pédagogie

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Échanges 228 Ethique & Santé 2007; 4: 228-30 • © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Toutes vos analyses et commentaires de livres, de revues, de sites Internet ou d’autres médias, peuvent être adressées à Florence Quinche : [email protected] Échanges LU VU ENTENDU Neurocognition Transformer la violence des élèves Daniel Favre. Paris, Dunod, 2007. La formation de biologiste de Daniel Favre, ressort de sa partie explicative de la violence : il détermine ainsi les mécanismes qui sous- tendent les comportements dits violents. On se reportera en parti- culier aux schémas (p. 66, 67) qui résument bien les processus en jeu au niveau cérébral. Il ne s’agit donc pas d’une approche psychanaly- tique mais neurocognitive. On notera néanmoins l’ouverture de l’auteur et sa tolérance dans sa recherche. L’auteur, qui est chercheur mais aussi enseignant, va tenter de confronter ses hypothèses à la réalité de terrain. Avec le concours de collègues québécoises et grâce à des enseignants et élèves français et québécois, il établit des profils de ces comportements adolescents violents (p. 86, 87). Puis, il met en place des ateliers orientés vers l’acquisition de l’estime de soi qui permet de réduire l’anxiété- dépression chez un certain nombre de jeunes hyperactifs. Il développe également l’empathie qui est la capacité acquise au cours de la psycho- génèse de se représenter ce que ressent ou pense l’autre tout en la distinguant de ce que l’on ressent et pense soi-même. Elle est indis- sociable de l’empathie avec soi-même (p. 111). Brigitte Tison Pédagogie Soins et cultures, Formation des soignants à l’approche interculturelle Brigitte Tison, avec la collaboration d’Ellen Hervé-Désirat, Paris, Masson, 2007. Les hôpitaux français reçoivent actuellement beaucoup de patients dont la culture est différente de celle des patients originaires du pays. Les soignants sont amenés à faire une prise en charge de ces patients à tous les âges de la vie (de la naissance jusqu’à la mort). En général, les soignants ne connaissent pas les différentes cultures (rites des grandes étapes de vie, religions, comportements…) et se trouvent parfois, sinon désemparés, souvent décontenancés, ne sachant trop quoi faire. Ils veulent bien soulager le patient mais ils ne savent parfois ni quoi dire ni quoi faire et la famille n’est pas toujours présente. Les auteurs ont souhaité mettre à la disposition de soignants leurs connaissances des cultures. Plus que de donner des recettes aux questions que les soignants peuvent se poser, elles ont choisi de pré- senter la démarche essentielle dans toute rencontre avec l’autre, culturellement différent, puis elles évoquent quelques concepts qu’il est important d’avoir en mémoire ; elles présentent les théories sur lesquelles s’appuie la rencontre des cultures. Après quelques pistes qui accompagnent les étapes de vie, elles concluent par quelques exemples puisés dans leurs expériences humanitaires (autrement dit de soignantes elles-mêmes dans un contexte culturellement dif- férent). Ce livre devrait intéresser le personnel de soins (sages-femmes, infirmières, puéricultrices, aides-soignants, auxiliaires, médecins, psychologues…) et toute personne désireuse de connaître davantage la démarche interculturelle. Brigitte Tison Philosophie – Clinique Un bon médecin. Pour une éthique des soins Michel Geoffroy, Paris, La Table Ronde, 2007, 216 p. Un des premiers intérêts de ce livre, est qu’il se trouve écrit par une personne porteuse d’une double compétence, clinique et philoso- phique. En effet, M. Geoffroy a exercé la médecine en milieu rural, puis en soins palliatifs avant d’acquérir un doctorat en philosophie. Tout ceci pour dire qu’il se trouve bien placé – il sait ce dont il parle et ne peut en parler faussement ni avec trop d’artifice – lorsqu’il ouvre la question de fond de l’ouvrage : que signifie « être un bon mé- decin » ? Cela existe-t-il ? Comment est-il légitime d’ouvrir cette question, que ce soit au regard de la clinique elle-même, des at- tentes des patients et de leurs proches ou de la visée poursuivie par le praticien lui-même ? Son projet ne constitue certes pas à trouver, au cœur de la diversité des médecins dans leurs différentes spécialités, « le » bon médecin, comme si cela était humainement possible, mais bien à faire œuvre éthique et philosophique : que doit-il se passer au cœur de la rencontre avec le patient pour que le clinicien compétent puisse exercer de manière juste sa responsabilité ? En ce sens, le parcours réflexif ici proposé conduit le lecteur au cœur de la question éthique. Au niveau des grandes attitudes requises, M. Geoffroy nous dit qu’à minima, le bon médecin doit être savant, patient et prudent. C’est pour lui bien autre chose que des qualificatifs, mais des occasions de déployer avec brillance et dans leurs articulations, les piliers de ce qui qualifierait une juste pratique de la médecine : le rapport au savoir dans sa pleine objectivité-objectivation, la capacité d’analyse, l’inter- prétation au cœur d’une pleine subjectivité – tant celle du clinicien que de la personne souffrante – en offrant au temps une juste place (dans l’urgence, la compétence permettra de ne pas perdre de temps, tandis qu’en d’autres circonstances, il faudra le temps de la rencontre et de l’histoire du patient pour soigner adéquatement). Bien souvent, l’auteur rendra le clinicien proche de l’attitude prudentielle de Aristote et d’une certaine forme de compassion proche de Lévinas, tout en lui offrant les nécessaires outils de compréhension d’enjeux sociaux et économiques qui entourent la rencontre soignante. Au terme du parcours proposé, M. Geoffroy résume sa pensée : « Le bon médecin est faible à l’autre qui lui fait confiance et envers qui il a engagé sa foi. C’est cette faiblesse qui le disqualifie comme sage mais qui le qualifie comme amateur de sagesse. C’est cette inquiétude par l’autre qui le rend bon et fait de lui un bon médecin. Cette in-quiétude

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228

Ethique & Santé 2007; 4: 228-30 • © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Toutes vos analyses et commentaires de livres,de revues, de sites Internet ou d’autres médias,

peuvent être adressées à Florence Quinche :[email protected]

Échanges

LU VU ENTENDU

Neurocognition

Transformer la violence des élèves

Daniel Favre. Paris, Dunod, 2007.

La formation de biologiste de Daniel Favre, ressort de sa partieexplicative de la violence : il détermine ainsi les mécanismes qui sous-tendent les comportements dits violents. On se reportera en parti-culier aux schémas (p. 66, 67) qui résument bien les processus en jeuau niveau cérébral. Il ne s’agit donc pas d’une approche psychanaly-tique mais neurocognitive. On notera néanmoins l’ouverture del’auteur et sa tolérance dans sa recherche.L’auteur, qui est chercheur mais aussi enseignant, va tenter deconfronter ses hypothèses à la réalité de terrain. Avec le concours decollègues québécoises et grâce à des enseignants et élèves français etquébécois, il établit des profils de ces comportements adolescentsviolents (p. 86, 87). Puis, il met en place des ateliers orientés versl’acquisition de l’estime de soi qui permet de réduire l’anxiété-dépression chez un certain nombre de jeunes hyperactifs. Il développeégalement l’empathie qui est la capacité acquise au cours de la psycho-génèse de se représenter ce que ressent ou pense l’autre tout en ladistinguant de ce que l’on ressent et pense soi-même. Elle est indis-sociable de l’empathie avec soi-même (p. 111).

Brigitte Tison

Pédagogie

Soins et cultures, Formation des soignants à l’approche interculturelle

Brigitte Tison, avec la collaboration d’Ellen Hervé-Désirat, Paris, Masson, 2007.

Les hôpitaux français reçoivent actuellement beaucoup de patientsdont la culture est différente de celle des patients originaires du pays.Les soignants sont amenés à faire une prise en charge de ces patientsà tous les âges de la vie (de la naissance jusqu’à la mort). En général,les soignants ne connaissent pas les différentes cultures (rites desgrandes étapes de vie, religions, comportements…) et se trouventparfois, sinon désemparés, souvent décontenancés, ne sachant tropquoi faire. Ils veulent bien soulager le patient mais ils ne savent parfoisni quoi dire ni quoi faire et la famille n’est pas toujours présente.Les auteurs ont souhaité mettre à la disposition de soignants leursconnaissances des cultures. Plus que de donner des recettes auxquestions que les soignants peuvent se poser, elles ont choisi de pré-senter la démarche essentielle dans toute rencontre avec l’autre,culturellement différent, puis elles évoquent quelques concepts qu’ilest important d’avoir en mémoire ; elles présentent les théories surlesquelles s’appuie la rencontre des cultures. Après quelques pistesqui accompagnent les étapes de vie, elles concluent par quelquesexemples puisés dans leurs expériences humanitaires (autrement dit

de soignantes elles-mêmes dans un contexte culturellement dif-férent).Ce livre devrait intéresser le personnel de soins (sages-femmes,infirmières, puéricultrices, aides-soignants, auxiliaires, médecins,psychologues…) et toute personne désireuse de connaître davantagela démarche interculturelle.

Brigitte Tison

Philosophie – Clinique

Un bon médecin. Pour une éthique des soins

Michel Geoffroy, Paris, La Table Ronde, 2007, 216 p.

Un des premiers intérêts de ce livre, est qu’il se trouve écrit parune personne porteuse d’une double compétence, clinique et philoso-phique. En effet, M. Geoffroy a exercé la médecine en milieu rural,puis en soins palliatifs avant d’acquérir un doctorat en philosophie.Tout ceci pour dire qu’il se trouve bien placé – il sait ce dont il parleet ne peut en parler faussement ni avec trop d’artifice – lorsqu’ilouvre la question de fond de l’ouvrage : que signifie « être un bon mé-decin » ? Cela existe-t-il ? Comment est-il légitime d’ouvrir cettequestion, que ce soit au regard de la clinique elle-même, des at-tentes des patients et de leurs proches ou de la visée poursuivie parle praticien lui-même ?Son projet ne constitue certes pas à trouver, au cœur de la diversitédes médecins dans leurs différentes spécialités, « le » bon médecin,comme si cela était humainement possible, mais bien à faire œuvreéthique et philosophique : que doit-il se passer au cœur de la rencontreavec le patient pour que le clinicien compétent puisse exercer demanière juste sa responsabilité ? En ce sens, le parcours réflexif iciproposé conduit le lecteur au cœur de la question éthique.Au niveau des grandes attitudes requises, M. Geoffroy nous dit qu’àminima, le bon médecin doit être savant, patient et prudent. C’estpour lui bien autre chose que des qualificatifs, mais des occasions dedéployer avec brillance et dans leurs articulations, les piliers de ce quiqualifierait une juste pratique de la médecine : le rapport au savoirdans sa pleine objectivité-objectivation, la capacité d’analyse, l’inter-prétation au cœur d’une pleine subjectivité – tant celle du clinicienque de la personne souffrante – en offrant au temps une juste place(dans l’urgence, la compétence permettra de ne pas perdre de temps,tandis qu’en d’autres circonstances, il faudra le temps de la rencontreet de l’histoire du patient pour soigner adéquatement). Bien souvent,l’auteur rendra le clinicien proche de l’attitude prudentielle deAristote et d’une certaine forme de compassion proche de Lévinas,tout en lui offrant les nécessaires outils de compréhension d’enjeuxsociaux et économiques qui entourent la rencontre soignante.Au terme du parcours proposé, M. Geoffroy résume sa pensée : « Lebon médecin est faible à l’autre qui lui fait confiance et envers qui il aengagé sa foi. C’est cette faiblesse qui le disqualifie comme sage maisqui le qualifie comme amateur de sagesse. C’est cette inquiétude parl’autre qui le rend bon et fait de lui un bon médecin. Cette in-quiétude