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BEL/LUX/ITA : 2.40 € - CH : 3.20 CHF - Canada : 3.60 $ can - Dom avion : 2.60 € - Tom avion : 750 CFP Le scandale Camélia Jordana MERCREDI 27 MAI 2020 N° 9622 - 2,30 € www.present.fr Page 2 :HIKKLJ=[UWXU^:?a@p@m@h@a" M 00196 - 527 - F: 2,30 E Médias : Drahi fuit en courant Page 7 Vers la fin du chômage partiel Page 3 Quand les experts affabulent Page 2 Merci de ne pas communiquer à des tiers ce numéro PDF de Présent. Incitez plutôt vos contacts à acheter Présent en kiosque ou à s'abonner ! L’ivresse du pouvoir Emmanuel Macron a appelé Jean-Marie Bigard par l’intermédiaire de Patrick Sébastien, pour discuter de la réouverture des bars. P3

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Page 1: Page 2 MERCREDI 27 MAI 2020 N° 9622 - 2,30 € L’ivresse du ... · BEL/LUX/ITA : 2.40 € - CH : 3.20 CHF - Canada : 3.60 $ can - Dom avion : 2.60 € - Tom avion : 750 CFP Le

BEL/LUX/ITA : 2.40 € - CH : 3.20 CHF - Canada : 3.60 $ can - Dom avion : 2.60 € - Tom avion : 750 CFP

Le scandale Camélia Jordana

MERCREDI 27 MAI 2020 N° 9622 - 2,30 € www.present.fr

Page 2

’:HIKKLJ=[UWXU^:?a@p@m@h@a"

M 00

196 -

527 -

F: 2,

30 E

Médias : Drahi fuit en courant

Page 7

Vers la fin du chômage partiel

Page 3

Quand les experts affabulent

Page 2

Merci de ne pas communiquer à des tiers ce numéro PDF de Présent. Incitez plutôt vos contacts à acheter Présent en kiosque ou à s'abonner !

L’ivresse du pouvoir

Emmanuel Macron a appelé Jean-Marie Bigard par l’intermédiaire de Patrick Sébastien,

pour discuter de la réouverture des bars.

P3

Page 2: Page 2 MERCREDI 27 MAI 2020 N° 9622 - 2,30 € L’ivresse du ... · BEL/LUX/ITA : 2.40 € - CH : 3.20 CHF - Canada : 3.60 $ can - Dom avion : 2.60 € - Tom avion : 750 CFP Le

2 Présent – Mercredi 27 mai 2020

ACTUALITÉS

LE LANCET SE VEUT le journal de référence dans le domaine médical. Il est toutefois dirigé par un journaliste connu pour ses engagements

extrémistes (Extinction rebellion, etc.), ce qui crée déjà un doute. L’ancien ministre de la Santé Douste-Blazy laisse entendre pour sa part que le Lancet sert les inté-rêts de certains laboratoires (il en cite précisément un), dans sa campagne contre la chloroquine du docteur Raoult. Dans un tout autre domaine, on se souvient qu’un ex-pert, ancien président du Syndicat des psychologues, lors de l’affaire d’Outreau, fameux procès de pédophi-lie, avait eu cette phrase : « Tant que la justice paiera des experts comme des femmes de ménage, elle aura des expertises de femmes de ménage. » Son expertise de « femme de ménage » (merci pour ces dernières !) avait fait envoyer des innocents en prison. L’un d’eux s’était même suicidé.

Voilà qu’une nouvelle affaire d’ex-périence bidon vient d’être ré-vélée : le « grand » expert sur la question des tueurs en série, Stéphane Bourgoin, auteur d’une quarantaine de livres, conférencier (gendarmerie, école de la magistrature, police judiciaire), enseignant à l’école de l’administration pénitentiaire, vient d’avouer que toute son expérience n’était qu’un énorme trucage. Il n’a pas rencontré 77 tueurs en série comme il s’en vantait, sa femme n’a pas été la victime d’un tueur, comme il le prétendait (expliquant que sa vocation était née de là), il n’a jamais été formé par le FBI (comme l’indiquait son CV), il n’a pas été profiler dans des af-faires criminelles. Il vient de tout révéler à Paris Match, expliquant : « … [ces] mensonges me pèsent, […] j’en ai dit, des bobards ! » Et il conclut : « Ça me fait du bien de dire la vérité, de parler enfin » (sic) !

Certains de ses essais et biographies étaient de simples plagiats de livres publiés à l’étranger. En revanche, il scénarisait des films pornographiques. Mais cette « ex-

périence »-là était étrangement oubliée de son CV pro-fessionnel. Surfant sur le succès de séries policières et de cer-tains films (Le Silence des agneaux, Hannibal, etc.)

auprès du grand public, Stéphane Bourgoin s’était donc construit à partir de rien une réputation d’expert interna-tional, et il était devenu la coqueluche des écrans de télé-vision, des médias mainstream. Le Monde, Les In-rockuptibles, Libération, en avaient fait leur expert atti-tré sur des affaires comme celle de Guy Georges, Fran-cis Heaulme, Emile Louis ou Fourniret. Il s’est écoulé des années entre les premiers doutes sur les compé-tences de Bourgoin et ses aveux dans Paris Match du 7 mai. Quand on entend aujourd’hui les « experts » se battre pour ou contre la chloroquine : le Lancet et son direc-teur, Richard Horton, le professeur Raoult, l’ancien mi-nistre Douste-Blazy, le prix Nobel de médecine Monta-gnier, le ministre Véran, Ségolène Royal, etc., on ne peut s’empêcher d’être circonspect. w

CAMÉLIA JORDANA avait été in-vitée à chanter à l’Arc de Triomphe pour les victimes des at-

tentats de 2015 après avoir multiplié les chansons immigrophiles, puis fait la cou-verture de L’Obs, seins nus et déguisée en Marianne début 2016. Dans « On n’est pas couché », sur la chaîne de ser-vice public France 2, le 23 mai 2020, la chanteuse et actrice ayant la nationalité française, née Aliouane à Toulon en 1992, dont le grand-père fut « référent local » du FLN dans le Var durant la guerre d’Algérie, déclarait : « Il y a des hommes et des femmes qui se font mas-sacrer quotidiennement, en France, tous les jours, pour leur couleur de peau. C’est un fait. […] C’est l’une des raisons

pour lesquelles les gens sont fâchés après la police ». Elle ajoutait : « Il y a des mil-liers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic et j’en fais par-tie. » Si par « milliers », elle voulait évo-quer les individus de nationalité fran-çaise mais de culture et d’ethnie étran-gère, alors c’est une première infox : c’est de millions qu’il s’agit. Une autre infox vient de l’emploi du verbe « mas-sacrer ». Un drôle de « fait ». Un « massacre » po-licier de population en France par ra-cisme ? Une définition pourtant accessi-ble à quiconque – même pour une collé-gienne, ce que Camélia Jordana fut sans doute, profitant des largesses d’un pays offrant l’école laïque, gratuite et obliga-toire en échange de peu – montre le ni-veau de confusion des esprits régnant dans la tête d’immigrés détestant la France, sinon pour les prestations so-

ciales : « Un massacre est l’action de tuer indistinctement une population humaine ou animale, soit en partie soit complète-ment. » La police française fait-elle cela, comme le dit la chanteuse issue de la « Nouvelle Star » ? Non.

Le pouvoir choisit Aliouane plutôt que les

policiers Tout au contraire, ce sont les Français de souche qui, de la maternelle à Pôle em-ploi, luttent maintenant, entre deux ta-bassages ou viols impunis, contre les dis-criminations, y compris à l’embauche. Un tabou auquel l’histoire rendra justice. Qui a déjà vu un non-Africain embauché dans un kebab ? Une certaine gauche a congratulé l’actrice, de LFI à SOS Ra-cisme, mais aussi le député « ex »-LREM Aurélien Taché.

Les Français d’origine française rasent à ce point les murs que même le ministre de l’Intérieur Castaner en a gardé une ha-bitude sans doute acquise tôt : bien que responsable du respect dû aux policiers, il n’a pas l’intention de saisir la justice. N’importe quelle personne d’origine française serait passée en comparution immédiate pour bien moins. Qu’a dit le ministre ? « J’ai souhaité dénoncer ces propos. » Camélia Jordana indiquait, elle, sur Twitter, être prête à débattre avec le ministre sur « n’importe quel pla-teau de télé ». De la cour de récréation des écoles françaises au parvis des mi-nistères de la République en passant par les cités ou les boîtes où l’on se frotte dans les nuits parisiennes, ce sont bien les immigrés qui décident de ce qui est ou non licite en France. Le miracle ? Qu’il n’y ait pas plus de bavures poli-cières. w

Que penser des experts, de leurs ego, de leur compétence réelle, de leurs vraies motivations ? Dans l’affaire de pédophilie d’Outreau (essentiellement une vaste erreur judiciaire) comme dans l’affaire de la chloro-quine (ou les experts se contredisent), arrive un moment où leur parole, censée aider à ap-préhender la vérité, vient brouiller les cartes, quand elle ne désinforme pas. Ainsi un expert mondial sur les tueurs en série vient d’avouer ses mensonges !

■ Francis Bergeron [email protected]

Outreau, chloroquine, tueurs en série… Quand les « experts »

affabulent

■ Paul Vermeulen [email protected]

Camélia Jordana : infox et insultes contre la police

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ACTUALITÉSMercredi 27 mai 2020 – Présent 3

Le gouvernement revoit à la baisse sa participation au dispositif du chômage partiel. Alors qu’il permettait d’assurer les revenus de 8,6 millions de salariés et de soulager un grand nombre d’en-treprises privées de chiffre d’affaires pendant deux ou trois mois, l’exécutif se désengage petit à petit.

Pour les salariés, rien ne devrait chan-ger. Ils toucheront toujours entre 84 % et 100 % de leur salaire net habituel. Quant aux salariés au Smic, ils conti-nueront de toucher 100 % de leurs reve-

nus. Le plafond de rémunérations cou-vertes reste également fixé à 4,5 fois le Smic.

Une prise en charge diminuée de 10 %

Qu’est-ce qui change alors ? Dès le 1er juin, ce sont les entreprises qui vont devoir mettre davantage la main à la poche. Une augmentation de 10 % de la prise en charge du salaire. L’Etat, qui remboursait jusqu’à présent 70 % de la rémunération brute des salariés au chô-

mage partiel, ne prendra plus en charge que 60 %. Seuls les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et de l’événementiel ne sont pas concernés par cette baisse de participation de l’Etat. Une manière de rattraper la réouverture tardive, proba-blement prévue le 2 juin pour les éta-blissements situés en zone verte, et la possible prolongation de la fermeture dans les départements classés en rouge. Surtout, la mise en place des nouvelles mesures sanitaires dans les restaurants qui rouvriront devrait conduire à une réduction temporaire de 50 % du per-sonnel.

Les syndicats vent debout

Grâce à ce dispositif mis en place en avril, la France a plutôt été épargnée

par les licenciements et les réductions d’effectifs. Seuls les CDD et les mis-sions d’intérim ont été sacrifiés pen-dant cette période. Le gouvernement souhaite, à travers le recul de sa partici-pation, inciter les entreprises à ne pas reprendre leurs activités tant qu’elles ne seraient pas assez rentables. De plus, le coût du dispositif entre mars et mai est estimé à 24 milliards d’euros, un trou colossal que l’Etat souhaiterait colmater dans les prochains mois. Le syndicat des patrons, le Medef, s’oppose à cette décision, soulignant que ce dispositif a permis d’éviter une explosion du chômage. La Confédéra-tion des petites et moyennes entreprises (CPME) demande de son côté au gou-vernement d’attendre septembre avant une « réduction sensible » de la prise en charge. Elle craint une vague de licen-ciements à partir du mois de juin. w

ASSEYEZ-VOUS. Respirez profondément : inspirez, expirez, doucement, et plusieurs fois d’affilée. Maintenant, lisez : Emmanuel Ma-

cron a appelé Jean-Marie Bigard, par l’intermédiaire de Patrick Sébastien. La Cinquième République, la République, voire la France, s’il lui restait des ori-

peaux de son ancienne dignité, semble avoir définiti-vement capitulé. Le drapeau blanc qu’elle hisse n’est pas celui de ses rois. Cette fois, comme le symbole d’une société dont l’image virtuelle est plus importante que sa réalité charnelle, c’est d’une vidéo Instagram que l’échange est parti. Jean-Marie Bigard s’y filme, disant avec aplomb (la rédaction a sélectionné les extraits les plus significatifs) : « J’en ai plein le c*l. On est quand même gouvernés par des gui-gnols. Le trio de tête, c’est quand même le Pre-mier ministre, Salomon et la porte-parole du gou-vernement, elle, elle rayonne, elle est sur le po-dium, à tous les coups, de la connerie. Président, il faut que tu changes ton équipe, tu n’as qu’à tra-verser la rue, c’est comme pour trouver du boulot. / On rouvre les métros, les trains, les avions qui auront bientôt 70 % de remplissage. Pourquoi on

ne rouvre pas les bars ? On ne serait pas mal au bar, on sait aussi se tenir comme dans le métro ou comme dans le train. On ne peut pas nous enfermer comme des bestiaux et puis rouvrir certaines choses et laisser fermer d’autres qui, à mon avis, sont les plus impor-tantes vis-à-vis de la convivialité et du manque de contact qu’on a avec les autres. Pourquoi le gouver-nement relance les courses de PMU mais nous inter-dit de boire un canon en terrasse ? / Il y en a marre de voir ce gouvernement céder à des pressions, plutôt que de nous laisser boire des “pressions” !!! Partagez

en masse, pour que le président m’appelle et qu’on règle ça, entre hommes, autour d’un Ricard ! »

Rien ne dit que le président de la sixième puissance mondiale s’est servi un petit blanc avant d’appeler l’humoriste préféré des Gilets jaunes. Mais toujours est-il que l’appel a eu lieu et, selon Bigard, le prési-dent a expliqué être d’accord sur la nécessité de la réouverture des troquets. L’auteur du spectacle « Le lâcher de salopes » (2008) a livré les détails de cet ap-pel surréaliste sur Sud Radio, la station la plus appré-ciée de la France périphérique. Tout en poésie : « Je ramène ma gueule, je chie sur le président et le prési-dent m’appelle pour me dire : “Vous avez raison”, donc je trouve ça génial ! »

Le président a compris depuis la séquence des grandes manifestations que son image d’homme hors-sol très à l’aise dans la mondialisation était un boulet politique extrêmement lourd à porter. D’où sa straté-gie des appels du soir : à Philippe de Villiers, à Eric Zemmour, etc. Pas certain cependant que le peuple, c’est-à-dire tous ceux qui pensent encore que la France est ou devrait être un pays, se prennent de sympathie pour celui les éborgnait il y a quelques mois encore, simplement parce qu’il autorise les bars à ne pas mourir. La verticalité, un pouvoir digne, res-tauré après les épisodes grotesques du petit nerveux et du gros placide : une promesse de plus au panthéon des disparus de la République. w

L’État stoppe doucement les mesures de chômage partiel

Alors que le confinement aura porté un coup très dur, voire fatal, à certaines entreprises, le gouvernement a décidé de se désengager petit à petit du dispositif de chômage partiel qui maintenait jusque-là des millions d’emplois.

n Etienne Lafage [email protected]

Emmanuel Macron pendu au bout du fil

n Benoît Busonier [email protected]

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4 Présent – Mercredi 27 mai 2020

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ACTUALITÉS

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La mort de Jean-Loup Dabadie

MEMBRE DE L’ACADÉMIE française, couvert d’hon-neurs, Jean-Loup Dabadie s’est éteint le 24 mai à l’âge de 81 ans. Il est surtout connu comme parolier, car on

lui doit une quantité phénoménale de chansons devenues d’énormes succès et interprétées notamment par Reggiani, Mi-reille Mathieu, Barbara, Jacques Dutronc, Polnareff, Dalila, Ju-lien Clerc, Michel Sardou, Sylvie Vartan, etc. Sans compter… Jean Gabin (1974 : « Maintenant je sais », parlé plutôt que chanté). Etudiant en lettres, il fréquente la droite littéraire et choisit le 1er régiment des hussards parachutistes à Tarbes à l’issue de sa préparation militaire, régiment où Roger Nimier avait servi quelques années auparavant. C’est d’ailleurs ce régiment qui a inspiré le titre du Hussard bleu de Nimier, d’où a découlé cette école littéraire dite des « hussards ». Dabadie écrit dans Arts, l’hebdomadaire culturel de Jacques Laurent, où l’on retrouve aussi Nimier. Et c’est grâce à Arts et à Jacques Laurent et Roger Nimier que Dabadie fait la connais-sance de Geneviève Dormann, qu’il épousera. Geneviève Dormann a raconté cette rencontre et cette aventure sentimentale (Entretien avec Geneviève Dormann, la petite sœur des hussards, par Francis Bergeron, 186 pages, éd. Dual-pha, 2015) : « Un jour, Arts, le journal qu’avait créé Jacques Laurent, avec les droits d’auteur des livres signés Cecil Saint-Laurent, et de la série Caroline chérie au cinéma, prépare une enquête chez les jeunes écrivains. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Jean-Loup Dabadie. Dabadie était très drôle quand il était jeune. C’était un beau brun, intelligent et brillant. Je me

suis donc retrouvée enceinte […]. Clémentine est née en jan-vier 1963. » Le couple se sépa-rera trois ans plus tard. Dabadie était un touche-à-tout de génie. Il a d’ailleurs reçu les plus hautes récompenses, dans le domaine musical et cinématographique, pour son œuvre. On lui doit plusieurs livres, le premier ayant été publié alors qu’il n’avait que 19 ans. Il fut également critique de cinéma, et il a réalisé de nombreux scénarios et dialogues de films, des sketchs pour Guy Bedos et Sophie Daumier (le fameux « La Drague »), Jacques Villeret, Muriel Robin, etc. On le rencontrait fréquemment sur l’île de Ré, dont il était tombé amoureux, et où il comptait beaucoup d’amis. w

n Francis Bergeron [email protected]

Le saint du jour †

Saint Hildevert, évêque et confesseur (680)

Saint Hildevert naquit près d’Hébé-court, dans le diocèse d’Amiens. Son père, Adalbert, le mit sous la conduite de saint Faron, évêque de Meaux, qui l’éleva selon la disci-pline monastique et l’ordonna prê-tre. A la mort de saint Faron, il fut promu au siège de Meaux. Il s’adonna avec ardeur à la prière, à l’étude des Saintes Ecritures, à la prédication et à l’aumône. Il se dis-tingua surtout par une grande dou-ceur et une égalité d’âme inaltéra-ble. Il mourut le 27 mai 680. w

n AB V.B. [email protected]

n L’abonnement Premium à Présent comprend les six hors-série annuels.n Disponible en kiosque et sur www.present.fr

SIHors-série de Présent

M’ÉTAIT CONTÉLes moments forts

d’un libre journal

5 euros

GAROVIRUS

n Bienvenue dans le monde d’après. Aux Etats-Unis, de nombreuses chaînes de magasins se sont déclarées en cessa-tion de paiement, victimes de la flambée du commerce en ligne du fait de l’épidémie. En France, Naf Naf, Alinéa et Conforama ont été les premières grandes entreprises à plon-ger à cause du confinement. Serait-ce trop espérer que le « monde d’après » soit celui du commerce de proximité et d’une consommation qui privilégie la qualité à la quantité ?

n Sans langue de bois, l’économiste Gaël Giraud envisage le surendettement de l’Italie comme la cause d’un éclate-ment prochain de la zone euro. « L’Italie n’échappera pas longtemps au sort grec », prévient-il, avant de souligner qu’il s’agit cette fois de la troisième économie de la zone euro et que des banques françaises majeures – BNP et LCL entre au-tres – sont fortement exposées en cas de faillite de leurs consœurs italiennes.

n Faut-il relever le rideau ? C’est la question que se posent de nombreux restaurateurs alors que le gouvernement se prépare à autoriser l’ouverture des cafés et restaurants lundi prochain. Pour beaucoup de ces petits patrons, les normes de distanciation à appliquer ne permettront pas de dépasser le seuil de rentabilité. Certains se préparent à faire le choix de ne rouvrir leurs établissements qu’à la rentrée, souhaitant que d’ici là les règles sanitaires soient très largement assou-plies. w

Loin du blabla des commentateurs TV et des bobards en tout genre, Présent fait le point chaque jour sur l’épidémie du coronavirus. En France, et dans le monde.

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INTERNATIONALMercredi 27 mai 2020 – Présent 5

Témara (Maroc) : échec à la mairie salafiste

KHALID ASSOLTAN, Ahmed Anakib, Adam Adahlouss, Khalib Saoud El Halibi, etc. Leurs noms ne vous diront rien. Ils n’en disent pas plus

à une majorité de Marocains (sinon à ceux qui sont abon-nés à des chaînes islamistes). Le hic, c’est que les noms de ces dingos khalijis du salafisme wahhabite ont été donnés à des rues de la ville de Témara…

Témara, à l’origine une casbah édifiée au XIIe siècle par le sultan almohade Abd al-Mumin, puis charmante sta-tion balnéaire du temps du Protectorat, est aujourd’hui une cité-dortoir de plus de 50 000 habitants aux portes de Rabat. Au départ, le coup fourré d’un conseil municipal com-posé de membres du PJD (Parti Justice et Développe-ment, islamiste) était passé inaperçu. Mais, le confine-ment aidant, les réseaux sociaux se sont activés pour alerter sur cet affichage indécent de cheikhs radicaux ori-ginaires des pays du Golfe. Une campagne vigoureuse et la Toile qui s’est enflam-mée ont finalement eu raison des salafistes de Témara. Dans une tentative de se justifier façon tâqiya – mais, rayon tâqiya, même des salafistes sournois ne la font pas à des sunnites avisés… –, la municipalité a expliqué qu’il ne s’agissait là que d’une liste « très limitée de noms ». Et que le recours à ce panel était une réponse à « l’extension urbanistique de la ville ». Réponse des autorités qui ont mis fin, vite fait, bien fait, à « ces dénominations honteuses » : « Si vous manquez d’inspiration pour nommer les rues de Témara, nous te-nons à votre disposition une galerie de personnalités ma-rocaines issue de tous les secteurs de notre histoire, théo-logie, philosophie, médecine, littérature, sciences exactes, etc. On n’a nul besoin de ces noms importés et de surcroît de dangereuse portée ». Hassan Maâzouz, directeur d’une ONG œuvrant pour la consolidation du civisme et des valeurs, met en cause « le président de la commune, seul responsable de ce scan-

dale ». Le président de la commune en question n’étant autre que le président du PJD, Mouh Redjali. Quelques plaques n’ayant pas encore été enlevées dans certains quartiers de la ville, le responsable régional du PPS (Parti du Progrès et du Socialisme), Kamel Karim Eddine, de-mande au gouvernement de faire retirer sans attendre l’ensemble de « ces plaques islamistes radicales ». La réaction des Marocains est révélatrice de leur volonté de ne pas se laisser envahir sournoisement par un islamisme venu d’ailleurs. Et complètement étranger (à tous les sens du mot) aux pratiques nationales d’un islam qui re-lève du seul roi en sa qualité d’Amir al-Mu’minin (« Commandeur des Croyants »). Un internaute écrit : « Il faut rester vigilant. Ils veulent tuer le Maroc ! Ce maire PJD doit être poursuivi pour incitation à la haine et à la propagande obscurantiste. » Ce qu’appuie un autre intervenant : « Le plus grand ennemi de l’humanité, c’est le salafisme wahhabite. »

Quant à cet autre internaute, qui signe « Marocain Citi-zen », il établit la frontière entre ce Maroc, qui fait l’admiration du monde entier par sa gestion de la pan-démie, et ces salafistes propagateurs d’une autre sorte de virus, encore plus mortifère que le Covid-19 : « Au moment où de jeunes Marocains brillants travaillent dur pour fabriquer des machines et des accessoires mé-dicaux pour soulager nos malades et nous protéger, au moment où des milliers de médecins, d’infirmiers, d’aides-soignants, de techniciens, d’ambulanciers, de brancardiers, d’hommes et de femmes mènent une ba-taille jamais menée dans l’histoire de notre pays, au prix de leurs vies et de celles de leurs familles, cer-tains, à l’imagination débordante, ne trouvent, pour nommer nos rues, que les noms de gens non seulement totalement inconnus mais, pire encore, de gens dont l’objectif est – c’est le moins qu’on puisse dire – très douteux. » w

La guerre des toges rouges contre Matteo Salvini

EN PUBLIANT le 21 mai le contenu de conversations de l’an-cien président de l’Association

nationale des magistrats (ANM), le quotidien La Verità a mis à nu l’exis-tence toujours niée par la gauche de tout un réseau de « toges rouges » en Italie. Ces toges rouges, dénoncées en son temps par Silvio Berlusconi, sont au-jourd’hui affairées à neutraliser Matteo Salvini, le chef du principal parti d’op-position, la Ligue, même si les conver-sations divulguées datent de l’époque où il était ministre de l’Intérieur. Si ces conversations sont connues, c’est que leur protagoniste, le magistrat Luca Pa-lamara, fait l’objet d’une enquête pour corruption et que son téléphone avait été mis sur écoute, ses échanges écrits sur WhatsApp ayant pu, eux aussi, être

récupérés. Plusieurs de ces conversa-tions écrites illustrent parfaitement le militantisme des magistrats italiens, majoritairement de gauche comme leurs collègues français. Un militantisme qui remet gravement en cause la séparation des pouvoirs et donc la démocratie et l’état de droit. Voici un exemple d’échange qui a eu lieu en 2018 entre Palamara et un cer-tain Paolo Auriemma, procureur de Vi-terbe, dans le Latium, à propos de l’in-terdiction de débarquer les immigrants illégaux émise par le ministre de l’Inté-rieur Matteo Salvini : « Je regrette d’avoir à dire que je ne vois vraiment pas où Salvini se trompe, se lamente Auriemma, on cherche à entrer illégale-ment en Italie et le ministre de l’Inté-rieur intervient pour empêcher cela. » Et Palamara de répondre : « Tu as rai-son. Mais maintenant il faut l’atta-quer. » Auriemma est dubitatif : « Tout le monde pense comme lui », qu’il « a

bien fait de bloquer les migrants », et « il fait l’objet d’une enquête [de la part de procureurs siciliens, NDLR] pour ne pas avoir autorisé l’entrée d’envahis-seurs. Nous sommes indéfendables. ». Dans un autre échange d’Auriemma avec une magistrate membre de la di-rection de l’ANM, Bianca Ferramosca, cette dernière s’en prend à leurs col-lègues qui donnent raison à Salvini sur le fameux décret Sécurité, qui a durci la politique de l’Etat italien face à l’immi-gration illégale. Matteo Salvini devait comparaître à partir du 4 juillet devant le tribunal des ministres pour sa décision ayant empê-ché le débarquement de « migrants » à bord d’un navire des garde-côtes ita-liens, le Gregoretti. C’est le Sénat do-miné par la gauche qui a donné son feu vert pour ce jugement, avec les voix du Mouvement 5 étoiles (M5S) pourtant membre de la coalition avec la Ligue à l’époque où Salvini était ministre de

l’Intérieur. Le procès vient toutefois d’être reporté à octobre, officiellement à cause de la situation liée à la crise sa-nitaire, mais le scandale des conversa-tions de Luca Palamara y est sans doute pour quelque chose aussi car ce report vient seulement d’être annoncé. Mardi, une commission du Sénat devait par ailleurs se prononcer sur la levée de l’immunité du sénateur Matteo Salvini pour une autre décision du même ordre prise en août 2019, concernant cette fois le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms, mais les défections au M5S pourraient empêcher une nouvelle levée de l’immunité du leader de la Ligue. Le président de gauche Sergio Mattarella, d’ordinaire plus volubile, se tait tou-jours malgré la lettre que lui a adressée Matteo Salvini le 21 mai à propos des révélations de La Verità. Pourtant, en tant que président de la République, Mattarella est aussi président du Conseil supérieur de la magistrature. w

n Olivier Bault

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n Alain Sanders [email protected]

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6 Présent – Mercredi 27 mai 2020

ÉCONOMIE - SOCIAL

LES GRANDS MÉDIAS avaient pourtant mis le paquet pour nous faire accroire que nous nous acheminions vers un « monde d’après », sous-en-

tendu un monde plus sage et moins inconséquent que celui d’avant – comprendre : d’avant la crise pandé-mique et la garde à vue imposée à l’ensemble de la po-pulation pour cause d’incurie de nos gouvernants. Ce monde serait, selon eux, moins matérialiste, moins fondé sur le profit à outrance et la rentabilité, plus al-truiste, sage, prévoyant, et bannirait le capitalisme sau-vage et ses délocalisations aux effets désastreux pour l’emploi. Ils évoquaient même les nécessaires relocali-sations massives de l’industrie. Retour au réel : à peine amorcé le déconfinement, pen-dant que s’inquiètent des millions de salariés et que

désespèrent en silence des centaines de milliers de pa-trons de PME et TPE (très petites entreprises) – 55 % d’entre eux craignent de devoir déposer le bilan –, voici que les grands groupes, après avoir profité des aides de l’Etat, s’empressent d’annoncer des plans sociaux. Ali-néa, Conforama, Naf Naf, André, Derichebourg…, avant même l’arrêt des mesures de soutien aux entre-prises, planifient la suppression de milliers d’emplois en CDI. Le groupe Renault, après avoir profité de cinq milliards d’euros d’argent public, laisse planer le doute sur la fermeture de quatre usines en France. Un peu plus d’un employeur sur cinq envisage des licenciements pouvant approcher 20 % des effectifs de son entreprise. Voilà qui donne la tonalité. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, annonce d’ailleurs, sans ambages et comme une évidence, des faillites et licenciements dans les mois qui viennent. Le problème deviendra crucial à partir du mois de sep-tembre, après l’arrêt des dernières mesures d’aide aux entreprises par un Etat généreux et solidaire mais ne possédant pas le premier centime des milliards d’euros dont il arrose l’économie. Du jamais vu, le produit inté-rieur brut devrait s’effondrer à - 11 % pour la zone euro et - 14 % pour la France, cancre parmi les cancres.

L’ultime espoir du système repose sur une reprise de la consommation qui risque pourtant de se faire at-tendre. Traumatisme psychologique, peur de l’avenir et paupérisation ne font en effet pas bon ménage avec le consumérisme.

Le Maire parle bien mais n’peut point

Nous l’avions constaté au sujet des GAFAM, Bruno Le Maire parle bien mais n’agit point. Son tardif aveu : « Nous sommes l’un des pays développés qui a le plus délocalisé son industrie. C’était une faute majeure », ne fait qu’énoncer une évidence largement partagée. Tout juste s’il n’endosserait pas une marinière made in France comme le fit en son temps Arnaud Montebourg. Mais quand évoquera-t-il les véritables problèmes d’une fiscalité délirante et dissuasive, d’un niveau de prélèvements sociaux unique au monde, du découra-geant millefeuille administratif français et des contraintes administratives qui en résultent ? Son oc-cultation de ces véritables causes de la crise qui vient, dont la pandémie du Covid-19 n’aura finalement été qu’un déclencheur, une sorte de détonateur en même temps qu’un accélérateur, en dit long sur l’aveugle-ment, forcément volontaire, de nos élites. La crise totale que nous allons subir, économique, so-ciale et politique, s’annonce sans commune mesure avec celle de 2008-2009. Des décennies de choix poli-tiques inconséquents vont se payer au prix fort, en par-tie cash et pour le reste à tempérament. w

DÉCIDÉMENT, c’est une obses-sion française que de faire

payer sa voisine. La pre-mière fois que cette pa-role fut prononcée, c’était en 1917, dans la bouche de Louis-Lucien Klotz, ministre des Fi-nances de Clemenceau. Il fut, très exactement, l’au-teur du slogan vengeur « Le Boche paiera ! ». A dire vrai, il se trompait ; « le Boche » ne paya point les réparations établies par le traité de Versailles, du moins en totalité. Les plans américains Dawes et Young rééchelonnèrent la dette, et la crise de 1929 eut tôt fait de les en dispen-ser. Keynes s’était montré le premier hostile à ce que les Allemands payent. Les Conséquences écono-miques de la paix, publié en 1919, souligne les suites funestes que le traité aurait non seulement pour l’Alle-magne, mais pour l’avenir économique de l’Europe. Les Consé-quences politiques de la paix de Jacques Bainville, paru un an plus tard, s’oppose à celui de Keynes et montre que le traité risquait de n’être qu’un armistice de courte durée. Après 1945, la menace communiste et le

traité de Londres (1949 : naissance de la RFA) eurent sensiblement le même ré-sultat. Une habitude allemande qui, cu-rieusement, se posa de nouveau avec la crise des dettes souveraines (2008). La Grèce conserve un souvenir amer du Nein de Schaüble. Enfin nous avons eu la crise du corona, le refus allemand des

« corona bonds » (avril 2020), entendez le refus de la mutualisation européenne des dettes.

La conversion d’Angela Merkel

Et voilà que ce lundi 18 mai, M. Macron annonce un accord historique avec la chancelière. L’Allemagne accepte ce qu’elle a toujours refusé : le financement par une dette commune de dépenses bud-gétaires européennes. Et les européistes de tous poils de se réjouir de cette bonne nouvelle à 500 milliards d’euros. La conversion d’Angela est pour le moins tardive. Elle est touchée par la « grâce » européenne en fin de vie politique, et cela laisse assez mal augurer de l’issue de cette « bonne nouvelle ». Pourquoi payer en effet pour le « Club Méditerra-née », ces pays de retraités précoces (alors que les Allemands partent à 67 ans) et de déficit chronique ? Rappe-lons que l’Allemagne a dégagé un excé-dent de 1,5 % de PIB en 2019 quand la France, pays de grèves, de fonction-naires, de dettes publiques, se situe à plus de 3 % de déficit public. A moins que les Allemands ne tablent sur une perte de compétitivité française (que lui conférait déjà l’euro), par la baisse de la producti-

vité et l’alourdissement du poids de l’Etat sur l’économie. Les Français ont rejoint le club des pays latins, les « sudistes », et les Allemands en tireront avantage. Reste que l’Alle-magne doit vendre aussi, elle vend beau-coup hors de l’Europe, mais peut-elle se priver des clients sud-européens ?

Buba contre BCE Curieuse conversion donc, et pour le moins sujette à caution, finalement, quand on sait que la cour constitution-nelle de Karlsruhe vient de s’opposer à la Banque centrale européenne sur l’argu-ment que les traités interdisent le finan-cement des Etats par celle-ci. Or le QE (quantitative easing) est, de fait, un fi-nancement des Etats par le truchement de leurs banques auxquelles la BCE ra-chète des titres de façon à leur fournir les liquidités manquantes, et la « Buba » – la Bundesbank, la banque centrale alle-mande – devra, selon la cour, cesser, d’ici trois mois, d’acheter des emprunts d’Etats de la zone euro pour le compte de la BCE, le comble étant qu’à l’origine cette dernière avait été conçue sur le mo-dèle de la Buba… Bref, comme l’on dit au café du commerce, c’est pas gagné pour Macron. w

IMPERT NENCES ■ Olivier Pichon

[email protected]

I

■ Arnaud Raffard de Brienne [email protected]

La crise économique qui vient

« L’Allemagne paiera ! »

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Mercredi 27 avril 2020 – Présent 7

ÉCONOMIE - SOCIAL

LE RICHISSIME AFFAIRISTE avait payé 350 millions d’euros pour diffuser, sur ses chaînes de télévision spécialisées, les matchs de

football de la saison, mais il a pris acte du fait que ladite saison serait ratée. Le coronavirus a, de fait, privé les chaînes de leurs téléspectateurs, et privé du même coup son groupe de rentrées publicitaires. A grande vitesse, l’homme d’affaires à la quadruple nationalité (fran-çaise, israélienne, marocaine et portugaise) est en train de réduire la voilure de son dispositif médiatique tout en réclamant le remboursement des sommes versées à l’UEFA, la structure qui gère les droits liés à ce sport. Il le fait sans état d’âme, quoique avec une certaine sub-tilité. Mais à l’évidence, la sensibilité « de gauche » de ce chef d’entreprise n’affecte guère ses choix de ges-tion. Primum vivere, et on le comprend. Or le marché publicitaire aura plongé de 25 % en 2020, selon les spé-cialistes. Dès le premier trimestre, la baisse avait été de 10 % environ, pour les médias. Le deuxième trimes-tre devant enregistrer des volumes de publicité quasi-ment nuls, on s’achemine bien vers une catastrophe in-dustrielle, du côté des médias en tout cas. Dans le do-maine des événements sportifs, le plus affecté actuelle-ment, et au niveau mondial, par la crise sanitaire, c’est parmi les 200 journalistes spécialisés, employés par ses médias français, que Drahi va taper. Les licencie-ments et les départs sous clause de cession vont se multiplier dans les trois ou quatre mois qui vien-nent. Dans le domaine de l’information générale et politique, Drahi veut se désengager au plus vite du quotidien ex-maoïste et gauchiste, mal nommé Libération, et il est en train de le faire de la façon suivante : il paye toutes ses dettes actuelles (50 millions d’euros, accumu-lés en cinq ans) par le biais d’une fondation, ce qui correspond à une forme de « vente » compta-ble du journal à une société à but non lucratif. Dans les comptes du groupe Altice, ce renflouement sera présenté comme une « vente », neutralisée par le « don » équivalent à la fon-dation. Tout ceci est monté dans un schéma d’optimisa-tion fiscale pour Altice. A l’achèvement du montage,

Libération ne plombera plus les comptes d’Altice, et ne générera plus de nouvelles dettes pour le groupe.

Une équipe résiduelle pour tenter de faire survivre Libération

L’honneur est sauf, car Libération aura quand même une chance de survie, du moins à court terme : les jour-nalistes pourront toucher leurs indemnités de licencie-ment en faisant jouer la clause de cession, et il restera une équipe résiduelle pour tenter de le faire survivre, proba-blement sous la seule forme de journal numé-rique, l’agonie pouvant ainsi se prolonger. Et quand la déconfi-ture se pro-

duira, le souvenir même du « montage » Altice sera ou-blié. Pour L’Express, le scénario est tout aussi sophistiqué : Drahi a « vendu » (façon de parler) l’hebdomadaire, qui perdait dix millions d’euros par an (un quart de son chiffre d’affaires), à son adjoint, Alain Weill, qui en est maintenant l’actionnaire majoritaire à hauteur de 51 %. Weill est par ailleurs PDG de BFM. C’est dire si la « vente » est fictive ! Mais, grâce à cet artifice, les jour-nalistes peuvent actuellement faire jouer leur clause de cession, et partir avec un gros chèque. Ce qui va alléger d’autant la masse salariale. Drahi s’est engagé à suppor-ter les coûts générés par cette habile manœuvre, qui évite une restructuration et un licenciement écono-mique, tellement plus chronophages, longs à mettre en œuvre, risqués, et… coûteux ! Mais il n’y a pas que les nanars que sont devenus Libé-ration et L’Express dont Drahi entend se débarrasser. Sa politique, il l’a annoncée clairement à ses équipes de di-rection : aucune filiale de communication ne doit être déficitaire. Celles qui le sont doivent donc être restruc-turées, fermées, vendues, données, si besoin est. Mais ce qui est certain, c’est que le groupe n’en veut plus. Au fond, il n’a pas tort : Altice est devenu un mastodonte in-dustriel et financier incontournable. A-t-il encore besoin de médias (plus ou moins) aux ordres ? D’autant que leur rôle de pompes à publicités a disparu et que le mo-dèle économique des médias est en train de changer. Drahi veut avoir un coup d’avance, il sait que la crise économique est devant nous, il désinvestit rapidement, au profit de pays qui vont rebondir, comme les Etats-Unis et peut-être la Grande-Bretagne.

Une addiction à l’information anxiogène

Demain, le groupe Altice, dans les médias, ce sera BFM et RMC, et c’est tout. Mais est-il nécessaire, pour Drahi,

d’avoir d’autres médias ? Avec le terrorisme, puis les manifestations anti-retraites des black blocs, puis les Gilets jaunes, puis le coronavirus, la chaîne

d’information en continu a développé en cinq ans une addiction à l’information anxiogène chez

les Français, qui vaut à présent de l’or. BFM est numéro un dans ce type d’information.

La bourse a salué ce changement de stratégie très clair et habilement

mené (du moins jusqu’à présent). Confinement ou pas, le cours

de l’action Altice Europe a bondi. Mais la place de la

France et des emplois français dans cette stra-tégie ? C’est tout autre chose. L’inconvénient, quand on est à la tête d’une multinationale

et qu’on a soi-même deux, trois ou quatre nationa-

lités, c’est que le patriotisme éco-nomique est à géométrie variable. w

■ Francis Bergeron [email protected]

MÉDIAS

Le multimilliardaire Patrick Drahi, roi des réseaux câblés, s’était constitué, en quelques années, un empire médiatique qui a fait de lui l’un des cinq hommes qui tiennent 90 % des médias fran-çais. Cet empire, orienté à gauche, lui a permis un certain contrôle de l’information, notamment de l’information économique, pendant toute la phase d’ascension de son groupe. A l’heure du Co-vid-19 et de la chute des budgets publicitaires, il se défausse de tous ses canards boiteux. Parmi les victimes : L’Express, Libération, et des chaînes de télévision. Mais pas BFM ni RMC.

Drahi se désengage à toute vitesse

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L’ENTRETIEN DU MERCREDI

8 Présent – Mercredi 27 mai 2020

— Pour nous en tenir au social, que vous inspire la formule ressassée en ces temps de déconfinement : « Rien ne sera jamais plus comme avant » ? — Ce nouveau mantra psalmodié sur tous les tons – sans que l’on sache d’ailleurs très bien ce qu’il recouvre réellement – m’apparaît, comme à beaucoup d’entre nous, comme particulièrement insupportable et gro-tesque. Bien sûr, qui ne voudrait que de profondes ré-formes viennent bouleverser de fond en comble un sys-tème qui, chaque jour, bafoue un peu plus la dignité des personnes et déconstruit avec rage notre communauté politique française ? Mais il est plus que probable – je suis gentil ! – que sa promotion relève d’une stratégie de brouillage visant, via de grands mots endimanchés, à occulter ce qui nous attend dans les mois qui viennent : une volonté d’aller encore plus loin dans la remise en cause de notre anthropologie humaine traditionnelle. — « Lois du marché », invocation du « progrès », de la « rationalité » : sont-ce des expressions qu’on risque de moins entendre ? — Il est évident que certaines formules banales verté-brant la doxa progressiste de toujours se trouvent bruta-lement invalidées par la soudaineté et la radicalité de la crise sanitaire. Nos petits et faux prophètes de la « mon-dialisation heureuse » et de la technoscience agressive sont littéralement acculés, à leur corps défendant, à es-sayer de prendre de la distance à l’égard des schèmes idéologiques constituant leur vision du monde. Mais ne soyons pas dupes : le nouveau langage dont ils sem-blent porteurs ne relève que d’une sorte de ruse sophis-tiquée, d’un recul momentané et tactique pour mieux rebondir. Ne les voit-on pas, depuis quelques semaines, nous ressortir le bon vieux discours éculé ciblant mé-thodiquement les prétendus populistes et leur désir épouvantablement antidémocratique de recontrôler, ne fût-ce que transitoirement et à la marge, les frontières ? Bref, surfant sur les peurs, ils militent, avec certes les ambiguïtés d’usage, pour renforcer décisivement ce qui

est à l’origine, en grande partie du moins, de nos mal-heurs actuels : l’ordre globalitaire marchand né sur les ruines de nos Etats-nations historiques. — Après la mise à mal du lundi de la Pentecôte, ne parle-t-on pas de supprimer le jeudi de l’Ascension ? — Pour paraphraser Shakespeare, il y a vraiment quelque chose de pourri au royaume de France ! Il est, disons-le, parfaitement odieux que l’on soutienne, toute honte bue, que la reconstruction économique de la France, le regain de sa productivité, doive passer, pour certains, par l’effacement des grandes scansions spiri-tuelles et, pour d’autres, par la banalisation du travail du dimanche. Ce qui est en jeu, au-delà de l’impact éco-nomique réel ou pas de telles mesures, c’est tout sim-plement notre liberté de ne plus être soumis aux diktats de la société de consommation, de son matérialisme subtilement « totalitaire ». — Au nom de la lutte – nécessaire à tous points de vue – contre l’épidémie, ne risque-t-on point d’aller vers une société du « traçage humain » ? — Le grand danger, c’est que, jouant la carte d’un op-portunisme débridé, nos tristes épigones d’un « écono-misme » sans retenue cherchent à faire émerger une forme aiguë de capitalisme numérique… et de surveil-lance. Le « tout numérisation » que l’on nous prépare aura le visage, si l’on n’y prend pas garde, d’un nou-veau 1984 à la Orwell, où quelques grands monopoles transnationaux géreront un troupeau de zombies sans passé ni avenir. Il suffit de jeter un simple coup d’œil sur la presse économique pour comprendre que ce sont les fameux GAFAM, hier dénoncés avec virulence, qui sont en train de sortir vainqueurs par KO de la crise ac-tuelle. — La crise que nous traversons ne donne-t-elle pas du sang neuf aux théories dites de « 3e voie » alliant sou-veraineté et justice sociale ? Pour faire référence à l’histoire, je pense notamment aux catholiques so-

ciaux, aux vues sociales du PSF du colonel de La Rocque, aux tenants de la participation gaulliste ; à tous ceux qui ne se retrouvent pas dans le socialisme ou l’ultralibéralisme ? — Je suis de ceux qui souhaitent, depuis très long-temps, que l’on puisse faire exister une autre « offre politique » – ce que vous appelez fort justement « troi-sième voie » – qui, d’un même mouvement, refuserait le capitalisme globalisé et le gauchisme de lutte de classe « sansfrontiériste ». Cependant, ce beau projet n’a de chance de s’incarner concrètement qu’à la condition sine qua non que nous nous engagions tous, sans celer parfois nos différences légitimes, sur la voie d’une véritable refondation philosophique redonnant toute leur pertinence et leur mordant à certains mots devenus inaudibles… à force d’être subversivement instrumentalisés. Pour ne prendre que cet exemple emblématique, comment pourrions-nous laisser nos adversaires détourner la notion de souveraineté – ou celle de bien commun – de sa vérité historique et cul-turelle ? Ne refusons pas, au nom de l’on ne sait quel activisme à courte vue, un combat sémantique essen-tiel. — J’ai relevé votre nom au sommaire d’une nouvelle revue, Le Monde d’après… Pouvez-vous nous en dire plus ? — Je participe effectivement à l’aventure du lancement d’une nouvelle revue – pour l’instant numérique – qui ambitionne, en s’appuyant sur les principes sociaux-chrétiens, de décrypter notre monde… et de le transfor-mer radicalement, quand il le faut, à la lumière d’un personnalisme communautaire, comme le soutenait Jean-Paul II.

l Le Monde d’après : https://fr.calameo.com/books/0062449649948fbb58957 w

Entretien avec Philippe Arondel

Le social à l’heure du déconfinementPhilippe Arondel est journaliste et écrivain. Il a travaillé au bu-reau d’études de la CFTC et a publié plusieurs essais remarqués dont La Pauvreté est-elle soluble dans le libéralisme ? (Belin), L’Homme-marché (DDB) et, tout récemment, L’Impasse libérale (Salvator). Il est actuellement l’une des voix que l’on peut enten-dre chaque mardi dans l’émission culturelle quotidienne « Midi Magazine » sur 100.7 (radio Notre-Dame – Fréquence protes-tante).

n Propos recueillis par Philippe Vilgier [email protected]

n Disponible en kiosque et sur www.present.fr

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