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Cours en ligne de journalisme scientifique créé par la WFSJ et SciDev.Net Chapitre 2 - Trouver et évaluer les nouvelles scientifiques par Julie Clayton

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Cours en ligne de journalisme scientifique

créé par la WFSJ et SciDev.Net

Chapitre 2 - Trouver et évaluer les nouvelles scientifiques

par Julie Clayton

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WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 2

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Table des matières

2.1 Introduction............................................................................................................................. 3

2.2 Quelles sont les bonnes sources d'information? .................................................................... 4

2.3 Les sujets de la vie quotidienne .............................................................................................. 5

2.4 Les alertes par courriel ............................................................................................................ 7

2.5 Rencontrer les chercheurs ...................................................................................................... 8

2.6 Où trouver les chercheurs? ..................................................................................................... 9

2.7 L'information scientifique dans internet ............................................................................... 10

2.8 Couvrir un congrès ................................................................................................................ 11

2.9 Dilemmes éthiques ................................................................................................................ 13

2.10 Le reportage sur les publications scientifiques ................................................................... 14

2.11.1 Comment évaluer la crédibilité d'un informateur? Il peut y avoir des fraudeurs ........... 16

2.11.2 Comment évaluer la crédibilité d'un informateur : Est-ce de la « bonne science? » ...... 17

2.12 Exercice d'auto-apprentissage 1 ......................................................................................... 18

2.13 Exercice d'auto-apprentissage 2 ......................................................................................... 19

2.14 Exercice d'auto-apprentissage 3 ......................................................................................... 20

2.15 Exercice d'auto-apprentissage 4 ......................................................................................... 21

2.16 Travail pratique 1 ................................................................................................................ 23

2.17 Travail pratique 2 ................................................................................................................ 24

2.18 Travail pratique 3 ................................................................................................................ 25

2.19 Témoignage de Natasha Bolognesi ..................................................................................... 26

2.20 Témoignage de Patrick Luganda ......................................................................................... 30

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2.1 Introduction

Le journaliste scientifique peut attendre qu’un sujet se présente mais il peut aussi aller le débusquer là où il se trouve!

Si vous attendez qu'un sujet se présente, par communiqué de presse par exemple, vous aurez peut-être l'embarras du choix mais vous risquez de répéter les mêmes histoires que les autres médias scientifiques.

Il faut plus de travail pour trouver vos propres sujets mais ce sera plus satisfaisant, surtout si vous trouvez un sujet plus original ou même une exclusivité (un scoop). Dans les pays en développement, cette démarche proactive sera peut-être la seule qui vous permette de trouver des recherches scientifiques qui se font dans votre pays ou votre région.

À la fin de cette leçon, vous serez

plus familier avec toute une gamme de sources d’information, dans internet notamment,

familier avec les critères qui permettent d'évaluer l’importance d’un sujet, la validité d'une conclusion et la crédibilité d’un scientifique.

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2.2 Quelles sont les bonnes sources d'information?

Les informations scientifiques proviennent de sources très diverses. Le journaliste d’un pays en développement devra tirer parti des sources auxquelles il a accès, souvent par internet.

Une source primaire, c'est une personne qui peut vous renseigner sur des événements auxquels elle a participé : Le chercheur lui-même par exemple, ou encore un patient qui participe à un essai clinique. Ces personnes témoignent de ce qui est arrivé.

Une source secondaire sera toujours plus distante par rapport aux faits. Il y a alors d'autres médias entre le journaliste et la source primaire. Ce n'est donc pas de l'information qui vous serait exclusive, comme journaliste. Vérifiez toujours la véracité de ces sources.

Sources possibles de reportages scientifiques

Sources primaires :

Les constatations factuelles du journaliste lui-même

Les témoignages des non-scientifiques: politiciens, patients, voisins et même ceux d'autres journalistes qui auraient assisté aux événements

Les entrevues des chercheurs, des experts, des médecins ou des infirmières (en personne, par téléphone ou par courriel)

Les articles scientifiques des chercheurs

Les conférences de presse des chercheurs

Les conférences scientifiques

Sources secondaires :

Autres médias

Communiqués de presse

Bulletins d’information en ligne et listes d'envois spécialisées

Forums de discussion par internet ou blogues

Sites web d’organismes ou d’entreprises

Il y a bien d'autres sources possibles et c'est à vous de choisir celles qui vous seront les plus utiles en fonction de votre sujet et de votre angle de traitement.

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2.3 Les sujets de la vie quotidienne

Vous ne devriez jamais hésiter à vous inspirer des anecdotes de la vie quotidienne pour vos histoires scientifiques. L'inspiration peut venir des amis, de la famille, des voisins, de personnes rencontrées au marché, d'autres journalistes... Les possibilités sont infinies! Même des nouvelles publiées dans d'autres médias pourraient vous inspirer une suite.

Ce principe peut même s'appliquer aux scientifiques. À l'Université Laval (ville de Québec, Canada), le professeur Angelo Tremblay a pris conscience de sa propre envie de manger des biscuits alors qu’il travaillait. Cela lui a donné l'idée de mener une recherche sur le lien entre le désir de manger et le travail intellectuel. Cela a abouti à l'article suivant: Acute effects of knowledge-based work on feeding behavior and energy intake

Dès que les questions jaillissent des préoccupations quotidiennes des gens, vous êtes certain que votre reportage scientifique aura un impact sur la vie de vos lecteurs, auditeurs et spectateurs... à condition, toutefois, de trouver un angle scientifique qui enrichisse vraiment le débat! Même un sujet aussi banal que l’alimentation des enfants pourrait vous amener à faire enquête sur la valeur relative de l'allaitement maternel et des formules de lait pour bébé, ou encore à examiner s'il ne serait pas risqué de donner aux enfants des aliments riches en sucre, en gras hydrogénés ou en saveurs artificielles.

Vos histoires auront un ton plus original si vous trouvez un angle local, en interrogeant un expert de chez vous sur une découverte étrangère par exemple. Même dans un pays en développement, vous pouvez trouver des mécaniciens, des techniciens, des médecins, des biologistes et toutes sortes d'autres spécialistes capables d'expliquer les aspects techniques d'un enjeu social. Ces spécialistes sont conscients de la réalité du terrain et peuvent être plus pertinents que des universitaires étrangers.

Les nouvelles des autres médias peuvent vous inspirer des compléments d'information. Par exemple, Wanzala Justus a écrit ce reportage (mettre ici un lien au document L2-toilettesvolantes.doc) plutôt technique sur les bio-latrines après avoir entendu le bref reportage télévisé d'un collègue à la Kenyan Broadcasting Corporation.

Vous pouvez trouver bien des sujets de reportage en faisant le lien entre la science et les autres dimensions sociales et culturelles de l'actualité. L'éclairage de la recherche scientifique peut apporter une nouvelle perspective dans un débat très émotif.

Dans cette histoire (mettre un lien au document L2-medicamentmiracle.doc) par exemple, Tamer El-Maghraby parle d'une étude selon laquelle on pourrait guérir le SIDA à l'aide d'une plante médicinale mentionnée dans un document religieux. Il a pris soin de demander aussi l'opinion des autres spécialistes et il souligne les limites de cette étude : petit nombre de patient et absence de publication dans une revue scientifique où il y a revue par les pairs.

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Même approche scientifique dans cette nouvelle canadienne sur l'efficacité de la prière.

Préparez-vous aux nouvelles futures. Si on vous annonce une conférence de presse dans un mois ou si une étude doit aboutir à des conclusions dans un an, préparez-vous immédiatement. Assemblez des informations qui vous permettront de remettre la nouvelle en contexte, quand elle sera publiée. Les rédacteurs en chef apprécient le journaliste bien préparé quand une nouvelle jaillit.

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2.4 Les alertes par courriel

Lorsqu'ils ont un bon accès à internet, plusieurs journalistes scientifiques utilisent les alertes par courrier électronique (courriel), par flux RSS ou par Twitter ainsi que l’abonnement à des « newsletters » ou à des communiqués de presse pour être rapidement informés des nouveautés dans un domaine particulier.

Le choix du système d’alerte dépend de votre stratégie personnelle. En plus de vous abonner aux systèmes d’alerte les plus populaire, vous pouvez aussi choisir des systèmes plus spécialisés qui vous donneront accès à des sources plus exclusives. (Voyez le travail pratique 1 en page 2.18 pour trouver les alertes par courriel les plus populaires.)

Par contre, il vaut toujours mieux ne pas se fier exclusivement aux alertes par courriel et médias sociaux car plusieurs autres médias vont aussi publier la même information.

S'il y a des enjeux spécifiques que vous désirez suivre, essayez donc Google Alertes. Ce service permet de surveiller internet à la recherche de mots particuliers.

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2.5 Rencontrer les chercheurs

A titre de journaliste, vous avez la chance de pouvoir parler à toute personne de votre choix, même les plus illustres. C’est un atout que nous envient les autres professions et les journalistes devraient en faire bon usage. On dit souvent qu’un bon reporter devrait faire la connaissance de trois nouvelles personnes par jour. Cela vaut aussi pour un reporter scientifique.

Peu importe l’endroit où vous rencontrez les chercheurs (lors des congrès de presse, au laboratoire ou sur le terrainils se sentent généralement libres de parler à la presse. Pendant l’entrevue, ils/elles vous signaleront peut-être que certains de leurs propos ne sont pas pour publication. Même si leurs résultats de recherche sont encore préliminaires et non publiables, ils accepteront souvent de vous divulguer des informations supplémentaires un peu plus tard.

Si vous respectez ces souhaits, vous établirez une relation de confiance avec les chercheurs. Vous pourrez garder contact avec eux et revenir sur le sujet quand ils seront prêts à faire la manchette. Il est toujours rentable de conserver de bonnes relations avec les chercheurs.

Exemple : Ce reportage sur la pollution du Nil (mette un lien au document LapollutionduNil.doc) --qui a gagné de nombreux prix-- a demandé deux ans de travail à Nadia El-Awady avant qu'elle ne trouve le bon angle de traitement. Tout a commencé par une conversation avec des représentants d'ONG et du gouvernement égyptien qui participaient au Forum mondial de l'eau. Lors de conversations subséquentes en marge des ateliers techniques, la journaliste a a découvert un projet qui pouvait servir de base à son reportage. Pourtant, c'est seulement après avoir visité les chercheurs sur le terrain et avoir établi de bons rapports avec eux que Nadia El-Awadi a eu accès aux informations exclusives qui donnent à son article toute sa force.

Exemple : Mohammed Yahia, rédacteur en chef de Nature Middle East, a obtenu un scoop en établissant patiemment une relation de confiance avec le chercheur Laith Abu-Raddad. Ce professeur en santé publique au Weill Cornell Medical College du Qatar lui a donné copie d'une recherche (dont il était co-auteur) sur l'épidémie d'hépatite-C en Égypte avant même que cette recherche ne soit publiée et qu'elle n'ait fait l'objet d'un communiqué de presse. Yahia avait déjà parlé à ce chercheur précédemment sur un autre sujet et il avait gardé le contact. C'est pourquoi Abu-Raddad a accepté de lui remettre sa publication. Il lui a aussi révélé de nombreux détails non publiables ...mais qui ont tout de même orienté son histoire.

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2.6 Où trouver les chercheurs?

Pour le journaliste d'un pays en développement, il peut être difficile d'obtenir de l'information sur les recherches qui se font chez lui. Les chercheurs n’ont parfois aucun moyen de faire connaître leurs travaux. Parfois, les organismes étrangers auxquels ils sont affiliés exigent qu'ils publient leurs résultats dans des publications internationales plutôt que dans leur pays.

Essayez donc de visiter les facultés de médecine, les hôpitaux et les instituts de recherche. Surveillez les affiches des congrès scientifiques. Scrutez leur programme pour trouver des sujets ou des personnes intéressantes. Prenez contact avec les organisateurs pour y assister. Ils apprécient la présence des journalistes. Cela vous fera aussi une liste d'experts à qui vous adresser quand vous aurez besoin d'un commentaire sur une autre nouvelle.

Les cafés scientifiques sont un autre bon endroit pour rencontrer des chercheurs car ils favorisent les rencontres informelles entre journalistes et chercheurs. Voyez à ce sujet Science cafés : Where African scientists become accessible. Voici aussi une liste des cafés scientifiques à travers le monde ( très partielle).

Si vous avez une entrevue quelque part, profitez de l'occasion pour vous informer aussi sur ce qui se passe ailleurs, dans le même département ou la même institution. Si on vous parle de recherches intéressantes qui ne font que débuter, notez le nom du chercheur pour revenir à lui/elle plus tard.

Vous pouvez aussi consulter les agences d’aide ou de financement, le ministère responsable de la recherche, des organisations de recherches internationales et le programme des congrès scientifiques. On trouve de plus en plus ces sources dans internet.

Vous trouverez dans le chapitre 10 des suggestions sur le repérage des chercheurs à travers les médias sociaux.

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2.7 L'information scientifique dans internet

Si vous voulez connaître davantage le travail d'un chercheur ou consulter ses publications, vous pouvez généralement les trouver dans une base de données comme PubMed, publié par la National Library of Medicine des États-Unis. Cela vous donne un accès gratuit aux résumés des recherches mais il faut parfois payer pour consulter l'article entier. (Le chercheur lui-même peut vous le faire parvenir gratuitement.) Avec le nom du chercheur, vous pouvez retracer ses publications pour préparer votre entrevue.

Puisque ces informations sont toutes en anglais, le journaliste scientifique a intérêt à bien maîtriser cette langue.

Le moteur de recherche Google offre aussi une section spécialisée dans les publications scientifiques: Google Scholar. Elle vous indiquera les publications scientifiques d'un grand nombre de chercheurs, leur spécialisation et leurs coordonnées (adresse, téléphone, courriel, etc.). Le cas échéant, elle vous permettra de repérer un chercheur local qui a collaboré à une étude internationale par exemple. Ce dernier vous sera souvent plus accessible et il pourra rendre les résultats plus intéressants pour votre public.

Vous trouverez des liens vers des nouvelles et des images scientifiques sur les sites:

Réseau science et développement (SciDev).

Liens de SciDev vers des nouvelles scientifiques

Nouvelles scientifiques de SciDev

Liens de SciDev vers des images scientifiques

Par contre, rappelez-vous qu'internet a aussi quelques inconvénients :

D’abord, il est parfois difficile d'évaluer la crédibilité des informations qu'on y trouve. Il vaut mieux vérifier auprès de plusieurs sources différentes.

Dans les pays en développement, les chercheurs, leurs associations scientifiques et même les organismes de recherche n'ont souvent pas accès eux-mêmes à internet. Il est alors difficile de trouver de l'information sur les chercheurs qui travaillent localement, au Nigéria par exemple, même quand ils font des travaux très intéressants.

Internet n'est donc qu'un outil parmi d'autres. Trop souvent, les journalistes cessent d'utiliser d'autres méthodes qui pourraient être plus efficaces dans leur région : utiliser le téléphone par exemple ou sortir du bureau et aller rencontrer des gens à l'université ou dans des centres de recherche.

Pour une description plus complète de la débrouillardise dont doivent faire preuve les journalistes des pays en développement, en l'absence d'internet, voyez le témoignage de Patrick Luganda ( section 2.20).

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2.8 Couvrir un congrès

Les congrès scientifiques permettent de rencontrer un grand nombre de chercheurs en peu de temps.

Ces conférences sont aussi une formidable occasion de convaincre votre patron de publier une nouvelle scientifique. Elles donnent un caractère d'actualité à des informations qui seraient autrement intemporelles. Elles marquent l’actualité scientifique en réunissant chaque année ou aux deux ans une multitude de spécialistes ou d’experts de renom. Ces experts y présentent de nouvelles idées, de nouveaux résultats et de nouvelles conclusions. Ils font même parfois des recommandations qui ont un impact sur l'ensemble de la société. Certains chercheurs le font même sciemment, pour mousser l'intérêt des journalistes.

Vous avez intérêt à bien vous préparer avant d'assister à un congrès :

Une recherche préalable sur le thème du congrès vous permettra de repérer le chercheur qui présente quelque chose de neuf et de mieux préparer vos entrevues.

Ne vous découragez pas si les présentations spécialisées sont difficiles à comprendre. L'important, c'est qu'elles vous aident à formuler vos propres questions. Portez aussi attention aux discussions qui suivent les présentations. Elles vous révéleront comment les collègues d'un orateur perçoivent les faiblesses ou les aspects novateurs de sa présentation et elles vous suggéreront des questions.

Une question qui est toujours bonne : « Y a-t-il des tendances importantes qui se dégagent de ce congrès? »

Une autre bonne question : « À quel autre spécialiste devrais-je parler sur le même sujet ? »

Pour d'autres questions à poser pendant une entrevue, voyez le chapitre 3 sur les techniques d'entrevue.

Certains journalistes fondent toute leur couverture sur les nouvelles que proposent les agents de relations publiques de la conférence. Ces sujets peuvent être importants mais il peut aussi y avoir d'autres bonnes histoires à couvrir en dehors de la salle de presse. Elles ne feront pas l'objet d'un communiqué et vous aurez peut-être une exclusivité.

Les congrès vous permettent aussi d'évaluer le statut professionnel d'un chercheur au sein de la communauté scientifique. On demande aux meilleurs de présider un symposium ou de prendre la parole comme conférencier d'honneur.

Dès qu'un chercheur s'adresse publiquement à un vaste auditoire, toutes ses déclarations sont publiques et vous avez le droit d'y faire écho.

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Les journalistes des pays en développement n'ont souvent pas les moyens de couvrir des congrès internationaux loin de chez eux. Cela ne les empêche pas de profiter de l’actualité du congrès pour faire une nouvelle sur un sujet similaire. Vous pouvez prendre connaissance des présentations sur internet. Les agents de relations publiques peuvent aussi vous aider à organiser des entrevues à distance par téléphone ou par Skype.

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2.9 Dilemmes éthiques

Plusieurs journalistes des pays en développement n'ont pas les moyens d'assister à un congrès international sans obtenir une commandite. Cela peut créer un dilemme éthique quand le commanditaire fait ensuite pression sur eux pour qu'ils fassent un portrait flatteur du congrès. La même situation peut survenir lors des conférences de presse quand l'organisateur de l’événement défraie les frais de voyage et de séjour des journalistes.

Même si ce n’est pas facile, les journalistes doivent toujours conserver leur indépendance et ne pas troquer leur esprit critique pour un pot-de-vin. Cela peut entraîner que la commandite ne sera plus disponible par la suite mais la réputation professionnelle d'un « chercheur de la vérité » n'a pas de prix. L'indépendance est un devoir du journaliste.

En général, mieux vaut miser sur la transparence. Si quelqu'un paie votre voyage, votre éditeur et votre public devraient le savoir. Idéalement, il faudrait un encadré à la fin de l'article pour dire : « Les frais de ce voyage ont été commandités par... » Vous auriez intérêt à discuter ces questions avec vos collègues et à vous donner des règles communes.

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2.10 Le reportage sur les publications scientifiques

Certains journalistes parlent souvent de recherches qui viennent juste d'être publiées dans une revue (ou qui le seront bientôt). Parfois, ils obtiennent l'article de son auteur. Parfois ils le découvrent eux-mêmes en parcourant la revue. Parfois, ils apprennent son existence par un communiqué de presse ou un service de nouvelles par courriel.

Le journaliste scientifique peut aussi trouver du matériel original dans les revues de la littérature, des articles qui font la synthèse des découvertes déjà publiées dans un domaine donné.

EXEMPLE: Des chercheurs de l’Université Laval à Québec au Canada ont découvert qu’un composé anti-rides causait la mort cellulaire. L’article scientifique a été publié dans la revue scientifique British Journal of Dermatology et on peut en lire gratuitement le résumé en anglais.

Le titre, « The antiwrinkle effect of topical concentrated 2-dimethylaminoethanol involves a vacuolar cytopathology », est plutôt rébarbatif pour un journaliste car il est destiné à d’autres chercheurs dans ce domaine.

Par contre, le communiqué de presse présente les résultats dans un langage beaucoup plus accessible, avec les commentaires des chercheurs.

Voici quelques nouvelles publiées à la suite de cette recherche.

http://www.radio-canada.ca/regions/Quebec/2007/04/11/009-antiride_recherche.shtml

http://www.aufil.ulaval.ca/articles/secret-une-belle-peau-501.html

http://www.futura-sciences.com/fr/sinformer/actualites/news/t/vie-1/d/les-antirides-produits-a-risque-et-mort-cellulaire_10666/

Mais comment un journaliste pourrait-il trouver lui-même l'information pertinente dans l'article original?

Même si les revues scientifiques sont destinés à la communauté scientifique, le journaliste peut aussi y trouver des sujets intéressants s'il sait où regarder pour trouver rapidement l'information utile à travers l’amas de données techniques et de jargon.

Les articles scientifiques ont tous une structure très semblable. Pour comprendre rapidement de quoi il traite, lisez d'abord« l'abstract ». C'est le résumé de la recherche, au tout-début. Ensuite, sautez directement à la fin du texte, pour la discussion des résultats et les conclusions. C'est dans la discussion que les chercheurs évoquent souvent les répercussions possibles de leur découverte.

La méthodologie et les résultats peuvent aussi vous aider à préparer une entrevue ou à ajouter des faits et des chiffres à votre article. Par contre, il est généralement plus simple de demander que le chercheur explique lui-même sa méthodologie et ses résultats. Il y a de bonnes chances que ses explications soient moins techniques et plus compréhensibles.

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2.11.1 Comment évaluer la crédibilité d'un informateur? Il peut y avoir des fraudeurs

Trouver un bon sujet de reportage, ce n'est que la première étape de votre travail. Il est aussi essentiel d'évaluer ensuite la crédibilité de votre informateur. Les journalistes scientifiques sont des « experts en experts ». Ils passent une grande partie de leur temps à évaluer quels experts ont raison.

À quoi bon faire un scoop sur « les carnets personnels de Hitler » et en vendre des millions de copies dès la première semaine (comme le fit le magazine Allemand STERN dans les années 1980) si on doit perdre la plupart de ses lecteurs et toute sa crédibilité dès la semaine suivante quand la fraude devient évidente ?

De même il vous faut des critères objectifs pour distinguer la « bonne science » et la « mauvaise science ».

Même en science, vous pouvez avoir affaire à un fraudeur!

Mais comment le savoir? Votre réputation peut en dépendre, surtout quand il s'agit d’une « percée scientifique majeure », aux dires du chercheur.

La plupart des chercheurs sont honnêtes mais ils peuvent avoir tendance à exagérer la portée de leurs conclusions ou à donner trop d'importance à quelques résultats encourageants. D'autres peuvent chercher à se faire de la publicité avec des conclusions sans fondement ou qui ne reposent que sur des indices anecdotiques plutôt que sur une observation scientifique rigoureuse, reproductible et validée.

Il arrive aussi que des personnes sans formation scientifique cherchent à duper les médias en prétendant faussement avoir des preuves scientifiques.

EXEMPLE: Un exemple célèbre de fraude scientifique est celui du chercheur sud-coréen Hwang Woo Suk qui a faussement déclaré avoir cloné des cellules souches.

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2.11.2 Comment évaluer la crédibilité d'un informateur : Est-ce de la « bonne science? »

Il peut être utile de vous poser les questions suivantes pour déterminer si votre informateur explique ses travaux de manière fiable et honnête ou bien s'il en exagère l’importante et la portée :

1. Ce chercheur vous a-t-il été recommandé par des personnes de confiance? Un autre scientifique par exemple, une société scientifique ou un organisme caritatif connu?

2. Pour qui ce chercheur travaille-t-il? Est-ce une entreprise crédible ou une université?

3. Comment l'étude a-t-elle été financée ? Les rapports annuels, les publications scientifiques et les sites web pertinents peuvent vous indiquer si le financement est public ou privé. Si l'étude bénéficie d'un financement public, il est probable que son protocole a été analysé par des experts qui devaient l'évaluer en compétition avec d'autres études. S’il est financé par des sociétés privées, demandez au chercheur si cette société a un droit de regard sur les résultats. Normalement, les bailleurs de fonds sont identifiés à la fin des articles scientifiques.

4. Qu’est-ce que ce chercheur a déjà publié ? Vérifiez ses publications scientifiques dans PubMed ou Google Scholar par exemple. Dans les pays en développement par contre, plusieurs bons chercheurs n'ont pas publié leurs travaux ou leur curriculum vitae sur internet. Certaines universités et plusieurs revues scientifiques n'ont même pas de site internet.

5. Votre informateur pourrait-il tirer avantage de la vente d'un produit issu de sa recherche? Beaucoup de revues scientifiques demandent que les auteurs déclarent leurs conflits d’intérêts mais il y a quand même des chercheurs peu scrupuleux qui omettent de les indiquer dans leurs publications. Il se peut que le journaliste doive pousser ses vérifications plus loin et parler par exemple aux collaborateurs du chercheur pour savoir sur quoi ils se fondent pour affirmer telle ou telle chose. Le journaliste peut aussi vérifier si la nouvelle ne coïnciderait pas « par hasard » avec une réévaluation des actions d'une entreprise... Si tel était le cas, cela pourrait faire un article très intéressant.

6. Votre informateur a-t-il publié ses travaux dans une revue qui possède un comité d'évaluation par les pairs (peer-review)? Vous devez toujours utiliser avec prudence les données qu'on lance directement dans les médias sans révision préalable par les pairs. Leur qualité n'est pas confirmée. Vous trouverez plus d'information sur les revues dotées d'un examen par les pairs dans le chapitre 5.

EXEMPLES : Si vous consultez la chronique sur la « mauvaise science » du journal britannique The Guardian, vous verrez comment les journalistes peuvent produire de bonnes histoires en exposant les faiblesses de certaines prétentions scientifiques.

Vous trouverez aussi d'autres conseils sur la détection des fraudes scientifiques dans le guide de communication scientifique de SciDev.

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2.12 Exercice d'auto-apprentissage 1

Allez dans Google. Dans la case Recherche, écrivez le titre d’un magazine de vulgarisation scientifique de renom que vous connaissez / aimez / lisez (Sciences et Vie, Sciences et Avenir, Québec-Science, Découverte, La recherche, La Hulote, etc.)

Allez au sommaire de la revue et remplissez les cases vides du tableau suivant:

Genre journalistique que je lis attentivement

Titre de l’article, numéro des pages et autres références pour retrouver l’article

Types de sources utilisées par l’auteur (articles originaux et déclarations des chercheurs ou sources secondaires ?)

Une brève

Un reportage

Un reportage long (feature)

Discutez du résultat avec votre mentor ou avec vos collègues

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2.13 Exercice d'auto-apprentissage 2

Les liens suivants mènent à des communiqués de presse sur des découvertes scientifiques.

Le paludisme augmenterait la transmission mère-enfant du VIH

Le Centre de recherche sur le développement international (CRDI) du Canada annonce les premiers projets de recherche internationaux subventionnés par le Fonds canadien de recherche sur la sécurité alimentaire nationale.

Répondez aux questions suivantes :

Qui a publié ces communiqués de presse?

Quel est le rattachement ou l’intérêt des auteurs du communiqué (ex. travaillent-ils pour une université, une entreprise privée, le Gouvernement?)

Quelle est la réputation du scientifique dont ils annoncent les travaux?

Qui sont les personnes-contact disponibles? (des scientifiques, l’institution, ou l’équipe de relations publiques?)

Les scientifiques concernés ont-ils déjà publié dans des revues scientifiques reconnues?

Citent-ils des experts indépendants? À quels autres experts pourrait-on se référer? Quelles sont leurs coordonnées?

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2.14 Exercice d'auto-apprentissage 3

Comment trouver sur internet les publications d'autres chercheurs, sur le sujet dont vous traitez ?

Google Scholar : Ouvrez Google Scholar. Cliquez sur le lien « préférences linguistiques » de la page d'accueil et choisissez le français. Vous pouvez aussi chercher des informations qui sont rédigées dans la langue de votre choix, toujours dans les revues spécialisées en science. Cliquez sur le lien « aide Scholar » pour prendre connaissance des diverses possibilités de ce moteur de recherche.

Tapez les mots « paludisme » et « Afrique » dans la fenêtre de recherche. Dans la liste des articles que vous obtiendrez, il y en a un qui est intitulé « L’origine des épidémies de paludisme sur les Plateaux de Madagascar et les montagnes d’Afrique de l’Est et du Sud. » L'auteur principal est J. Mouchet, de l'ORSTOM à Paris. Cliquez sur « Cité 10 fois ». Vous accédez alors aux autres articles scientifiques qui ont cité l'étude de J. Mouchet.

Pour chacun des résultats de recherche, vous pouvez cliquer sur « Autres articles » pour obtenir automatiquement d'autres publications qui traitent du même sujet.

Au bas de la page, on trouve les auteurs clés. Identifiez diverses équipes de chercheurs qui ont travaillé sur ce thème et trouvez un expert qui réside près de chez vous ou qui pourrait commenter de manière compétente une recherche similaire. Si vous n’en trouvez pas, refaites la même recherche en modifiant vos préférences linguistiques de manière à trouver aussi des textes en anglais.

Cliquez sur « Recherche sur le Web » pour voir comment cet article a été cité plus largement sur internet. Cela vous donnera une idée de l’importance de l'article par le nombre de références qu’il a suscitées. Cela vous renseignera aussi sur l'importance du sujet, à partir des sujets apparentés.

PubMed : En anglais, il existe une base de données spécialisée dans le domaine médical : PubMed. Vous y trouverez, en plus spécialisé, à peu près les mêmes informations que dans Google Scholar.

Google Alertes : Google Alertes permet de recevoir périodiquement tout ce qui s'est écrit dans Internet sur les thèmes de votre choix: un médicament, un chercheur ou une maladie.

Déterminez quels sujets sont les plus pertinents pour vous et configurez une alerte avec Google.

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2.15 Exercice d'auto-apprentissage 4

Vous pouvez parfois découvrir des indices d'une recherche douteuse simplement en analysant le site internet du fabricant d'un médicament.

Secomet et Amgen sont deux entreprises pharmaceutiques. Secomet vend le produit douteux contre le SIDA dont parle Nathalie Bolognesi dans la section 2.19.

Comparez vos réponses pour les deux compagnies.

Question Secomet Amgen

L'entreprise annonce-t-elle une « guérison » ou une « régression » de la maladie?

Appuie-t-on ces prétentions sur des recherches publiées dans des revues avec révision par les pairs?

La nature chimique des ingrédients est-elle clairement identifiée, avec les quantités?

Le traitement est il disponible uniquement auprès d'une seule source?

Y a-t-il pleine divulgation des contre-indications du produit?

Le produit a-t-il été testé en essais cliniques?

Le produit est-il approuvé par les autorités sanitaires du pays où il est offert?

Si vous étudiez les prétentions d’un nouveau traitement pour une maladie, vous pourriez aussi vous inspirer des étapes suivantes, tirées de la formation de SciDev.Net.

Recherchez toutes les informations disponibles sur le traitement, les chercheurs ou la société concernée à l'aide d'un moteur de recherche généraliste comme Google. Vous obtiendrez des articles antérieurs sur la société et ses prétentions. Vous pourrez sans doute localiser son site internet, ses communiqués de presse et des informations sur ses principaux dirigeants. Vous pouvez donc vérifier leurs affiliations.

Allez au feuillet d'information sur le SIDA #206 diffusé au Nouveau Mexique et intitulé “How to spot HIV/AIDS Fraud” et faites-en une traduction automatique en français avec Google. Vous y trouverez de précieux conseils sur ce qu'il faut surveiller.

Faites de même avec « AIDS related Quackery and Fraud » chez Quackwatch.

Recherchez des experts indépendants capables de commenter la prétendue innovation. Les universités locales, les institutions de recherche, les agences de

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financements, les hôpitaux, les ministères ou les ONG peuvent recommander des experts prêts à parler aux médias.

Vous pouvez aussi trouver des experts par leurs publications sur des sujets semblables, notamment sur PubMed ou à travers une base de données spécialisée (par exemple le HIV Prevention Trials Network le HIV Vaccine Trials Network, ou AIDS Info.

Une autre approche serait de visiter les sites web de congrès portant sur le sujet pour voir qui a présidé ou pris la parole lors d'un symposium sur le sujet. Les résumés de leurs interventions peuvent être disponibles sur internet.

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2.16 Travail pratique 1

Abonnez-vous aux alertes par courriel énumérées dans le tableau suivant. Vous pouvez aussi rechercher ce qui vous intéresse dans leurs archives.

Votre patron peut parrainer votre inscription gratuite à un site comme EurekAlert!. Vérifiez au besoin avec votre mentor si ces sources sont aussi intéressantes que vos sources habituelles pour votre public.

Sources d’alertes par courriel Types d’informations

EurekAlert! Tous les domaines des sciences et technologies

Global Health Reporting (Nouvelles sur Santé Globale)

Point de vue américain sur la Santé globale, notamment le SIDA, la tuberculose et le paludisme

Science and Development Network (Réseau Science et Développement)

Science & Technologie dans les pays en développement (leurs articles peuvent être reproduits librement si on mentionne la source.)

Science in Africa (Science en Afrique)

Information tirée des revues scientifiques africaines En anglais

ProMed-Mail Maladies infectieuses

Nature Press Release Tous les domaines des sciences et technologies

IAP (InterAcademy Panel)

Tous les domaines des sciences et technologies. Cette adresse vous indiquera les coordonnées des Académies Africaines des sciences et leurs réseaux.

AlphaGalileo Site multilingue international Tous les domaines des sciences et technologies

AfricaSTI

Site anglophone sur la science et l’innovation réalisé par un groupe de journalistes africains. (Plusieurs sont des mentorés du programme SjCOOP.)

Science Africa Revue de vulgarisation scientifique africaine (en anglais)

Sur le site de SciDev.net, cliquez sur votre région dans le menu de gauche, puis cliquez sur Links. Voyez quelle institution mérite un signet.

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2.17 Travail pratique 2

Pour trouver des chercheurs dans votre région, essayez les étapes suivantes:

1. Utilisez les moteurs de recherches comme Google, Yahoo ou Bing avec des mots-clés appropriés à votre sujet et au lieu géographique. Par exemple: « recherche paludisme Afrique centrale ».

2. Parmi les liens, trouvez quelles organisations donnent les coordonnées de chercheurs dans votre région.

3. Vous pourriez tomber sur l’organisme AMANET, l’African Malaria Network Trust (le Réseau africain sur le paludisme). Son site énumère les chercheurs qui testent des vaccins contre le paludisme en Afrique. Son répertoire des chercheurs donne aussi des informations sur leurs partenaires africains.

4. Voyez si les organismes identifiés lors de cette recherche annoncent des événements ou des rencontres. Cela pourrait vous donner des informations utiles et des sujets pour des articles intéressants.

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2.18 Travail pratique 3

Recherche de congrès

Effectuez les étapes suivantes par internet :

1. Avec un moteur de recherche de votre choix comme Google, trouvez des congrès consacrés à un thème particulier. Par exemple, utilisez les mots-clés suivants : « conférence VIH SIDA Afrique » ou « conférence changement climatique Afrique ».

2. Alternativement, utilisez un répertoire électronique de congrès ou encore le calendrier des événements du Science and Development Network. Vous obtiendrez ainsi des liens vers plusieurs listes de congrès.

3. Fouillez davantage celles qui vous intéressent pour trouver leur programme scientifique, la liste des conférenciers, le sujet de leurs présentations et même des résumés des conférences.

À partir de là, vous pouvez choisir les sujets et les chercheurs qui pourraient être intéressants pour votre public. Si vous connaissez le sujet, vous pouvez déjà tenter d'identifier des chercheurs susceptibles d'annoncer des découvertes importantes.

Avec votre mentor, élaborez un plan de couverture de congrès pour les six (6) prochains mois, à distance ou sur place. Ensemble, vous pouvez commencer à choisir des sujets et des chercheurs intéressants. Vous pouvez même examiner comment vous exploiterez la matière: nouvelles ou article de fonds, page ou émission spéciale, etc.

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2.19 Témoignage de Natasha Bolognesi

Le journalisme d'enquête sur les « mauvais médicaments »

Natasha Bolognesi Que devrait faire un journaliste quand il a l'intuition qu'un chercheur fait des affirmations sans fondement? Dans ce témoignage très personnel, la journaliste sud-africaine Natasha Bolognesi explique comment elle a dénoncé Stephen Leivers de la société Secomet (basée à Stellenbosch) et le professeur Girish Kotwal, de l'université de Cape Town, qui faisaient la promotion d'un remède contre le SIDA à base d'herbes médicinales sans aucune preuve scientifique. Son reportage a été publié dans Nature Medicine le 28 Juin 2006 (vol 12, page 273-4)

Voici des conseils généraux (fondés sur mon expérience) pour une enquête journalistique sur une fraude relative au SIDA.

Quand vous citez des prétentions relatives au SIDA, soyez particulièrement attentif à votre « détecteur de mensonge » : vos antennes doivent être constamment à l'affut.

Appuyez vos impressions sur une vérification rigoureuse des faits. Le reportage d'un journaliste responsable doit être d'une étanchéité à toute épreuve. Vérifiez tous les faits et revérifiez. Personne n'a droit à l'erreur s'il accuse des personnes qui vont perdre leur emploi et leur réputation. Vous ne voudriez pas non plus qu'on vous poursuive pour diffamation.

La validité de tout nouveau traitement du SIDA doit faire l'objet d'une enquête minutieuse, surtout en Afrique du Sud où la tolérance gouvernementale à l'endroit des traitements naturels du SIDA a longtemps donné carte blanche aux charlatans comme Leivers.

Vérifiez le processus de revue par les pairs : il n'est pas toujours à toute épreuve.

Tout journaliste responsable a l'obligation d'identifier les charlatans et de les dénoncer.

ENREGISTREZ TOUTES VOS ENTREVUES pour vous protéger si vos interlocuteurs se dédisent et reviennent contre vous.

Consultez un avocat si vos informations sont particulièrement explosives.

Tenez bon. Ne vous laissez pas intimider par des menaces de poursuites ou des attaques personnelles de la part des malfaiteurs qui paniquent à l'idée que vous allez les dénoncer.

L'origine de mon enquête sur le professeur Girish Kotwal et sur Secomet

J'ai découvert la société Seconet (basée à Stellenbosch) lors de ma recherche pour un précédent reportage sur la résistance bactérienne. Mon étude de cas m'avait menée à cette « formidable » organisation qui fabrique et vend des produits à base d'herbes médicinales pour traiter une large gamme d'infections virales et bactériennes. J'avais donc fait une entrevue avec son directeur-fondateur, Stephen Leivers. Lors de l'entrevue, je voulais simplement vérifier si ses produits méritaient une mention dans

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mon article mais Leivers s'est mis à me parler spécifiquement de cette herbe-miracle, le Secomet V, qui guérissait le SIDA.

Mon processus de recherche:

Sur le coup, mon instinct m'a dit que ce traitement était trop beau pour être vrai. Par contre, je voulais y croire parce que la science sous-jacente me semblait prometteuse et excitante. Le bureau de Leivers ressemblait à un laboratoire scientifique de haut calibre : grand, aéré, plein d'éprouvettes, boites de pétri (pour la croissance des bactéries) et de données sur les écrans d'ordinateurs. Et Leivers était microbiologiste!

Première épreuve : vérifier la validité scientifique des prétentions

Mon premier défi, ce n'a pas été d'obtenir les données de Leivers et Kotwal. Ils n'étaient que trop heureux de m'ensevelir sous les résultats in vitro et les anecdotes, espérant m'impressionner avec toute cette « efficacité scientifiquement démontrée ». Mon défi, c'était plutôt de me dépêtrer dans toutes ces informations et ce « magnifique baratin » jusqu'à remettre en question la validité de leurs propos.

J'ai demandé à Leivers si sa recherche sur le Secomet-V avait été révisée par ses pairs. Il m'a dit « oui » et il m'a remis deux articles publiés par des chercheurs de l'université de Cape Town et l'université de Pise en Italie. Il m'a aussi donné copie d'un article sur le Secomet-V paru dans un magazine à grand tirage. Jusque-là, ça allait!

Mais je n'étais pas tout à fait convaincue. Une fois à la maison, j'ai donc fait mes devoirs. J'ai consulté des gens qui avaient une bonne formation scientifique : un journaliste scientifique qui avait auparavant fait de la recherche, un immunologiste de l'hôpital Tygerberg à Cape Town ainsi qu'un médecin qui traite le SIDA. Après analyse des documents, ils ont affirmé à l'unisson que cette recherche était inadéquate et mal faite. En creusant davantage, j'ai découvert que cette recherche n'avait pas vraiment été révisée par des pairs puisque les Annales de l'Académie des sciences de New-York n'a aucun mécanisme rigoureux de révision par les pairs. C'est l'article dans le magazine à grand tirage que m'a fait basculer. Il était très peu scientifique même si Kotwal, un virologiste de haut niveau, avait quand même permis qu'on le cite en relation avec Secomet. Grosses cloches d'alarme!

Deuxième épreuve : l'entrevue avec un chercheur de renom que vous soupçonnez d'inconduite

Dès lors, j'ai moi-même passé au peigne fin les rapports de recherche. J'y ai trouvé des incohérences et des contradictions, notamment :

Des affirmations d'efficacité in vivo (sur des êtres vivants) qui ne reposaient que sur des anecdotes. Il n'y avait aucune donnée scientifique qui permettait à un manufacturier de mettre ce produit sur le marché.

Des signes de toxicité in vitro (en éprouvette)

Des signes d'effets mutagènes

Des conflits d'intérêts

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Le temps était donc venu d'interroger l'auteur principal de la publication fondamentale : le professeur Girish Kotwal, directeur de la virologie à l'Institut des maladies infectieuses de l'université de Cape Town.

Je ne suis pas une scientifique mais journaliste en santé. Je devais donc être certaine que je comprenais bien la publication avant d'aller confronter Kotwal. À nouveau, j'ai demandé l'aide d'un scientifique de haut calibre. Une fois les faits bien clairs, j'ai préparé mes questions et je suis allée voir Kotwal.

L'entrevue a été difficile. Kotwal était confus. Il se contredisait fréquemment. J'ai dû poser les mêmes questions plusieurs fois avant d'obtenir les réponses dont j'avais besoin.

Quand j'ai commencé à formuler les questions les plus délicates, sur sa découverte de la toxicité de cet extrait végétal, il a évité de me répondre pendant dix bonnes minutes et j'ai dû mettre de la pression avant qu'il finisse par avouer : il n'y avait pas de preuve à 100% que l'extrait est assez sécuritaire pour qu'on puisse l'offrir au grand public. Cela a été difficile mais il l'a avoué. Par la suite, il est devenu de plus en plus prudent à mon endroit, réalisant que je n'étais pas béate d'admiration mais plutôt sceptique envers lui et Leivers.

Troisième épreuve : deux nouvelles entrevues avec Leivers, une face à face et l'autre par téléphone.

Deuxième entrevue face à face avec Leivers.

Cela s'est bien déroulé. Rendue là, j’avais mis mes canards bien en rang et j'ai pu obtenir des informations vraiment incriminantes de Leivers. Il était si arrogant que j'ai pu le séduire facilement. Mon défi, c'était de ne pas hésiter à lui témoigner une admiration sans borne, pour obtenir les informations que je voulais.

Entrevues subséquentes avec Kotwal et Leivers, par téléphone et par courriel.

Les entrevues suivantes ont été plus difficiles. Arrivée là, j'avais informé Leivers et Kotwal de l'angle de mon article (i.e : leur dénonciation) et ils étaient évidemment très agressifs. Leivers a refusé de me fournir la preuve qu'il avait obtenu l'approbation du comité d'éthique et celle du Medicines Control Council pour entreprendre des essais cliniques sur des humains avec le Secomet-V. (Il prétendait avoir leur approbation mais c'était faux.) Il s'est alors refusé à tout autre commentaire.

Kotwal a demandé que tout ce qu'il m'avait déjà dit pour publication devienne maintenant confidentiel. Il a tenté de justifier ses commentaires favorables à Secomet en disant que l'entreprise a une dimension humanitaire.

Quatrième épreuve : tenir bon malgré les lettres d'avocats et autres menaces.

J'ai reçu un courriel de l'avocat de Leivers demandant que je leur fournisse copie de mon article avant sa publication (ce qui est inacceptable); Leivers m'a dit que je ne cherchais que de la boue pour écrire un article sensationnaliste et que mon nom était « boue » à ses yeux. J'ai aussi reçu des appels téléphoniques « silencieux » dans la même période : quelqu'un m'appelait et se contentait de respirer à l'autre bout du fil.

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Je suis pas mal certaine que c'était Leivers : ces appels ont cessé dès la publication de l'article.

Kotwal a menacé de me poursuivre pour diffamation. Il a aussi écrit au rédacteur en chef de Nature Medicine pour lui demander de ne pas publier un tel journalisme de tabloïd. Les menaces de Kotwal ont pris fin avec la publication de l'article et je dois dire que j'ai bien fait de tenir bon car le public en a finalement bénéficié.

Cinquième épreuve : du libelle à mon endroit, suite à la publication de l'article 'Bad Medicine'

Une fois l'article publié, la société Secomet a modifié son site internet . Elle a mentionné mon nom sur la page d'accueil en relation avec mon article et aux autres reportages médiatiques qui ont suivi. En janvier 2008, une section complète de leur site était encore consacrée à des commentaires libelleux et sans fondement sur mon reportage et sur les autres médias qui ont repris l'histoire. En 2011, le site avait été vidé de tout son contenu.

Heureusement, je ne prend pas leurs commentaires au sérieux. Si vous vivez un jour des expériences semblables, je vous recommande de poursuivre votre travail et de les dénoncer encore davantage si possible. Un article bien documenté et complètement étanche parle par lui-même.

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2.20 Témoignage de Patrick Luganda

Les défis du reportage scientifique dans un pays en développement

Patrick Luganda

Introduction

Le journalisme scientifique peut changer la société. Cependant on en a souvent une vision étroite. Nous sommes trop souvent attroupés autour des conférences scientifiques, à la recherche de nouvelles inventions ou de nouveaux médicaments ou à la remorque de toutes les initiatives des leaders de l'industrie.

Le journalisme scientifique, c'est bien plus que cela. N'y a-t-il pas des histoires scientifiques qui changent la vie de leurs destinataires? Qu'est-ce que cette découverte ou cette invention va changer à la vie de millions de gens aux prises avec la pauvreté, l'ignorance, la maladie et tous les maux qui en découlent? En réalité, la science est tout autour de nous. Tout bon journalisme scientifique devrait inclure et promouvoir la science quotidienne, celle avec laquelle nous vivons. Comment interagissons-nous avec le royaume des plantes et des animaux? Comment la science peut-elle nous aider à mieux vivre? Les défis du reportage scientifique Les journalistes des pays en développement doivent surmonter plusieurs obstacles dans leur recherche de sujets scientifiques. Notamment :

a) Quand ils travaillent dans des communautés rurales, ils n'ont pas accès aux réseaux de communication. Leurs services de téléphonie et d'internet sont de mauvaise qualité et ils sont loins des grandes villes où ils pourraient trouver des chercheurs.

b) Ils doivent trouver des sujets scientifiques qui interpellent un auditoire pauvre, à moitié illettré et presque isolé des réseaux de communication.

c) Plusieurs reportages scientifiques ne parviennent pas à intéresser vraiment cette partie du public qui pourrait bénéficier des technologies dont ils traitent.

Comment surmonter ces obstacles? a) Le manque d'accès aux nouveaux réseaux d'information

Comment se débrouiller quand le journaliste a de la difficulté à accéder à internet et au téléphone et qu'il est isolé dans des zones rurales, loin des grandes villes et des chercheurs?

D'abord, vous pourriez parler d'un problème local et voir s'il n'y aurait pas des experts sur le terrain, déjà occupés à résoudre le problème.

Ma plus grosse histoire, celle qui a fait ma réputation, se déroulait dans la campagne et elle a eu plus d'impact que je ne l'aurais imaginé. Elle portait sur une culture de

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subsistance, celle du manioc. En 1987, les scientifiques ont noté dans certaines régions que les cultures de manioc étaient dévastés par ce qu'ils ont appelé « la maladie de la mosaïque du manioc ». J'ai commencé à raconter comment les fermiers déterraient leurs plans de manioc pour découvrir que la plante n'avait produit aucun tubercule. Il y a eu une grande famine et les chercheurs du programme national du manioc ont tenté d'intervenir pour rétablir la productivité. J'ai donc suivi les efforts d'une équipe de chercheurs qui ont mis au point une variété de manioc tolérante à la maladie. Puis des variétés résistantes. Les autres interventions visaient à empêcher que les déchets de manioc contaminés ne propagent la maladie encore davantage. Il était difficile de fournir une information correcte. Si j'avais envoyé le mauvais message aux communautés agricoles, j'aurais pu annuler des années d'efforts. À un moment donné, par exemple, un politicien en vue a prétendu que le virus de la mosaïque du manioc avait été introduit par les chercheurs eux-mêmes parce qu'ils désiraient davantage de financement!! J'ai couvert les développements de l'histoire pour le journal New Vision et dans des reportages hebdomadaires à Radio Uganda, jusqu'à ce qu'on introduise des variétés de manioc qui toléraient la maladie.

De tout cela, je retiens qu'il vaut la peine d'être patient en établissant un réseau d'informateurs. Au début, je citais surtout des responsables du ministère de l'Agriculture, de la Santé et de l'Environnement. Ensuite, en assistant aux conférence de presse et aux congrès, j'ai pu interroger les chercheurs et ils me connaissaient déjà pour avoir lu mes papiers. Au départ, il est difficile de savoir à qui parler mais, par la suite, nos « amis » de la communauté scientifique peuvent nous présenter d'autres experts.

Les chercheurs vont vous accueillir sur leurs lieux de travail tant que vous respectez le protocole. Vous devez prendre rendez-vous au préalable si vous voulez visiter les lieux. Évitez surtout toute confrontation. Ils en ont déjà bien assez dans leur travail quotidien!

Les journalistes moins expérimentés devraient prendre conseil auprès des collègues de leur entreprise qui ont plus de métier. J'ai toujours encouragé ce genre de collaboration car toute l'organisation en bénéficie. Même s'il y a quelques égoïstes qui ne veulent pas partager leurs sources d'information, vous devez quand même tenter votre chance : ils peuvent vous donner de précieux indices sur la marche à suivre

Sinon, les facultés universitaires des sciences, de l'agriculture et de la foresterie et d'autres institutions de haut savoir sont aussi des bonnes sources d'expertise de haut calibre. De même, il vaut la peine d'approcher le Conseil national des sciences et de la technologie ou un organisme équivalent. À la campagne, vous pouvez demander aux agents sur le terrain de vous guider vers les paysans et les chercheurs intéressants. La plupart des pays ont aussi des associations scientifiques qui ont des répertoires des personnalités dans leur domaine. Utilisez le téléphone et mettez à profit vos talents d'intervieweur pour obtenir l'information qu'il vous faut.

b) Le besoin de faire des articles pertinents pour le monde ordinaire et c) de toucher ceux qui vont bénéficier de la science et de la technologie

Les journalistes doivent trouver en quoi la science est pertinente pour les pays en développement. Prenons un sujet qui touche tout le monde dans sa vie quotidienne :

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le climat. Quand il y a de fortes pluies en Afrique, ou des sécheresses prolongées, le désastre pointe aussitôt à l'horizon. Trop longtemps, les nouvelles sur le climat africain étaient associées à la mort, à la souffrance et au désespoir. Mais les médias peuvent aussi raconter comment les Africains utilisent la science pour contrer les problèmes des températures extrêmes. Certaines informations vitales peuvent transformer la vie des petits paysans. Il y a plein d'informations sur le climat et la météo qui pourraient les guider dans leurs décisions importantes. Les médias de la région de la grande Corne de l'Afrique transmettent les prévisions climatiques aux communautés agricoles. Les reportages expliquent aussi les impacts probables et ce que les fermiers pourraient faire pour réduire le risque de désastre et pour améliorer leur ferme et leur vie quotidienne. Ces informations paraissent généralement peu après les deux congrès scientifiques annuels sur les prévisions climatiques.

En plus de simplement prédire les précipitations, vos reportages pourraient en expliquer les conséquences sur la productivité agricole, sur la santé, sur la production d'énergie ou encore sur le tourisme et l'aviation civile. D'autres histoires pourraient porter plutôt sur les désastres : inondations, sécheresses, glissements de terrain, épidémies végétales et leurs effets sur la production alimentaire. Plus important, les reportages peuvent diffuser l'opinion des scientifiques sur la situation et sur les solutions éventuelles.

Les reportages sur la science du climat sont une occasion de :

a) regarder les applications de la science et de la technologie pour les communautés de base et d'examiner leur pertinence sociale;

b) Communiquer l'impact de la science sur le public; c) Souligner comment la science a influencé telle ou telle communauté; d.

Raconter plus souvent des histoires susceptibles de changer la vie des gens.

On peut aussi regarder comment l'alimentation contribue à la santé et au bien-être des citoyens des pays en développement. Dans les campagnes et dans les quartiers pauvres des villes, il y a peu de familles qui mangent bien. Une mauvaise alimentation entraîne des maladies et des hospitalisations plus fréquentes. C'est donc une bonne occasion de présenter la science de manière intéressante et attrayante. Une histoire sur la bonne ou la mauvaise nutrition peut se faire sur le terrain. En incluant ses informations dans un contexte plus large, le reportage atteint alors deux objectifs : il informe sur la situation sur le terrain et il peut en même temps éduquer le public sur les causes de cette situation et sur les moyens de l'éviter à l'avenir. L'introduction d'une variété améliorée de pomme de terre orange, par exemple, pourrait avoir pour effet d’améliorer grandement l'alimentation des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans. Vous pourriez aussi expliquer comment les nouvelles technologies peuvent changer des vies, même quand il s'agit d'interventions très simples comme un bois de chauffage plus performant ou des cuisinières au charbon de bois qui utilisent moins de bois et produisent peu de fumée. Ces histoires débouchent généralement sur d'autres retombées intéressantes à lire et elles sont agréables à écrire.

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Exemple: « la cuisinière améliorée », une bonne histoire scientifique

I. Où est la science derrière le four à haute performance ou la cuisinière au charbon de bois? C'est que le poêle amélioré permet d'utiliser les bois de chauffage plus efficacement. Il réduit donc la quantité d'énergie requise pour la cuisson. Les populations urbaines de l'Afrique brûlent chaque année des millions de tonnes de charbon de bois car l'électricité y est peu fiable et trop chère. Un four amélioré permettrait d'abattre moins d'arbres pour produire le charbon de bois.

II. Qui en profite? Les femmes et les enfants. Ce sont eux qui ont la tâche de trouver le bois mort. Il peuvent marcher des milles pour ne rapporter que des brindilles. Avec un poêle qui consomme moins de bois, ils pourraient consacrer plus de temps et d'énergie à d'autres activités. Il y a aussi un bénéfice sanitaire : si le poêle produit moins de fumée, il provoquera moins de maladies respiratoires chez les femmes et les enfants. Ceux-ci pourront consacrer plus de temps à l'agriculture et au bien-être de la famille. Tout le monde y gagne : le ménage, les communautés et les gouvernements.

III. Quelle autre science est impliquée, en dehors des poêles plus efficaces? Vous pourriez interroger des experts en agro-foresterie sur les bienfaits forestiers en termes d'arbres épargnés ou de réduction des incursions dans les réserves naturelles. Les spécialistes du climat peuvent avoir des choses à dire si un plus grand nombre d'arbres demeurent sur pied pour absorber du gaz carbonique. Ces arbres peuvent aussi retenir le sol avec leurs racines et réduire le risque de glissements de terrain catastrophiques lors des fortes pluies.

IV. Comment trouver un angle de traitement et des experts à interroger? Allez au-delà des conférences de presse et suivez de nouvelles pistes. À Kampala, à Nairobi et dans plusieurs autres villes, de nombreux artisans fabriquent plusieurs versions de ces poêles à haute efficacité. Vous pourriez les interroger pour mieux comprendre ce qu'ils font. Visitez ensuite l'université pour trouver des experts capables d'expliquer la technologie sous-jacente, de commenter les enjeux de la conservation d'énergie ou de parler des sources d'énergie alternatives pour les pays en développement. Plusieurs de ces experts se trouvent déjà sur place, localement, mais ils ont aussi des collègues dans les pays industrialisés. À l'université Makerere, en Ouganda, vous trouverez ce genre d'experts autant à la faculté de la technologie et dans le département de foresterie que dans le département sur les études féminines.

Vous trouverez plus d'information (en anglais) sur les poêles à haute efficacité à l'aide des liens suivants:

Un index des discussions sur les diverses technologies de fourneaux plus efficaces dans plusieurs pays

Les énergies renouvelables et la lutte à la pauvreté

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Voici aussi d'autres point de départ possibles pour des journalistes de pays en développement :

La production d'énergie et l'industrie

La santé et la planification des naissances

La démographie

L'irrigation et la conservation de l'eau

Le bétail, la faune et le tourisme

L'industrie aérienne

Les applications de la biotechnologie et leur adoption

Le VIH/SIDA, la malaria et les autres maladies.

Tous ces enjeux touchent directement les gens dans leur vie quotidienne. La science et la technologie peuvent apporter un changement de perspectives et changer les situations. Par contre, elles peuvent aussi susciter des peurs, des mythes ou des demi-vérités.

Les journalistes ne doivent pas oublier que:

Même si les chercheurs peuvent inventer des technologies, ils n'ont généralement pas le mandat --ni les moyens-- d'en faire la publicité auprès des utilisateurs potentiels. C'est “aux médias” de le faire.

Vous pouvez trouver une bonne histoire en interrogeant un politicien sur la manière dont il pourrait inclure les dernières découvertes scientifiques dans ses politiques.

Parlez aux gens qui seront directement affectés par les événements mais recherchez aussi l'information et l'avis des experts locaux et internationaux (par internet).

Interrogez les experts sur les récentes statistiques démographiques. Quelles implications ces chiffres ont-ils pour la vie du monde ordinaire? Demandez aussi aux planificateurs économiques quels seront les impacts plus larges sur la société.

Identifiez les différences d'opinion et les conflits entre divers groupes sociaux et présentez les arguments scientifiques qui sous-tendent leurs positions respectives.

Recherchez les ONG et autres organismes qui prétendent avoir des solutions aux problèmes. Ils peuvent vous fournir de l'information et des anecdotes mais faites attention à présenter tous les côtés de l'histoire.

Les industries aiment bien faire la promotion de nouvelles technologies. Tentez de mieux comprendre leurs prétentions et efforcez vous de demeurer objectif et équilibré dans vos reportages.

Explorez les partenariats qui se multiplient entre le secteur privé et divers organismes publics.

Interrogez-vous sur les craintes que peuvent susciter certaines technologies, à tort ou à raison. Méfiez vous des mythes et des demi-vérités et efforcez-vous de ne pas prendre parti dans les controverses.

En matière de santé et de traitements, soyez ouvert aux nouvelles approches et allez chercher les commentaires des scientifiques. Qui sait? Peut-être s'agit-il

Page 35: par Julie Clayton - WFSJ · 2012-11-13 · devrait faire la connaissance de trois nouvelles personnes par jour. Cela vaut aussi pour un reporter scientifique. Peu importe l’endroit

WFSJ - Cours en ligne de journalisme scientifique – Chapitre 2

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d'une découverte majeure? Vérifiez les prétentions avec une enquête scientifique fouillée.

Conclusion En fin de compte, je veux surtout inviter les journalistes à ne pas se contenter des communiqués de presse. N'oubliez pas que tous vos concurrents reçoivent le même document.

Il vous faut une liste de contacts qui vous aideront à étayer rapidement vos articles avant l'heure de tombée.

Habituez-vous à faire des liens avec vos histoires précédentes qui peuvent vous fournir un contexte intéressant. Reparlez à vos sources pour vous rafraîchir la mémoire.

Il y a des centaines d'histoires qui n'attendent qu'un journalistes capable de les raconter à son public. En portant attention à votre environnement, vous pourrez fabriquer des histoires intéressantes qui ajouteront de la couleur à votre travail. Cela pourrait même marquer un tournant dans votre vie de journaliste scientifique.

Avec des reportages innovateurs sur la science et la technologie, vous pouvez dynamiser votre organe de presse dynamique et en faire un catalyseur de changement et de développement. Patrick Luganda

président, Network of Climate Journalists in the Greater Horn of Africa (NECJOGHA)

Rédacteur en chef , journal Farmers Voice, Ouganda