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1/62/ Paul et l’antisémitisme, chap. 2 Matière ou anti-matière Table des matières Paul et l'antisémitisme, chapitre 2.............................................................................................. 1 Matière ou antimatière....................................................................................................................... « Entre le dire et le faire » ................................................................................................................................ 1 L’identification de Paul au Christ mort et ressuscité ......................................................................... 6 D’Abraham à Moïse, les langues, leurs écritures ................................................................................ 9 Alliance ou Loi juive. Abraham ou Moïse ?............................................................................................ 20 « France, prends garde de perdre ton âme »..................................................................................... 22 Papyrus de Zénon, une colonisation grecque au -III e siècle ........................................................... 31 Paul en son temps, sans Jésus ni Pierre .............................................................................................. 39 Le prénom de Paul et les inconnues sur son enfance et sa mère........................................... 45 Le Ka et le Ba, éternité de la matière, de la pierre et de la vie .................................................. 48 Mère éphémère, effet-mère, effet-mort ................................................................................................. 50 L’arbre des sefirot, hasard et nécessité de l’éthique réécriture du texte ............................ 55 « Entre le dire et le faire 1 » Malgré les progrès de la théologie de l’incarnation, on continue de refuser la terre charnelle. On tient que l’Eglise société parfaite échappe à la loi civile 2 . En Occident, la mystique n’a jamais douté que Dieu ne fût à chercher exclusivement dans les cieux, c’est-à-dire en rupture plus ou moins directe et profonde avec l’ici-bas. Se spiritualiser = se dématérialiser. Or, c’est juste mais en travers de cette orientation traditionnelle que me portait le mouvement naturel de ma pensée, La Matière matrice de la Conscience, la conscience née de la Matière, toujours en marche … 3 1 Sous-titre emprunté à François DOSSE, Paul Ricœur, Michel de Certeau, L’histoire entre le dire et le faire. L’Herne 2006 2 François BEDARIDA « L’affaire Touvier et l’Eglise : spectrographie d’un historien ». In Débats n° 70, Mai-Août 1992. 3 Pierre TEILHARD de CHARDIN Le cœur de la Matière Seuil 76, p. 56

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Paul et l’antisémitisme, chap. 2

Matière ou anti-matière

Table des matières

Paul et l'antisémitisme, chapitre 2..............................................................................................1 Matière ou antimatière....................................................................................................................... « Entre le dire et le faire » ................................................................................................................................ 1 L’identification de Paul au Christ mort et ressuscité ......................................................................... 6 D’Abraham à Moïse, les langues, leurs écritures................................................................................ 9 Alliance ou Loi juive. Abraham ou Moïse ?............................................................................................ 20 « France, prends garde de perdre ton âme »..................................................................................... 22 Papyrus de Zénon, une colonisation grecque au -IIIe siècle ........................................................... 31 Paul en son temps, sans Jésus ni Pierre.............................................................................................. 39 Le prénom de Paul et les inconnues sur son enfance et sa mère........................................... 45 Le Ka et le Ba, éternité de la matière, de la pierre et de la vie .................................................. 48 Mère éphémère, effet-mère, effet-mort................................................................................................. 50 L’arbre des sefirot, hasard et nécessité de l’éthique réécriture du texte............................ 55

« Entre le dire et le faire1 »

Malgré les progrès de la théologie de l’incarnation, on continue de refuser la terre

charnelle. On tient que l’Eglise société parfaite échappe à la loi civile2. En Occident, la mystique n’a jamais douté que Dieu ne fût à chercher exclusivement dans

les cieux, c’est-à-dire en rupture plus ou moins directe et profonde avec l’ici-bas. Se

spiritualiser = se dématérialiser. Or, c’est juste mais en travers de cette orientation

traditionnelle que me portait le mouvement naturel de ma pensée, La Matière matrice de la

Conscience, la conscience née de la Matière, toujours en marche …3

1 Sous-titre emprunté à François DOSSE, Paul Ricœur, Michel de Certeau, L’histoire entre le dire et le faire.

L’Herne 2006 2 François BEDARIDA « L’affaire Touvier et l’Eglise : spectrographie d’un historien ». In Débats n° 70, Mai-Août

1992. 3 Pierre TEILHARD de CHARDIN Le cœur de la Matière Seuil 76, p. 56

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Entre le dire et le faire, il y a le temps qui passe laissant mûrir les fruits de la conscience en marche. Pour aller au-delà des limites que les circonstances de la vie ont imposées à Pierre Teilhard et pour continuer dans la perspective ouverte par le Cœur de la Matière, c’est en se penchant sur l’Histoire de la Mémoire de l’humanité que l’on retrouve le phylum d’Abraham, entendant son dieu lui parler en rêve : « descends en toi-même, va dans le pays que je te montrerai ».

C’est alors que le Cosmique et l’Evolutif, l’Humain et le Convergent font apparaître le vide épistémologique d’une historiographie encore à construire scientifiquement, le temps écoulé entre les textes de Qumrân et ceux de Paul dans l’apologétique de ses disciples. D’Egon Schiele4 à Claude Monet avec arrêt sur image pour Piero della Francesca, la vision d’un « Soi cosmique » dans la communauté de liturges de Qumrân retrouve le fil perdu des visions antisémites de Paul reconstruites sans doute par ceux qui le suivirent et par malice ou par ignorance, élaborèrent des théologies conciliaires et des dogmes. De Pierre Teilhard à Michel de Certeau, de 1927 à 1982, la voix de l’inconscient que Teilhard avait perçu et négligé ouvrit à Certeau une autre voie vers sa propre vérité, le questionnement de toute une vie sur les langages et leurs manières de s’organiser en pratiques, modus loquendi, un champ où « se déploient des procédures spécifiques5 ».

C’est alors, que très vite, une piste de recherche s’ouvrait vers les premiers siècles d’un passé bouddhique asiatique qui aurait marqué d’un passé encore inconnu des historiens, imprégnant la parole de Jésus de Nazareth qui montait de la terre de Judée, une énergie vitale que Freud appelait la pulsion et l’inconscient. Teilhard y voyait l’action du divin dans l’homme, la noosphère, enveloppe pensante de l’univers.

Jésus l’Oint, le Christ dont la tradition paulinienne habilla le surmoi de l’apôtre, ne fut pas perçu de cette manière par Teilhard. Pour lui, « l’enveloppe pensante » serait très proche de l’idée du « million d’Hommes », la multitude des rabbins dont parle Michel Attali dans sa lecture de l’arbre séfirotique d’Elie Benamozegh6. Ainsi, le processus d’hominisation traversé par tout analysant qui aurait vécu, en séance, l’expérience des chaînes d’associations de pensées lancées sans freins livrait une toute petite tradition cachée, un écho de lumière pendant lequel le temps s’arrête pour récapituler les millénaires. Une pépite d’éternité, le don de l’eau vive, la parole, l’oralité, la Voie de la Vie, un trésor caché : la psychanalyse ne pouvait naître qu’en Judée, enfantée par un judaïsme pré-rabbinique, dans la parole d’un enfant juif, Jésus. Trésor de l’entre-deux pour Marie de Magdala, trésor caché en pétales et en nombres, retrouvé à Babylone ou à Bagdad par al Biruni, puis par François d’Assise et Charles de Foucauld, vestiges restant des siècles révolus, transmis de langue en langue, d’âge en âge et de génération en génération. La force performative de la parole chez ceux qui n’étaient que des hommes avait conservé les serments de leur passé, Mc 10-20.

4 Egon SCHIELE 1910, Exposition Egon SCHIELE, Berlin, Mars Juin 1996. 5 Michel de CERTEAU La Fable mystique 1. Tel Gallimard 1982, p 26 6 Michel ATTALI « La doctrine des Sefiroth » p. 271-289, tableau p. 277. In Elie BENAMOZEGH La Kabbale et

l’origine des dogmes chrétiens. In Press 2011,

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O Rome, qu’as-tu fait de ta genèse ?

Qu’as-tu fait de la famille de l’homme ? Pourquoi as-tu fait de l’épouse d’un cantique une femme bafouée et un enfant en deuil ?

O Mère, où est ta descendance ? O tombeau, où est la pierre qui roula jusqu’à ton puits ?

O Paix, garde sous leur voile, tes artisans de paix

Le sacrifice de l’âne dans le ciel de Dendera était offert au ciel d’or, Isis la grande mère dans la danse éperdue des étoiles sous la conductance d’Orion dans l’attente de l’apparition de Sirius. Le trésor était caché dans le plafond des mystères d’Osiris connu des scribes évangéliques. Une ânesse et son ânon entraient à Jérusalem pour rappeler aux hommes que Jésus voulait avadiser la loi, verbe avad = accomplir, c’est-à-dire l’agir, la rendre vivante, opérante pour tous, même les plus pauvres, et pire, même les petites filles. La justice des simples était coutumière, Jésus parlait araméen, les grands juges d’alors, des politiques et des puissants gréco-romanisés ne comprenaient pas cette langue étrangère du terroir natale. Les scribes avaient traduit Isaïe en grec, sans comprendre 44-6, et en jouant avec les lettres alphabétiques, ils en avaient fait une apocalypse pour le meilleur et un Cantique pour le pire.

Au Louvre, Giotto soutient sa thèse en toscan du XIIIe siècle, François d’Assise soutient l’Eglise qui s’effondre, il s’est substitué à une colonne trop mince qui s’est rompue sous son poids, le rêve d’Innocent soutient les deux temples de Jérusalem. En son revers, le fil d’un labyrinthe offert par le bambino Jesu à sa Madre avec l’extrémité de la bandelette qui entoure sa nudité. En son dos, le lacet d’un sentier tortueux grimpe au rocher, avec l’autre extrémité de la bandelette qui voile sa nudité. Le geste de l’enfant désigne la voie d’un chemin qui monte à Jérusalem jusqu’au sommet d’un lointain Golgotha7. Le peintre du trecento aurait reçu une formation de lanoiolo, disait une rumeur. François avait su dire l’énigme de son espérance.

En I895, Ildebrando della Giovanna mit en doute l’authenticité du Cantique du frère soleil. « Peu me chaut », aurait dit Violaine à Aubaine pour avadiser son nom tandis que François soutenait la famille des Colonna en faisant fi de leurs caresses.

7 Racine ie*√bld, latin blandus, un emprunt à une langue hittite du -Xe millénaire, un oubli emprunté au

sémitique lointain hs*√bld ou blt, remontant à la Bithynie, Bit Adini, zone géographique intermédiaire entre la

Syrie et l’Assyrie, sur Bit/Beth maison, Bethléem, racine akkadienne hs*√brt, pour biritu, lien, les liens du

captif, les chaînes de Pierre dans sa geôle, le cordon ombilical. Peinture sur bois attribuée BOLDOVINETTI,

peintre du XVe siècle, anciennement attribuée au Piero, sans doute, un vrai Giotto du XIIIe siècle ou mieux

encore un authentique Filippo Lippi du XIVe, aux mille repeints des ateliers et des chapelles. La bandelette,

ceinture d’Aphrodite puis de Demeter, annonçait la Ceinture de Marie, belt, dans le rameau anglo-saxon, une

mémoire rapportée par les Croisés, un culte à la Mère de Dieu des Chrétiens d’Orient. Une consolation, hébreu

araméen, tiquoun réparation, voulait faire oublier le regard de l’ange exterminateur qui avait foudroyé François

de son regard en le touchant,, mains et pieds de ses stigmates.

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Une grandeur digne du boson de Higgs est livrée là, comme une création, un rêve commun au pape Innocent et au pape François, un analyste et un analysant, le temps d’un siècle, un saut dans l’ineffable, l’indicible venu d’un ailleurs inconnu, l’insaisissable mémoire universelle du corps, une chose impalpable en train de se dire. Miracle de l’instant qui passe en arrêtant le temps que les Juifs l’appelaient YHWH. Yahvé, une conception, un concept, un 8 décembre, un mot d’esprit gravé par le père des croyants, une absence de rupture entre le naturel et l’artifice, le « Million d’hommes » d’une gigantesque molécule de protéine8 ». Nos ancêtres, ceux des autres, chacun en sa parentèle, chacun son temps, chacun dans sa langue, étaient des hommes et des femmes.

Le boson de Higgs livre une création éphémère qui remplace l’obsession de pureté messianiste des liturges de Qumrân et/ou (?) des reprouvés par les légionnaires romains. Remplacée par la quête de l’ « incorruption » teilhardienne, une image purificatrice émergeant d’un noyau central, anhistorique et angélique, prend la place de la teshouvah hébraïque, le repentir, le rachat, la passion de Jésus pour les Chrétiens d’après 70. Le temps, les vents, les courants, ont emporté les pages perdues d’un manuscrit hébraïque sur la tiquoun réparatrice pour dire la filiation dans l’engendrement d’un christianisme invisible après Qumrân.

L’appartenance de l’être pensant à l’enveloppe pensante ainsi nommée par Teilhard prend la place de la protéine d’un Cantorbery Tale moyen-âgeux, dans la longue cohorte des pèlerins pénitents en quête du rêve inaccessible d’une terre promise introuvable pour leur âme. Qumrân, la matière, le sel, le ventre utérin du désert de Judée au bord de la Mer Morte, matrice de l’esprit, le Temple des Pierres Vivantes, état suprême de la matière et de l’errance de la pensée en marche était ce secret qui se lovait dans la Voix de l’autre, le prochain qui cherchait la vérité sur la voie de l’infini mathématique du cosmos étoilé pour astronomes. L’univers cosmique en expansion dans le Temple céleste inventé par les liturges de Qumrân manifestait à travers leur foi, une évolution de l’esprit humain à la mesure de l’expansion de leur regard sur le ciel, un bond en avant de l’humanité vers le ciel toujours fidèle à lui-même. En dépit de l’évolution cosmique dont les astronomes et astrologues mésopotamiens leur avaient transmis les modes de changements, ils écrivirent leurs tours de garde, chacun en son nom.

Le cheminement d’une pensée en marche, ce fut l’ineffable rencontre du plafond de la Sixtine, le regard glacé de Neptune pointé sur le couple maudit du Paradis, veillant sur les cultures et les peuples réunis en conciles pour conserver en vie le ciel étoilé du Temple virtuel de Qumrân. Michel-Ange avait fixé pour Paul et le Piero un rendez-vous à Arezzo dans la petite chapelle du cimetière Monterchi pour récapituler le silence du geste de la Madonna del Parto.

Qui était la mère universelle qui transmet sa langue utérine à son enfant ? Dès 1927, Teilhard se demandant par où « le divin fait pression sur nous, cherche à entrer dans notre vie », indiquait déjà qu’il manquerait son rendez-vous spirituel avec la biologie féminine et l’anatomie du couple humain confirmant l’écart posé par l’église sur « la

8 Pierre TEILHARD Le Cœur de la Matière. Seuil 1976, note de bas de page n°1 p. 41

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terre charnelle », évacuée par Paul. La trace du fruit défendu était déjà si forte en Teilhard que la théorie avait supplanté le réel du don des mots, matière première pérenne de sa quête enfantine de vérité sur la matière de son prénom, sa vie, la langue maternelle utérine, l’eau de la vie.

A cette date, l’église avait pris peur devant la nouveauté du langage de Pierre Teilhard, tout comme l’enfant Egon et l’enfant Saül avaient eu peur dans leur enfance. L’inconscient freudien affleurait chez Teilhard quand, en 1927, il écrivait « l’homme est mené par les choses qu’il croit dominer» (p. 31). Avec ces « choses », il écrivit le Milieu Divin, annonce d’un renoncement à donner toute chance de survie à une science anthropologique du langage, celle de l’être biologique dont la genèse utérine le liait à l’âme de la mère, de la terre et du ciel. Les mots, les maux sociaux reçus en patrimoine des producteurs ancestraux de langages et de langues, de mythes et de légendes se mirent à raconter les millénaires d’une quête inachevée d’hominisation. La question du libre-arbitre et de la responsabilité de l’homme était posée, admise, érigée en vocation, mais la question de l’origine était évacuée avec la transcendance du rêve, escamotée avec la vie du corps au détriment de la vie des corps, en escamotant beaucoup plus que la sexualité, tout simplement l’énigme de l’amour humain entre les corps vivants.

Histoire de la terre, histoire de la terre des hommes, le tout jeune Teilhard se penchait avec une grande curiosité sur un bout de fer, produit de la terre pétrifiée, contemplait un Minéral qui avait suivi un circuit psychologiquement très défini, qui devait émerger dans l’étude de l’humain. Résultat de son long travail en géologie, c’est la Terre Mère qui devint son objet d’émerveillement dans la contemplation de l’union entre la géologie et la paléontologie qui lui firent découvrir l’union de la matière et de la vie dans la grandeur de leur interaction, le sinanthrope.

L’homme mené par les choses qu’il croyait dominer domina ses maîtres, des sages théoriciens en sciences théologiques, il opta pour le renoncement à savoir ce qui le dominait lui et sa science de la matière de l’homme. L’avenir qu’il offrit pour l’avenir à l’enveloppe pensante de l’univers était une formalisation théorique de sa propre espérance, le regard de l’homme de demain réunissant en un seul absolu, une conception kristique krios du référent proposé par un seul qui ne s’autorise que de lui-même. L’impossibilité de dire la jubilation de l’être et l’horreur de l’angoisse en tant que constructions individuelles, émanait d’un lien défaillant à l’autre de la différence, un refus culturel et éducatif d’interroger en soi-même, le pays que le Dieu d’Abraham lui avait désigné, le lieu de naissance de la source d’où coulent les mots, le langage, la pensée analogique, la raison, attribués à un Dieu créateur, maître du ciel et de la terre, des mots et des maux. La biologie fœtale, la genèse d’un embryon fait de cellules indifférenciées et totipotentes, évacuées en porteuses de vie avec la double fonction maternelle du lait et de la voix, était porteuse de la genèse après la naissance, mère nourricière de l’essentiel qui différencie le petit songe, le petit singe et le petit de l’homme.

Le petit singe ne poserait jamais la question « où j’étais avant » ou alors son autisme resterait le fruit d’un long savoir sur le refus parental d’avouer une vérité qui parle un autre langage.

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Chez Teilhard, un seul, un Christ, un Dieu incarné, un Hébreu de toute éternité, engendrant un fils, resta sous le joug, dominé par une théologie homosexuelle de l’inceste, une relation unique modelée sur les choix philosophiques des Grecs et les choix théosophiques des juifs hellénisés, ennemis de ceux qui avaient une loi pour gérer les pratiques sexuelles du peuple. Qui dit loi, dit transgression, une loi n’est jamais établie sans motif. L’autre de la différence, le même pour tous, la femme, ne pouvait être qu’étrangère à cette dichotomie de pensée entre deux peuples.

La matière terre, grandeur et décadence dans la poussière des cendres, la matière de l’homme lui apparaissait comme le centre de l’univers sur la voie de l’évolution du monde inachevé en marche, l’hominisation que le Jésuite de fer et de Pierre se résigna, à la fin d’une vie de chercheur, à voir à l’état fœtal. Débats avec sa hiérarchie, c’est en Asie qu’il avait découvert l’histoire de la terre dans laquelle il avait pu contempler l’évolution sur une profondeur de plusieurs millions d’années. Ses toutes premières découvertes remontaient aux tranchées de la guerre de 14 quand, avec sa pelle, il tombait sur des fossiles de l’Eocène, premiers indicateurs du temps et de l’espace parcouru par l’expansion de l’univers9.

A l’âge adulte, l’enfant Egon Schiele entra dans un Musée, nu, les mains et les pieds coupés, mort pour toute sa vie. La nostalgie mélancolique de toute son œuvre peindra l’universalité de la détresse enfantine terrorisée par la mère, la castration, le manque, l’absence, le désir, la mélancolie d’un couple parental maudit reçue au berceau.

L’identification de Paul au Christ mort et ressuscité

Dans la savane, les gémissements des immenses troupeaux sauvages de gnous racontent de leurs pleurs la préhistoire de la nature de l’homme encore à naître, le stade fœtal de l’humanité.

Dans le désert du Sinaï, le peuple de Moïse suivait la nuée qui lui montrait la route vers la prochaine étape où établir le camp. C’est à partir de la face sémantique du sacer latin le maudit opposé au sacré, sous le signe de la croyance populaire et paulinienne à la malédiction divine parvenue jusqu’à lui par la vox populi des mythes dans l’oralité que la crise de Corinthe peut être investiguée avec les lunettes de savants contemporains, Lévi-Strauss, Jakobson, Freud, quelques savants en protestation scientifique. Dans la même visée, l’énigme de l’homme, le phénomène humain de l’énigme incarnée dans des croyances différentes s’inscrivait dans leur ligne commune, la quête d’un processus allant du plus petit au plus grand et du plus grand au plus petit. Ce qui donne sens à l’union de deux mythèmes, de deux phonèmes, le deux de l’homme et de la femme, se situe entre des éléments dissemblables, tous producteurs de vie, de sens et de sacralité, rien de ce qui peut prétendre à l’universalisme. Aucun d’entre eux ne se focalisa sur le diable, le mal ou le péché, mais donnèrent l’exemple d’une recherche anthropologique sur les processus humains qui permettent non de les refouler, mais de s’en dispenser par la raison. Si l’anthropologie et l’ethnologie n’étaient pas des sciences humaines, alors

9 Pierre TEILHARD de CHARDIN Curriculum vitae, rédigé pour la revue Etudes, juil-août 1950, à l’occasion de

son élection à l’Académie Française. In Le cœur de la matière. Opus cité, p. 193

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elles seraient le lieu même d’un débat impossible sur la classification des sciences. Ainsi, la science de la nature de l’homme et la science de la religion seraient éliminées avec certaines spécialités médicales comme la psychiatrie. Il restera la zoologie pour tenter de déchiffrer le passage de l’ADN d’un bébé mammouth laineux à l’ADN d’un enfant autiste, anorexique ou normalement scolarisé et oralisé, marqué par un chromosome.

En prenant en considération les textes, l’exécution d’Etienne par lapidation, selon le mode approuvé par Paul et réservé aux Judéens idolâtres, on observe comment Paul le citoyen Romain, apporta son caillou en lançant la pierre pour brûler le mal de l’idolâtrie d’Israël parce que pour lui c’était une mort juste10.

Avec le temps, l’approche de Freud est devenue précieuse par son apport en ethnologie pour tenter d’élucider les faits à travers les habitus historiques, toujours mêlés d’images analogiques faisant métaphores pour rendre compte de l’aspect anthropologique de la langue parlée en situation. Une analyse de la crise de Corinthe à partir de l’identification de Paul à la résurrection du Christ permet de déstructurer certains processus psychiques qui ont pu produire chez lui une haine des juifs qu’il aura transmise pour longtemps à l’institution vaticane et à la chrétienté.

En mettant à sa place, la personne identifiée aux règles qui l’avaient marqué dans son enfance, on observe que la création du symptôme social de l’antisémitisme chez Paul, une haine qui avait suivi le processus depuis sa mise à part dès le sein de sa mère jusqu’à l’exclusion de Jésus par les juifs du Temple corrompu de Jérusalem. Identifié à la rumeur de Jésus, un prophète exclu, Paul s’était mis à sa place en en faisant son idéal personnel dans une image reconstruite du Ressuscité-d’entre-les-morts, lui-même, le Converti, évacuant sa propre identité pour prendre la place de l’autre. Jésus entré dans les mémoires et la rumeur était celui que le narcissisme des apôtres pauliniens voulait opposer à sa culpabilité pour la voiler derrière une identification à un juif inconnu retrouvé dans un puits dont la légende le sortira par la suite.

Ce qui apparaît dans les textes pauliniens est la méconnaissance de l’histoire au temps de la vie publique de Jésus, le juif qui, en son temps, fut fidèle à la loi et aux prophètes envers et contre l’envahisseur hellénistique, hellénisant le pays en le corrompant. Paul aurait-il tout simplement oblitéré Jésus de sa mémoire ou bien était-il complètement désinformé de la réalité historique d’un homme nommé Jésus prêchant les Droits de l’Homme dans les campagnes dans des situations à risques ? En incitant les gens simples à la justice et à la paix, il était lui aussi pris dans un climat dangereux d’occupation étrangère. Paul aurait-il tout simplement manqué d’informations auprès des vrais témoins, fidèles disciples de Jésus ?

Si l’on explique les crises personnelles et sociales par l’accumulation des processus du refoulement des revendications insatisfaites dans l’enfance, on observe que l’enfance inconnue de Paul dans la littérature est symétrique de l’ignorance sur sa petite enfance dans la religion chrétienne. Cette observation renvoie de facto à l’enfance des civilisations occidentale et asiatique du Proche-Orient, l’enfance d’une science encore à naître sur l’éthique du chercheur en sciences des religions.

10 René LEVY Disgrâce du signe. Essai sur Paul de Tarse. L’Age d’homme, 2012, p. 16

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Une malformation congénitale ou une circoncision maladroite, incision trop étendue pour interroger la maladie de Paul est suggérée dans l’emploi de la lexie ma mère, mère de Rufus, un procédé littéraire transitiviste. Occurrence unique dans son œuvre faisant référence à sa naissance et à sa mise à part in utero depuis le sein de ma mère, elle se trouve sans hasard dans sa lettre destinée à des Galates, une peuplade celte qui célébrait le culte des astres et fêtait les équinoxes avec en grand tapage, incluant des autocastrations afin d’entrer en communion avec la déesse, Ga 1-5.

Dans sa lettre aux Romains, il recommande de saluer Rufus, l’élu dans le Seigneur et sa mère, qui est aussi la sienne, Rm 16-3. L’article possessif de la première personne est effacé dans un tour de langue. Sentence qui éloigne la mère par une syntaxe qui la met à part, peut-être une concubine étrangère ou une prostituée qui aurait mis son enfant à part ? En Rom 16, Centrées, un toponyme familier pour ses lecteurs, semble proche de Corinthe où Paul aurait rencontré Aquilas et Priscille ?

La mort abolit la Loi si l’on donne à la mort le sens de purification par le sacrifice irréversible de chair coupable, par l’émancipation de l’esprit d’un corps castré permettant de vivre pleinement et seulement par esprit. Sublimation de la castration, Rom 7-6, 6-4, la voix en écho du psalmiste lance son cri d’appel en Ps 116-9 et Ps 56-

13,14, celui qui marche devant avec le souverain son premier eunuque. L’identification au Christ mort et ressuscité soutient le fantasme de Paul, homme de

honte depuis le sein de sa mère, herem, retranché avec sa mère de la communauté divine par la Loi (?) mais après la Loi. Or, à cette date, le Christ est mort, donc pour Paul ce n’est plus le Jésus prêchant l’amour du prochain, la Bonne Nouvelle et la résistance contre l’occupant aux gens simples des campagnes qui est ressuscité. C’est lui-même qui est ressuscité, le Romain, le légionnaire, le Converti arrêté sur la route de Damas par la volonté divine parlant dans une voix, un rêve ou un cryptage littéraire magique.

Une image grammaticale symbolique en langue hittite signe fantasmatiquement la mort du roi-père auquel succède le dauphin qui va recevoir l’onction pour remplacer le souverain mort et devenir ainsi fils de Dieu selon une coutume hittite du - IIe millénaire.

Une trace du phylum de la langue utérine maternelle surgit pour évoquer l’invasion des Hittites qui régnèrent un millénaire auparavant sur la Tarse, marquant la langue et la culture locale de l’empreinte de leurs habitus langagiers. Le ressuscité, c’est Paul lui-même, Saül se dirigeant vers Damas, arrêté sur sa route par son angoisse de castration.

Les méthodes de lecture des textes antiques de la Bible, considérées comme des écritures saintes par le christianisme et le judaïsme, sont différenciées. La lourde question du partage qui est à la base de toute communauté humaine, à commencer par le couple humain, est abordée dans les Actes des Apôtres quand Paul, s’opposant à Pierre, mit le doigt sur la question essentielle qui divise l’humanité : partager quoi et avec qui.

Symptôme anthropologique, étranger à la théologie, mais constitué comme tel, deux hommes, Pierre, Paul, Jacques peut-être, se heurtèrent sur les habitus ethniques formatés par les millénaires de vie nomade et de vie urbaine. Leurs us et coutumes de

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survie étaient des rituels quasi sacralisés, à valeur religieuse qui tenaient chaque petit groupe ensemble, immuable comme une constellation dans le ciel.

Entre Pierre et Paul, la rupture n’était pas officiellement consommée lors de la réunion de Jérusalem, mais le sait-on seulement, la question est ouverte. Deux millénaires se sont écoulés, les deux hommes continuent à s’affronter aujourd’hui, le pêcheur araméen reste difficilement compatible avec le citoyen romain qui se disait juif et connaissait les Ecritures sans pour autant connaître les nombreuses écritures des Ecritures qui circulaient à Qumrân, au minimum huit selon l’Ecole biblique de Jérusalem. Le corpus des textes attribués à Paul est important, alors que seulement deux épîtres de Pierre figurent dans le Nouveau Testament.

La deuxième lettre interroge le peu de controverses sur cette question ouverte pour une éventuelle recherche profane. Le destin de l’église confiée à la prédication de Paul a tourné le dos à Pierre comme si au commencement du IIe siècle jusqu’à la révolte de Bar Korba en +132 le combat s’était déroulé entre des sectes juives, préchrétiennes, judéo-chrétiennes ou non, venant des pierres d’attente de Qumrân. De Pierre à travers ses épîtres d’une part, et la diaspora de Paul, d’autre par, il reste des églises chrétiennes séparées, coupées en quelque sorte du monde juif d’aujourd’hui, également divisé.

Dans la pensée (inconsciente) de Paul, celui qui marche devant, c’est justement le souverain, le premier, le chef, la tête, son premier eunuque à son côté. Paul, devenu un nouvel homme ressuscité sur le chemin de Damas, prêchait la bonne parole en s’identifiant par son nom, à quelques versets du livre de Samuel que ses disciples s’étaient appropriés, pour avadiser les Ecritures en les appliquant à sa personne.

Le premier eunuque, tant en Anatolie que chez les Assyriens et en Ethiopie, était le bras droit royal, premier financier du royaume et chef des armées, pour lequel les réprouvés de Qumrân avaient inventé le chef des armées célestes auquel ils adressaient leurs louanges. La tête, le chef, celui qui n’a pas à se retourner ouvrait la Voie de l’avenir, la Rue Droite dans le récit de la conversion, voie romaine dont l’archéologie nous montre les tracés rectilignes sans contournements des obstacles montagneux ou pierreux même en France, mais qui au contraire les aplanissait pour permettre la libre circulation des légions dominant les territoires. Celui qui se retourne pour dire « Passe derrière moi, Satan », était une allégorie de l’autorité spirituelle de Jésus admonestant ses disciples, Mc 8-27+, plus proche de la vérité que le récit des Actes.

La Voie Droite pour Paul le conduisait vers ses futures victimes à Damas, sauvées par un retournement psychique en son contraire.

L’apparition du modèle gréco-romain dans l’architecture urbaine trahissait un scribe hellénisé, pactisant avec l’occupant ce qui était bien l‘inverse de la pensée de Jésus, né pour servir et accomplir l’alliance au Sinaï. L’antisémitisme de Paul avait été mal informé sur l’opinion que le petit peuple avait conservée de Jésus, une idéologie analogue aux crèches de Noël des enfants catholiques d’autrefois.

D’Abraham à Moïse, les langues, leurs écritures

Le phénomène cosmique de l’arc--en-ciel serait une métaphore de la nuée biblique, la brume appelée l'Etable par Eratosthène et Aretos, une allégorie spiritualisée de l’espace

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que les bergers situaient entre les deux étoiles de l'Ane, le noüs, ni l’âme, ni l’esprit, mais l’entre-deux selon Marie de Magdala parlant à Pierre, c'est lui qui voit11. Il s’agissait bien « du binôme cœur/âme bien connu de l’anthropologie hébraïque pour désigner l’intériorité de l’humain corporel, Dt 6-5, que la culture grecque avait érigée en la formulant en « une seule âme » pour qualifier l’union des amis, selon Daniel Marguerat (Belayche-Mimouni 2009).

Pour les bergers, c'est lorsque la nuée de l'Etable apparaissait que Moïse disait : « Lève-toi, Seigneur ! Tes ennemis se disperseront, tes adversaires s'enfuiront devant toi » Nb 10-35. Moïse savait que lorsque la brume cachait l'Etable, il fallait s'attendre à un violent orage12 car il avait bien fallu que deux des fils de Noé couvrent la nudité de leur père d’un manteau pour ne pas la voir. Selon la magie Héka des Egyptiens, seul l’ennemi devait être visualisé pour être vaincu. Merveilleuse métaphore météorologique que cette nuée qui se levait pour crypter l’idée de la présence divine animant la résistance du peuple juif, la shekinah, la demeure du divin dans le ciel qui lui montrait son chemin quand le vent de sable était tombé. C’était le héka égyptien protosinaïtique peut-être, nuée puis shekinah en hébreu, sekinah pour les Arabes, qui ouvrait le chemin de l’avenir vers l’étape suivante au prochain point d’eau pour abreuver les caravanes de milliers de chameaux.

Dans le vocabulaire des rêves en Mésopotamie, il existait en sumérien les verbes erebu = entrer et asu = quitter pour désigner le mouvement opéré par le visiteur du rêve. Mais il existait un autre mot en sumérien pour dire entrer, le verbe tur, employé pour parler de l'Etable = tùr, l'amas nébuleux au centre du Cancer dont l'entrée dans le ciel était signe de temps clément

13. L'Etable, espace nébuleux entre les Anes, deux

petites étoiles, constituait sans doute la métaphore amoureuse d'un poème dans lequel figure le roi d'Isin,

O Innin, lorsque tu seras ENTREE en l'Etable, l'Etable : O Inanna, sera joyeuse devant toi. O hiérodule, lorsque tu seras ENTREE dans la Bergerie, la Bergerie, Inanna, sera joyeuse

devant toi. Il reste peu d'éléments archéologiques de la période de domination assyrienne et

babylonienne en Phénicie, Pour lire la Bible, il reste des mythes, des traces d’idées, des phonèmes et des langues qui les véhiculèrent14. Jolie métaphore que l’épi, le blé,

11 Evangile selon Marie, apocryphe chrétien 12 Pascal CHARVET Eratosthène, Le ciel, Mythes et histoire des constellations. Nil éditions 1998, p. 71 13

Leo OPPENHEIM The Assyrian dream-book in Transactions of the American Philosophical Society, volume

46, part 3, Philadelphia 1956. p. 188. 14 Job, fils de l'Orient, était sans doute marqué par l’énergie sémantique sumérienne shà = cœur, intérieur,

shàtùr = utérus, sur tur = bergerie, étable, et Shamash, dieu soleil en Mésopotamie. La divinité sumérienne

Shala, dame de la répartition du grain, devint la constellation de la Vierge pour les Grecs, en sumérien, la =

abondance, joie, désir, force de la jeunesse. La dame désignait l'Epi, une étoile posée sur sa main qui la fit

entrer dans le ciel d’Eratosthène et tardivement dans la Bible.

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l’épeautre, sans doute, qui guidait les bergers et les mages vers l’étable où Marie, la vierge, judéenne ou galiléenne, donna le jour à l’enfant Jésus conçu au cours d’un rêve.

Le soleil shamash partage une racine, un sème et un phonème avec l’hébreu shama = oreille, entendre, interpréter ce qui s’offre au regard ? Le dictionnaire shamito-sémitique d’Orel indique que les mots grains, farine, céréales ont une racine sémitique commune *√bar-*√bur, akkadien burru, hébreu bar, Rift *√bar tandis que mash est un mot sumérien qui peut signifier jumeaux, image grammaticale du double, de la répétition, le superlatif sumérien dans les constellations des Gémeaux et des Poissons. L’un des trois rois de la légende évangélique venait-il du Rift africain, arrivé au rendez-vous fixé par le ciel ? Joli conte de fées dans la manne, la rosée, le pain qui apparaît à l’aube, un don des céréales venant de l’initiale de la divinité sumérienne à l’épi Shala, avec la lumière du soleil qui pointe à l’horizon de l’aube, shams en arabe. Une concordance sémantique s’établit en grec avec le mythe grec de daphné laurier rapporté au mot sanskrit usah pour symboliser la roseur de l'aube ahana, aurore i.e.*√ausos, aus qui signifiait également oreille.

Pour Paul, la promesse à Abraham avait sans doute échoué à apporter son salut à l’enfant atypique Saül, innocent qui n’aurait pas consenti à sa mort non mortelle. L’indice permettant de penser qu’il était juif tient au fait que la loi mosaïque était très rigoureuse à l’égard de l’homme aux testicules écrasés, exclu de la communauté divine, « stones crushed », c’est-à-dire mort dans sa vitalité énergétique du fait de son impossibilité anatomique de pouvoir participer à la « rencontre biologique sacrée » qui permet d’engendrer une descendance.

La shegullah abrahamique, Ex 19-5, Det 7-6, apparaît dans toute son importance pour permettre de comprendre les dérives linguistiques des traductions et applications successives de l’alliance, selon les idiomes, les strates différentes des versets et chapitres du livre de la Genèse, qui séparent l’alliance noachique de l’alliance mosaïque. Les interprétations diverses de la notion de divinité et de communauté divine s’expliquent à travers la durée des presque deux millénaires qui séparent Abraham et Moïse au Sinaï.

A l’origine, la promesse à Abraham reposait sur une berit, une alliance, un mot dont l’étymologie est fondée sur l’akkadien biritu, lien15. Au Livre de la Genèse, le signe de l’alliance pour Noé, l’arc-en-ciel du -IVe millénaire serait une trace de la société Harappa de l’Indus ? Pour Abraham, le signe de l’alliance sera la circoncision pour son clan, sa race. Le berit dans son acception biblique renvoie aux lois noachiques, à l’engendrement, à l’ordre des générations et leur succession dans la vie de l’enfant de la rencontre. Une vision très archaïque du -IIIe millénaire apparaît dans l’importance d’une tradition de respect de la loi naturelle chez les Hébreux, un lien corps-esprit, corps-âme, corps-langue, qui permet la maîtrise de ces deux ordres.

La lecture de Gen 12-1 du mot genèse permet d’anticiper la vague purificatoire du mouvement messianique ultérieur. Les hommes des temps bibliques appelaient péché d’Israël, les manquements à l’alliance et au respect de la loi du désert. Entre Noé et Abraham, entre Abraham et Moïse, et même entre Moïse et le moment où les premiers

15 Annie JAUBERT La notion d’Alliance dans le Judaïsme. Seuil 1963, p. 27.

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textes bibliques furent consignés dans les Ecritures, le nombre d’incertitudes historiques et linguistiques est tel qu’il faut se résoudre à penser en mises en séries d’hypothèses. La tâche est d’autant plus ardue que les mots donnant lieu à interprétation comme l’akkadien lien, biritu, restent flous selon l’écriture d’origine d’un texte originaire inconnu, oral, écrit, sa source, son contexte, l’époque, son lieu d’origine, son histoire phonologique et graphique.

L’interprétation reste hypothétique du fait de la complexité de l’histoire des traditions bibliques, du fait de la variété des calendriers et des fêtes autour des groupements yahviste, élohiste ou sacerdotal. Dans le culte de Mitra, le contrat correspondait au serment dans l’alliance par la circoncision. Le quart d’année des trois saisons égyptiennes, représenté par les treize chants du Sacrifice de Sabbat à Qumrân était lui-même divisible par quatre, faisant du quatrième quart du mois, le quart d’année retrouvé dans la mystique égyptienne avec le dieu Toth des écritures.

Pour l’assyriologue Edouard Dhorme o.p.16, l’euphémisme pieds pour organes génitaux (parties honteuses à son époque) indique que la pudeur a contribué au choix des termes pour exprimer les organes cachés à la vue.

Or, selon Baudoin de Courtenay, l’articulation du langage humain au cours de l’évolution, se déplacerait parallèlement à l’élévation mentale de l’humanité. Si une tendance à l’antériorisation de l’articulation phonétique se dégagea dans les langues indo-européennes alors, un déplacement vers l’arrière aurait marqué une régression. Or, on sait par Freud, que des notions inconscientes peuvent donner accès à des expériences collectives antérieures à la naissance, par conséquent, l’akkadien et l’hébreu étant des langues sémitiques, le passage du u akkadien vers le i hébraïque entrait dans la logique universelle du développement mental de l’humanité.

On retrouve le a de bashtu et de baltu, équivalent de pudenda, à une étape intermédiaire entre le cunéiforme sémitique et sa translittération massorétique. Le graphe du triangle des voyelles indo-européennes ressemble étrangement au pictogramme sumérien du triangle pubien avec le trait de la vulve pour marquer le clitoris. Par conséquent, le triangle sumérien associé au signe de la montagne, le cunéiforme indiquait qu’il s’agissait des « femmes étrangères, venues de l’autre côté des montagnes », esclaves enlevées en butin de guerre au cours de razzias. Agar, servante de Saraï, serait une représentante de cette écriture de légende. Les hommes faisaient la guerre et pratiquaient tous les mêmes méthodes.

La honte Osée, 2-7, 2-12, 9-10, est rendue en français par l’image de la prostitution dont l’équivalent hébraïque est beth, vav, shin aux multiples occurrences en Jr 31-19, 2 R

16 Edouard DHORME L’emploi métaphorique des noms des parties du corps en hébreu et en akkadien.

Geuthner 1996, p. 108 à 113. lL’akkadien parlera de birku, genou et la femme uru nudité, images et litotes

bibliques, au figuré la nudité de Noë. Une racine hébraïque rejoint le thème de la honte partagée par les

Akkadiens et les Hébreux : baltu pour bashtu), bultu pour bustu), qui équivaut pour Dhorme à honte, beth, shin,

het, qui a le même sens que pudenda en Det 25-11, « être vêtu de honte », Ps 35-2616. Le vêtement, ici vêtu

traverse les millénaires pour établir un lien entre le manteau du roi Harappa et son emploi par Paul pour parler

du Christ. On retrouve ici la racine ie/hs*√blt rencontrée plus haut, au Dptmt des primitifs italiens du Louvre.

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19-26, Is 42-17, Ps 44-8, Pr 17-2, 2 S 19-6, Jr 8-9, 1014. La honte ne désignait pas le péché de la chair de l’homme avec la femme, Ps 44-9, il désignait le culte païen rendu à l’objet le représentant, l’idole dans la Bible. Le hiéroglyphe égyptien du lien représentait les idoles bibliques : l’organe masculin en action, le vav hébraïque, héritier du signe du lien égyptien,

(Ouaknin 1997), phallus orgiaque à Athènes, effigies de la porte initiatique féminine dont les plâtriers de mensonges faisaient des idoles d’argile à ne pas regarder, Job 13-4 ; 13-

12, idoles, Dt 4-23. En 1935, à Nuremberg, devant l’immense cohorte militaire déployant la force du

parti nazi en marche, défila un immense ostensoir portant la Svastika, fétiche du jour. Pacelli n’était alors que secrétaire du pape en exercice, Pie XI.

Mais le terme lien, berit akkadien proposé par Annie Jaubert, pourrait désigner la ligature d’Isaac, son premier lien à sa mère, le cordon ombilical, représenté au figuré dans la Torah par l’holocauste qu’Abraham se préparait à accomplir, soit l’immolation de son fils premier-né sur le modèle d’Ougarit du Poème des dieux gracieux et bons, soit sa castration, soit ce qui est beaucoup moins certain, sa circoncision, plutôt son immolation suivi du festin de sa manducation. Le vœu d’Abraham était d’accomplir un rituel dicté par le livre du ciel étoilé, dont les astronomes mésopotamiens avaient les secrets, n’ayant d’autre livre scientifique à leur portée. Les mythes hébraïques racontent que Salomon avait acquis sa sagesse dans le Livre de Raziel, un recueil de secrets astrologiques, gravé dans du saphir. L’idée d’un livre divin des secrets se retrouve en II Henoch XL à XLIII, un texte en vieux slavon des XVe à XVIIe siècles qui permet de supposer l’existence antérieure d’un texte araméen hébraïque perdu17 ? L’idée d’élévation y est préservée dans le ravissement d’Hénoch, II Henoch I : selon une tradition juive, le livre des Secrets fut donné à Adam, puis Noé et Abraham, Jacob, Lévi et Moïse et Josué.

Le fils d’Abraham n’avait pas été lié pour l'holocauste, mais seulement élevé en élévation sur une montagne désignée par Yahvé. L'enfant cherchant des yeux l'agneau pour le sacrifice, l'ange de Yahvé appela Abraham d’en-haut : Abraham leva les yeux et vit un bélier, Lev 22-13. Vision prophétique et indication cosmique majeure sur le Bélier car, si de -4000 à -1900, le Taureau18 avait été le signe de l’équinoxe de printemps, du -XVIIIe siècle av J.C jusqu’au -Ve siècle, ce fut dans la constellation du Bélier que le soleil entrait aux premiers jours de printemps. L’expression hébraïque « lever les yeux » était synonyme de « scruter les étoiles », ce qui aurait dicté à Jésus la phrase adressée aux scribes « vous scrutez les écriture dans lesquelles vous pensez avoir la vie éternelle, or ce sont elles qui me rendent témoignage », Jn 5-39.

Rythme du cosmos, temps des saisons et du renouvellement de la vie, renouvellement des générations, Jésus dénonçait non seulement les sacrifices mais également les castrations en guise de purification. La fête catholique de la purification est le 2 février, limitée à la Vierge, conçue sans le péché originel, née d’un rêve à l’ombre du divin.

17 Ecrits intertestamentaires. Le Livre des secrets d’Henoch, Pléiade, Gallimard 1987, p. 1165 18 ERATOSTHENE, Le Ciel, mythes et histoire des constellations,. Sous la direction de Pascal Charvet.Nil éditons,

1998, p. 83 et 97

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Pour les Purs, la pédérastie enseignée dans les gymnases grecs et imposée aux pays occupés était une application de leur quête de pureté à retrouver chez les innocents qui, aujourd’hui, la subisse comme un châtiment inavouable de grandes personnes, impossible à comprendre. Quand Paul parlait aux Galates, il leur reprochait de servir et de suivre les astres, Ga 4-10, dans l’observation des fêtes. Il négligeait les traditions millénaires quasi universelles devenues des rituels sacrés mais non religieux des fêtes d’équinoxe où les divinités féminines païennes étaient célébrées par des autocastrations rituelles avec breuvages de tisanes euphorisantes.

Les hommes de la préhistoire commencèrent-ils à compter lorsqu’ils découvrirent que le rythme cosmique cyclique du ciel et du retour des saisons imprimait un rythme de fécondité au corps femelle, animaux et femmes, un rythme de fécondité pour la terre, pour la nourriture des bêtes, du clan, pour la postérité de l’homme, sa descendance, faisant de la permanence de ce mouvement temporel un espace créateur. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, souvent dans la Bible, la femme était parmi les animaux dans sa qualité unique de simple vivante, à côté de l’homme.

Le yoni indien, symbole féminin par excellence des idoles bibliques, faisant l’objet de la honte pour les Hébreux parce qu’ils représentaient des effigies féminines et masculines des organes génitaux que la pudeur des biblistes n’a jamais explicité en habitus païens, causes des chutes et rechutes du peuple juif dans la pratique de ces jeux idolâtriques et fétichistes. Freud parlera de perversion, plusieurs millénaires plus tard.

Les pérégrinations d’Abraham incluaient-elles l’Est asiatique de l’Inde et de l’Hindus ? Compte tenu du fait que les premières migrations humaines paléolithiques se firent d’Est en Ouest, l’hypothèse d’Asko Parpola que l’on retrouve au -IIIe millénaire au temps de Gudéa, à Ur et à Lagash selon laquelle le trèfle sur l’épaule royale avait une signification religieuse comme « vêtement divin » fait le lien entre cette culture de -2600 à -1900 de l’Indus19 avec les mythes d’alliance avec Y ahvé apparus autour des récits mythologiques de Noé et d’Abraham. Le trèfle d’Harappa et les couleurs de l’arc-en-ciel ont en commun de métaphoriser le pouvoir créateur du roi du ciel, un héritage du triangle sumérien dans le Penjab et le Sind.

Chez les Hébreux, les images visuelles et symboliques de la déité étaient interdites, c’est pourquoi le mot désignant l’acte humain de la rencontre était le Nom, indicible, ineffable par respect, car il accomplissait la nature qui fait de l’humain un créateur, comme un dieu, au moyen du k araméen de la similitude avec une royauté qui fait de l’homme l’artisan de l’accomplissement de la promesse de Yahvé à Abraham. Cette royauté en k rejeta peu à peu l’idée du chaos initial, elle se perpétua en se répètant à chaque génération selon le modèle yahviste, l’expression hékim berit « maintient l’Alliance » au moyen du verbe hékim (hifil de qum), Yahvé renouvelle son alliance, la restaure.

A Qumrân, « les hommes du collège supérieur de la communauté devaient des êtres parfaits en tout ce qui a été révélé de la Loi pour pratiquer la vérité et la justice, le droit

19 Asko PARPOLA « The Sky-garment. A study of the Harappan religion and its relation to the Mesopotamian

and later Indian religions ». Studia orientalia. Edited by th Finnish oriental Society 57. Helsinki 1985.

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et l’amour, la bienveillance et la modestie de conduite l’un envers l’autre, garder la foi, racheter l’iniquité », 1QS 8-1 à 320.

Le psaume 44 devint la clé de lecture d’un secret de famille que des millénaires exacerbés par son contraire social transformèrent en un désir fondamentaliste de pureté, la castration de chose anatomique de la chute pour empêcher la rechute. Et à l’infini pendant des millénaires, l’orant adressait sa prière à un dieu sans nom, non nommé à cause d’un syncrétisme entre son nom et le nom qu’il donnait à ce dieu non nommé. A Babylone, des noms théophores apparurent composés avec yau qui, pour E. Dhorme, aboutirent à yahu et finirent par donner le tétragramme

La racine sémitique BRT de karat biriti, couper l’alliance, si proche du BLT de l’akkadien biritu lien, le berit de l’alliance, est dans le rituel de l’animal partagé, coupé en deux. Yahvé passe entre les animaux partagés en rite d’alliance, Jer 34-1821. Ce rituel karat biriti du -XVe millénaire en Syrie du Nord, gravé sur une stèle, était lié aux imprécations et aux serments qui marquaient les pactes, des alliances signées entre les souverains lorsqu’il s’agissait d’établir des frontières délimitant les souverainetés et les droits. Le temps qui s’écoula entre Abraham et Moïse est trop long pour généraliser le sens de berit, entre les peuples et les langues. Si l’alliance berit vient de l’akkadien biritu lien, il faut se résoudre à interpréter la circoncision comme le reste tardif de coutumes limitant au corps, la notion de lien à la vie et à son renouvellement. L’efficacité symbolique du pacte de paix associée à la force vitale lorsqu’elle se concluait par le don d’une fille en mariage au fils de la partie adverse et au serment sur sa vitalité sacrée, le père apportait sa garantie à l’efficacité génésique du fils, son Ka, son potentiel vital. La magie Héka constituait l’activation de ce potentiel vital d’une chose créée par la parole, l’image ou l’écrit. La stèle de pierre gravée jouait ce rôle, elle a donc la force magique d’agir dans le futur. Les vivants devaient rendre son héka à un mort pour qu’il survive dans l’au-delà et crée sa place dans le domaine du ciel parmi les étoiles.

L’expression couper l’alliance croisait l’écriture hiéroglyphique par la présence du couteau dans le hiéroglyphe du prêtre pur pharaonique pierre d’attente du couteau d’Abraham dans l’épisode de la ligature d’Isaac. Yahvé arrêtait le couteau, il sauvait le fils, interdisait l’holocauste et la castration. Plus de banquet pour célébrer le rituel comme à Ougarit, le chevreau ne serait plus cuit dans le lait de sa mère, la circoncision ne serait plus qu’une trace des sacrifices humains, une rupture s’établit avec la Syrie du Nord.

Le mythe du festin de la horde inventé par Freud permettant aux fils du père de créer la société par leur union autour du parricide justifiait la Loi des Hébreux renouvelant le concept d’alliance par la pacification des mœurs. Moïse l’Egyptien connaissait la magie du Héka, c’est pourquoi il descendit du Sinaï les yeux voilés, geste analogue à celui les fils de Noé qui avaient mis un manteau pour cacher la nudité de leur père. Mais Le terme akkadien bishshunu nudité rendait-il compte de la nudité biblique ?

Isaac avait vu le couteau et il cherchait des yeux l’agneau pour le sacrifice. Le père avait répondu Dieu y pourvoira. Le récit littéraire raconte qu’enlevant les yeux, Abraham

20 Annie JAUBERT. La notion d’alliance 1963. Opus cité, p. 28 (notes 4 et 5) et p. 144, 225 etc 21 Henri CAZELLES Dictionnaire de la Bible. Supplément, Rubrique Patriarches. Letouzey-Ané, 1966, p. 150

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avait vu LE bélier, texte ne dit pas un bélier. Il délia son fils, sacrifia l’animal aperçu, Yahvé avait arrêté son geste.

La divinité prenait toujours les initiatives, jamais l’homme, l’enfant avait vu, le père également, magie héka. Comme dans les sacrifices chez les Grecs, dans cette ligature d’Isaac, on ne voit rien du sacrifice, rien de ce que vit et subit l’enfant tandis que le père élève l’autel, dispose le bois, lie l’enfant, le met sur l’autel. C’est l’ange de Yahvé qui arrête le geste en appelant Abraham deux fois par son nom, déliant les sacrifices d’enfants. Rupture épistémologique avec les pratiques du Nord, avec le passé, la Bible préparait le chemin pour Paul qui n’aura plus qu’à développer sa libération par la foi à partir d’un seul énoncé, le nom répété par deux fois, Saül, Saül, il n’était pas question d’amour, seulement de nomination.

Pour le barde qui raconta ce récit, Abraham était-il une figure mythique du père céleste qui organisait le cosmos à son gré ? Les signes hiéroglyphiques qui coupaient les animaux et les arbres, sciaient Isaïe en deux avec une scie en bois, racontaient des phénomènes astronomiques réels, observés par des hommes qui les avaient vus et en avaient tiré des croyances sur leur pouvoir, objet de traductions fantaisistes dans la mythologie grecque. Les Grecs reçurent facilement la science des mages mésopotamiens, car les mythes mésopotamiens racontaient autrement les mêmes histoires cosmologiques de création du monde et interrogeaient le même miracle de la genèse de l’humanité à partir des récits oraux de la création par l’homme et la femme de leur enfant.

Moïse détruisit les tables de l’alliance au Sinaï, d’autres après lui l’écrivirent et l’appelèrent Torah, diathèké en grec. Paul chercha à la détruire dans un projet mal clarifié par cinq siècles de scribes qui s’endormirent sur le secret de famille des disciples réunis à Antioche, non décrypté faute d’information sur la diaspora.

Le malaise dans la culture fut décrit par Freud, les rêves et les cauchemars n’ont pas cessé. Les secrets de famille sont la source des psychoses, en trois générations, le mal est là, le ver est le fruit. Dans son Moïse et le monothéisme publié peu avant la deuxième guerre mondiale, il avait vu son ennemi au moyen de « l’arme donnée aux hommes par le dieu pour parer l’effet des événements » (éteindre le feu). Le don par le démiurge à ceux qui étaient issus des larmes de son œil22, le h du souffle de la vie avait donné leur nouveau nom à Abram et Saraï dans la langue hébraïque qui leur était prêtée.

La nomination d’Abraham et Sarah marque l'évolution des langues attribuées à Yahvé, la désinence en –aï abolissait le nom de Saraï par injonction divine. le nom de Sarah véhicule du souffle de la consonne h sacralisait la vie, hay, hâyâh en hébreu. C’est le souffle du h, hé en égyptien qui lui permit de concevoir un enfant et d'accéder à la maternité. En hébreu, het obstacle dérivait de hati, le Hittite, l’envahisseur.

Saraï perdant sa désinence en -aï, marquait le toponyme Aï proche de Béthel, à seize kilomètres et demi au Nord de Jérusalem. Abram devient Abraham à partir du sumérien, une langue agglutinante qui réunissait am (force, puissance, seigneur) ah (force), a ou a-a (père), bara2( souverain). Abraham devint bara dirigeant, à l'occasion de

22 Marc ETIENNE. HEKA. Magie et envoûtement dans l’Egypte ancienne. Les dossiers du Louvre. RMN 2000

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la prise de parole par Yahvé annonçant qu'il engendrerait une multitude. Le souffle du ah = force en entrant dans son nom, lui redonnait la vitalité sacrée requise à un homme de quatre-vingt-six ans pour engendrer une descendance.

L'un et l'autre, l'époux et l'épouse, avaient reçu l'insigne du souffle sacré en h qui s'incarnait dans la graphie-phonie de leur nom, la parole divine se faisait chair.

C’est ainsi qu’en philologie, les racines étymologiques reconstituent l’évolution darwinienne de l’humanité au moyen de la phonologie historique de ce qui devint la racine sémitique arabe BLD désignant les endroits plats du corps, l’espace entre les sourcils et les seins23. Par analogie et par euphémisme, cet espace pouvait désigner le corps plat de l’homme après sa castration en esclave ou en captif.

L’image égyptienne des liens qui entravent le captif dans sa représentation en terre cuite est une manière magique de lui infliger les dommages voulus par la menace qu’il représente, tout comme le faisaient dans la France profonde paysanne les figurines traversées d’épingles bien connues du curé d’Ars.

Lié, le captif est privé de sa capacité à agir, il est soumis, sa capacité à se déplacer lui a été ravie, mais pas celle de penser. La figurine d’argile, l’idole est interdite par la Loi. La racine BLD évoque l’arabe balad le paysage plat de la campagne, le contraire de la montagne et du Rocher du Temple, baluda est le balourd. En linguiste, David Cohen pose comme possible en arabe et en araméen le mépris du Bédouin à l’égard du sédentaire, ce qui rejoint bien la légende biblique de Caïn et Abel, les traversées du désert par Abraham et longtemps après, l’Exode du peuple juif à la suite de l’Egyptien Moïse. Traversée magique de la mer des Roseaux coupée en deux, un passage s’offrit au peuple hébreu, parti à la hâte sans donner au pain le temps de lever.

Une racine sémitique BLT qui sonne comme l’akkadien balatu, vivre, baultit, ver qui ronge le bois, (Cohen Cantineau 1997, p. 67) rappelle étrangement le lien, la berit d’Abraham.

Le phonème [l] akkadien de balatu vivre est le [r] égyptien de berit, lien, dans rn = le nom car les Egyptiens n'avaient pas le l dans leur système phonologique. Le el hébraïque de elohim, un nom divin perçu [r] par les Egyptiens correspond au hiéroglyphe égyptien

très ancien du Nom, rn wr, dans le nom d'Horus et dans le Nom du grand Roi24, rn, le nom. Ce hiéroglyphe comporte en particulier le signe de la bouche, Gardiner D 21, placé au-dessus du signe de l'eau, Gardiner N 35, à côté du Gardiner A 2, déterminatif de la bouche pour les activités qui lui sont liées, parler versus se taire, etc, liées aux activités intellectuelles, penser, aimer, entendre.

En Gen 15-17 et 18 « le soleil se couche, un four fumant et une torche de feu passent entre les morceaux ». Quelque chose annonçait la malédiction divine, Jer 34-18, Yahvé avait fait alliance en passant entre les deux parties de la bête offerte en holocauste, les hommes ne l’avaient pas suivi, à la fidélité divine l’homme avait répondu par ses infidélités. Le hékim berit de l’Alliance abrahamique n’avait pas été respecté, la magie égyptienne héka l’avait remplacée, la vocalisation de l’écriture fonctionnait déjà comme un voile en passant d’une langue à l’autre, d’une époque à l’autre, d’un barde à l’autre.

23 David COHEN et Jean CANTINEAU Racines sémitiques. Volume 1 (fascicules 1 à 5). Peeters 1997, p. 66, 67 24 Bernadette MENU Petit lexique de l'égyptien hiéroglyphique, p. 134 Geuthner 1997

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Cinq millénaires ont passé et les Egyptiens francophones continuent à aspirer le h muet de mots français, un homme est hhaut, prononcé comme le high anglais s’il est de grande taille. Cette phonétisation en h deviendra la Vie dans la bouche de Jésus25, l'incarnation au sens le plus biologique et réel du terme, incarnation in utero du langage et de la libido maternelle sur le fœtus, « Je suis la voie, la vérité, la vie » Jn 14-6

L'hébreu hâyâh vivre signifiait aussi survivre. Saraï était dans la plus pure tradition de son clan en désignant sa servante pour apporter une solution à la question non résolue de sa stérilité. La polygamie d'alors apportait cette solution à la femme stérile, l'enfant de la servante appartenait à l'épouse. Trait ethnique, croyance en la vie éternelle, foi en la vie que transmettent les vivants avec les vivantes ? A mesure que les corrections se superposaient dans la tradition orale d’un conte fantastique, l'enfant d’Agar appartiendra de moins en moins à Sarah. Lorsque Agar la mère prit la fuite, elle emportait l'enfant avec elle, contrairement à l'usage. Ainsi fera Marie, fuyant le massacre d'Hérode dont l’historien Schenkel26 pose qu’il s’agirait d’une légende ou d’un mythe. En sumérien, sha = tarir, flétrir, shara = se dessécher, se flétrir, est la description de la femme âgée, Shiva divinité asiatique hindoue dont le nom sanskrit signifie « qui porte bonheur », peut-être Ia, déesse de l’eau.

Freud en travaillant sur l’ordre des voyelles27 indiquait que dans les rêves et les idées qui nous viennent, des noms qui se dérobent doivent être remplacés par d’autres qui n’ont de commun entre eux que l’ordre des voyelles. La philologie et la traductologie présentent les mêmes phénomènes, l’akkadien fournit de nombreux exemples de mots en u ayant leur équivalent en hébreu en i. Il en serait ainsi pour le changement vocalique du biritu akkadien lien devenant le berit hébreu alliance au moyen d’une métathèse du -tu en -it, les mots à désinence en u étant fréquents en akkadien, il est possible qu’il s’agisse d’une loi générale propre au passage de cette langue à la phonologie de l’hébreu biblique.

Entre l’Alliance abrahamique du -IIIe millénaire et le texte de Jérémie, deux millénaires et demi de traditions orales se sont écoulés, l’idée est restée dans la mémoire et dans la langue des peuples de la promesse. L’Egypte a envahi le Proche-Orient jusqu’au Mitanni, frontière fluctuante de l’empire des Hittites. Les Hébreux bibliques ont été punis pour leur infidélité en adoptant la langue et la religion égyptienne.

L'interdit d'énonciation du nom divin chez les Hébreux attesterait l'existence d'un tabou phonique, une crainte sacrée liée à l'idée d'un dieu psychopompe babylonien du rêve, dont le nom Ziqiqou ou Zaqiqou, démon nocturne rattaché à la racine souffler qui montrait la nature « pneumatique » du fait onirique28. En Mésopotamie, le rêve et l'âme du mort étaient constitués d'une substance aérienne.

25 Le sumérien e = parler devenu l’hébreu he du souffle vital reste un h aspiré non signifiant en français. Dans

les langues sémitiques, le h et le k ou le kh étant souvent confondus, le h chaldéen correspond au k égyptien, le

ka de la personnalité. 26 Christian-Georges SCHWENTZEL Hérode le Grand, Juifs et Romains, Salomé et Jean-Baptiste, Titus et

Bérénice. Pygmalion 2011, 27 FREUD « La signification de l’ordre de l’ordre des voyelles » 1911. Résultats, idées, problèmes I. PUF 1984 28 Marcel LEIBOVICI Mythologie onirique babylonienne, p. 65, Sources orientales, Seuil 1956

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Les croyances suméro-akkadiennes, égyptiennes, subrepticement entrées dans les langues bibliques pénétrèrent l’hébreu, la gémination en kk à valeur de superlatif dans le nom du démon Ziqiqou du rêve à Sumer, croisait et/ou génèrait la gémination du k en égyptien, présente dans le kékou des ténèbres égyptiennes de la terreur sacrée.

Dans les langues indo-européennes, Emile Benveniste abordant la question du sacré observa une situation linguistique originale par l'absence de terme spécifique en indo-européen commun, alors qu'en iranien, latin, grec, il existe une double désignation, les idées religieuses évoluant de la parole efficace vers la notion de fertilité29.

Concernant la crise de Corinthe dans le fantasme de Paul, sa pensée refoulée concernait toutes les femmes, les mères, la sienne, fantasme que les femmes de Corinthe rejetèrent violemment en prenant prétexte du voile pour manifester leur révolte contre une autorité extérieure à la Grèce hellénistique. Leur mouvement était légitimé par les habitus d’alors, considérations des femmes atteintes par un prédicateur dans leur être de femme, considérations qui n’ont pas été prises en considération au cours des siècles par la tradition en dépit de la protestation de celles qui parlaient en leur nom propre. L’histoire de la Corinthe attique comme celle d’Ephèse, en Asie mineure, n’a retenu que les débauches de populations dont les habitus nécessitent une investigation sémantique dans leur contexte antique et ethnique par rapport aux réactions de Paul en vue d’établir les faits purement historiographiques. Les ennuis de Paul à Ephèse vinrent des Juifs qui le contraignirent à partir. Corinthe était un port.

Afin de désenclaver les stéréotypes construits par la jeunesse en colère des années 1968, il faut commencer par désenclaver l’histoire des religions qui n’est sort pas dans le déchiffrage des archives de la seconde guerre mondiale afin de protéger lignages et lignées d’ancêtres, témoins des faits historiques de la séparation de l’église et de l’état. Le terme laïcité reste un mot dangereux à utiliser avec précaution. Janus relève du processus de constitution d’un stéréotype avec deux composantes essentielles : il n’est pas hérité de la génération précédente mais il est parvenu à s’ériger en mythe politique au sein de la nouvelle génération30

L'interprétation d'une identification de Paul à la « résurrection » du Christ, sa propre résilience, n'inscrit aucune polémique dans un débat théologique ou exégétique. Elle vise à éclairer l'historiographie des années 49-50 du premier siècle de notre ère, à la lumière des apports des textes de Qumrân, riches en informations sur les traces conservées de l'exil à Babylone, spécialement en matière de langue, lecture des astres, découpage du

29 L'identité initiale du verbe se gonfler dans la formation en –ro d'un terme ie*√kuro, tant en indo-iranien qu'en

grec, a pris le sens de force et d'autorité, en évoluant du sens de gonflement vers force et prospérité. Cette

racine pourrait valider l'existence d'une racine proto-indo-européenne *(s)kulo = cachette, *gc √hulo = caverne,

qui expliquerait le sanskrit karu = chantre, tout poète sachant que l'écriture est le refuge pour les pensées

intimes où faire taire pulsion de mort, moteur de la terreur sacrée qui mène au « raptus anxieux » d’une

certaine psychiatrie actuelle ? Cette racine sanskrite *√kuro se trouva en concurrence avec la racine

européenne *√bhle l'idée de feuille, qui produisit le grec phullon = feuille, l'idée de fleur > bloom, mais aussi l'idée

de sang > blood, blut, célébrée par les nazis, le sang féminin des Allemandes. 30 Jean-François SIRINELLI. Désenclaver l’histoire. Nouveaux regards sur le XXe siècle français. CNRS éditions

15 rue Malebranche, Paris 2013, p. 89

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temps et organisation des calendriers des fêtes par l’astronomie. Cette résilience en appelle à la psychiatrie et surtout à la psychanalyse pour interroger le phénomène de restauration intérieure vécu par Paul à travers le récit magique de sa conversion. Il importe de resituer les paroles de Paul dans un contexte messianique, tout en questionnant son identité originaire, dans le climat de la grande peur qui avait envahi le peuple judéen, épuisé par les occupants perses, grecs et romains, dominé par des élites locales corrompues par la marée hellénistique.

La Tarse et la Galatie étaient restées longtemps sous occupation hittite, des peuples indo-européens, ces deux provinces n'avaient donc pas de raisons de connaître la loi juive. Vers -300, la Galatie avait été envahie par les Celtes, également des indo-européens, des Gaulois.

Alliance ou Loi juive. Abraham ou Moïse ?

La Loi est un terme grec, très vague à élucider dans la mesure où l’on ne sait jamais de quelle loi il s’agit. La Bible emploie le terme de Torah, pour désigner le texte écrit qui, peut-être pour certains livres ne connut jamais de texte sémitique antérieur au texte grec dont la datation est impossible. La traduction diathèkè est par elle-même une interprétation selon Annie Jaubert ; elle engage d’emblée une doctrine religieuse de l’Alliance (Jaubert 63, p. 312+), c’est-à-dire la disposition de salut établie par Yahvé pour son peuple. L’analyse que fait cet auteur du sens en grec pour diathèké, proche d’ordonnance l’amène à dire que le terme traduit torah en Dan 9-13 et dabar parole (de Yahvé) en Dt 9-5.

Concernant la berit hébraïque, sans entrer dans le débat polémique de la traduction en grec par diathèké (par oubli d’une contamination linguistique ancienne), on peut observer que l’introduction du sh akkadien ou sumérien du nom de Shala31, dans le terme berit, le lien, l’alliance phonétisée produit le mot bereshit. commencement. L’introduction de l’initiale du nom de la divinité de l’abondance du grain, on parvient à la multitude promise à Abram par un processus linguistique propre à l’alphabet hébraïque.

Un processus phonétique propre à des langues en contact, comparable à la métathèse était-il calculé ou inconscient, préformé comme le lapsus, nécessaire à la formation des idées, était possible car il est à rattacher à un système d’oppositions et de contraires dans l’inconscient que l’on retrouve avec le st de Sothis-Sirius, st le nom de Seth et de Satan, l'étoile du matin, étoile du berger, qui entre dans le nom krios du Bélier pour former Kristos, le Nom du Christ. On trouve dans cette série de processus diversifiés des exemples de sons opposés et de sens contraires, propres à la langue égyptienne ancienne et au rêve qui ont suscité un débat publié par Emile Benveniste au sujet des propositions de Karl Abel au Congrès des Orientalistes de 1895, à Lisbonne. (Benveniste 1966).

31 Roland LAFFITTE. Site Internet www.selefa asso.fr. Déesse sumérienne, constellation Shala à l’origine de la

constellation de la Vierge. Société d’Etudes et étymologiques Françaises et arabes, site WWW.uranos.fr. En

sumérien, AB.SIN, l’Epi dans la naissance du zodiaque à Babylone. Il s’agissait peut-être de l’étoile Spica ?

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Cette controverse entre linguistes et mythologues tient au fait qu’il s’agit d’un dialogue de sourds puisque l’inconscient ne connaît pas l’orthographe et que les faits sur lesquels sont construits les mythes, souvent d’origine onirique, sont considérés comme des faits réels mais si anciens dans le temps qu’ils ont disparu de l’horizon des historiens.

Le Livre du Ciel, le Temple céleste de Qumrân, le ciel d’Or d’Isis la grande au Louvre, apparaît dans toute sa transparence pour désigner le culte païen des astres dénoncé par Paul aux Galates à cause des fêtes d’équinoxes célébrées dans tout le monde païen, indo-européen et sémitique, de l’Anatolie à la Mésopotamie par la route nord du Croissant Fertile, étranger à l’immuabilité de la légende d’Osiris en Haute Egypte.

Ici, avec la diathèkè, la forme du mot qui engagée dans le processus de formation du sens des mots en hébreu, processus qui n’est pas décrit dans les grammaires hébraïques.

L’homme a appris de la nature les principes des choses, le mouvement a fait naître

dans son esprit l’idée de rythme, découverte primordiale inscrite dans le terme même de rythme ρυθµος. Le verbe ρυθµος couler, l’abstrait de ρειν selon Boisacq, avait été

emprunté aux mouvements réguliers des flots. La notion de forme était ainsi rapportée par les anciens Grecs, Hérodote en particulier (V-58) qui traitait de la forme des lettres de l’alphabet. Platon enrichira la notion de rythme en l’appliquant à la forme du mouvement que le corps humain accomplit dans la danse32.

Les psaumes furent écrits selon un rythme prosodique qui permettait à David de danser, musique judaïque que Jésus aurait connue. Le mouvement pourrait être étendu de nos jours aux pratiques asiatiques introduites en France et que l’on observe dans les jardins publics où le mouvement lent et collectif des groupes répétant des gestes identiques adaptés sans doute au rythme intérieur de l’être bouddhiste en groupe. La lenteur contrôlée de cette gestualité ramène chacun à la concentration intérieure sur la maîtrise collective du temps qui permet de retrouver inconsciemment un rythme archaïque utérin donné par le rythme cardiaque maternel perçu par le fœtus dans l’alternance du jour et de la nuit, des activités multiples de la mère, ses émois, ses peurs, sa libido perçue par l’ouïe fœtale à travers la voix.

La mère, la mer, les flots, les racines indo-européennes abondent autour du latin mater33. Pier Paolo Pasolini en fit une jolie séquence dans son Evangile selon St Matthieu pour tenter de sauver une jeune fille de la perversité de sa mère, Hérodiade. Captive de la manipulation maternelle, Salomé obtint du souverain la tête de Jean-Baptiste.

Le feu éternel, l’enfer, Lucifer, Satan, shatan l’ennemi en hébreu, c’était la lettre f du film de l’enfant racontant son premier rêve, philtrant dans son analogie évolutive en phonologie historique le p de purification et de pureté, exactement ce contre quoi les

32 Emile BENVENISTE « La notion de rythme dans son expression linguistique ». Problèmes de linguistique

générale. Opus cité, p. 327 à 335 33 Les flots de la mère, l’enfant arrivé à la vulve, c’est la mandorle au fronton des cathédrales, anticipée de

quelques siècles par quelques gnostiques pour l’abominer.

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partisans en lutte contournaient le danger de « ce qui déplaît à Yahvé ». Testé au moyen du sh par le shibboleth, aux frontières du penser et du panser, les douaniers des gués du Jourdain rejetaient la fonction inversive de l’inceste en toute langue maternelle dont l’exemple du vav hébraïque n’était qu’une analogie avec la rhétorique sémitique de l’oral et de l’écrit faisant paradigme.

On se trouve là en plein dans l’évolution de la langue écrite hébraïque au commencement de son origine protosinaïtique, dans la zone géographique du Temple d’Hatshepsout, un lieu de pèlerinage pour évoquer et célébrer la mémoire de la mère adoptive de Moïse vers -1400. Certaines lettres alphabétiques de cette écriture protosinaïtique subirent une influence de l’araméen habirou du fleuve Habour. Certaines lettres protosinaïtiques, signes inventés à partir d’un schéma hiéroglyphique égyptien non basées sur le son, partaient d’une association de plusieurs idées, chaque morphogramme s’accordant avec la voix suivant la règle de l’acrophonie.

C’est ici précisément que se situe le point de rencontre entre la méthode de Champollion et celle de Freud, tous deux invitant le lecteur à associer les rêves, les pensées, les fantasmes, les terreurs, les tabous, le silence des mots, les omertas.

« France, prends garde de perdre ton âme ».

Titre du numéro clandestin de Témoignage chrétien distribué dans

l’ombre par le réseau de Pierre Chaillet s.j. pour appeler à résister à

l’oppression nazie, Lyon, novembre 194134.

Pour désenclaver les omertas, il suffit de savoir que tout individu né et élevé avant la seconde guerre mondiale est un électron libre qui se déplace dans le temps comme ses ancêtres s’étaient déplacés à travers les océans. La France Libre était partout depuis Londres, sur terre et en mer. A cette date, du Nord au Sud, quelques petits sous-marins livraient des armes aux combattants.

L’exemple qui caractérise l’évolution de certaines lettres hébraïques, son et du sens du mot tête35 dont la première lettre, un morphogramme hébreu correspondait au son de l’initiale qui devenait ainsi un signe phonétique. Par un jeu subtil de l’esprit, la cause l’emportant sur la matière sonore, le dessin de la lettre (un serpent qui se mord la queue) produisit un amalgame sémantique, le teth, serpent devenant un bouclier, le bouclier d’Abraham, un plan, un rêve.

Ne crains pas, Abram, Je suis ton bouclier, ta récompense sera grande, Gen 15-1. Quitte ton pays, ta parentèle et la maison de ton père. Descends en toi-même et va

dans le pays que je te montrerai, Gen 12-1

34 La résistance spirituelle, les cahiers clandestins du Témoignage chrétien. 1941-1944. Textes présentés par

François et Renée Bédarida. Albin Michel, 2001 35 Léon BENVENISTE L’alphabet est né au Sinaï. A la mémoire d’Antoine Fabre d’Olivet (1768-1825), Inédit,

1978. (A ne pas confondre avec le grammairien philologue Emile Benveniste pour l’indo-européen)

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Yahvé, la divinité qui visite Abraham en rêve montre le chemin de l’ombre que

reprendra Jésus « Je suis la voie, la vérité, la vie », Mat 24-43. Jésus ne faisait que reprendre des formulations araméennes hébraïques et traditionnelles des habitus judéens pour montrer le chemin de la pensée à suivre. Traduite et trahie dans une langue qui aura peu à peu envahi la pensée du peuple judéen pendant les occupations successives, perse, grecque, romaine avec la passion de la haine à l’égard des juifs qui interdisaient les castrations et pratiquait la circoncision, les textes bibliques sont marqués par l’emploi de la métaphore à corréler avec le principe analogique de l’écriture égyptienne. Le décalage langagier est entre un Yahvé intérieur, l’inconscient, la parole des prophètes et le Dieu des Chrétiens, un Dieu esprit, extérieur à l’homme. Les Egyptiens pratiquaient une méthode analogique consistant à mettre la nature au premier rang, animaux, plantes arbres, saisons, et suggérer par des images visuelles des associations de pensées conduisant à la pensée humaine. Paul, citoyen romain de Tarse, n’avait pas reçu cette tradition en héritage, aux yeux des Judéens, par conséquent, il représentait pour les Judéens, tout ce qu’ils abhorraient, la haine à l’égard des persécuteurs du pouvoir de l’occupant.

Dans la Bible et dans la voix du rêve, Yahvé tient le bouclier dans la main gauche, il parle en rêve à Abram. Le teth est le signifiant manquant au Livre de l’Exode, Ex. 20-1 à 14-. Dans son origine graphique égyptienne, la tête était l’homme qui marche devant, Pharaon portant au front l’uræus, un cobra dressé qui fait de lui un thaumaturge contre les rebelles à l’ordre politique souverain de droit divin. Dans le monde mésopotamien, l’eunuque, le saris, premier eunuque marchait devant, en tête à côté du roi. En Mat 19-12,

« les eunuques qui se sont rendus tels pour la gloire de Dieu » étaient souvent des païens convertis au judaïsme, victimes aveuglées par les fêtes d’équinoxe dans les actes cultuels rendus aux déesses, Astarté, Cybèle.

Le Mont Sinaï n’étant pas loin de Sérabit-el-Khadem, incita Léon Benveniste à croire que le Décalogue avait été gravé dans la pierre en hébreu sinaïtique, qui aurait évolué avec peu de changement vers le paléohébraïque. Après un certain périple graphique et géographique, le teth finira dans le thêta ionien, disparu des alphabets latins. Le teth, initiale du bouclier, serpent sinaïtique, était la peau de reptile couvrant le bouclier pour l’empêcher de rouiller. Le bouclier d’Abram, dans son rêve, était le bouclier à peau de serpent qui prit le sens de sauvegarde, la chose et son contraire dans le rêve : le fils illégitime de la main gauche sera Ismaël, un onagre et le fils légitime, Isaac, sur lequel Yahvé établira son alliance perpétuelle. La promesse de l’alliance était le berit akkadien, ancêtre et commencement de la multitude qui reposait sur un jeu de lettres, le sh de Shala, entrant dans berit lien mot mésopotamien, produisit le signifiant bereshit, l’idée de commencement, « Au commencement était le verbe et le verbe était dieu », une constellation devenue la Vierge, Diké, la Fortune dans l’imaginaire grec d’Aratos et Eratothène devenu In principium erat verbum selon Jean.

Tétragramme YHWH (yod hé vav hé). Hé et vav parlent en silence du souffle vital et du lien, un signe égyptien devenu lettre qui se promène entre le futur et le passé, dont le mystère est total puisque l’origine de la vie, animale, végétale, humaine, est aussi

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inconnue dans le temps qu’incontestable. Ainsi, Emile Benveniste, en helléniste et philologue des langues indo-européennes, en examinant la forme des lettres, leur configuration, leur matière inséparable du son de la musique et du rythme de la danse36 aura peut-être fait un sort malheureux aux idées de Karl Abel37 qui croyait aux affinités entre les langues indo-européennes et égyptiennes.

Ne pas manger du fruit de l’arbre, c’était refuser le sacrifice du premier-né de l’arbre, ne pas couper un arbre, c’était lui conserver son énergie vitale, première pierre d’attente biblique de la tolérance à l’égard d’autrui, même de l’ennemi vaincu. Deuxième principe élaboré à partir du Décalogue « tu ne tueras pas », le respect de l’autre. la différence.

Le regard d’Emile Benveniste procédait de la même logique quand, en 1951, si peu de temps après l’ouverture des camps et la vérité qui s’y étalait, il se lança dans une quête de l’âme juive antique en produisant son texte Lecture et culture sur l’âme grecque. Regard sur l’horreur qui exhibait le produit de la haine, séquelle de la vengeance sur le corps de l’autre, il connaissait la forme prise par l’autre quand il est rabaissé à l’état d’ordures précipitées dans une fosse commune par un puissant bulldozer

S’inspirant des textes de philosophes grecs, Emile Benveniste reprenait l’application de ces trois notions à la forme, l’ordre, et à la position des lettres de l’alphabet, en y incluant les alphabets archaïques. Autant dire qu’il assimilait l’évolution graphique des lettres à l’évolution de l’homme et des pratiques sociales bien connues de la Grèce antique. Le juif en lui, persécuté par les nazis, enseignait au Collège de France, en établissant un lien analogique entre la forme et le rythme de la danse des corps et l’histoire chronologique des alphabets antiques qui laissait sous-entendre que son combat intérieur intime répétait le combat des résistants judéens revendiquant une Judée Libre avant le tournant du dernier millénaire, délivrée de ses occupants ennemis.

Le complexe de castration de Paul manifesté dans son désir d’inceste inconscient en recto verso d’un désir de matricide déplacé envers toutes les femmes, donnait raison à Freud quand il écrivit en 1911 que ce complexe est la racine la plus profonde du droit de mépriser le Juif à cause de la circoncision. Or, c’est bien ce sentiment qui motivait Paul dans son argumentation contre Pierre au sujet de l’application de l’alliance par la circoncision, un rituel qu’il voulait abolir avec la loi. Chez Paul, l’emploi linguistique du mot loi était dû à la Septante grecque et à sa double posture de légionnaire romain, fort de la puissance hiérarchique de l’occupant militaire qui arguait de son identité de Juif originaire d’un pays étranger mais parlant sans doute la langue militaire de l’occupant romain abhorrée par des Judéens.

Sur le chemin de Damas, c’est en rêve que Saül s’entendit appeler dans son nom de naissance, sans doute avec une prononciation familière à son oreille, réminiscence d’une voix perdue ou refoulée dans l’oubli. Rêve d’enfance ou cauchemar d’un traumatisme, le texte des Actes des Apôtres est la seule trace de cet incident. Elle est interprétée comme un fait réel par la tradition pastorale de l’église. En remontant à l’histoire du roi

36 Emile BENVENISTE Journal de psychologie 1951. Problèmes de Linguistique Générale. Opus cité, p. 327, 37 Karl ABEL L’affinité étymologique des langues égyptienne et indo-européennes. Congrès international des

Orientalistes Lisbonne 1892.

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Saül au Livre 1 de Samuel, Paul parlant de lui-même comme d’un avorton, utilisait la pratique locale usuelle en langue orale du terme avorton, désignant l’enfant non encore circoncis, pendant les huit jours qui précèdent sa circoncision38.

Son nom, Shaoul, entendu en lui-même déclenche une association de pensées, une illumination soudaine. Shaoul, un nom biblique célèbre venait le toucher dans son identité de légionnaire romain, lui l’ennemi haineux des Juifs Judéens, Shaoul, Shaoul, pourquoi me persécutes-tu ? Une identité incertaine consécutive à sa maladie et/ou à une sexualité méconnue par les historiens surgissait dans son nom, saisissant tout son être.

La similitude Shaoul le roi/Shaoul lui-même, évoquant l’épithète de Jésus roi des Juifs mettait en opposition pour les scribes ultérieurs de ses lettres les deux rois, les deux royaumes, les deux temples, celui de Jérusalem et le temple céleste de Qumrân. Une réminiscence du lien métaphorique entre les deux temples et le lien réel entre sa mère et lui, l’enfant malvenu, terrassait Paul dans cette légende des quatre premiers siècles de notre ère, en réveillant la culpabilité d’ennemi romain de son propre peuple : un avorton est une branche qui ne donnera pas de fruit, se développant sous forme de taillis au pied d’un arbre abattu. Paul, l’arbre abattu, reprenait un terme déjà employé par Job pour s’autodésigner comme la branche stérile, 1 Co 15-8. La barbarie de ses persécutions qui le tançait sur le chemin de Damas témoigne dans le récit, simultanément d’une connaissance de sa propre origine, doublée d’une connaissance des Ecritures, contraire à sa connaissance du Jésus historique. Dans son désir de tout centrer sur lui-même, il incitait ses lecteurs à une foi en lui-même, sa foi au Christ ressuscité, au présent, lui-même le nouveau croyant, le nouveau ressuscité, rattrapé par l’image de l’arbre sans fruit, hors vision messianique de la fin des temps. Le récit de Luc choisit de ne pas lui faire prendre sa revanche contre l’ambiguïté de son nom partagé avec le roi Saül. Paul n’exercera pas sa revanche à Damas, mais elle surgira malgré lui dans sa langue à travers une réaction spontanée. Une production imprévue de l’inconscient, la question du voile touchait de trop près les femmes de Corinthe pour des raisons ethnographiques qu’il ignorait sûrement.

Il n’y avait pas d’ânesse sur la route de Damas, dont le nom akkadien était la Ville des ânes, toponyme et ânesse, évoquant les ânesses de Quish, sans doute oubliées par les scribes et auteurs du conte magique des Actes, désireux d’écrire une Nouvelle historiographie de la Bonne Nouvelle en arrangeant les événements selon l’état mouvant des croyances et des connaissances d’alors. Le combat intérieur inconscient mené par Paul contre lui-même dans un refoulé ancien contre sa « circoncision » ou castration, était le symptôme d’une pulsion de mort endormie qui se réveilla plus tard dans le Péloponnèse, face aux femmes dévoilées de Corinthe.

La tendance antisémite des scribes et traducteurs chrétiens ou pas encore chrétiens des Actes et des lettres de Paul caractériseraient une secte spécifique de la diaspora juive (?) à laquelle aurait appartenu Paul ? Cette inimitié à l’égard des juifs apparaît dans l’après-coup pour évoquer l’extrême sensibilité auditive, intuitive et langagière, productrice d’une susceptibilité entre locuteurs des langues étrangères en

38 Moïse MAIMONIDE Le Guide des Egarés. Verdier 1979, p. 608. Index circoncision

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contact au Proche-Orient et qui s’était déjà manifestée de la part d’autres tribus adverses, peut-être entre sédentaires et nomades. Cette sensibilité unique au monde qui dure jusqu’à aujourd’hui est d’une tout autre nature que l’oreille absolue des Slaves, son efficacité peut prendre un tour pervers par le fait qu’elle touche à des zones inconnues de la phylogenèse, l’ouïe fœtale qui se manifeste dans les vengeances tribales et représailles génocidaires lors de changements du pouvoir politique. Elle était signalée dans la Bible à l’époque de Jérémie « Frappons-le dans sa langue » Jer 18-1839,

Susceptibilité, hyperréactivité sont inséparables de la haine du bruit, les sonorités d’une langue. L’hébreu bala a pu donner lieu au patronyme Balaân, l’homme mené par son ânesse faute d’avoir exercé sa liberté intérieure offerte par son dieu. La consonance bl touchait-elle un point sensible de l’ouïe, évoquant chez certains peuples le dieu Baâl syrien des temples païens ou autres signifiants indo-européens issus de la racine i.e.√bhel2 et 3, idée de bruit (bavardage), souffler, gonfler 40? Chantraine met à part le laconien εισπνηλος = amoureux du fait que οιδεω = gonfler peut désigner le gonflement des vagues, que l’on retrouve en araméen les flots de la mer, gravés sur une lamelle de métal41. La métaphore marine étant importante pour les peuples de la Méditerranée, rapprochement qui met en lumière le sens de gonfler. On trouve là le signe des contaminations de langue à langue, dues à des onomatopées ayant produit le terme grec souffler gonfler42. L’adjectif grec theios divin ne se confond pas en grec avec hieros sacré, pas plus qu’en latin, diuinus avec sacer ( p. 187).

Depuis toujours, pour les théologiens, la différence entre Dieu et la lumière, Dieu et l’énergie sous l’aiguillon, situe Dieu au-dessus de la lumière par son unicité, l’esprit divin était là avant. L’idée anhistorique d’ascension pour atteindre le divin appartient à une théologie apotropaïque qui veut conduire à Dieu par la voie de la négation, lo ou la comme dans bala. Freud, en corrélant les mots hiéroglyphiques égyptiens comportant un

39 Allez, frappons-le sur la langue ; ne soyons plus attentifs à toutes ses paroles, trad. Chouraqui. Qu'on le

punisse par la langue, et ce qu'il dit qu'on s'en moque, trad. Bayard. Frappons-le avec notre langue, trad.

Rabbinat. Dans les traductions du shibboleth issues du grec, on trouve : Venez, frappons-le dans sa propre

langue : soyons attentifs à chacune de ses paroles, trad. Jérusalem. Allons donc le démolir en le diffamant, ne

prêtons aucune attention à ses paroles, trad. Osty. 40 Pierre CHANTRAINE Dictionnaire étymologique de la langue grecque 1968. Klincksieck 1999, p. 780. (En

grec, le nom d’Œdipe οτδποδετα est un hapax qui signifie aux pieds enflés, conformément à la légende des

pieds percés et traversés lors de l’exposition de l’enfant. Le grec homèrien πνεω signifie souffler dont l’origine

au figuré respirer la fureur. Parmi les dérivés du grec πνεω souffler servant à composer des notions, on a des

termes qui croisent le vent, l’asthme, halètement, et dans le Nouveau Testament, l’Esprit-Saint ou les mauvais

esprits, dont certaines formes ont subsisté en grec moderne pour désigner au figuré esprit, spiritualité). 41 E.M. LAPERROUSAZ « La mère du Messie et la mère de l’aspic dans les hymnes de Qumrân » in Mélanges

d’Histoire des Religions offert à Henri-Charles Puech. André DUPONT-SOMMER Revue de l’Histoire des

Religions t. CXLVII n° 2, Avril-juin 55 p. 174. André DUPONT-SOMMER La doctrine gnostique du wâ…w Paris

Geuthner 1946. (Benveniste voyait un rapport notionnel en grec entre kueîn être enceinte, kûma gonflement

des vagues, et kuros force souveraineté, et kurios souverain.) 42 Emile BENVENISTE Le vocabulaire des institutions indo-européennes. Minuit 1969, p.183

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sens contraire43, le son inversé et le fonctionnement du rêve44, proposa son point de vue sur le rejet de la négation dans l’expérience onirique en la remplaçant par deux interprétations différentes, positives toutes les deux et tout aussi plausibles l’une que l’autre. Le fonctionnement du rêve échappe totalement à la volonté, il nécessite donc une interprétation biface, Janus dans le choix du rêveur que la parole en analyse tente d’élucider pour en démêler les attendus. Il peut alors constater avec Freud que la négation n’existe pas dans le rêve, mais que le rêveur en choisit une au détriment de l’autre, dont il inverse la signification au bénéfice narcissique de son moi, un processus naturel de défense proche de l’orgueil et qui peut être négatif ou mortifère.

Le texte de la conversion de Paul sur le chemin de Damas offre deux supports d’identification au légionnaire Saül dans la voix, Ac 9-1 à 9 si l’investigation est faite à l’intérieur du contexte social agité de la deuxième moitié du premier siècle. L’interprétation par les scribes et Pères de l’église dans le nom de Saül, 1 S 9-2, le roi Saül un personnage à la personnalité contestable, était favorable à l’apologétique chrétienne pour soutenir le désir antisémite de Paul, l’homme doit dominer la femme mise par Freud au même rang que le juif en matière de mépris.

En Ac 9-1 à 9, d’une part, Paul voulait rejoindre Damas pour s’insérer dans la communauté des Adeptes de la Voie sans nul doute héritière du Yahad et des réprouvés de Jérusalem, en adoptant leur croyance en ce qui deviendra la Jérusalem céleste des chrétiens, voie et bonne nouvelle de l’avenir chrétien, justifiant les trois jours d’aveuglement en cours de route. Dans l’après-coup, on peut y voir dans un déplacement de sens, un euphémisme pour d’autres paroles évangéliques

Cet homme a dit : je peux détruire le sanctuaire de dieu et le rebâtir en trois jours, Mat

26-61 versus Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, Mc 15-29

D’autre part, selon une autre lecture, au bout de trois jours, Paul aurait pu reprendre

sa route pour exécuter son projet sans écouter sa voix intérieure (son rêve), une interprétation possible inversée par le retour vers l’arrière, la mémoire, le passé, l’amnésie infantile pour Freud, la mère utérine, inséparable dans sa chair de l’indélébile cicatrice anatomique, psychique, morale et sociale, source de son complexe de castration.

Les traducteurs, scribes et interprètes ultérieurs de la Torah et des livres de Samuel ne connaissaient pas obligatoirement les mêmes langues étrangères, par conséquent ils pouvaient parmi les deux éventualités, choisir la deuxième lecture. C’est là que l’on observe l’inversion des rôles, l’inversion des écritures, l’inversion de la route, l’inversion

43 FREUD « Les mots anciens dans les mots primitifs », 1884. In Essais de psychanalyse appliquée, Payot 1971 44 FREUD « La négation ». In Résultats, idées, problèmes II, PUF 1985 p. 135. En 1956, Emile BENVENISTE

avait proposé son point de vue sur le débat entre Karl Abel et Freud relatif aux mots anciens à sens contraires

« La fonction du langage dans la découverte freudienne ». In Problèmes de linguistique générale, p 84.

Gallimard 1966, p. 75 à 87

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des syllabes, la fonction inversive du vav, produisant une métathèse dans un nom propre avec deux verbes hébreux inverser bala et avad à côté de quelques autres

Bala/Laban, une métathèse, un jeu de langage en hébreu sur le verbe bala inverser cachait-il un trait littéraire allant de Saraï à Agar jusqu’à Rachel et Léa, une figure des femmes bibliques, fidèles et stériles, avadisant la loi mosaïque ? Saül de Tarse prit le chemin de Paul, il se convertit, son complexe de castration lui resta, tout à coup apaisé par son identification à la résurrection du Christ, qui déclencha sa propre renaissance psychique, une résurrection, guérison morale sous la plume du scribe des Actes des Apôtres.

Cette interprétation apotropaïque ne fut pas corrélée par les Grecs et les judéo-chrétiens trop hellénisés avec sa rupture violente avec les Juifs de Corinthe

Devant leurs oppositions et leurs injures, Paul secoua ses vêtements et leur déclara,

que votre sang vous retombe sur la tête, Ac 18-6

En ce point mort historique du parcours commun des judéo- pas encore -chrétiens des Actes des Apôtres, la question est de savoir quel est l’objet de l’inversion de la route vers la Voie droite dans sa confusion avec les adeptes de la Voie ? Quelle était la connaissance essentielle de Paul qui fit de lui le maître et le traître de Jésus qui voulait accomplir, avadiser la Loi et non l’abolir. Quel était l’objet transitionnel du passage de l’Ancien au Nouveau Testament, sinon les vêtements de Paul qu’il secoua de leur poussière, Ac 18-6. Le scribe des Actes emprunta une expression à Isaïe :

Dans Sion, les pécheurs sont atterrés, un tremblement saisit les impies, … c’est un feu

dévorant … Celui qui se conduit selon la justice … qui secoue les mains pour ne pas

accepter un présent, celui-ci résidera dans les hauteurs, les rochers fortifiés seront son

refuge, le pain lui sera fourni, l’eau lui sera assurée, Is 33-14 à 16

Ces versets suggèrent un tabou, un secret dont on ne doit pas parler, le présent crypté, Satan caché dans le nom divin indicible, le retour vers l’arrière, la mère, l’inceste aussi indicible que sacer. Regard sur l’avenir, fonction inversive du vav, tentation de grandeur, parvenir à « la gloire sur terre », un désir bien grec appliqué par Paul, sa manière narcissique d’interpréter l’application de la Loi juive en s’attribuant la gloire grecque, la renommée comme à un dieu avec le K araméen de la similitude. Antigone, celle du théâtre grec, celle qu’Anouilh écrivit au sortir de la guerre, en résistant à Créon avait donné sa définition au terme grec gloire « il n’est pas dit que je meurs sans entrer dans la gloire ». La foi que proposera Paul semble complètement hellénique, païenne hellénistique, centrée sur sa propre personne, son accès au pouvoir, son exercice de ce pouvoir destiné à lui permettre d’accéder à sa propre gloire. Privé de l’accès à la transmission d’une descendance, il suppléait à ce manque par le rejet de la loi dans l’allégorie des deux alliances, Gal 4-21, les deux femmes d’Abraham, la légitime et la servante, l’Autre femme. La servitude d’Agar représentait la servitude de la Jérusalem

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d’alors, le Temple soumis au pouvoir politique de Rome. Mais explique le texte, la Jérusalem d’en haut « est libre, et elle est notre mère ».

La Jérusalem d’en-haut, c’était le temple des Pierres Vivantes de Qumrân, les hommes réprouvés du Temple de Jérusalem, profané dont les prêtres avaient été passés au fil de l’épée, et dont les survivants se sont exilés en communauté à Qumrân dans le désert de Judée.

En Galates 4-26, le mot est lâché, la mère, temple fictif érigé sur le modèle sur le temple terrestre profané et corrompu, c’était une institution administrative avec la même hiérarchie, les mêmes fonctions attribuées à chacun des membres. La mère, c‘est une mère fictive, une organisation, l’assemblée ekklesia des Chrétiens de la diaspora qui, comme lui-même, enfant d’une mère abandonnique ou maudite par le fait qu’elle avait enfanté un enfant malvenu ou mieux, que dans sa grande pauvreté, elle aurait offert à un temple à Baal où il aurait été castré pour le service et pour un avenir d’eunuque ?

Si selon Isaïe 54-1, cité dans cette épître, les enfants de l’épouse légitime sont les enfants de la promesse, c’est-à-dire les enfants de la promesse faute aux pères Noé et Abraham, nombreux sont les enfants de l’abandonnée qui n’a pas connu les douleurs. Le texte allégorise les douleurs de deux femmes dans un texte ambigu qui, une fois encore, escamote la différence de sexes, en escamotant l’existence de l’être de la femme en lui impose d’autorité un rôle qu’elle n’a pas choisi. Puisque Saraï, l’épouse légitime a connu la honte de la stérilité, et qu’Agar, la servante, va subir la double honte de l’étrangère destinée par la coutume au bon vouloir du maître qui a droit a toutes les femmes, Rome qui, à partir d’Hérode le Grand, soumettait les autorités locales. Par conséquent, « la Jérusalem actuelle » au temps de Jésus puis de Paul, ne mérite pas la caractérisation d’esclave de la Loi, mais au contraire esclave de l’occupant étranger. L’adjectif libre caractérisait les réprouvés de Qumrân, ceux qui étaient restés fidèles à la Loi et qui feront dire à Jésus sous la plume de Jean

Si ma royauté était de ce monde, les miens auraient combattu pour que je ne sois pas

livré aux juifs, Jn 18-36

Aussi l’interprétation de cette épître en s’appuyant sur Isaïe, arbre de vie, Jessé scié en deux, est à inverser pour lire l’antisémitisme attribué à Jean l’évangéliste. Qui est la femme libre, celle qui subit la domination divine et masculine afin de garantir la descendance du clan, ou bien celle qui prend la fuite plutôt que subir deux fois l’opprobre de la part du maître, la négation de sa personne en tant que servante au service de, et en remède à une déficience de la nature, historique ou légendaire ? Or, précisément ici, la déficience de la nature est du côté de Paul, les rôles sont inversés, c’est lui le stérile, le castré, l’eunuque désigné au féminin par le même Isaïe en 3-12. L’eunuque n’aurait pas eu sa place dans l’arche lorsque Noé en assura le fret par la sélection imposée par Yahvé. Le signe de l’arc-en-ciel avait bien été celui de la promesse de Yahvé qu’il n’y aurait plus de déluge.

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Noé construisit un autel à Yahvé … et Yahvé respira l’agréable odeur et il se dit en lui-

même « Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, parce que les desseins du cœur

de l’homme sont mauvais dès son enfance.¨Plus jamais je ne frapperai tous les vivants

comme j’ai fait », Gen 8-21.

Tout se passe comme si la magie égyptienne du Héka animait la pensée paulinienne et que la force créatrice de la pensée de Neith provoquait la création d’Apophis, le gigantesque serpent qui émerge de l’étendue liquide de la création du monde. C’est du créateur qu’émane la création de son adversaire, la provocation de la racine de combattre, Gn 32-29, qui traduit le toponyme Penu-el, par forme visible, dans « j’ai vu Yahvé en face à face et ma vie a été sauve »45. Ici, ce n’est pas voir le projet de Dieu, c’était accomplir le dessein divin.

Quand Clément cite Is 1-16, 17, « fuis le mal et fais le bien, tu as aimé la justice et haï l’injustice », c’était la nouvelle alliance gravée dans l’ancienne lettre. Cette lettre, le heh hébraïque, souffle vital, la première syllabe de la magie Héka qui renforce le potentiel vital, le ka, l’énergie de sa vitalité sacrée, que Justin effacera en insistant sur le salut apporté à l’humanité par le Logos lui-même en le privant du ka. Etait-ce l’approbation de Justin pour l’émasculation ?

En Ga 6-15, l’homme nouveau n’étant ni homme, ni femme, Rom 1-14, ni barbare, ni juif, ni grec, fonde la prétention de définir le peuple chrétien comme libéré du mal, selon quatre millénaires de traditions dans la civilisation pharaonique, avec il partage sa définition du Mal imputé au Diable, dans l’Occident chrétien ? Apophis, le serpent géant, et Seth les ennemis, adversaires à combattre, conservent leur origine divine au moyen de la lettre hébraïque heh, le souffle vital perdu chez l’homme castré, l’eunuque, le chef, la tête, dont la lettre aux Galates ferait finalement l’apologie. Car ce que Clément d’Alexandrie, faute d’informations sur le fonctionnement du régime impérial, imposait le modèle impérial, un système unique auquel nul ne pouvait échapper. Paul avait intériorisé ce modèle et entendait l’imposer, participant par le fait même à l’extension de l’empire romain, en tant que pouvoir et culte, unis en un, le service l’empereur, le culte de la personne.

C’est ainsi que Paul en proposant comme modèle identitaire sa propre personne, son état, sa condition sociale, sa citoyenneté romaine participait à la gloire qu’il souhait inconsciemment acquérir secrètement pour la ramener sur lui-même, afin de supporter un handicap dont il sublimait à l’excès l’injustice en le valorisant. Se positionnant ainsi, dans la ligne la plus dure du mouvement messianique et de la vague de pureté qui hantait les juifs fidèles à la Loi, il en arriva à inverser l’identité de Jésus, dont il n’avait pas compris le message dans la voix, la voie de la virilité du combattant, la vérité, la vie. Il l’avait donc inversée en la divinisant comme un empereur romain. Le heh égyptien « dont le signe tangible était l’immuable course de la barque du soleil et de son équipage, en

45 Alain LE BOULLUEC « Clément d’Alexandrie». In « Entre lignes de partage et territoires de passage : les

identités religieuses dans les mondes grecs et romain : paganismes, christianisme, judaïsmes », Ouvrage

ollectif sous la direction de N. Belayche et S. Mimouni. Louvain, Peeters 2009, p. 439

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lutte contre Apophis dans l’espace du monde créé de l’éternité djet » , était le modèle structurel et immuable de son inconscient, structuré comme un langage. C’est sur ce modèle paulinien que Clément d’Alexandrie, peut-être structuré comme Paul sur l’empereur romain puis sur le modèle d’Hérode le Grand, aura vécu et écrit ses textes, faisant fausse route sur l’identité de Paul, ennemi de Jésus à son insu, pour avoir escamoté la différence des sexes, alors même que Jésus la valorisait discrètement. C’est ce que l’on peut lire dans les versets consacrés à Saraï et Agar, avant que les deux femmes, la légitime et la servante ne conquièrent leur liberté au moyen du double heh, le heh égyptien et le heh hébraïque araméen. Les deux lettres h initiale et h finale quand elles entourent le yod. La pensée juive la plus pure se résumait ainsi en un mot, heh-yod-heh, l’un des deux hé donné à Abraham, l’autre à Sarah. « Le couple désormais fécond était abraham-sarah »46.

Car il s’agissait bien pour les justes respectueux de la Loi de ces temps-là, d’inverser un chemin qui avait été dévié par l’homosexualité grecque et consécutive au paganisme, aux pratiques sexuelles des cultes, des fêtes calendaires, des castrations « purificatrices », idéologiques, hérétiques. La connaissance qu’avait Paul de la langue grecque était sans doute étrangère à l’araméen natif de Jésus et encore plus à celle de l’évangéliste. Jésus usait de son libre-arbitre pour penser par lui-même, piphiyot, le double tranchant du glaive de la parole, au moyen du redoublement du hé. L’Epée de justice, les deux souffles de la bouche, peh, le fléau de la balance de Mâat, la légèreté de sa plume de tête, ne pesait rien au regard de la tare du cœur sur la balance. Paul ne lisait pas les hiéroglyphes, il pensait et agissait selon un système intériorisé, formaté dans une enfance inconnue des historiens par d’autres historiens, enfance sans doute douloureuse qui l’aurait prédéterminé, prédestiné, selon une ligne donnée deux siècles auparavant par le papyrus de Zénon47.

Papyrus de Zénon, une colonisation grecque au -IIIe siècle

A Alexandrie, dans le palais d’Apollonios, une lettre sauvée grâce à Zénon, un Grec venu s’enrichir en Egypte au -IIIe siècle, décrit la misère d’un enfant grec exploité en vertu d’un contrat qui autorise le créancier à utiliser gratuitement les services d’un jeune garçon en échange de son entretien.

Simalé, la mère d’Hérophantos, à Zénon, salut ! Quand j’ai appris que mon garçon était

maltraité si durement, je suis venue chez vous, et, dès mon arrivée j’ai voulu te rencontrer

sur ces affaires. Comme Olympichos m’empêchait de te voir, je me suis introduite auprès

de mon fils autant que je le pouvais. Je l’ai trouvé très péniblement affecté. Il m’a suffi de

jeter un coup d’œil sur lui pour être brisée par le chagrin.

46 Annick de SOUZENELLE. La lettre, chemin de vie. Albin Michel 1993, p. 117 47 Claude ORRIEUX Les papyrus de Zénon. L’horizon d’un grec en Egypte au IIIe siècle avant J.C. Ed. Macula

1983, p. 66

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Les papyrus de Zénon donnent un sens à la parole du chef eunuque du roi de Babylone : «Je crains le roi, mon maître qui a fixé votre régime, s’il voit vos visages plus tristes que ceux des garçons de votre âge, c’est moi qu’il rendra responsable, c’est moi que vous rendrez coupable à ses yeux 48 ».

Une autre lettre parmi ces papyrus n’est pas plus sybilline

Satyra à Zénon, salut ! Apollonios avait ordonné de nous attribuer une allocation

vestimentaire, à moi et à ma mère, tu trouveras facilement le mémoire qu’il a rédigé à ce

sujet. Or depuis ce temps, nous n’avons rien reçu, cela fait aujourd’hui plus d’un an. Tu

ferais bien d’enquêter pour en informer Apollonios (…) qu’il se souvienne de nous et fasse

que nous n’allions plus nues.

Le genre grammatical féminin pourrait bien désigner de jeunes éphèbes, car visiblement la question de l’ouverture administrative des palestres à Alexandrie n‘était pas résolue et les voix de petits garçons également appréciées comme dans la musique baroque. Or, en principe, seules les filles de Sparte pratiquaient le nudisme49 ? Olympichos était sans doute un esclave d’élite chargé de surveiller les « garçons de compagnie » (sic) entretenus au palais. Les correspondances de Zénon indiquent le niveau de corruption atteint dans les coulisses du pouvoir par les riches colons propriétaires bénéficiant d’une main-d’œuvre gratuite et exploitée. Paul enfant, plus tard citoyen romain, dans une Anatolie hellénisée, puis romanisée, aurait-il subi les mêmes traitements, en devenant un « garçon de compagnie » dans un riche palais de marchands parvenus ? L’exemple des temples païens et son agressivité contenue laisserait supposer que l’enfant aurait été livré à des adultes peu respectueux de l’innocence et de la faiblesse infantile. Les courriers de Zénon retrouvés au Fayoum où les papyrus se conservent mieux qu’à Alexandrie grâce au climat sec donnent le ton des liens sociaux qui se nouaient à l’ombre des palais de colonisateurs grecs d’Asie mineure venu chercher fortune en Egypte. On peut inférer de ces documents qu’en deux siècles, les mentalités auraient peu changé au Proche-Orient, avant la guerre des juifs, puisque visiblement Zénon voyageait entre la Galilée et la Judée.

Par conséquent, pour un gréco-romain hellénisé et/ou juif d’origine, acquérir la gloire divinisée des grands de ce monde avec la splendeur de la richesse, s’inscrivait dans les canons de la réussite par la « gloire » au sens de la Grèce antique. Pour Paul, avoir un renom, le désir d’étendre sa « renommée » dans la diaspora, supplanter Jean-Baptiste et la parole orale de Jésus dans des lettres écrites, l’emportait sur le respect de la lettre, de l’écriture et de l’Ecriture sainte, alors même que Jérémie avait dénoncé le passage à l’écrit

48 La BIBLE, Livre de Daniel 1-10. Traduction Jean Echenoz, Pierre Debergé. Bayard 2001 49 Félix BUFFIERE La pédérastie dans la Grèce antique. Eros adolescent. Belles Lettres, 1980, p. 126. (Les

aspects anatomiques et les effets de la castration sont indiqués dans cet ouvrage, p. 30 à 37.

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C’est à Yahvé que j’adresserai ma cause, c’est lui qui déjoue les intrigues des plus

doués, c’est lui qui prend les sages au piège de leur astuce, Job 5-1 à 13. Comment

pouvons-nous dire nous avons la Sagesse, car la loi de Yahvé est à notre disposition. Oui,

mais elle est devenue une loi fausse sous le burin menteur des juristes, Jer. 8-9

Il n’est pas étonnant que les discours d’autoévaluation superlative de Paul aient

séduit les uns, notables et nantis, mais aient par ailleurs suscité des ennemis à Paul. La problématique de Yahvé restait la même ; qu’est-ce qui se cachait derrière le nom

indicible du dieu des Hébreux et des prophètes. Jérémie et Job au -VIIe et -VIe siècle parlaient en je, ils prenaient leur autonomie de prophètes par rapport au peuple judéen en exil, Jérémie parlait comme le fera Jésus pour expliquer la Loi et sa transmission « moi, je vous dis ». Il osait transgresser le nous collectif des maîtres et des hiérarchies politiques et religieuses du peuple hébreu. Or, plus tard, Rabbi Aquiba aurait incorporé la loi orale à la loi écrite (Sifra Be-huqqotaï VIII, p. 112c), « Cela nous enseigne que la Tora avec ses halakhot, ses détails, et ses interprétations fut donnée à Moïse au Sinaï50 ». Cette remarque indique que Moïse aurait-il reçu la loi berit abrahamique de tradition orale, cela n’infirmait ni ne confirmait qu’il aurait reçu les lois noachiques par l’intermédiaire de la même berit akkadienne. Quand et dans quel mot commença le commencement ?

Deux millénaires de traductions du Nouveau Testament ont vérifié les prophéties de Job et Jérémie, tant en langue originaire qu’en traductologie des interpolations. Que reste-t-il de Jésus, un homme juste, même réinventé par l’histoire, fidèle à la Loi dans son désir personnel de n’écouter aucune influence extérieure devant la corruption ambiante des langages pendant les quelques années de sa prédication. Que reste-t-il de la candeur des simples à qui il proposait des solutions de bons sens ? Que reste-t-il de Paul sinon qu’il a gagné son combat, obtenu la gloire qu’il cherchait pour occuper son manque intérieur profond en se faisant pour longtemps le héros d’une tragédie grecque. L’histoire a fait de lui le messie d’une illusion sur la vérité de l’oubli construit par des siècles d’antisémitisme relayé par le christianisme d’une diaspora restée attachée à son paganisme indo-européen. L’antisémitisme antique reposant visiblement sur l’interdit de la castration masculine chez les Hébreux ne pouvait faire de cette ou de ces tribus que des étrangers dérangeant les conquérants d’empires avides de rapines d’hommes, de femmes, d’enfants à mettre en esclavage sur des territoires conquis militairement. L’effacement absolu de la gloire des femmes grecques était l’envers du décor et de la vérité pour Paul.

Ainsi, après la destruction du Temple par les armées romaines en 70, un doute aura subsisté chez les survivants de cette guerre sur son identité originaire de naissance, puisque la seule trace parvenue jusqu’à nous de son appartenance à la tribu de Benjamin est dans une lettre en grec, qu’il aurait dictée à un scribe. On ne connaît pas la langue maternelle du premier scribe, retrouvée au IVe ou au Ve siècle, sans doute

50 Ephraïm URBACH Les Sages d’Israël. Conceptions et croyances des maîtres du Talmud. Cerf Verdier 1996,

p. 309 .

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recopiée et adaptée aux lecteurs maintes et maintes fois, Cette lettre dictée était peut-être traduite immédiatement par un scribe plus ou moins bilingue ?

L’échec de Paul auprès des femmes de Corinthe est à situer dans une mouvance de parvenus païens dans l’Empire romain, étranger à la sagesse paysanne des petites gens de Galilée auxquels il parlait de la bonne nouvelle du miracle de la natalité qui fait de l’homme et de la femme les créateurs de leur descendance. Mais étranger aussi au monde des femmes grecques de l’Athènes classique et son héritage chez les gréco-romaines :

L’heure est venue de marquer ce que le discours tragique sur la mort des femmes

emprunte aux représentations socialement admises dans l’Athènes classique […] Cette

gloire (dans les épigrammes funéraires) toujours subordonnée à l’accomplissement d’une

carrière de bonne épouse se confond avec la « valeur » (arétè) proprement féminine, ce qui

entraîne qu’elle soit volontiers évoquée sur un mode conditionnel, voire sur le ton de la

réticence. La valeur des femmes ne se confond pas avec la valeur, laquelle appartient aux

hommes chez qui elle n’a pas à être spécifiée. Il n’y a pas de « valeur masculine », il y a

l’arétè en soi51.

L’Antigone d’Anouilh savait que le potier avait inventé le godet de pierre pour

conserver le feu, mais que le feu était là, avant. Les femmes transmettent la lumière mais en transmettant la parole, gloire tragique, gloire ambiguë, elles savent que le silence est leur gloire. Antigone s’est convertie à la cause son frère comme on se convertit à une religion. En se faisant l’agent d’une sentence de sa propre mise à mort, elle dépouille le souverain, maître et dieu, de sa jouissance de meurtrier, de violeur, de tyran éternel. Antigone engendre la mort, elle ne permet pas le sacrifice d’Isaac, elle arrêtait le couteau, elle déliait la ligature de l’enfant Isaac, ainsi font toutes les mères.

La filiation paternelle et/ou maternelle, la royauté héréditaire, la différence des sexes, l’infirmité congénitale de Paul, l’homosexualité grecque en Judée hellénistique, les douleurs de l’enfantement de l’enfant parvenu à la vulve, devenues mandorle au fronton des cathédrales, sont des significations placées sous le joug du complexe d’Œdipe et du complexe de castration qui étaient visiblement les marqueurs essentiels de l’histoire de Paul. Certains groupes préchrétiens, grands blessés par les combats à l’arme blanche surent enrichir l’histoire de la différence des sexes à travers ce qu’ils en écrivirent dans leur réclusion volontaire à Qumrân.

Lisible dans ses lettres, Gal 3-28, une certaine conception de l’androgynie lui fit dire « Il n’y a ni juifs ni grecs, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme », déni qui a fait couler beaucoup d’encre, beaucoup de sang. Quand l’apologétique historique voilent les silences pudiques concernant ce que les Juifs ne nommaient pas, alors réapparaissent les couteaux du sacrifice et les déchaînements collectifs, les réseaux communautaristes, et les comportements langagiers de l’extrême.

51 Nicole LORAUX Façons tragiques de tuer une femme. Hachette, 1985, p. 55

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Parmi les sectes trop attachées à leur conception masculiste de la pureté qui perdirent de vue l’esprit qui vivifie, la secte portant le nom de Valésius appliquait finalement à la lettre les enseignements de Matthieu 18-8, 9 et 19-12 en pratiquant l’autocastration. Les Pères e l’Eglise ne firent pas souvent allusion aux sectaires de Bacathis, anciens Chrétiens qui furent exclus quand ces valets d’une hérésie prétendirent que la castration était nécessaire pour gagner le salut. Paradoxalement, cette illusion était dans la continuité des holocaustes antiques, le meilleur de la chair et du sang offerts au ciel, le fils premier-né, l’animal parfait, la jeune fille vierge pour faire lever le vent ou apaiser la tempête, Iphigénie. Si la loi existait, c’est bien qu’il y avait transgression, quand il n’y a pas de transgression dans une culture, la loi est caduque, elle est oubliée. C’est pendant les périodes de régression et de tension, que les puristes, les juges, les sacrificateurs surgissent pour oublier d’être témoin.

Croyance au ciel et certitude confiante face à la puissance des éléments divinisés, le soleil, la lumière, les actes sacrificiels s’inscrivaient dans la folie d’une logique exacerbée de pureté, mêlée de panthéisme et de superstition. La pratique de la secte de Bacathis exprimait une protestation contre l’homosexualité bestiale des occupants, la profanation répétée du Temple de Jérusalem envahi par l’ennemi, Hérode le Grand, qui y avait installé son pouvoir théocratique en -40. Le désir de castration de l’autre exprimait un sentiment (héréditaire donc inscrit dans les habitus) de vengeance contre l’illusion de la pureté perdue du temps béni in utero, le retour impossible à la Terre Promise, ventre de la terre, ventre de la mère, incluant par analogie et en recto verso l’interdit de l’inceste et du matricide.

On peut inférer de la prédication de Paul dans cette secte qui aura potentialisé dans son envers la prédication de Matthieu 18-8 et 19-12, et comme lui, négligé le regard sur la nature, les fonctions naturelles du corps humain, le feu éternel du désir, l’attraction, la chute des graves. La filiation, le don de vie par le couple, l’abondance des biens reçus par l’homme riche avec le don et le respect de la Loi devenus la culture de Jésus était dans la formulation orale de la Bonne Nouvelle « un enfant nous est né ».

La secte de Bacathis, hérétique selon Epiphane, premier saint en à parler, exprime ses certitudes en le situant dans une continuité très ancienne remontant aux eunuques de la maison des femmes au temps des rois et des pharaons, des religions à mystères et des cultes de Mithra qui, à la fin du second siècle avant notre ère, auraient orienté des anciens adeptes émasculés réfugiés à Qumrân.

Les Valésiens constituant une secte très fermée, vivaient dans l’illusion qu’ils avaient atteint le sommet du désir de pureté messianique. L’auto-émasculation était une pratique déjà très ancienne à cette date, elle existait depuis toujours en Orient et au Proche-Orient sous l’influence des religions et cultes venus d’Asie, diffusés par les mercenaires perses, grecs et romains. Cette pratique perverse survivait grâce à des hommes qui pensaient que c’était bien, même contraire à la nature. Il leur fallait maîtriser Satan, shatan, Vénus pour certains, la canicula, l’habitus l’emportait. Les rituels secrets du culte de Mithra, véhiculés par les légions romaines, étaient représentés dans les sculptures du taureau entouré des bêtes du zodiaque, propres à une vague de pureté qui aurait croisé le mouvement messianiste, sans doute exacerbé par contagion chez

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ces sectaires, une horreur certaine de la femme sous l’influence de l’homosexualité mésopotamienne et grecque à travers ses retombées sociales sur le mariage des filles. Les femmes auraient alors répondu à la perversité par d’autres perversités, des breuvages ou des mets dont elles conservaient les secrets alimentaires, assurant l’escalade de la haine en renforçant les réactions adverses. Paul savait sans doute cela, mais son histoire en resta là.

Pour Paul, « celui qui ne mange que des légumes » Rom 14-2 pourrait bien être Valésius lui-même, ou l’un de ses nombreux prédécesseurs avec lesquels aucun lien ne semble être encore établi scientifiquement. Cet habitus végétarien venait de l’Egypte pharaonique qui l’aurait transmis aux chrétiens coptes qui imposaient ce régime alimentaire au cours de la castration des enfants et de la cicatrisation en vue de les vendre aux caravaniers en faisant le commerce avec l’Anatolie, chirurgie et commerce encore pratiqués dans les monastères coptes au début du XXe siècle.

Par conséquent, Paul aura/aurait pu passer un temps parmi les adeptes de Valésius, il pourrait y avoir eu entre lui et ces adeptes des débats à ce sujet dont l’argumentation aurait suscité le grave incident de Corinthe encore à peser à cause des séquelles actuelles de la division entre chrétiens ? La castration y aura pris pour Valésius cet aspect de pureté sous une influence religieuse dont l’origine relativement énigmatique est encore mal repérée à cause du tabou sur les lieux du corps burinés en pierre ou en idoles de plâtre, idolâtrés par les païens et vendus sur les parvis des temples païens.

De nombreuses prophéties dans les livres de Ezéchiel, Daniel, Ezra confirment l’hypothèse selon laquelle l’abomination de la désolation consistait en un règlement guerrier au fil de l’épée consistant à castrer systématiquement les hommes refusant de céder à l’oppresseur païen le forçant, selon 4 M, à adorer le dieu païen du tyran en renonçant à la Loi qui interdisait les dieux étrangers et les idoles. Le recopiage de textes en textes permet de se demander qui est l’auteur des textes, selon qu’il est attribué à l’un ou à l’autre des petits prophètes en question.

Le texte 4 Esdras parle en 10-19 à 24 d’une « vision » en traduction du grec, disons plutôt en langue psychanalytique d’aujourd’hui, d’un rêve ou d’une bouffée de colère dans un fantasme au cours duquel il parle avec colère à sa femme :

Ne vois-tu pas notre deuil et ce qui nous est arrivé. Interroge donc la terre et elle te

dira que c’est elle qui doit se lamenter, elle qui survit à tant d’êtres sortis d’elle … 4 Esdras

10 5 jusqu’à 24 Tob 2010

Cette version de 4 Esdras 10-19, 10 à 24, corrélée à 1 M 23+ si explique

« l’abomination de la désolation », la honte du peuple juif pour avoir su résister au tyran, Antiochus IV Epiphane en -165, par conséquent subi la castration, interdite par la Loi :

Qu’attends-tu ô tyran ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les

commandements de nos pères. En effet, nous rougirions avec raison devant nos ancêtres

si, dans notre obéissance à la Loi, nous ne prenions pas Moïse comme compagnon,

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4 M 9-1, Tob 2010. Israël fut l'objet d'un grand deuil dans tout le pays. Chefs et anciens gémirent, jeunes

filles et jeunes gens dépérirent et la beauté des femmes s'altéra. Le nouveau marié

entonna un chant funèbre ; assise dans la chambre, l'épouse fut en deuil, la terre trembla

pour tous ses habitants et la honte couvrit toute la maison de Jacob.

1 M 1-23+, Tob 1988.

La transcription de ce passage de 1 M 1-23+, dans une autre langue issue d’une autre recension à une date inconnue ici, permet de dire que les interpolations postérieures à l’écriture de ce texte précis en Ezra 10-19-10.24 de source inconnue52 ont subi des modifications dans l’édition de la TOB datée de 2010 puisque le texte de 1 M n’y figure plus, indiquant les avancées de la recherche scientifique en paléographie.

So I spoke again to her, and said : Do not do that thing, but let yourself be persuaded

because of the troubles of Zion, and be consoled because of the sorrow of Jerusalem. For

you see that our sanctuary has been laid waste, our altar thrown down, our temple

destroyed ; our harp has been laid low, our song has been silenced, and our rejoicing has

been ended ; the light of our lampstand has been put out, the ark of our covenant has been

plundered, our holy things have been polluted, and the name by which we are called has

been profande ; our free men have suffered abuse, our priests have been burnt to death,

our Levites have gone into captvity ; our virgins have been defiled, and our wives have been

ravished ; our our righteous men have been carried off, our little ones have been cast out,

our young men have been enslaved and our strong men made powerless. What is more

than all, the seal of Zion - for she has now lost the seal of her glory, and has been given over

into the hand of those that hate us ; Therefore shake off you great sadness and lay aside

your many sorrows, so that the Mighty One may be merciful to you. 4 Ezra 10-19 à 24

Une chose est évidente, des recherches sont en cours dans des équipes de

traducteurs et qui tentent de par le monde d’unifier et de partager leurs travaux de manière scientifique. Mais il arrive que certains obstacles institutionnels deviennent des obstacles à la vérité. Les vérités cachées finissent toujours par faire surface selon le mot de Freud en lorsqu’il introduisit les notions de heimlich et de unheimlich dans son ouvrage consacré à l’inquiétante étrangeté devenue une étrange inquiétude sur la perversité du principe de substitution.

Le sacré allant de l’intime au public puis au politique, allie le pulsionnel non contrôlé et le passionnel de la vengeance personnelle sadique qui va jusqu’au tabou. C’est peut-être la raison pour laquelle les Pères de l’église furent très silencieux sur les castrations guerrières et purificatrices et les traducteurs, scribes et exégètes prudents, quant aux vocabulaires à employer en français pour aborder les dérives devenues obsessionnelles

52 Ce texte d’Ezra proposé dans un exemplier fut distribué par Madame Hindi NAJMAN invitée par l’EHESS de

Paris pour une conférence, le 26 mai 2011. University of Toronto, May 26, 2011. « Configuring the text :

Development of the author. Fonction and the development of Textual traditions in Ancient Judaism. ».

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du péché de la chair. Josué portait des vêtements sales. En Z 3-1, il fut revêtu d’habits de fête. Son péché avait été lavé.

Freud aborda avec une grande prudence la question du complexe de castration dont l’importance est si grande dans la cause des femmes d’aujourd’hui, qu’il ne l’aborda en tant que droit de mépriser le juif à part égale avec la femme que dans une psychanalyse d’enfant et dans une petite note de bas de page. L’éducation était mise à la question car, pour lui, il s’agit des fables sur la circoncision, racontées aux petits garçons53, comme sources de ce complexe. Paul ne parla pas de l’évangile de Matthieu mais plutôt de l’évangile de Jean qui insiste sur la résurrection et les récits de témoins. Le burin des scribes légistes est de toutes les époques en histoire scripturaire. Ainsi fit Freud :

Si ta main ou ton pied sont pour toi une occasion de chute, coupe-les et les jette loin de

toi. Il vaut mieux entrer dans la vie, mutilé ou boiteux que d’être jeté ayant deux pieds ou

deux mains dans le feu éternel, etc, Mat 8+.Il y a des eunuques de naissance, dès le sein de

leur mère, Mat 19-12.

Les eunuques mentionnés par Matthieu auraient bien pu, dans la bouche de Jésus, être les lépreux, les grabataires, les enfants malvenus privés dès le sein de leur mère de leur vitalité sacrée, accompagnés dans cette perspective de tous les enfants morts par castration car la mortalité était importante dans ce commerce du futur personnel des temples païens et des harems anatoliens. Une série d’interpolations entre des textes ultérieurs auront pu donner lieu à cette reconstruction historique approximative de la prédication de Paul à Corinthe. Paul aura pu être mutilé dès le sein de sa mère, mis à part. Comme Hitler qui perdit sa mère trop jeune et se vengea en aveugle sur les juifs.

L’image des deux pieds est un euphémisme biblique pour les six ailes de l’ange dont deux qui cachent le sexe, une figure de rhétorique connue des scribes du premier Testament. Les deux mains étaient celles du potier, celles du créateur dont la main gauche tient le bouclier d’Abraham, Gen 15-1, la main droite, l’arme qui tue ou mieux la main du père qui donne sa bénédiction en la posant sur la tête du fils, la chose et son contraire comme dans le rêve.

Augustin, un Berbère africain, en avançant l’idée du glaive de l’esprit et de la parole de Dieu reprenait l’image de la Sagesse égyptienne écrite dans de nombreux papyrus, où la sagesse est celle de l’homme pieux et silencieux, maître de sa propre parole, conseiller de son fils. On peut y lire l’idée inverse du choix de Créon qui tenait trop à son orgueil pour céder devant une frêle jeune fille. Cette posture psycho-rigide fut dénoncée par Jésus parlant aux scribes pour les accuser « de ne jamais être dans leurs œuvres mais esclaves des textes écrits de la Loi ». Ainsi avait fait Jérémie en 8-8, quand il accusait le burin des scribes alors qu’il accusait la Loi elle-même dans leur traduction qui en obviait

53 Les recherches en biologie fœtale indiquent que pendant les premières semaines, les cellules fœtales

omnipotentes sont indéterminées sexuellement. Le terme petit garçon ne pourrait donc désigner un fœtus,

mais seulement un embryon animal indéterminé hors sexe.

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le sens. Sa véritable prophétie perdurera pendant près de trois millénaires, jusqu’à la découverte des jarres de Qumrân en 1956.

Paul en son temps, sans Jésus ni Pierre

Au -VIIe siècle avant J.C. Jérémie défendait la parole individuelle, le droit à la liberté de parole et de pensée, dans la suprématie de l’ordre divin sur l’autorité souveraine du politique dans un mélange difficile à saisir aujourd’hui entre le roi et le prêtre. Le politique et le sacré venaient de Moïse et de ceux qui prétendaient détenir la vérité mosaïque dans des textes transmis par la voie des traditions orales donc culturelles. A l’époque de Paul, les philosophes avaient depuis longtemps levé le lièvre, par conséquent, certains Pères continuèrent à obvier également la vérité en se voilant le regard sur le texte de Jérémie.

Chacun se détourne à sa guise … Même la cigogne dans les airs connaît le temps de

ses migrations ; la tourterelle, l’hirondelle et la grive ne manquent pas le moment du retour,

mais mon peuple ne tient pas compte de l’ordre de la nature, Jer 7-6 à 8

Se détourner, se retourner, inverser, bala en hébreu, convertir, voilà bien le point mort du passage de la nature à l’évolution et à la place de l’homme dans le temps, la perte du repère araméen offert par le regard sur nature, le cosmos, la pensée, la liberté de l’imaginaire dans le rêve et la rêverie. Le choix à opérer pour choisir le bon chemin face à l’inflexibilité de l’ordre du grand roi qui ne connaît pas la miséricorde était accompli par la tourterelle, l’hirondelle et la grive qui savent toujours et encore que le temps est venu d’aller déposer leurs œufs. Le scribe traduit, son burin ne le sait pas, il fait un désastre. Freud le savait mieux qu’un autre, il l’écrivit :

La question qui se pose est en somme la suivante : y a-t-il beaucoup de rêves de

désir ou bien n’y a-t-il que des rêves de désir ? Ce caractère du rêve est souvent si

apparent que l’on se demande comment le langage des rêves n’a pas été compris dès

longtemps54

Aux abords de l’ère chrétienne, les targums étaient récités de mémoire, jamais lus, l’écrit étant proscrit. La parole orale étant toujours au style direct, la parole écrite du grand roi était écrite et transcrite au style direct, ce qui était une source de confusions notées par les grammairiens de Port-Royal. La primauté de la loi orale était importante ce qui indique que les hommes antiques avaient une certaine connaissance des roueries de l’inconscient grâce à l’interprétation des rêves. La pratique de l’interprétation des songes était une fonction sacerdotale, exercée dans les temples depuis une époque très haute dans l’Antiquité, tant en Mésopotamie, en Canaan, qu’en Egypte. Il n’est pas difficile d’imaginer comment les récits magiques, les contes, les légendes issus de traditions orales ont pu se développer parallèlement pour produire des cosmologies dans toutes

54 FREUD L’interprétation des rêves. Opus cité, p. 114

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ces zones géographiques dont les civilisations disparues ont laissé des traces écrites et archéologiques impressionnantes par leur richesse. La magie observée en ethnologie dans les sociétés archaïques restées isolées pendant des périodes inconnues a souvent été écartée de l’approche religieuse du texte biblique qui fourmille d’informations sur les activités oniriques souvent transformées par les théologiens et exégètes bibliques en interventions divines sur le monde.

La remontée du temps vers sa source est aussi une montée en température. Ou si l’on préfère,

une montée en énergie. Les physiciens des particules au moyen de leurs accélérateurs sont

expérimentalement capables de restituer dans un volume infime, les collisions qui régnaient dans des

phases toujours plus primitives de l’évolution de l’univers … 55

Alors, les chimistes et les biologistes de la génétique d’aujourd’hui devraient pouvoir remonter aux premiers temps de l’accrochage d’un embryon à la paroi utérine maternelle pour mesurer l’énergie cellulaire dépensée pour s’incarner dans la mère et anticiper la force vitale du lien œdipien à venir. Ce maximum d’énergie serait alors comparable au départ d’une fusée spatiale dont le maximum est mis au décollage.

Les disciples et les apôtres de Jésus rêvaient comme tout le monde aujourd’hui, et ils vivaient dans un monde où régnait la magie et les magiciens en maintenant les esprits dans un état de candeur aveugle où se sont fixées dans la chair cérébrale des langues, des langages, des croyances candides en des miracles, véritables miracles de littérature et d’imagination sur le désir humain. C’est peut-être là qu’agissaient les magiciennes, si mal comprises aujourd’hui, mais dont l’agir inscrit dans la culture y conservait un certain équilibre.

Les textes sont à interpréter sans cesser de les associer les uns aux autres, comme des idées, comme liens à créer entre les hommes à mesure qu’avancent les découvertes et que la continuité est assurée avec le passé par ceux dont le désir de vérité interroge les fausses valeurs. Reçues d’un passé révolu qui entretiennent des mythes imposés en valeurs, dogmes, doctrines, il est possible de sortir les cultures d’un figements de traditions conservées en vertu d’organisations reconnues, conquises comme des empires.

L’interrogation sur la condition humaine a précédé l’invention de l’écriture, elle se poursuit en anthropologie, archéologie, histoire des peuples, des civilisations et de leurs religions. Le propos du scientifique ne vise pas la destruction des croyances candides, il interroge la misère du monde dans l’injustice qui gère les inégalités sociales et la poursuite des guerres. Le défaut de perception de l’autre dans sa différence entraîne de facto son exclusion communautaire et sociale.

Les difficultés de traductions dans les trahisons volontaires ou involontaires opérées d’une langue à langue, d’un patois à l’autre, de l’oral à l’écrit imposent une orthographe et un découpage de l’écrit étranger à l’oral en éliminant les notations affectives trop personnelles et surtout les inflexions affectives de la voix.

55 Michel CASSE Du vide à la création. Opus cité, p. 182

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Paul ne pouvait l’ignorer quand, en 1 Co 11-5 à 11, il s’en prit aux femmes en exigeant qu’elles soient voilées pour prophétiser dans les églises, ce qui signifiait qu’elles prêchaient déjà, le (pré)christianisme primitif ayant largement ouvert la porte aux femmes, ce qui était une nouveauté révolutionnaire face à la religion de Mithra qui avait envahi les territoires avec les Romains. L’alternative proposée par Paul pour le voile était qu’elles se tondent, un rite masculin de rasage habituel pour les hommes ayant fait un vœu.

En réalité, le désir inconscient de Paul était en 1 Co 11-11, il fallait que la femme ait une marque d’autorité sur la tête pour signaler qu’elle parlait avec l’assentiment de son mari, sous l’autorité du chef de famille, un homme. Etait-ce un jeu de langage tardif que cet emploi surprenant du signifiant tête, introduit en interpolation par quelque scribe savant ? Ce point mort de la différence des sexes dans la religion-culture dominante de l’Occident, en deux mille ans de christianisme, est une affaire de traduction et de tradition qui a complètement échoué à élever la femme au rang de l’égale de l’homme. Le plus triste dans cette manifestation publique du symptôme des scribes pauliniens, la haine des femmes, tenait au fait qu’en s’en prenant aux femmes, il s’en prenait à la Loi et à sa transmission de la ligne donnée par Jésus, preuve qu’il ne connaissait par le contenu des évangiles. Les futurs chrétiens qui suivaient Jésus ne cherchaient pas à abolir la loi, mais à l’appliquer, ce que les femmes de Corinthe avaient très bien compris.

Par conséquent, la langue grecque était le paradigme de la pensée savante qui négligeait l’exil d’un peuple de nomades, des commerçants qui, depuis plusieurs millénaires, traversant la péninsule arabique au rythme du pas de leurs chameaux les yeux fixés sur la marche des étoiles.

C’est donc avec la différence des sexes que Paul cherchait à régler ses comptes avec sa propre enfance en troquant son anomalie génétique contre le rabaissement des femmes, le rasage de la tête étant sans doute un rite culturel non universel, étranger d’une culture à l’autre. Cet incident se serait produit sans doute en plein air ou dans un lieu synagogal ce qui n’était pas encore une église, après la destruction du temple de Jérusalem, longtemps après le IIe siècle, après la séparation entre les juifs et les Grecs, après la naissance des rabbins.

Nous sommes ici, en 1 Co, en principe vers 56-57, au premier siècle de notre ère, et compte tenu de la culture grecque d’alors, dans une petite ekklesia où des homosexuels et des eunuques étaient obligatoirement présents dans l’auditoire avec leurs épouses. Un vide épistémologique marque la réaction des femmes, une parenthèse symbolique a été introduite dans le texte par un scribe tardif, dans une grande méconnaissance des modes de transmission de la Torah orale, de ses écritures, des modes de survie inventés par ce peuple, des péripéties dans ses déplacements, des zones climatiques et de la nature de la végétation et de la botanique.

Ce sont les pouvoirs politico-religieux qui imposèrent la pratique essentiellement orale de l’araméen dans les lieux synagogaux, seul lieu de transmission de la volonté divine et de sa miséricorde, la voix intérieure. Le précepte paulinien manifeste indirectement la primauté de l’homme sur la femme et les droits afférents à la supériorité du masculin.

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Ce qui comptait était la parole orale du prédicateur, ce mot signifiant le plus souvent prophète. Ce qui est inféré ici tient à la parole en situation qui assure souvent la fonction du rêve, l’accomplissement du désir56. Quand le texte biblique dit, « le Seigneur m’a dit », le rêveur entend son propre désir selon la théorie de Freud57. Il en est de même quand le rêveur entend « Ecris avec un burin ordinaire », ou « Ecris cela devant eux », Is 8-1, 30-8, « écris une vision », Ha 2-2, le modèle d’écriture est emprunté à l’habitus mésopotamien selon lequel le grand roi donnait ses ordres par écrit et les confiait à un porteur de messages qui transmettaient les nouvelles. Job, quant à lui, se contenta de souhaiter qu’on écrive ses paroles, Jb 19-23, par conséquent il voulait clamer très haut sa misère intérieure pour qu’elle soit connue.

On conçoit pourquoi c’est un juif, Freud, qui inventa la cure de parole sachant que tout passage à l’écriture implique la maîtrise des affects et, en principe, les mots d’esprit imprévus dans les lapsus calamae.

Le mot targum58 signifie expliquer traduire, hébreu tirgem, targum dérivant comme participe passif de meturgam, Esd 4-7. La Tob comprend ainsi la traduction du mot targum : le texte de la lettre était écrit en caractères araméens et en langue araméenne aram59i.

Le porteur de nouvelles, le chœur qui se fait l’écho du récit dans une tragédie grecque, le messager malak annonçait les mauvaises nouvelles, la mort du roi par exemple, sachant que ce savoir lui vaudrait d’être éliminé. Le sème négatif de malak aurait disparu de la langue des textes mais pas la fonction, l’emploi aurait été conservé en langue orale, pour désigner le messager des bonnes nouvelles.

Malak signifiait aussi roi avec une graphie différente selon les écritures et les époques, détail qui serait à l’origine des trafics et des métathèses imposées à l’alma, halemah la jeune fille, sur le mot halom du rêve quand il inclue le sens de cauchemar.

La phonologie comme le rêve ignorent l’orthographe, elle choisit le son comme le fait le rêve, surtout quand il s’agit de traductions de langue en langue et d’interprétation du tabou de la virginité par les peuples sémitiques. C’est le sémantisme favorable à l’apologétique chrétienne qui aura été conservée par les Pères, mais dès l’origine au IIIe millénaire, il aurait été apparenté ou même identifié à l’ange annonciateur du rêve, le

56 Les occurrences du verbe écrire très nombreuses dans la Bible à des époques très hautes indiquent

l’importance capitale de déterminer pour chaque texte l’historiographie scripturaire de la copie étudiée

parvenue jusqu’à nous. Des textes écrits de la Loi font partie des incendies de bibliothèques comme à

Alexandrie ou de documents détruits lors de la destruction du Temple en 70. 57 FREUD L’interprétation des rêves 1926. Hachette 1967, Chap III, p. 113 à 122 58 LE DEANT. « Notice Targum ». In Dictionnaire de la Bible. Letouzey et Ané 2005, p. 4 & 11*. 59 En grec, 2 Esd. 4-8, meturgam est rendu par ηρµενευµενην et le dernier arami n’est pas traduit. On

rattache tirgem/targum à l’akkadien targuman interprète venant d’une racine sémitique tarkumanu

interprète, venant lui-même d’une racine sémitique rgm parler. Chaïm Rabin a suggéré une origine hittite :

turkummaï, tarkummiya, annoncer, expliquer, traduire (1963, p. 134-137).

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dieu que vient interroger le dormeur dans les rêves d’incubation, dans les temples antiques.

L’annonce à Marie de la Bonne Nouvelle qu’elle serait la mère du Sauveur, Is 7-14 et

Luc 1-28, oblitérait l’image de l’ange du cauchemar de la mauvaise nouvelle, la profanation antérieure du Saint des Saints dans le Temple de Jérusalem et la profanation des vases sacrés remplies des huiles saintes consacrées pour les onctions. Les anges dans les campagnes qui annonçaient aux bergers le temps des agnelages au printemps et, en un mois précis de l’hiver, quand les Egyptiens voyaient dans le lever prochain de Sothis, l’étoile du nouvel an pour les Egyptiens du grand Sud pharaonique, ils manifestaient leur savoir sur la résurrection de la nature dans le renouvellement du cycle annuel des saisons.

Cette censure sur un des sèmes pertinents d’un signifiant a été observée en assyriologie dans la langue d’Ebla en Syrie du Nord, ce qui la fait remonter au -IIIe millénaire, époque où la langue mêlait encore les pictogrammes à l’écriture cunéiforme60. La contagion venant de la Syrie du Nord aura atteint la langue biblique à travers l’akkadien, pourquoi pas pour le nom divin à une époque encore à déterminer, et surtout par un occupant précis encore à déterminer, sachant qu’à Qumrân l’indicible YHWH avait disparu, remplacé par le nom d’Adonaï.

Après René Dussaud, le Père de Vaux observa que non seulement le rituel mosaïque dérivait du rituel cananéen, mais que la Bible expliquait les textes d’Ougarit. Les textes bibliques, adaptés au dialecte judéen furent vocalisés par les massorètes à une époque plus tardive61. Ces indications confirment la datation approximative des lettres de Paul et des évangiles.

Au Louvre, l’abominable dévastateur, l’ange exterminateur d’un grand Giotto, de son regard perçant la haine de ses six ailes, conserve le secret du rêve d’un Innocent, derrière les plumes maintenues abaissées pour voiler l’ignorance de la vérité dont nos pères n’avaient pas été préservés, Dn 8-13. Il foudroie les mains ramasseuses d’or qui se referment sur les trésors amassés dans les greniers. L’éclair qu’il lance de son mirador produit le choc sur les mains et sur les pieds, brisant à jamais les ailes de ceux qui le reçoivent au champ donneur d’un combat sans trêve. La vérité conservée dans quelques jarres à Qumrân est une écriture dont personne ne sait encore à l’heure actuelle si les Pères de l’église savaient que retrancher une vérité de la nature est un délit jadis confirmé par un déni théologique dans un simple lapsus ?

La racine indo-européenne d’interpréter, expliquer est celle d’accomplir le mandat du projet de Jésus, le locuteur juif araméen qui indiquait que les adversaires du Temple helléniste de Jérusalem expliquaient la loi du ciel. Jésus, le fils du charpentier Joseph, voulait rendre compte de la vie éternelle des étoiles, dans une analogie panthéiste avec l’éternité de la transmission de la vie et de son renouvellement de génération en

60 Maria-Giovanna BIGA Université de Rome, La Sapienza. Le 28 mars 2013, invitée à l’PHE par Mmes

Bonraisin et Masetti. Série de 4 conférences sur la religion d’Ebla. 61 R. de VAUX o.p. « Les textes de Ras Shamra et l’Ancien Testament ». In Revue Biblique 1937, tome XLVI, p.

526 à 555

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génération, l’élan vital, vitalité sacrée qui permet la transmission de la vie par un homme et une femme sous le ciel étoilé qui ne meurt jamais. Paul, en route vers Damas, était dans la ligne droite du projet helléniste hellénistique confirmé par les Romains.

La vitalité sacrée qui traverse deux corps unis n’était pas pour Jésus, le culte grec du sexe, ni le sexe de l’homme avec le hiéroglyphe égyptien du lien. Le phallus à Athènes et les effigies du sexe féminin sans doute vendus à Corinthe que les marchands, plâtriers de mensonges, vendaient des « idoles d’argile à ne pas regarder », Job 13-4 ; 13-12. Les objets abominables, Dt 7-26, étaient plaqués d’argent ou d’or, inspirés par la porte initiatique, le yoni indien venu de loin navigant à travers les océans, Mc 13-14.

Aucun papyrus de Torah écrite antique ne pouvant être daté, c’était sans doute dans les premières recensions des paroles de Jésus que l’on retrouve le sentiment d’une certaine forme de plénitude dans la miséricorde reçue du Temple céleste, érigé sur le modèle symbolique de l’ancien, profané à jamais dans ses prêtres.

Il semble bien que ce soit cette vision du monde que le rabbin Jacob Neusner présente62, quand il reprend les versets prêtés à Jésus selon Mathieu dans lesquels Jésus n’est pas venu pour abolir la loi mais pour l’accomplir. C’est alors que reprenant les termes considérés par certains comme une interpolation tardive, les Béatitudes, il présente les versets Mt 5-21, 22 ; Mat 5-27, 28 ; Mt 5-33, 34 Mt 43-44 à 44.48 en indiquant qu’il lui faut distinguer entre la substance de ce que Jésus dit et la forme qu’il donne à ses énoncés. Il s’agit pour Neusner dans ces versets d’y entendre le renouvellement de la Torah proposée par ce maître, ce qui est exactement le point de vue présenté ici, complètement étranger aux enseignements de Paul qui, non seulement pas n’aborde pas la prédication de Jésus, mais abolit la loi purement et simplement, sans explication. Tout semble s’être passé dans les évangiles comme si le récit racontant que Jésus avait renversé les marchands du Temple avec leurs tables n’avait d’autre but que garder en mémoire pour la postérité les préceptes de la révélation à Moïse. Conservés par la communauté de prière des réprouvés du Temple après reconstruction de leur vie saccagée à valeur sémantique de résurrection de leur âme, lors de leur exil à Qumrân, il s’agissait de sauver la Loi mosaïque avec la mémoire du désert. C’est ce que semble inférer Jacob Neusner du chapitre 5 de Matthieu

Nous pouvons noter que les dits des hommes de la grande assemblée ne se veulent

pas des citations de l’Ecriture ; ils veulent apporter leur propre contribution à la chaîne de

la tradition. Sans difficulté, j’attends donc de Jésus non seulement une reprise ou une

paraphrase de l’Ecriture, mais quelque chose de réellement nouveau, qui cependant

appartienne totalement à la tradition reçue, qu’il s’agit de transmettre maintenant. … C’est

une torah, l’enseignement d’un maître, qui correspond très bien à la Torah … mais qui

laisse la place à l’enseignement des sages reconnus au fil des temps.

Ainsi replacées dans son temps, les paroles de Jésus retrouvent la vigueur et l’âme qu’il communiquait aux foules de petites gens, désarmées par l’analphabétisme et les

62 Jacob NEUSNER. Un rabbin parle avec Jésus 2001. Cerf, traduction 2008, p. 56

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siècles d’occupation étrangère, et surtout face à la profanation de leur Temple. L’homme Jésus, le juif, le juste fidèle à la loi et aux écritures reconstruit l’importance de la sagesse des prédicateurs telle qu’elle pouvait apparaître, à tous les échelons de la société judéenne, sur laquelle pesait le joug païen de la perversion gréco-romaine que les Judéens abominaient secrètement, à cause de leurs lois.

On se trouve alors, en présence de la fortitude démontrée à Qumrân par des hommes qui parlaient en leur propre nom, et en écho avec les prophètes qui les avaient précédés et dont ils connaissaient le malheur à travers leurs écrits, des psaumes, des lamentations et la tradition orale juive. Il s’agissait dans les textes selon les évangélistes de garder vivante la mémoire des partisans qui avaient refusé l’invasion de la langue-culture grecque, bientôt suivie de la mémoire romaine avec le culte de l’empereur. Le rabbin David Neusner condense ses réflexions sur l’accomplissement de la loi par Jésus dans la base de l’enseignement des rabbins ce qu’il lit dans les enseignements de Yan’an ben Zakkaï, Jean le juste63.

Le syncrétisme indo-européen inventé par Paul pris dans son narcissisme pour diviniser Jésus visait à effacer toute trace de l’origine juive concernant tout ce qui tournait autour de sa spécificité ethnique, un peuple dont la loi s’opposait à tous les autres peuples par son respect de l’intégrité du corps masculin. Aussi peut-être serait-ce dans le nom de Paul qu’il faudrait investiguer l’origine d’un destin énigmatique, à mi-parcours et/ou finalement nulle part, entre les langues indo-européennes et les langues sémitiques et dont l’étymologie du nom Shaoul clarifierait l’accomplissement d’un destin, /shaou/ comme /Yaou/ dans le mystère du yod ?

Le Christianisme fondé par Paul plonge ses racines dans la langue grecque de ses épîtres, langue de la diaspora qui aura très vite oublié ses racines juives. La dette est telle à l’égard des langues en usage à Qumrân que le chapitre 16 de l’ouvrage de Benveniste consacre au Vocabulaire des instituions indo-européennes 1 sur le prêt, l’emprunt et la dette ne suffit pas pour justifier les effets d’un désastre humanitaire sans précédent dans le monde de l’ignorance sur la transmission de la vérité. La réponse des kabbalistes est dans le concept de Tiffereh beauté opposé au mal dont l’homme est capable, situé au cœur même de l’arbre conserve son secret dans les Nombres, un livre de la Torah.

Le prénom de Paul et les inconnues sur son enfance et sa mère

L’interdit d’interdire qui animait l’agitation universitaire de Berkeley, USA, avec ses excès et ses emplois abusifs du LSD et gagné les universités de Vincennes et de Nanterre en 1968 enthousiasma une jeunesse éprise de liberté, rêvant tout haut et en actes d’un monde libéré de toute oppression, imprégné de légendes et de folie collective. Les héritiers de 1968 s’offrirent un retour du refoulé occidental en transmission de la psychanalyse freudienne et en éducation, qui peut être mis en analogie avec les événements qui se sont déroulés en Judée successivement envahie par les Perses, les Grecs et les Romains. Dans ce retour historique du refoulé d’un désir libératoire, on

63 Jacob NEUSNER. Un rabbin parle avec Jésus 2001. Opus cité, p. 56

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pourrait interroger simultanément le malaise dans la culture qu’interrogea Freud et le malaise individuel de Paul, dans « son épine dans la chair », remontant à un refoulé antique énigmatique remontant aux origines du christianisme. Le nom de Paul qu’il aurait adopté n’était pas un nom hébreu, mais un nom latin, Paulus. Ce nom de Paul adopté par lui-même après sa conversion, reposant sur l’adjectif paulus, en latin signifie petit, faible, un sobriquet chez les Romains. En hébreu araméen de Judée, le nom Shaoul signifiait « Le Demandé », la tradition faisait remonter ce nom au roi Saul. L’idée de l’attente des premières lueurs de l’aurore est dans les psaumes, donc en principe hébraïque, grecque pourquoi pas, elle inclut l’idée de l’attente chez le veilleur, image de l’âme qui attend le secours d’une lumière du ciel pour continuer à conserver son espérance et le sauver de la désespérance. Or, dans les langues indo-européennes, cette attente espérée apparaît en 1 Co 13-7, dans la notion de fidélité personnelle, la liaison qui s’établit entre un homme qui détient l’autorité et celui qui lui est soumis par un engagement personnel64. Autour de l’idée de confiance, de trève, de pacte, des dérivés germaniques se sont formés autour d’une racine germanique *√dreu65. sans doute issu d’une reconstruction archaïque beaucoup plus ancienne à redoublement consonantique exprimant le superlatif sumérien.

C’est à partir de la notion subjective de fides, fidélité, développée par Benveniste (Benveniste 1969 p. 118) que l’on peut observer chez Paul une conversion sémantique du sens du terme fides fidélité, « moment de l’évolution où la fides est attribuée au vainqueur (la voix de Jésus sur le chemin de Damas) et où Paul se livre au pouvoir souverain de sa croyance en la résurrection après la mort de celui qu’il a persécuté à travers les Adeptes de la Voie. Moment philologique où le vaincu se livre au pouvoir du souverain en se mettant sous l’autorité de celui qui dispose d’un pouvoir souverain. Inversion du sens, conversion au sens de la croyance, il n’y a pas de réciprocité, il s’agit d’une pure expérience subjective personnelle. Pour Paul, la fides, la foi sur laquelle il va s’appuyer dans toutes ses lettres lui procure la garantie intérieure et psychique qui fait autorité sur tout autre forme de pensée, de croyance et de volonté. En même temps que le citoyen romain trouve refuge dans sa soumission, sans contrainte, (il se laisse guider en aveugle), obéissant (il s’y soumet de plein gré).

D’où la conceptualisation philologique que Benveniste tire de la différence entre la signification et la désignation. Ainsi, l’expression la plus générale de la fidélité en indo-européen occidental est celle du latin fides. D’où le sens suivant qu’il propose : « le possesseur de la fides détient un titre qui est déposé chez quelqu’un, ce qui montre que fides proprement est le crédit dont on jouit auprès du partenaire », (Benveniste 1969, vol 1, p.

64 Emile BENVENISTE Le vocabulaire indo-européen des institutions indo-européennes. Minuit 1969, p. 104 65 La base formelle proposée par Benveniste est un rapprochement avec l’ie *√dreu-wo chêne, arbre dur et

résistant dont l’expression la plus abstraite se marque par la notion de fidélité. Mais études sur les climats,

latitudes, aire géographiques l’ont conduit à faire converger les sens vers l’idée de bois, arbre, inversant les

études préalables pour adopter l’idée que la désignation chêne appartient à l’ère temporelle grecque la plus

récente. Dans le reste des langues indo-européennes, le sens arbre du rameau germanique avait conservé

l’idée de fidélité dans la racine ie*√deu-wo que se forma l’arbre, drus homérique, grec récent, en tant que, fort

et dur, et non en tant qu’espèce (Benveniste 1, 1969, p. 106 à 118,

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117). Le paradoxe posé par le grammairien est le suivant ; « comment donner une chose et l’avoir en même temps ? ». D’où la subtilité de la nuance « comme notion subjective et non plus la confiance qu’on éveille chez quelqu’un mais la confiance qu’on place en quelqu’un, (p. 118).

On voit là le lien à établir avec 1 Co 13-7 d’où partait l’investigation de sens donné par Paul qui découvre brutalement la notion juive de fidélité à l’alliance par la circoncision et la loi que Jésus ne voulait pas abolir mais accomplir et que lui, Paul le guerrier, combattait dans sa fidélité à l’armée, à son chef, dans la forme compagnonnage guerrier que Benveniste avait trouvée décrite par Tacite.

L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout, 1 Co 13-7

Ainsi se caractérisait ce que l’on peut trouver en philologie chez Benveniste pour

caractériser l’attente messianique chez les préchrétiens de Qumrân, la confiance dans l’accomplissement d’Israël de la prophétie d’Isaïe 33-20, l’attente de Joseph d’Arimathie Mc 15-42, la délivrance de Jérusalem Lc 2-38.

Le sommet de l’arbre des sefirot, la couronne kether est là, le diadème de Josué dans le rêve de Zacharie 3-1 à 7, le prix du vainqueur, le salaire, chez Paul, 1 Co 9-24, (récompense espérée et dénoncée par les religieux de part et d’autre pour la cupidité qui l’accompagne). Tout repose sur le fondement Yessod, point final de la malkhout le règne, le royaume, la racine de l’arbre. Raisonnement fermé sur lui-même, même la raison logique peut déraisonner, se contredire, changer le sens le cours du temps, ainsi que le fait le récit de la conversion de Paul.

Ainsi est fait le couple humain, pour le meilleur et pour le pire, l’arbre des sefiroth expliquant les énergies qui animent l’homme et la femme, le bien et le mal aussi inséparables que le couple destiné à les transcender, s’il y consent, dit la Bible. C’est ainsi, disent l’anthropologue et le philologue qui ne connaissent pas la théologie, mais les textes, étrangers à son champ de réflexion et de pensée.

Pour les kabbalistes, savoir recevoir et savoir donner résument l’essentiel humain, une quête infinie de lumière. Discrètement, Emile Benveniste, sans prosélytisme kabbalistique, a désigné, nommé ici quelques sefiroth, adoptant le même chemin qu’Elie Benamozegh, Alain Ouaknin, Michel Attali, pour dire la même chose sous son texte, sous le manteau, sans porter de jugement sur les ennemis des kabbalistes. Yessod le fondement et malkout le règne, c’est l’homme et la femme, l’être et ses semblables, les parents et leur descendance, la vie tant qu’elle dure pour le temps de leur vie. Une par une, les dix sphères, énergies séfirotiques de l’arbre pourraient être reprises dans la perspective philologique et analogique offerte par Benveniste et Maïmonide et même Blaise Valentin avec ses réserves sur lesquelles on ne sait rien. Les kabbalistes de tous les temps étaient fidèles à l’idée d’arbre de la science du bien et du mal dans le Livre de la Genèse. Leur projet tient à l’idée que l’on ne doit pas couper un arbre.

Darwin n’a pas introduit de changement au lien œdipien utérin. Le formatage de l’être biologique commence à la conception, se développe in utero à travers la voix de la mère, puis dans l’infans, quand le tout est permis pulsionnel de l’enfant qui ne parle pas encore

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est confondu avec la maîtrise ultérieure qui freinera le plaisir du « tout-tout-de-suite ». Certains adultes restent des adolescents candides, immatures à vie qui, par ignorance, n’auront pas vu venir le tsunami international qu’est le malaise actuel dans la culture. Les adolescents de nos cités le savent pertinemment, l’effet d’un malaise social est visible, lisible, audible dans nos prisons et hôpitaux psychiatriques à poser comme paradigme d’un malaise plurireligieux et pluriethnique. Le malaise dans la civilisation dont Freud avait brièvement rendu compte en une centaine de pages se prolonge dans la crise économique en imposant l’évidence que les désordres sociaux sont d’origine sexuelle, une racine très archaïque, quand les effets d’un manque d’information ethnographique montent du terrain où la misère du monde est mise en application de jour comme de nuit.

Le Ka et le Ba, éternité de la matière, de la pierre et de la vie

L'artiste cherche en lui-même le même tragique que le rêveur, le prophète, le mystique, le fou. « Le lien de la pierre et de la filiation, au-delà du jeu de mots, plonge dans des croyances et des cultes sémitiques immémoriaux restés vivaces dans l’Islam, avec l’adoration de la pierre noire de la Mecque66 ». Interpréter le Koran sans y lire les évangiles, l'alliance des Hébreux au Sinaï et les textes des Pyramides est une trahison du patrimoine sacré de l'humanité. Rejeter l'art et les artistes, c'est le meurtre de l'âme en quête de perfection et de victoire sur la mort d'une éternelle humanité. La pierre noire de la Kaaba véhicule l'union de deux notions spirituelles, le Ka et le Ba des Egyptiens qui ont résisté par leurs sonorités. Leur mobilité sur d'immenses espaces a conservé la croyance au principe supérieur de vie. La similitude de certaines sourates et de certaines paroles évangéliques est soutenue par le K araméen = comme, le qum = du maqom = milieu divin offert au couple avec leur héritage égyptien de Ka, le Karan du Livre coranique, la Kaaba, Ra égyptien qui brille pour tous, chacun selon sa langue, [ha], [kha], [ra], [ka] en personnifiant le dieu solaire de qualités supérieures. La permanence de la vitalité du [K] perce l'oreille des femmes du Ra égyptien qui transmet la quête de

transcendance de la musique de l'éternité, la mémoire des morts. La conservation d’un son n’est pas toujours liée à sa graphie, mais souvent une

ressemblance subsiste. Il y a, dans l'Islam, un effacement délibéré de la chute du couple de l'origine, un refus de la faute de la femme. La malédiction n'est pas posée sur elle et sa descendance par le prophète parce que la langue arabe ne possède pas le côté/boiteux propre au tsela de la langue hébraïque : la femme n'est pas issue de la côte de l'homme67. Sourate 95-6, le Coran est donné à « ceux qui auront cru et fait le bien, car leur est réservée une récompense qui ne sera pas accompagnée de reproche » à entendre ous le texte comme une référence au pardon hébraïque. L'idée de reproche écartée laisse supposer qu'elle existait pour d'autres.

Philologiquement, le héron cendré des Égyptiens serait venu des pays du Sud avec un terme désignant les éleveurs de haute taille constituant les tribus somaliennes qui

66 Gérard HADDAD Les Bibliocastes p. 26 Grasset 1990 67CORAN Sourate 7 Al Araf La Connaissance

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avaient fait irruption dans la vallée du Nil68. Ces pasteurs du grand Sud appelés grues parce qu'ils se tenaient pendant très longtemps sur des échasses en s'appuyant sur une lance en bois de silphium, en retenant un pied par la cheville. Une confusion d'espèces volatiles dans la traduction de langue en langue est possible, de latitude en latitude. Berger, pied, cheville, héron cendré, grue, huppe, perdrix, silphium, les nombreuses variantes de la généalogie d'Agénor évoquent le mythe d'Œdipe et le héros phénicien de Canaan avec l'éventualité que les Cananaïtes soient originaires de l'Ouganda. La huppe est celle de la sourate 27 dans laquelle il est écrit que Salomon, passant en revue les oiseaux parmi lesquels il ne voyait pas la huppe se vit répondre par la fourmi qu’elle avait trouvé au pays des Sabéens une femme qui gouvernait les hommes, une jolie image araméenne des oiseaux du ciel. Car la huppe était la messagère du roi Salomon qui avait écrit à la Reine de Saba, « Va avec ma lettre, jette-la, tiens-toi à distance et regarde ce qui se passe ». Et la reine de Saba avait dit à ses hommes, « Oh vous chefs, en vérité, une noble lettre a été déposée devant moi » S. 27-28,29. Le reste de cette sourate est un conte de fées sur les fleurs des champs dont Salomon dans toute sa gloire n’avait pas été vêtu comme l’une d’elles.

L'ordre de la huppe, c'est le regard sur la métathèse i.e. *spk, skp. L’ouïe et le regard sont inséparables dans la base i.e. *√spk qui annonce la sourate 27. La découverte du respect chez les Anciens se fait face à la mort, le mort est respecté à travers les rites d'ensevelissement. Respect, mort et sépulture forment le noyau de la croyance puis de la religion autour de laquelle mythes et lois philologiques vont s’établir. Comme il était d'usage en son temps, Emile Benveniste évitera toujours soigneusement les questions sexuelles en dépit de Freud qui avait proposé de suivre la genèse du symbole d’horreur dans la mythologie grecque de la tête de Méduse en parallèle avec d’autres mythologies69. Or, justement, les exégètes chrétiens évitent les interprétations visant à lire des paraboles dans les textes évangéliques. Le geste violent de Jésus desséchant un figuier en MC 11-12, indique qu'il rejetait un des sèmes grecs du mot sukon = figue, sexe de la femme, image de la culture grecque homosexuelle des philosophes. Le père de Jésus n’était pas de ce monde-là. Pour les Juifs, le figuier était un arbre, un fruit était un fruit, une saison une saison, ils rejetaient la langue et la culture des Grecs qui leur imposaient leur paganisme avec les cultes d'Aphrodite. « Du figuier, apprenez cette parabole », MC 13 28. La palatalisation [k/g] de l’i.e . *gen conserve la connaissance de

l'arbre héritée du ken égyptien. La connaissance de l'arbre, c'est bien le respect de l'ordre généalogique, l'interdit de l'inceste, le sens unique du temps, le savoir sumérien zou, la langue des sages-femmes des shazous de Iaoué oubliée (?) au Yémen actuel.

La base i.e.*skep= regard explique des contaminations dans de nombreuses langues.

Etant donné que l'indo-iranien a des termes juridiques et religieux communs, le

rapprochement avec le védique saparyati = il honore ne saurait être négligé malgré la

différence de sens. "Sepelio" se serait dit par spécialisation des honneurs rendus à un mort

68 Robert GRAVES Les Mythes Grecs Fayard 1967, p. 159 69 FREUD « La tête de Méduse » 1922 in Résultats, idées, problèmes II p. 50 PUF 1985

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(français "obsèques"). Il s'agirait comme d'un credo dans la conservation d'un ancien terme

religieux avec une parenté plus lointaine avec le védique sapati = il soigne70.

La survivance de la racine *sep dans le mot sépulture confirmerait des liens originaires entre croyance, religion, médecine, rituels d’ensevelissement, dès les Egyptiens. Le tabou sur le π et le κ, p et k en phonie-graphie, serait le regard d’horreur

décrit par Freud. i.e. *[sp], respect, sépulture, spectre. La huppe est la compagne apprivoisée, la favorite des enfants dans les temples

égyptiens, l'enfant favori des temples où régnait la pédérastie en guise de culte. La traduction de l'hébreu en grec continue à maintenir la différence entre la vérité et ce qui est tenu pour vérité.

Mère éphémère, effet-mère, effet-mort

Dans les langues indo-européennes, la construction de l’actif et du moyen n’est pas analogue à une simple opposition passif ⇔ actif intermédiaire dans des langues

sémitiques car les grammairiens indo-européens avaient inventé une classe moyenne étrangère aux langues qui ont l’opposition passif ⇔ actif. Ce phénomène linguistique est

dû au fait que dans les langues indo-européennes, le verbe ne porte de référence que par rapport au sujet : « Dans l’actif, les verbes dénotent un procès qui s’accomplit à partir du sujet et hors de lui 71». Cette caractéristique est fondamentale pour comprendre à quel point une notion relativement difficile à cerner aux yeux des savants peut avoir donné lieu à des tours de langue façonnés par des grammairiens antiques, limités à certaines langues anciennes, sanskrit, grec et latin. Pour Emile Benveniste, il était dans la nature des faits linguistiques d’être des signes et de se réaliser en oppositions, en ne signifiant que par là. Aussi ces re-emplois en français moderne restent-ils des signes qui demeurent parfois comme des énigmes, difficiles voire impossibles à résoudre par les scribes et interprètes antiques, le meilleur exemple étant le signe de Jonas, Jon 1 à 4, Mat 16-4, Lc 11-3072. Jonas, jeté à la mer par ses ennemis, était resté trois jours dans le ventre du monstre marin avait de sortir indemne du drame mortifère traversé. Il s’agissait pour les scribes des textes parvenus jusqu’à nous de passer de la graphie cunéiforme des gens de Ninive en apprenant l’alphabet araméen hébraïque. L’alphabet grec est souvent déjà traduit en syriaque des textes du Nouveau Testament.

70 MEILLET Dictionnaire étymologique de la langue latine p. 615 71 Emile BENVENISTE « Actif et moyen dans le verbe » . Problèmes de linguistique générale. NRF Gallimard

1966, p. 168 à 175. LACAN Ecrits, Seuil 1966, p. 316. « … rigueur des formations de l’esprit pour montrer le

lien entre l’instinct de mort et les problèmes de la parole. Paul RICOEUR Le conflit des interprétations. Essais

d’herméneutique. Seuil 1969. Françoise DOLTO L’image inconsciente du corps, Point Seuil 1984. 72 Antoine MEILLET « Du parti à tirer des traductions de l’évangile ». Bulletin de la Société de Linguistique de

Paris, Notes et discussions Tome 21, Fasc. 1. Honoré Champion 1918.

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Quand en 1985, Paul Ricoeur indiquait que le rapport de la mère à la mort n’avait « pas été assez pensé », il parlait de lui-même, resté orphelin de mère, à un très jeune âge73. Or, en 1984, Françoise Dolto indiquait

Le vivre est pour lui (l’enfant) fondamentalement lié avec son prénom à une culpabilité :

langage inculqué au sujet concernant le vivre de son désir en son corps. […] la détérioration

des moyens de communication du désir est celle d’un ordre symbolique précocement

perturbé […] Les difficultés de développement ont été elles-mêmes l’expression d’émois

précoces et d’affects partagés avec l’entourage sans qu’ils aient pu être signifiés en paroles

dites à temps à l’enfant, se fut-il agi de paroles infirmant le droit à la vie symbolique de

l’enfant.74.

Effet-mort de la mère morte, ces paroles dites à temps qui ne seront jamais dites par la mère disparue, répondent bien à ce que la psychanalyste des tout petits découvraient en pionnière dans les carences des nouveaux-nés, l’absence de présence de la mère, auprès d’eux dans ces tout débuts de la phase orale :

Cette dialectique cœur-corps-esprit du fœtus puis du nourrisson avec sa mère est

enracinée dans la physiologie ; mais chez l’être humain tout en étant symbolique, il s’élabore

une composante psychique interrelationnelle qui en est la métaphore. […] C’est autour des

premières perceptions de notre mère telle que nous l’avons ressentie et que pour nous elle

était la vie, que s’est ombiliqué notre rêve d’exister, ce goût du sacré, lié à l’idée de mère75 … La mère est aussi la première informatrice crédible concernant les dangers, c’est pourquoi

je pense que la mère peut être le symbole de la mort autant que de la vie (Dolto 1985, p.

222+) Remarquons ce « je pense que » dans laquelle elle affirme sa position personnelle

subjective à l’égard de la dialectique cœur-corps-esprit du fœtus, qui élimine toute problématique à l’égard de l’esprit de l’embryon dont l’ouïe n’apparaît qu’autour de la 26e semaine de gestation76. C’est bien là que la nouveauté apportée par cette psychanalyste qui n’était pas prise au sérieux dans un monde marqué par des siècles d’une religiosité conduite par des hommes. Pour Françoise Dolto qui s’avoua étrangère à la théologie, il fallait s’occuper de la misère humaine qu’elle voyait s’installer dès la naissance dans la dialectique cœur-corps-esprit du fœtus enracinée dans la physiologie. Le participe incarné répondait bien à cette approche psychanalytique.

73 Paul RICOEUR Le conflit des interprétations. Essai d’herméneutique. Seuil 1969, p. 485

74 Françoise DOLTO L’image inconsciente du corps. Seuil 1984, p. 95+ 75 Françoise DOLTO. L’image inconsciente du corps. Opus cité, 1985, p. 222-224 76 SHAHIDULLAH S. et alii Frequency discrimanation by the fetus "Early Human Development" 1994 jan (36-1)

13-26. HEPPER P.G. et alii Development of fetal hearing "Archives of disease in childhood" 1994 sept (71-2) F

81-7. Didier ANZIEU Le moi-peau Payot 1985. Bernard THIS "La voix in utero". Actes du Colloque d'Ivry La voix

La Lysimaque 23-1-1988..

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Un cas d’enfant de deux ans et demi illustre bien cette incarnation du langage maternel dans l’ouïe fœtale. Et si un AVC brutal était, dans les générations suivantes, la répétition paisible d’un souvenir négligé, « le coup de sang » d’un vieillard emporté au cours du déjeuner familial, défendant dans une colère et sur ses vieux jours, un point de vue jamais perçu en son temps par un entourage qui toute sa vie l’avait rejeté ? La descendance, étrangère à l’historiographie de la vie de celui qui avait été fidèle à son désir ne savait pas qu’il avait raison, scientifiquement, en pionnier. L’explosion de la décharge de colère dans un coup de sang qui tua le vieil homme devint-elle en soi un déclencheur de transmission ? Discours vivant, écrivit André Green en titrant son livre sur l’affect, « chair du signifiant et signifiant de la chair » en séance d’analyse quand la parole donne corps à une énergie affective manifestée par la voix qui se brise et les larmes inattendues.

Image du père, père idéalisé, divinisé, par l’enfant-témoin au débat, y avait-il eu à cet instant précis de la mort du vieillard, en ce lieu de vacances où, l’été, toute la famille était réunie, l’annonce d’une répétition à venir ou au contraire un sursaut de panique dans l’inconscient d’un petit garçon silencieux de deux ans et demi. Pan comme une onomatopée pour un coup, panique, le nom du dieu des bergers grecs célèbre pour sa laideur et ses outrances, règne en maître quand le ton monte dans un débat.

Amnésie infantile, énonciation par l’enfant parvenu à l’âge adulte de l’impasse subjective des propos de table dans la salle à manger familiale, dénonciation généralisée aujourd’hui par un corps social dont le pouvoir avait étouffé toute possibilité de défense au père mort, le vieux, le chef de la harka, le maître devenu un héros refoulé dans les inconscients d’une famille ? Plus simplement chez l’enfant face à un grand-père honnêtement correct, trace dynamique d’une dénonciation à venir chez l’enfant parvenu à l’âge adulte, révolte contre une conception périmée de la famille, du faux amour, de la comédie sociale, responsable pour le petit garçon de l’échec du grand-père humilié, mort entouré des siens au cours d’un repas de famille. Inexorable répétition.

On a là la preuve donnée par Freud que « toutes nos représentations tirent leur origine des perceptions et sont des répétitions de celles-ci ». C’est bien là qu’au-delà du principe de plaisir se trouve la compulsion de répétition dont André Green écrivit : « ce qui est répété est bien la résurgence d’une expérience par laquelle la libido s’est liée, structurée sur le mode de la liaison autour d’un fantasme ou d’un souvenir77 ».

On se trouve alors devant une énigme de l’esprit qui s’explique par le principe du trauma vécu dans l’enfance et qui sera porté par la descendance, à son insu. Face à deux graphiques contemporains différents de la conception virtuelle de l’arbre des sefirot élaboré par des sages juifs à une époque imprécise avant et autour du tournant de l’ère actuelle, peut s’ouvrir une réflexion moderne sur des conceptions différentes du corps, expliquant pourquoi la différence des sexes est une question escamotée dans le christianisme depuis l’aube de l’ère actuelle.

En matière de sécularisation et laïcité, il s’agit ici d’une question de paléographie et de linguistique appliquée à la traductologie, parfaitement étrangère à l’apologétique et à la

77 André GREEN Le discours vivant. PUF 1973, p. 219

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théologie. Les enjeux anthropologiques sont considérables du point de vue de l’histoire de l’humanité, de la modernité et du politique. Depuis deux millénaires, les escalades de violences dont les êtres humains sont capables ont abouti à une progression montante du désastre anthropologique et psychique des désordres mentaux, folie guerrière et génocides animés par le lien entre l’instinct de mort et les problèmes de la parole. C’est surtout dans le lien génétique avec la mère et à l’œdipe qui en découle dans le complexe de castration qu’une transmission phylogenétique s’opère.

Le nom de Shaoul, Saul, la question de sa transcription par les disciples de Paul après sa mort, aura sans doute posé un problème des translittérations et de traductions à propos desquelles une investigation est nécessaire pour en imaginer la transcription en Judée et dans la diaspora grecque en Anatolie et à Corinthe, en tenant compte de la prononciation tabouée du sh dans le shibboleth biblique.

Le nom Shaoul était transcrit shl ou sl, en hébreu, selon le système phonologique de la langue maternelle des locuteurs puisque la prononciation s’appuie sur le système auditif selon que le phonème existe ou pas dans la langue-cible. Le mot araméen sl pour Saül pourrait avoir été translittéré et traduit en grec mais confondu avec l’indo-européen sawel soleil puisque c’est ainsi que les aèdes prononçaient ainsi le digamma qui avait disparu à l’époque de Paul. En grec, le substantif soleil reposait sur la racine *ie√sawel78

Le mot hébreu shin mem a trait au nom, le mot shin mem shin signifie soleil, se lever, vivre, se coucher79. Il était obligatoirement écrit sans voyelle, en conformité avec l’opposition de l’initiale en sh/s du shibboleth/sibboleth biblique. Quand un phonème est absent du système d’une langue étrangère, le locuteur répète ce qu’il entend en choisissant malgré lui, le phonème de sa langue le plus proche du son perçu. Il est donc légitime qu’au cours de la diffusion des textes et de leurs traductions successives pendant les trois ou quatre premiers siècles, des déformations phoniques aient introduit des changements de sens, d’orthographe, d’écriture, car le traducteur part des valeurs de sa langue-culture maternelle. Ainsi d’une langue à l’autre, l’idée véhiculée par un mot, se comporte comme une chose mais elle ne correspond pas toujours fidèlement aux sèmes les plus pertinents en signification, à l’orthographe et encore moins à la prononciation, d’où l’importance du moment présent pour tout sujet parlant dans l’époque de son énonciation surtout à une époque où les populations ne savaient pas lire ni écrire leur langue.

Or, dans les langues indo-européennes, le vocabulaire des religions incluait les phénomènes naturels divinisés comme sawel le Soleil et la lumière solaire, le Vent weyus, la Terre dhghôm. Les astres et les phénomènes célestes constituaient un tout, une source de connaissances que les hommes de l’Antiquité, indo-européens, indo-iraniens et sémites, scrutaient dans le ciel depuis le néolithique pour y chercher l’énigme de leur

78 Xavier DELAMARRE Le vocabulaire indo-européen. Lexique étymologique thématique. Maisonneuve 1984. 79 Philippe REYMOND. Dictionnaire d’hébreu araméen et d’araméen bibliques. Cerf/SBF 2004, p. 389, 393.

Les deux mem sont différents dans leur graphie selon leur place dans le mot. Le mem intermédiaire ouvert

dans le bas signifie eau, le mem final fermé dans le bas symbolise la conscience de soi. G. MANDEL, L’écriture

hébraïque Flammarion 2001

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permanence, posée en analogie avec leur propre corps, leur vie et leur existence dans sa durée, dans une organisation donnée par les rythmes de la nature. Chaque élément comportait donc un double, comme les ténèbres en alternance avec la lumière, la lune étant l’astre nocturne alternant avec le soleil. L’équivalence existait au moyen du principe analogique entre les ténèbres de l’âme et les ténèbres des nuits sans lune. Le soleil divinisé avait son équivalent sur terre représenté par le Grand Roi en Mésopotamie, Pharaon en Egypte, le roi souverain. Implicitement, la dyade homme/femme appartenait à le question posée au ciel, aux astres, aux rythme, aux mots, objets de la nature, à l’engendrement de la vie et au bonheur d’égaler les dieux dans la capacité à créer la vie dans un enfant. Le symbole de l’arbre était apparu peu à peu dans l’image du fruit avec la prise de conscience de l’existence du mal, confondu avec la maladie chez les peuples de Mésopotamie. La différence des sexes selon Freud était donc partie prenante à la vision du monde chez les anciens qui attribuaient la maladie à la volonté des dieux célestes, les astres.

Selon les langues et les étymologies, l’extension sémantique de la valeur soleil était plus ou moins grande, il faut compter avec les invasions et les influences venues d’Asie vers le Proche-Orient et la Judée pour trouver le sanskrit védique svar qui signifiait ciel et demeure des dieux et des bienheureux. Ce terme correspond bien aux croyances et aux cultes des astres auxquels Jean prêtant la parole à Jésus en désaccord avec les autorités du Temple écrivit :

Vous scrutez les écritures dans lesquelles vous pensez avoir la vie éternelle or ce sont

elles qui me rendent témoignage, Jn 5-39

Il y aurait eu ainsi dans l’évangile de Jean en grec, une ambiguïté de traduction sur le

verbe demander, dont on ne sait pas en français si la parole qu’il prêtait à Jésus renvoyait à la langue grecque ou à l’araméen judéen. Or, le nom de Shaoul que Paul entend sur le chemin de Damas le renverse par terre, le bouscule intérieurement, l’éblouit d’une lumière telle qu’il est emporté dans un autre monde, ravi à lui-même, et pris en charge par une voix qui le guide vers de nouveaux amis et une nouvelle vocation pour l’avenir. Le texte littéraire a la saveur d’un texte magique égyptien. Dans le nom, Shaoul, Le Demandé, quelle était la demande, qui était le demandeur ?

En araméen biblique, le verbe she’el apparaît sous la forme d’un désir dans le psaume 20 qui présente une demande adressée au ciel, aux dieux, aux astres, à Yahvé, d’une attente de secours entremêlée d’espérance, un prière.

Que le Seigneur accomplisse toutes tes demandes … je le sais, le Seigneur donne la

victoire à son messie, Ps 20-6. Quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, Lc 11-10

Sémantiquement, le verbe demander en appelle à l’autre dans l’attente d’un recevoir, lisible dans le jeu des pronoms sujets et objets

Alors, le Seigneur m’a dit : Dt 10-1

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Moïse donna aux fils d’Israël les instructions suivantes : vous donnerez à chacun son

patrimoine par tirage au sort … en effet, la tribu des fils de Ruben … et la tribu des fils de

Gad ont déjà reçu leur patrimoine, Nb 34-13

Quand je suis monté sur la montagne pour recevoir les tables de pierre les tables de

l’alliance que le Seigneur avait conclue avec vous, je suis resté … Dt 9-9

Moïse était partie à l’affaire, mais il n’était pas seul. Il entendait une voix, il recevait un

ordre, une loi, et il voulait l’appliquer pour accomplir la promesse divine, la voix intérieure entendue en lui-même sans la trahir ou la fuir, comme dans une vision nocturne, un rêve, une descente en lui-même, un choix de sa part.

En grec du Deuxième Testament, le verbe demander comporte un sème prier, poser une question et attendre une réponse, par conséquent le demandé aurait son équivalent le demandeur qui rend possible le dialogue intérieur au visionnaire entre le demandeur et le demandé, une habitude proprement égyptienne pour un habitué des Maisons de Vie où les souverains et les ministres consultaient les dieux dans ses songes d’incubation. Les prêtres interprétaient et rendaient leurs oracles à corréler aux oracles des pythies grecques qui visiblement étaient secrets ?

Le demandeur qui en appelle au Demandé serait le témoin du divin en l’homme, le psalmiste qui observe l’horizon en attendant de voir pointer les premières lueurs de l’aurore (i.e. aus) pour donner le signal du sacrifice. Il y a dans cette demande un sème d’attente de nature mystique, devenu l’Avent pour les Chrétiens, désignant les quelques semaines qui précèdent la fête de Noël, la naissance de Jésus.

D’une langue à l’autre, aucune traductologie ne rend compte des malentendus transmis et prêchés à une époque où les grammairiens connaissaient peu la philologie et la phonologie comparées telles que les savants Meillet, Benveniste, Lévi-Strauss les avaient inventées dans leur approche des langues mortes de l’Antiquité

Qui était demandé, implicitement qui était Le Demandeur et que demandait-il à Paul dans le nom de Shaoul sur le chemin de Damas ? Cette opposition biblique hébraïque demandé/demandeur correspondant à l’opposition question/attente d’une réponse serait le tour de langue indo-européen signalé plus haut par Benveniste, la construction de l’actif et du moyen retraduite en araméen et en hébreu, difficile à comprendre par les scribes d’alors et à mettre en exemples car justement les exemples et les situations sont limités

La dimension du sème prier dans le terme indo-européen demander serait d’origine avestique à partir du mot svar, hypothèse plausible du fait des invasions multiples au Proche-Orient et surtout de l’importance des calendriers, du rôle des astres dans la vie quotidienne.

L’arbre des sefirot, hasard et nécessité d’une éthique. Réécriture ?

L’idée présentée ici repose sur l’hypothèse suivante : la rupture entre les juifs et les Chrétiens aurait été le fait de Paul et/ou de ses disciples appartenant à une secte judéenne d’origine indéterminée située dans la ligne helléniste la plus forte du pouvoir au Temple de Jérusalem. Les séquelles de certaines prédications de l’apôtre auraient

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produit le christianisme actuel divisé par les murailles de protection d’un passé qui ne passe pas sur les enclaves où gisent les passes de la vérité sur la vérité anthropologique. Au cours des premiers siècles de la jeune église d’une diaspora sans juifs, c’est le manque de circulation de l’information qui caractérise une époque qui atteignit certains Pères de l’église lors de l’établissement des règles destinées à devenir des dogmes. C’est la lumière sur ces incertitudes qui manque aujourd’hui pour comprendre la violence des séquelles d’une rupture entre le monde juif des Hébreux et le monde chrétien ultérieur qui persécuta sans relâche les Juifs pour s’amplifier au point de devenir un phénomène de masse avec la Shoah. C’est donc la souffrance juive dont il faut entendre les pleurs dans la culture et non les stéréotypes franco-chrétiens et franco-catholiques reçus par ceux qui naquirent et furent élevés pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que Margaret Mead l’observa si bien dans le fossé des générations.

Ein sof = lumière en hébreu, attribuée à Yahvé, devenue une théologie de l’esprit était le symbole indicible du Nom, lettres hébraïques du divin YHWH qui désignait l’acte indicible de la rencontre sacrée. Invention en esprit enracinée dans leur émerveillement au sortir de l’Egypte pharaonique, le miracle de la délivrance était un adieu aux idoles de la servitude.

Un nouveau langage était né avec le retour au nomadisme, leur découverte s’écrivait dans une nouvelle écriture, le vav de leur langue entre l’homme et la femme retrouvait le lien perdu du berit, une alliance avec le passé, une errance oubliée dans les pierres et le sable sous d’autres ciels remontait dans les mémoires pour leur raconter leur propre histoire. Leurs savoirs ancestraux enracinés dans leur mémoire, incarnée dans leur différence essentielle, étaient là sur le chemin de l’eau vers le prochain puits, « descends en toi-même, va dans le pays que je te montrerai ». Le ciel étoilé parlait dans le vent de sable et la rosée du petit matin en coordonnant l’alternance de la marche et du repos nocturne, l’alternance du soleil et de la lune, le secret de la tradition cachée sur la création d’un enfant dans la tente de la rencontre au milieu du camp.

Rencontre avec la lumière qui fait mûrir les blés et germer les semailles, les savoirs sur les travaux des champs reçus des Egyptiens leur ouvraient les yeux pour voir la nuit et naviguer à travers le combat mené par Moïse, l’enfant étranger sauvé des crocodiles du Nil, qui les ramenait vers le grand rêve d’Abram pour retrouver son bouclier perdu.

Le dieu Toth des Egyptiens, responsable du comput du temps dans les harems de Pharaon, accompagnait le peuple de Moïse dans le désert, transmettant ses savoirs aux juifs fuyant devant les armées et il leur avait fait passer la Mer des Roseaux , Mer Salée, plutôt, à pieds secs à marée basse. En silence le peuple de la berit avait fui la servitude, la mer s’était fendue sous un ciel lunaire sans laisser aux femmes le temps de faire lever la pâte pour le pain.

Yahvé avait créé la lumière au cinquième jour de la semaine. Quel était le secret de ce cinq pour Toth qui avait éclairé les Hébreux dans le désert de leur souffrance à Eléphantine, secret qu’ils redécouvraient dans la marche commune aux étoiles et aux femmes. Le signe du doigt, Gardiner D 50, cinq fois répété pour écrire cinq dans un nombre, les cinq doigts, une main, yad, Gardiner D 50, la main ouverte vers le ciel pour

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recevoir la pluie du soleil, le dieu Ra, le Taureau pour tous, était le don du cosmos, une constellation dans le ciel.

Posant ainsi les fondements de la sacralité des langages, langages articulés du langage du corps et du silence de la parole, ne faisaient plus qu’un, le ciel et l’homme au cœur de la nature et de la pensée, les Hébreux auraient donné à l’acte de la rencontre dans la tente le nom de YHWH, par respect pour son mystère. Ils en confiaient la protection à une divinité inconnue tout en tabouant son nom, par crainte de ce qui dépasse l’entendement et la raison, le mal. Ils en étaient alors arrivés à des débats interminables sur l’Un et le Multiple, la multitude promise à Abram unie dans la fidélité à cette mémoire légendaire.

C’est là que les sages juifs des derniers siècles avant notre ère avaient inventé ce qui deviendra la kabbale, un schéma mental aussi abstrait que le temple céleste de Qumrân, un arbre de la connaissance du bien et du mal pour se souvenir et ne jamais oublier que le bien et le mal sont dans l’arbre, dans l’homme et la femme, dans tout être humain. Clé universelle, lumière qui éclaire toutes les métaphysiques, les mystiques et les morales religieuses, le cinq autour d’un nom est un don du ciel à partager. Et peut-être chez Paul, une clé pour déchiffrer l’épine dans sa chair, une image inconsciente dégradée de lui-même enracinée dans son schéma corporel ?

Le cinq est un nombre biblique, un pentagone, une forme géométrique à cinq côtés, cinq angles égaux, un mystère, une inconnue pour l’inconscient phylogénétique. Ce nombre est un universal qui gère chaque individu, dans l’équilibre qu’il doit trouver entre la lumière et les ténèbres de son âme quand le mystère n’est plus partageable.

Et le cinquième Ange sonna. Alors, j’aperçus un astre qui du ciel avait chu sur la terre. On

lui remit la clé de l’Abîme, Ap. 9-1,

Il ne s’agissait pas d’un ange déchu, il s’agissait simplement d’un hellénisme en phonologie indo-européenne relative au z concernant l’astronomie de la lune, car l’astre qui avait chu sur la terre était une simple traduction de « la lune est tombée » en hittite, désignant une phase de la lune. Emile Benveniste80 étudiant l'origine du z hittite avait trouvé le verbe hittite zena (zi-in-na) signifiant mener à sa fin, achever, anéantir ; au médio-passif : aller à sa fin, à sa disparition. Il releva ainsi la locution armas zenatari = la lune va à sa fin, c'est la nouvelle lune. Légende ou miracle de la transmission, le z était le verbe ougaritique couper, to prune, émonder, passé sans faire de bruit dans la langue des Hébreux.

Phénomène bien connu des gens de la terre, les paysans les plus analphabètes ont toujours observé et respecté les effets de la nouvelle lune sur leur corps et sur les animaux. Benveniste se demandait si ce z en hittite était un phonème ou s’il ne

80 Emile BENVENISTE « Sur l’origine du z hittite ». In Etudes hittites et indo-européennes, p. 30. Pour le

philologue, la notion de décours de la lune s'énonce par un dérivé de *√sen, il s'agit d'un déclin, un

dépérissement qu'on a inexactement limité à l'acception de vieillir. Il s'agit de la plus ancienne attestation d'une

expression indo-européenne connue par le latin et le grec. Tiré à part. Vers 1944.

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représentait que des groupes consonantiques ou une variante d’un autre phonème car z servait à noter is. Or, il existait au Livre des Morts égyptiens81, une formule à dire quand la lune était nouvelle, le premier jour du mois pour dissiper la nuée, devenue la Shekina, la Demeure, un voile de brume qui cachait l’Etable dans le ciel, amas nébuleux au centre du Cancer dont l'entrée dans le ciel était signe de temps clément

82. L'Etable, espace nébuleux entre deux petites étoiles, les Anes, constituait la

métaphore amoureuse d'un poème en cunéiforme babylonien dans lequel figurait le roi d'Isin. Dans l’espace et le temps d’une durée étalée sur deux ou trois millénaires, les effets de l’évolution du ciel cosmique en lien avec l’éveil de la pensée et l’évolution darwinienne des espèces en simultanéité avec l’évolution des graphies, transcription et traductions.

En lien avec l’ouverture des sept sceaux de l’Apocalypse, les méfaits de l’éducation apparaissent quand la faculté de l’esprit de penser par soi-même est entravée par le rejet du cinq refuse la lumière. C’est alors que, tel un calamar géant fuyant feu du projecteur d’un plongeur-chercheur descendra jusqu’à une profondeur incroyable sans lâcher sa proie, signe de la force animale qui garantit sa survie car la nourriture est rare au fond des mers. Les hommes des temps bibliques le savaient quand ils comparaient la mère et la mer pour évoquer les dangers œdipiens de dévoration par la mère, les crocodiles du Nil qui imposent à leurs petits des besoins qu’ils n’éprouvent pas mais qui est en elle, posséder un enfant à son image, un enfant sur mesure. La racine ie √mater pour les marins grecs était la Mer Egée du calamar qui leur inspira l’idée du cyclope, le mythe du monstre à un seul œil.

Ici anthropologie et ontologie posent la question du sujet aux prises avec sa responsabilité dans sa confrontation à l’autre. Le langage articulé avec les cinq sens, la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, le toucher, en écartant la théologie interroge la psychanalyse dans la formation de l’image inconsciente du corps la plus archaïque, in utero, à partir de l’idiolecte maternel qui prédéterminera l’avenir de l’enfant à naître dès la formation du fœtus. L’intuition de Job avait déjà exprimé l’attachement des Hébreux dès la conception de la difficulté d’exister dans un monde où bénédictions et malédictions étaient inséparables. « Périsse le jour qui me vît naître et la nuit qui annonça un mâle vient d’être conçu », Jb 3-3.

Lumière et ténèbres, jour calendaire de naissance, nuit d’une conception dans la rencontre entre un homme et femme. Le hiatus, le grand hiatus, est du côté des sources écrites des représentations graphiques successives, différents et contradictoires reproduisant l’arbre séfirotique de la kabbale, sans doute née à Qumrân. L’arbre, c’est l’homme, certes mais pour les kabbalistes, c’était l’alternance du soleil et la lune, le jour et la nuit, l’homme et la femme, une vision du monde. Ainsi, toute représentation graphique de l’arbre projetterait l’inconsciente de l’auteur dessinant son savoir sur le papier en laissant sur chacune des dix énergies de l’arbre, une image de son désir intime

81 Le Livre des Morts Egyptiens. Traduction Barguet, p. 177, chapitre 135. Le Cerf 1967 82

Leo OPPENHEIM The Assyrian dream-book in Transactions of the American Philosophical Society, volume

46, part 3,opus cité. p. 188.

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annoncé par Yahvé à Zacharie 7-9 ? Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? Matière et anti-matière, les mots sont comme des enfants, ils passent de bras en bras, un jour, ils marchent, ils vont à l’école de la vie, ils apprennent à parler, parfois.

Rendez une justice vraie et pratiquez bonté et compassion chacun envers son frère, Za 7-9

L’idée juive de la couronne (séfirotique) posée au sommet de l’arbre de la connaissance

serait issue de Za 6, l’homme au nom de Germe, le Messie élu de Yahvé pour effacer le péché, annoncé par Jérémie, « Voici venir des jours - oracle de Yahvé - où je susciterai à David un germe juste ». L’idée égyptienne du grain qui doit mourir en terre pour donner des fruits, Jn 12-24, était le germe égyptien, la semence

Mon germe de l'enfant, enfant de mon germe, souverain de l'Égypte, ô Ramsès, mon

coeur se dilate en contemplant tes bonnes oeuvres

La lettre yod figurait le germe divin, signe de Iona, Jonas. Le serpent hiéroglyphique, noun dans l'alphabet hébraïque, bâton de Moïse, était un cadavre en akkadien. Le sens originaire du noun l’intime, le féminin caché, le fœtus dans les eaux matricielles était l'avènement, le germe du grand-père qui rejaillit dans la mémoire chez le petit-fils83.

L'histoire de la graphie grecque kappa est à corréler à deux lettres k hébraïques, kaph initial et final. Quand Dieu plante l'Arbre de Vie84, arbre de la connaissance du bien et du mal au milieu du Paradis, il introduit à la connaissance de la dualité au moyen d'un jeu de langage sur la place des deux lettres kaph l'intérieur du mot milieu qui crypte milieu dans un anagrame. La fructification de l'arbre confiée à l'homme peut devenir melekh, roi, à valeur de germe dans le même mot qui détermine la circoncision et le face à face, « fossile directeur » pour Freud.

L'étrange nouveauté de la psychanalyse ne tiendrait-elle pas au retour, assez impétueux

dans la culture occidentale, du judaïsme longtemps refoulé et méconnu85 ?

Les noms secrets égyptiens étaient cryptés à dessein par rapprochement avec des

mots sémitiques86. La fonction du sacré égyptien devenu tabou était repérable dans les assonances reprises par les Hébreux dans la mobilité des lettres d’un mot.

L’origine des premiers papyrus des graphiques de l’arbre mental des sefirot au temps de Jésus et des commentaires kabbalistiques ultérieurs même les plus anciens est trop ancienne pour espérer trouver des fondements sémantiques autres qu’oraux et

83Marc-Alain OUAKNIN Les mystères de l'alphabet. Assouline 1997, p.252 à 258 84Annick de SOUZENELLE La lettre, chemin de vie. Opus cité, p. 221 et 277 85Gérard HADDAD L'enfant illégitime, sources talmudiques de la psychanalyse. Desclée de Brouwer 1981

1990, p. 31 86 Paul BARGUET Le Livre des Morts. Le Cerf 1967, p. 229, et note 6

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symboliques, inscrits dans la chair où la mère utérine a enraciné son arbre, son ADN, son histoire et celle de ses affects.

Si en 1981, la nouveauté de la psychanalyse fut perçue dans le retour du refoulé sur la méconnaissance du judaïsme par le rabbin Ouaknin, c’est bien parce que les sciences du langage ont fausse route après la seconde guerre mondiale, en négligeant les richesses métaphoriques que le judaïsme antique avait imprimées dans les esprits pendant vingt siècles à travers l’usage des images araméennes évangéliques sur le monde animal, végétal, cosmique, des savoirs religieux. La philologie disparut peu à peu des sciences humaines, les langues étrangères devenues des sciences littéraires perdirent la parole au bénéfice d’un l’enseignement centré sur l’enseignant et ses savoirs savants sur l’importance de sa peau d’âne. L’enfant perdit la parole, l’instituteur renvoyé à sa pédagogie primaire, la science de la transmission oublia que la langue maternelle est celle de la mère.

C’est quoi, la langue maternelle me demanda un jour une petite kabyle de sixième à Pantin en Ile de France, dans une classe où seul, un petit garçon portait un nom de consonance française ? La classe, soudain devenue attentive, m’entendit dire à ma propre stupéfaction, c’est la langue que tu entendais quand tu étais dans le ventre de ta mère.

Une conception de l’Un du corps humain, homme et femme dans la sagesse antique et la philosophie, l’enfant et sa mère, l’enfant et sa langue, l’enfant de la mère dans une terre natale lointaine, l’homme avec la femme, l’homme et la femme en exil, par ce que l’homme est un loup pour l’homme, chacun et l’autre quand la lumière a disparu pour faire place aux ténèbres de l’esprit. Diable, entend-on, pourquoi tendre l’autre joue ? Je venais de le faire, mon discours, très bien accueilli par les enfants étant politiquement incorrect et « raciste ». Relevé par une petite fille de Pantin tandis que j’expliquais la différence entre l’argot et le verlan, la question d’une berceuse jaillit spontanément dans la classe comme si elle portait en elle un mot inconnu qui m’était demandé, largo, vite écrit au tableau.

Je témoigne ici de l’existence de deux générations des petits Français francophones, nés en France, issus du regroupement familial qui suivit la guerre de libération de l’Algérie.

Ainsi la nécessité de l’existence divine défendue par Maïmonide (Verdier 1979 p. 132) se trouva déplacée vers la nécessité impérative de reconnaître l’existence de la femme pour admettre l’idée de la création à deux d’un enfant, dans la genèse de neuf mois dans le ventre maternel qui enfante le fils de l’homme.

L’arbre des énergies séfirotiques qui apparut à Anne de Souzenelle87 comme un schéma corporel est une gravure relativement tardive du XVIIe siècle publiée dans Les douze clefs de Philosophie, Traictant de la vraye médecine métalique,plus l’Azoth, ou le moyen de faire l’Or caché des Philofophes, sous le nom de Frère Basile Valentin, religieux de l’Ordre de Sainct Benoift.

87 Annick de SOUZENELLE Le symbolisme du corps humain. Albin Michel 1984, p 45

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Le Frère signataire de ce traité d’alchimie était-il un moine bénédictin ? Ou bien un penseur juif plein d’humour qui connaissait le sens antique de l’Or des dieux, l’aphrodisiaque de Pharaon, la pomme de silphium offerte par Toth au défunt lors de son Jugement dernier pour lui permettre d’entrer vivant dans l’au-delà de l’éternité ? La question sera abordée dans le prochain chapitre.

Dieu de l’écriture et du comptage des jours des femmes des tout-puissants souverains dans les harems, la face de Toth avait le visage de l’Ibis ou du Cynocéphale selon les circonstances et les situations, la vie, la mort, l’éternité, la continuité de l’espace-temps d’un être humain lancée comme un train sans frein vers des galaxies inconnues de plus en plus lointaines. Vitesse de la lumière, lumière de l’esprit, soleil du cœur, les Egyptiens avaient transmis ces savoirs aux Hébreux, ils en avaient fait une multitude de maîtres et de débats sur le bien et le mal, contribuant par leur expérience de nomades à descendre en eux-mêmes pour inventer des solutions de survie. Ces savoirs furent partagés entre les chrétiens à venir et le monde juif après le premier siècle, interprétés selon des modes divergents, rarement convergents du côté chrétien.

Les dix énergies ordonnées des multiples arbres séfirotiques, les différences de latéralité venaient des organes internes du corps, vrais marqueurs d’une conception phylogenétique de la conjonction des écritures. Ces énergies vitales pour l’homme enchaînaient des strates successives de conceptions anatomiques, médicales, somatiques antiques, sumérienne, akkadienne, égyptienne, arabe. Entre la femme et l’homme, entre la lune et le soleil, un seul axe vertical figurait la colonne vertébrale soutenant le ciel comme un pilier, était interprété par certains comme une vision négative du petit lien grammatical en et de la coordination homme et femme, lune et soleil, ciel et terre.

La valeur sémantique du nom attribué à chacune des dix énergies qui structurent la création selon l’alphabet hébraïque, sa phonologie, le nombre attribué à la lettre dans chaque mot donnait par addition un nombre, sens de la construction de l’univers structuré autour de Ein sof, la Cause Première dans son unité ouverte sur l’infini.

L’infini cosmique correspond aux différentes étapes d’une pensée en marche avec ses effets en successions de découvertes scientifiques. Concernant l’arbre séfirotique les différences lexicales en hébreu, proposées par deux biblistes, Elie Benamozegh, un Rabbin sépharade marocain au XIXe, et Annick de Souzenelle, orthodoxe, issue du catholicisme, viennent en renfort pour interroger les querelles intra-communautaires qui ont pu ou dû se produire au premier et deuxième siècles de notre ère en Judée après la démolition du Temple par Titus.

La conclusion apportée par Michel Attali à la récente traduction du livre d’Elie Benamozegh en français, apporte un graphique nouveau de l’arbre séfirotique, très éclairant sur une conception mentale du schéma corporel qui fut imposé aux femmes catholiques, donc par ricochet aux hommes, et dont les séquelles pèsent aujourd’hui aussi lourdement dans la culture et aussi tristement dans les familles françaises qu’autrefois l’affaire Dreyfus.

Un héritage judéo-chrétien passé chez les gnostiques n’efface aucunement la plausibilité d’une connaissance chez Paul de traditions héritées d’un passé inconnu, venu

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d’ailleurs, dont l’authenticité ne peut être prouvée, mais seulement reconstruite, inférée de l’histoire de son temps, un peuple arabe peut-être ?

Des recherches à venir plus approfondies par des historiens des religions et des paléographes de l’hébreu et de l’araméen sur les valeurs d’emploi du lexique séfirotique au temps de Jésus, au temps de Paul, puis avec la Kabbale au XVIIe siècle, le fossé actuel entre les catholiques et les protestants reste une nébuleuse, en ce qui concerne la tolérance catholique à l’égard de l’évangélisme latino-américain.

C’est l’idée même d’une recherche scientifique neutre et profane qui risque d’être mise en danger par le jusqu’auboutisme séculariste de tendances ennemies des religions et des croyances, qui a vu apparaître des générations désinformés, ignorantes du B.A. de leur propre histoire, a fortiori de celle de l’autre.

A lire François Dosse88 investiguant les racines de la pensée historienne chez Paul Ricœur et Michel de Certeau, on comprend pourquoi certaines femmes de souche catholique ont tant de mal à concevoir leur différence avec d’autres femmes, les femmes protestantes en premier lieu. La difficulté à envisager l’existence d’une spécificité du statut fait aux juives par les habitus masculins masculistes n’est même pas envisageable pour la majorité des Catholiques traditionnelles françaises, prisonnières sociales de leur propre culture et par tradition soumises à l’autorité conjointe de leur mari et de l’église.

La Réforme en ce sens est allée beaucoup plus loin que ne peuvent l’imaginer les catholiques dans le retour des Protestants à la langue hébraïque pour interpréter les traditions bibliques. Jusqu’au concile de Vatican 2, il y avait peu ou pas de Bibles dans les familles catholiques qui les proscrivaient avec une certaine condescendance.

C’est ainsi qu’Hannah Arendt, échappant au nazisme, s’engagea dans l’écriture de son œuvre sur le totalitarisme. Elle fut très discrète comme Freud, sur les responsabilités citoyennes, escamotées par la religion ?

Un homme, juste et pieux de Jérusalem du nom de Syméon attendait la consolation

d’Israël. Au huitième jour, il bénit l’enfant en disant : Mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la

révélation aux païens et gloire d’Israël pour ton peuple, Lc 2-29. Le 28 août 2013

88 François DOSSE Paul Ricœur, Michel de Certeau. L’histoire entre le dire et le faire. Opus cité, p. 33