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Publication du secteur culturel de la Fédération de la Gironde du PCF D ’abord un souvenir, entrelacé dans les méandres de la Garonne, à Saint-Pierre d’Aurillac, je suivais les grandes enjam- bées de Jeannot Lafourcade sur le chemin du fleuve. À notre retour, sur sa table de travail, un numéro de L’Ormée qu’il avait annoté en me conseillant la lecture d’un article dont le thème était celui du rêve. Je m’en souviens parfaite- ment. Distinctement. Aujourd’hui comme hier, notre engage- ment pour le parti pris de l’émancipation est fait de flux et de reflux. Quand les éléments se déchaînent, à l’échelle du monde et dans nos sociétés, quand le risque d’asséchement du cœur des hommes dans un climat de peur igno- minieusement entretenu par le clan Hollande/ Valls est si grand, alors le mouvement pour s’en extraire ne doit-il pas commencer par proposer des imaginaires à partager, à « consommer sans modération » ? Ce qui me frappe dans l’actualité politique des dernières semaines, c’est justement cette dif- ficulté à faire du neuf, à se réinventer et à ne plus laisser la « modernité » à Macron. Alors qu’un nombre considérable de femmes et d’hommes, qui se reconnaissent dans les valeurs de gauche, cherchent une issue, commençons par affirmer très clairement que nous voulons en discuter et y travailler avec eux. Pour de vrai. Où sont donc les dangers ? Comment y répondre ? Où sont les potentialités inédites pour un rassemblement tournant résolument le dos au scénario d’une catastrophe pour 2017 ? Face aux casseurs d’avenir, nous avons besoin de connaissances et de décryptages du réel, d’idées neuves dans la bataille idéologique, de culture et de fraternité partagées. Dans un joli premier roman, En attendant Bojangles 1 , Olivier Bourdeaut fait le récit de la manière dont on peut ignorer la réalité, d’une façon charmante et déjantée. La fin est tragique mais ce livre questionne la possibilité de faire de la vie une fête. Dans les nombreuses déchéances de la période, celle qui consiste à ne plus rien espérer encadre toutes les autres. C’est ce verrou qu’il faut faire sauter et le plus tôt sera le mieux. Ce numéro de L’Ormée nous présente des chemins de connaissance, d’émancipation et d’imaginaire. Il nous propose aussi, à travers les thèmes abordés, d’aller vers des rencontres et des échanges pour de l’en-commun. OLIVIER DARTIGOLLES –––––––– 1. Éditeur Finitude, Bordeaux, janvier 2016. N° 108. FÉVRIER/MARS/AVRIL 2016. 5 € DES IMAGINAIRES À PARTAGER Exposition de Miguel Ramos à la biblothèque du Grand Parc. Photo BM_Cdanslaboite. Nous les gueux… Nous les peu nous les rien nous les chiens nous les maigres nous les Nègres Nous à qui n’appartient guère plus même cette odeur blême des tristes jours anciens Nous les gueux nous les peu nous les riens nous les chiens nous les maigres nous les Nègres Qu’attendons-nous les gueux les peu les rien les chiens les maigres les nègres pour jouer aux fous pisser un coup tout à l’envi contre la vie stupide et bête qui nous est faite à nous les gueux à nous les peu à nous les rien à nous les chiens à nous les maigres à nous les nègres LÉON GONTRAN-DAMAS Black-Label Paris, Gallimard, 1956. Député de Guyane de 1948 à 1951, auteur du « Rapport Damas » sur la répression coloniale en Côte d’Ivoire au début du xxe siècle, Léon Gontran-Damas (1912-1978) finit ses jours comme professeur d’uni- versité aux États-Unis. Ce poème a été cité à l’Assemblée nationale le 5 février 2013 par Christiane Taubira, Garde des sceaux, lors des débats sur le projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. [http://dormirajamais.org/grand]

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Ormée N° 108 de février/mars 2016

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Page 1: Ormée N° 108

Publication du secteur culturel de la Fédération de la Gironde du PCF

D’abord un souvenir, entrelacé dans les méandres de la Garonne, à Saint-Pierre d’Aurillac, je suivais les grandes enjam-

bées de Jeannot Lafourcade sur le chemin du fleuve. À notre retour, sur sa table de travail, un numéro de L’Ormée qu’il avait annoté en me conseillant la lecture d’un article dont le thème était celui du rêve. Je m’en souviens parfaite-ment. Distinctement.

Aujourd’hui comme hier, notre engage-ment pour le parti pris de l’émancipation est fait de flux et de reflux. Quand les éléments se déchaînent, à l’échelle du monde et dans nos sociétés, quand le risque d’asséchement du cœur des hommes dans un climat de peur igno-minieusement entretenu par le clan Hollande/Valls est si grand, alors le mouvement pour s’en extraire ne doit-il pas commencer par proposer des imaginaires à partager, à « consommer sans modération » ?

Ce qui me frappe dans l’actualité politique des dernières semaines, c’est justement cette dif-ficulté à faire du neuf, à se réinventer et à ne plus laisser la « modernité » à Macron. Alors qu’un nombre considérable de femmes et d’hommes, qui se reconnaissent dans les valeurs de gauche, cherchent une issue, commençons par affirmer

très clairement que nous voulons en discuter et y travailler avec eux. Pour de vrai.

Où sont donc les dangers  ? Comment y répondre  ? Où sont les potentialités inédites pour un rassemblement tournant résolument le dos au scénario d’une catastrophe pour 2017 ? Face aux casseurs d’avenir, nous avons besoin de connaissances et de décryptages du réel, d’idées neuves dans la bataille idéologique, de culture et de fraternité partagées.

Dans un joli premier roman, En attendant Bojangles 1, Olivier Bourdeaut fait le récit de la manière dont on peut ignorer la réalité, d’une façon charmante et déjantée. La fin est tragique mais ce livre questionne la possibilité de faire de la vie une fête. Dans les nombreuses déchéances de la période, celle qui consiste à ne plus rien espérer encadre toutes les autres. C’est ce verrou qu’il faut faire sauter et le plus tôt sera le mieux.

Ce numéro de L’Ormée nous présente des chemins de connaissance, d’émancipation et d’imaginaire. Il nous propose aussi, à travers les thèmes abordés, d’aller vers des rencontres et des échanges pour de l’en-commun.

Olivier Dartigolles––––––––

1. Éditeur Finitude, Bordeaux, janvier 2016.

N° 108. Février/mars/avril 2016. 5 €

Des imaginairesà partager

Exposition de Miguel Ramos à la biblothèque du Grand Parc. Photo BM_Cdanslaboite.

Nous les gueux…Nous les peunous les riennous les chiensnous les maigresnous les NègresNous à qui n’appartientguère plus mêmecette odeur blêmedes tristes jours anciensNous les gueuxnous les peunous les riensnous les chiensnous les maigresnous les NègresQu’attendons-nousles gueuxles peules rienles chiensles maigresles nègrespour jouer aux fouspisser un couptout à l’envicontre la viestupide et bêtequi nous est faiteà nous les gueuxà nous les peuà nous les rienà nous les chiensà nous les maigresà nous les nègres

Léon GoNtraN-DamasBlack-Label

Paris, Gallimard, 1956.

Député de Guyane de 1948 à 1951, auteur du «  Rapport Damas  » sur la répression coloniale en Côte d’Ivoire au début du xxe siècle, Léon Gontran-Damas (1912-1978) finit ses jours comme professeur d’uni-versité aux États-Unis. Ce poème a été cité à l’Assemblée nationale le 5 février 2013 par Christiane Taubira, Garde des sceaux, lors des débats sur le projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.[http://dormirajamais.org/grand]

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2 _ L’Ormée

le clown chocolata beaucoup D’amis

Chocolat, le clown nègre, est réhabilité presque cent ans après sa mort par le film de Roschdy Zem sorti en février sur les écrans, dans lequel il est interprété par Omar Sy. Le duo oublié qu’il formait avec le clown anglais Footit avait pourtant tenu plus de quinze ans le haut de l’affiche à Paris. Un hommage particulier à sa mémoire est rendu depuis plusieurs mois déjà à Bordeaux par ses « amis », qui ont proposé début février une quinzaine de jours d’événements, dont expositions et conférences à l’espace Saint-Rémi. Le premier d’entre eux, Jean-PieRRe LeFèvRe, explique pourquoi et comment.

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«a près les 9e rencontres “La Classe ouvrière, c’est pas du cinéma” à l’Utopia, consacrées

en 2012 à “l’étranger, l’autre nous-même”, j’ai lu Chocolat, clown nègre, L’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française 1, le livre de Gérard Noiriel. Nous aurions sou-haité faire venir à Bordeaux Chocolat blues, le spectacle combinant comédie, danse et vidéo qui s’en inspire, mais c’était trop cher pour notre association…

« Cette lecture fut pour moi la décou-verte “d’un homme ordinaire au destin extraordinaire”. Il est mort dans la misère, à Bordeaux, le 4 novembre 1917, et il n’y en avait aucune trace visible dans la ville que j’habite depuis 2005, après des années pari-siennes. Lorsque je suis touché par un évé-nement ou une personne, j’en parle – trop, diront certains – autour de moi. Et Rafael, ce fils d’esclaves qui s’évade, s’émancipe et impose son talent à Paris, me fascine.

«  Il n’est ni cubain, son pays de nais-sance, ni espagnol, pays où il est “déporté”, ni français, son pays de vie. En pleine mon-tée de la ferveur nationaliste, du racisme dit “scientifique” qui justifie la colonisation, de l’antisémitisme qui culminera lors de l’Af-faire Dreyfus, de l’exploitation ouvrière, y compris dans les campagnes, période qualifiée plus tard de “Belle Époque”. Elle ne l’était pas pour tout le monde ! Rafael pourrait symboliser l’Homme du xxie siècle, celui de la mondialisation, de l’indi-vidu citoyen du Monde, dégagé de ses liens d’origine et qui doit se construire à travers les opportunités dans la continuité des valeurs des Lumières. »

Les premières oreilles attentives au récit de Jean-Pierre Lefèvre furent ses fils, puis des parents du comité FCPE de leur école, rue Albert Barrault, dont il est un membre

actif. En particulier Arnaud Fleuri, devenu un ami. Il est réalisateur, l’idée d’un film court prend forme. Pour le réaliser, ils vont faire pen-dant plus d’un an de multiples recherches et des dizaines de rencontres. Avec des associa-tions comme La Mémoire de Bordeaux et de la Cub, ou la Société philomatique, avec des responsables d’institutions, le musée d’Aquitaine, le rectorat, avec des « belles personnes » : Délia et Alexandre Romanès, qui portent le projet de centre artistique sur la culture gitane Tchiriclif, Karfa Diallo, créa-teur de Mémoires et Partages, Cheikh Sow, musicien et conteur… De collaborations en partenariats, « c’est ainsi qu’est né le collectif Les Amis du clown Chocolat, qui n’est pas une association mémorielle, précise Jean-Pierre.

contre tous les racismes. «  Son fil rouge ? L’altérité, la solidarité, la laïcité et la diversité, valeurs portées, selon moi, par la vie de Rafael. Au-delà du devoir de mémoire, nous nous inscrivons dans la lutte contre tous les racismes et toutes les discriminations, aujourd’hui, en nous atta-chant à en examiner les causes et à créer des synergies avec d’autres associations et ins-titutions. Nous voudrions que la création artistique sous toutes ses formes, vecteur essentiel de l’émancipation de tout individu parce qu’elle touche à notre représentation du monde, y tienne une place centrale.

« En toute logique, la première projec-tion publique du court métrage Le Clown Chocolat a eu lieu le 11 février de l’an passé à l’Utopia, dans le cadre d’une journée ciné “la Classe ouvrière” proposant des regards de cinéastes sur l’histoire coloniale. Le danseur bordelais (Tribal Jam) Piroger Bakambo y incarne Chocolat, les enfants de l’école jouent leur propre rôle… Les lieux de tournage choisis, de l’École du cirque au Musée d’Aquitaine en passant par le Guignol Guérin, ont à nouveau été l’oc-casion de belles rencontres. Il a ensuite été

––––––––1. Publié en 2012 chez Bayard, nouvelle édition en 2016 sous le titre Chocolat, la véritable histoire d’un homme sans nom. Gérard Noiriel, historien et direc-teur d’études à l’EHESS, a notamment travaillé sur le monde ouvrier ainsi que sur l’articulation de l’immi-gration, de la nation et des sentiments xénophobes. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Le Creuset français, l’Histoire de l’immigration XIX-XXe siècles (Seuil), Le Massacre des Italiens à Aigues-Mortes (Fayard) et Histoire, théâtre et politique (Agone).

L’actrice Firmine Richard, marraine des Amis du clown Chocolat, et Jean-Pierre Lefèvre devant la plaque mémorielle dévoilée le 6 février

au cimetière protestant, en présence de Fabien Robert, Marik Fetouh et Laurence Dessertine, adjoints au maire de Bordeaux (respectivement de la Culture, de l’Égalité et maire de secteur), le pasteur Valérie Malie, Angèle

Louviers, secrétaire générale du Comité national pour la mémoire et l ’histoire de l’esclavage, de représentants du MRAP, la LICRA, l’UJFP

et d’autres associations, des amis bordelais dont Vincent Maurin, d’autres venus de Bilbao et de Paris, des clowns du cirque Arlette Gruss…

prolongé par un spectacle vivant, le Ciné-matoDanse, lauréat (prix spécial du jury) de la Quinzaine de l’égalité, de la diversité et de la citoyenneté en novembre 2015.

Seize panneaux présentant l’histoire du clown Chocolat l’accompagnent et cir-culent depuis un an dans plusieurs écoles et collèges, et d’autres lieux bordelais comme le Temple du Hâ de l’Église protestante, et l’Institut des Afriques, en janvier der-nier. « C’est à chaque fois la possibilité de porter une parole forte et actuelle auprès de publics larges, d’écouter les leurs, et de tisser des liens avec certaines associations et structures locales. L’occasion d’échanges avec des jeunes, ce qui est à mes yeux le plus important, et pour lesquels le clown Cho-colat avait inventé la thérapie par le rire.

«  Notre découverte d’un registre du cimetière protestant mentionnant Rafael Padilla ne nous a pas seulement conduits au dévoilement solennel d’une plaque le 6 février dernier, reprend Jean-Pierre Lefèvre. Ce lieu sera intégré au parcours bordelais de la mémoire de l’esclavage, comme l’immeuble de la rue Saint-Sernin où il est mort et l’espace d’accueil du cirque, rive droite. Un projet de sculpture est à l’étude pour 2017… »

Depuis longtemps, Jean-Pierre Lefèvre considère l’art comme un lien, ouvrant des possibilités de transmission de mémoires, plus particulièrement la mémoire popu-

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laire, celle des « petites gens », souvent les oubliés de l’Histoire. Leurs combats d’hier contre toutes les oppressions, le racisme et les préjugés de toutes sortes, croit-il, nour-rissent les solidarités et la fraternité pour aujourd’hui. Durant sa vie parisienne, Jean-Pierre a animé un ciné-club dans le 9e arrondissement. « C’était un prolongement de mon engagement syndical, à la CGT cela va sans dire. Cela a duré dix ans et il a survécu à mon départ ! Une vingtaine de ses membres sont venus à Bordeaux début février en fêter le soixantième anniversaire. Et ont été reçus à la quinzaine du clown Chocolat  ! Car c’est en faisant à son tour des propositions artistiques qu’on s’appro-prie cette histoire et cette culture. » Pour se donner les moyens d’organiser des événe-ments, Jean-Pierre Lefèvre a d’ailleurs créé en 2014 L’assopourquoipas33, devenue le noyau dur des Amis du Clown Chocolat.

Des « Amis » dont on n’a pas fini d’en-tendre parler. Un prochain rendez-vous est déjà pris en mai à la bibliothèque du Grand Parc, à Bordeaux, pour la journée natio-nale des mémoires de la traite, de l’escla-vage et de leur abolition, dans le cadre de la Fabrique du Citoyen.

CéCile reNaUt––––––––

Toutes les actualités sur :assopourquoipas33.over-blog.com/tag/clown%20chocolat/

l ES LECTEURS de L’Ormée le savent car ils ne sont pas totalement dépen-dants des médias dominants  : l’État

israélien mène depuis sa naissance, et le mouvement sioniste avant même la nais-sance de cet État, une lutte violente, crimi-nelle, permanente avec des phases de plus ou moins grande intensité, contre le peuple palestinien.

Le but est explicite, inscrit dans la Charte du Likoud, le parti du Premier ministre Netanyahou : étendre l’État juif sur la tota-lité de la Palestine historique, de la Médi-terranée au Jourdain. C’est aujourd’hui un territoire qu’un gouvernement d’alliance entre l’extrême-droite et l’extrême extrême-droite contrôle totalement. Soit directement (ce que traditionnellement on considère comme le territoire d’Israël « dans les fron-tières de 1967  »), soit conjointement avec l’Autorité palestinienne (la Cisjordanie), soit par l’impitoyable blocus de la bande de Gaza partiellement en ruines (avec la complicité du pouvoir égyptien).

Ainsi, le «  conflit  » se poursuit depuis un siècle, et singulièrement depuis 1947-48. Pourquoi la paix est-elle si difficile à réaliser  ?, nous demande-t-on souvent. La réponse est simple : parce que le peuple palestinien résiste  ! Sinon, on en parlerait comme on le fait des Aborigènes d’Australie ou des Indiens d’Amérique.

l’image De l’homme nouveau. La « gauche européenne », et singulièrement la gauche française, a eu longtemps pour Israël un regard attendri, voire enthousiaste. Le peuple juif renaissait des cendres du géno-cide – ce qui permettait d’oublier la culpabi-lité de la période de Vichy –, et construisait un pays socialiste, débarrassé même des scories de l’URSS. Le kibboutz forgeait l’homme nouveau dans une remise en cause du capitalisme, et même du patriarcat, réali-sant une sorte de synthèse idéale de l’esprit coopératif de la Première Internationale, du service public de la Deuxième, et de la pla-nification de la Troisième. L’URSS était le premier pays à reconnaître l’État israélien, suivie de près par les États-Unis et les pays européens. Les Arabes devaient comprendre

qu’il fallait bien faire un peu de place aux Juifs pour qu’ils reviennent « chez eux ».

Il a fallu plus ou moins de temps pour que le voile se déchire. Aujourd’hui, la majorité des habitants de notre pays ne considèrent pas Israël comme une force de paix. Malgré tous les efforts de propagande pour faire des Palestiniens un « peuple terroriste », chacun peut voir comment la politique israélienne est faite de colonisation, d’apartheid, d’épu-ration ethnique. Loin d’être une « barrière de sécurité, le Mur balafre profondément la Cisjordanie. Les taches de léopard de sa carte des zones théoriquement contrôlées par l’Autorité palestinienne se nécrosent. Gaza est une prison au ciel fermé par les drones d’espionnage et d’exécutions extra-judiciaires. Mais la mal nommée « commu-nauté internationale » laisse Israël poursuivre son grignotage, malgré les dizaines de réso-lutions de l’ONU et les dispositions des Conventions de Genève.

En 2005, plus de 170 organisations de la société civile palestinienne ont lancé la cam-pagne internationale BDS, pour que, par le boycott, le désinvestissement et les sanc-tions, Israël soit obligé de permettre le droit au retour des réfugiés, et de mettre fin à la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusa-lem-Est, au blocus de Gaza, aux discrimina-tions dont sont victimes les Palestiniens en Israël. On voudrait que cette campagne se développe encore plus vite, mais elle avance. Les amis d’Afrique du Sud et Desmond Tutu lui-même ont dit qu’elle a obtenu en dix ans plus de succès que la campagne anti-Outspan contre l’apartheid sud-africain en vingt-cinq ans.

Je voudrais surtout discuter avec vous d’un aspect particulier de cette campagne, le boycott culturel. Y compris parmi les mili-tants de la solidarité avec le peuple palesti-nien, on sent souvent une réticence devant l’objectif du boycott universitaire, culturel et sportif. La question n’est pas nouvelle.

Beaucoup d’entre nous se souviennent des polémiques sur le boycott des relations avec le XV des Springboks. À la FFR, on a longtemps voulu nous convaincre que c’est en jouant au ballon avec les racistes que l’on en ferait des humanistes. Si vous braquez

boycott cultureluniversitaire et sportif De l’état D’israël,il est granD temps !

« Être chocolat ». Comédienne, Bénédicte Rivière aime travailler sur le langage. À la suite de son livre Arlequin, Charlot, Guignol et Cie sur des expressions du langage commun mises en images par Gérard Dubois, elle a publié un album illustré par Bruno Pilorget, Monsieur Chocolat, édité chez Rue du monde, et Je suis Chocolat, roman pour les enfants de 8 à 12 ans, édité par Les Petites Moustaches, maison bordelaise créée par Sophie Gallo-Selva.

Colonisation, apartheid, épuration ethnique, aujourd’hui, la majorité des habitants de notre pays ne considèrent pas israël comme une force de paix. La campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions), lancée en 2005 par la société civile palestinienne, fait appel aux citoyens de conscience du monde, afin que prenne fin le plus long conflit de l’histoire récente.

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Ton parcours est fait de rencontres…Je viens de Picardie où j’ai vécu jusqu’à

mes 40 ans. J’ai grandi en Algérie jusqu’à l’âge de 2 ans et demi, mes parents y ont fait de la coopération et j’y suis retournée très régulièrement jusque dans les années 1990, plus difficiles, « la décennie noire ».

Je suis médecin de formation et j’exerçais essentiellement la médecine générale. C’est à Bordeaux que j’ai décidé d’orienter ma pra-tique exclusivement auprès des femmes et des enfants. C’est un fil tendu, une logique que je tiens de mon histoire, celle de la pro-tection maternelle et infantile dans laquelle j’ai baigné depuis toute petite, la PMI créée en 1946. C’est devenu un des axes de santé publique quand on s’est rendu compte que la gynécologie et la pédiatrie n’étaient pas que des « spécificités d’organes », mais bien des orientations particulières d’individus. La gériatrie, par exemple, est aussi devenue un axe de soin.

Par ailleurs, je suis historienne. J’ai repris des études en histoire il y une dizaine d’an-nées et je suis membre de la Société d’histoire de la Naissance. Une société savante compo-sée d’historiennes, d’anthropologues et de professionnels de santé de la naissance. J’ai étudié sur les accompagnants d’avortements qui nous ont précédés, au cours des siècles mais aussi des millénaires. J’ai été chargée de cours à la fac en sciences humaines. Je ne pensais pas un jour enseigner. Mais ensei-

gner son métier, transmettre, notamment à des non-médecins, c’est pas mal. Comment vient l’écriture ?

C’est un parcours assez récent. J’ai très tôt voulu être médecin. Je n’aimais pas lire, j’étais faible en français, j’ai très vite été orientée vers la filière scientifique. J’ai été obligée de me mettre à la lecture à 16-17 ans, au lycée, pour préparer le bac de français. Et une professeure a sans doute été le déclen-cheur. Je me suis mise à lire et je ne me suis plus arrêtée. Quant à l’écriture, elle n’a pas été favorisée par mes études. En médecine, on est plutôt dans un crypto-langage, avec beaucoup d’abréviations et peu de phrases.

Puis il y a eu un tournant personnel dans ma vie, une période de remise en cause. Ce virage m’a permis de me réorienter sur la féminité. Curieusement, je me suis formée parallèlement en médecine esthétique et en régulation des naissances. Deux axes qui pour moi pouvaient cheminer ensemble, mais j’ai dû faire un choix. Un poste s’est ouvert dans le centre hospitalier de ma com-mune pour créer le réseau pour l’avortement, entre la ville et l’hôpital, en lien avec l’évolu-tion de la loi 1. Cela m’a obligé à me former encore et je me suis ancrée dans la pratique de la gynécologie et de la féminité.

Je ne pensais pas avoir à l’exercer quoti-diennement, elle s’est imposée – avec mon accord –, et m’a procuré des émotions très

Médecin, historienne, enseignante… arrivée dans la région il y a six ans, elle oriente sa pratique exclusivement auprès des femmes et des enfants. Cela lui a donné matière à un premier recueil, 49 jours. Jeanne RM en publie aujourd’hui un second, Les Petites Nouvelles, issu des chroniques qu’elle tient dans Les Nouvelles de Bordeaux.

histoire De femmes

ainsi les Blancs, vous les solidarisez avec leur gouvernement. Jacques Ellul, oui, le grand Jacques Ellul, nous disait en substance : c’est le régime d’apartheid qui nous protège du communisme. Mais nous avons tenu bon. La France n’a pas été en pointe dans le boy-cott, mais elle a été présente. Et déjà le boy-cott était celui des institutions de l’apartheid, pas celui des individus. D’ailleurs, nous étions les premiers à inviter Johnny Clegg !

proDuits D’exportation sionistes. Oui, il faut que les Israéliens comprennent que leur politique les met au ban des nations. Quand Roger Waters refuse d’aller chanter à Tel Aviv, quand Eyal Sivan refuse que son film soit inscrit à un festival de films à Paris parrainé par l’ambassade de son pays, ils montrent qu’ils ne sont pas dupes. La culture, le sport, l’université, sont aujourd’hui, de façon consciente et organisée, des produits d’exportation du régime sioniste. Je dis sio-niste, car l’idéologie et la structure actuelle de l’État d’Israël sont fondés sur cette idée de séparation Juifs/non Juifs, les Juifs devant avoir leur État, et cet État étant démocra-tique… pour les Juifs.

Et nous, nous continuons à lire des romanciers israéliens, à voir et à program-mer des films israéliens – encore trois à Uto-pia rien que pour les treizièmes rencontres « La classe ouvrière, c’est pas du cinéma » en février –, à inviter des anticolonialistes israé-liens autant que des militants palestiniens.

Mais quand nous apprenons que des ins-tituts et universités bordelaises entretiennent des relations de coopération directe avec leurs homologues israéliennes, telles l’uni-versité l’université hébraïque de Jérusalem ou l’université Ben Gourion de Beer Sheva, dont les liens avec l’armée (il faut écrire "Tsahal", pour montrer qu’il s’agit d’un être apprivoisé) sont structurels, nous savons qu’il reste du travail à accomplir.

Dans ces temps de lutte contre le terro-risme, Israël ne fait pas la Une mais accélère la colonisation et réprime directement les ONG israéliennes qui la dénoncent. Les États occidentaux sont un peu gênés mais continuent de refuser toute sanction. En France on va même jusqu’à prétendre inter-dire l’action citoyenne et non violente du boycott (Anne Hidalgo, après sa pitoyable opération Tel-Aviv-sur-Seine l’été dernier, a fait voter la condamnation de la campagne BDS par le Conseil de Paris, avec l’appui des élus de droite !)

Et si c’était le moment de donner un nouvel essor à la campagne, courageuse-ment soutenue par ce qui reste de la gauche israélienne ?

André roseVÈgUe UJFP, Union des juifs français pour la paix

[www.ujfp.org]

––––––––Pour exemples et informations,site de la campagne BDS : www.bdsfrance.org

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Exposition de Julien Thore, Jardin des Dames de la Foi. Photo BM_Cdanslaboite.

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fortes que j’ai eu besoin de coucher sur papier. D’où le premier manuscrit, 49 jours, Carnets d’une faiseuse d’anges, en référence aux délais fixés par la loi ouvrant la possibilité d’inter-rompre sa grossesse en médecine de ville.Tous ces bouleversements ontcoïncidé avec le départ de Picardie…

Ce n’est pas facile de quitter une région qui nous a élevés, il faut le temps de recons-truire toutes nos bases, ici, avec les enfants, et je n’ai pas pu reprendre mes études d’histoire tout de suite. Cette envie de changement a suivi ces grands bouleversements dans ma vie. 49 jours a d’ailleurs été imprimé dans le Nord mais vraiment édité et diffusé quand je suis arrivée à Bordeaux.

Là, j’ai tout de suite été en contact avec le Planning familial, en service d’orthogénie 2. Dans ce cadre, j’ai fait plusieurs conférences dans le département autour de l’avortement et la question de la féminité dans l’histoire. J’ai été sollicitée par un universitaire, spécia-liste du genre en géographie urbaine – « la rue faite par et pour les hommes ». Alors que j’avais pris parti pour la féminité, il m’a rap-pelé que le genre était une notion plus large.À qui s’adresse 49 jours ?

Ce texte est un peu inclassable. Écrit par un médecin, mais pas en direction de profes-sionnels, plutôt tout public, ce sont d’abord les deux axes santé et histoire qui ont inté-ressé. J’avais très peur du milieu profession-nel, où il a pourtant été très bien accueilli. Je n’ai donc choqué personne, le lectorat est large, l’écriture est assez simple, il suscite questions et discussions chez de très jeunes filles. La palette sociale est vaste, puisqu’elle va des ouvriers, des chômeurs jusqu’aux profs d’université, chercheurs, scientifiques. Plu-tôt de gauche, ce sont les personnes que je fréquente, même si mon milieu profession-nel m’a amenée à côtoyer des gens de droite.Tu écris toujours, en ce moment ?

À Bordeaux, au début, ma nouvelle orga-nisation familiale et professionnelle ne m’a pas permis d’écrire, sinon pour des colloques ou conférences, des cours… Mais après avoir lu mon livre, la rédactrice de l’époque de l’hebdomadaire Les Nouvelles m’a proposé une chronique. L’idée était de féminiser, de coller à l’actualité quand je le pouvais mais pas nécessairement, et surtout de porter un regard féminin. Raconter des épisodes de vie de l’être féminin, quels que soient l’âge, les conditions de vie, l’époque… Ce n’était plus de l’écriture spontanée, mais une com-mande de 2 000 à 3 000 caractères.

La dernière parue (Les Nouvelles n°2136) s’est inspirée de ma sœur, dans le Nord, qui a commencé une série titrée Expresso dans laquelle elle interroge la masculinité. Elle s’installe dans des bistrots-PMU, observe et essaie de décrire l’ambiance, ce qui se dit. Après deux ans et une vingtaine de chro-niques, il a été décidé de les relier en un petit manuscrit édité par Les Nouvelles. Il s’est bien vendu lors du colloque national sur l’avortement que j’ai contribué à organiser à Bordeaux l’automne dernier. Quant à 49 jours, il a été réédité par la même société 3.

Y aura-t-il un deuxième 49 jours ?Non, même s’il y aurait de quoi… Et il

s’appellerait « 63 jours » 4 ! Je pense que le premier peut rester une référence. Lors de sa réédition, j’avais peur qu’il ait un peu vieilli en cinq ans, mais apparemment non. Je l’ai laissé en l’état, même si j’y ai ajouté cinq brèves supplémentaires. Il se suffit à lui-même en temps que tel.

Des histoires de vie autour de l’interrup-tion de grossesse, j’en croise tous les jours. Je trouve qu’on a un regard très dur sur l’acte d’avortement, très tabou alors qu’il s’est organisé dans toutes les sociétés humaines. Je prône son accompagnement de façon humaine, parfois dans la douleur mais pas fatalement. C’est ce qui est dans ce premier recueil. Le deuxième est fait aussi d’histoires humaines, mais dans un champ élargi.A-t-il été difficile de faire ta place, ici ?

J’ai été très bien accueillie dans la région. Professionnellement, dans ma culture poli-tique, dans mon quartier, avec mes enfants, nous avons été très bien reçus. Mais je suis devenue une immigrée, je ne suis pas chez moi et n’y serai jamais. L’Algérie je le savais, parce que j’en étais loin. La Picardie je le savais moins, la quitter m’a rendue Picarde.

Mais je vis des choses très sympas, pas du tout prévues, et c’est ça la vie. Finalement, je retrouve le rythme que j’avais quitté. Je n’ai jamais assez d’une journée pour terminer ma journée. Posé comme ça, c’est un bilan plutôt positif.Les humains créent tous les jours, dis-tu…

J’ai été élevée dans une famille où on dit que tout être humain est créateur, quand il se réveille le matin. Même en fauteuil rou-lant ou très embêté dans son lit, il peut créer. Du lien avec sa famille, ses voisins, des amis, fabriquer un repas, partager un loisir… Ce n’est pas forcément du grand art ou beau-coup d’invention à chaque fois. De façon plus poétique, créer « un peu plus que le quo-tidien ». Mais déjà, si on fait ce qu’on estime juste, c’est une création assez belle. Élever un enfant, lui donner une culture, des bases, de l’autonomie de réflexion, c’est créer. Dans mon métier, on crée un lien de confiance qui permet d’accompagner dans la maladie, dans la souffrance.

Pour l’écriture, j’ai une capacité peut-être

temporaire. J’aime aussi faire de la peinture. J’aime « faire ». Aujourd’hui, écrire s’impose à moi, c’est un besoin. Quelqu’un qui fabri-querait chez soi un meuble, des étagères, a aussi valeur créative, c’est utile pour lui, sa famille, je ne mets pas de hiérarchie. Ecrire est aussi une nécessité de lien, de partage. Les êtres humains partagent beaucoup de choses sans s’en rendre toujours compte. Écrire les choses simples c’est partager. Cela peut sembler difficile sur l’avortement car peu de personnes en parlent alors qu’une femme sur deux avorte en France. Ça reste un énorme tabou. J’invite les femmes à l’exprimer, dans leur famille, autour d’elles. Des gens se sentent isolés dans leurs ressen-tis alors que le partage pourrait les soulager, voire même les valoriser.

L’être humain est très vite bridé, limité par notre société qui impose d’être spéci-fique, spécialiste, alors que des ouvriers, de chez Goodyear pourquoi pas, peuvent être de grands littéraires… Grands au sens où ils transmettent, ils partagent. L’être humain est indissociablement manuel et spirituel.Pourquoi évoques-tu les Goodyear ?

Parce qu’un mouvement national se lève contre une injustice politique, prési-dentielle, évidente. Je dis évidente alors que sans doute certains pensent qu’ils méritent cette condamnation pour avoir séquestré leur patron… Mais je suis aussi sensible aux Goodyear parce qu’ils sont à Amiens, dans ma région de naissance, la ville où j’ai fait mes études. Je suis donc liée à eux quasi charnellement, et culturellement. Je suis heureuse de les soutenir aujourd’hui, ici, dans une manifestation à Bordeaux, parce ça a dépassé la région. Qu’un mouvement chez Air France soit national, c’est normal, il y a des agences dans tout le pays, pas Goodyear. Aujourd’hui, des manifestations ont lieu partout en France, et à Bordeaux. Et j’y vais.

Propos recueillis par Christine texier

––––––––1. Entre 1988 et 2004 est mise en place l’IVG médi-camenteuse, en centre d’orthogénie puis en cabinet de ville, dans un délai légal de 49 jours.2. Centres d’orthogénie : accueil et pratique de l’interruption volontaire de grossesse. 3. Martha Canari Éditions.4. 9 semaines à l’hôpital (délai revendiqué pour la pratique en cabinet de ville, qui est de 7 semaines).

Exposition de Alexandre Dupeyron, bibliothèque Flora Tristan. Photo BM_Cdanslaboite.

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6 _ L’Ormée

Jusqu’au 16 mars 2016 se tiennent 9 événements photographiques organisés par l’association Cdanslaboite dans l’agglomération bordelaise. « 10/10 » présente le travail de 9 photographes (Alexandre Dupeyron, Julien Thore, Jocelyn Trembleau, Marc Montméat, Miguel Ramos, Benoît Cary, Nicolas Camoisson, Aurélien Voldoire et Jérémie Mazenq) dans 8 lieux aussi variés que des bibliothèques, la librairie l’Ascenseur Végétal ou en extérieur rue Saint-Genès à Bordeaux et à Bègles à la Fabrique Pola en collaboration avec le Labo Révélateur d’images.

L’association Cdanslaboite a été fondée en 2011 par des photographes avec l’idée de créer de nouveaux événements et un lieu dédiés à la photographie. Si la création d’un lieu peine à voir le jour, Cdanslaboite multiplie les actions. Pendant trois années et une douzaine d’expositions, elle collabora avec le CCAS de Bordeaux, cours Saint-Louis, pour créer un espace d’accrochage pour la photographie aquitaine. Pierre Wetzel, Gabrielle Duplantier ou Alain Laboile y ont présenté leurs images, jusqu’au déménagement du CCAS vers la nouvelle cité municipale.

Mais les événements les plus connus organisés par l’association sont « Les Mercredis Photogra-phiques » (cf. Facebook.com : Les mercredis photographiques). Soirées dédiées à la photo, quatre photographes y exposent, y projettent et y rencontrent le public dans une ambiance conviviale et le cadre décalé d’une maison xixe installée 79 rue Bourbon, dans le quartier en pleine mutation des Bassins à Flot. L’association travaille à la création d’événements autour du concept de « soirées photographiques », qui devraient voir le jour à la fin de l’année 2016. De nombreuses informations sont disponibles sur le site : www.cdanslaboite.com ou Facebook.com : Asso Cdanslaboite.

Bruce MilPieD

cabaret de printemps :travailler… c’est trop dur ? Le prochain Cabaret des Amis de l’Ormée fera une large place

aux chants de labeur des provinces françaises. Les participants au Cabaret 2014 ne s’étonneront pas de retrouver le Centre Peyre-longue d’Ambarès : accès facile, vaste parking sécurisé, et une salle des fêtes qui se prête parfaitement aux différentes séquences de chaque soirée.

Depuis septembre dernier, les choristes de l’Association n’ont pas chômé, enchaînant les répétitions consacrées à la préparation de ce spectacle avec différentes interventions : un concert de solidarité pour Allo Amiante, plusieurs prestations à la Bourse du Travail bor-delaise, une présence remarquée début février à l’inauguration de l’exposition sur le clown Chocolat, Espace Saint-Rémi à Bordeaux.

C’est un programme varié que Les Amis de l’Ormée présen-teront les 8 et 9 avril prochains, alternant des chants a capella et des chants accompagnés à l’accordéon dont le thème commun est le travail. La Chorale prêtera ses voix aux paysans, aux marins, aux mineurs, aux canuts… pour un hommage à toutes celles et tous ceux qui créent les richesses – dont elles/ils sont le plus souvent frus-trées – sans oublier toutes les victimes du chômage. On entendra ainsi le poignant Mains d’or de Lavilliers dénonçant la fermeture des usines et, de Jean Ferrat, Ma France, pour chanter à jamais la France des travailleurs.

Cette suite sera donnée en première partie, juste après l’apéri-tif d’accueil. Suivra la première pause restauration plus propice aux échanges et à la convivialité. L’assiette proposée sera comme tou-

jours… de qualité, de qualité ! Et rien de barbant dans le deuxième tiers-temps, au contraire. Claire Baudouin, qui aura dirigé aupara-vant les choristes, brillera à coup sûr dans un répertoire où sa voix de soprano, couplée à son espièglerie naturelle, fait merveille. Adrien accompagnera fidèlement au piano ses inflexions et nuances. De formation classique, notamment Schola Cantorum de Paris pour l’une comme pour l’autre, mais curieux de tous les styles, leurs per-sonnalités se révèlent vraiment à la scène. Dès lors, ils vont vers un autre répertoire à l’atmosphère « cabarets songs » de Broadway : mélodies aux accents magiques, rythmes jazzy et syncopés…

Les spectateurs profiteront, en dessert, d’un intermède sucré préparé par les soins des « Amis », avant d’accueillir le duo parisien Trouver Charlie, deux amis, Serge et Gilles, qui jouent ensemble depuis vingt ans. Leur répertoire est composé de morceaux swing et be-bop, un jazz « tout terrain » formule minimaliste : un guita-riste, un batteur et un looper pour l’accompagnement. Ils se sont rencontrés au sein de « Love Bizarre », ensemble ayant participé aux Francofolies, aux Eurockéenes de Belfort… Depuis, ils ont fait leur chemin, Serge se recentrant sur sa passion, le jazz, et Gilles se consacrant entièrement à leur groupe. Là encore, les amateurs de belles mélodies et de rythmes y trouveront leur compte.

Rien n’interdit que le Cabaret se prolonge quelque peu pour le café et autres douceurs. Alors, si le cœur vous en dit, retrouvons-nous pour résister à la morosité ambiante et préparer les beaux jours.

JeAn-JACques CresPoDeux soirées : vendredi 8 avril et samedi 9 avril 2016Centre Peyrelongue d’Ambarès - Apéritif d’accueil à 19 h 30 (offert)Entrée : 10 € - Restauration à petits prixContacts et renseignements : 06 32 40 74 10Pré-réservation : [email protected] (laissez votre nom et votre adresse)

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parmi tant d’autres, Moon Hop incarne ce concentré de talent confronté au souci permanent de se démener pour

jouer sur scène, diffuser sa musique et trou-ver son public. Le groupe bordelais cultive un style vintage qui va chercher bien loin ses influences et racines. Loin dans le temps, en s’attachant à métisser et moderniser mélodies et rythmes sixties, et loin dans l’es-pace, s’inspirant du ska et du reggae jamaï-cains, de la soul et du syncrétique boogaloo américain. Soit un mélange effectivement sixty, né dans les rets de la scène musicale latino- new-yorkaise entre rhythm and blues, latin jazz et rythmes afro-cubains. Huit, ils sont huit musiciens, la chanteuse Marianne et sept hommes se partageant cuivres, cla-viers, percussions et guitares pour assumer une filiation musicale qui ne peut souffrir de manque de rythme.

Voilà près de vingt ans que l’aventure a commencé, avec de belles rencontres dis-cographiques bordelaises où l’on retrouvait Moon Hop à côté des Hurlements d’Léo ou des Rageous Gratoons, au temps des albums compil. Et, plus proche de leur style, ils ont partagé la scène avec les mythiques Skatalites, le Tokyo Ska Paradise Orches-tra, Sergent Garcia, les Wampas, ou encore avec le New-York Ska Jazz Ensemble…

Si certains musiciens ont cédé la place à de nouveaux venus, le noyau historique reste, autour de Marianne « Kim » Lefort sa fondatrice. L’essentiel de leur troisième opus en 2011, enregistré à Pessac, a été composé par Farzad «  Chris  » Nezam-Chahidi. Ils préparent la sortie en juin de Back to the Roots, un quatrième album sur un label nancéen spécialiste du ska et du reggae, Casual Records.

On a beau être créatif, c’est sur scène que se gagnent les cachets permettant d’assurer le difficile statut d’intermittent du spectacle (vivant). Pour Moon Hop comme pour les autres, c’est le même challenge lorsqu’on n’est pas dans les rouages du management king size. Tous doivent se muer en agents et trouver des dates pour leur nouvelle tour-née, To the Roots ! Il « faut » des salles, et même retenus pour les Scènes d’été giron-

dines, la préparation et la promotion du disque sont loin d’être un long fleuve tran-quille pour les « indépendants » qu’ils sont.

Exemplaire d’une collectivité qui sup-porte la création et les arts vivants, le Conseil départemental a pourtant réduit ses subventions à l’aune de l’austérité bud-gétaire que l’État inflige aux territoires et aux services publics. Résultat, la subven-tion pour les Scènes d’été reste plafonnée à 1 000 euros par représentation, quand un concert du groupe en coûte 2 500, matériel

et technicien sono compris. Le reste est à la charge des collectivités et des salles qui les programment.

Voilà, c’est là tout l’épineux problème auquel le little big band Moon hop est confronté. Produire et jouer, avec l’impé-rieuse nécessité de multiplier les dates et d’assurer des cachets, pour que vive la musique et qu’en vivent les artistes, dura-blement et non plus par intermittence !

emmAnuel FargeaUt––––––––Contact : [email protected]

scène rock moon hopjouer à toucher la lune

l ’état d’urgence rêve de faire oublier l’état d’urgence sociale, l’état d’urgence culturelle, l’état d’urgence artistique…

Pourtant, début février, à Bordeaux et à Talence, le monde des enseignants, des artistes, des élèves, a agi, exprimé ses craintes et ses exigences lors de deux manifestations aussi différentes que convergentes.

La première, mardi 2 février, avait un caractère officiel, rituel, symbolique. Cathe-rine Marnas, la directrice du Tnba, n’a pas manqué de le souligner dans son allocution liminaire. Il s’agissait, après la présentation d’un travail théâtral remarquable d’élèves de première du lycée Montesquieu de Bor-deaux, de fêter et d’officialiser les relations suivies entre le Tnba et les lycées d’Aqui-taine à option(s) théâtre. Les proviseurs des lycées de Nérac (47), de Parentis (40) et de Bordeaux (33) ont défendu avec conviction ces enseignements optionnels. Enseignants et artistes intervenant dans ces sections étaient présents. Ils ont apprécié la fermeté avec laquelle Marie-Laure Piroth, au nom de TEA (Théâtre, Éducation, Aquitaine) est intervenue auprès du recteur de l’acadé-mie pour la défense de cet enseignement 1. Le recteur s’est engagé à maintenir leurs moyens pour la rentrée 2016 et cette conces-sion n’est pas sans rapport avec la mobilisa-tion des intéresséEs. Mais rien n’est dit pour la suite et les inquiétudes sont justifiées.

Le 3 février, en salle de musique de La Maison des Arts de l’université Bordeaux-Montaigne, pour la première fois depuis longtemps des enseignants de disciplines artistiques différentes et de niveaux diffé-rents se sont réunis et unis. Mais aussi des artistes, des élèves, et des étudiants. Les élèves de terminale-théâtre d’Orthez 2, des profs de fac d’arts plastiques, de musique, de cinéma, deux représentants de syndicats, des enseignants de sections artistiques des établissements de Langon et de Libourne notamment, étaient présents. Ces sections à option artistique sont vitales et on ne peut que se féliciter de constater que, becs et ongles, elles sont portées et défendues dans un monde où d’aucuns, du plus haut niveau de l’État jusqu’à la commune, rêvent de pro-mouvoir les « événements » artistiques et leur marchandisation, de substituer la communi-cation à la culture.

Se battre pour la pérennisation et le déve-loppement de ces options artistiques, en étroite relation avec les professionnels, c’est œuvrer ici et maintenant pour un mariage entre arts, culture et éducation.

vinCent taCoNet––––––––

1. À signer... [www.lappeldesaintetienne.fr]2.  Dans la pétition «  Ne tuons pas nos options  » qu’elle a lancée, Gina Urrutia (17 ans) écrit : « Cela veut-il dire que les gens à petits moyens ne méritent qu’une petite culture ? »

options artistiques De cour à jarDin...et De Droite à gauche !

La scène rock et les musiques amplifiées disposent à Bordeaux de réseaux, de belles salles, de studios, pour accueillir artistes et groupes reconnus. Paradoxalement, se produire, voire être produit dans la métropole girondine et alentour, n’est pas une mince affaire au moment où les budgets « association » des collectivités se réduisent comme peau de chagrin, où la précarisation des acteurs culturels s’ancre durablement !

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POUR nOUS COntaCteR

[email protected]

L’OrméePublication du secteur culturelde la Fédération de la Gironde du PCF.15, rue Furtado - 33800 Bordeaux - 05 56 91 45 06Directeur de la publication, Michel Dubertrand.Rédacteur en chef, Emmanuel Fargeaut.Vente au numéro, 5 euros.Abonnements - 1 an : 15 euros soutien : 25 euros, 50 euros.Tirage 3 000 exemplaires.Composition et impressionLes Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest15, rue Furtado - 33800 BordeauxCPPAP n° 0718 P 11493

L’Ormée15, rue Furtado 33800 Bordeaux

DéPoSé Le 24.02. 2016

Dispensé de timbrageBOrdeaux meriadeck

P r e s s eDISTRIBUÉE PAR

ÉDITo. Des imaginaires à partager, Olivier Dartigolles 1Nous les gueux, Léon Gontran-Damas 1

VISIoN DU MoNDE. Le clown Chocolat a beaucoup d’amis,

Cécile Renaut 2Israël. Boycott culturel, universitaire et

sportif, il est temps ! Andre Rosevègue 3PoRTRAIT DE CRÉATRICE.Jeanne RM. Histoire de femmeS,

propos recueillis par Christine Texier 4/5ASSoS.

Cdans la boîte, Bruce Milpied 6Cabaret de Printemps, Jean-Jacques Crespo 6

ÉTAT D’URGENCE.Moon Hop, jouer à toucher la lune,

Emmanuel Fargeaut 7De cour à jardin, de droite à gauche,

Vincent Taconet 7CHoIx DE l’oRMÉE. 8

L’abonnement… sans boniment, J-J C. 8

n° 104CHOIxDe L’ORMée

rencontresde la machine à lire Place du Parlement - BORDeaUX

proposées par eSPACeS MARxAquitaine/Bordeaux/Gironde

Jeudi 17 mars à 18 h 30Patrick WeiLLe Sens de la République (Grasset)en partenariat avec le centre émile Durkheimanimée par Magali DeLLA SuDA

Mardi 29 mars à 18 h 30alain BeRthO, Les Enfants du chaosen partenariat avec l’Union rationaliste et le Cercle Condorcetanimée par Jean-Claude MASSon

Jeudi 21 avril à 18 h 30Dominique WaLLOnCombats étudiants pour l’indépendance de l’Algérieanimée par Jean-Claude GILLet

17 aU 19 MaRS (20h30) 20 MaRS (16h)Théâtre du Pont Tournant - BoRDeAUxcabaret vin

par la compagnie du siavec AlAin ChANioT.

en même temps, presque !

LeS 1, 2, 3 avRiLQuartier Sainte-Croix - BoRDeAUxescale du livre

JeAn-numA DUCANGe, isAbelle GARoet emmAnuel ReNAUTseront présents le samedi 2 avril, pour undébat « Marx philosophe, Marx politique ».

DU 31 MaRS aU 3 avRiLFestival du film d’histoireun si proche orient

Cinéma Jean eustachePlace de la Ve République - PeSSAC

l’abonnement… sans bonimentun peu quanD même !Bien sûr, nous souhaiterions garder constamment la tête dans les étoiles sauf que,

parfois, la réalité nous rattrape. Vous avez en mains le n°108 de L’ormée. encore un ! Le miracle opère malgré la modestie des moyens dont nous disposons. Une obstination justifiée par une conviction profonde : si L’ormée n’existait pas, il faudrait la créer !

Du national au local : budgets au régime sec, subventions à la baisse, précarisation des acteurs culturels, éloignement des publics… Voilà ce qu’il en est de la culture sous le gouvernement austéritaire Valls-hollande. on ne s’étonnera pas alors que s’installe à son endroit une conception rabougrie où le divertissement prend le pas sur la créa-tion, la sensibilité, l’esprit critique.

A contrario, nous lui revendiquons une place centrale dans tout projet de libéra-tion humaine… Avec L’ormée, nous voulons offrir un espace aux artistes et créateurs, institutionnels comme francs-tireurs, nous voulons ouvrir à la diversité des pratiques. Pas une culture rêvée, mais celle qui se fait vraiment, en Gironde et ailleurs, et qui porte la promesse d’un autre monde...

À « L’ormée », le bénévolat est la règle, qu’il s’agisse du comité de rédaction, de la saisie des textes, de la maquette, des « petites mains » qui préparent l’envoi… ce qui explique pour partie quelques imperfections que vous avez pu constater dans les derniers numéros. Nous nous employons, avec l’aide de professionnels, à les corriger.

L’impression et le portage sont pris en charge par la Fédération de Gironde du PCF qui assume en totalité ces charges financières. or, les résultats des dernières élections régionales ont fragilisé les finances du PCF. en effet, une règle électorale injuste veut qu’une liste qui n’a pas fait 5 % des suffrages n’est pas remboursée de ses frais de campagne. Pour l’ensemble de la grande région, il ne manque au Front de gauche que 3 000 voix pour remplir cette condition ! Bulletins de votes, professions de foi, affiches, tracts… seront donc pour une grande part à charge du PCF.

Le PCF, notamment en Gironde, a lancé une souscription populaire et fait appel à la solidarité des démocrates « pour que la richesse du débat démocratique puisse s’ex-primer dans les urnes comme dans le quotidien ». Sans doute avez-vous été nombreux à répondre positivement. Pour notre part, nous ne demandons pas de contribution supplémentaire. Mais il ne vous échappe pas que les sommes collectées au titre de l’abonnement sont loin de couvrir les coûts de parution de L’ormée. Notre ambition est de réduire cette marge grâce à un nombre d’abonnements à la hausse.

Au cours de l’année passée, de nombreux lecteurs ont envoyé leur abonnement spontanément, notamment après le n°107 dans lequel était encarté un bulletin ad hoc. Nous les en remercions et souhaitons que leur geste soit imité par beaucoup d’autres. Une idée : en renouvelant votre abonnement, pourquoi ne pas abonner une voisine, une amie, que les questions liées à la culture ne laissent pas indifférente ?

Vous trouverez ce même bulletin à l’intérieur de ces pages. Utilisez-le pour donner à L’ormée des forces nouvelles. JeAn-JACques CresPo