partie ii : outils moléculaires - univ-setif.dz

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31 Enseignante H.DJELILI Polycopies du module Immunothérapie -Master 2 (Immunologie)- Partie II : Outils moléculaires Anticorps monoclonaux

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Page 1: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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Enseignante H.DJELILI Polycopies du module Immunothérapie -Master 2 (Immunologie)-

Partie II : Outils moléculaires

Anticorps monoclonaux

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Chapitre 1

Méthodes de production des anticorps monoclonaux

En 1975, Georges Köhler et Cesar Milstein mettent au point la technique

des hybridomes. Cette méthode révolutionnaire, qui leur valut un prix Nobel en 1984,

permet en effet de cultiver indéfiniment un clone de cellules productrices d’un seul

type d’anticorps, appelé dès lors anticorps monoclonal.

1-Définitions

Les anticorps (Acs) sont des immunoglobulines (Ig) de nature glycoprotéines

Elles sont présentes :

- sous forme soluble dans le plasma

- dans de nombreuses sécrétions

- sous forme membranaire comme élément du récepteur

de l’Ag à la surface des cellules B (BCR)

Terminologie : Immunoglobulines = anticorps = γ-globulines

Anticorps monoclonaux est une population homogène d’anticorps issus d’un

« seul et unique » clone de cellules B. Les anticorps monoclonaux sont des anticorps

ne reconnaissant qu'un seul type d'épitope sur un antigène donné. Ils sont par

définition tous identiques et produits par un seul clone de plasmocyte.

Leurs avantages sont :

- Spécificité : on peut diriger l’anticorps vers un épitope donné de la protéine ;

- Affinité : on peut créer des anticorps extrêmement affines ;

- Production massive et constante de ces anticorps ;

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1.2- Pour la structure d’un anticorps voir la figure 1 ci-après

Figure 1 : Structure schématique

d’une Ig ou d’un anticorps.

1.3-Fonctions biologiques des Ig

⬧ Dualité fonctionnelle : une fonction de reconnaissance et une fonction

effectrice, correspondant aux différents segments de l’Ac (Fig.2).

a) Fragment Fab : liaison à l’antigène

⬧ Paratope sur l’anticorps complémentaire de l’épitope de l’antigène.

⬧ Paratope se trouve dans les zones hypervariables ou CDR (Complementary

Determining Region) des domaines variables VH et VL.

b) Fragment Fc : Porteur des fonctions effectrices des anticorps :

-Activation du complément (domaine CH2) (fixation C1q)

- Liaison à des récepteurs spécifiques du Fc (cytophilie)

PN, macrophages, NK (Domaines CH2 et CH3)

- Catabolisme des immunoglobulines régulé par le domaine CH2 du Fc

- Passage transplacentaire

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Figure 2: Différentes activités fonctionnelles associées aux fragments d’anticorps.

2- Technique des hybridomes

La chaine de production des anticorps monoclonaux se passe de la manière

suivante (Fig.3):

✓ Immunisation in vivo

✓ Culture d'un myélome parental,

✓ Fusion proprement dite,

✓ Sélection des hybrides secrétant des anticorps par le milieu sélectif

de culture et le test de criblage,

✓ Enfin, les étapes de production des anticorps monoclonaux soit in vitro,

soit in vivo:

2.1-Protocole d’immunisation in vivo (Immunisation de l'animal)

Choix des animaux

⬧ La souris reste l’animal le plus utilisé, car :

- Une homologie de génome avec celui de l’homme d’environ 95%

- Animaux de petites tailles et faciles à élever, ont une durée de vie courte et se

reproduisent facilement.

- La souche la plus utilisée, souche BALB/C, est une souris élevée en

atmosphère stérile. Son sérum contenant peu d’anticorps naturels, ces souris

permettent ainsi une bonne réponse de son système immunitaire à une stimulation

antigénique. Cette souche nous permet de travailler avec des souris syngéniques,

Page 5: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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même souche, (cellules de myélome et lymphocytes B compatibles) pour l’étape

suivante, la fusion.

Pour réaliser une hybridation cellulaire il faut :

2.2-Partenaires de fusion :

Cellules B extraites d’organes lymphoïdes secondaires (rate, ganglions).

Une population de plasmocytes possédant l’enzyme: Hypoxanthine guanine

phosphoribosyl transférase (HGPRT) et sécrétant les Ig. Ces plasmocytes contribuent

à la capacité des hybridomes à survivre dans un milieu de culture sélectif HAT

(Hypoxanthine, Aminoptérine et Thymidine).

Les Cellules myélomateuses (cellules MOPC de souris Balb/c déficitaire en

HGPRT). Les cellules de myélome utilisées dans les hybridomes n’ont pas l’enzyme

HGPRT (hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transférase). Elles ont perdu

la capacité de produire des immunoglobulines (mutants Ig-). Les cellules de myélome

n’apportent que leur propriété d’immortalité aux cellules résultant de la fusion.

Figure 3 : Principe de la production des anticorps monoclonaux par

la technique des hybridomes (César Milstein et Georges Köhler, 1970)

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2.3-Méthode de fusion :

Une fois bien immunisé, l'animal est sacrifiée, la rate est prélevée stérilement

puis dilacérée. Une suspension cellulaire homogène de splénocytes est mélangée avec

les cellules de myélome dans le rapport de 1 pour 5 à 10 splénocytes. Après

centrifugation le culot de cellules est remis en suspension dans l'agent fusionnant:

- Fusion physique : Électrofusion

⬧ Ouverture de pores dans la cellule par des pulses électriques

⬧ Technique onéreuse

⬧ Moins destructrice

- Fusion chimique: Poly Ethylène Glycol (PEG)

⬧ fusion des membranes cytoplasmiques

⬧ rendement de fusion élevé

⬧ dimethysulfoxyde (DMSO) renforce la viabilité cellulaire

L’action de PEG est stoppée par addition progressive de milieu de culture

RPMI-1640. Après nouvelle centrifugation pour éliminer l'excès de PEG.

2.4-Méthode de sélection

Les cellules fusionnées sont délicatement remises en suspension dans

le milieu sélectif de culture pour la croissance des hybridomes (RPMI - 1640, 10 à

15 % de sérum de veau fœtal, additionné d'aninoptérine 10-5 M et d'hypoxanthine

10-3M).

Les cellules sont réparties dans des plaques multipuits de telle sorte qu'il n'y

ait qu'une cellule par puits.

Sélection sur milieu sélectif HAT

- Hypoxanthine Aminopterine Thymidine (substrat de l’enzyme HGPRT)

- Facteurs de croissance : IL6, β-mercaptoethanol

- Sérum de veau foetal

- Fibroblastes

- Sous atmosphère CO2

- Seuls les hybridomes se développent

- 1 x 105 cellules/ml

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❖ La sélection par le milieu HAT dépend du fait que les cellules de mammifères

peuvent synthétiser les nucléotides par deux voies différentes :

La voie de novo et la voie de récupération en incorporant directement les purines

et les pyrimidines dans les nucléotides nécessaires à la synthèse de l’ADN et de

l’ARN. Les enzymes qui catalysent la voie de récupération incluent HGPRT

et TK. Une mutation de l’un ou l’autre de ces deux enzymes bloque la capacité de la

cellule à utiliser la voie de récupération et entraîne sa mort dans le milieu HAT.

✓ Les cellules myélomateuses sans voie de sauvetage meurent en milieu HAT.

✓ Les cellules spléniques normales meurent naturellement.

✓ Seuls les hybrides issus de la fusion des 2 types cellulaires survivent.

L’immortalité est apportée par les cellules myélomateuses et la voie de

sauvetage par les cellules spléniques.

Le taux de succès d’une fusion est plutôt faible et varie selon les protocoles utilisés

(de 5% à 50%).

2.5- Méthodes de criblage ou screening des cellules productrices d’anticorps

Les puits de culture positifs contiennent une série entière d’hybridomes

secrétant des anticorps tous différents. La lignée de cellule de l’hybridome réellement

productrice d’anticorps monoclonal doit être isolée avant sa mise en culture.

La sélection des hybridomes producteurs d’anticorps monoclonaux spécifiques se fait

par des tests d’activité anticorps dans le surnageant de la culture. Les méthodes

utilisées sont la radioimmunologie (RIA), la révélation immunoenzymatique (ELISA),

l’hémagglutination, l’immunofluorescence indirecte. Ces tests sont généralement

effectués entre 9 et 11 jours après la fusion.

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2.6-Méthode de clonage

Dès que la croissance est suffisante, il faut propager les cultures d'hybridomes

productrices de l'anticorps désiré, les conserver et les cloner. Deux méthodes sont

utilisées pour obtenir un clone à partir d'une cellule :

Sélection d’une seule cellule et mise en culture

- Soit dans l’Agarose : les cellules se divisent et forment des foyers sur le gel

d’agarose qui ressemblent à des petites sphères. Comme le milieu est semi solide, ces

petites boules peuvent être prélevées à l’aide d’une pipette et placées dans une plaque

de puits de culture après dilution.

- Soit par dilution limite où le clonage est réalisé directement dans une plaque de

microtitration. Cette méthode est la plus utilisée en labo car elle est peu onéreuse.

Cependant, cette méthode est longue, fastidieuse et laborieuse.

-Soit par cytométrie de flux

Seule la technologie de cytométrie de flux permet de sélectionner, parmi

des millions de cellules et à une vitesse de 200 cellules/secondes les hybridomes qui

sécrètent un anticorps spécifique de l’antigène choisi.

3- Production de masse des anticorps monoclonaux

Le but à atteindre ensuite est de faire proliférer l’hybridome sélectionné dans

les meilleures conditions afin de produire suffisamment d’anticorps. La production à

grande échelle d’anticorps monoclonaux repose sur la culture des hybridomes soit

in vivo, soit in vitro.

3.1-Production in vivo : procédé de l’ascite

Le procédé de l’ascite consiste à :

- Injection par voie intrapéritonéale ou sous-cutanée tout d’abord de pristane

(huile minérale) chez une souris ou un rat, provoquant ainsi une irritation de la cavité

abdominale mais pas encore d’ascite ;

Sur milieu gélosé

Une colonie= une cellule initiale Par dilution limité

Une ou zéro cellules par puits

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- Injection des hybridomes (106 à 107cellules) dans la cavité péritoine des

souris ;

- Développement d'une dans toute la région péritonéale sous forme d’ascite;

- Multiplication de cellules et production de quantités importantes d’anticorps

monoclonaux.

- Une fois l’ascite a atteint un certain volume, le liquide d’ascite est récupère par

ponction de l’abdomen avec une aiguille,

Une seule souris produira 10 à 20 ml de liquide d’ascite contenant environ

10 mg/ml d’anticorps monoclonaux.

Les inconvénients :

- Petite taille de la souris ;

- Présence dans le liquide de l’ascite de nombreuses enzymes protéolytiques

et d’un mélange de protéines dont certaines sont des immunoglobulines ;

- Le problème éthique a été également soulevé au sujet d’injection des cellules

cancéreuses aux souris.

La production in vivo devient de plus en plus une technique obsolète.

3.2-Production in vitro : procédé par culture cellulaire

Pour diverses applications, il est nécessaire de produire des quantités plus

importantes d’anticorps. Pour l’imagerie in vivo, on doit disposer de quelques

centaines de microgramme d’anticorps par patient. Pour la thérapie in vivo, plusieurs

centaines de milligramme sont requises par patient.

La production in vitro est basée sur la culture des hybridomes dans des milieux

de culture définis.

La culture de cellules peut être effectuée dans (Fig.4):

- des flacons d’un contenu de 0,5 à 1 litre (flacons pour cultures en rotation) ;

- des flacons pour cultures selon Spinner d’un contenu de 1 à 10 litres,

- des réacteurs capillaires (principe de la dialyse) ou dans des fermenteurs de

capacités diverses (10 à 1000 litres) de type batch ou fed batch.

- Actuellement ces bioréacteurs sont perfectionnés selon le procédé Celli-Gen

Plus (New Brunswick Scientific Co, Inc, Edison, New Jersey, Etats-Unis).ces

bioréacteurs comprennent un agitateur à haut débit qui permet de faire circuler le

fluide nutritif et l’oxygène à travers un lit de supports fibreux sur lesquels les cellules

sont fixées en grand nombre.

Page 10: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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4- Purification et conservation des anticorps monoclonaux

- La purification peut se faire de différentes manières : la chromatographie par

filtration sur gel, chromatographie par échange d’ions ou par précipitation au

sulfate d’ammonium.

- La durée de conservation des anticorps varie de quelques semaines à plusieurs

années en fonction de la nature de l’anticorps et des conditions de stockage

(Tab.1).

Figure 4 : les différents systèmes de culture cellulaire utilisés in vitro

pour la production des AcsM

Flacon Spinner

avec barreau aimanté

Flacon de culture cellulaire

Culture cellulaire dans le bioréacteur

de type Celli-Gen Plus

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Tableau 1 : Conditions de stockage des anticorps

Encadré 1 : quelques définitions

• Affinité : force de liaison antigène-anticorps.

• Avidité : force avec laquelle un anticorps multivalent se fixe à un antigène plurivalent

(synergie des affinités de chaque Fab pour son épitope).

• Epitope : déterminant antigénique.

• Paratope : site de liaison à l’antigène, présent sur l’anticorps.

• Anticorps monoclonaux : anticorps ayant le même paratope et dirigés contre un seul

épitope. Ils sont produits par un même clone de plasmocytes.

• Anticorps polyclonaux : anticorps reconnaissant de multiples épitopes d’un même

antigène (Ac monospécifique) ou de plusieurs antigènes (Ac polyspécifiques).

Milieux

aqueux, 4oC

25-50%

glycérol ou

éthylène glycol, -20

oC

Congélation à -20/-80oC

ou dans l’azote liquide

Lyophilisé

Durée de vie 1mois 1 an Plusieurs années Plusieurs

années

Concentration

de l’anticorps

1-5 mg/ml 1-5 mg/ml 1-5 mg/ml 1-5 mg/ml

Protéines pour

dilution

BSA BSA BSA Non

Conditions

stériles ou

antibactériennes

Oui généralement Non Non

Antioxydants Généralement;

2-ME, DTT

Généralement;

2-ME, DTT

Non Non

Conjugué

fluorescent

Protéger

de la lumière

Protéger

de la lumière

Protéger de la lumière Protéger

de la lumière

Valeur de pH 7.2-7.6 7.2-7.6 Aucune Aucune

Chélateur

métallique

EDTA EDTA Non Non

Utilisations

multiples

d’un aliquot

Oui Oui Non; les cycles de

congélation/décongélation entrainent la dégradation

des anticorps

Non-

applicable

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Chapitre 2

Caractérisation des anticorps monoclonaux

à visée thérapeutique

1-Evolutions technologiques des AcsM

Les AcsM ont subi plusieurs modifications technologiques dont l’intérêt est

d’améliorer leur efficacité thérapeutique:

✓ Augmenter la demi-vie1

✓ Moduler les propriétés effectrices selon la situation pathologique

✓ Sélectionner ou bien de renforcer la puissance d’anticorps

✓ Améliorer l’accès intracellulaire

1.1-Technologie d’humanisation des AcsM

Les étapes de la technologique d’humanisation des AcsM est montrée dans figure 1.

-AcsM de la 1ère génération (AcsM murins) = AcsM 100% murins

Pour limiter les réactions immunitaires HAMA (Human Anti-Mouse

Antibodies) les anticorps murins peuvent être utilisés sous forme de fragment Fab

ou Fab′2.

-AcsM de la 2ème génération (AcsM recombinants)

(i) AcsM chimériques composés des parties constantes humaines et des parties

variables murines.

(ii) AcsM humanisés constitués de 90% de séquences humaines, dans lesquelles

seules les régions hypervariables sont d’origine murine.

-AcsM de la 3ème génération (AcsM entièrement humains) : Les anticorps

humains sont constitués exclusivement de séquences d’origine humaine. Ces

anticorps sont dits invisibles ou "transparents" pour le système immunitaire des

patients. Plusieurs méthodologies ont été mises au point pour générer les AcsM

totalement humains dont l’Approche de souris transgéniques2 "xenomouse"(1994) est

l’approche la plus utilisée.

1 Utilisation des AcsM pour diagnostic nécessite plutôt de réduire leur demi-vie

2 Un animal est dit transgénique lorsqu'il possède, outre ses propres séquences d'ADN, des gènes

supplémentaires ou modifiés, dits transgènes, qui ont été ajoutés à son patrimoine héréditaire. Ainsi,

des gènes de souris peuvent être remplacés par des gènes humains codant des immunoglobulines

humaines.

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Figure 1 : Les différentes générations d’anticorps thérapeutiques.

Tableau : Nomenclature internationale des AcsM

mab: monoclonal antibody

Approche de souris transgéniques3 "xenomouse"(1994) La " xenomouse " est une

souris transgénique qui exprime la grande majorité des gènes codant les

immunoglobulines humaines. Chez ces souris, la machinerie servant à la production

d’immunoglobulines (Ig) de souris est inactivée et humanisée avec la presque totalité

des locus correspondant aux gènes codant les Ig humaines afin de permettre chez cette

3 Un animal est dit transgénique lorsqu'il possède, outre ses propres séquences d'ADN, des gènes

supplémentaires ou modifiés, dits transgènes, qui ont été ajoutés à son patrimoine héréditaire. Ainsi,

des gènes de souris peuvent être remplacés par des gènes humains codant des immunoglobulines

humaines.

Immunogénicité

durée d’action & efficacité

100% Souris

75 % Homme25% Souris

90% Homme10% Souris

100% Homme

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souris la production d’une large diversité d’anticorps humains de forte affinité.

L’obtention

de ces souris nécessite trois grandes étapes.

– La première consiste à inactiver les gènes codants pour les chaînes légères

et lourdes de l’anticorps considéré. Cette manipulation a été réalisée dans des cellules

souches embryonnaires (cellules ES pour embryonic stem).

– La seconde étape consiste à transférer chez la souris les locus correspondant

aux gènes des anticorps humains. Le clonage de ces locus a été facilité par

l’utilisation des chromosomes artificiels de levure (Yeast artificial chromosome,

YAC).

L’étape finale consiste à réimplanter les cellules ES dans l'utérus de souris

femelles. Les descendants de ces souris exprimant les chaînes lourdes et légères des

anticorps humains. Après immunisation de ces souris avec l’antigène, on peut obtenir

des anticorps humains en suivant la technique classique des hybridomes décrite

par Köhler et Milstein.

1.2- Technologie de l’ingénierie génétique et moléculaire

L’ingénierie génétique moléculaire des AcsM a permet d’améliorer leurs

propriétés pharmacologiques dans le but d’accroître leur efficacité et leur sécurité

d’utilisation.

L’ingénierie génétique et moléculaire des AcsM est basée principalement sur

les approches de mutagénèse aléatoire ou dirigé et les banques combinatoires

obtenues par la technique du phage display.

Cette ingénierie se réalise de façon rationnelle en fonction de la pathologie à traiter et

de la stratégie thérapeutique envisagée.

Optimisation des propriétés préexistantes. Ces caractéristiques pharma-

cologiques peuvent être modulées à façon en jouant sur l’architecture moléculaire des

anticorps: mutation des CDRs, changements d’isotype, ingénierie et glyco-ingénierie

du fragment Fc, ingénierie de la région charnière, format de l’anticorps (taille,

multivalence, multispécificité, conjugaison à d’autres molécules ou particules).

1.2.1- Anticorps monoclonaux optimisés

a. Optimiser les propriétés du fragment variable (Fab)

-Propriétés de liaison à l’antigène : l’amélioration in vitro de l’affinité et de

la spécificité des AcsM est réalisée soit par l’introduction des mutations localisés ou

aléatoires dans les régions variables.

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b. Optimiser les propriétés du fragment constant (Fc)

-Optimisation des fonctions effectrices : Les fonctions effectrices

des anticorps thérapeutiques sont portées par le fragment Fc. En fonction de la

pathologie à traiter, ces fonctions effectrices peuvent être requises car elles

contribuent à l’efficacité thérapeutique (cancer), ou bien au contraire indésirables car

elles sont responsables d’effets secondaires chez les patients.

L’optimisation du "profil effecteur" doit être guidée par la nature

de l’antigène ciblé, la stratégie thérapeutique envisagée et le contexte clinique

de la pathologie.

-Optimisation des propriétés pharmacocinétiques et de biodistribution : La

demi-vie et la biodistribution des anticorps sont deux paramètres étroitement liés qui

dépendent à la fois de l’anticorps (fragment, anticorps entier, murin, humanisé,...)

et de l’antigène cible (densité, internalisation,...).

En fonction de la situation pathologique: l'augmentation de la demi-vie

est souhaitable pour améliorer l’efficacité et optimiser la distribution et la rétention

dans les tissus ciblés. En revanche, dans d’autres cas, il est préférable de restreindre la

demi-vie pour limiter les effets secondaires ou accroître la résolution lors d’une

utilisation des anticorps en imagerie.

Un moyen efficace pour moduler la pharmacocinétique des anticorps

thérapeutiques est de moduler l’interaction entre le fragment Fc et le récepteur FcRn

(neonatal Fc receptor) 4.

-Optimisation des propriétés biophysiques : les dégradations physico-chimiques

classiquement retrouvées pour les anticorps, incluent la dénaturation, l’agrégation,

l’hydrolyse, la désamidation ou désamination et l’oxydation, peuvent avoir l’impact

sur l’efficacité et la sécurité du produit. Afin de limiter l’apparition de tels

phénomènes, il est possible d’intervenir à deux niveaux : soit directement au stade de

la production des AcsM soit au niveau du développement galénique.

1.3-Technologie de l’ingénierie chimique et biochimique

L’ingénierie chimique et biochimique ont permis de combiner des anticorps

avec des composés chimiques par le biais d’un agent de liaison (linker). Cette

technologie permet de synthétiser des AcsM dotés de nouvelles fonctionnalités

des AcsM immuno-conjugués ou Acs tueurs (Fig.2).

4 FcRn est le récepteur responsable du recyclage des IgG qui leur assure une demi-vie

d’environ 20 jours chez l’homme.

Page 16: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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Le principe de cette approche consiste en l’utilisation des anticorps

monoclonaux comme des vecteurs permettant une délivrance ciblée de ces molécules

directement sur leurs sites d’action.

L’AcsM joue le rôle de porteur pour guider l’agent vers la cible spécificité

du ciblage

Figure 2 : Anticorps monoclonaux conjugués

1.4- De nouveaux formats pour les anticorps

Pour un usage thérapeutique et/ ou diagnostic, l’utilisation de fragments

d’anticorps de taille réduite et d’affinité élevée est recherchée afin de faciliter l’accès

au domaine intracellulaire de la cible.

1.4.1- Obtention par voie enzymatique

-Les fragments (Fab’)2 et Fab

Les formats Fab (55 kDa) et F(ab’)2 (110kDa), produits par voie enzymatique

(Fig.3), ont été les premiers fragments d’anticorps utilisés pour le diagnostic in vivo

des tumeurs. Néanmoins, l’inconvénient de ce format est sa monovalence (un seul

paratope) ce qui diminue son affinité totale (avidité) et donc réduit sa fixation dans

les tumeurs. Par ailleurs, l’avancée de la biologie moléculaire a permis l’ingénierie de

fragments d’anticorps de tailles et valences variables.

immunoenzyme immunocytokine immunotoxine immunoradionucléique

Particules magnétique

chargées d’AcsMimmunoliposome

Page 17: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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Figure 3 : Clivage protéolytique de la molécule d'Ac.

1.4.2 - Obtention par ingénierie moléculaire

a. Single chain variable Fragment (scFv)

Le scFv est la plus petite unité capable de lier l’Ag (single-chain variable

fragment). Ce fragment est constitué que des régions variables lourdes et légères

reliées par un lien peptidique de 12 à 25 acides aminés. Ce fragment, de 25 et 30

kDa, représente un sixième de la taille d’un anticorps entier (Fig.4). Le scFv conserve

la même spécificité et affinité que l’anticorps monoclonal dont il est issu, mais reste

un fragment monovalent.

Figure 4: Conception du fragment scFc

Une séquence codant pour un polypeptide

flexible de 15 à 20 acides aminés

(dénommé Linker)

Une séquence codant pour un polypeptide

flexible de 15 à 20 acides aminés

(dénommé Linker)

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A partir du format scFv, deux stratégies ont été développées pour produire

des fragments d’anticorps :

b. des chimères scFv-région constante: scFv-CH3 et scFv-Fc (Fig.5)

c. des multimères ou multi-valents de scFv: diabody, triabody, tetrabody

(Fig.6).

Figure 5 : Représentation schématique des différents formats d’anticorps

Figure 6: Représentation schématique des multimères de scFv

Page 19: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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d. Fragments multispécifiques

L’utilisation des anticorps multispécifiques bloquent simultanément plusieurs

voies pathologiques avec une seule molécule. Les AcsM multispécifique sont

de même intérêt potentiel que l’utilisation des anticorps polyclonaux ou oligoclonaux

dirigés contre un même ou différents antigènes pathologiques.

Acs bispécifiques : Ces anticorps recombinant bispécifiques peuvent se lier à deux

cibles différentes. Les anticorps bispécifiques possèdent deux paratopes différents sur

une même molécule d’anticorps et ainsi une double spécificité (Fig.7).

Figure 7: Format d'AcM bispécifique

✓ Anticorps bispécifiques ciblant d’une part un antigène tumoral, et d’autre part

le récepteur CD3 des lymphocytes T. La propriété la plus impressionnante de ces Acs

bispécifiques est leur capacité à activer fortement les lymphocytes T cytotoxiques

en l’absence de facteurs de co-stimulation. Ces anticorps sont appelés triomabs

car ils sont trifonctionnels. Ils peuvent cibler efficacement les cellules tumorales,

induire leur destruction en activant les LT et également recruter des cellules

de l’immunité innée (macrophages, cellules NK, cellules dendritiques) via le Fc

(Fig.8).

✓ Anticorps bispécifiques possédant un bras agoniste du récepteur FcγRIIIa

(CD16) et un autre bras liant un antigène tumoral, pourraient être des agents

thérapeutiques efficaces pour traiter les cancers. Ces Anticorps bispécifiques sont

capables de mobiliser les cellules NK pour déclencher le processus d’ADCC.

Ac naturel possède deux régions

variables de même spécificité.Ac bispécifique possède une partie variable

de spécificité A et une autre de spécificité B.

Ac naturel possède deux régions

variables de même spécificité.Ac bispécifique possède une partie variable

de spécificité A et une autre de spécificité B.

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Figure 8: Schéma illustrant l'action d'un AcM bispécifique

Tumeur maligne de péritoine

Administré par voie intra-

péritoniale

Tumeur maligne de péritoine

Administré par voie intra-

péritoniale

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Chapitre 3

Utilisation thérapeutique des anticorps monoclonaux

1-Cibles des anticorps thérapeutiques

Deux tiers des molécules ciblées par les anticorps thérapeutiques sur le marché

sont des protéines de surface (récepteurs, molécules d’adhésion, protéines

d’enveloppe virale) alors que le un tiers restant correspondent à des molécules

solubles (cytokines, facteurs de croissance) (Fig.1). La plupart des AcsM

thérapeutiques actuellement sur le marché sont des IgG.

Figure 1 : Cibles des anticorps thérapeutiques approuvés et en cours de phase III

2-Anticorps non conjugués ou anticorps nus : Anticorps protecteurs

2.1-Modes d’action : à la différence des petites molécules chimiques, les anticorps

thérapeutiques présentent des modes d’actions très variés et souvent multiples (Fig.2).

2.1.1-Effets neutralisants (assuré par le fragment Fab)

Le mode d’action le plus commun correspond tout simplement :

(i) Effet de blocage : fixation de l’anticorps sur sa cible en l’empêchant

d’exprimer son activité biologique et l’interaction avec d’autres partenaires

Virus

Bactéries

Enzymes

Canaux ioniques

Transporteurs

Ligands: peptides, hormones, cytokines,Facteurs de croissance

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(récepteurs, enzymes et transporteurs). Ce mode d’action implique beaucoup plus des

antigènes solubles (ligands, toxines)

(ii) Effet antagoniste : action directe de l’anticorps sur les récepteurs en

empêchant l’accès du ligand pour son récepteur et ainsi inhiber l’activation des voies

de signalisation responsable de la pathologie. C’est le cas des récepteurs à tyrosine

kinase. Ces récepteurs sont impliqués dans de nombreux processus cellulaires tels que

la prolifération cellulaire ou la différenciation. Les anticorps anti-EGFR ou anti-IGF-

1R comme le cétuximab et le dalotuzumab qui, en empêchant la fixation des facteurs

de croissance sur leurs récepteurs, permettant d’inhiber la croissance de diverses

tumeurs.

Figure 2 : Principaux mécanismes d’action des anticorps monoclonaux

2.1.2-Effets biorégulateurs (assuré par le fragment Fab)

Ces effets se résument par une action agoniste des Acs via :

✓ L’internalisation de récepteurs

✓ L’empêchement du processus homo ou hétéro-dimérisation

✓ L’induire des voies d’apoptose des cellules cibles

✓ La modulation de l’activité des récepteurs : ces anticorps thérapeutiques

engendrent des effets comparables du ligand naturel. C’est le cas des AcsM anti-

récepteur CD3 (muromomab) utilisé pour la transplantation et en phase III et pour

le diabète de type 1 (otélixizumab et téplizumab). En se fixant sur le CD3, ces Acs

permettent d’induire le relargage de calcium intracellulaire et la production des

Effets neutralisants

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53

cytokines à action tolérogène favorisant l’expansion de LT CD8+ régulateurs plutôt

que les Tc.

La plupart des anticorps anti-récepteurs présentent à la fois des propriétés

agonistes et antagonistes. C’est en fait la combinaison de ces différentes activités qui

permet d’expliquer le mode d’action des anticorps, à la fois responsable des effets

thérapeutiques, mais aussi des effets toxiques.

2.1.3- Effets immunotransmis

Les anticorps peuvent, via leur fragment Fc, interagir avec le système

immunitaire de l’hôte et déclencher l’élimination de l’antigène cible par différents

mécanismes de cytotoxiques :

(i) Cytotoxicité Cellulaire Dépendante d’Anticorps (CCDA) : l’anticorps via son

Fc se lie sur le récepteur FcγRs situé généralement sur les cellules immunitaires

cytotoxiques, le cas des cellules NK.

(ii) Cytotoxicité dépendante du Complément (CDC) : La CDC met en jeu

l’interaction de la 1ère fraction du complément C1q et le fragment Fc de l’Ac. La

liaison du C1q sur le Fc déclenche l’activation de la cascade du complément, ce qui

aboutit à la formation du complexe d’attaque membranaire et la lyse de la cible.

(iii) Cytotoxicité Cellulaire Dépendante du Complément (CCDC) : le complément

peut également potentialiser la CCDA via l’interaction de la protéine iC3b avec son

récepteur CR3 (CD11b/ CD18) exprimé par les phagocytes et les cellules NK.

(iv) Cytotoxicité Cellulaire Dépendante d’opsinisation (CCDA) : les cibles

tapissées par des anticorps peuvent également être internalisées puis détruites par de

cellules phagocytaires.

La destruction de la cible défaillante par ces modes peut être particulièrement

efficace dans le cas d’une agression tumorale ou infectieuse mais peut être délétère

dans d’autres situations pathologiques.

Page 24: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

54

2.2-Applications des Acs protecteurs dans le traitement de certaines affections

2.2.1- Maladies virales

Les virus sont des cibles d’intérêt pour les anticorps monoclonaux dans

la mesure où de nombreux virus n’ont pas de traitement spécifique. Utilisés en tant

qu’anticorps neutralisants, ils sont capables d’empêcher la liaison et l’entrée

des pathogènes dans les cellules hôtes.

Virus Respiratoire Syncytial (VRS) : Ce virus entraîne des troubles graves des voies

respiratoires inférieures chez les jeunes enfants. Il est neutralisé par un anticorps

monoclonal de type IgA qui exerce une action neutralisante uniquement mais

également par deux IgG1 humanisés liant spécifiquement la protéine de fusion.

✓ AcM palivizumab commercialisé sous le nom de Synagis®. Le seul anticorps

monoclonal autorisé à ce jour.

AcM humanisé, IgG1

Cible : Site antigénique A de la glycoprotéine F du virus respiratoire syncytial (VRS)

Mode d’administration : IM dans la cuisse

Laboratoire : Abbott/ MedImmune

Indication : prévention des infections respiratoires graves, dues au virus respiratoire

syncytial (VRS)

Posologies : 15 mg/kg une fois par mois pendant les périodes à risques d’infections à

VRS

Mécanisme d’action : Il y a deux principales protéines immunogènes à la

surface du virus respiratoire syncytial: la glycoprotéine F (fusion) et G (facteur

d'attachement à l’épithélium bronchique). La protéine F est hautement conservée et

nécessaire pour infecter les cellules alors que la protéine G est variable. Le virus

s’adsorbe à la surface des cellules, via la protéine G et la protéine F (fusion entre

membranes du virus et de la cellule hôte). Le palivizumab bloque l’entrée du virus en

liant la protéine F du VRS, ce qui empêche la fusion des membranes et la formation

de syncitia (qui permet au virus de passer de cellules en cellules).

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55

⬧ Virus immunodéficient humain (VIH): l’infection par le virus du sida

a toujours été un domaine de grand intérêt pour l’application thérapeutique des

anticorps monoclonaux d’autant plus que le développement de vaccins est lent et

incertain. Le VIH connaît des résistances aux traitements, notamment aux thérapies

antivirales combinées.

Il existe 4 anticorps monoclonaux en phase I et II. La principale voie explorée est

l’inhibition de l’entrée du VIH dans les cellules au niveau des récepteurs CCR5 ou

CD4 ou de la glycoprotéine virale gp 120.

Un antirétroviral anti-ccr5 pro 140 est en phase d’étude clinique. Il cible le

principal co-récepteur pour l’entrée du VIH dans les cellules, le récepteur de

chimiokines CCR5. AcM, le Maraviroc®, une molécule antagoniste du CCR5.

L’efficacité de ces anticorps pourrait être améliorée en augmentant l’affinité de la

partie Fc pour certains de leurs récepteurs situés à la surface des cellules

présentatrices d’antigènes. D’autre part, les variants protéiques constituent un obstacle

à l’élaboration d’anticorps adaptés. La solution réside sûrement dans la combinaison

du ciblage de certaines protéines des cellules hôtes par des anticorps monoclonaux

avec les thérapies existantes, tout en restant attentif à d’éventuels effets secondaires

⬧ Cytomégalovirus : le CMV est un virus de grande taille pouvant persister dans

l’organisme à l’état latent. Il est très répandu au niveau mondial et affecte par

exemple 60% des adultes aux Etats-Unis. LeSevirumab, MSL 109, est actuellement

en phase clinique pour son traitement chez les personnes infectées par le VIH et les

nouveau-nés. Il s’agit d’un anticorps monoclonal humain.

⬧ Virus de l’hépatite B et C : les hépatites sont des inflammations du foie

causées le plus souvent par des virus. Les hépatites B et C représentent deux des cinq

virus entraînant une infection ciblée et une inflammation du foie. Il existe

actuellement deux anticorps monoclonaux en développement, ciblant ces virus.

Le bavitumab et le MDX-1106 visent à améliorer le contrôle des infections hépatiques

chroniques tout particulièrement dans le cas de co-infection avec le VIH.

⬧ Les virus de la grippe : la menace d’une pandémie grippale fait du virus

de la grippe un candidat de choix pour le développement d’anticorps monoclonaux.

La principale difficulté réside dans le fait que les variations antigéniques entre

les différentes souches sont très importantes. Cependant un anticorps étant capable

de cibler des souches H5N1 comme H1N1 a été mis en évidence et un anticorps

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spécifique du variant H5 de la protéine hémagglutinine de la souche H5N1 est en

développement

⬧ Des anticorps monoclonaux sont également en développement contre d’autres

virus comme la rage, le West Nile Virus, les virus Hendra et Nipah ou le SRAS

corona virus. La principale difficulté rencontrée est, là encore, l’existence de

nombreuses variations antigéniques des virus pathogènes.

2.2.2 -Traitements des maladies auto-immunes Maladie caractérisée par une agression de l'organisme par son propre système

immunitaire. L’auto-immunité est la rupture des mécanismes de tolérance qui conduit

à l’action pathogène du système immunitaire vis-à-vis de constituants naturels

de l’organisme et à l’apparition d’une maladie dite auto-immune.

Classification des maladies auto-immunes

On distingue :

Les lymphocytes B jouent un rôle central dans la pathogénie des maladies auto-

immunes. Ceci laisse penser que des traitements spécifiquement dirigés contre les

lymphocytes B doivent être efficace au cours des maladies auto-immunes.

Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique dirigé contre la molécule

CD20 exprimée à la surface de certains lymphocytes B au cours de leur

différentiation.

Mode d’action du Rituximab : Les fonctions mêmes de la cible (CD20) du rituximab

étant partiellement connues, les modes d’actions de cet anticorps sont également mal

élucidés. Le rituximab pourrait induire la déplétion lymphocytaire B par plusieurs

mécanismes pouvant être associés:

(i) une cytotoxicité médiée par le complément.

Maladies autoimmunes spécifiques d’organes Maladies auto-immunes systémiques ou non

spécifiques d’organes

Diabete de type 1;

Thyroidite auto-immune ;

Hepatopathies auto-immunes ;

Myasthenie ;

Maladies bulleuses auto-immunes ;

Vitiligo ;

Uveite auto-immune ;

Retinite auto-immune ;

Cytopenies auto-immunes.

Lupus systemique ;

Syndrome de Gougerot-Sjogren ;

Polyarthrite rhumatoide ;

Sclerodermie ;

Polymyosite et dermatopolymyosite ;

Connectivite mixte ;

Vascularite primitive ;

Polychondrite atrophiante.

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57

(ii) une cytotoxicité cellulaire avec un rôle prépondérant du récepteur

à la portion Fc des Ig (FcγR) des cellules effectrices (monocytes, macrophages,

cellules NK).

(iii) un arrêt du cycle cellulaire et une apoptose des cellules B. La fixation

du rituximab sur sa cible (et probablement son cross-linking) induit un changement de

conformation de la molécule CD20 par le biais d’une phosphorylation.

Il s’ensuit une augmentation du flux calcique vers le secteur intracellulaire et

donc une augmentation de la concentration intracellulaire du calcium avec comme

conséquence le blocage du cycle cellulaire en phase S.

Les antigènes responsables de ces maladies sont mal définis comme l’est la

hiérarchie de leur implication. En revanche, notre connaissance détaillée des

mécanismes intermédiaires d’entretien de l’inflammation et de la destruction tissulaire

a permis d’identifier des cibles puis des molécules thérapeutiques, et notamment des

anticorps monoclonaux.

2.2.3-Maladies neurodégénératives

Maladie neurodégénérative : maladie progressive qui affecte le cerveau ou plus

globalement le système nerveux, entraînant la mort des cellules nerveuses. Les plus

fréquentes sont la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson. L'aducanumab, un

anticorps spécifiquement dirigé contre la protéine bêta-amyloïde (Peptide β amyloïde

est une protéine néfaste pour le SN agrégats empêche et abaisse l’efficacité de

la transmission synaptique cholinergique) a permis de ralentir le déclin des fonctions

mentales chez des patients souffrant d'une forme précoce d'Alzheime.

2.2.4-Maladies allergiques

Les maladies allergiques sont caractérisées particulièrement par l’élévation du

taux d’IgE. Actuellement un AcsM, omalizumab ((XOLAIR®) anti-IgE, est

disponible sur le marché comme traitement des asthmes allergiques sévères.

AcM humanisé, IgG1k

Cible : immunoglobuline E (IgE)

Mode d'administration : SC, utilisé à partir de 6 ans

Laboratoires : Genentech Inc / Novartis Pharmaceuticals Corp/ Tanox Inc

Indication : asthme allergique persistant

Prix indicatif 2013: 441,85€ pour 1 seringue de 1 ml soit 150 mg

Usage : prescription initiale hospitalière annuelle

Posologie : selon poids corporel et taux initial d’IgE (UI/ml). Par exemple, pour un

adulte de 70 kg et un taux initial de 50 UI/ml, 75 mg doivent être injectées par dose.

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▪ Mécanisme d’action : L’omalizumab est un anticorps qui se fixe à l’IgE. Il

empêche ainsi le processus de déclenchement de l’asthme en bloquant la fixation de

l’IgE sur le récepteur de forte affinité FcεRI présent sur les mastocytes, les basophiles

et les éosinophiles.

Traitement des asthmes sévères hyperéosinophilique :

Les AcsM, le mépolizumab et le reslizumab, anti-IL-5 administrés par voie

intraveineuse, ont montré une suppression des éosinophiles circulant et de

l’expectoration, mais sans amélioration clinique ou fonctionnelle significative.

Une approche alternative par l’AcM, benralizumab, pour antagoniser l’IL-5 est

de bloquer le récepteur de l’IL-5 et d’induire l’apoptose des éosinophiles et des

basophiles.

2.3-Thérapie combinée

Cette thérapie consiste à la combinaison de la radiothérapie ou chimiothérapie

avec l’immunothérapie passive à base des AcsM. Face au manque d’efficacité des

approches thérapeutiques décrites précédemment, de nouvelles stratégies ont été

envisagées pour optimiser les fonctions effectrices du fragment Fc et également

pour doter les anticorps de nouvelles fonctions plus adaptées à la destruction de la

cible. Ces nouvelles fonctions consistent à coupler aux Acs des molécules ou de

particules leur permettant d’exercer leur fonction selon d’autres modes. Ces anticorps

couples sont appelés les immunoconjugués.

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59

3-Les anticorps tueurs (AcsM couplés ou conjugués)

L’efficacité thérapeutique repose sur les effets cytotoxiques puissants de

médicaments chimiques ou de radio-isotopes qu’il aurait été trop dangereux

d’administrer sans ciblage, avec des effets indésirables hors des tissus cibles.

3.1-Les immunodrogues et immunotoxines

(i) Toxines ou drogues utilisés : extraits de plantes (ricine et l’abrine), les toxines

des bactéries comme la toxine diphtérique et antibiotiques etc.

(a) Un traitement faisant appel à une immunotoxine diphtérique:

Structure des toxines diphtérique : Protéines possédant habituellement

un domaine de fixation non spécifique aux cellules et un domaine capable d’inhiber

la synthèse protéique.

Synthèse de toxine chimérique : remplacement du domaine de fixation non

spécifique de la toxine par un anticorps, la toxine peut être dirigée spécifiquement

vers des cellules tumorales.

Mode d’action : Après liaison à la surface de la cellule, le complexe anticorps-

toxine est internalisé dans des vésicules et les compartiments de l’appareil de Golgi

où la présence d’un pH faible facilite la protéolyse de la toxine. La sous-unité

toxique est transportée vers le cytosol de la cellule. Dans le cytosol, le domaine

catalytique de la toxine peut modifier le facteur d’élongation 2 ou inactiver l’ARN

ribosomial 28S, et de cette manière, inhiber la synthèse protéique indispensable

à la survie de la cellule défaillante.

✓ Un Ac monoclonal anti-CD3 couplé à la toxine diphtérique a été testé

récemment avec succès dans le lymphome cutané à cellules T.

(b) Un traitement faisant appel à la calicheamicin

La calicheamicin est, antibiotique cytotoxique très puissant, un membre

hydrophile de la famille des antibiotiques qui clive les séquences spécifiques

des doubles hélices de l’ADN.

✓ Un Ac monoclonal humanisé [Le gemtuzumab ozogamicin (Mylotarg®)]

ciblant spécifiquement l’antigène CD33 qui se retrouve à la surface de la plupart

des cellules leucémiques blastiques. Cet Ac est conjugué à la calicheamicin.

Le mode d’action : Le complexe gemtuzumab ozogamicin-calicheamicin

se lie à l’antigène de surface CD33 des cellules leucémiques myéloïdes. Le complexe

pénètre dans la cellule et la calicheamicin est ensuite libérée dans les lysosomes

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des cellules myéloïdes. Elle se lie à l’ADN, ce qui entraîne une cassure de l’ADN,

suivie d’une apoptose cellulaire.

3.2-Anticorps conjugués à des enzymes

Cette approche séquentielle, qui consiste à réaliser un préciblage de la tumeur

avec l’anticorps conjugué puis à injecter une pro-drogue, est nommée ADEPT pour

Antibody Directed Enzyme Prodrug Therapy. L’enzyme couplé à l’Ac transforme in

situ la pro-drogue en un composé cytotoxique au voisinage de cellules tumorales.

Cette technique permet de diminuer la toxicité générale de la drogue tout en

assurant une efficacité locale maximale. Dans certains cas, la prodrogue peut être

activée spécifiquement par des peptidases endogènes. Enzymes couplés avec les

AcsM : Amidases, kinases, phosphatases, glycosidases, carboxypeptidases, glucuro-

nidase et β-lactamase.

3.3- Immunocytokines

L’utilisation de cytokines (IL-2, IL-12, GM-CSF), en combinaison avec un

traitement à base d’anticorps, s’est révélée efficace pour améliorer le traitement de

certains cancers. Néanmoins, l’injection systémique de cytokines provoque des effets

secondaires importants. Par conséquent, des anticorps couplés à des cytokines ont été

générés et ont montré des effets anti-tumoraux significatifs et une réduction des effets

secondaires.

3.4-Anticorps conjugués à des radio-isotopes : radio-immunothérapie

Les Ac radio-marqués permettent de réaliser une irradiation ciblée sur le site

tumoral en épargnant au maximum les tissus sains.

❖ Les radio-isotopes utilisés

✓ Les émetteurs β peuvent traverser jusqu’à quelques centimètres de tissus.

Cytotoxique sur un rayon de plusieurs cellules. Les beta-émetteurs 131I, 90Y et 177Lu

sont les plus prometteurs et les plus pratiques pour destruction des tumeurs

volumineuses.

✓ Les émetteurs α ont une demi-vie courte et émettent de l’énergie sur une très

faible distance. Les alpha-émetteurs 213Bi, 225Ac et 211At sont les plus utilisés pour la

destruction tumeurs de petit volume sans affecter les cellules saines

immédiatement adjacentes aux cellules tumorales. La radio-immunothérapie a surtout

été utilisée dans le traitement des lymphomes parce que ces tumeurs sont

généralement fortement radio-sensibles. Pour limiter l’exposition aux radiations, des

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61

Acs monoclonaux murins ont été choisis car leur haute immunogénicité favorise une

clairance rapide du produit.

3.5-Anticorps conjugués à un médicament (Les immunoliposomes)

Cette technologie, appelée immunoliposomes, consiste à encapsuler des

molécules ou des nucléotides à action thérapeutique dans les liposomes et, grâce aux

Ac monoclonaux, peuvent être téléguidés directement sur les cellules cibles. Bien que

cette approche soit encore à un stade de développement, des progrès significatifs ont

été réalisés ces dernières années.

Mode d’action : les immunoliposomes offrent l’avantage d’augmenter

l’interaction locale avec la cellule cible, soit sous la forme d’une fusion avec la

membrane cellulaire, soit grâce à une internalisation par endocytose, ce qui aboutit à

un plus haut taux de rétention de l’agent pharmacologique.

Les immunoliposomes ont été utilisés avec succès in vivo pour délivrer,

de façon ciblée dans la tumeur, des gènes suppresseurs de la tumeur, grâce à des

fragments d’Ac monoclonaux contre le récepteur humain de la transferrine. Cette

approche a été appliquée à des tumeurs cérébrales ou à des cancers du sein.

Cette technique peut également être utilisée dans un but d’imagerie à visée dia-

gnostique. Dans ce cas, les immunoliposomes sont utilisés pour acheminer de façon

ciblée des agents de contraste utilisés en résonance magnétique nucléaire ou des

radioéléments utilisés en médecine nucléaire.

3.6- Anticorps greffés à la surface de nanoparticules

Enfin, l’essor parallèle des nanotechnologies et de l’ingénierie moléculaire des

anticorps a permis l’émergence de nanoparticules fonctionnalisées avec des anticorps

ou des fragments d’anticorps. Ces nanoparticules peuvent renfermer des molécules

actives (comme les immunoliposomes cités plus haut) ou simplement se composer

d’atomes métalliques.

Grâce aux anticorps greffés à leur surface, les nanoparticules peuvent être

injectées et redirigées efficacement vers les tissus cibles, en particulier les tumeurs.

Une fois localisées au sein des tumeurs, les nanoparticules métalliques peuvent servir

à réaliser de l’imagerie (Imagerie par résonance magnétique IRM, une technique qui

peut permettre de détecter précocement les cancers) mais aussi de la thérapie

hyperthermique (par oscillation magnétique ou rayonnement infrarouge).

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62

4-Anticorps vaccins

Un idiotype est une partie d’un anticorps qui sert à reconnaître l’antigène

spécifique contre lequel

l’anticorps devra lutter.

Vaccination idiotypique

Les vaccins anti-idiotypes déclenchent une réaction du système immunitaire

presque de la même façon que le font les vaccins antigéniques (Fig.4). Ils incitent le

corps à produire des anticorps contre des cellules cancéreuses. Les anticorps agissent

comme les antigènes situés à la surface des cellules cancéreuses. Lorsqu'on injecte le

vaccin, celui-ci incite le système immunitaire à reconnaître les antigènes des cellules

cancéreuses. Les lymphocytes B produisent alors des anticorps contre les antigènes

des cellules cancéreuses

Figure4 : Principe de base de la vaccination anti-idiotypique

Mécanisme d’action

Le vaccin BiovaxID® est fabriqué selon un processus connu sous le nom de

« rescue fusion hybridization ». Indiqué dans Lymphome non-hodgkinien.

La « rescue fusion hybridization » est un procédé dans lequel les cellules tumorales

individuelles obtenues par biopsie sont fusionnées avec une cellule sécrétant des

anticorps pour former un hétérohybridome (Fig.5). Cette cellule sécrète alors

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63

l'idiotype unique d'immunoglobuline ou l'antigène caractéristique de la tumeur

individuelle, qui est purifié pour une utilisation comme vaccin.

Figure 5 : Stratégie de production des anticorps anti-idiotype

L'idiotype de la tumeur du patient est ensuite lié de manière covalente avec

une protéine appelée hémocyanine de patelle (KLH : keyhole limpet hemocyanin).

Cette protéine, qui est totalement étrangère à la biologie humaine déclenche une

réponse immunitaire générale. En effet, l’hemocyanine de patelle est un pigment

transporteur d’oxygène très immunogène, d’un mollusque appelé Megathura

Cranulata.

Le complexe idiotype-KLH est injecté par voie sous cutanée avec un adjuvant

immunologique, le facteur de stimulation GM-CSF.

5- Effets secondaires

Il existe toujours des limitations importantes qui freinent l’utilisation massive

des AcsM en clinique ; principalement le coût excessif des traitements, le manque

d’efficacité (surtout en oncologie) et dans des cas plus rares, la survenue d’effets

indésirables graves : infections opportunistes, syndrome cytokinique, pathologies

auto-immunes, toxicité d’organe et immunogénicité.

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64

Chapitre 5

Propriétés pharmacocinétiques des AcsM

Introduction

Pourquoi étudier la pharmacocinétique des anticorps thérapeutiques ?

Anticorps sont caractérisés par une forte variabilité pharmacocinétique

• Il existe une relation concentration-effet: efficacité quand les concentrations

•Donc, la variabilité pharmacocinétique influence, au moins en partie, la variabilité

de l’effet.

•Connaissance de la pharmacocinétique: adaptation des posologies en vue

d’optimiser l’efficacité.

Le but de chapitre est de faire le point sur les propriétés pharmacocinétiques

des anticorps monoclonaux utilisés actuellement en thérapeutique.

1-Administration (Absorption)

Les anticorps monoclonaux sont administrés par voie intraveineuse ou par voie

intramusculaire. La voie sous-cutanée, la voie intrapéritonéale et la voie

intralymphatique ont été utilisées lors d'essais thérapeutiques.

✓ Absorption lente (Cmax atteinte en 2 – 10 jours)

✓ Mécanisme mal connu (probablement drainage lymphatique, FcRn)

✓ Fraction absorbée : ~ 60%

2-Distribution

➢ Distribution aux tissus : mécanismes actifs (FcRn)

➢ Distribution aux cibles : Fixation aux cibles antigéniques : grande affinité et

spécificité

• Cibles circulantes (Infliximab anti-TNF, bevacizumab anti-VEGF)

• Cibles cellulaires (Rituximab anti-CD20 exprimé sur les lymphocytes B)

• Tumeurs : Pénétration de l’anticorps au sein de la tumeur (Trastuzumab anti-

HER2)

La phase de distribution apparaît déterminante pour les anticorps à visée

tissulaire c'est-à-dire les anticorps utilisés en oncologie. Globalement, les anticorps

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65

monoclonaux diffusent mal et de manière hétérogène dans les tumeurs. La distribution

dépend de:

✓ La physiologie tumorale : La distribution tumorale est liée à deux

paramètres :

la vascularisation de la tumeur (perméabilité, débit sanguin) et la différence de

pression observée entre le capillaire tumoral et le liquide interstitiel. Ainsi la

distribution tumorale des AcsM est limitée probablement à la mauvaise

vascularisation tumorale (distance importante entre le capillaire sanguin et certaines

zones tumorales) comparée au tissu sain.

✓ l'affinité pour l'antigène membranaire cible et l'intensité de l'expression

antigénique. Le principal facteur limitant la diffusion tumorale des anticorps apparaît

être la captation spécifique de l'anticorps en périphérie tumorale. L'augmentation de la

dose améliore partiellement (de manière non proportionnelle) la distribution

tumorale.

✓ La masse moléculaire de l’AcM peut également constituer un facteur limitant.

Les fragments Fab (poids moléculaire 50 000 D) ou scFv (poids moléculaire 27 000

D) présentent une diffusion plus rapide et plus homogène que l'anticorps entier dans

un modèle murin porteur de xénogreffes. Néanmoins, l'utilisation des fragments Fab

est limitée par leur demi-vie d'élimination courte (inférieure à 12 heures) et par

l'absence du fragment Fc impliqué dans l'activité cytotoxique.

Les approches destinées à optimiser la diffusion tumorale ont souligné les

difficultés à optimiser la liaison à l'antigène, l'activité cytotoxique, la diffusion

tissulaire et les paramètres d'élimination.

Le passage des AcsM à travers la barrière hématoencéphalique est très faible.

Les concentrations évaluées simultanément dans le sérum et le liquide céphalo-

rachidien, chez une patiente, montrent un très faible passage de l'anticorps

monoclonal (212 ng/mL dans le liquide céphalo-rachidien versus 70326 ng/mL dans

le sérum).

3-Elimination

Très peu de données sont disponibles sur les voies d'élimination des anticorps

monoclonaux. Par analogie aux IgG endogènes, les anticorps monoclonaux semblent

être catabolisés dans les cellules du lit vasculaire (cellules endothéliales).

Recyclage des IgG : Les IgG endogènes sont les protéines plasmatiques qui

présentent la demi-vie d'élimination la plus longue, environ trois semaines. Cette

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66

longue demi-vie est liée à un récepteur saturable appelé FcRn situé dans les cellules

endothéliales, les cellules intestinales et rénales. Le récepteur FcRn possède deux

propriétés : le passage transcellulaire et le recyclage cellulaire. Après fixation au

récepteur, les anticorps sont internalisés dans la cellule endothéliale et ainsi protégés

de la dégradation lysosomale jusqu’à leur recyclage à la surface de la cellule, qui

permet leur relargage dans la circulation sanguine (Fig. 1).

Catabolisme endogène :

✓ Endocytose par cellules endothéliales vasculaires puis lyse intra-lysosomiale

dont les mécanismes de captation sont mal connus. Les IgG non liées aux récepteurs

FcRn dans les vésicules de pinocytose (les IgG en excès) sont transférées vers des

lysosomes pour être dégradées.

✓ Elimination liées aux cibles antigéniques : dégradation après fixation sur leur

antigène cible («Target mediated disposition»).

– En cas d'antigène circulant : inactivation de l’anticorps et phagocytose des

complexes immuns

– En cas d'antigène membranaire : internalisation, cytolyse et/ou phagocytose.

Figure1: Protection des IgG de la dégradation.

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67

4- Pharmacocinétiques des AcsM

La cinétique des anticorps monoclonaux suit une décroissance des

concentrations en fonction du temps de type mono- ou biexponentielle. Les

paramètres cinétiques des anticorps monoclonaux sont marqués par une importante

variabilité intra- et interindividuelle (c'est-à-dire > 30 %).

4.1-Cinétique monoexponentielle

Une quantité est dite sujette à une décroissance monoexponentielle si elle

diminue à un taux proportionnel à sa valeur. Mathématiquement, cela peut être

exprimé par l'équation différentielle linéaire

suivante:

L’équation (1) C(t)= C0.e-Ke t

C0 = la concentration mesurée à l’instant zéro

C(t) = la concentration au temps t

Ke = la constante apparente d’élimination

Figure 1: Représentation

graphique

d'une cinétique

monoexponentielle

La constante d’élimination dépend de la clairance et du volume de distribution :

L’équation (1) peut être facilement transformée sous une forme logarithmique :

ln C(t) = ln Co – Ket

Ce modèle se définit par sa constante apparente d’élimination et par sa demi-vie

d’élimination qui correspond au temps nécessaire pour qu’une concentration passe de

C à une valeur C/2. On peut écrire une équation qui définit la demi-vie d’élimination :

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La demi-vie plasmatique correspond au temps qu’il faut pour que la concentration

plasmatique d’un médicament décroisse de moitié. Elle peut également se détermine

graphiquement (Fig.2).

Figure 2: Détermination graphique

de la demi-vie plasmatique

La demi-vie plasmatique est égale à la demi-vie d’élimination si le modèle

de distribution ne comprend qu’un compartiment ; dans ce cas, la cinétique

d’élimination est de type monoexponentielle.

A noter que demi-vie plasmatique et demi-vie pharmacologique sont deux

paramètres différents : la demi-vie pharmacologique est l’intervalle de temps

nécessaire pour que l’effet pharmacologique diminue de moitié.

4.2- Cinétique biexponentielle

Page 39: Partie II : Outils moléculaires - univ-setif.dz

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Les cinétiques mono-exponentielles correspondant à une distribution mono

compartimentale sont rares. En général, la distribution se fait dans plusieurs

compartiments. Le modèle le plus courant est le modèle à deux compartiments dans

lesquels le médicament s’équilibre. En représentation semi-logarithmique et après

administration i.v., la cinétique est bi-exponentielle, correspondant à deux phases.

Figure 3: Représentation graphique d'une cinétique biexponentielle

La première phase (α) correspond à la phase de distribution, la deuxième (β) à la

phase d’élimination. L’équation de ce modèle est : C = A e-αt + B e-βt

Pour chaque phase, il est possible de déterminer une t½ :

t½ α = la demi-vie de distribution

t½ β = la demi-vie d’élimination

En fait, dans l’organisme, le médicament peut se distribuer dans de nombreux

compartiments, en particulier un compartiment profond de stockage d’où le

médicament n’est relargué que très lentement. Ces situations font l’objet de

modélisations mathématiques complexes.

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70

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