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Géologie de l’ingénieur Engineering Geology

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  • Gologie de lingnieur

    Engineering Geology

  • Dans la mme collection

    Coordination : Jos Ragot, Mireille Batton-Hubert, Florent Breuil

    Les STIC pour lenvironnement

    Michel Chalhoub Massifs rocheux

    Michel Demange Les minraux des roches

    Bruno Peuportier co-conception des btiments et des quartiers

    Philippe Jamet La quatrime feuille : trois tudes naturelles sur le

    dveloppement durable

    Gabriele Rossetti, Alessandro Montanari Dances with the earth : the creation of music based

    on the geology of the Earth

    Sous la coordination de Franck Guarnieri et Emmanuel Garbolino

    Systmes dinformation et risques naturels

    Rdig par le comit franais de mcanique des roches. Coordonn par Pierre Duffaut Manuel de mcanique des roches Tome 2 : les

    applications

    Manuel de mcanique des roches Tome 1: fondements

    Madeleine Akrich, Philippe Jamet, Ccile Madel, Vololona Rabeharisoa, Frdrique

    Vincent La griffe de lours : dbats & controverses en

    environnement

    Lucien Wald Data Fusion Definitions and Architectures -

    Fusion of Images of different spatial resolutions

    Javier Garcia, Jolle Colosio, avec la collaboration de Philipp Jamet

    Les indices de qualit de lair

    Richard Maillot Mmento technique des granulats

    Coordinateurs : K. Scharmer, J. Greif The European Solar Radiation Atlas Vol. 2 :

    Database and Exploitation Software

    Coordination : K. Scharmer, J. Greif The European Solar Radiation Atlas Vol :

    Fundamentals and maps

    Jacques Fine Le soutnement des galeries minires

  • GEOLOGIE DE LINGENIEUR

    ENGINEERING GEOLOGY

    Hommage la mmoire de Marcel ARNOULD

    Textes rassembls loccasion de la Journe scientifique internationale organise le 12 octobre 2011 par le CFGI (Comit Franais de Gologie de

    lIngnieur et de lEnvironnement), avec le parrainage et le soutien de lAIGI (Association Internationale de Gologie de lIngnieur et de lEnvironnement)

    Coordonn par Roger Cojean et Martine Audiguier

  • TRANSVALOR - Presses des MINES, 2011

    60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France

    email : [email protected]

    http://www.pressesdesmines.com/

    ISBN : 978-2-911256-58-5

    Dpt lgal : 2011

    Achev dimprimer en 2011 (Paris)

    Tous droits de reproduction, de traduction, dadaptation et dexcution rservs pour tous les pays.

  • SOMMAIRE / CONTENTS

    AVANT-PROPOS 7 FOREWORD Roger Cojean, Martine Audiguier, Jean-Louis Durville, Michel Deveughle

    GEOLOGIE DE LINGENIEUR ET OUVRAGES

    ENGINEERING GEOLOGY AND STRUCTURES

    Problmes gologiques et gotechniques relatifs au projet de tunnel sous le 11 dtroit de Gibraltar Engineering geological problems related to the Gibraltar tunnel project Carlos Delgado Alonso-Martirena

    Le projet ferroviaire Lyon-Turin. 20 ans dtudes et de reconnaissances 25 techniques pour la conception du tunnel de base Lyon-Turin rail link project. 20 years of technical investigations for the base tunnel Nathalie Monin, Lorenzo Brino, Xavier Darmendrail

    Tunnel ferroviaire de Vierzy : vieillissement, altration des maonneries 41 calcaires. Causes de leffondrement catastrophique du 16 juin 1972 Vierzy railway tunnel: ageing, alteration of calcareous masonry. Causes of the catastrophic collapse, June 16, 1972 Marcel Arnould

    Comparative study of the use of Hoek-Brown and equivalent Mohr-Coulomb 55 parameters in tunnel excavation

    Peter Fortsakis, Emilia-Maria Balasi, George Prountzopoulos, Vassilis Marinos, Paul Marinos

  • 2 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Optimisation de projets douvrages de gnie civil du point de vue 71 environnemental Optimization of civil engineering projects from an environmental point of view Ricardo Oliveira

    Paris : problmes de gologie de lingnieur. Une ville et six secteurs 77 Paris: engineering geological problems. A city and six sectors Marcel Arnould, Anne-Marie Prunier-Leparmentier

    Projet de recherche Deep City, avec la collaboration de Marcel Arnould 85 Deep City research project, with the collaboration of Marcel Arnould Aurle Parriaux

    Lalcali-raction ou le gonflement dun barrage 95 Alkali aggregate reaction, the swelling of a dam Sylvine Gudon

    Le glissement de Vajont, ses enseignements et ses retombes pour EDF et 105 les exploitants de barrages The Vaiont slide, its lessons and consequences for EDF and the dam operators Gilbert Castanier

    Analyse et modlisation des mouvements de versant dans la retenue du 123 barrage des Trois Gorges (Chine). Le cas du glissement de Huangtupo Analysis and modelling of slope movements in the Three-Gorges dam reservoir (China). The case of Huangtupo slide Roger Cojean, Yaojun Ca

    Prise en compte des discontinuits dans llaboration d'un modle mcanique 139 de massif rocheux. Application au creusement de lcluse bateaux du barrage des Trois-Gorges (Chine) Integration of structural features in a geomechanical model of a rock mass. Application to the excavation of the shiplock rock slopes at the Three-Gorges dam site (China) Jean-Alain Fleurisson, Roger Cojean

  • Sommaire / Contents 3

    Autoroute A75 : le contournement de Millau. Reconnaissances gologiques 155 et gotechniques des variantes de trac et du viaduc de Millau A75: bypass Millau. Geological and geotechnical alternative routes and survey of the Millau viaduct Marcel Rat

    Apport des tudes gologiques et gotechniques la conception du trac de 169 lautoroute Egnatia en Grce du Nord, section Thessalonique Kavala Contribution of geological and geotechnical investigations to the design of Egnatia highway in the North of Greece, along Thessaloniki Kevala section Maria Chatziangelou, Basile Christaras

    GEOLOGIE DE LINGENIEUR ET RISQUES NATURELS

    ENGINEERING GEOLOGY AND NATURAL HAZARDS

    Aux origines de la rglementation franaise actuelle en matire de 185 mouvements de versants : la coule du Plateau dAssy en 1970 At the origin of the present French regulation about landslide hazard: the 1970 Plateau dAssy landslide Pierre Antoine, Jacques Debelmas, Jean-Louis Durville

    Caractrisation de lvolution gomorphologique de la basse valle de la 201 Romanche (Isre, France) en relation avec les instabilits gravitaires de ses versants rocheux Characterization of the geomorphological evolution of the lower Romanche valley (Isre, France) in relation to the gravitational instabilities of its rock slopes Olivier Le Roux

    Contribution lanalyse des mouvements gravitaires rapides de grande 221 ampleur par la comparaison des matriaux sources et des dpts. Exemples alpins Significance of source areas and deposits in the analysis of high-speed rock movements. Alpine examples Nicolas Pollet

  • 4 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Impacts des amnagements en montagne sur les processus hydrologiques 241 et lvolution godynamique des versants (Les Arcs, Savoie) Impacts of human activity in mountainous areas on hydrological processes and geodynamic evolution of hillslopes (Les Arcs, Savoie) Mathilde Koscielny

    Le fort gnois de Tabarka (Tunisie) menac par les instabilits de falaises 263 The Genoese fort of Tabarka (Tunisia) threatened by rock slope instabilities Stphane Curtil

    Conception des talus de mines ciel ouvert : approche gologique 277 et gomcanique Slope design in open pit mines: geological and geomechanical approach Jean-Alain Fleurisson

    Rle des fluides dans le comportement hydromcanique des roches 293 fractures htrognes : Caractrisation in situ et modlisation numrique Role of fluids in the hydromechanical behavior of heterogeneous fractured rocks: in situ characterization and numerical modelling Frdric Cappa

    Analyse microstructurale de sols argileux. Rle des carbonates dans les 319 processus de retrait-gonflement Microstructural analysis of clayey soils. Role of carbonates in the shrink-swell processes Martine Audiguier, Roger Cojean, Zemenu Geremew

    Apports de linterfromtrie radar PSI pour caractriser le rle de la 333 vgtation arbore dans les processus de retrait-gonflement des sols argileux et les dommages au bti Contribution of PSI radar interferometry to the characterization of the role of trees on the shrink-swell processes of clayey soils and damage to buildings Heydar Frdric Kaveh, Benot Deffontaines, Javier Duro, Alain Arnaud

    Subsidence et fracturation des terrains dans les villes du centre du Mexique 349 Subsidence and ground fracturing in cities located in the central part of Mexico Dora Celia Carreon Freyre

  • Sommaire / Contents 5

    HOMMAGES

    TRIBUTES

    Hommage la mmoire de Marcel Arnould, prsident honoraire de lAIGI 367 A tribute to the memory of IAEG honorary president Marcel Arnould Carlos Delgado, Roger Cojean

    Marcel Arnould, the most sincere friend of Chinese people 379 Wang Sijing, Wu Faquan

    Le Centre de Gologie de lIngnieur (1970-2005) 383 The Research Laboratory of Engineering Geology (1970-2005) Michel Deveughle

    INDEX DES AUTEURS 387

  • AVANT-PROPOS

    Cet ouvrage est ddi la mmoire de Marcel Arnould, qui fut professeur lEcole des Mines de Paris et lEcole Nationale des Ponts et Chausses. Il rassemble des communications sollicites auprs de diffrents spcialistes : anciens lves de Marcel Arnould, collgues et amis de lEcole des Mines de Paris (aujourdhui Mines ParisTech), du CFGI (Comit Franais de Gologie de lIngnieur et de lEnvironnement) et de lAIGI (Association Internationale de Gologie de lIngnieur et de lEnvironnement). Il est dit par les Presses des Mines loccasion de la Journe scientifique internationale du 12 octobre 2011 tenue Mines ParisTech en lhonneur de Marcel Arnould, journe organise par le CFGI avec le parrainage et le soutien de lAIGI. Marcel Arnould, co-fondateur de lAIGI, a constamment port et soutenu le dveloppement de la Gologie de lingnieur ou Engineering geology de par le monde. Nous enseignant le Design with Nature de Ian McHarg, non pas Composer avec la Nature mais Concevoir en harmonie avec la Nature , il nous a montr que lexpertise correspondante se construit beaucoup par une longue et raisonne pratique des terrains gologiques et par les retours dexprience sur vnements. Louvrage illustre les nombreuses facettes de la Gologie de lingnieur, discipline scientifique et technique troitement lie aux sciences de la Terre mais aussi aux sciences mcaniques et hydrologiques. Il est constitu de contributions originales pour la plupart, organises en deux grandes parties : 1. Gologie de lingnieur et ouvrages et 2. Gologie de lingnieur et risques naturels. Louvrage comporte aussi quelques textes, intgrs ces deux parties, rcemment publis dans la Revue Franaise de Gotechnique par les Presses de lEcole nationale des ponts et chausses ou dans le Bulletin of Engineering Geology and the Environment par Springer. Les textes publis chez Springer correspondent des publications rcompenses par le Prix Jean Goguel, du nom du premier prsident du CFGI. Ce prix est dcern tous les deux ans par le CFGI et Marcel Arnould en fut le prsident du jury. Les diteurs Presses de lEcole nationale des ponts et chausses et Springer, de mme que les auteurs concerns, sont ici remercis pour leurs accords de publication. Louvrage comporte deux articles rcents signs ou cosigns par Marcel Arnould. Certains hommages, qui lui ont t rendus rcemment, sont galement publis dans une troisime partie de louvrage. Un texte rappelle enfin lhistoire du CGI (Centre de Gologie de lIngnieur), structure denseignement et de recherche dirige par Marcel Arnould pendant plus de vingt ans, qui a permis nombre de ses lves de mettre en application son enseignement, puis de perptuer les valeurs quil nous avait transmises.

    Roger Cojean, Mines ParisTech, Centre de Gosciences Martine Audiguier, Mines ParisTech, Centre de Gosciences Jean-Louis Durville, MEDDTL-CGEDD, prsident du CFGI Michel Deveughle, Mines ParisTech, Centre de Gosciences

  • 8 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    FOREWORD

    This book is dedicated to the memory of Marcel Arnould, who was a professor at the Ecole des Mines de Paris and the Ecole Nationale des Ponts et Chausses. It brings together invited papers from various specialists: Marcel Arnould alumni, friends and colleagues at the Ecole des Mines de Paris (now Mines ParisTech), the CFGI (French Committee of Engineering Geology and the Environment) and the IAEG (International Association of Engineering Geology and the Environment). It is published by the Presses des Mines for the International Engineering Geology Conference on the 12th of October 2011 held at Mines ParisTech in honour of Marcel Arnould and organized by CFGI with the sponsorship and support of IAEG. Marcel Arnould, as co-founder of the IAEG, has consistently focused and supported the development of Engineering Geology all over the world. Teaching us the Design with Nature by Ian McHarg, not Dealing with Nature, but Design in harmony with Nature, he convinced us that the relevant expertise is chiefly built through an extensive and rational practice of geological terrains and by geological feedbacks on events. The book illustrates the many facets of Engineering geology, as a scientific and technical discipline closely related to Earth sciences and also the mechanical and hydrological sciences. It consists of original contributions for the most part, organised in two main sections: 1. Engineering geology and structures and 2. Engineering geology and natural hazards. The book also includes several papers, recently published in the Revue Franaise de Gotechnique by the Presses de lEcole nationale des ponts et chausses or in the Bulletin of Engineering Geology and the Environment by Springer. The papers published by Springer Publications were related to Jean Goguel prize, after the first president of CFGI. This prize is awarded every two years by CFGI and Marcel Arnould was the chairman of the Jean Goguel prize jury. Publishers Presses de lEcole nationale des ponts et chausses and Springer, as the authors concerned, are thanked for their publication agreements. The book includes two articles recently written or co-signed by Marcel Arnould. Some tributes that have been made recently, are also published in a third section of the book. A text finally recalls the history of CGI (Centre de Gologie de lIngnieur), structure of teaching and research led by Marcel Arnould for over twenty years, which enabled many students to apply his teaching and perpetuate the values he had given.

    Roger Cojean, Mines ParisTech, Centre de Gosciences Martine Audiguier, Mines ParisTech, Centre de Gosciences Jean-Louis Durville, MEDDTL-CGEDD, prsident du CFGI Michel Deveughle, Mines ParisTech, Centre de Gosciences

  • Gologie de lingnieur et ouvrages

    Engineering geology and structures

  • PROBLEMES GEOLOGIQUES ET GEOTECHNIQUES RELATIFS AU PROJET DE TUNNEL SOUS LE DETROIT DE

    GIBRALTAR

    CARLOS DELGADO ALONSO-MARTIRENA Prsident IAEG

    Universit Polytechnique de Madrid, C/ Alfonso XII, 3 y 5, Madrid, Espagne

    INTRODUCTION Afin de remplir les lacunes dinformation pour le projet dunion fixe Europe-Afrique au travers du dtroit de Gibraltar, lavant-projet de solution tunnel fut assign par un Concours International un groupement dentreprises qui mit en 2007 un rapport dvaluation gotechnique. Les socits dtat SEGEG (Espagne) et SNED (Maroc) ont donn, au travers dun Comit dExperts, leurs avis et recommandations relatifs au contexte gologique, gotechnique et gomcanique du futur tunnel et la ralisation dessais de reconnaissance futurs.

    Cette communication synthtise les problmes gotechniques du projet et prsente les orientations pour de futures tudes ([1], [2]).

    LE TUNNEL SOUS LE DETROIT DE GIBRALTAR Lavant-projet considre la ralisation de deux tunnels (Ouest en phase 1, et Est en phase 2) de 7,5m de diamtre intrieur et une galerie intermdiaire de service de 4m de diamtre (Figure 1).

    Figure 1 : Le projet de tunnel sous le dtroit de Gibraltar

  • 12 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Le trac du tunnel sous-marin sinscrit dans l Umbral de Camarinal qui constitue un relief rsiduel form par des cailles tectoniques du flysch qui formait la zone de jonction de Gibraltar avant louverture du dtroit. Cette zone na pas prsent dactivit sismique dans le priode 1965-1985 (Figure 2).

    Figure 2 : Carte des picentres des sismes pour la priode 1965-1985 Pour valuer limportance et la difficult du projet, il suffit de considrer la situation gomtrique schmatique prsente en Figure 3 et la comparer avec la Figure 4 qui reprsente la gomtrie de principe du tunnel de Seikan (Japon) entre les Iles de Honshu et Hokkaido sous le dtroit de Tsugaru.

    Figure 3 : Cadre gomtrique du tunnel du dtroit de Gibraltar

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 13 On peut remarquer quon double les profondeurs maximales sous le niveau de la mer et sous les fonds marins.

    Figure 4 : Cadre morphologique du tunnel de Seikan (Japon)

    SYNTHESE DES INFORMATIONS GEOLOGIQUES ET GEOTECHNIQUES DE L'AVANT PROJET La Figure 5 montre le profil gologique longitudinal du trac. On peut observer les sillons Nord et Sud qui constituent deux possibles palo-chenaux profonds et transversaux, remplis de matriaux, nomms brche argileuse , issus des aires voisines potentiellement instables. Les deux palo-chenaux dont lexistence t dtermine par des sondages en mer, se trouvent spars par une formation de flysch, apparemment en place qui constitue le relief sous-marin nomm Monte Tartessos . Le palo-chenal mridional semble avoir t concern dans une priode plus rcente par un nouveau processus drosion qui y a creus un sillon rempli ensuite par des sables bioclastes. Lensemble de ces matriaux est recouvert localement par un conglomrat bioclastique dorigine ctire ou de plate-forme. Au-dessus de cette squence se prsente une authentique cuirasse dpaisseur variable constitue par des calcaires coralliens qui tapissent le fond marin et qui sont lorigine de difficults dapplication des techniques gophysiques pour la dtection des matriaux sous-jacents.

  • 14 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Figure 5 : Coupe gologique prvisionnelle du tunnel du dtroit de Gibraltar

    Les groupes lithologiques qui ont t diffrencis pour ltude gotechnique sont les suivants: Type 1 : Flysch constitu dpaisses couches de grs ou de calcaire. Il sagit des grs

    de lunit Aljibe et du flysch paisses couches de grs de lunit Tisirene. Ces matriaux, de bonne qualit gotechnique, sont peu reprsents.

    Type 2 : Flysch avec des couches de calcarnite alternant avec des bancs plitiques. Il sagit des flyschs du Crtac suprieur - Eocne des squences de base des units dAlgeciras/Beni Ider et des flyschs marneux renforcs par des bancs de grs dans laire orientale de Tarifa. Les paisseurs des bancs et des couches sont lchelle des tunnels. Le facteur danisotropie prend une grande importance. Son influence dans le comportement de lexcavation dpend de langle de pendage des couches. GSI indicatif : 40-45.

    Type 3 : Flysch avec prpondrance de couches plitiques avec des bancs de grs. De composition argilo-grseuse, il se prsente dans les units dAlgeciras-Beni Ider. Son comportement dpend de la rsistance des plites (dur avec des grs fin ou des calcaires ou bien mou avec des schistes argileux). Il prsente une anisotropie. GSI indicatif : 30-35.

    Type 4 : Flysch constitu par des plites. Il forme une transition entre les plites dures oligocnes et la couche marno-grseuse de lunit dAlgeciras/Beni Ider. Il prsente une faible anisotropie. GSI indicatif : 30.

    Type 5 : Flysch similaire au type 4 avec des plites cisailles au niveau de zones de glissement et dcailles tectoniques. La rsistance des matriaux correspondants est difficile mesurer. Lanisotropie est trs faible. GSI indicatif : 18-20.

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 15 Type 6 : Brche argileuse avec fragments de roches dures. Les inclusions sont

    centimtriques et rarement dcimtriques. La structure est chaotique, moins marque que celle du flysch. Ltat de consolidation dpend de la profondeur.

    Type 7 : Sables avec graviers et calcarnites. Il sagit dune formation plio-quaternaire dtecte dans le sillon mridional. La possibilit quelle soit intercepte par le trac du tunnel est faible.

    Au titre dune synthse des essais de laboratoire raliss sur les chantillons recueillis en sondage et dans les puits creuss Tarifa et Bolonia (Espagne) et Malabate (Maroc), on prsente les paramtres gomcaniques attribus aux diffrents types lithologiques mentionns, les valeurs utilises dans la modlisation gomcanique de lavant-projet et quelques rsultats de la modlisation relatifs au phnomne de convergence en galerie dans la zone des brches argileuses (Annexes 1 4 : Figures 11 20). Cette synthse a permis dvaluer pour les brches argileuses, associes au tronon le plus critique du tunnel, les valeurs de pr-convergence et convergence, avec ou sans drainage, susceptibles dtre observes dans lhypothse dun creusement au tunnelier. Ces paramtres de convergence ont t analyss en fonction du degr de consolidation des brches, de leur permabilit, des vitesses davancement du tunnelier et des pressions au front du tunnelier.

    INCERTITUDES DORIGINE GEOLOGIQUE ET GEOTECHNIQUE On peut souligner les points suivants : A ce jour, le profil gologique longitudinal prsente dimportantes incertitudes dues

    aux informations limites au niveau du trac du tunnel. Le relief de Camarinal correspond aux cailles tectoniques dune unit complexe de

    flyschs. Les matriaux constitutifs prsentent une grande varit lithologique. Le contexte tectonique peut tre lorigine dtats de contraintes particulirement anormaux.

    Les deux sillons ont t dtects partir dun nombre de sondages marins relativement faible. Par ailleurs, la prsence de la couche de corail du fond marin ayant reprsent une difficult pour les explorations gophysiques et linterprtation des rsultats, on ne peut pas carter la prsence dautres sillons profonds le long du trac du tunnel.

    Le trac traverse la zone de contact entre les plaques eurasiatique et africaine, avec les aires de dformation associes. Les Figures 6 et 7, daprs [3], montrent les failles actives et linaments observs dans cette zone. En consquence on peut sattendre trouver des failles actives, de dcrochement, perpendiculaires laxe du tunnel. En fait les sillons sont une preuve de la prexistence dimportantes failles dans la zone de Camarinal. Ces failles pourraient conduire sinterroger sur la faisabilit de la solution tunnel ltude.

    Des surfaces de glissement ont t dtectes, associes la prsence de matriaux de faible rsistance au cisaillement. Si le trac du tunnel devait traverser de telles couches avec un angle de pendage dfavorable, la situation serait plus critique que celle envisage dans les brches argileuses.

  • 16 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Figure 6 : Contexte godynamique du contact entre la plaque eurasiatique et la plaque africaine. 1 : zone ibro-maghrbine ; 2 : arc calabrien ; 3 : arc gen ; 4 : zone caucasienne ; 5 : zone iranienne

    Figure 7 : Principales failles actives et linaments de la zone ibro-maghrbine

    En relation avec le contexte hydrogologique du tunnel, lavant-projet souligne la possibilit de rencontrer des dbits importants dans les structures tectoniques fragiles (grs fracturs). Nonobstant, ltude suggre que la prsence de matriaux gonflants dans le flysch pourrait conduire au resserrement des intercalaires permables, comme cela a t dtect dans le puits dobservation de Malabata (Maroc). videmment cette situation dpend troitement des paisseurs des couches permables.

    Les galeries creuses terre ont dtect des manations de mthane au cours du creusement dans certaines formations gologiques.

    Par rapport ces incertitudes majeures numres ci-dessus, des problmes gotechniques moins importants se prsentent, quil faut mentionner :

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 17 Les dispersions importantes dans les rsultats des essais effectus au laboratoire

    sur des chantillons intacts et dans les essais dilatomtriques effectus dans les galeries.

    Le remaniement notable qui se produit lorsque lon remonte en surface des matriaux qui se trouvent 200m sous le fond marin.

    Leffet dchelle associ aux matriaux de forte granulomtrie (brches argileuses) lorsque lon ralise des essais au laboratoire.

    Les pressions de confinement donnes aux brches dans des essais de laboratoire, infrieures aux pressions en place .

    La difficult dextrapoler des mesures de permabilit, ralises sur des chantillons de diamtre rduit, aux permabilits du massif rocheux.

    En rsum, le rapport de caractrisation gologique et gotechnique de lavant-projet, tout en reconnaissant que les meilleures ressources actuellement disponibles ont t utilises, souligne linsuffisance des informations pour pouvoir se prononcer sur la faisabilit du projet et en consquence, sur les cots et les dlais de ralisation.

    PRECONISATIONS POUR LES FUTURES ETUDES Lavant-projet propose comme un premier objectif immdiat, le creusement dune galerie de service au tunnelier, aprs avoir ralis une campagne complmentaire de sondages pour prciser la position des deux sillons et carter la prsence de sables au niveau du tunnel. Lexcution de la galerie de service permettrait de vrifier en place la faisabilit du projet de tunnel, en tudiant les possibilits de traitement des terrains et de drainage. Diffrentes opinions se sont exprimes au sein du Comit dExperts au sujet de cette proposition.

    Une galerie de service devrait avoir un diamtre minimum de 3m pour permettre la reconnaissance relle du trac, pour installer des appareils de surveillance, pour tudier le comportement de la galerie en conditions statiques et pendant les micro-sismes. La galerie devrait servir pour contrler lefficacit des traitements des terrains et des systmes de drainage. Les dernires oprations sont irralisables avec un tunnelier qui ne peut pas sarrter. La galerie pourrait aussi tre utilise pendant lexcution du tunnel principal comme base pour le traitement pralable des zones de creusement difficiles de faon ce que le tunnelier ait un parcours prpar pour son avancement.

    Dans la Figure 8 on peut voir la section du tunnel de Seikan avec les deux galeries (galerie de service et galerie pilote). La dernire a servi comme galerie de drainage dans les zones avec dbits deau importants. En complment aux Figures 6 et 7, la Figure 9 est prsente, issue de la communication de Gutscher [4] la Confrence de Lisbonne 2005, commmorant le 250me anniversaire du tremblement de terre de 1755. On peut apprcier le contexte tectonique dans la zone du dtroit, avec la possibilit dune zone de subduction locale sous Gibraltar qui expliquerait loccurrence du tremblement de terre et celle du tsunami qui suivit.

  • 18 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    Figure 8 : Tunnel de Seikan, avec la galerie de service et la galerie pilote

    Gutscher prcise que parmi les 12 grands tremblements de terre (M>=8,5) des 100 dernires annes, 11 se sont produits dans un contexte de faille de subduction relativement superficielle, comme celle identifie au large de Gibraltar.

    Figure 9 : Courbes isosistes (intensit Mercalli) du tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Hauteurs atteintes par le tsunami. La zone de subduction plongeant vers lEst est la zone source du sisme la plus probable Lauteur indique aussi que les nouvelles mesures par GPS, dans le sud de la pninsule Ibrique, peuvent aider identifier les rgions prsentant des dplacements significatifs,

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 19 en rapport avec le mouvement des plaques tectoniques, qui pourraient tre lorigine de futurs tremblements de terre.

    Figure 10 : Rseau godsique du dtroit de Gibraltar De ce point de vue, les derniers rsultats des mesures godsiques montrent que les deux rives du dtroit de Gibraltar convergent avec une vitesse dont la valeur ne pourra tre fixe dfinitivement quaprs les mesures actuellement en cours (Figure 10, [5]).

    REFLEXION FINALE Du point de vue des techniques il y a encore dimportantes lacunes dinformation qui vont demander du temps avant dtre combles. Du point de vue conomique, le trafic actuel ne justifierait pas la construction du tunnel court terme, bien que le futur dveloppement des grands axes de communication Nord-Sud pourrait donner une impulsion notable au projet. Finalement, avant de penser raliser un ouvrage de cette envergure il est ncessaire quil existe un consensus social favorable, cest dire quil faut que le projet soit souhait par les peuples ou les communauts qui vont tre concerns par lui.

    Il serait peut-tre opportun dattendre quelque temps, afin que les conditions historiques (socio-politico-conomiques) soient plus favorables.

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Actualisation APP Tunnel 2007 (Typsa, Ingema, Lombardi, Geodata) [2] Rapport Comit Experts 2008 (Santos, Perucho, Levy, Olalla, Vacona) [3] R. Vegas : Present day Geodynamics of Ibero Magrebian Region (1991) [4] Gutscher : International Conference 250 Anniversary Lisbon Earthquake (2005) [5] J.R. Serrano : Les grands projets de tunnels sous marins, cas du dtroit de Gibraltar. Le

    tunnel sous la Manche. Gologie et gotechnique, Presses de lEcole des Ponts, (1989) 27-46

  • 20 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    ANNEXE 1

    Figure 11 : Permabilits de quelques formations gologiques le long du projet

    Figure 12 : Caractristiques gotechniques des brches (Type 6) et des sables (Type 7)

    Figure 13 : Paramtres hydro-mcaniques moyens des flyschs (Types 3, 4 et 5) et des brches (Type 6)

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 21

    ANNEXE 2

    Figure 14 : Caractristiques de rsistance mcanique et de permabilit des brches

    Figure 15 : Paramtres utiliss pour la modlisation gomcanique

    Figure 16 : Dfinition des paramtres de convergence suivis par la modlisation

  • 22 GEOLOGIE DE LINGENIEUR - ENGINEERING GEOLOGY

    ANNEXE 3

    Figure 17 : Effet de la vitesse davancement sur les paramtres de convergence C et Cf . Zone des brches

    Figure 18 : Rle du degr de consolidation des brches sur les paramtres de convergence C et Cf

  • Projet du tunnel sous le dtroit de Gibraltar - Problmes gologiques et gotechniques 23

    ANNEXE 4

    Figure 19 : Effet de la pression au bouclier du tunnelier sur les paramtres de convergence C et Cf . Zone des brches

    Figure 20 : Effet de la permabilit de la formation gologique sur les paramtres de convergence C et Cf . Zone des brches

  • LE PROJET FERROVIAIRE LYON-TURIN 20 ANS DETUDES ET DE RECONNAISSANCES TECHNIQUES POUR LA

    CONCEPTION DU TUNNEL DE BASE

    NATHALIE MONIN1, LORENZO BRINO2, XAVIER DARMENDRAIL1 1

    LTF, 1091 avenue de la Boisse, 73006 Chambry, France 2

    LTF, Piazza Nizza 46, 10121 Torino, Italie

    INTRODUCTION Depuis les premires reconnaissances pour le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin en 1990, 20 annes se sont coules au cours desquelles de nombreuses campagnes de reconnaissance se sont droules pour avancer de manire itrative jusqu la dfinition du Tunnel de Base que lon connat en 2011. Le contexte particulier de ce projet, tant du point de vue gographique (zone de montagnes) que gologique (traverse dune grande partie du massif alpin) ou encore du point de vue des infrastructures (Tunnel de Base sous forte couverture) a ncessit la mise en place de mthodes novatrices. Cet article a pour objet de montrer lapport de ces reconnaissances aux diffrentes phases de conception de ce grand projet.

    LE PROJET DE LIAISON FERROVIAIRE LYON-TURIN

    LE LYON-TURIN, MAILLON DU CORRIDOR V

    Figure 1 : La position du Lyon-Turin en Europe

  • 26 GEOLOGIE DE LINGENIEUR ENGINEERING GEOLOGY

    Du fait de laugmentation permanente des changes tant marchandises que voyageurs travers lEurope, et en particulier travers lArc Alpin, une nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon (France) et Turin (Italie) est en cours dtude. Cette liaison nest quun maillon du corridor V (rseau transeuropen) qui reliera terme Lisbonne Kiev (Figure 1). En permettant le report des marchandises et des voyageurs de la route vers le rail, elle contribuera la diminution des polluants atmosphriques et par consquent la protection de lenvironnement alpin.

    LTF, SOCIETE BINATIONALE POUR DEVELOPPER LE PROJET ET REALISER LES RECONNAISSANCES

    Les reconnaissances pour la partie commune franco-italienne du Lyon-Turin ont dbut ds le dbut des annes 1990. Elles taient alors pilotes par la SNCF et son homologue italien, les FS. En novembre 1994, le Groupement dIntrt Economique (GEIE) binational Alpetunnel a t cr pour poursuivre les tudes de faisabilit relatives cette partie commune entre Saint-Jean-de-Maurienne et la valle de Suse. Suite au trait binational de 2001 entre la France et lItalie, la socit par actions simplifies Lyon Turin Ferroviaire (LTF SAS) a succd au GEIE Alpetunnel. Afin de prsenter aux gouvernements franais et italien le dtail des ouvrages raliser en termes de situation, cot et dlai de construction, LTF, dont les actionnaires sont RFF pour la France et RFI pour lItalie, a en charge de raliser les tudes de projet et les travaux de reconnaissance, toujours pour la seule partie commune franco-italienne du projet. Les tudes relatives aux accs ct franais (de Lyon Saint-Jean-de-Maurienne) sont quant elles gres par RFF et celles relatives aux accs ct italien par RFI (de Chiusa San Michele Turin).

    Figure 2 : Le trac du Lyon-Turin en 2011

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 27 La partie commune franco-italienne est constitue denviron 84km de ligne nouvelle entre St-Jean-de-Maurienne (Savoie, France) et Chiusa San Michele (Pimont, Italie). Louvrage majeur de cette ligne nouvelle est un Tunnel de Base denviron 57km pour relier St-Jean-de-Maurienne Suse. Un second tunnel denviron 19km est galement projet dans le val de Suse pour traverser le massif de lOrsiera. La suite de cet article est consacre au seul Tunnel de Base.

    LE LYON-TURIN, LES INFRASTRUCTURES DU TUNNEL DE BASE

    Le Tunnel de Base est un tunnel bi-tube. A limage des tunnels de base suisses (Loetschberg et Gotthard), des rameaux de communication tous les 333m permettront de passer dun tube lautre en cas dincident (Figure 3). A ces rameaux de communication sajoutent des accs intermdiaires rgulirement rpartis le long du trac : pour le ct franais, ce sont, douest en est, les descenderies de St-Martin-La-Porte, La Praz et Villarodin-Bourget/Modane. En phase de construction, les descenderies serviront daccs intermdiaires pour raliser la construction du Tunnel de Base sur plusieurs fronts. En phase dexploitation elles assureront la ventilation du tunnel et permettront laccs des quipes de maintenance et de secours en cas dincident. Au pied de la descenderie de Villarodin-Bourget/Modane, peu prs au centre du Tunnel de Base, les installations de service et de scurit seront plus importantes, avec en particulier la ralisation de 2 tubes supplmentaires. Enfin, en complment des descenderies, deux puits de ventilation seront raliss : les puits dAvrieux et de Clarea.

    Figure 3 : Le Tunnel de Base et ses infrastructures Ct italien, le trac du projet a d tre rvis du fait dune forte opposition locale en Val de Suse. Un nouveau Progetto Preliminare a donc t remis en Aot 2010 et le trac de la galerie de reconnaissance de La Maddalena a t ajust en consquence. Lexcavation de cette galerie devrait dbuter au deuxime semestre 2011 pour une longueur totale de 7500m environ.

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    Du fait des faibles dclivits de son profil (pentes < 12,5), le Tunnel de Base permettra de crer une ligne de plaine sous la montagne.

    CONTEXTE GEOLOGIQUE DU TUNNEL DE BASE Avec ses environ 57km de longueur, le Tunnel de Base traversera une grande partie des Alpes, sous des couvertures significatives, souvent suprieures 1000m, voire de prs de 2500m sous le massif dAmbin (Figure 4).

    Figure 4 : Complexit structurale et gologique du Tunnel de Base Les principales units gologiques (et leurs lithologies dominantes) seront les suivantes, douest en est : La zone ultradauphinoise (flysch) ; La zone subbrianonnaise (roches carbonates et sulfates) ; La zone houillre brianonnaise (grs, schistes et charbons) ; La zone brianonnaise centrale (roches carbonates et majoritairement siliceuses) ; La nappe des gypses (roches carbonates et siliceuses) en tant que soubassement de

    la zone pimontaise ; Le Massif dAmbin (roches essentiellement siliceuses) ; La zone pimontaise ct Italie (calcschistes), au sein de laquelle sintercale une

    traverse en souterrain du Val Clarea dans des dpts quaternaires. Le Tunnel de Base rencontrera donc des terrains de nature et de qualit gotechnique trs variable tout au long de son trac, depuis des matriaux meubles (boulis, moraines, alluvions, etc.) jusqu des roches trs dures (micaschistes, gneiss, etc.) voire trs abrasives (quartzites). Les structures sont galement trs varies, depuis des structures plisses jusqu des zones trs fractures, voire broyes. Afin dvaluer le mieux possible la succession des terrains le long du trac et pour anticiper au mieux les difficults techniques lors de lexcavation, de nombreuses campagnes de reconnaissances se sont enchanes depuis le dbut des annes 1990 jusqu aujourdhui. Ces campagnes de reconnaissance, dont les objectifs ont volu au cours du temps, peuvent tre scindes en 4 tapes : De 1990 2000, reconnaissances permettant de connatre le contexte gologique tout

    au long du Tunnel de Base pour en dfinir son trac et sa faisabilit ; De 2000 2002, tudes et reconnaissances complmentaires pour arriver un niveau

    dAvant-Projet Sommaire (APS) ;

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 29 De 2002 2006, reconnaissances complmentaires pour les tudes dAvant-Projet de

    Rfrence et dbut de lexcavation des descenderies ct franais ; Depuis 2006, reconnaissances complmentaires cibles suite aux incertitudes

    rsiduelles identifies la fin de lAPR, poursuite de lexcavation des descenderies et reprise des tudes pour amliorer le trac du Tunnel de Base ct italien suite la forte opposition locale en Val de Suse fin 2005.

    La suite de cet article montre lutilit des reconnaissances gologiques comme support la dfinition du projet du Tunnel de Base au fil de ces diffrentes phases.

    LES RECONNAISSANCES GEOLOGIQUES, SUPPORTS DES ETUDES DE PROJET

    DE 1990 A 2000, LES ETUDES DE FAISABILITE

    Reconnaissances engages Entre 1990 et 1994 (Tableau 1), outre les levs gologiques et structuraux de surface, une vingtaine de forages de 40 1520m de longueur, reprsentant une longueur cumule de 10 340m ont t raliss. Des campagnes de reconnaissance par sismique dune longueur cumule de 73km environ (sismique rfraction, sismique rflexion haute rsolution et sismique en forage), ont galement t ralises. Ces premires reconnaissances avaient pour objectif de prendre connaissance du contexte gologique au sens large (gologie, hydrogologie et gotechnique) sur lensemble du territoire concern par la traverse du Tunnel de Base. En effet, du fait de la couverture importante par rapport louvrage et du contexte structural complexe, les inconnues gologiques taient nombreuses. Parmi les inconnues les plus importantes lever qui pouvaient gnrer une remise en cause de la faisabilit du Tunnel, il faut citer les inconnues hydrogologiques, thermiques ou encore celles lies aux contraintes mcaniques. En effet, pour un ouvrage dune telle envergure, il est ncessaire de caractriser les venues deau, aussi bien en termes de dbit que de charge (possible pression hydrostatique leve, lie lpaisseur de couverture) ou encore de ralimentation (venues prennes ou non) ou de qualit gochimique, aussi bien pour valuer les venues deau qui pourraient tre rencontres durant lexcavation que pour valuer les impacts en surface en cas dinterception en tunnel. Pour cela, de nombreux essais deau ont t raliss en forages (essais Lugeon, essais deau entre packers). Ces essais ont permis dindividualiser des ensembles hydrogologiques au comportement homogne de par leur permabilit et leur qualit gochimique. A partir de ces donnes, les dbits spcifiques ont pu tre valus (L/s/km) ainsi que les secteurs dans lesquels des venues deau ponctuelles plus importantes taient attendues, ce qui a conduit dimensionner un systme dexhaure cohrent. En outre, un rseau dauscultation hydrogologique important a t mis en place depuis 1995 ct franais pour suivre les volutions des ressources hydriques en surface (sources, captages, pizomtres, etc.) et la qualit chimique des eaux. Sur les 45km du Tunnel de Base en territoire franais, des 650 points recenss et caractriss, 150 points,

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    retenus comme les plus reprsentatifs suite aux diffrentes tudes de risques ralises entre 1995 et 2007, sont toujours suivis mensuellement en 2011. Grce cette importante base de donnes, il a t possible didentifier les points considrs risque et de prvoir des mesures alternatives pour viter tout risque de drainage en cas de perturbation avre lors du creusement. De mme, la temprature la cote de louvrage est un paramtre important dterminer pour prciser les zones o des systmes de refroidissement pourraient tre ncessaires. Grce aux digraphies thermiques ralises dans tous les forages, les gradients gothermiques sont bien connus et des modlisations thermiques par conduction ont pu tre engages, en tenant compte galement des effets topographiques et du refroidissement superficiel qui peut exister du fait des circulations deau. Ainsi, les premiers modles ont montr que la temprature au rocher devrait tre suprieure 40C sur une dizaine de kilomtre sous le massif dAmbin pour atteindre un maximum de 47-48C dans la partie la plus profonde de louvrage. Enfin, la couverture souvent suprieure 1000m ou le contexte tectonique peuvent gnrer des contraintes mcaniques fortes, avec pour consquence des phnomnes de dcompression violente, dcaillages, de fluage, de convergence forte, etc.

    TABLEAU 1 : LES CAMPAGNES DE RECONNAISSANCE DE 1990 A 1994

    Reconnaissances par forages Nombre Longueur Secteurs Cumule investigus Forages 20 forages 10 340 m 1, 3, 4, 5, 6, 7 (de 40m 1250m de longueur)

    Reconnaissances par gophysique 1, 3, 4, 5, 6, 7 Sismique rfraction 6 profils 8860m Sismique rflexion HR 42 profils 54 245m Sismique en forage 33 profils 10 094m Les n des secteurs investigus sont reports sur la Figure 5

    Si ces paramtres ne sont pas suffisamment reconnus, ils peuvent engendrer des risques constructifs importants (dbourrage, blocage de lexcavation, etc.) lors de la ralisation de louvrage. Cest pourquoi, de nombreuses reconnaissances ont t engages ds les premires annes dengagement du projet Lyon-Turin. Ces reconnaissances avaient galement pour objectifs dapprhender dautres problmes gotechniques tels que lidentification de zones pouvant librer des gaz nocifs lors de lexcavation, tels que le mthane dans la zone houillre brianonnaise, de zones pouvant contenir des matriaux volutifs (argiles, gypse/anhydrite, etc.) ou toxiques comme lamiante par exemple. Creuser un tel ouvrage gnrant beaucoup de dblais (environ 16 millions de m3 pour le Tunnel de Base), les reconnaissances taient aussi cibles pour caractriser au mieux ces matriaux dexcavation et prvoir un plan de gestion et de valorisation qui limite au maximum la mise en dpt dfinitif et donc limpact sur lenvironnement.

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 31 En 1996, la premire coupe gologique prvisionnelle a ainsi t ralise partir des reconnaissances listes dans le Tableau 1 (Figure 5). A ce stade, de nombreuses incertitudes demandaient un approfondissement des reconnaissances comme en tmoignent les zones blanches sur la Figure 5. Ces incertitudes concernaient plus particulirement la caractrisation du contact zone houillre brianonnaise (zone 3)/zone brianonnaise (zone 4), la caractrisation de la zone brianonnaise elle-mme (zone 4) ou encore la nature des terrains sous la nappe des Schistes Lustrs (zone 5).

    Figure 5 : 1996 Premire coupe gologique du Tunnel de Base (lgende commune avec la Figure 6)

    Figure 6 : 2000 Etudes de faisabilit et coupe gologique du Tunnel de Base Ainsi, de 1995 2000, les campagnes de reconnaissances se sont poursuivies (Tableau 2), avec notamment la ralisation denviron 34km de linaires de forages supplmentaires, soit un peu plus de 44km de linaires de forages pour lensemble des 10 annes de reconnaissance engages depuis 1990. Grce ces 10 annes de reconnaissance, les grandes zones gologiques qui seront traverses par le Tunnel de Base ont pu tre caractrises des points de vue gologique, structural, hydrogologique, gotechnique et gomcanique pour aboutir la coupe gologique prvisionnelle de la Figure 6.

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    TABLEAU 2 : LES CAMPAGNES DE RECONNAISSANCE DE 1995 A 2000

    Reconnaissances par forages Nombre Longueur Secteurs cumule investigus Forages 114 forages 29 241 m 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 (de 15 1450 m de longueur) Forages dirigs 2 4 772 m 4, 5, 6

    Reconnaissances par gophysique Sismique rfraction 56 profils 38 189 m 1, 6, 7 Sismique rflexion HR 17 profils 16 705 m 3, 4, 5 Sismique en forage 121 profils 55 190 m 3, 4, 5, 6, 7 Tomographie sismique 1 profil 500 m 7 Golectrique 4 300 m 6, 7

    Les n des secteurs investigus sont reports sur la Figure 6

    Les principales incertitudes identifies en 1996 ayant pu tre en grande partie reconnues, la faisabilit du Tunnel de Base tait dmontre. La coupe gologique prvisionnelle de la Figure 6 a alors servi de base pour les tudes suivantes que sont les tudes dAvant-Projet Sommaire (APS) et la rdaction des Dossiers de Consultation des Entreprises (DCE) pour la ralisation des descenderies et galeries de reconnaissance. Avant de passer la description de la phase suivante du projet, il est important de noter que la situation gographique (contexte alpin), la complexit structurale et la profondeur consquente de louvrage ont rapidement montr les limites des reconnaissances classiques et ont ncessit la mise en uvre de reconnaissances innovantes. Ces innovations sont exposes brivement dans ce qui suit. Des mthodes de reconnaissance innovantes Le contexte alpin du projet a ds le dpart impos des contraintes significatives pour la ralisation des reconnaissances : accs limits aussi bien gographiquement (pistes de montagne la viabilit restreinte) que climatiquement, les mois dhiver rduisant fortement les possibilits de reconnaissances, voire les rendant impossibles. Outre ces aspects logistiques, des mthodologies innovantes ont t mises en place pour tenter de reconnatre au mieux les terrains la cote du Tunnel de Base. Parmi elles, nous citons les forages dirigs, la modlisation sismique par trac de rais, la recherche doptimisation des essais in situ en forage (essais hydrauliques entre packers, mesures de contrainte, etc.) ou encore la modlisation gothermique. Les forages dirigs sont probablement la plus grosse innovation de cette dcennie de reconnaissances. Caractriss par un mixte entre les techniques ptrolires et minires, ils ont permis de reconnatre, entre 1999 et 2000, environ 2km la cote du Tunnel de Base dans deux secteurs o des incertitudes pouvaient encore remettre en cause la faisabilit du projet ou imposer des contraintes constructives fortes : il sagissait du passage de la zone brianonnaise (zone 4, Figure 6) au soubassement de la nappe des

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 33 Schistes Lustrs (zone 5, Figure 6) avec un risque daccident hydrogologique majeur au franchissement souterrain sous lArc et dun accident intra-micaschistes pouvant comporter un risque hydrogologique comparable celui rencontr par EDF lors de la ralisation des ouvrages hydrolectriques du Mont Cenis, accident qui avait entran des arrts de chantier consquents. Les forages dirigs dAvrieux (pour le franchissement sous lArc) et dEtache (pour laccident intra-micaschistes) ont permis de vrifier que ces deux secteurs ne prsentaient pas de tels risques hydrogologiques et ont permis de reconnatre environ 2km de terrain par carottage la cote mme du Tunnel de Base. Quant la modlisation sismique par tracs de rais (simulation du trajet des ondes dans le terrain), elle a t principalement applique dans la zone de la station de service et de scurit de Modane. Elle a permis, en recoupant lensemble des informations disponibles non seulement par sismique en forage (Profils Simiques Verticaux PSV et Profils Sismiques avec Offset PSO en forages) mais aussi par les forages eux-mmes et leurs essais (diagraphies, essais in situ, etc.), dextrapoler la gomtrie des structures au large de ces forages et de dfinir des complexes hydrogologiques diffrents en fonction de la profondeur.

    DE 2000 A 2002, ETUDES DAPS ET DOSSIERS DE CONSULTATION DES ENTREPRISES POUR LES DESCENDERIES

    Cette phase est marque par des campagnes de reconnaissance plus limites. Elle reprend lensemble des reconnaissances ralises pendant les tudes de faisabilit pour en faire une synthse et prparer les documents dAvant-Projet Sommaire (APS).

    Figure 7 : 2006 Coupe gologique prvisionnelle de lAPR

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    LAPS a t approuv par lEtat franais en 2003. Il a servi de donnes dentre pour la signature du mmorandum dentente entre la France et lItalie en mai 2004. Ce mmorandum a dailleurs permis LTF dengager la phase dtudes suivantes avec la ralisation de lAvant-Projet de Rfrence (APR) de la partie commune, phase dcrite dans le paragraphe suivant. Sur la base des donnes de lAPS, LTF a galement engage une Enqute Publique en France qui a abouti, en Dcembre 2007, la Dclaration dUtilit Publique (DUP) de la section sur le territoire franais de la partie commune du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, soit les 45 premiers km du Tunnel de Base. Les lgislations tant diffrentes en France et en Italie, la DUP ct italien ne pourra tre prononce quaprs approbation du Progetto Definitivo (proche dun niveau APD), soit dici fin 2012/dbut 2013 selon les prvisions de planning actuelles. Enfin, les rsultats des reconnaissances ralises entre 1990 et 2000 ont permis de rdiger les Dossiers de Consultation des Entreprises des descenderies de St-Martin-La-Porte, La Praz, Villarodin-Bourget/Modane pour le ct franais, et de la galerie de reconnaissance de Venaus pour le ct italien.

    DE 2002 A 2006, APR ET EXCAVATION DES DESCENDERIES

    Pour prciser le modle gologique de lAPS et complter la caractrisation des terrains dans certains secteurs o la densit de reconnaissance restait faible comme en particulier dans la zone houillre brianonnaise, le soubassement de la nappe des Schistes Lustrs ou encore la traverse lair libre du bassin de St-Jean-de-Maurienne, des campagnes de reconnaissances complmentaires ont t engages entre 2002 et 2006. Elles concernent prs de 11km de linaire de forage, quelques profils de sismique hybride et le dbut de lexcavation des descenderies de Villarodin-Bourget/Modane et St Martin La Porte (Tableau 3). TABLEAU 3 : LES CAMPAGNES DE RECONNAISSANCE DE 2002 A 2006

    Nombre Longueur Secteurs cumule investigus Reconnaissances par forages Forages 58 forages 10 983 m 1, 2, 3, 7 (de 15 1231 m de longueur)

    Reconnaissances par gophysique Sismique hybride 6 profils 3 562 m 3, 6 Reconnaissances par descenderies Descenderies de Villarodin-Bourget/Modane 2 400 m 3, 4 et St-Martin-La-Porte

    Ces reconnaissances ont ainsi permis de raliser les tudes de lAvant-Projet de Rfrence entre 2004 et 2006, tudes qui ont abouti la coupe gologique prvisionnelle illustre en Figure 7. Par rapport lAPS, elles ont permis de prciser le contexte gologique et structural de la zone houillre brianonnaise et du soubassement de la nappe des Schistes Lustrs. La

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 35 zone houillre brianonnaise (zone 3) a ainsi t subdivise en 4 units en fonction des structures et des lithologies observes en surface et dans la descenderie de St-Martin-La-Porte. Ces units sont, douest en est, les units des Encombres, du Brequin-Orelle, de La Praz et de Fourneaux. Quant au soubassement de la nappe des Schistes Lustrs (zone 5), il est caractris par une alternance de roches sulfates (anhydrite en majorit) et carbonates (calcaires et dolomies) appartenant une nappe de gypse. Des modlisations pousses ont galement t menes pour ce qui concerne les aspects thermiques et hydrogologiques. Les modlisations gothermiques ont permis de prciser les zones dans lesquelles seraient ncessaires des installations de refroidissement. Quant aux modlisations hydrogologiques, grce aux nombreux essais deau entre packers et aux retours dexprience du premier kilomtre de la descenderie de Villarodin-Bourget/Modane et des grands ouvrages alpins profonds dj raliss (tunnels du Mont-Blanc, du Simplon, du Loetschberg, etc.), elles ont permis de prciser les dbits instantans, spcifiques et stabiliss attendre le long du Tunnel de Base pour dimensionner les installations dexhaure tant en phase de chantier que dexploitation. Grce ces nombreuses tudes et reconnaissances, les mthodes de construction, ainsi que les plannings et les cots du Tunnel de Base ont pu tre fiabiliss. Toutefois, des incertitudes subsistaient encore en particulier dans la zone sub-brianonnaise o les difficults daccs rduisent les possibilits de reconnaissance, dans la zone houillre brianonnaise, la descenderie de St-Martin-La-Porte y rencontrant de grandes difficults techniques du fait de convergences marques lors de lexcavation de lunit des Encombres, pour valider limplantation de la station souterraine de service et de scurit ou encore dans la nappe des gypses.

    DEPUIS 2007

    Reconnaissances engages Pour lever les incertitudes rsiduelles de lAPR prcdemment exposes, des reconnaissances par levs de terrain gologiques et structuraux trs dtaills et par forages ont t raliss (Tableau 4). Des forages ont galement t raliss dans le dernier kilomtre de la descenderie de Villarodin-Bourget/Modane en direction des installations de service et de scurit pour vrifier les caractristiques des terrains et la faisabilit des infrastructures complexes dans cette zone.

    TABLEAU 4 : LES CAMPAGNES DE RECONNAISSANCE DEPUIS 2007

    Nombre Longueur Secteurs cumule investigus Reconnaissances par forages Forages 23 forages 7 770 m 1, 2, 3, 4, 7 (de 200 1231 m de longueur) 10 en descenderie

    Reconnaissances par descenderies Descenderies de Villarodin-Bourget/Modane, 8 880 m 3, 4 La Praz et St-Martin-La-Porte

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    Ces reconnaissances ont permis de lever une partie des incertitudes avec notamment la vrification dune amlioration des terrains, douest en est, pour la zone houillre brianonnaise. Les apports de ces reconnaissances seront intgrs dans la mise jour de la coupe gologique prvisionnelle de lAPR lors de la rvision de ce mme APR en 2011-2012. Quant au tronon du Tunnel de Base ct italien, il a ncessit une reprise de trac suite la forte opposition locale en Val de Suse, fin 2005. Un Commissaire Extraordinaire du Gouvernement Italien a t nomm et une concertation mise en place par le biais dun Observatoire Technique. Cette concertation a abouti la dfinition dun nouveau trac qui a conduit lallongement de quelques kilomtres du Tunnel de Base (57km actuellement contre les 53km de lAPR) pour dcaler la tte de cet ouvrage lEst de Suse. Les tudes ont donc t approfondies sur la base de ce nouveau trac, en particulier grce au retour dexprience des ouvrages dj raliss dans ce secteur (installations hydrolectriques de Pont Ventoux, tunnels de lautoroute A32, etc.). Elles se sont conclues par la remise dun Progetto Preliminare en Aot 2010, lequel est en cours dinstruction par les services de lEtat italien. Apports des descenderies Ct franais, la ralisation des 3 descenderies a permis dexcaver prs de 9km de terrain en mthode traditionnelle. La descenderie de Villarodin-Bourget/Modane, initie fin 2002, a confirm lexistence sur son premier kilomtre dun aquifre superficiel au sein de quartzites et cargneules, caractristique dun aquifre fissural drainant des eaux superficielles mais qui natteint pas la cote du Tunnel de Base. Interrompue en mai 2004 pour des raisons contractuelles, lexcavation des 3km suivants a repris fin 2005 pour se terminer en novembre 2007. Mme si elle a bien vrifi la complexit structurale (nombreux plis et cailles tectoniques, Figure 8), elle a surtout montr la bonne qualit gotechnique des terrains et labsence de venues deau, ce qui a permis de confirmer limplantation de la station souterraine de service et de scurit de Modane.

    Figure 8 : Fronts de taille de la descenderie de Villarodin-Bourget/Modane reprsentatif de la complexit structurale du secteur de la station souterraine

    Photo 1 - PM 2461 Plis au sein du Permo-Trias (r-t) : alternance de quartzites micacs vert (Qm) micaschistes gris clair (M-g

    Photo 2 - PM 3237 Alternance de micaschistes (SV) et de quartzites phylliteux (r-t). Traits rouges : fractures

    Photo 3 - PM 3950 Front le plus tectonis rencontr par la descenderie : contacts faills entre micaschistes de lArpont (MAr) et quartzites phylliteux (r-t

    SV

    SV

    SV

    r-t

    MAr

    r-t r-t

    r-t

    MAr

  • Projet ferroviaire Lyon-Turin - Reconnaissances gologiques pour le Tunnel de Base 37 Lexcavation de la descenderie de St-Martin-La-Porte a dbut en 2003. La premire partie dans les carbonates de la zone subbrianonnaise, puis dans lanhydrite du front du houiller, sest rvle de trs bonne qualit et avec des venues deau trs faibles, ce qui a contribu des avancements moyens de lordre de 8m/j. Par contre, des convergences importantes (Figure 9) ont remis en cause les mthodes dexcavation lors de la traverse de lunit des Encombres (zone houillre brianonnaise). Des adaptations des cycles dexcavation ont donc d tre mises en place pour dpasser ce problme constructif, adaptations qui ont pu tre dautant mieux gres que lon se trouvait dans une phase de reconnaissance et non de ralisation du Tunnel de Base lui-mme.

    Figure 9 : Rduction de gabarit dans la descenderie de St-Martin-La-Porte du fait de convergences marques.

    Enfin, lexcavation de la descenderie de la Praz, dbute en Janvier 2006, a permis de reconnatre principalement lunit de Fourneaux (unit la plus orientale de la zone houillre brianonnaise) alors que lunit de La Praz y tait attendue. Cet ouvrage a donc permis de caractriser prcisment lunit de Fourneaux en termes de rpartition lithologique, structures et rgime aquifre, avec une extrapolation relativement fiable vers le Tunnel de Base. Le retour dexprience des donnes acquises lors de lexcavation de ces 3 descenderies sera intgr dans la rvision de lAPR prvue en 2011-2012.

    CONCLUSIONS Les 20 annes de reconnaissance ralises pour le projet du Tunnel de Base ont donc permis daffiner le modle gologique au fur et mesure des diffrentes phases de conception. Au final, ce sont plus de 200 forages qui ont t raliss reprsentant plus de 60km de linaire (soit plus dun mtre de forage par mtre linaire de tunnel), 205 profils

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    de sismique reprsentant presque 200km dacquisition, 3 descenderies reprsentant presque 9km de tunnels. Lensemble de ces reconnaissances a donc permis de fiabiliser le modle gologique le long du Tunnel de Base. A ce jour, les plus grandes incertitudes sont leves. Mme si certains points restent encore prciser, il parat difficile de le faire partir de reconnaissance depuis la surface. Des reconnaissances lavancement cibles dans ces zones prsentant encore quelques interrogations seront le meilleur moyen pour reconnatre et anticiper les ventuels problmes techniques lors de lexcavation du Tunnel de Base. En conclusion, aprs 20 annes de reconnaissances ayant permis la mise au point de mthodes novatrices, LTF a pu prciser la consistance des ouvrages (gomtrie, section dexcavation, mthode dexcavation, dlai dexcution, etc.), et lenveloppe financire prvisionnelle de la section transfrontalire du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui devrait ainsi pouvoir tre ralise dans un dlai de 10 ans partir du premier coup de pioche .

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] P. Antoine, D. Fabre, G. Mnard : Contraintes lies la gologie pour les projets de

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  • 40 GEOLOGIE DE LINGENIEUR ENGINEERING GEOLOGY

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  • TUNNEL FERROVIAIRE DE VIERZY : VIEILLISSEMENT, ALTERATION DES MAONNERIES CALCAIRES. CAUSES DE

    LEFFONDREMENT CATASTROPHIQUE DU 16 JUIN 1972

    MARCEL ARNOULD 6 rue Carrire Marle, 92340 Bourg-la-Reine, France

    RESUME Le tunnel ferroviaire de Vierzy a t creus en 1859-60 dans des sables cuisiens sous 38m de couverture essentiellement de calcaires luttiens. Laccident est d leffondrement de 15m de longueur de vote maonne et de 4m dpaisseur de calcaires du Luttien infrieur. Une premire cause est une malfaon la construction du clavage de la maonnerie de la vote, entre deux sections dexcavation. En 1914 un effondrement volontaire militaire a cr une cathdrale de 17m de haut, 50m de longueur en axe, 10 000m3 dboulis, 20m de la limite sud de leffondrement de 1972. Lbranlement a provoqu laffaissement des formations du Luttien infrieur sur la vote. Les fumes de la traction vapeur ont dpos des suies contenant des sulfures et du charbon imbrl dans les vides ainsi crs et dans les hors profils, la maonnerie et les mortiers caverneux. Ceci a permis le dveloppement dune altration sulfurique, acide, acclre par un processus bactrien sur les mortiers et les moellons calcaires et rduit la portance de la vote. A lintrados la glifraction a provoqu des rductions dpaisseur des moellons tendres et glifs avec chutes de fragments altrs. Le dgarnissage dun rouleau de parement dgrad, en briques, purg pour remplacement par du bton projet a t la cause finale. Deux trains de voyageurs se sont presque simultanment encastrs dans lboulis faisant 108 morts. Cest la troisime plus grande catastrophe de lhistoire ferroviaire franaise.

    MOTS-CLES : Tunnel ferroviaire, Effondrement, Luttien, Calcaires, Suies, Altration, Bactries, Glifraction.

    ABSTRACT The Vierzy railway tunnel was excavated in 1859-1860 in Cuisian sands below 38m of essentially Lutetian limestones. The accident is due to the collapse of the roof of the tunnel on a 15m long section and of about 4m thick Lower Lutetian formations. The initial cause of the collapse is a defect, at construction time, in the keystone zone of the masonry of the circular vault, at the joint between two sections of excavation. In 1914 a war destruction with explosives created a collapse and a cathedral 50m long, 17m high, and a cone of 10 000m3 debris at 20m of the 1972 collapse. The shaking provoked the sinking of Lower Lutetian formations on the masonry, at a distance, Middle Lutetian staying as a slab. Fumes of steam trains deposited soots with coal and sulphides (pyrite) particles in voids of the ground and of the masonry up to in cavernous mortar. This permitted a sulfuric acid alteration, increased by bacterial processes, changing

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    carbonates into soluble sulfates (gypsum). It lowered the resistance of the vault and permitted the fall of quarry stones. At the inner surface freezing caused a progressive fall of debris and reduction of thickness of the masonry. Thin facing rolls of bricks or concrete were placed here and there as a protection. The removing of a section of such a roll of bricks, altered, to be substituted with concrete was the final cause. One limit of the removed section coincides with one limit of the collapse. On June 16, 1972, two passenger trains crossed into the tunnel at a small interval and collided with the cone of debris. There were 108 deaths. It is the third most important catastrophe in French railway history. KEY-WORDS: Railway tunnel, Collapse, Lutetian limestones, Soots, Alteration, Bacteria, Freezing.

    LACCIDENT DU 16 JUIN 1972 Le tunnel de Vierzy, deux voies, est situ sur la ligne Paris-Soissons environ 10km au sud de Soissons. Aprs 31 trains dans la journe, une locomotive haut-le-pied est passe dans le tunnel 20h23 sans relever danomalie. A 20h55 un autorail venant de Paris sa vitesse normale de 108km/h sest encastr dans une masse boule. Dans lautre sens 20h56 un autorail venant de Laon a fait de mme 90km/h. Bilan : 108 morts et 110 blesss. Cest la troisime plus grande catastrophe de lhistoire ferroviaire en France. Selon laxe du tunnel lboulement a affect 15m linaires de vote entre les PK 94,760 et 94,775. Lboulis dun volume total de 460m3 a atteint 5m de hauteur maximale au-dessus du niveau du rail et la cloche deffondrement 5m au dessus de lintrados du tunnel.

    LE TUNNEL : PROJET, RECONNAISSANCE ET CONSTRUCTION Le tunnel de Vierzy a t construit en 1860-1861 par la Compagnie du Chemin de Fer du Nord. Il a une longueur de 1401m (PK 94,208 PK 95,609). Le trac en plan (Figure 1) comporte des courbes probablement imposes par la topographie du recouvrement.

    Figure 1 : Trac en plan (daprs Archives SNCF) Le profil en long (Figure 2) a une pente rgulire de 3mm/m du sud vers le nord, linverse du pendage gnral, faible, du Bassin parisien. La hauteur de recouvrement va

  • Le tunnel ferroviaire de Vierzy (France). Causes de leffondrement de 1972 43

    de 30m 38m, sous des terres cultives. Du point de vue gologique lide tait un creusement dans les sables fins du Cuisien sous une couverture de calcaires luttiens.

    Figure 2 : Profil en long et coupe gologique simplifie (Archives SNCF) En section transversale (Figure 3) louvrage fait 8m de largeur entre des pidroits verticaux de 2m de haut en intrados. Une vote circulaire maonne de 4m de rayon sappuie sur les pidroits. Le tunnel a donc 6m de hauteur en axe. Il ny a pas de radier.

    Figure 3 : Profil en travers et coupe de la cloche deffondrement, lvre sud (daprs Archives SNCF)

  • 44 GEOLOGIE DE LINGENIEUR ENGINEERING GEOLOGY

    La reconnaissance pralable a t faite en 1857-1859 par 7 puits verticaux de 4m 5m de diamtre dans laxe du tunnel et par deux galeries de 2,15m de largeur et de hauteur au dessus du futur tunnel : lune de 600m partait de lentre nord, lautre partait de lentre sud vers le nord sur 280m. La planification du creusement des tunnels avec les moyens de perforation et darage de lpoque consistait crer grce des puits intermdiaires foncs jusquau niveau de louvrage et dans son axe autant de points dattaque quil en fallait en plus des deux entres pour un achvement dans des dlais de lordre de 30 mois avec des avancements de 12m 15m par mois. Ici 5 sections taient prvues : deux de 250m, partir de chacune des entres et trois de 300m, chacune desservie par trois puits de service. Les documents darchives donnent des indications parfois contradictoires. Ainsi la section commenant lextrmit nord aurait eu 325m de longueur, suivie dune section de 250m. Le creusement a t particulirement rapide. Il a dur 22 mois et demi, du dbut janvier 1860 au 15 novembre 1861. Il a t excut avec la mthode belge en commenant par une galerie de fate, de 3m sur 3m, boise, ensuite largie en vote avec tayage puis creusement du stross et confection des pidroits et de la vote maonne.

    GEOLOGIE

    STRATIGRAPHIE ET LITHOLOGIE

    Nous sommes dans le Tertiaire du Bassin parisien, plus prcisment dans lEocne, tages Luttien et Cuisien. Une coupe simplifie de la colline selon le profil en long du tunnel (Figure 2) montre sous une couverture de formations superficielles un massif de calcaires luttiens surmontant des sables cuisiens dans lesquels est creus le tunnel. Celui-ci est donc cens avoir un toit de calcaire luttien. Le contact Luttien/Cuisien parat plan et subhorizontal. La ralit est un peu diffrente. Le contact entre Cuisien et Luttien prsente des ondulations (Figure 4) ce qui, outre son contre pendage, conduit le tunnel pente rgulire ne pas rester inscrit exactement dans le mme niveau. Du point de vue stratigraphique et lithologique et du haut vers le bas on rencontre, sous les champs cultivs et les formations superficielles de la colline : Luttien suprieur : pour mmoire, alternance de niveaux marneux et de bancs durs

    (caillasses) ; Luttien moyen : ensemble rocheux, calcaire, avec une superposition de bancs de

    facis un peu diffrents, tous exploits comme matriaux de construction dans toute la rgion parisienne. Notamment, ici, du haut vers le bas : le banc royal, rput le meilleur, le Vergel avec un banc vrins puis, la base du Luttien moyen, un banc de 3m 6m dpaisseur, le calcaire de Saint-Leu . Cest ce banc qui constitue la dalle visible au toit de la cloche deffondrement (Figure 3). Cest un calcaire tendre et glif. Nanmoins il a t largement utilis rgionalement dans le btiment. Dans le tunnel, la grande majorit des moellons employs sont en calcaire de Saint-Leu : 87% de la longueur des sondages carotts dans la maonnerie ont recoup des moellons de ce calcaire. Une carrire souterraine abandonne de part et dautre au-dessus du tunnel a exploit les principaux bancs de calcaire dont le banc royal et le calcaire de

  • Le tunnel ferroviaire de Vierzy (France). Causes de leffondrement de 1972 45

    Saint-Leu. On y accdait par un puits galement abandonn mais elle reste accessible par la cathdrale , ancienne cloche deffondrement dune destruction militaire en 1914. Cette carrire ne stend pas jusqu leffondrement. Elle sarrte environ 5m de sa lvre sud.

    Figure 4 : Logs du Luttien infrieur de Vierzy, daprs un sondage situ 10m de laxe du tunnel PK 94,772 ([1]) Luttien infrieur (Figure 4) : Environ 5m dpaisseur totale. Sous le calcaire de

    Saint-Leu vient dabord un banc de lumachelles accumulation de coquilles de Lamellibranches consolides en roche tendre - avec abondance de Nummulites do le nom de pierre liards vers la base du banc dont lpaisseur peut atteindre 1m. On continue vers le bas par une alternance de bancs calcaires alternativement durs et tendres, souvent sableux, sur environ 2,5m. Puis 1m 2m dune formation de faluns, sables coquilliers ciment sableux ou sablo-argileux, parfois ciments en lentilles mais carrment pulvrulents leur base. Marqu par la prsence de glauconie verte, cet ensemble de formations plus ou moins sableuses denviron 2m dpaisseur est dnomm glauconie grossire . Le passage aux sables cuisiens siliceux sous-jacents se fait par un mlange de sables calcaires et siliceux, produits du remaniement du sommet du Cuisien. La totalit des formations du Luttien infrieur se retrouve en dsordre dans le cne dboulis. On a pu y constater quau moins un quart du volume total tait sableux. Le Luttien infrieur comporte donc dans sa partie suprieure des bancs de calcaire compact intercals avec des niveaux de roches tendres ou/et friables. Ils ont pu tre confondus par les constructeurs avec la vritable dalle du

  • 46 GEOLOGIE DE LINGENIEUR ENGINEERING GEOLOGY

    calcaire de Saint-Leu. Il a pu en aller de mme avec des lentilles consolides dans la Glauconie grossire friable et sableuse. Les parois de la cloche deffondrement montrent que la vote est essentiellement dans la Glauconie grossire et que le haut de la vote avec lencoche de la galerie de fate atteint un banc de calcaire au-dessus du sommet de la Glauconie grossire . Il ny a donc gure plus de 3m 3,50m de recouvrement jusquau vide ouvert sous la dalle du calcaire de Saint-Leu laquelle une partie des lumachelles du sommet du Luttien infrieur reste attache. Moins de 4m en toute hypothse.

    Cuisien : alors que tout le Luttien est calcaire, le Cuisien est reprsent par des sables siliceux fins assez homognes qui se poursuivent assez profondment sous le radier du tunnel. Dans leur partie suprieure la prsence de quelques minces couches dargile sur les 2 2,5 premiers mtres les a fait identifier sous le nom d argiles de Laon .

    DONNEES STRUCTURALES

    Le contact Luttien-Cuisien nest pas subhorizontal comme attendu. Il prsente des ondulations bien visibles (Figure 5).

    Figure 5 : Coupe gologique du tunnel et vides dans les sondages (daprs archives SNCF, [1])

  • Le tunnel ferroviaire de Vierzy (France). Causes de leffondrement de 1972 47

    HYDROGEOLOGIE Le tunnel est hors deau. On y observe uniquement des infiltrations deaux de surface dont le temps de transit est de lordre du mois sous forme de suintements et traces dhumidit. Les rares ruissellements sont drains par les caniveaux.

    KARSTIFICATION DES CALCAIRES LUTETIENS VIDES ET DEPOTS DE SUIE DANS LE LUTETIEN INFERIEUR Des cavits de dissolution karstique sont connues dans les calcaires luttiens de la rgion. Mais il ny en a pas dans le massif au-dessus du tunnel. Jen ai personnellement recherch sans succs. Il existe seulement quelques rares rubfactions de surfaces de fissures ou de leur remplissage. Ceci est logique. Le tunnel est laplomb dun point haut. Linfiltration est insuffisante pour des dissolutions significatives. Par contre les 5m dpaisseur du Luttien infrieur prsentent des vides dus la construction et aux avatars de la vie du tunnel : Un important vide longitudinal de 0,30m 0,50m de hauteur spare la dalle du

    calcaire du Luttien de Saint-Leu du sommet du Luttien infrieur affaiss. Il a t dcouvert dans la coupe offerte par la cloche deffondrement. Il se prolonge au moins jusqu la cathdrale . Il est tapiss de suie. Il est donc ancien et bien antrieur leffondrement de 1972. Il est vraisemblablement une consquence de la destruction militaire volontaire de septembre 1914 qui a cr la cathdrale. Lexplosion de mines places au niveau de lancienne carrire souterraine a pu provoquer le dcollement de lensemble du Luttien infrieur et son affaissement vertical en crasant la galerie de reconnaissance.

    De nombreux vides marqus de suie sont dans lpaisseur des terrains du Luttien infrieur. Ils taient bien visibles dans les parois de la cloche deffondrement, dans les joints de stratification. Beaucoup dautres ont t reconnus grce aux nombreux sondages postrieurs laccident de 1972 (Figure 5). la plupart sont partiellement ou totalement remplis de suies dposes par les fumes de la traction vapeur qui na disparu quen 1965 au profit de la traction diesel. Ces dpts sont impressionnants. Ce ne sont pas des films. On observe des accumulations de plusieurs centimtres dpaisseur. En moyenne selon F.M Pellerin [1] il y a 20cm de vide par sondage en cl mais 5 sondages sur 39 nen ont pas rencontr. Il est vraisemblable que ces vides correspondent des dcollements irrguliers entre diffrents niveaux du Luttien infrieur. Leur origine est rapprocher de celle du dcollement principal indiqu plus haut. Lobservation des boulis a montr des blocs aplatis, de diverse nature, avec des couvertures de suies. Il est galement vraisemblable que le talutage des sables cuisiens (voire de la base du Luttien infrieur) a contribu ces dcollements.

    Des dpts de suies sont galement abondants lextrados du tunnel, dans les hors-profil, sur les moellons de bourrage et au sein de la maonnerie elle-mme, dans des fissures et jusque dans des parties caverneuses des mortiers.

    Ces vides forment un rseau dans lequel les fumes ferroviaires se sont propages comme dans une chemine des distances notamment horizontales de plusieurs dizaines de mtres. Ceci a t confirm par un essai le 6 octobre 1974. Une cartouche

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    fumigne dune dure de 10 minutes a t introduite 1,50m dans un forage vertical en cl au PK 94,805, 30m de la limite nord de la cloche deffondrement (PK 94,775). La fume a atteint le dcollement au toit de la cloche deffondrement aprs seulement 3 minutes.

    LA CLOCHE DEFFONDREMENT ET LEBOULIS La cloche deffondrement a une hauteur maximale de 5m au-dessus de lintrados du tunnel et une longueur de 15m selon son axe longitudinal (PK 94,760 PK 94,775). Sa lvre sud est laplomb exact de la limite dune section dun chantier de rfection dune contre-vote en briques dgrade et purge lintrados du tunnel, reste provisoirement dgarnie deux mois avant laccident avant son remplacement par du bton projet. La limite entre le 2me et le 3me lot de construction est donne entre les PK 94,755 et PK 94,760, donc sensiblement la lvre sud de leffondrement. Selon dautres documents darchives elle pourrait aussi tre dans les 5 premiers mtres de la zone effondre, cot nord. On sait que la confection de la vote maonne et du clavage de cl sont particulirement difficiles au raccord de lots dont les attaques partaient en sens oppos.

    Le toit de la cloche est la dalle du calcaire de Saint-Leu, base du Luttien moyen laquelle reste soude une certaine paisseur des lumachelles du sommet du Luttien infrieur. Cest cette dalle - qui est en ralit constitue par lensemble du Luttien moyen - que les constructeurs auraient aim avoir au toit du tunnel. Lexamen des parois montre que les naissances de la vote commencent dans des sables verts mais encore calcaires, extrme base du Luttien infrieur, transition avec le Cuisien. Au-dessus on identifie la glauconie grossire . Le sommet de la vote et lencoche de la galerie de fate sont dans un calcaire coquillier. On peut en conclure que seules les formations du Luttien infrieur se sont boules. En cl, leur paisseur nest gure plus de 3m 3,5m, infrieure 4m. Sur les parois de la cloche le vide denviron 0,30m 0,50m de hauteur mentionn plus haut, tapiss de suie, senfonce sous la dalle du calcaire de Saint-Leu vers le sud et vers le nord selon laxe du tunnel. On a pu montrer quil est continu jusqu la cathdrale, environ 20m au sud. Dautres vides remplis ou souligns de suie sont visibles dans les parois.

    Enfin, ct sud, la partie hourde (lie au mortier, un peu sommairement) est rduite une paisseur de 0,20m (au lieu des 0,70m attendus) sur plus de 1m de large. Il y a eu mauvaise excution malfaon lors de la construction. Les boulis sont trs sableux, calcaires, avec des blocs dont certains, friables, se sont effrits, des moellons et des blocs de maonnerie. Tous les niveaux stratigraphiques du Luttien infrieur sy trouvent mlangs. Certains blocs se trouvaient en position verticale. Le volume total des boulis a t valu 460m3.

  • Le tunnel ferroviaire de Vierzy (France). Causes de leffondrement de 1972 49

    VIEILLISSEMENT AVATARS SIGNIFICATIFS DE LA VIE DU TUNNEL

    DESTRUCTIONS MILITAIRES.

    La liste est impressionnante. 1870 : destruction par mines de deux tronons de 30m et de 14m de long, entre les

    PK 95,120 et PK 95,220 (la position exacte nest pas connue avec prcision), suivie de reconstruction en 1873.

    1er septembre 1914, 5 fourneaux de mines placs au plancher de la carrire souterraine de calcaire cite supra ont provoqu un effondrement sur 50m de longueur en axe entre les PK 94,690 et PK 94,740 et 17m de hauteur. 10 000m3 dboulis ont t abattus ( comparer aux 460m3 de 1972). Les piliers de la carrire ont t fissurs. Ils ont d tre renforcs et dautres piliers ont d tre construits pour soutenir le toit. Le plancher de cette carrire tant en calcaire de Saint-Leu, sa vibration a pu provoquer le dcollement des formations sous-jacentes du sommet du Luttien infrieur, ce dcollement se prolongeant jusqu la zone de leffondrement de 1972 une vingtaine de mtres de distance et au-del.

    juillet 1918, destruction dun tronon de 40m au voisinage de la tte sud entre les PK 94,210 et PK 94,250.

    9 juin 1940, aux deux extrmits, PK 94,250 PK 94,280 et PK 95,550 PK 95,570. RESCINDEMENT

    En 1957 le souterrain a t rescind, par places, pour dgager le gabarit TZ et permettre le transport de gros matriels militaires. La zone de laccident de 1972 naurait pas t concerne.

    EBOULEMENT DE 1875

    Un compte rendu en archives fait tat dun boulement le 24 janvier 1875, 315m de la tte nord, laplomb exact dun puits not Puits n 2 . Cette numrotation indiquerait un puits dextraction. On serait donc l encore la jonction entre deux lots dexcavation. Mais ceci saccorde mal avec la distance de lentre nord : 315m alors que la longueur de cette section dentre est de 250m dans le projet. Sagirait-il plutt dun puits de reconnaissance qui aurait d tre not par une lettre majuscule ? Le volume de dblais nest pas indiqu. Selon un croquis, la cloche de fontis avait un volume sensiblement infrieur celui de 1972. Lorigine de linstabilit a t attribue un dfaut de boisage de la base du puits. Heureusement aucun train ne passait ce moment et on a pu arrter temps le train de Paris .

    LA VOUTE EN MACONNERIE En section la vote hmicirculaire de louvrage a un rayon de 4m. Elle sappuie sur des pidroits verticaux de 2m de hauteur et de 1,40m 1,75m dpaisseur. Dans laxe la cl de vote est 6m au-dessus du radier. Elle est constitue de moellons calcaires appareills lis par un mortier la chaux. Les moellons sont essentiellement du calcaire de Saint-Leu, local, malheureusement tendre et glif. Le mortier est fait de sables issus de lexcavation et de chaux de Tournai.

  • 50 GEOLOGIE DE LINGENIEUR ENGINEERING GEOLOGY

    La vote tait cense avoir une paisseur totale de 1,40m 1,70m aux naissances et de 0,70m 0,90m en cl. Un rouleau de parement pais de 0,20m en briques cuites sur place lies par un mortier tait quelquefois ajout lintrados. A lextrados, des moellons non taills plus ou moins lis par un mortier de chaux taient utiliss en remplissage de vides de construction (hors-profil, parties rsiduelles de la galerie de fate, etc.). Ces paisseurs nont pas toujours t respectes. Un sondage quelques mtres de lboulement ct sud na recoup que 0,55m de moellons appareills surmonts de 0,20m de moellons lis par un mor