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Patrimoine Culturel et Tourisme en France
Valery PATINDocteur en soci%gie. Responsab/e pour /' Europe du ~omite internationa/ Tourisme Cu/ture/ , France
Jean-Mari VINCENT IVice-President de /a. Sectionfrancaise de /.ICOMqs. France
Au cours de la dernière dècennie, les
relations entre patrimoine culturel et
tourisme se sont p~ofondément
modifiees en France: i
la recherche d'un accroissement régulierde la fréquentation par une promotiontouristique soutenue, participent decette logique.
Des études menées auprès de visiteursfrancais et étrangers montrent que sur un
.
site bien équipé et mis en valeur, ladépense moyenne est de 35 FF par
personne.
On sait également qu'unefréquentation de 12 a 15 000 visiteurspar an permet de créer un emploipermanent sur le site et a des effetsinduits correspondant à un autre emploipermanent dans les activités
périphériques.
*la fonction economique dupatrimoine s'est affirmée et estdésormais reconnue par les responsableset les professionnels,
*les conditions d'aména$ement et demise en valeur des sites sont mieuxmaitresées, I
*les relations entre les ad~inistrationset les collectivités territorial~s a~tour desproblemes de la protection, de larestauration du patrimoine et del'accueil du public coJ mencent à
s'organiser.
Mais cette ouverture du atrimoine au
tourisme a ses contreparti~: problèmes
de surfréquentations, de banalisation du
contenu culturel, voire risque de
développement d'une offre ~ouristique :t.
contenu pseudo-culturel. I
L'environnement du site bénéficie luiaussi de cette activité puisque lesvisiteurs utilisent les restaurants (sur 100visiteurs d'un site, 35% utilisent unrestaurant proche et dépensent enmoyenne 120 FF par repar et parpersonne). De plus les achats desouvenirs et de produits agro-alimentaires en dehors des sitesreprésentent une dépense moyenne de 40a 50 FF par visiteur .
1 Le tourisme: un at! t pour le
patrimoine.
1.1 La fonction écon mique dupatrimoine s'est affirmée.
Certains sites francais, exploités sous,
forme commeciale, r~alisent des chiffresd'affaires importants (Tour Eiffel: 5.7millions de visites, chateau deChenonceaux: I million de visites). Lesmonuments et musées gér~s par desetablissements publics (Caisse nationaledes monuments historiques et des sites,Ré'union des musêes nationaux)améliorent réguliérement leursconditions d'exploitation. A titred'exemple, le musée du Louvre devraitréaliser en 1993 un chiffre d'affairesupérieur à 200 millions de FF (37millions de US $) pour 5 millions devisiteurs (billetterie et boutiques).
Le patrimoine culturel est de plus en plussouvent percu comme un v~ritable objet
,(conomique susceptible de Iproduire desrichesses induites, en partjculier par lecanal de la consommatioq touristique,Sa gestion doit donc rlpondre auxconditions de rentabilité,
Cette attitudes renfotce l'intérêtcoris~ant porté en Fr,an,ce ~u patrimo~neen mtegrant celul-ci d~ns le Jeue'conomique, ce qui est encore plusimportant dans la situatiol:l de criseeconomique que nous conqaissons,
L'amélioration des conditionsd'accueil sur les sites, l'installation deboutiques, de librairies et de cafétérias,
1.2 Les conditions d'aménagementet de mise en ~aleur des sites culturels sesont améliorles.
L'accroissement important de lafre'quentation des lieux culturelsfran~ais tient pour partie à unaccroissement général de )a demandetouristique à destination de la France.Mais ce movement s'est trouve'notablement amplifie, depuis 20 ans, parune extraordinaire mutation de l'offreculturelle, et en particuliermuséographique. Beaucoup de sites, eneffet, ont été rénovés ou crées: le muséed'Orsay dans l'ancienne gare, le muséePicasso dans l'ancien h6tel Sale: l' Archede la Defense à Paris devenue monumentà peine terminée, les musées des Beàux-Arts de Lille, Rouen, Lyon, le Memorialde la Paix à Caen
pris en compte comme j'un des moyensde valorisatidn du patrimoine desensembles.
2 Le tourisme: a danger pour le
patrimoine s'il est mal maitrise.
Un tel bilfln, somme tout positif, ne laisse
pas d'inquie1er, face a l'apparition deproble'mes nouveaux consécutifs auxphe'nomtnes que nous venons de decrire.
2.1 La surfrlquentation menaCe
l'existence physique elle-même decertains monuments (Versailles, Mont-
Saint-Miçhel, Pointe-du-Raz, parcs.i ) l 'natlonauJ ; ces prob emes ne
A ,
pourront etre resolus que par uncontinge tement rigoureux de lafrequent tion. (réservation po~~ lesgroupes, I voIre pour les vIsIteursindividue l s). Dans les cas extramescomme Lascaux, on est parfoiscontraint d'inventer des succédan{spour sauter le monument de l'érosiontouristiqu~ Est-ce la solutiond'avenir? i
Les conditions d'accès, designalisation directionnelle etinformative, de stationnement etd'accueil ont été largement ame1ior~es.La formation des conférenciers etl'édition de guides et de livres d'art sesont considéreablement accrues.
2.2 Le risque, plus pernicieux mais toutaussi grave, est la banalisation des sites etla perte progressive de leur identite'culturelle. Sous le pre'texte de faciliterl'accueil d'un nombres croissant de
visiteurs, certains responsablesn'he'sitent pas ~ realiser des ope'rations deconsolidat ons ~ moindre cotlt, àimplanter des équipements d'accueil dequalite' édiocre, a' créer des lieux"standard " dénués de toute référence
cult~r~1 let Dans le~ vi!le~ et villa~es
tounstlqu s, une pnonte excessIve
donnée au tourisme aboutit rapidement~ la utation des commercestraditionn Is vers les marchands desouvenirs; I la cohabitation devient
rapide me t impossible entre lesrésidents t les visiteurs: les premierspartent tr s rapidément et laissent lescentres hi toriques deserts les deux tiersde l'an te et progressivementartificialis s
Enfin, les modalités de mise en valeur ,les animations et les muséographie ont,pour la plupart, évolu{ de maniére àmieux satisfaire des publics plus large etplus sensibles aux approchesémotionnelles, spectaculaires etdidactiques. A ce titre le Memorial de laPaix à Caon est un superbe exemple.
1.3 Les relations entre lesadministrations et les collectivitesterritoriales chargées des sites et del'accueil du public se sont organisées.
Une convention interministérielle a étésignée entre La Culture et le Tourismequi prévoit de conduire ne commun desactions expérimentales d'étude et de misen valeur de sites significatifs: musée duLouvre, palais de Fontainebleau, palaisde Versaille.
2.3 L'offre culturelle, mal contrôlée,croit de maniére anarchique: aujourd'huiles projets de mise en valeur touristiques
dupatrimpine croissent plus vite que lademande! i Si une telle situation se
perpétuai~, on risquerait, compte tenu
Dans le cadre de planification urbainedu patrimoine (secteurs sauvegardés dela "loi Malraux," zones de protection dupatrimoine architectural et urbain ),le tourisme est de plus en plus souvent
118 Economics of Conservation
des conditions économiques, de setrouver confronte' à court terme à unphénoméne de "rc!cession de laconsommation culturelle."
2.4 Enfin, et c'est peut~tre le plusgrave, le succès de certains sitesculturels commence à intéresser
quelques opérateurs touristiques,h8teliers et immobiliers, qui ne trouventplus de de'bouchés suffisants dans lesespaces qui leur sont habituels (littoral et
montagne).
Il existe donc un risque, exorcise'jusqu';l présent tant bien que mal par lesmesures de protection mis en place par
l'Etat, que la d"écentralisation risqued'aviver. Si" se dé"veloppe autour dupatrimoine culturel des logiques"d'aménagement" analogues ? celles quiont dé"finitivement ravagé certainsgrands sites de bord de mer ou de hautemontagne, alors on peut craindre que letourisme, qui pourrait pourtant être levecteur d'une prise de conscience de lavaleur du patrimoine comme élémentfondateur de l'identitt culturelle locale,ne soit plus qu'une forme de"consommation culturelle" etn'aboutisse au contraire à unebanalis~tion rapide de nos paysagesurbains et ruraux.