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Cerveau, musique et dyslexie : quelles applications pour la pratique orthophonique? séminaire régional de formation Vendredi 22 juin 2012 17h-20h Hôtel Novotel La Valentine Autoroute A50-Marseille Est Pédagogie de la musique chez les dyslexiques Alice Dormoy (musicienne, enseignante, Mélo-Dys, Nice). L'idée d'une pédagogique adaptée aux enfants dyslexiques dyspraxiques dysphasiques découle d'observations faites dans des classes d'instrument, et de formation musicale d'une part, et d'une volonté de réponse pédagogique aux recherches récentes sur les effets d'un entraînement musical régulier, d'autre part. Les activités "traditionnelles" de groupe , comme le cours de solfège, peuvent être mal vécues par les enfants dys pour diverses raisons. L'enfant peut se sentir jugé par les autres dans les cours collectifs, il peut prendre du retard dans le domaine rythmique ou en lecture de notes. Dans les cours d'instrument, l'enfant est vif, musical et motivé, mais il ne progresse pas, il a du mal à suivre sa partition, a l'impression que les notes bougent, qu'il y en a trop, qu'elles sont trop petites, que les lignes parallèles le troublent... Le besoin d'une adaptation de l'enseignement instrumental se fait aujourd'hui sentir, au même titre que dans le domaine de l'éducation nationale afin d'éviter de confronter les enfants à un échec dès le début du contact avec l'instrument. C'est ce à quoi l'association MéloDys souhaite répondre. Avec une vraie proposition pédagogique adaptée amenant la musique à l'enfant, la pratique musicale est alors facilitée. Dans ces conditions, la musique, art complet impliquant la participation gestuelle, affective, mentale de l'individu redonne alors confiance en l'apprentissage scolaire. De plus, les recherches scientifique récentes ont prouvé qu'un entrainement musical régulier provoquait des transferts d'apprentissages et de nombreux autres effets bénéfiques sur les troubles du langage, que le Docteur Michel Habib vient de vous détailler. Ces recherches nous ont orientés vers une approche pédagogique multi- sensorielle, et vers la création d'un matériel pédagogique adapté. Notre pédagogie, la méthode MéloDys, s'inscrit dans la continuité des méthodes dites actives dont je vais vous présenter les courants principaux. Dans un deuxième temps, nous aborderons les difficultés d'apprentissage rencontrées en cours de musique, ainsi que leurs réponses pédagogiques, afin d'engager une réflexion interdisciplinaire sur la rééducation des troubles dys. I/ Historique des pédagogies dites « actives » et adaptées : De nombreuses méthodes de rééducation pour dyslexiques parlent d'approche multisensorielle. Depuis 400 ans environ, des pédagogues de la musique tels que Comenius, Curwen, Gordon, Orff, Pestalozzi, Steiner, Suzuki, et plus récemment les méthodes dites "actives"

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Page 1: Pédagogie de la musique chez les · PDF fileLa méthode d'Edgar willems (1890 belgique-1978 suisse) est une méthode d'apprentissage musical concernant l'éveil musical en 3 années,

Cerveau, musique et dyslexie :quelles applications pour la pratique orthophonique?

séminaire régional de formationVendredi 22 juin 2012

17h-20hHôtel Novotel La Valentine

Autoroute A50-Marseille Est

Pédagogie de la musique chez les dyslexiquesAlice Dormoy (musicienne, enseignante, Mélo-Dys, Nice).

L'idée d'une pédagogique adaptée aux enfants dyslexiques dyspraxiques dysphasiquesdécoule d'observations faites dans des classes d'instrument, et de formation musicale d'une part, etd'une volonté de réponse pédagogique aux recherches récentes sur les effets d'un entraînementmusical régulier, d'autre part.

Les activités "traditionnelles" de groupe , comme le cours de solfège, peuvent être mal vécues parles enfants dys pour diverses raisons. L'enfant peut se sentir jugé par les autres dans les courscollectifs, il peut prendre du retard dans le domaine rythmique ou en lecture de notes. Dans lescours d'instrument, l'enfant est vif, musical et motivé, mais il ne progresse pas, il a du mal à suivresa partition, a l'impression que les notes bougent, qu'il y en a trop, qu'elles sont trop petites, que leslignes parallèles le troublent...

Le besoin d'une adaptation de l'enseignement instrumental se fait aujourd'hui sentir, au même titreque dans le domaine de l'éducation nationale afin d'éviter de confronter les enfants à un échec dès ledébut du contact avec l'instrument.

C'est ce à quoi l'association MéloDys souhaite répondre. Avec une vraie propositionpédagogique adaptée amenant la musique à l'enfant, la pratique musicale est alors facilitée. Dansces conditions, la musique, art complet impliquant la participation gestuelle, affective, mentale del'individu redonne alors confiance en l'apprentissage scolaire. De plus, les recherches scientifiquerécentes ont prouvé qu'un entrainement musical régulier provoquait des transferts d'apprentissageset de nombreux autres effets bénéfiques sur les troubles du langage, que le Docteur Michel Habibvient de vous détailler. Ces recherches nous ont orientés vers une approche pédagogique multi-sensorielle, et vers la création d'un matériel pédagogique adapté.

Notre pédagogie, la méthode MéloDys, s'inscrit dans la continuité des méthodes dites actives dontje vais vous présenter les courants principaux. Dans un deuxième temps, nous aborderons lesdifficultés d'apprentissage rencontrées en cours de musique, ainsi que leurs réponses pédagogiques,afin d'engager une réflexion interdisciplinaire sur la rééducation des troubles dys.

I/ Historique des pédagogies dites « actives » et adaptées :

De nombreuses méthodes de rééducation pour dyslexiques parlent d'approchemultisensorielle. Depuis 400 ans environ, des pédagogues de la musique tels que Comenius,Curwen, Gordon, Orff, Pestalozzi, Steiner, Suzuki, et plus récemment les méthodes dites "actives"

Page 2: Pédagogie de la musique chez les · PDF fileLa méthode d'Edgar willems (1890 belgique-1978 suisse) est une méthode d'apprentissage musical concernant l'éveil musical en 3 années,

depuis 1900 (Adolphe Ferriere pédagogue non musicien un des pionnier des méthodes actives): telsque la méthode Dalcroze, Kodaly, Froseth Method ont exploité cette approche qui semblait faciliterl'acquisition de nombreux principes pédagogiques tels que la reproduction mélodique, la libertérythmique, la mémorisation. Les méthodes actives nous intéressent en particulier car elles partent du principe que l'enfant doitd'abord expérimenter la musique, avant de la théoriser.

1) La méthode J. Dalcroze.Elle est également l’une des premières méthodes d’enseignement musical appelées « méthodesactives », puisque Emile Jaques-dalcroze (1865-1950) a commencé ses recherches pédagogiques audébut du XXème siècle. Né à Vienne (autriche) et mort à Genève (Suisse), il souhaite établir un lienentre le cerveau et le corps, dès le début de l'apprentissage musical. Il veut que le rythme ne restepas théorique, mais devienne une expérience physique. Il insiste sur le lien existant entre le mvtcorporel naturel et le mvt de la musique et fait marcher les enfants sur la musique... Pour lui, lecorps est le 1er instrument, c'est par lui que la musicalité est ressentie et transmise. Ces exercicesspécifiques développent conjointement les aptitudes auditrices et motrices, entraînent la mémoire etla concentration, éduquent la sensibilité, la spontanéité et la capacité de se représenter la phrasemusicale. "On n'écoute pas la musique uniquement avec ses oreilles, on l'entend résonner ds le corps toutentier, ds le cerveau et ds le coeur" J. Dalcroze (Notes bariolées, Jeheber, Genève 1948 )J. Dalcroze connut d’abord un succès plus évident aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons,scandinaves ou d’Europe de l’est, ainsi qu’au Japon. Elle est aujourd'hui enseignée dans les conservatoires supérieurs de musique (Carnegie-MellonUniversity de New York, Royal College of Music à Manchester, Haute Ecole de Musique et d’Artdramatique de Bienne, Akademia Muzyczna de Varsovie…) et dans quelques structures françaises.

2) La méthode KodalyUne autre approche intéressante est la méthode Kodaly de son auteur le compositeur et pédagogueZoltan Kodaly (1882-1967), sa méthode est partie de Hongrie pr se divulguer ds le monde entier. Ilcroit que la vraie alphabétisation musicale _ la capacité à lire, écrire et penser la musique _ est ledroit de tout être humain. Il incorpore les syllabes rythmiques d'Emile Joseph Chevé, dans saméthode, en associant à chaque valeur de notes, des syllabes spécifiques qui expriment littéralementleur durée. Par exemple, une noire est dite "ta", tandis que deux croches sont dites "ti-ti" . "deuxcroches noires" font donc "titi ta" . L'utilisation de syllabes, mots ou textes en musique est undomaine à exploiter pour la dyslexie, nous le verrons un peu plus loin.Cet exercice peut également être exploité dans le cas d'une difficulté à combiner les rythmes et leshauteurs.

3) La méthode FrosethLa méthode du Docteur Froseth est une méthode d'apprentissage musical non verbale américaine dela deuxième moitié du Xxème siècle qui emploie, quant à elle, les syllabes parlées en associationavec les percussions corporelles, l'ensemble pouvant se pratiquer sur un accompagnementinstrumental pour renforcer la sensation rythmique. Ce sont des exercices très utilisés dans desclasses entières des pays anglophones mais exploitables également en cours individuels.

4) La méthode SuzukiLa méthode Suzuki a été conçue au milieu du XXe siècle siècle par le violoniste Shinichi Suzukiqui a observé la facilité qu'avaient les enfants à apprendre leur langue maternelle, même lesdialectes considérés comme difficiles. Il en déduisit qu'il pouvait en être de même pour

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l'apprentissage d'un instrument de musique. Il a donc voulu reproduire les étapes d'assimilationd'une langue maternelle et a basé sa méthode sur l'impregnation progressive. L'enfant observe etécoute son professeur, il reproduit ce qu'il entend, et les parents assistent aux cours et participentactivement à l'apprentissage.

5) La méthode WillemsLa méthode d'Edgar willems (1890 belgique-1978 suisse) est une méthode d'apprentissage musicalconcernant l'éveil musical en 3 années, et les premières années de solfège et d'instrument. Ellerecherche l'épanouissement de l'enfant par la pratique musicale vécue par la motricité, les sens, lasensibilité, et le mental. Elle privilégie la participation active des enfants autour de chansons,d'exercices d'audition, de rythmes et de mouvements corporels.

Existe-t-il des méthodes spécifiques pour les enfants dys?A l'heure actuelle, au Royaume uni et aux Etats Unis, de nombreuses associations enseignent lamusique aux enfants dys, selon des principes pédagogiques s'inscrivant dans la continuité desméthodes actives que je viens de citer. Ainsi, par exemple, l'Association YAMSEN, the YorkshireAssociation for Music and Special Educational Needs, créée en 1979, publie des livrets de chansonset de jeux musicaux adaptés. Il existe, par ailleurs, un groupe de travail sur la musique et la dyslexieau sein de l'association anglaise de Dyslexie : British Dyslexia Association. C'est au Royaume uni, encore, que l'on trouve l'ABRSM (Associated Board of the Royal Schools ofMusic) qui est un grand jury des examens d’instruments depuis 1889 en Grande-Bretagne, et plusrécemment, dans plus de 80 pays du monde. Ce grand jury a instauré des dispositions spéciales pourles enfants dys dans les examens de musique.

Pourtant, en France, ces méthodes participatives ne sont pas si répandues, dans les structuresd'enseignement de la musique et, surtout, n'abordent pas la spécificité des troubles dys.

Tout en posant ses fondements sur les principes des méthodes actives, notre méthode a cherché àapporter un point de vue nouveau sur les moyens de musicaliser les enfants dys. Les activitéscomplexes de lecture et d'écriture sont découpées en différentes étapes progressives devenantréalisables sans effort. Par l'utilisation d'un matériel adapté, les enfants touchent les sons, visualisentles intervalles, entendent les gestes, mémorisent et automatisent. Ces nouveaux gestes et cesnouveaux cheminements offrent des ouvertures novatrices vers d'autres acquisitions, dont lesapprentissages scolaires.

II/ Difficultés rencontrées dans la pratique musicale et réponses pédagogiques :

Dès les premiers cours, le professeur peut remarquer des problèmes de concentration,coordination, mémoire, difficultés auditives, motrices, spatiales, dans la lecture, l' écriture, ledéchiffrage, la reproduction rythmique.Ces difficultés ne sont pas rencontrées chez tous les enfants dys, un enfant peut être gêné par lalecture, et à l'aise dans la motricité, et pour un autre cela peut être le contraire. Néanmoins, onretrouve fréquemment : des inversions (de mains, de notes, de sens de lecture, de doigtés..), demauvaises associations (qui sont des compensations), une lenteur dans l'apprentissage moteur(notamment des doigtés).

J'ai regroupé les difficultés en 4 parties : les troubles non spécifiques, les troubles de la perceptionauditive, les troubles de la motricité, et ceux liés à l'acquisition de la lecture et l'écriture musicales.

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Dans la pratique, les principes pédagogiques ne sont pas abordés de façon linéaire, ce qui réduiraitla pratique à un enchainement d'exercices. Chaque participation musicale de l'enfant contribueglobalement à son évolution.

1) Les troubles non spécifiques (Concentration, mémoire, gestion des informations)

L'apprentissage de la musique et d'un instrument de musique demande une grandeconcentration, une gestion de nombreuses informations et actions simultanées, et la mobilisation denombreuses mémoires dont celles utilisées dans le langage.Or, il est avéré que les dyslexiques ont souvent des difficultés à gérer plusieurs tâchessimultanément, à réaliser des tâches complexes, à automatiser des gestes ou des données, ainsiqu'un déficit attentionnel souvent associé.Dans la pratique musicale, ces difficultés se manifestent de la même façon, quand l'enfant peine parexemple à :

– associer une note (une hauteur) à un rythme (une durée)– lire une musique tout en pensant à la souplesse des gestes.– Jouer une note en anticipant la lecture de la suivante.– Écouter puis reproduire un motif mélodique (avec difficulté d'ordre temporel) action

complexe qui implique différentes mémoires la concentration mais aussi un traitementtemporel ainsi que la mobilisation des facultés auditives et motrices.

– Associer une image à son nom Ex : Reconnait un signe musical mais ne sait plus le nommer.– une fois le morceau su, à l'enchaîner en entier sans sauter de passages

Face à ces difficultés, notre réponse pédagogique est basée sur l'apprentissagemultisensoriel, l'invention et l'apprentissage de mémoire, en respectant toujours le rythme del'enfant.

Le travail par les sens a une implication sur les mémoires, sur la concentration, et surl'automatisation des bons gestes et des bonnes associations. Par exemple, l'enfant se souviendra plusfacilement d'une mélodie s'il la chante, s'il en vit les contours, s'il en ressent le contenu émotionnel,imagine des couleurs, des histoires, s'il touche du doigt les distances qui séparent les notes, s'il tientet étire lui même les sons...Exemple : monter un escalier de trois marches en chantant ou en écoutant les sons. Sauter la marchedu milieu pour vivre la distance de tierce.

D'autre part, l'invention musicale mobilise les qualités spontanées d'imagination et decréativité des enfants dys, et contribue à améliorer les facultés de : mémorisation, concentration,automatisation, et les amène à la théorie par le vécu corporel.Exemple : Inventer des mélodies à plusieurs sous forme de question/réponse.

2) Les troubles de la perception auditive :

On observe par ailleurs un certain nombre de difficultés de l'ordre de la perception auditive,tels que par exemple une difficulté à dissocier les sons aigus des sons graves.

Un parallèle peut être établi entre une prononciation altérée de certains mots et une oreille musicalepercevant difficilement les changements subtiles de hauteur des sons. L'entrainement musical est ledomaine de prédilection pour un affinement de l'oreille. Les effets qui en découlent aurontdirectement ou indirectement un impact sur les activités motrices, la lecture, l'écriture, et laphonologie.

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Un outil extrêmement important pour l'affinement de l'oreille est la transposition dumouvement sonore en un geste montant et descendant (présent dans la méthode Willems). Vidéo.Cet exercice gagne à être approfondi quand l'enfant commence la musique car il amènenaturellement et sans erreurs d'associations, aux notions d'aigus/graves indispensables à toutepratique musicale. Il pose les bases pour aborder plus tard : l'ordre des notes, les gammes, lesintervalles, la reproduction mélodique, la lecture, l'écriture, etc.

Une application concrète de ce principe pourrait être envisagée à partir de l'intonation de phrasessimples du langage parlé (exemple 2)

Une autre piste de réflexion concernant le langage et la musique, indépendant dumouvement sonore, est le travail sur les onomatopées associées à des timbres ou à des phénomènessonores naturels, s'appuyant sur l'imaginaire collectif. Exemple :Baguettes de cymbales : baquette coton mia mié oi ion/baguette en bois : ka kak tak. On peut s'enservir pour expliquer des mots tels que : un tacle, une tape, une claque.En proposant des exemples aux enfants, ils en proposeront rapidement d'eux-même, et aborderonsainsi la langue avec le plaisir de sa musique.

3) Les troubles de la motricité :

D'après les recherches récentes, un bon développement de la motricité générale, et fine,constituerait un moyen d'amélioration des troubles dys. Nous avons constaté des difficultés dans lesdomaines de la régularité des frappés, la reproduction rythmique, la coordination, la motricité fineet la discrimination des durées.

La régularité des frappés concerne la difficulté à acquérir une pulsation régulière. Cet acte musicaln'est pas évident au premier abord pour un enfant dyslexique et d'autant moins pour un enfantdyspraxique, qui peut de plus souffrir d'une arythmie dans la respiration. Parmi les solutionspédagogiques, dont certaines sont peut être applicables dans une séance d'orthophonie, onprivilégiera l'aspect sensoriel, c'est à dire marcher et réaliser des mouvements en rythme sur unemusique, ou réaliser des frappés sur des empreintes de mains ou de pieds (avec notion visuelle del'équidistance entre les battements d'une pulsation)

Exemple : frappés d'une pulsation sur empreintes (mains, pieds)

Puis des frappés de pulsations régulières avec le doigt suivant une ligne de pulsations. Vidéo.

Les frappés rythmiques sont l'occasion de mettre en action les mécanismes de coordination,préalables aux acquisitions de motricité fine. A cet égard, les jeux de percussion corporelledéveloppent la conscience corporelle et libère l'expression rythmique.

Par exemple, la coordination sera améliorée par l'exploration de la polyrythmie corporelle. Vidéo.

Lorsqu'ils sont associés au langage parlé, les frappés peuvent être également utiles pour l'épellationet la découpe des mots en syllabes. Un dialogue frappé-parlé, sur le rythme naturel du langage, peuts'instaurer entre l'enfant et son interlocuteur. Dans ce cas de figure, les frappés tombent sur chaquesyllabe du discours, mais ne sont pas réguliers comme une pulsation, ils suivent le flux naturel de laparole. Exemple frappé-parlé.

Même si la notion de temps reste subjective pour tous, l'enfant dys est souvent touché pardes difficultés spécifiques d'ordre spatio-temporel. La musique est ici encore un domaine privilégié

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pour développer cette perception.

Bien souvent pour un enfant dys deux figures rythmiques proches (noire, croche) peuvent paraîtresemblables. Il a en fait du mal à accéder à une écoute consciente de la durée des sons. L'échelletemporelle d'une mélodie est en effet souvent très dense en évènements rythmiques, ces dernierss'enchaînant rapidement. Ce qui a pour conséquence de les rendre difficilement perceptibles pourcertains enfants. Il faut dire que, dans l'enseignement musical actuel, cette perception leur estsouvent proposée sous forme théorique : une noire vaut un temps, une blanche vaut deux temps,alors qu'une approche encore une fois multisensorielle permettrait à l'enfant d''affiner sa perceptiontemporelle.

Dans la pratique, on peut lui proposer d'écouter et de ressentir la vibration d'un son jusqu'au bout(mettre l'oreille sur la caisse de résonance du piano et l'écouter jusqu'à son terme, ou marcher surune musique tant qu'il l'entend vibrer, ou imaginer qu'il étire le son comme un élastique).

Quand l'enfant perçoit les limites d'un son (début du son, déroulement, extinction progressive, findu son), on peut lui proposer de différencier les sons courts des sons plus longs par l'utilisation dedivers instruments à percussion (cymbales pour les sons longs, wood block pour les sons courts etsecs). Il est important, ici également, que l'enfant accompagne son geste vocalement sur toute ladurée des sons.

4) Lecture et écriture musicales :En partant de l'exemple du son étiré comme un élastique, l'enfant n'a plus qu'à répéter son

geste sur une feuille pour figurer le son. Il accède alors naturellement à une pré-notation musicaleconsolidant la conscience temporelle. Le son devient visible, concret, et mesurable avec précision.

Exemple VIDEO: notation des sons courts et longs. Accompagner ce geste du son chanté ou desmots court court long.

Tout en figurant la durée des sons, cette notation permet de concrétiser le temps qui passe, par unmouvement progressant de gauche à droite sur le papier. Sans cette étape d'apprentissage del'écriture, les enfants dyslexiques ont tendance à agglutiner les sons les uns sur les autres.

On peut associer de courtes phrases à cette notation des durées. Voir vidéo.

Exemple d'écriture de notes par un enfant dyslexique n'ayant pas suivi de méthode adaptée.

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Dans le même ordre d'idée, mais avant de passer à l'écriture musicale sur la portée, d'autresétapes de préparation à l'écriture sont indispensables. L'enfant apprend d'abord à noter lemouvement sonore continu qu'il a auparavant vécu par les gestes. Cette notation du mouvementsonore doit être abordée de plusieurs façons : sous forme de dictée, d'invention, jeux de dialogue.

L'étape suivante consiste à introduire la notion de hauteur en comparant les sons à un escalier.

Exemple :

L'escalier est un mouvement sonore discontinu, c'est à dire que la courbe du mouvement continu aété coupée en 3 points à 3 hauteurs différentes.

L'enfant comprend vite cette représentation que l'on utilise sous forme de cartes-escalier, et quiconstituent les premières partitions des enfants. Avec cet outil, l'enfant peut reproduire ce qu'il voitsur son instrument, ou en chantant, combiner les cartes à sa guise, et retrouver des débuts dechansons enfantines qu'il connaît.

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On rajoute ensuite à cette notation le point de début de son correspondant à l'attaque du son. Onreconnaît déjà le dessin de la note de musique.

Malgré cela, la notation posée sur le papier en 2 dimensions ne suffit pas pour éviter uneconfusion dans la lecture des notes sur une portée musicale. De nombreux enfants se trouvent trèsgênés visuellement par le nombre de lignes, et la proximité des notes les unes par rapport aux autressur la portée. Sachant que les enfants dys ont une vision facilitée des schémas en 3 dimensions, etqu'ils mémorisent aisément ce qu'ils ont vécu par leurs expériences propres, il nous est apparuévident de commencer la lecture de notes de façon multisensorielle avec une portée musicale en 3dimensions.

Ainsi, l'enfant peut construire lui-même les outils de sa compréhension et de son apprentissage. Parl'action, et la stimulation visuelle, tactile, et auditive, il mémorise les notes en associant le son écritau son entendu.

Avec ce matériel, l'enfant peut poser une première ligne, puis poser des notes sur la ligne ouau dessus, et noter ainsi deux sons conjoints. Dès qu'il se sent à l'aise avec cette notation, il rajouteles autres lignes à son rythme.

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Nous avons peu de recul sur l'emploi de cette portée 3D mais avons déjà d'excellents résultats car,tout en s'amusant, les enfants posent les bases d'une écriture et d'une lecture saine. Grace à cetteapproche, les enfants dys confondent beaucoup moins les notes sur les lignes et dans les interlignes.

Ces exemples ne sont qu'une partie du travail pédagogique effectué en cours de musique adapté,mais constitue un préalable à l'apprentissage de la lecture et l'écriture musicales. Sans ces étapes, lesenfants dys peuvent retrouver leurs difficultés quotidienne en cours de musique. Le professeur demusique formé et informé sur les troubles dys et sur les adaptations possibles de son enseignement,évitera de les mettre en échec et participera activement à la rééducation de leurs troubles.

III/ Matériel pédagogique adapté :

Afin de faciliter l'enseignement de la méthode MéloDys, nous pensons intéressant d'utiliser unmatériel pédagogique adapté dont :

• Portée musicale 3D• Cartes-escalier • Carillon escalier : Il sert à visualiser la hauteur des sons, on l'utilise pour le développement

perceptif et l'écriture musicale, en association avec les cartes escalier.

Page 10: Pédagogie de la musique chez les · PDF fileLa méthode d'Edgar willems (1890 belgique-1978 suisse) est une méthode d'apprentissage musical concernant l'éveil musical en 3 années,

• briques en carton : Vivre la hauteur des sons par la motricité.• Carillon intratonal : Outil de développement de la finesse auditive. Discrimination fine des

sons aigus et graves.• Tapis clavier : Clavier au sol sur lequel les enfants peuvent se familiariser avec les touches

du piano, découvrir l'intervalle dans sa dimension horizontale par la motricité.• portée au sol• cadre-cache : cadre en carton permettant de focaliser l'attention de l'enfant sur un élément de

la partition. • plaque métallique avec aimants : plaque métallique permettant de poser une feuille A4

représentant une portée, et ses aimants représentant les notes.• empreintes de mains et de pieds : Outil permettant de réaliser des frappés précis. Permet de

passer d'une motricité globale à une motricité plus fine.

Conclusion : En conclusion, la richesse de la pratique musicale réside dans la transversalité de ses

constituants : elle met en oeuvre les processus cognitifs, la motricité, la perception auditive etvisuelle, l'imagination et l'expression affective. Elle est le terrain idéal d'un soutien actif à larééducation. Le professeur doit cependant rester prudent car il n'y a pas de recette rééducative maisune action globale de la pratique musicale vécue et amenée de façon adaptée à l'enfant dys. Pourune action encore plus ciblée, il est possible d'accentuer l'un ou l'autre des domaines pédagogiquesen fonction de la nature des troubles rencontrés (troubles à dominance phonologique, attentionnelleou motrice).

D'un autre côté, l'enfant dys a de nombreuses ressources pouvant le soutenir au quotidien :perseverance, spontanéité, imagination, créativité, sensibilité. Adapter un enseignement signifieaussi partir des forces de l'enfant tout en l'accompagnant dans sa découverte de l'apprentissagemusical.

Le rôle du professeur est de repérer ces qualités, ainsi que de communiquer avec les parents, voirede les orienter vers un orthophoniste afin d'établir un bilan. Les perspectives de travail en équipeavec les professionnels de santé entourant l'enfant dys ouvriraient de nombreuses opportunités decollaborations fructueuses dans le but commun d'aider et de soutenir au mieux ces enfants.

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Lectures conseillées :

Music and dyslexia, opening new doors, sous la direction de Tim Miles & John Westcombe, publiépar Whurr (2001)

music and dyslexia a positive approachEdited by Tim Miles Westcombe John, Diana Ditchfield, published by John Wiley & Sons (2008)

British Dyslexia Association (1996). Music and Dyslexia. Reading, England.

Ganschow, L., Lloyd-Jones, J. & Miles, TR (1994). Dyslexia and musical notation. Annals ofDyslexia , 44, 185-202.

Hubicki, M. (1991). A multisensory approach towards reading music. In M. Snowling, & M.Thomson (eds.), Dyslexia: Integrating theory and practice (pp. 322-328). London: Whurr

Hubicki, M. (1994). Musical problems? Reflections and suggestions. In G. Hales (Ed.), Dyslexiamatters. London: Whurr, pp. 184-198.

Jaarsma, BS, Ruijssenaars, AJJ M & Van den Broeck, W. (1998). Dyslexia and learning musicalnotation: A pilot study. Annals of Dyslexia , 48, 137-154.

Miles, TR, & Westcombe, J. (in press). Music and dyslexia: Opening new doors. London: Whurr.

Miles, TR, and Miles, E. (1999). Dyslexia: A hundred years on (2nd Ed.). Philadelphia: OpenUniversity Press.

Oglethorpe, S. (1996). Instrumental music for dyslexics: A teaching handbook. London: Whurr.