petit journal de campagne n°4 - l'entreprise responsable

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WWW.CROISSANCEPLUS.COM 4 NUMÉROS JOURNAL BIMENSUEL PARUTION DU JEUDI 1 er MARS 2012 L’ENTREPRISE RESPONSABLE

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Qui est responsable de quoi dans la société dans laquelle nous vivons ? Cette question irrigue une bonne partie du débat public, singulièrement dans le domaine de la prévention des risques, de la protection de l’environnement, des atteintes à la santé morale et physique de chacun et de bien d’autres encore. L’entreprise est au centre de ces interrogations. Pour une bonne raison : elle joue un rôle clé dans la société, c’est elle qui emploie, produit, crée de la richesse, et façonne une manière de vivre ensemble. CroissancePlus a toujours nourri cette conviction que l’entreprise ne pouvait pas être réduite à sa seule vocation économique. Elle est un acteur de la société. En tant que tel, la question de sa responsabilité dans le développement harmonieux du monde se pose avec plus d’acuité que jamais. La notion « d’entreprise responsable » découle de ce constat. Consciente de son impact social, sociétal, environnemental, et soucieuse de l’optimiser. L’entreprise responsable est, selon nous, affaire de gouvernance, de partage des fruits de la croissance, de contrat social harmonieux et de respect d’un certain nombre de valeurs.

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Page 1: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

WWW.CROISSANCEPLUS.COM

4 NUMÉROS — JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 1er MARS 2012

L’ENTREPRISE RESPONSABLE

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Croissance et éthique

Lorsque même à Davos, Dans Le tempLe De

L’économie De marché, Du capitaLisme et De

La pensée contemporaine sur L’économie,

on remet en cause un certain nombre De

bases sur LesqueLLes est assise L’écono-

mie LibéraLe, et notamment, La justification

De La financiarisation De L’économie, c’est

Le signe que Des messages fonDamentaux

Doivent être exprimés à nouveau sur Le rôLe

et La fonction Des entreprises.

Oui, les entreprises sont des vecteurs majeurs de création d’emplois et de croissance économique, dans tous les pays, quels que soient leur taille ou même leur mode de gouvernement. De moins en moins d’Etats l’ignorent, même parmi ceux qui croient encore aux mérites de la centralisation et de la planification. Oui, leur mission est de créer de la valeur pour leurs actionnaires, sans quoi il n’y aurait plus d’actionnaires, donc plus d’entreprises. L’obligation de dégager des profits ne saurait être contestée, ne serait-ce que pour rémunérer le capi-tal investi, financer le développement, constituer des réserves pour les périodes difficiles. Oui l’en-treprise est une organisation humaine qui doit être dirigée, organisée, structurée et au sein de laquelle une autorité doit s’exercer, indissociable de la res-ponsabilité et de l’engagement. Tout cela fait-il de l’entreprise un objet non éthique ? Certainement pas.

Chez CroissancePlus nous défendons depuis longtemps l’idée que l’éthique et l’effica-cité économique sont indis-cutablement liées. Partager les fruits de la croissance n’est possible que si l’entre-prise est capable d’en récol-ter. C’est une vérité mais elle mérite, en ces temps de débats économiques et sociaux, d’être rappelée. Une entreprise compétitive est une entreprise qui fabrique des opportunités pour ses salariés et permet une qualité de vie au travail. C’est aussi cela la croissance respon-sable…

Olivier Duha, Président de CroissancePlus

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RÉDACTION ET DOCUMENTATION : Antoine Bayle • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

DIRECTION ARTISTIQUE – GRAPHISME : Alexandra Roucheray, Olivia Grandperrin • • • • • • • • • • • • •

COMITÉ ÉDITORIAL : Florence Dépret, Clothilde Hervouet, Gwennaelle Pierre, Emmanuelle Skowron • •

UN JOURNAL RÉALISÉ PAR Les Rois Mages - www.lesroismages.fr - téléphone : 01 41 10 08 08 • • • •

DANS L’ACTUALITÉ

Coût de la main d’œuvre : l’Allemagne, championne d’Europe de la modération La dure loi de la mondialisation L’inconnue grecque

VU DANS LA PRESSE

La grande panne de l'emploi (Les Echos)Contre la crise, il faut relancer la demande (Le Monde)« Le pire est probablement derrière nous » (The International Herald Tribune )La tyrannie des chiffres (Le Nouvel Observateur )

DOSSIER — L'entreprise responsable ?

1 / Vers une nouvelle gouvernance des entreprises2 / Mieux partager les fruits de la croissance3 / L’entreprise socialement responsable4 / Les valeurs de l’entreprise du XXIe siècle

Les chiffres-clé de l'entreprise responsable

LE GRAND ENTRETIEN —Jacques Attali : « Sortir de la logique de l'immédiateté »

IDÉES

Lu pour vousVerbatimManagementLivresDébats

PETITES HISTOIRES DE GUERRE ÉCONOMIQUE

Von Clausewitz, un théor ic ien stratège

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Quelques mots sur CroissancePlusPREMIÈRE ASSOCIATION FRANÇAISE DES ENTREPRENEURS

DE CROISSANCE, CroissancePlus réunit une nouvelle génération de 350 entre-preneurs innovants afin de réformer l’environnement économique, social, juridique et fiscal, et favoriser la création d’entreprises et d’emplois en France. Présidée par Ol iv ier DUHA , CroissancePlus agit au quotidien comme force de propositions et de lobbying en formulant de nombreuses recommandations auprès des pouvoirs publics et des leaders d’opinion. Lieu d’échanges et de networking, CroissancePlus s’impose également dans le débat public à travers l’organisation de nombreux évé-nements autour de personnalités politiques et économiques de tout premier plan.

PORTER TOUJOURS PLUS HAUT L’ESPRIT D’ENTREPRISE ET FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES ENTREPRENEURS DANS LES MÉDIAS, telle est la volonté de CroissancePlus qui accompagne les dirigeants d’entreprise dans leur développement en France et à l’international.

Nos missionsÊTRE UNE FORCE DE PROPOSITIONS RECONNUE DES

POUVOIRS PUBLICS. Les propositions de CroissancePlus émanent d’hommes et de femmes de terrain, de commissions et groupes de travail qui se réunissent régulièrement dans les domaines suivants : création et financement d’entreprise / juridique et fiscal / social et emploi / recherche et innovation / relations grands groupes-PME / international / croissance responsable. Propositions consultables sur www.croissanceplus.com.

CONSTITUER UN RÉSEAU PERFORMANT D’ENTREPRENEURSCroissancePlus est également un lieu reconnu d’échanges et de rencontres per-mettant de développer des synergies entrepreneuriales, des compétences tech-niques ou tout simplement partager expérience et bonnes pratiques. Les nombreux événements : déjeuners et dîners-débats, petits-déjeuners thématiques, Be to Be, déjeuners mensuels business, etc… sont autant d’occasions d’accueillir des per-sonnalités de tout premier plan et contribuer à la notoriété de CroissancePlus et de ses membres.

LE PETIT JOURNAL DE CAMPAGNE EST ÉDITÉ PAR CROISSANCEPLUS

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Coût de la main d’œuvre : l’Allemagne, championne d’Europe de la modération —

Dans les débats sur la compétitivité comparée des pays européens, la ques-tion du coût du travail est souvent évo-quée, sans que l’on dispose toujours d’éléments de comparaison fiables. L’INSEE vient de publier une intéres-sante enquête sur l’évolution des coûts salariaux en Europe entre 1996 et 2008 (« Le coût de la main d’œuvre : comparai-son européenne 1996-2008 », Bertrand Marc et Laurence Rioux, INSEE, février 2012). Que révèle cette étude ? Elle confirme d’abord la très forte hétérogé-néité du coût horaire au sein de l’Union Européenne. En particulier, le clivage est marqué entre les membres de l’ex-UE à 15 et les entrants récents.

Ainsi, en 2008, sur l’ensemble de l’in-dustrie et des services marchands,

le coût moyen horaire des pays de l’UE à 15 (25,84 euros) est deux fois plus élevé qu’en Slovénie, trois fois plus qu’en Estonie, Hongrie, Slovaquie ou Pologne, six fois plus qu’en Roumanie et dix fois plus qu’en Bulgarie. En revanche, les nouveaux entrants connaissent une progression très rapide du coût du travail, qui s’est accélérée depuis leur entrée dans l’Union en 2004. Entre 2004 et 2008, le coût horaire a augmenté en monnaie nationale courante de plus de 15% en Lituanie, Estonie et Roumanie, et de plus de 20% en Lettonie. Une logique de convergence est clairement à l’œuvre ; les pays au coût initial le plus faible connaissant la progression la plus forte. Néanmoins, en 2008, le coût horaire de la main d’œuvre était de 2,54 euros contre une moyenne de 26,24 euros dans la zone euro… Deuxième constat : le coût horaire du travail dans les pays membres de l’ex UE à 15 converge mais assez lentement. Les écarts relatifs sont restés relativement stables entre 1996 et 2008. Les pays qui ont un coût horaire élevé (ou faible) en 1996 sont pour la plupart dans la même situation en 2008.

Mais trois pays font exception : l’Alle-magne, l’Autriche et l’Irlande. C’est en Allemagne que le coût horaire en euros

courants a crû le moins vite entre 1996 et 2008, dans l’industrie comme dans les services. A contrario, l’Irlande qui, en 1996, faisait partie des pays à faible coût de main d’œuvre a connu une progression très rapide du coût horaire et se retrouve en 2008 proche de la moyenne européenne dans l’industrie comme dans les services.

L’Allemagne et l’Autriche ont connu une hausse particulièrement faible de leur coût horaire entre 1996 et 2008, avec un taux de croissance annuel en euros courants dans l’industrie manufacturière de 1,9% pour l’Allemagne et de 2,2% pour l’Autriche. Si la réunification alle-mande a tiré fortement les salaires et les coûts à la hausse jusqu’en 1996, elle a été suivie de plusieurs phases de modé-ration salariale. La France, quant à elle, fait, en 2008 comme en 1996, partie des pays à coût élevé. Le coût horaire a crû en euros constants de 3,4% en rythme annuel entre 1996 et 2008.

Quant à la durée effective du travail, elle était en 2008, dans l’ensemble de l’in-dustrie et des services marchands, de 1 543 heures en Belgique, 1 596 heures en France, 1 619 heures au Danemark, 1 651 heures en Allemagne contre 1 800 heures au Royaume-Uni…

La dure loi de la mondialisation —

La France figure donc dans le groupe des pays européens où le coût du tra-vail est le plus élevé. C’est un motif de débat et cette question s’est invitée de façon assez inattendue dans les discussions politiques à l’occasion de l’inauguration de l’usine d’automobiles de Renault à Tanger. Les données du problème sont connues : Renault veut préempter le marché du low cost en Europe et dans les pays émergents.

L’usine de Tanger va produire des modèles de ce type qui seront ensuite vendus dans le monde entier. Il serait tout à fait illusoire de tenter de pro-duire ces voitures dans les usines françaises de Renault, car leur prix ne serait plus compétitif. Dans cette logique, l’ouverture d’une plate-forme industrielle importante au Maroc, dont le coût unitaire du travail est beaucoup moins élevé qu’en France, se justifie. Cela n’a pas empêché les dirigeants de Renault de subir des critiques en règle de la part de certains leaders politiques. Or, ce sont précisément les politiques qui détiennent les clés de l’explication

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aux citoyens des phénomènes économiques complexes. Si Renault ne construit pas cette usine en France, ce n’est pas pour déserter le site de produc-tion français, mais parce que la logique de l’internationalisation dans laquelle Renault se projette, et qui produit des résultats extrê-mement positifs pour l’ensemble de l’entreprise, ne le permet pas. Le marché de l’automobile se mondialise. Les constructeurs français ne peuvent l’ignorer, au risque de menacer leur existence. Produire à l’étranger n’est pas toujours appauvrir la France, c’est aussi la faire entrer de plein pied dans la compétition mondiale.

PORTUGAL 9,89

15,77

20,28

21,48

24,02

27,80

27,82

27,98

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29,99

30,12

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33,37

34,51

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36,70

0 10 20 30 40 en euros

Industrie manufacturière

GRÈCE

ESPAGNE

ROYAUME-UNI

ITALIE

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ZONE EURO

IRLANDE

LUXEMBOURG

AUTRICHE

FINLANDE

PAYS-BAS

FRANCE

ALLEMAGNE

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DANEMARK

BELGIQUE

PORTUGAL 12,80

16,18

18,15

20,78

25,03

25,43

25,53

25,72

25,99

26,40

26,81

28,63

32,08

33,70

33,72

35,74

36,93

0 10 20 30 40 en euros

Sevices marchands

GRÈCE

ESPAGNE

ROYAUME-UNI

UE15

AUTRICHE

ITALIE

ZONE EURO

FINLANDE

IRLANDE

ALLEMAGNE

PAYS-BAS

FRANCE

LUXEMBOURG

SUÈDE

BELGIQUE

DANEMARK

Le coût horaire du travail dans l’Union Européenne (en euros).

Champ : entreprises de 10 salariés et plus, industrie manufacturière et services marchands, apprentis exclus. Source : Eurostat, enquête européenne sur le coût de la main d’œuvre

ment après l’entrée d’un FCPI dans leur capital, les entreprises affichent une croissance de leurs effectifs et de leur chiffre d’affaires deux fois plus forte que celle des sociétés non investies par de tels fonds. « La participation de socié-tés de gestion de FCPI au capital des entreprises leur apporte une crédibilité supplémentaire, qui facilite leur accès au crédit bancaire », explicitent Oséo et l’Afic. L’Afic va présenter cette étude aux pouvoirs publics pour qu’ils renou-vellent et renforcent le dispositif FIP-FCPI, censé s’achever fin 2012.

Œuvrer pour une croissance plus responsable —

La Fondation Croissance Responsable a été créée en 2010 par d’anciens P r é s i d e n t s d e C ro i s s a n c e P l u s . Hébergée par l’Institut de France, c’est un lieu de débat ouvert et non partisan. Elle rassemble des dirigeants d’entre-prises, représentants de l’entrepreneu-riat social, journalistes, économistes, syndicalistes… Ses objectifs sont de promouvoir des idées pour un meilleur fonctionnement de notre modèle éco-nomique et social et d’être la caisse de résonnance des multiples initiatives prises pour créer une économie de marché 2.0 favorisant une croissance mieux partagée et plus responsable. Ses premiers travaux ont porté sur ce concept de croissance responsable, qui unit performance économique et intégration sociale. Le groupe de tra-vail « Croissance, Stop ou encore » a recensé de nombreuses initiatives qui associent entrepreneuriat et mission sociale : ce sont des sociétés rentables dont la vocation est aussi de favoriser l’insertion de populations défavorisées. Globalement le rapport a montré que la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entre-prise) répond à de vrais besoins et va

Les épargnants boudent les PME —

Le nombre de souscripteurs à des FCPI (fonds communs de place-ment dans l'innovation) et à des FIP (fonds d'investissement de proxi-mité) a baissé de 27%, l'an dernier, à 91.000, selon une étude publiée par l'Afic (Association Française des investisseurs en capital). Résultat, la collecte des FCPI et des FIP a chuté de 15%, en 2011, à 757 mil-lions d'euros.

Si les particuliers se sont détournés des FIP et des FCPI, c’est essentiel-lement en raison du coup de rabot fiscal subi l’an dernier par ces fonds. La réduction d’impôt sur le revenu, qui s’élevait auparavant à 25% des versements effectués dans les FCPI et les FIP, a été ramenée à 22% en 2011. Et elle doit encore être abais-sée à 18% cette année. Or les FCPI représentent un véritable « boosteur » pour le développement des entre-prises, d’après une étude diffusée par l’Afic et Oséo. Deux ans seule-

SIGNEZ LE MANIFESTE

POUR RAPPROCHER L'ÉCOLE

ET LES ENTREPRISES

dans l’intérêt du capitalisme. Il ne faut surtout pas opposer Responsabilité et Rentabilité, la RSE étant rentable, comme le montrent de nombreuses études… Bien au-delà d’un effet de communication, elle fait d’ailleurs l’una-nimité au sein de la plupart des entre-prises aujourd’hui, même si les ana-lystes financiers ont encore du mal à intégrer vraiment cette dimension. La Fondation Croissance Responsable a démarré des travaux pour définir un ensemble de critères objectifs permet-tant de caractériser une entreprise res-ponsable.

L’autre grand thème de travail de la Fondation consiste à encou-rager le rapprochement Ecole/Entreprise et à placer l’emploi des jeunes au cœur des pré-occupat ions col lect ives. Les recommandations du groupe de travail sur l’ascenseur social ont débouché sur la publication d’un Manifeste par lequel les entre-prises s’engagent à accueillir des professeurs de l’enseignement général en stages de découverte en entreprise. Plus d’une centaine d’entreprises ont déjà adhéré au Manifeste; une convention de partenariat a été signée avec les Académies d’Ile de France et les premiers stages vont démarrer au printemps 2012.Pour en savoir plus :http://croissance-responsable.fr/

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La grande panne de l’emploi

« "Le monde affronte le défi de la créa-tion de 600 millions d’emplois dans la prochaine décennie. " C’est la pre-mière phrase du rapport annuel sur les tendances de l’emploi publié à la fin du mois dernier par la très sérieuse Organisation Internationale du Travail (OIT). Les chiffres sont aussi simples que colossaux. La planète compte 3 milliards d’emplois. Le nombre d’ac-tifs va progresser de 400 millions en dix ans. Et il y a 200 millions de chô-meurs. Il faudra donc créer ces fameux 600 millions d’emplois. Le problème est que personne ne sait où seront créés tous ces postes de travail. La machine à emplois est, sinon cassée, du moins sérieusement grippée. Parmi les grands pays développés, les seuls qui parviennent à contenir le chômage sont ceux où la population diminue : le Japon et l’Allemagne. Les Etats-Unis ont certes affiché récemment de bons chiffres, mais le nombre d’emplois y est encore inférieur de 6 millions à ce qu’il était il y a quatre ans. Les pays émer-gents recrutent davantage mais près de 1 milliard d’actifs vivent avec moins de 2 dollars par jour. Il faut donc non seulement des centaines de millions d’emplois supplémentaires, mais des

centaines de millions d’emplois mieux payés. Il risque fort de ne pas y en avoir assez. À Davos, davantage réputé pour être un cénacle de riches qu’un club de philanthropes, la question revenait cette année en boucle. Bien au-delà de la « reprise sans emploi » subie par l’Amé-rique au début des années 2000 ou de la « croissance sans emploi » fabriquée par la France des années 80.

La première crainte vient bien sûr de la crise économique. C’est donc une crainte conjoncturelle, mais elle pèse lourd, d’autant plus que le bout du tun-nel n’est toujours pas en vue. Depuis 2007, le nombre de chômeurs a déjà augmenté de près de 30 millions dans le monde. Et comme il s’agit d’une crise financière, la capacité des particuliers et des entreprises à investir a souffert. Or, comme le disait le chancelier alle-mand Helmut Schmidt, l’investissement d’aujourd’hui fait l’emploi de demain. L’industrie française souffre de ne pas avoir dégagé suffisamment de moyens pour mieux s’équiper. Au delà, il y a la peur des délocalisations, avec les usines désertant l’Europe pour s’instal-ler en Chine. Ce mécanisme joue évi-demment un rôle, mais pas à l’échelle de la planète.

La deuxième crainte, elle, est plus struc-turelle. C’est la formation d’une spirale dépressive. Donnant de plus en plus la priorité au profit, les entreprises cher-

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se faire au détriment de la croissance potentielle de demain. Seules des poli-tiques d’investissement, parce qu’elles alimentent la demande d’aujourd’hui et augmentent l’offre de demain pourraient faire sortir l’Europe du cercle récessif dans lequel elle se trouve. »

Jean-Paul Fitoussi,

Le Monde, 16 février 2012

« Le pire est probablement derrière nous »

« Cinq pays de la zone euro ont enregistré deux trimestres de suite de croissance négative, ce qui est la définition géné-ralement admise de la récession. Ce sont la Grèce, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie. La France et la Slovaquie sont les seuls pays de la zone qui enregistrent une croissance du PIB pour le dernier trimestre. Mais l’accord trouvé en décembre entre les pays membres de l’euro et la décision de la BCE de prêter aux banques des sommes quasiment illimitées à 1% d’in-térêt pendant trois ans ont contribué à minimiser les effets du ralentissement de l’économie.

Les économistes sont plutôt optimistes sur le fait que le ralentissement observé en Allemagne sera de courte durée. Cela soulève des espoirs que l’Allemagne et d’autres pays européens enregistreront des taux de croissance suffisant pour compenser les performances pour le moins médiocres de pays comme la Grèce ou l’Italie. “La zone euro va pro-bablement continuer à décroître au

début de 2012” écrit Christoph Weil, un économiste de la Commerzbank, dans une note de conjoncture. “Mais le pire est probablement derrière nous”. »

Jack Ewing, David Jolly,

The International Herald Tribune,

17 février 2012

La tyrannie des chiffres

« Rarement une élection présidentielle aura été saturée de chiffres. Une impres-sion d’asphyxie en découle, comme si les calculettes remplaçaient les cer-veaux. Certes, en temps de crise, de dette, de chômage, les prévisions arith-métiques sont importantes. Le temps n’est plus où le Général de Gaulle pou-vait dire, avec une pointe de dédain : “l’intendance suivra…” ; il n’empêche…Cette superfluidité de chiffres procède – aussi – d’une obscure barbarie. Ce que l’on pourrait appeler l’obsession calcu-latrice ou “la pensée du nombre”. L’air du temps est colonisé par les chiffres c’est-à-dire les quantités mesurables. On n’éprouve plus la valeur d’une socié-té humaine, on le mesure, on l’étalonne.(…) De ces chiffres secs, on nous invite à attendre notre bonheur, pour ne pas dire notre salut. (…) Nous sentons bien que c’est idiot. Nous devinons que nulle vérité humaine ne viendra des seuls chiffres. »

Jean-Claude Guillebaud,

Le Nouvel Observateur, 16/22 février 2012

le secteur privé a réalisé brutalement qu’il était surendetté, la valeur de sa dette étant inchangée alors que celle de ses contreparties (actions, immobi-liers, etc…) s’effondrait. Il n’avait d’autre choix que de se désendetter : réduction de la consommation pour les ménages, des investissements et de l’emploi pour les entreprises. L’ajustement de cha-cune de ces deux catégories d’acteurs rétroagit sur l’autre et l’oblige à réduire encore davantage ses dépenses. Les entreprises devront ajouter à leur adap-tation initiale une adaptation induite par la baisse de leurs débouchés. Alors que l’aggravation du chômage incite les ménages, par précaution ou contrainte à davantage de parcimonie.

Il fallait donc rompre ce face-à-face dé-pressif par des interventions publiques massives seules à même de mettre un terme à l’ajustement à la baisse. Cela fut fait et partout, le surcroît d’épargne privée fut compensé par un surcroît de désépargne publique (déficit bud-gétaire). Mais le processus de désen-dettement du secteur privé est long et pénible. Les gouvernements doivent garder les nerfs solides devant la mon-tée de la dette publique pour ne point eux-mêmes céder à la tentation d’un désendettement trop précoce. Encore faut-il qu’ils en aient la liberté. Tel n’est pas le cas dans la zone euro où les dettes sont souveraines et la monnaie sans souverain.

La fragmentation de la dette européenne en autant de dettes nationales non pro-tégées par une banque centrale, ouvre grand la porte à l’arbitrage des marchés prompts à discriminer entre elles selon leur évaluation des risques relatifs qui y sont attachés. (…) S’il faut désendet-ter les états aujourd’hui, cela ne peut

cheraient à diminuer toujours davantage la part des salaires. La troisième crainte a des racines encore plus profondes. Elle s’ancre dans le basculement indus-triel du siècle vers les technologies de l’information. (…) Au total, si les acti-vités nouvelles embauchent, elles le font beaucoup moins que l’industrie au milieu du siècle dernier. Tandis que les suppressions d’emplois ailleurs s’accu-mulent. »

Jean-Marc Vittori,

Les Échos, 16 février 2012

Contre la crise, il faut relancer la demande

« Au commencement, fut la crise finan-cière (2007-2008) dont les consé-quences réelles se firent sentir, comme toujours en pareil cas, au travers d’un effondrement de la demande globale sur l’activité et l’emploi. La commu-nauté internationale, mobilisée par les réunions du G20 réagit à juste titre en utilisant tous les moyens pour soutenir la demande : politique monétaire expan-sive et non conventionnelle, relance budgétaire. Cette réaction évita au monde de sombrer dans la dépression.

L’équation est a posteriori simple à comprendre. Les marchés financiers ont, durant plusieurs années, suréva-lué le prix des actifs, incitant ainsi les ménages et les entreprises à s’endet-ter. Lorsque ce prix est revenu sur terre,

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L’ENTREPRISE RESPONSABLEVers une nouvelle gouvernance des entreprisesQu’est-ce que la gouvernance ? C’est l’organisation qui régit les rapports entre les actionnaires, pro-priétaires de l’entreprise, qui nom-ment leurs représentants au conseil d’administration, et les dirigeants de l’entreprise qui peuvent être fonda-teur ou repreneur de l’entreprise. Il est important d’établir une différence nette entre le conseil d’administra-tion et le comité de direction de l’en-treprise, qui rassemble les fonctions opérationnelles autour d’un direc-teur général. Le comité de direction exécute une stratégie décidée par le président et le conseil. Une bonne gouvernance commence par le rap-pel de ces règles de base. Force est de reconnaître que dans un certain nombre de cas, notamment dans les PME, il existe une certaine confusion entre le rôle de directeur général et le rôle d’actionnaire, parfois rempli par une seule et même personne.

Qui est responsable de quoi dans la société dans laquelle nous vivons ? Cette question irrigue une bonne partie du débat public, singulièrement dans le domaine de la prévention des risques, de la protection de l’environnement, des atteintes à la santé morale et physique de chacun et de bien d’autres encore. L’entreprise est au centre de ces interrogations. Pour une bonne raison : elle joue un rôle clé dans la société, c’est elle qui emploie, pro-duit, crée de la richesse, et façonne une manière de vivre ensemble. CroissancePlus a toujours nourri cette conviction que l’entreprise ne pouvait pas être réduite à sa seule vocation économique. Elle est un acteur de la société. En tant que tel, la question de sa responsabilité dans le développe-ment harmonieux du monde se pose avec plus d’acuité que jamais. La notion « d’entreprise res-ponsable » découle de ce constat. Consciente de son impact social, sociétal, environnemental, et soucieuse de l’optimiser. L’entreprise responsable est, selon nous, affaire de gouvernance, de par-tage des fruits de la croissance, de contrat social harmonieux et de respect d’un certain nombre de valeurs.

CroissancePlus est convaincue que les conseils d’administration doivent aussi faire la place aux administra-teurs indépendants, travailler sur un équilibre hommes/femmes, s’assu-rer que le contre-pouvoir des action-naires est correctement représenté.

En outre, il peut être très utile de proposer aux dirigeants de petites et moyennes entreprises une forma-tion sur le thème de l’éthique et de la composition du conseil d’admi-nistration mais aussi de la gestion des conflits d’intérêt entre diffé-rentes catégories d’actionnaires, ce qui est régulièrement le cas lorsque l’entreprise souhaite se développer et ouvrir son capital.

Dans tous les cas, la bonne gou-vernance est la clé du succès de l’entreprise. L’identification claire des rôles de chacun, l’établissement et le respect de règles d’éthique, applicables à tous, la transparence dans les mécaniques de prises de décision, participent aussi de cette bonne gouvernance.

Page 9: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

L’entreprise responsable —

Denis Payre, Dirigeant de Kiala, Président fondateur de CroissancePlus (DR)

Xavier du Bellay, Dirigeant du groupe Finelco (DR)

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Mieux partager les fruits de la croissanceLorsque CroissancePlus voit le jour en juin 1997, les PME de croissance sont encore une curiosité dans le paysage économique français. CroissancePlus fonde son action sur un grand principe : pour qu’émerge une croissance durable, il faut impli-quer le plus grand nombre de col-laborateurs. Depuis, le partage des fruits de la croissance (participation, intéressement, plan épargne entre-prise…) reste pour l’association une priorité. Que ce soit sous forme de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE) ou

La mei l leure gouvernance pos-

sib le est ce l le qui envisage la

créat ion de valeur dans la durée.

C’est ce que CroissancePlus

défend depuis sa créat ion. Je

le remarque avec mon entre-

pr ise , K ia la . Le par i du moyen

et du long terme se révèle

aujourd’hui f ructueux puisque

l 'amér icain UPS, le leader de

notre secteur, v ient de rache-

ter notre réseau de l ivra ison de

col is . Mais je ne pouvais réus-

s i r seul dans cet te aventure ,

c ’est la ra ison pour laquel le

le p lus grand nombre de mes

col laborateurs a toujours été

impl iqué dans notre développe-

ment . Penser la stratégie d’une

entrepr ise sur c inq ou d ix ans

me paraî t êt re le minimum vi ta l

aujourd’hui . »

DENIS PAYRE,

Dir igeant de Kia la , Président

fondateur de CroissancePlus

Dans le secteur du bât iment , sur-

tout pour une PME, l ’ intéressement

est assez rare . Avec mon associé ,

nous avons pourtant fa i t ce choix

et i l concerne tous nos col labora-

teurs . Soi t près d’une c inquantaine

de salar iés . Au f inal , nous redistr i -

buons par cet te voie 25% du résul tat

net avant impôt . Avec cet te prat ique,

notre entrepr ise partage davantage

les f ru i ts de sa cro issance que dans

le cas de bonus classiques, grâce

à l ’absence de charges sur le mon-

tant versé (hors CSG/CRDS) . C’est un

invest issement sur l ’avenir qui per-

met de f idé l iser nos col laborateurs et

de communiquer sur la réal i té écono-

mique du groupe. La part de l ’ inté-

ressement pour nos salar iés est l iée

à des cr i tères concrets de perfor-

mance. Et enf in , le système est tota-

lement t ransparent puisque val idé

par un commissaire aux comptes. »

XAVIER DU BELLAY,

Dir igeant du groupe F inelco

davantage certains collaborateurs à la croissance de leur entreprise. Cette forme de stock-option, réser-vée aux sociétés par actions (cotées ou non), accroît l’attractivité d’une entreprise auprès des talents quelle que soit sa taille. Mais d’autres sys-tèmes sont en train de voir le jour. Le 19 février dernier, le Pdg de l’Oréal annonçait dans les médias son inten-tion de supprimer la pratique des stock-options au sein de son groupe. Pour remplacer ce système très sou-vent décrié, Jean-Paul Agon affir-mait vouloir instaurer la pratique des Actions de Performance. Or ce pro-cédé de participation peut également être appliqué par des PME. C’est par exemple le cas chez ABC Arbitrage,

par le prisme des différentes formes d’épargne salariale, la volonté des membres de CroissancePlus est d’étendre toujours plus ces pra-tiques de partage. Il ne faut pas croire en effet, que ces dispositifs d’intéressement ou de participation des salariés restent l’apanage des grands groupes. L’intéressement est une source de motivation pour tous les salariés concernés. Le dispositif des BSPCE, mis en place en 1998, permet par exemple d’impliquer

qui compte 80 collaborateurs, et qui, par ce biais a instauré une véritable culture d’entreprise. CroissancePlus milite également pour que l’épargne salariale soit mise sur le devant de la scène entrepreneuriale française, alors que l’Association Française de la Gestion financière indique que pour 2011, le montant des actifs gérés au titre de l’épargne salariale a atteint 93,8 milliards d’euros, en hausse de 11% par rapport à 2010. En revanche, il serait souhaitable de simplifier un peu les dispositifs d’actionnariat salarié actuellement en vigueur, extrêmement complexes, assujettis à trois régimes fiscaux dif-férents. Cette fiscalité pourrait donc être assouplie.

Page 10: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

17

L’entreprise responsable —

Dominique Ceolin, Dirigeant d’ABC Arbitrage (DR)

Amaury Eloy, Dirigeant de NewWorks (DR)

Depuis 12 ans, nous avons mis en

p lace au sein d’ABC Arbi t rage un sys-

tème de partage de la valeur a joutée

qui l ie vér i tablement col laborateurs ,

act ionnaires et d i r igeants . I l s ’ap-

pl ique à l ’ensemble de nos 80 sala-

r iés , sur des cr i tères de performance,

et sur le long terme. Ce système al l ie

stock-opt ions et at t r ibut ion d’act ions

de performance et court sur 8 ans. Ce

n’est qu’au bout de deux ans qu’un

col laborateur peut prof i ter d ’une

part ie de ses act ions. Donc, s i les

salar iés sont performants , les act ion-

naires aussi y t rouvent leur intérêt .

P lus la répart i t ion de la valeur a jou-

tée est large et bénéf ic ie aux d i r i -

geants , aux col laborateurs , comme

aux act ionnaires , p lus les intérêts

vont converger. »

DOMINIQUE CEOLIN,

Dir igeant d’ABC Arbi t rage

L'entreprise socialement responsable

Les entreprises sont de plus en plus conscientes de leur engagement social même si leur première prio-rité reste de créer de la richesse. La notion de « stakeholder », ou partie prenante, s’esquisse comme fon-damentale, puisque associant les

salariés, les actionnaires, les parte-naires économiques de l’entreprise et l’environnement social et associa-tif dans lequel elle évolue. Dans un environnement où les citoyens sont secoués par une crise grave, il est important que l’entreprise diffuse une image positive de l’économie de marché et développe un comporte-ment positif par rapport au quotidien des salariés, à leurs intérêts. Il est important de réconcilier l’entreprise qui a l’ardente obligation de réaliser des profits et le salarié qui doit en tirer avantage. Une grande nation industrielle comme la France ne peut plus se payer le luxe d’affrontements idéologiques d’un autre âge.

La compétitivité d’une économie se lit aussi dans la façon dont elle gère son « contrat social », comme nous l’avons longuement expliqué dans le numéro précédent du Petit Journal de Campagne. Un nouveau pacte doit prendre place entre les salariés et l’en-treprise, qui englobe non seulement les relations au travail mais aussi la façon dont l’entreprise interagit avec l’espace social plus large : aménagements du temps de travail, développement du télétravail, formation tout au long de la vie, accès à des services de proxi-mité… Il ne s’agit pas de faire renaître

le concept des entreprises pater-nalistes, omniprésentes dans la vie de leurs salariés, mais de rendre cette relation entre l’entreprise et les salariés plus moderne, plus dynamique, plus orientée vers l’enri-chissement des salariés, dans tous les sens du terme, que vers la pro-tection systématique et agressive des intérêts de chacun. C’est vers cela que s’orientent de plus en plus d’entreprises, comme le montrent les témoignages que nous avons recueillis parmi les chefs d’entre-prises membres de CroissancePlus.

Le seul vér i table ascenseur socia l

dans nos démocrat ies , c ’est l ’entre-

pr ise . La RSE permet donc de fa i re

ce l ien et in i t ie un processus ver-

tueux qui peut fédérer le p lus grand

nombre. Mais fa i re ce choix de la

RSE a un coût . NewWorks a été la

première PME française à obtenir le

label « Lucie » de Vigéo. En 2006, que

ce soi t sur les quest ions de par i té

homme-femme, de choix de sous-

tra i tants éco-responsables ou dans

la pol i t ique de recyclage de nos

déchets , nous nous sommes adap-

tés. Je regret te que certa ins grands

groupes f rançais , t rès impl iqués

dans les pol i t iques de développe-

ment durable , n ’a ient pas encore pr is

conscience de ce coût pour les PME.

Les prestata i res des grandes entre-

pr ises qui ont fa i t le choix de la RSE,

devraient être mieux rétr ibués. »

AMAURY ELOY,

Dir igeant de NewWorks

Page 11: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

19

L’entreprise responsable —

Chrystèle Gimaret, Dirigeante d’Artupox (DR)

En mat ière de RSE, Artupox a obtenu

le label environnemental of f ic ie l des

pays d’Europe du Nord, Svanen. Mais

nous appl iquons également ses d is-

posi t ions en France. Dans le mét ier

du net toyage, nous ut i l isons donc

des produi ts respectueux de l ’envi-

ronnement . Pour les quest ions de

droi t du t ravai l , tous nos nouveaux

col laborateurs f rançais sont en CDD

durant s ix mois , puis i ls passent en

CDI . Nous vei l lons également à ce

que les femmes ne t ravai l lent pas

après 16h30. Et pour certa ines de nos

act iv i tés , nous refusons le t ravai l de

nui t . Résul tat : nos col laborateurs

t ravai l lent dans un cl imat sere in

et nous n’avons presque eu aucune

défect ion de leur part n i de la part de

nos cl ients . »

CHRYSTÈLE GIMARET,

Dir igeante d’Artupox

Les valeurs de l’entreprise du XXIe siècleC’est une évidence : le profit n’est pas la seule valeur de l’entreprise. Il ne l’a d’ailleurs jamais été en tant que tel, puisque dès l’aube du capitalisme, un certain nombre de grands entrepreneurs ont rapide-ment assimilé le fait qu’ils devaient prendre en compte le bien-être de leurs salariés, au-delà du paiement de leurs salaires.

Aujourd’hui, les valeurs qui entourent l’entreprise sont plus nombreuses, plus complexes, puisque l’on y parle d’équité, de respect des par-ties prenantes, de dialogue élargi même avec ceux qui sont les plus critiques vis-à-vis d’elle. Il est natu-rel aujourd’hui qu’un grand groupe pétrolier discute avec des associa-tions de protection de la nature, ou qu’une grande firme internationale, dont la plupart des produits sont fabriqués en Chine, ait à répondre des conditions de travail des salariés employés par ses sous-traitants.

L’« entreprise responsable » est un processus, une évolution, et non seulement une mode sémantique, ou une posture morale. A travers des méthodes de gouvernance nou-velles, dont une gestion au quotidien toujours plus humaine des équipes et des parties prenantes, l’entreprise élargit son champ social et s’installe comme un acteur central de la crois-sance durable.

Alain Wayser, dirigeant de Guard Industrie (DR)

Aujourd’hui , le développement durable

est au cœur d’une nouvel le logique

industr ie l le : un produi t qui n ’appor-

tera i t pas de garant ie d’ innocui té et

de respect de l ’environnement n’aurai t

que peu de chances d’être commercia-

l isé . Adopter une démarche de déve-

loppement durable est a ins i devenu

un moyen de rester compét i t i f e t de

se d i f férencier de la concurrence.

Nous consacrons environ 15% de notre

chi f f re d’af fa i res en R&D. Cet enga-

gement représente donc un invest is-

sement f inancier important mais v i te

rentabi l isé puisqu’ i l nous permet de

conquér i r de nouveaux marchés (en

France comme à l ’é t ranger) et de nous

démarquer avec des produi ts inno-

vants (souvent les p lus performants

du marché) , respectueux de l ’homme

et de l ’environnement , et permettant

des économies d’énergie . »

ALAIN WAYSER, d i r igeant de Guard

Industr ie

Un récent concept vient encore appuyer cette idée d’une diffusion des valeurs de l’entreprise respon-sable. Aux Etats-Unis, deux cher-cheurs ont publié en 2011, dans la très prestigieuse Harvard Business Review, un art icle autour de la « Valeur partagée » (Shared value). Pour Michael Porter, professeur en management et co-auteur de l’ar-ticle, une société se doit d’agir au-delà de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), et d’intégrer véritablement à sa stratégie les questions de bien-être des salariés et des populations voisines.

Là où la RSE veut limiter les impacts négatifs des entreprises sur leur envi-ronnement, la « Valeur partagée » est un concept plus large qui implique de suivre le principe qui veut que le « tout est plus grand que la somme des parties ». Cette synergie, la Fondation Croissance Responsable, fondée en 2010 par d’anciens pré-sidents de CroissancePlus, l’a bien comprise. Depuis sa création, la fondation a fait un certain nombre de propositions pour relancer l’as-censeur social ou pour aider la jeu-nesse, en favorisant la mixité entre les écoles et les entreprises et en faisant de la lecture une cause natio-nale.

Cette ouverture à l’ensemble des parties prenantes, ces valeurs qui privilégient le moyen et le long terme et l’esprit collectif, sont largement partagées par les entrepreneurs du réseau CroissancePlus.

Page 12: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

21

L’entreprise responsable —

Vincent Kientz, Dirigeant d’ENEA Consulting (DR)

Laurence Lascary, Dirigeante de DACP (DR)

Innover pour réunir sens et perfor-

mance, pour pr iv i légier l ’humain.

Voi là se lon moi les valeurs de l ’en-

trepr ise du XXI e s iècle . Le p lus haut

sala i re ne suff i t p lus , les ta lents

veulent être ut i les . Chez Enea

Consul t ing, nous évoluons dans le

consei l s t ratégique et technologique

en énergie , pour les Grands Comptes.

20% du temps de t ravai l de nos col-

laborateurs est consacré à l 'accès à

l 'énergie dans le monde, notamment

sous forme de missions bénévoles ,

auprès d’ONG ou d’entrepreneurs

sociaux au Nicaragua, au Cambodge,

en Tanzanie . . . C ’est un excel lent

invest issement , pas uniquement un

don : de ces missions, nous appre-

nons à ra isonner mult icr i tères et

mult i -part ies prenantes dans des

contextes extrêmement var iés . Nous

y développons des idées durables

pour nos cl ients et donnons du sens à

nos équipes comme à notre mét ier. »

VINCENT KIENTZ,

Dir igeant d’ENEA Consul t ing

Je ne cro is pas que les entre-

pr ises agissent pour des

quest ions morales ou pour

se donner bonne conscience.

E l les ont d ’abord un souci

d ’ef f icaci té . Mais cela n’em-

pêche pas d’ insuff ler cer-

ta ines valeurs qui redonnent

du sens et pr iv i légient le

capi ta l humain. L’ouverture

sur le monde est l ’un des

moyens d’y parvenir se lon

moi . Dans un état d ’espr i t

de découverte des autres

cul tures, p lutôt que dans

celu i de conquête . »

LAURENCE LASCARY

Dir igeante de l ’Autre Côté

du Pér iph’ (DACP)

L’un des rôles de l’entreprise

est de donner leur chance

à celles et ceux qui en ont

besoin, comme les personnes

handicapées. De les aider à

« remettre le pied à l’étrier »

et de permettre leur insertion

professionnelle. Les valeurs

de partage et de solidarité

sont essentielles pour notre

entreprise, et font partie de

notre responsabilité vis-à-

vis de la société. Il ne s’agit

pas de bénévolat mais d’une

mission que toutes les entre-

prises devraient être prêtes

à assumer, sans attendre les

contraintes légales. »

AUGUSTIN PALUEL-MARMONT,

co-dir igeant de Michel

et August in

Nous avons intégré les enjeux sociaux,

sociétaux et environnementaux à notre

projet entrepreneurial en décidant de

concevoir des campagnes et des évé-

nements répondant aux cahiers des

charges de nos clients mais avec l’im-

pact le plus faible possible sur l’envi-

ronnement. Il n’existait aucun outil

formalisé pour éco-concevoir un évé-

nement. Nous ne pouvions seuls chan-

ger nos métiers, c’est la raison pour

laquelle nous conseillons aux entrepre-

neurs d’intégrer l’ensemble des parties

prenantes (fournisseurs, partenaires et

clients) à leur démarche. Afin de mener

au mieux une (r)évolution développe-

ment durable au sein de votre PME,

formez vos salariés aux nouvelles pra-

tiques, à la gestion du changement, à

la production industrielle « verte », et

à la réduction des consommations. Et

pour aller plus loin, recrutez des spé-

cialistes, dont la formation est orien-

tée sur les problématiques environne-

mentales et RSE, car cela devient un

réel atout sur votre marché. »

BENOIT DESVEAUX, Dir igeant du

Publ ic Système-Hopscotch

Page 13: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

Les pays qui laissent le plus de place aux femmes —

Le cabinet international Mercer a passé au crible 5 321 entreprises dans 41 pays en interrogeant plus de 260 000 cadres dirigeants sur la proportion de femmes exerçant des responsabilités exécutives ou managériales (c'est-à-dire membre du comité de direction, responsable d’une business unit ou d’une zone géogra-phique…).

L’emploi des travailleurs handicapés —

D’après des chiffres publiés en octobre 2011 par l’Association pour la Gestion du Fonds pour l'Insertion professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph), l’emploi des handicapés en France s’est fortement dégradé. En juin dernier, 273 000 d'entre eux étaient au chômage,

Les chiffres-clé de l’entreprise responsable —

%

10

20

30

40

50

LITU

AN

IE

BUL

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RIE

GR

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Les résultats de cette étude montrent que c’est dans les pays de l’ancien bloc soviétique que la proportion de femmes exerçant ce type de responsabilités est la plus forte : respectivement 44% et 43% en Lituanie et en Bulgarie. En Europe de l’Ouest, les pays dont la proportion de femmes parmi les cadres de haut niveau est la plus élevée sont la Grèce et l’Irlande (35%), la Suède (30%), la Belgique (29%). La France, l’Espagne et le Royaume-Uni suivent avec 28%, devant la Finlande, la Suisse et la Norvège (25%). Ferment la marche l’Italie (22%), l’Autriche (21%), l’Allemagne (20%) et les Pays-Bas (19%). À noter qu’en Turquie, les femmes repré-sentent 26% de la population des cadres dirigeants.

L’épargne salariale encore minoritaire —

Selon « La culture financière des Français », étude du Credoc réalisée en 2011, seulement 24% des personnes interrogées détiennent des actifs d’épargne salariale. Ce taux est plus élevé que celui des actions (21% des personnes interrogées) ou des obligations (11%). Les produits d’épargne favoris des Français demeurent le livret d’épargne (82% des personnes interrogées en possèdent au moins un) et l’assurance-vie (58% des personnes interrogées ont souscrit un contrat).

Proportion de femmes exerçant des responsabilités exécutives ou managériales (en %)

100 Livret

Assurance-vie

Epargne salariale

Actions

Sicav ou SCP

Obligations

90

80

70

60

50

40

30

20

10

<900€/mois <900-1500€/mois

<1500-2300€/mois

<2300-3100€/mois

>3100€/mois

0

Taux de détention de divers actifs patrimoniaux selon le niveau de revenu du foyer (en %).

Source : CRÉDOC, Enquête sur « La culture financière des Français », 2011.

soit un bond de 14% entre 2010 et 2011. Le taux de chômage global des per-sonnes handicapées dépasse ainsi les 19% d’une population d’actifs (travailleurs handicapés reconnus par l’administration) qui s’élève à près de 1,7 millions de per-sonnes. Sur ce front de l’emploi, les entre-prises françaises restent mobilisées. Près de 50 000 d’entre elles, essentiellement des PME, emploient 6% ou plus de tra-vailleurs handicapés.

23

Page 14: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

Le grand entretien — Jacques Attali :

Quel le impl icat ion l ’entrepr ise peut-e l le revendiquer dans la société ? C’est une quest ion complexe, sur laquel le les av is sont parfo is t ranchés. Aujourd’hui , l ’heure est au d ia logue avec les « part ies prenantes » , c ’est-à-dire l ’ensemble des partenaires avec lesquels l ’entrepr ise entre en interact ion : ses salar iés , ses act ionnaires , mais aussi les associat ions, les consommateurs , les é lus , les fournisseurs , les sous-tra i-tants . De p lus en p lus, l ’entrepr ise est appelée à re jo indre des « causes » comme la défense des droi ts humains et sociaux dans certa ins pays émergents , la protect ion de l ’environne-ment , l ’accès des b iens et serv ices pour les p lus démunis . Cet te tendance ne fera que s ’accentuer dans les années qui v iennent . C’est en tout cas ce qu’ant ic ipe Jacques Atta l i , dans l ’entret ien qu’ i l a accordé au Pet i t Journal de Campagne .

« Sortir de la logique de l’immédiateté »

/ Le Petit Journal de Campagne :Les entreprises sont placées devant un nombre croissant de responsa-bilités, notamment dans le domaine social, de la protection de l’environ-nement, du développement durable. Comment peuvent-elles gérer l’ac-croissement de leur champ de res-ponsabilités ?

/ Jacques Attali : C’est à mes yeux un phénomène très important. Dans les années qui viennent, il sera crucial que les entre-prises attachent toujours plus d’im-portance aux ques-tions sociales et environnementales, qu’elles s’attachent des administrateurs qui représentent mieux les salariés et leurs intérêts.

Les crises que nous traversons et les désordres du monde que nous devons affronter l’exigent. Cette nouvelle gouvernance ne passera pas selon moi par des administra-teurs indépendants. Je n’y crois pas du tout, c’est une mauvaise méthode. S’ils sont indépendants, c’est sans intérêt pour l’entreprise. Je crois plus aux administrateurs compétents.

L’entreprise responsable devra aussi s’incarner dans le droit du travail et

dans la primauté aux négociations entre partenaires sociaux. La rupture du contrat à l’amiable est déjà

une avancée. La commission que je préside et qui en 2008 avait rendu

Jacques AttaliL’inépuisable avocat des réformes

Jacques Attali est économiste, écrivain, Président-fondateur de PlaNet Finance et ancien conseiller spécial auprès du Président de la République de 1981 à 1991. Il est l’auteur d’une cinquantaine de livres, traduits dans plus de vingt langues, parmi lesquels Tous ruinés dans dix ans ? Dette publique : la dernière chance (2010), Demain, qui gouvernera le monde ? (2011) et Candidats, répondez !, publié en janvier 2012.

L’entreprise responsable devra aussi s’incarner dans le droit du travail. »

© É

ric L

efeu

vre

Page 15: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

Le grand entretien

ses propositions pour libérer la croissance proposait de « sécuriser » cette forme de rupture concertée. Et en période de chômage, il faut faire vivre cette disposition de manière efficace. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin, car sinon c’est la porte ouverte à des licenciements massifs. Il faut donner la priorité à la mobilité, à la formation et au reclassement.

/ LPJC : Le souci du long terme fait-il partie des nouveaux enjeux de l’en-treprise ?

/ J.A. : J’en suis persuadé. L’un des défis majeurs, du moins pour les entreprises d’une certaine dimen-sion, c’est celui du profil de l’action-nariat. Pour éviter cette recherche immédiate du profit et du retour sur investissement, il faut des action-naires patients, de long terme. Car la fragilité de l’entreprise, c’est d’être en permanence dans une logique d’immédiateté. J'en appelle à la naissance d'un "capitalisme patient". Et avec des actionnaires de passage, il est impossible de gérer une entre-prise efficacement. Mais la nouvelle gouvernance de l’entreprise consis-tera aussi de plus en plus à privi-légier une gestion durable, par les buts qu’elle se fixe. Nous assiste-rons certainement à un développe-

ment de modèles d’entreprises que l’on connaît encore mal, qu'ils soient nouveaux ou anciens : coopératives, social business.

/ LPJC : Cela inclut dans votre esprit le partage des fruits de la crois-sance ?

/ J.A. : Bien entendu, ce partage doit être le plus juste possible. Et, il dépend avant tout d’un rapport de force, de négociations. Celui qui fait dialoguer en France les partenaires sociaux et les détenteurs du capital. L’histoire a montré que depuis plu-sieurs années, disons le courant des années 80, les salariés ont perdu une grande part du revenu de leur travail, face à celui du capital. En réponse à cette baisse, je pense que certaines formes de participation des salariés au capital de l’entre-prise sont nécessaires. Les actions gratuites par exemple sont une très bonne voie. Ces modes de gouver-nance qui permettent d’associer les salariés permettront d’établir un peu plus le cadre de cette entreprise res-ponsable.

/ LPJC : L’émergence de nouveaux modes de gouvernance implique de modifier les relations entre l’en-treprise et ses parties prenantes. Comment voyez-vous évoluer un tel dialogue ?

/ J.A. : Cela doit devenir une dimen-sion nouvelle, et non un simple alibi. Elle mérite des investissements importants en mat ière socia le. Mais pour ce faire, des agences de notation nouvelles doivent pouvoir contrôler les actions des entreprises sur ces aspects environnementaux et sociaux. La responsabilité est

27

La fragilité de l’entreprise, c’est d’être en permanence dans une logique d’immédiateté »

Des agences de notation nouvelles doivent pouvoir contrôler les actions des entreprises sur ces aspects environnementaux et sociaux. »

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Page 16: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

29Le grand entretien

Le débat sur la gouvernance dépasse largement le monde de l’entreprise. Il concerne aussi les Etats et leur capacité à dessiner une gouvernance glo-bale du monde. C’est le thème de l’un des derniers livres de Jacques Attali, dont voici un extrait :

« Dans bien des anciennes tradi-tions, la roi idéal n’est pas celui qui demande à régner, mais celui que le peuple réclame. Tel serait le gouvernement idéal du monde : celui qui s’imposerait par le désir unanime de l’huma-nité. Ce gouvernement ne sau-rait être celui d’un seul pays, d’un seul empire, d’un seul maître : l’humanité n’acceptera jamais d’être durablement aux ordres de quelques-uns. En outre, aucun pays, aussi puis-sant soit-il, n’aura jamais les moyens de financer la sécu-rité et la solidarité nécessaires aux 9 milliards d’habitants que comptera la planète en 2050 ; ni de maîtriser tous les enjeux dont il a été question au cha-pitre précédent ; ni de valoriser toutes ses potentialités.

Gouvernance des entreprises,

gouvernance des Etats

L’heure est venue pour l’huma-nité de se doter au plus vite des instruments nécessaires à la maîtrise de son destin et, pour cela, de mettre en place un gouvernement démocratique du monde. Non pour des rai-sons idéologiques ; simplement parce que c’est le seul moyen d’espérer durablement survivre. Parce qu’il ne peut pas y avoir de marché efficace ni juste sans état de droit, ni d’état de droit mondial sans Etat mon-dial disposant des moyens de le faire respecter. Parce qu’il n’existe aucun autre moyen de construire un monde dans lequel chaque femme, chaque homme vivant ou à venir aurait les mêmes droits et les mêmes devoirs, et dans lequel les inté-rêts de la planète, de toutes les formes de vie et des généra-tions à venir, seraient enfin pris en compte (…). Un tel gouver-nement du monde devrait per-mettre non seulement d’écar-ter autant qu’il est possible les risques systémiques évoqués plus haut, mais de valoriser toutes les potentialités de l’hu-manité. »

donc partagée entre les entreprises et ces organismes. Une fois encore, l’émergence d’un nouveau para-digme ne se fera pas naturellement. L’entreprise dite citoyenne ne trou-vera de réalité que dans les rapports de force entre toutes ces parties. S’il y a des agences de notation spécia-lisées, si la pression des consomma-teurs et des différentes associations qui peuvent les représenter continue de croître, les entreprises ne se ser-viront pas de la RSE comme d’une simple vitrine.

/ LPJC : Nous parlons de la gouver-nance dans les entreprises. Mais vous venez d’écrire sur la gouver-nance des Etats et du monde. Quels conseils donneriez-vous aux diri-geants politiques, là, tout de suite, dans la situation où nous nous trou-vons, afin de sortir du marasme ?

/ J.A. : Il faudrait positiver. Trop de mauvaises nouvelles nous assaillent depuis des années. Trop de catas-trophes et de menaces écono-miques, sociales, financières, éco-

© É

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vre

logiques. Face à ces menaces, le monde semble trop vaste, la France trop petite. Le marché semble trop puissant, la démocratie trop fragile. Les tentations sont alors grandes d’abandonner, de renoncer, de bais-ser les bras, de fuir. C’est ainsi que s’amorcent toujours les grandes fail-lites individuelles et collectives. C’est ainsi que, sans en avoir conscience, les plus belles civilisations com-mencent à disparaître. C’est ainsi que les prophéties les plus noires se réalisent. Il faut, pour l’éviter, prendre toutes ces mauvaises nouvelles comme des défis. Et, pour y par-venir, nous devons retrouver l’élan vital, le désir d’affronter les coups du sort et de les vaincre. Alors seule-ment, on trouvera la force de ne pas se résigner, de ne pas fuir. On réus-sira à considérer l’adversité comme une bonne nouvelle parce qu’elle forcera à se dépasser. Un pays peut être immortel, s’il s’en donne les moyens, s’il sait donner du sens, une raison d’être à ses habitants, pour qu’ils y restent, qu’ils y créent, qu’ils y bousculent les pouvoirs, y aient des enfants, y inventent un avenir. Cela aussi, c’est de la gouvernance.

Propos recueillis par Le Petit Journal de Campagne

Page 17: Petit journal de campagne n°4 - L'entreprise responsable

03

. 2

01

2

Retour sur la troisième voie version Blair

Building, Armand Colin, février 2012 —

« Au-delà d’une critique acerbe de l’Etat et de son action, le social-libéralisme considérait la crise de l’Etat comme finalement plus profonde que celle du capitalisme. Tony Blair, dans sa bro-chure The Third Way, New Politics for the New Century, parue à la Fabian Society de 1998, désignait libéralisme et travaillisme comme les deux grandes traditions progressistes de la période moderne. L’action de l’Etat étant réduite, l’économie et non la politique devait être aux commandes. La lutte des classes cessait d’exister puisque patrons et salariés avaient les mêmes intérêts : un marché du travail britannique bien adapté à la globalisation et capable d’offrir des emplois plus qualifiés, qui trouveraient preneurs. »

Bref inventaire de ce qu’un entrepeneur doit savoir par les temps qui courent...

LU POUR VOUS Une entreprise, ça se gouverne

Le Monde Economie, Jean-Marc Le Gall, 14 février 2012 —

« Autrement dit, diriger une entreprise requiert des décisions qui s'accom-moderaient mal de processus de déli-bération démocratique. L'invocation croissante de la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) contribue pour-tant à changer la donne. Se présentant comme une articulation de son effica-cité économique et de son obligation éthique, elle se construit à partir d'un dialogue organisé avec ses “parties pre-nantes” – actionnaires, salariés, clients et fournisseurs, ainsi que la société, incarnée le plus souvent par des ONG – dont les objectifs ne convergent pas naturellement (…).Cette obligation de délibération et d'ar-bitrage, préalable à toute décision stra-tégique, inscrit d'emblée l'entreprise dans le registre du politique. Ainsi mise en œuvre, la RSE est une réponse cré-dible au défi de défendre ou restaurer la réputation des entreprises. »

Les vertus du télétravail

Management, février 2012 —

« En open space, on est dérangé 150 fois par jour en moyenne, estime l’Ob-servatoire du télétravail. Résultat : il est difficile de se concentrer plus de sept minutes d’affilée. L’amélioration de votre efficacité est donc un argument à faire valoir auprès de votre hiérarchie. D’ailleurs, les études américaines et européennes se recoupent pour dire que le télétravail aboutit à des gains de productivité de 20 à 25%. »

Entrepreneur recherche capitaux

Atlantico.fr, tribune de Frédéric Lemaître, Président de Fair Disclosure Management SAS, 13 février 2012 —

« Car il ne faut pas se tromper, les batail-lons de capitalistes qui partent ne sont pas, pour la plupart, des héritiers mais bien des entrepreneurs qui ont réussi et qui gardent un esprit d’entrepreneurs car c’est dans leurs gênes. C’est ainsi que leurs capitaux vont s’investir dans des start-ups créées dans des pays où la liberté d’entreprendre est réelle et qui ne sanctionnent pas, par une fiscalité confiscatoire, les réussites (…).

Pour libérer ces énergies et favoriser le rapprochement entre capitalistes et entrepreneurs, il faut détaxer tous les

investissements, les revenus et les plus-values réalisés sur les placements en actions de PME et de start-ups. Il faut également revenir sur toutes les taxes appliquées sur les stock-options pour les jeunes diplômés qui choisiront de travailler dans ces entreprises plutôt que de choisir le confort d’un grand groupe. C’est le seul moyen pour ces entre-prises de les attirer car elles ne peuvent pas payer des salaires de marché. »

L’âme d’un chef

« J’ai passé 25 ans dans les affaires [Mitt Romney a été chef d’entreprise], en débutant du plus bas pour construire une grande réussite à l’américaine. J’ai tracé ma voie loin des ombres du scan-dale et j’ai redressé un Etat qui avait grand besoin d’un gouverneur. A chaque étape, j’ai travaillé avec de nombreuses personnes talentueuses, mais c’est moi qui étais en charge. Les succès comme les défaites pesaient sur mes épaules (…). Être un dirigeant, ce n’est pas faire voter une loi ou faire un discours. C’est définir des objectifs clairs et surmonter en permanence l’adversité. C’est savoir partager les mérites quand les temps sont favorables et prendre ses respon-sabilités face aux échecs. »

Mitt Romney, candidat à l'investi-ture du Parti républicain améri-cain, 10 février 2012 —

VERBATIM

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La diversité, deuxième moitié du ciel

« Faire le pari de la diversité, c’est devenu rentable (…). Voilà une proposition pour sortir nos PME de la crise : recruter autrement (…). La diversité est un enjeu économique et de performance pour les entreprises. Les mentalités changent doucement, aussi vite que la dérive des continents. Aujourd’hui, en France, 50% de la population n’entre pas dans nos entreprises à cause des préjugés, des stéréotypes et de la discrimination (…). Un senior ne sera jamais un junior. Une femme ne sera jamais un homme. Tous ne cherchent qu’à être eux-mêmes. À être reconnus pour ce qu’ils font, car c’est aussi ce qu’ils sont. »

Soumia Belaidi Malinbaum, présidente de l’Association Française des Managers de la Diversité, 28 janvier 2012 —

Les défis du nomadisme numérique

L’économie de l’immatériel est un vivier de croissance. Selon de récents chiffres du ministère de l’Industrie français et de la chambre professionnelle des métiers du numérique, le secteur représente un quart de la croissance de notre éco-nomie et devrait créer 450 000 emplois supplémentaires d’ici 2015. Et chaque jour, les technologies de l’information qui accompagnent cet univers changent l’existence de leurs utilisateurs.

Face au nomadisme numérique de bon nombre de ses concitoyens, une séna-trice de Belgique a déposé le 9 février 2012 une proposition de loi inédite. « Il n’est pas question pour moi de nier les avantages incontestables que procurent ces technologies. Mais il est important qu’employeurs et travailleurs se mettent autour de la table pour trouver une solu-tion concertée quant à leur utilisation dans l’entreprise », explique la socialiste belge Fabienne Winckel. Sa proposition vise à encadrer l’utilisation de ces tech-nologies au travail. Un défi colossal que l’essayiste américain Adam Greenfield nomme l’ubimedia. Autrement dit, une nouvelle ère de l’informatique où les bons vieux ordinateurs deviennent obsolètes face aux tablettes numé-riques et autres smartphones. Une ère où les utilisateurs restent connectés à flux constant, où le télétravail se norma-lise, sans pour autant se formaliser dans l’esprit des chefs d’entreprise.

MANAGEMENT

L’initiative de la sénatrice belge fait d’ail-leurs suite à d’autres mesures, privées celles-ci. En décembre dernier, le groupe allemand Volkswagen bloquait les mails professionnels d’un millier de ses sala-riés, et ce en dehors des horaires de travail. Un exemple quasi anecdotique dans la course à la modernisation des usages et des organisations du travail. Alors comment faire face à ces nou-veaux défis ?

Pour Alison Maitland, les entreprises n’ont pas encore pris la mesure de la révolution qui se joue aujourd’hui. Le 14 février dernier, cette spécialiste améri-caine des questions d’organisation esti-mait, dans un article publié sur le site internet Le Cercle Les Echos, que les salariés étaient évalués à l’aune de leur temps de travail, et non de leur effica-cité.

En matière de management, ce n’est donc pas dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe. Puisque les nou-velles technologies permettent à cha-cun de travailler n’importe où, n’importe quand, Alison Maitland ne voit qu’une seule solution : changer les cultures d’entreprise.

S’adapter aux usages de notre époque en accordant plus d’autonomie aux collaborateurs. Ramenée à l’échelle de l’Europe et de la France, la flexibilité du travail ne concernerait donc pas unique-ment la forme des contrats de travail, ou encore le nombre d’heures de travail effectif. Canalisé, le nomadisme numé-rique peut accompagner la transforma-tion des entreprises.

Ghislain Deslandes —

Petit traité des grandes vertus managériales

L’époque du « business as usual » est définitivement révolue. Pour refonder l’entreprise sous des auspices éthiques Ghislain Deslandes, professeur associé à l’ESCP, signe un petit manuel théo-rique et pratique. Il y définit l’éthique managériale comme « l ’évaluation morale des actions managériales ». Dès lors, la recherche de la performance est-elle éthique ? La quête de la croissance fait-elle bon ménage avec la morale ?

Le philosophe français André Comte-Sponville avançait dans un essai sur le capitalisme que « c’est précisé-ment parce qu’il n’y a pas de morale de l’entreprise qu’il doit y avoir de la morale dans l’entreprise. » Dans les années 1980, le philosophe américain R. Edward Freeman estimait, quant à lui, qu’une séparation entre des enjeux moraux et économiques représentait une illusion, tant ils étaient imbriqués. Profits, croissance et éthique devraient donc former un triptyque indissociable. Mais cette vision éthique de l’entrepre-neuriat ne peut être instaurée que par un acteur : le dirigeant.

Que ce soit en appliquant les standards de la Responsabilité Sociale des Entreprises

(DR)

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(RSE) ou en instaurant de bonnes pratiques et autres codes éthiques, le chef d’entreprise doit répondre au quotidien à trois questions cardinales : une décision est-elle légale ? Peut-elle faire l’objet d’une communication publique ? Est-elle respectueuse des parties prenantes (salariés, actionnaires, fournisseurs…) ?

« Le management éthique ne pourra être que de conviction et de responsabilité, s’appuyant sur un système de valeurs et de concepts mais aussi capable de répondre des conséquences de ses actes et de ses décisions, capable, au travers des organisations, d’agir éthiquement dans le monde » conclut Ghislain Deslandes. Convictions et res-ponsabilité. Idéalisme et pragmatisme. Voici les traits du dirigeant responsable.

Le management éthique, Dunod, 2012 —

DÉBATS

À compter du 1er janvier 2013, les entreprises qui ne sont pas cou-vertes par un accord relatif à l'éga-lité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réduc-tions d'impôt prévues par le code général des impôts.

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Salaire moyen français en fonction de l’âge. Source : l’Observatoire des salaires

Salaires hommes-femmes : mode d’emploi

Le 16 février, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était à l’ordre du jour des débats sénato-riaux. La Chambre haute a adopté pour l’occasion une proposition de loi (voir l’encadré) concernant l’une des dis-criminations les plus criantes dans le monde du travail français. En préalable aux débats, la sénatrice Claire-Lise Campion de l’Essonne (PS), auteur de la proposition, a rappelé les termes du préambule de la Constitution de 1946 : « la loi garantit à la femme, dans tous les

domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Soixante-six ans après, ces droits ne sont toujours pas respectés. Et ce malgré un florilège législatif. « Loi Roudy » (1972), « Loi Génisson » (2001), lois contre les discriminations dans le droit du travail, rien n’y a fait. En 2012, les écarts de salaire entre femmes et hommes peuvent atteindre plus de 25%, à poste égal bien entendu, mais aussi à diplôme égal. Ce dernier point est d’au-tant plus inquiétant que les entreprises françaises ont tendance à rémunérer leurs collaborateurs sur la base des diplômes, davantage que sur celle des compétences. En 2009, l’Observatoire des salaires publiait une étude compa-rative sur ces écarts iniques. Au banc d’essai, trois pays de traditions latines : l’Espagne, l’Italie et la France. Si parmi ces trois nations les femmes sont sys-tématiquement moins bien rémunérées que leurs homologues masculins, notre pays remporte toutefois une palme : celle de la stagnation absolue des écarts de salaires. Car depuis le courant des années 90, d’après l’Observatoire des

salaires, ces différences n’ont jamais connu de fluctuation. Au Sénat, Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice des Hauts-de-Seine (CRC), a conclu ces débats du 16 février en affirmant que l’égalité salariale était un « levier de relance effi-cace pour la croissance ». Un argument de poids qui devrait être largement entendu.

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Comment expliquer que des per-sonnalités aussi diverses que le duc de Wellington, Lénine, Mao, Patton, Eisenhower, Kissinger, Raymond Aron, Colin Powell, René Girard et même Ben Laden, se soient toutes retrouvées, un jour ou l’autre, plongées dans la lecture d’un recueil qui n’était absolument pas destiné à être publié, écrit par Karl Philip Gottfried von Clausewitz, un homme qui n’avait jamais rempli de missions extra-ordinaires même s’il fut un bon officier, mais qui avait une puissante vision stra-tégique de la guerre ? Il faut dire qu’il l’a connue très tôt : à l’âge de 12 ans seule-ment, il entre comme porte-enseigne au 34ème régiment d’infanterie de Postdam et part pour la guerre contre les révolution-naires français. À 13 ans, il connaît son baptême du feu au siège de Mayence, et dès lors, sa vie de soldat et d’officier

Von Clausewitz, un théoricien stratège —

sera toute employée à lutter contre… Napoléon Bonaparte. En 1812, il quitte la Prusse et rejoint l'armée impériale russe. Il participe à la campagne de Russie et à la bataille de Waterloo, qui mettra un terme à sa fréquentation assidue des armées napoléoniennes.

Le soir, après la bataille, von Clausewitz écrivait. Ce n’était pas à proprement par-ler un récit mais une série d’observations, de notes éparses, sur ce dont il avait été le témoin durant la journée et dont il tirait des théories sur l’art de la guerre, la stratégie, le rapport entre la guerre et la diplomatie, entre la guerre et la politique. Ces notes ne devaient pas être publiées, mais après sa mort, sa femme Marie en décida autrement et c’est ainsi que son chef d’œuvre, De la Guerre, connût un succès immédiat et fut largement traduit dans les décennies qui suivirent sa mort en 1830. En France, la première traduc-tion par le lieutenant-Colonel De Vatry, fut éditée en 1886 en trois tomes par la librairie militaire Baudoin.

Depuis, tout comme Sun Tzu, que nous avons évoqué dans le premier numéro du Petit Journal de Campagne, von Clausewitz a fait le miel de nombreux consultants en stratégie et en manage-ment, alors même que ses propres ana-

lyses ont fait l’objet d’interprétations par-fois totalement divergentes. La théorie de la guerre selon Clausewitz fut le socle du modèle militaire prussien entre 1850 et 1914, alors même que cette théorie n’a finalement été élaborée qu’à la suite de l’observation des campagnes que Napoléon a menées dans toute l’Europe entre 1800 et 1815. Il est probable que la campagne de Russie, en 1812, ait mar-qué l’officier prussien, car du côté russe, où il servait, s’affrontaient deux théories, celle de l’esquive permanente incar-née d’abord par Barclay de Tolly puis par Souvorov, et celle de l’affrontement direct défendue par certains officiers russes comme le Prince Bagration. On sait celle qui l’a finalement emportée, après l’affrontement sanglant et non décisif de Borodino.

Von Clausewitz compare volontiers la guerre à un duel, mais il la conçoit aussi comme une sorte d’exercice global, au service d’une vision stratégique et d’une politique, ce qui, au XVIIIème siècle, pou-vait sembler comme une approche nou-velle. Il a aussi théorisé les stratégies de guerre totale et de guerre limitée, affiné la notion de probabilités dans le raisonnement stratégique, analysé les avantages relatifs de la défense sur l’at-taque, exposé le lien indissociable entre la guerre et la politique. On voit que ces notions dépassent le simple cadre mili-taire et elles ont d’ailleurs influencé la science politique et l’économie. Voici quelques unes de ses constatations, tirées de De la Guerre :

« La guerre n’est rien d’autre qu’un duel à 

une plus vaste échelle. »

« La guerre est un acte de violence des-

tiné à contraindre l’adversaire à exécuter 

notre volonté. »

« Certaines  âmes  philanthropiques  pour-

raient  construire  en  rêve  quelque  mira-

culeuse  façon  de  désarmer  ou  de  ter-

rasser  l’adversaire,  sans  causer  trop  de 

souffrance, et croire que l’art de la guerre 

évolue  dans  cette  direction.  Aussi  dési-

rable  qu’elle  soit,  cette  vue  de  l’esprit 

doit être  réfutée. Car dans un état aussi 

dangereux que la guerre, les pires erreurs 

sont celles que nourrissent les bons sen-

timents. »

« La haine peut tout à fait jeter l’un contre 

l’autre les peuples les plus policés. »

« La guerre est une violence en action, et 

son  usage  n’est  limité  par  rien ;  chacun 

des  adversaires  impose  à  l’autre  sa  loi, 

d’où découle une interaction qui ne peut 

manquer,  conformément  à  l’essence  du 

sujet, de mener aux extrêmes. »

« Finalement,  l’issue ultime d’une guerre 

toute entière ne peut jamais être conçue 

comme un absolu ; souvent l’État vaincu y 

voit plutôt un mal temporaire, auquel les 

circonstances politiques de l’avenir pour-

ront remédier. »

« La guerre n’est que la simple continua-

tion de la politique par d’autres moyens. »

Karl Philip Gottfried von Clausewitz

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4 NUMÉROS — JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 1er MARS 2012

L’ENTREPRISE RESPONSABLE