a le plas dérangé ? (une seule riponse)

I O ia douleur

22. Avez-vous pensé que c'était grave ?

O pas du tout grave

O un peu grave

O -grave

O uès grave

O lesdificul& p o u r ~ q u e r

O des problemesesthétiques

O aum. précisez svp : .,,.....-....-.... * -.-.--..-..--.----

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23. Quelle a €16 voire première dkidoo ?

j'ai tout de suite decide &da voir un dencisu!

O j'ai décide d'attendre pout voir si c'&ait pour SI V a u i v a d6ddi d'itwdm. compléta I c r q o a r k n r 2 4 2 3 b e t ~

I 23a. Avez-vous pris des médiamenb pour vous soulager ?

Ooui

O non

1 Sb. Votre problème a-t-U disparu ?

O cornpIètement SI v a i ~ avez tout de nilte dkM6 d'der voir un dentiste. da di rc~ l lmml i 1s q u a 24 0 presque c0rnpk-t

O un peu

O pas du tout

O j'aidécidé dene pasallervoirun dcoane

O j'ai décidé d'en parler au dentiste lors Q ma prodiaiae vinte

O j'ai préNré prendre rendez-vous avec le dentiste

24. Finalement, êtes-vous ailé chez un dentiste ?

O si min avez ripoidu no<L ooapi6tez. -i US 4 O oui

T 1 240. Poorqooi n'êtes-roar pas allé chez a. den- ? raison)

O moa problème a dis-

O j'amds que mon problèrrie se règie seul

O j'ai pis LUI rendez-vous qui anive hait&

O j'ytends ma prochaine visite de coriPsk c k ie dentiste + I O c'est récent et je n'ai pas encore eu l e temps & prendre un rendez-vous

25. Entre le début du problème et la pisite chez le dentiste, combien de temps s'est-il écoulé ?

S i vous avez répandu oui, dia directement A & qutnloa 2S

Oenm 1 semaineet 1 mois

0 yim. p- svp : -..* ....................................

Vons avez tenuin6 Ie qoesüonnrirt. Merci beaucoup pour votre coïhboration i cette €hide.

A -

O entre 1 et3 mois

O plus de 3 mois . ,8

Page 180: (Ph.D.) 2000 · un problème dentaire au cours des 12 mois précédant l'enquête) et gagneraient à consulter plus souvent. En affectant 12 % des répondants au cours des 12 mois

xxvi

26. QueIs traitements le dentiste a-t-il faits (ou commencés) lors de cette première *te? (&&us réponses possibles)

O plombage

O trairement de canal

O ex-on den* (enlever un: dent)

O couronne ou pont

O dentier ou

O aum. pftkkez. mp : ...-.-..,.,...-,-.,----.--..a

O jenesaispas

27. Après cette première visite, est-ce que le dentiste vous a demandé de revenir, h son cabinet ou c h u an autre dentiste auquel II vous a réréri, pour comditcr le ou les traitements ?

2-8. Finalement, qu'avez-vous fait ?

- O non - - ' si vous avez riponàu wn, vous avez termin4 le qiiesîionnnin.

'

& je suis aile (ou jhi bientôt) fYre compKrcr Ie ou la traitements cher lui ou chez le dencise auquel il mï dfM

O oui

O je suis ail6 (ou firai) plutôt chez un autre den* que j'i choisi moi-même pour faire completer le

O j'Y décidé de ne pas faire compléter le ou les aitements

Merd btucomp pour votn coüaboration P cette €tude.

I 2& Pour quelle raison ? (une seule réponse)

T

O je ni?rais pas satisfit du dentiste

O j'avais uop peur

O les aitarwûts propos& par le dentiste &aient trop c h

O les uaitermz~rs propos& par le dentiste n'eu-ent pas indispensables

O mon rendez-vous arrive bientôt

Oauur:raison,précisezsvp: ,....-...,.....,.,,---.--- * ------.-.--------,.--

I Le questionnaire est terminé. Merd beaocoop pour votre müaboratlon P cette Ctude. N'oubUez pas de remettre cc qnestionnaire P votre enfant poor qu'ii k ripporte Q 1'4colc Nous vous rappelons que tom ces renseignements demeureront strictement coaüdtotids,