patrimoine humain / cÔte-d’ormultimedia.fnac.com/multimedia/editorial/pdf/9782953583403.pdf ·...

16
PATRIMOINE HUMAIN / CÔTE-D’OR EXHALAISONS DE MES VOYAGES, FLEURS ET ÉPICES DONT J’AI ABSORBÉ L’ESSENCE DÉLICATE... ICI LES SENTEURS D’YLANG-YLANG, AILLEURS LES SENTEURS DE VÉTIVER, TOUT M’INTERPELLE ET PREND VIE.

Upload: phamminh

Post on 16-Sep-2018

213 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

PATRIMOINE HUMAIN / CÔTE-D’OR

EXHALAISONS DE MES VOYAGES, FLEURS ET ÉPICES DONTJ’AI ABSORBÉ L’ESSENCE DÉLICATE... ICI LES SENTEURSD’YLANG-YLANG, AILLEURS LES SENTEURS DE VÉTIVER,TOUT M’INTERPELLE ET PREND VIE.

INFOS PAGE 20 : PAGE OK

20

Meilleur Ouvrierde Francechocolatier-confiseur,1991

Chocolat et confiserieC

ÔT

E-D

’OR

INFOS PAGE 21 : PAGE OK

� Norges-la-Ville

FABRICEGILLOTTE

ÉMERGER DU SOMMEIL, L’ODORAT DÉLICIEUSEMENT AGACÉ PAR L’ODEUR

DU PAIN CHAUD, LES DÉLICATS EFFLUVES DE CROISSANTS et brioches ou

encore les senteurs de caramel ! C’est toute l’enfance de Fabrice Gillotte,

dont la vie a été rythmée depuis toujours par ces odeurs particulières,

saveurs sucrées salées qui montaient de la boulangerie de ses parents, ins-

tallés en Seine-et-Marne. Elles ont construit son odorat, aiguisé sa gour-

mandise, attisé sa curiosité. Mais endormi au-dessus de la boulangerie le

petit Fabrice rêve à d’autres horizons. Il aime cet

univers rassurant, certes, mais il a une autre pas-

sion, celle du dessin qu’il souhaiterait approfondir

pour en faire son métier. Cela ne sera pas. Fabrice

n’aime pas l’école, « c’est là son moindre défaut »,

comme aurait dit Jean de La Fontaine et ce désin-

térêt pour les études lui interdit l’accès aux

grandes écoles d’art parisiennes.

� À dix-sept ans, le jeune homme pressé d’en

découdre avec la vie et le concret décide alors de

jumeler sa passion pour le dessin et le travail de la

matière avec un autre savoir-faire, celui du pâtis-

sier. C’est à Avallon, dans l’Yonne qu’il se forme à

ce projet et obtient son CAP. Mais Fabrice Gillotte,

perspicace, est également doté d’une grande sensibilité et ressent confu-

sément que le goût sans la forme a quelque chose d’inachevé. Sa réflexion

et sa curiosité l’amènent à participer à des concours régionaux qui le

confortent dans sa conviction de concilier le savoir-faire du pâtissier qu’il

est devenu et l’esthétique du sculpteur qu’il est, d’une façon innée.

ÉPRIS D’ART, LE PETIT PÂTISSIER ÉPROUVE L’ABSOLUE NÉCESSITÉ D’UNIR

SA PASSION DU MODELAGE, DE LA SCULPTURE, DU DESSIN, À LA RÉA-

LISATION DE SES GÂTEAUX. Sa créativité donnera naissance à de

superbes pièces en sucre ou en chocolat. [ Nous sommes à Norges-la-

Ville avec Fabrice Gillotte, nommé Meilleur Ouvrier de France en chocola-

terie en 1991. ]

21

PATRIMOINE HUMAIN / CÔTE-D’OR22

INFOS PAGE 22 : PAGE 0K

AU DÉPART, ET PARCE QUE SON PÈRE

LUI EN A DONNÉ LE GOÛT, il se tournera

vers la pâtisserie. Mais lorsque M. Gillotte

vend la boulangerie-pâtisserie familiale

et reprend une boutique de confiserie,

Au parrain généreux, située au centre-

ville de Dijon et spécialisée dans la

revente de dragées, Fabrice découvre

une confiserie qu’il n’affectionne pas

particulièrement. � D’autant que son

père y associe, quelques années plus

tard, un rayon chocolats fabriqués mai-

son, des ganaches aromatisées au rhum,

au Grand-Marnier ou au cointreau.

Après quelques années d’un parcours

d’immersion dans plusieurs pâtisseries

en Bourgogne, le jeune pâtissier revient

pour le seconder, mais il est encore loin

d’être le passionné que l’on connaît

aujourd’hui. � Nous sommes au début

des années 1980 et dans l’esprit des Fran-

çais, le chocolat est un luxe à réserver

aux fêtes de Pâques ou de Noël. Il faudra

attendre que les franchisés belges s’ins-

tallent en France pour que les pâtissiers

se mettent à leur tour à fabriquer et

vendre du chocolat toute l’année,

faisant passer la consommation

de chocolat, de un à cinq kilos, par

an et par habitant ; [ le chocolat devient

produit de réconfort et de plaisir. » ]

� Un nouveau tournant pour le fils qui

se cantonnait pour l’heure à confection-

ner les inéluctables gâteaux alcoolisés

et chocolats, aromatisés au marc de

bourgogne, à la framboise, au cassis...

prisés de ses aînés.

MAIS APRÈS LA PÉRIODE DES FÊTES, FA-

BRICE ÉPROUVE LE BESOIN D’ÉPURER

LES RECETTES et révélant sa créativité, il

s’attache à éliminer les alcools, dévoi-

lant son envie de travailler plus naturel-

lement, avec des infusions d’épices ou

de plantes.

Page précédente

Chocolat chaud

Ci-dessus

Coffret Saint-Valentin.

Croquettes amandes noisettes.

Macarons.

22

FABRICE GILLOTTE 23

INFOS PAGE 23 : PAGE OK

EN QUELQUES MOIS À PEINE, IL DÉCOU-

VRE UN MONDE COMPLEXE et passion-

nant qui le voit réaliser d’extraordinai-

res pièces sculptées tout en chocolat :

des cœurs pour la Saint-Valentin, des es-

carpins ou des sacs à main pour la fête

des mères. [ En sculptant le chocolat, l’ar-

tiste a trouvé le moyen d’assouvir sa pas-

sion pour les volumes et pour l’ART ],

mais parallèlement il réussit le véritable

défi de faire évoluer les goûts et les pa-

lais pour tendre vers des produits plus

naturels. � Une véritable innovation et

des ingrédients très particuliers qui per-

turbent, au premier abord, ses clients

habitués à des choses plus classiques.

Les ganaches au thym, au gingembre et

au poivre de Sichuan dont les grains

contiennent une multitude d'huiles

essentielles lui conférant une saveur

unique remplacent les traditionnels cho-

colats alcoolisés. � Tout cela est très

nouveau et pour faire adhérer à son ori-

ginalité, Fabrice Gillotte organise des dé-

gustations avant de confesser à ses goû-

teurs un peu perplexes les composants

bizarres et atypiques qu’il utilise pour

parfumer ses chocolats. � L’estragon

par exemple, un peu anisé, qui passe

bien avec le chocolat.

LES PAPILLES SE SONT HABITUÉES À CE

PLAISIR D’UN GENRE NOUVEAU. Elles en

redemandent, le pari est gagné. Le cho-

colat est source de plaisir, le chocolat

vous emmène en voyage, le chocolat fait

son show. Le chocolatier s’est

imposé, l’artiste y trouve

son compte de

bonheur.

Ci-dessus

Chocolat en poudrepour chocolat chaud.

Assortiment de bouchées.

Pain d’épice à l’orange.

Ci-contre

Tablette de chocolat.

23

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE

JE CRÉE POUR ALLER À L’ESSENTIEL,C’EST LE PEU QUI FAIT LE BEAU...

INFOS PAGE 46 : PAGE OK

Phot

oré

alis

éepa

rR

odol

phe

Ale

puz

(MO

Fen

phot

ogra

phie

)

46

Meilleur Ouvrierde France en poterie,2000

Créationsen grès émaillé

INFOS PAGE 47 : PAGE OK

NIÈ

VR

E

� Saint-Amand-en-Puisaye

JEANCACHELEUX

JEAN CACHELEUX, PERSONNAGE ATTACHANT AU CARACTÈRE ENTIER,

NOUS OUVRE LES PORTES DE SON ATELIER de potier à Saint-Amand-

en-Puisaye. Élu Meilleur Ouvrier de France en poterie en 2000, poursui-

vant son rêve depuis quarante ans, il recherche passionnément le plus

que parfait et la pureté des formes. � C’est à douze ans, lors

d’un séjour en colonie de vacances dans la région d’Issoire, qu-

’il découvre, absolument subjugué et fasciné, l’atelier d’un

potier. Une vocation est née et si plusieurs décennies se

sont écoulées, aujourd’hui encore ce lieu reste gravé d’une

façon si forte dans sa mémoire qu’il pourrait en dessiner

le plan. Des années plus tard il eut enfin la réponse aux

mille questions qui se pressaient ce jour-là dans sa tête :

les mystérieux pots jaunes et verts qu’il voyait alignés

sur des laquets sont des vernissés de Provence dont les

couleurs traditionnelles sont le jaune et le vert et les

bulles en formation à l’intérieur d’autres bocaux sont

une réaction de l’oxyde de carbone face au plomb.

JEAN CACHELEUX EXPRIME SON ART AVEC PASSION

DANS UN LIEN EXCEPTIONNEL ET SENSUEL avec la

matière. « Ce qui est fabuleux », souligne-t-il, « c’est que

l’homme est composé des mêmes éléments que l’argile avec

laquelle je travaille : le carbonate de calcium, la silice, la

soude, la potasse et l’eau. » [ Le respect de l’identité des matériaux que

j’utilise passe au travers de la céramique car c’est aussi notre identité. Si on

respecte cette identité, on se respecte soi-même. ] Dans toute la démarche

du potier, on retrouve cette philosophie et cette réflexion sur soi-même.

« Cela devient un mode de vie », dit-il. � « Ce que je fais, je le fais pour

moi et non pour prouver que je peux le faire car nous ne sommes qu’une

infime parcelle de ce monde composé de molécules et d’atomes. À chaque

instant, je récupère ces éléments, je travaille et j’essaie de créer. » Dans le

passé de Jean, rien n’explique son intérêt pour la poterie. Juste ces quel-

ques jours de vacances à Issoire qui ont fait basculer son destin et lui

47

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE48

INFOS PAGE 48 : PAGE OK

ouvrent la voie vers la poterie et la céra-

mique. Bien qu’ils soient plutôt opposés à

son choix de devenir potier, ses parents

l’ont laissé, avec beaucoup de sagesse, se

réaliser et vivre son rêve. [ Sans vouloir

parler d’innovation, Jean Cacheleux a néan-

moins le sentiment de comprendre le maté-

riau et ce qu’il a à offrir, d’aller au plus

simple pour le mettre en évidence. ] Mais

il n’a rien inventé. Il y a plus de six mille

ans, les anciens faisaient déjà des pièces

tournées. Certaines ont été retrouvées

en Chine au néolithique et, immuable-

ment, les formes de révolutions sont tou-

jours des cercles.

QUANT AUX FORMES OVOÏDES, ELLES

SE SUFFISENT À ELLES-MÊMES, si extraor-

dinaires, si parfaites que nous serions

bien incapables de réaliser une autre

forme aussi pure. � Dans l’imaginaire

de Jean, les émaux qu’on leur applique

mettent en valeur la pureté particulière

de leur ligne. C’est le galet du torrent, le

caillou, la pierre précieuse brute que

l’on va tailler ...

Page précédenteGrande bouteille rouge cuivre, hauteur 66 cm.

Ci-dessusPlateau à sushis, 33 x 27 cm.

Ci-contre en hautVase ovoïde, diamètre 32 cm, hauteur 55 cm.

Ci-contre en basEnsemble de bouteilles émaillées rougede cuivre, hauteur de 20 à 36 cm.

Toutes les créationsde Jean Cacheleuxsont en grès émaillé,cuisson à 1300°.

48

JEAN CACHELEUX 49

INFOS PAGE 49 :INFOS PAGE 49 : PAGE OK

[ Je redeviens alors minéral, je me trouve

bien dans ce cocon, très simple, très

sobre, je respecte mon matériau. Je crée

pour aller à l’essentiel. C’est le peu qui

fait le beau ! ] � Le monde dans lequel

il vit influence le costume dont Jean

revêt sa poterie et dans cet univers médi-

tatif, il est d’un grand calme minéral et

pur, alternant avec ses périodes bouil-

lonnantes, avec des envies de couleurs,

de formes, agressives ou non selon ce

qu’il prend dans son environnement.

DANS UNE DÉMARCHE PSYCHOLOGI-

QUE IDENTIQUE À CELLE DU PEINTRE

OU DU MUSICIEN, par exemple, il se situe

dans l’objet, l’attrape à bras-le-corps pour

en faire une synthèse, il cherche » vers le

dépouillement, inspiré en cela par l’un de

ses professeurs, Charles Le Manseau, qui

lui disait : « Si tu fais quelque chose de

simple mais si tu le fais bien, tu auras

déjà un bel objet. » � Son autre maître

à penser, Giacometti, à qui un journa-

liste demandait à la fin de sa vie s’il était

content d’avoir réalisé une œuvre, lui

En haut

Patricia CacheleuxLe Droit à la différenceterre cuite polychrome et métal,hauteur 34 cm.

Ci-dessus

Grand vase balustre réhausséd’or mat, hauteur 63 cm.

49

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE

INFOS PAGE 60 : PAGE OK

AVEC LA PIERRE, LE BOIS, LE MÉTAL, J’AI LE SENTIMENTUN PEU MAGIQUE D’EXPRIMER UN SOUHAIT : LE CRI DELA NATURE QUI DIT « REGARDEZ-MOI, RESPECTEZ-MOI ! »

60

Sculpteur

Sculpturessur métal

INFOS PAGE 61 : PAGE OK

NIÈ

VR

E � La Maison-Dieu

BRUNO GOURYHISTOIRE D’UN HOMME CONFRONTÉ À L’IDENTITÉ ANCESTRALE !

LORS D’UNE INAUGURATION AU MUSÉE ROMAIN-ROLLAND À CLAMECY,

BRUNO GOURY PRÉSENTE SA SCULPTURE FÉTICHE Le Minotaure . Il vit à

cet instant une expérience pétrifiante mais chargée de sens. L’un de ses

amis requiert son attention et, l’entraînant au cœur d’une petite crypte du

musée, s’arrête devant le sarcophage en pierre dans lequel repose

un guerrier. � Stupéfait, Bruno contemple le glaive de combat du

guerrier : celui-ci est absolument identique, par sa dimension,

la lame, la garde, la poignée, le pommeau, à l’épée qu’il a sculptée

de sa main pour parer le côté de son Minotaure. Les

deux amis réalisent, émus, que Bruno est sans

aucun doute le dépositaire d’un savoir-faire,

hérité d’un très lointain ancêtre qui “tapait”

des glaives. � Sculpteur sur pierre et mé-

tal à la forge de la Maison-Dieu, entre Clamecy

et Vézelay, dans le département de la Nièvre,

Bruno Goury reste un forgeron dans l’âme. Fils et petit-

fils de forgeron, il est formé au métier par son

grand-père et déjà, à dix ou onze ans, il tire le soufflet

de la forge jusque tard le soir et s’imprègne avec bonheur

des gestes, de la patience et du savoir-faire de son aïeul.

Il aime le voir malaxer ses morceaux de métal et admire les grappes de rai-

sins, les feuilles de chênes et les glands qu’il martèle et forge avec passion.

EN 1988, BRUNO PASSE DE LA FERRONNERIE D’ART POUR LES PARTI-

CULIERS, AU MONDE DU SPECTACLE ET RÉALISE de nombreux décors

de théâtre. C’est à lui, aussi, que l’on doit les cages, les chariots à feu et le

porte-grimoire dans le film de Jean-Marie Poiré, Les Visiteurs. Au fil du

temps, un nouvel horizon artistique se profile et il ressent le besoin de

créer, de sculpter. [ Sa première œuvre, réalisée en 1994, Le Minotaure,

l’homme-enclume, est un symbole. Le chef de file des « compagnons » qui

évoquent et représentent les métiers manuels. ] � Forgeron avant d’être

sculpteur, il fabrique lui-même les outils de travail du fermier, du bûche-

ron, du tailleur de pierre, du vigneron. Le Minotaure , né dans l’esprit du

sculpteur pour porter son message auprès des jeunes, fait revivre les

métiers manuels et tente de leur redonner essor en réapprenant à la jeu-

61

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE62

INFOS PAGE 62 : PAGE OK

Les compagnons du Minotaure,réalisés avec des pierres non tailléeset des bras en acier.

En haut

Le Coiffeur.

Le Tailleur de pierre.

Ci-contre

La Violoniste.

nesse la beauté et l’importance du tra-

vail des mains. � Après la série du Mi-

notaure , l’inspiration de cet amoureux

du travail manuel s’est orientée vers la na-

ture et sa magie qui agit sur lui comme

un puissant aimant ; à partir de là, d’au-

tres matériaux entrent dans ses compo-

sitions, comme la pierre ou les souches

d’arbres. [ Avec la pierre, le bois, le métal,

remarque Bruno, j’ai le sentiment un peu

magique d’exprimer un souhait : le cri de la

nature qui dit : regardez-moi, respectez-

moi ! » ]

NOUS ASSISTONS À LA NAISSANCE DE

PIÈCES UNIQUES, CERTAINES INSPIRÉES

DE L’ACTUALITÉ : Overdose qui fait réfé-

rence à la télévision, Mutant après

l’explosion de la centrale nucléaire de

Tchernobyl, responsable de malforma-

tions chez des milliers d’enfants, Déclic

pour sensibiliser le public sur la proliféra-

tion des centrales nucléaires. � Bruno

Goury choisit des thèmes très forts, dra-

matiques, mais pas seulement. Il repré-

sente aussi le bonheur, sous la forme du

Dragon des forges, fort, fragile et doux,

qui respire une rose en contem-

plant le paysage ou encore

62

BRUNO GOURY

INFOS PAGE 63 :INFOS PAGE 63 : PAGE OK

de L’Astronome , qui sy mb olise son

amour des étoiles. � Bien que son père

et son grand-père n’adhèrent pas vrai-

ment à son choix de matériaux, et à son

art, plus axé sur la sculpture que sur la

ferronnerie d’art, ils sont fiers de voir

que Bruno poursuit la succession au

marteau, troisième de la génération à la

forge de la Maison-Dieu à Clamecy.

« MON SAVOIR-FAIRE QUI PERPÉTUE DES

GESTES ANCESTRAUX. COMME EUX, JE

FAIS LE MAXIMUM POUR TRANSMETTRE

mon savoir-faire, lors d’interventions

dans les établissements scolaires, par

exemple ou [ en participant à des fêtes

médiévales, organisées par les villages ],

permettant à tous de redécouvrir les

métiers manuels qui font la richesse de

notre patrimoine. Lorsque j’installe la

vieille forge datant de 1920 qui apparte-

nait à mon grand-père, les gens sont

d’abord curieux puis admiratifs de me

voir forger. � Mon savoir-faire qui per-

pétue des gestes ancestraux donne nais-

sance à une lame façonnée traditionnelle-

ment, donnant l’envie à certains de s’ini-

tier pour repartir avec un objet fabriqué

de leurs mains, habiles sans le savoir.

� Un jour, dans une fête médiévale or-

ganisée à Bure-les-Templiers, j’ai fait la

connaissance d’un autre forgeron qui tra-

En haut, à gauche

Le Minotaure.

Ci-dessus

Poignard avec lame orientaleen 72 couches, 36 cm.

Nomade et ApacheMasques damassésen 36 couches,acier et fer doux.

63

63

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE

LA DÉMARCHE DE PATRICK GUILLOUARD EST SIMPLE :SURTOUT, NE PAS TUER LE CHARME, CAR LE PRINCIPALINTÉRÊT DU TRÈFLE À QUATRE FOLIOLES, C’EST QU’IL VIENTDE LOIN, DU FOND DES CAMPAGNES, DE LA VIE RURALEET DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE...

INFOS PAGE 72 : PAGE OK

72

Éleveur de trèflesà quatre feuilles

Objets avec des trèflesà quatre feuilles

INFOS PAGE 73 : PAGE OK

NIÈ

VR

E �

Châteauneuf-Val de Bargis

PATRICKGUILLOUARDCARRÉ DE TRÈFLES EST LE SEUL PRODUCTEUR ET RÉCOLTANT DU VÉRI-

TABLE TRÈFLE À QUATRE FEUILLES (Trifolium repens à quatre folioles) en

France et le valorise au travers d’une gamme de produits d’encadrements,

de carterie, d’objets décoratifs et de cadeaux tendance. � Une nurserie

pas comme les autres : un centre de culture niché en Puisaye, au nord de la

Nièvre, un siège social établi entre La-Charité-sur-Loire et Varzy.

� Vous n’en saurez pas plus, le lieu

où Patrick Guillouard et son équipe de

passionnés cultivent un trèfle à quatre

feuilles réputé introuvable est soigneu-

sement tenu secret.

1999 : NOUS SOMMES À LA HAGUE, À

LA POINTE DU COTENTIN. L’OMBRE DE

JACQUES PRÉVERT QUI CHOISIT D’Y

VIVRE LA DERNIÈRE PARTIE DE SA VIE,

PLANE SUR LE BOCAGE VERDOYANT.

Patrick Guillouard connaît bien cette région et il aime flâner en ces lieux où

flotte encore l’essence du poète disparu. � « Le vrai jardinier se décou-

vre devant la pensée sauvage », disait Jacques Prévert. C’est devant le

trèfle à quatre feuilles que le non-jardinier sent poindre en lui l’idée in-

congrue, inattendue, d’apprivoiser le végétal si émouvant dans sa trame

arachnéenne et dans son dessin évoquant un petit cœur. � De retour à

Paris, Patrick Guillouard, alors publicitaire, contacte l’INRA pour en

savoir un peu plus sur l’existence éventuelle d’une culture de l’authentique

petit porte-bonheur. � Une culture qui existe bel et bien, placée en

l’occurrence sous la houlette de Claire Moussey-Declas, maître de recher-

ches à l’INRA de Bourgogne, au domaine d’Époisses, en Côte-d’Or.

Spécialisée dans la génétique et l’écophysiologie des légumineuses, elle

est en charge, à l’époque, d’un dossier portant sur le trèfle en lien avec l’ali-

mentation animale. � Dans la serre chauffée où elle l’entraîne, des

centaines de pots sont alignés, chacun contenant un spécimen de plus

d’une dizaine de variétés connues des trèfles existants.

73

PATRIMOINE HUMAIN / NIÈVRE74

INFOS PAGE 74 : PAGE OK

DANS CE LIEU MAGIQUE, CACHÉ AU

CŒUR DE LA BOURGOGNE, NOTRE AP-

PRENTI JARDINIER RESTE ÉMERVEILLÉ

devant les pots dont certains présentent

même une dominante à quatre feuilles.

� À cet instant, Patrick Guillouard

sait qu’il a devant les yeux dix ans de tra-

vail de sélection botanique rigoureuse,

obtenue de façon traditionnelle et avec

un savoir-faire de haut niveau. Une col-

lection absolument unique au monde,

que nous devons au travail de l’INRA, et

notamment de son experte Claire

Moussey-Declas. � Impressionnés et

plus que jamais enthousiastes, Patrick

et son neveu Éric montent alors un

dossier de candidature pour obtenir la

licence qui permettra à celui-là d’acqué-

rir le droit d’exploitation et de valorisa-

tion de cette collection exceptionnelle.

� Alors qu'une autre société candi-

date avait pour intention de donner à sa

culture une dimension quasi indus-

trielle, Patrick et Éric souhaitent quant

à eux respecter la magie et l’idée de rareté

et cultiver avec parcimonie le précieux vé-

gétal qui va peut-être leur offrir leur pre-

mier cadeau : le bonheur de le produire et

de le mettre en valeur. � Surtout, ne pas

tuer le charme, car le principal intérêt

du trèfle à quatre folioles, c’est qu’il vient

de loin, du fond des campagnes, de la vie

rurale et de la mémoire collective. � La

démarche de Patrick Guillouard est

simple : promouvoir ce petit symbole jus-

que sur l’asphalte de nos cités en mal de

poésie et de bonheur simple. [ La société

« Carré de trèfles » est née. ]

2009 : LA SERRE, LOVÉE AU PIED DE L’UN

DES RARES ORMES ENCORE PRÉSERVÉS,

SOMMEILLE DANS LA LUMIÈRE DORÉE

du couchant nivernais. Huit cent qua-

rante pots prospèrent ainsi dans un uni-

vers préservé et paisible, soit quatre-

Page précédente

Badge de TrèflePlexiglas et résine époxy(diamètre : 4,5 cm).

Ci-dessus

Éclat de TrèflePlaques plexiglas,socle chêne (8 x 8 cm).Menuiserie et assemblage :ESAT de Cosne-sur-Loire(Nièvre).

Signet de TrèfleImpression sur papieret “encapsulage” avantdécoupe.

74

PATRICK GUILLOUARD 75

INFOS PAGE 75 : PAGE OK

vingt mille trèfles qui après la récolte,

une sélection visuelle des feuilles, puis

un traitement, ne seront plus que de

quinze mille à vingt mille à passer les

examens successifs pour êtres utilisés et

valorisés.

UNE FOIS CUEILLIES, LES PETITES FEUILLES

PORTE-BONHEUR SONT PLACÉES DANS

UN RÉFRIGÉRATEUR avant d’être plon-

gées dans le "cocktail INRA", un mé-

lange composé de quelques ingrédients

soigneusement tenus secrets. Au bout

de quelques jours de ce régime, elles

sont égouttées puis déployées à la pince

et à la main sur des feuilles de papier-

filtre tenant lieu de buvards avant d’être

classées par format.

[ « Observer des mains de femmes ou

d’hommes en train de travailler un produit,

me fascine, dit passionnément Patrick

Guillouard. C’est comme une chorégra-

phie, sans musique. » ]

� L’opération touchant à sa fin, le bu-

vard est refermé et le tout mis dans des

presses constituant ainsi les herbiers, de

façon on ne peut plus traditionnelle.

Une dizaine de semaines plus tard, les

trèfles à quatre feuilles, aux formats et

aux formes de folioles variées, aux teintes

nuancées (du très clair presque blond au

vert sombre), sont enfin prêts à revêtir le

costume » choisi par le chef d’entreprise

un peu poète et son équipe. Ils vont voya-

Ci-dessus

Carré de TrèfleCadre en épicéa(12,5 x 12,5 x 1,5 cm).Réalisation : ESATde Saint-Claude (Jura).

Amour de TrèflePlexiglas (3 x 3 x 1,2 cm).

Ci-contre

Or de TrèflePlexiglas, feuille d’orvéritable, résine époxy(diamètre : 3,6 cm).

Photo : andikado.com

75