ossier pâtisserie orientale : des cuisines aux vitrines · une sorte de macaron oriental »...

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«t out petit, j’étais passionné en voyant ma mère faire des pâtisseries à la maison, pendant des heures et des heures. A l’âge de 8 ans déjà, je faisais mes propres gâteaux » se rappelle Ali Djellal. Le fondateur et gérant de la pâtisserie Trésors sucrés au Kremlin-Bicêtre dans le Val de Marne, incarne bien comment la pâtisserie orientale est sortie des fours domestiques pour se retrouver sur les étals et dans les vitrines les plus courues. Lancée en 1994, la pâtisserie vendait au départ des classiques français et toutes sortes d’entremets. « Nous ne proposions que quelques sortes de pâtisseries algériennes, avec du glaçage coloré ». Puis la demande est devenue plus importante, plus précise. « Nous avons décidé de nous spécialiser dans l’oriental assez vite. Nous avons fait partie des précurseurs en France ». Aujourd’hui, avec 14 salariés, Ali Djellal cherche sans cesse à se démarquer. Il produit avec 40 % de sucre en moins, sans gluten ou encore sans œufs pour éviter les allergies. L’offre s’étoffe de plus en plus. D OSSIER pâssie ori : d isin aux vrin Confectionnée patiemment dans les cuisines des ménagères, la pâtisserie orientale est devenue un incontournable de la culture maghrébine en France. Mais aussi un réel business.

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Page 1: OSSIER pâtisserie orientale : des cuisines aux vitrines · une sorte de macaron oriental » compare Ali Djellal. Les tables des jeûneurs sont traditionnellement décorées d’assiettes

«t out petit, j’étais passionné en voyant ma mère faire des pâtisseries à la maison, pendant des heures et des heures. A l’âge de 8 ans déjà, je

faisais mes propres gâteaux » se rappelle Ali Djellal. Le fondateur et gérant de la pâtisserie Trésors sucrés au Kremlin-Bicêtre dans le Val de Marne, incarne bien comment la pâtisserie orientale est sortie des fours domestiques pour se retrouver sur les étals et dans les vitrines les plus courues. Lancée en 1994, la pâtisserie vendait au départ des classiques français et toutes sortes d’entremets.

« Nous ne proposions que quelques sortes de pâtisseries algériennes, avec du glaçage coloré ». Puis la demande est devenue plus importante, plus précise. « Nous avons décidé de nous spécialiser dans l’oriental assez vite. Nous avons fait partie des précurseurs en France ». Aujourd’hui, avec 14 salariés, Ali Djellal cherche sans cesse à se démarquer. Il produit avec 40 % de sucre en moins, sans gluten ou encore sans œufs pour éviter les allergies. L’offre s’étoffe de plus en plus.

DOSSIER

pâtisserie orientale : des cuisines aux vitrines

Confectionnée patiemment dans les cuisines des ménagères, la pâtisserie orientale est devenue un incontournable de la culture maghrébine en France. Mais aussi un réel business.

Page 2: OSSIER pâtisserie orientale : des cuisines aux vitrines · une sorte de macaron oriental » compare Ali Djellal. Les tables des jeûneurs sont traditionnellement décorées d’assiettes

La transmission familiale c’est aussi l’histoire de la maison Masmoudi. La célèbre pâtisserie fine fondée en 1972 à Sfax en Tunisie, est née des mains expertes de Madame Masmoudi qui a passé le flambeau à ses enfants puis petits-enfants. « Ma grand-mère a été la première à vendre ses pâtisseries. Une partie de la maison familiale a été aménagée en boutique » raconte Ali Ben Messaoud, directeur marketing. Aujourd’hui, Masmoudi c’est 25 points de vente entre la France et la Tunisie, 700 salariés et 15 millions d’euros de CA global. Avec une boutique placée boulevard Saint-Germain à Paris, une charte identitaire signée par Gérard Caron, célèbre designer français, des petites bouchées présentés dans des boîtes inspirés de l’écrin à bijoux, la Maison soigne sa communication. « Nous voulons garantir du haut de gamme avec plus de 150 références de produits ».

« Le macaron oriental » Les anciennes générations de ménagères maghrébines ont passé l’âge de cuisiner des journées entières... Leurs filles sont insérées dans la vie active et n’ont pas ce temps libre à passer aux fourneaux. Mais toutes ont bien intégré l’importance de la pâtisserie dans la culture. En conséquence, acheter en boutique est devenu plus naturel. Côté prix, l’amplitude est variable selon la qualité des ingrédients avec des propositions à la pièce ou au kilo. Le prix des pièces va également varier selon le poids avec des gammes allant de la mignardise à la pièce d’une taille plus conséquente.

Certains pâtissiers proposent également leurs produits en ligne via les réseaux sociaux avec des offres par plateau, autour de 20 euros pour une quinzaine de pièces par exemple. Entre l’entrée de gamme et le haut de gamme, la différence c’est l’amande. La qualité de la poudre de ce fruit sec à écale est le curseur gastronomique des professionnels et des connaisseurs. « Nous nous engageons à utiliser 100 % de poudre d’amande. Certains concurrents moins chers, mélangent cette base avec de la poudre de noyau d’abricot… C’est tromper le consommateur » déplore le patron de Trésors sucrés. Evidemment, le prix de la poudre d’amandes pure a un coût. « En 2003 le kilo était à 3,5 euros cette année il est monté à 9 euros pour la qualité moyenne. La plus fine dépasse les 12 euros » détaille le grossiste

Houcine Hamidi gérant de Gabsi à Stains en Seine Saint-Denis. Les gâteaux à base d’amandes font partie des incontournables comme les cornes de gazelle, kalb el louz, (cœur d’amande) ou encore la traditionnelle baklawa. Les pistaches, les noix sont également des fruits secs nobles utilisés fréquemment, mais moins systématiquement que l’amande. « Ces pâtisseries sont une sorte de macaron oriental » compare Ali Djellal.

Les tables des jeûneurs sont traditionnellement décorées d’assiettes de pâtisseries orientales

Entre l’entrée de gamme et le haut de gamme, la différence c’est l’amande

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Les « macarons » confectionnés avec de l’amande fine, sont synonymes de fêtes et de raffinement. Des pièces souvent utilisées pour les occasions comme les mariages, les naissances, sont au cœur des plateaux à offrir. Les gâteaux à base de miel comme le makrout ou la chabakia, sont tout aussi incontournables pour la période du ramadan. Riches en sucre, ils sont appréciés pour le goût et l’apport énergétique procurés. « Les autres ingrédients obligatoires sont la farine, l’huile, le sucre et la semoule » ajoute le grossiste qui alimente la plupart des grandes pâtisseries orientales d’Île-de-France. La période du ramadan est importante pour ses affaires. Les tables des jeûneurs sont traditionnellement décorées d’assiettes de pâtisseries orientales. Pour Le Renard, fabricant de semoule et couscous de qualité supérieure, le ramadan a un fort impact sur la vente. « On estime que 40 % des ventes ont lieu pendant ce mois de jeûne ». La consommation de semoule grosse, très prisée pour les pâtisseries orientales comme le Makrout ou le Kalb el Louz, est d’autant plus importante (60 %). Même proportion du côté de la semoulerie Le Rouen, « 40 % » précise Mourad Bennacef, responsable commercial. « D’après mes informations, on estime que le marché global de la semoule en France est de 22 000 tonnes vendues par an. Environ 15 000 sont écoulées dans des points de vente ethniques. C’est considérable » ajoute-t-il.

Une tradition modernisée La pâtisserie orientale est un art culinaire important pour la transmission de génération en génération. « Il s’agit d’une cible experte de ces produits avec des savoir-faire propres à ses origines. Les familles transmettent leur culture et leurs valeurs à travers les usages culinaires. Il y a toutefois une évolution des pratiques entre la première et la troisième génération », observe-t-on chez Le Renard après une étude ciblée. Les gros sacs de semoule de 25 kg par exemple, se font rares et laissent place au paquet de 1 kg, plus pratique. Le Renard l’a mis en vente en 2010, Le Rouen, trois années plus tard. « Mais la majorité des jeunes femmes ne font plus de gâteaux et les achètent, c’est le cas de mon épouse ! » reconnaît Mourad Bennacef. Ainsi, les pâtissiers débordent d’imagination pour offrir des productions revisitées au goût du jour.

tendance la cuisine orientale en blogs

Elles s’appellent Shahrazade, Samira ou Halima et ont en commun leur passion pour la cuisine orientale qu’elles partagent à travers leurs blogs. Elles ont su trouver leur public auprès des jeunes ménagères d’origine maghrébine. Elles mettent en avant des recettes traditionnelles des 4 coins du Maghreb. Ces recettes sont quelquefois revisitées et surtout leur élaboration filmée et photographiée, étape par étape, pour être ensuite partagées en ligne avec leurs lectrices. Makrout, baklawa ou corne de gazelle, leurs recettes sont décryptées et scénarisées pour être accessibles à celles qui souhaitent apprendre en quelques clics à les réaliser… Plaisir, retour aux sources, partage et convivialité, les recettes orientales sont passées à l’heure de la e-cuisine.

Les pâtissiers débordent d’imagination pour offrir des productions revisitées au goût du jour

ras el hanout

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Chez Trésors sucrés on travaille le chocolat, les goûts exotiques. Dans la boutique on retrouve des cornets Mojito goût menthe-citron ou l’invention du « makrout français » à la pralinée. Du côté de Masmoudi, « à l’occasion du ramadan, nous allons proposer des cornes de gazelle revisitées au goût fraise, orange, chocolat, noisette et peut-être myrtille », détaille Ali Ben Messaoud, pour qui la période de jeûne représente 20 % des ventes.

La pâtisserie orientale est bel et bien devenue un marqueur fort de l’identité maghrébine en France, comme le couscous par exemple. Des douceurs synonymes de partage, d’heureux évènements et de souvenirs. Pour beaucoup, une baklawa ou autre corne de gazelle, c’est une madeleine de Proust.

eau de fleur d’orangerL’eau de fleur d’oranger possède une saveur très parfumée et sucrée. Son utilisation est très populaire en Afrique du Nord où elle sert à aromatiser, entre autres, les pâtisseries. Elle est obtenue par hydrodistillation des fleurs de bigaradier, appelé aussi oranger amer. Cet arbre originaire d’Asie du sud-est, a été progressivement implanté sur les bords de la Méditerranée. Son odeur parfumée et douce ainsi que ses pétales blancs sont appréciés depuis l’antiquité, où la fleur ornait par exemple les couronnes des jeunes mariés. L’eau de fleur d’oranger, en plus de sa finalité culinaire, est réputée pour ses vertus thérapeutiques (combattre la fièvre, nettoyer la peau…). Elle est présente également sur la table pendant les occasions importantes comme les mariages et la cérémonie du henné.

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