organisation d'un site opératoire. comparaison des durées d'intervention prévues et réelles

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  • 8/18/2019 Organisation d'un site opératoire. Comparaison des durées d'intervention prévues et réelles

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    Article original

    Organisation d’un site opératoire.Comparaison des durées d’intervention prévues et réelles

    Organization of an operational site.Comparison of the durations of intervention planned and real

    S. Mérat  a,*, J.-C. Tortosa  b, I. Vincenti-Rouquette  b, G. Fèvre  b, J.-M. Rousseau  b

    a  Département d’anesthésie–réanimation, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, Franceb  Département d’anesthésie–réanimation, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé, France

    Reçu le 8 septembre 2004 ; accepté le 29 juillet 2005

    Disponible sur internet le 14 octobre 2005

    Résumé

    Objectif. – Améliorer la planification d’un site opératoire en comparant les durées d’intervention prévues par les chirurgiens et les duréesréelles d’occupation de salle d’intervention, de procédure chirurgicale et d’intervention chirurgicale.

    Type d’étude. – Étude prospective réalisée du 8 décembre 2003 au 27 février 2004.

     Patients et méthodes. – Les temps anesthésiques et chirurgicaux des interventions de chirurgie viscérale et gynécologique ont été relevés.À partir de ces données, plusieurs durées ont été calculées comme la durée d’occupation de la salle d’intervention, de procédure chirurgicaleet d’intervention chirurgicale. Ces durées ont été comparées aux durées prévues par les chirurgiens pour réaliser la planification de l’activitéopératoire.

     Résultats. – Deux cent dix interventions ont été étudiées ; l’analyse a montré qu’il existait une différencesignificative entre la durée prévueet la durée réelle d’occupation de la salle d’intervention de 45 minutes [5–125] ( p < 0,0001). La durée prévue correspondait à la duréed’intervention chirurgicale, durée qui ne prenait pas en compte l’induction anesthésique et l’installation chirurgicale.

    Conclusions. – L’efficacité de la planification d’un site opératoire dépend de l’exactitude des durées prévues qui servent à sa réalisation.Il est important que tous les acteurs du bloc opératoire utilisent les durées les plus proches de la réalité.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

    Abstract

    Objective. – To improve planning of our operational site by comparing the durations of intervention scheduled by the surgeons and the realdurations of occupation of room of intervention, surgical procedure and surgical operation.

    Study design. – Prospective study carried out of December 8, 2003 to February 27, 2004. Patients and methods. – Anaesthetic and surgical times of the interventions of visceral and gynaecological surgery were raised. From

    these data several durations were calculated like the duration of occupation of the room of intervention, surgical procedure and surgicaloperation. These durations were compared with the durations envisaged by the surgeons to carry out the planning of the operational activity.

     Results. – Two hundred and ten interventions were studied. The analysis showed that there was a significant difference between theduration planned and the real duration of occupation of the room of intervention 45 minutes [5–125] ( p < 0.0001). The duration plannedcorresponded with duration of surgical operation, duration which did not take into account anaesthetic induction and surgical installation.

    Conclusions. – The effectiveness of the planning of an operationalsite dependson the exactness of the durations scheduled, which are usedfor its realization. It is significant that all the actors of the operating theatre suite use the durations closest to reality.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

    * Auteur correspondant. Département d’anesthésie–réanimation, hôpital d’instruction des armées Percy, 101, avenue Henri-Barbusse, 92140 Clamart,France. Adresse e-mail :  [email protected] (S. Mérat).

    Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 152–157

    http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/ 

    0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annfar.2005.07.080

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     Mots clés : Organisation d’un site opératoire ; Durée d’intervention chirurgicale

    Keywords: Operating room management; Duration of surgical operation

    1. Introduction

    L’activité opératoire d’un établissement public ou privéretentit sur le fonctionnement général de la structure hospi-talière [1]. En France, l’activité des blocs opératoires résultede la coordination de plusieurs intervenants (chirurgiens, anes-thésistes, infirmières de bloc opératoire, infirmières anesthé-sistes, aides-soignants, agents hospitaliers) au sein d’uneorganisation encadrée par des dispositions légales et régle-mentaires [2–4].

    La planification d’un site opératoire doit être la plus effi-cace possible afin d’utiliser au mieux les créneaux horairesdisponibles ce qui permet d’optimiser l’activité opératoire etainsi de diminuer les coûts de fonctionnement tant financiersqu’humains [5,6]. Cette planification, le plus souvent hebdo-madaire, obéit à des règles en partie adaptées de celles degestion industrielle. Mais elle peut également échapper à toutschéma d’organisation et repose alors sur des rapports plusou moins hiérarchisés entre les différents intervenants en fonc-tion de plusieurs critères (urgence de l’intervention, disponi-bilité des équipes, du matériel...) [7]. Le principe de la plani-fication d’un site opératoire demeure cependant assez simple :programmer un certain nombre d’interventions chirurgicalesen fonction de leur durée prévue et de la durée hebdomadaire

    de disponibilité des blocs opératoires.Tout en tolérant un certain degré d’erreur, il apparaît que

    le non-respect des durées prévues d’intervention comporteun coût financier et humain. Soit les durées réelles d’inter-vention sont plus courtes que les durées prévues et les sallesd’intervention sont prématurément inoccupées alors que lepersonnel estprésent (coûtfinancier). Soit à l’inverse lesinter-ventions dépassent les durées prévues, ce qui peut provoquerun dépassement de temps de travail pour le personnel etl’annulation d’interventions programmées (coût humain).

    Afin d’optimiser la planification de l’activité de notre siteopératoire nous avons comparé les durées réelles d’interven-

    tion avec les durées prévues par les chirurgiens lors des réu-nions hebdomadaires de programmation de l’activité opéra-toire.

    2. Méthode

    Il s’agit d’une étude prospective qui s’est déroulée du8 décembre 2003 au 27 février 2004 au sein du site opéra-toire de notre institution qui est un hôpital d’instruction desarmées. Les interventions étudiées étaient des interventionsprogrammées de chirurgie viscérale et de chirurgie gynéco-logique. Pour chaque intervention les données suivantes ontété relevées : nature de l’intervention, durée d’interventionprévue par le chirurgien, identité de l’anesthésiste, identité

    du chirurgien, scoreASA, heure d’entrée en salle d’interven-tion, heure de début d’induction (début d’injection des pro-duits anesthésiques), heure d’intubation (début de la procé-dure d’intubation), heure de début de chirurgie (inductionterminée, sonde d’intubation fixée, patient à disposition del’équipe chirurgicale), heure d’incision, heure de fin de chi-rurgie (pansement terminé, patient à disposition de l’équipeanesthésique), heure de sortie de salle d’intervention.Les don-nées étudiées ont été relevées par le médecin anesthésiste res-ponsable de l’intervention.

    La durée d’intervention prévue par le chirurgien était la

    durée pendant laquelle le chirurgien estimait que l’interven-tion qu’il prévoyait d’effectuer allait occuper la salle d’inter-vention. Elle était déterminée par chaque chirurgien en fonc-tion de critères qui lui sont propres : expérience personnelle,difficulté prévisible du geste chirurgical, technique réalisée,données personnelles... Le médecin anesthésiste était librede choisir le protocole anesthésique et le chirurgien de choi-sir la technique de chirurgie. La décision d’extuber le patienten salle d’intervention opératoire ou de transférer le patientencore intubé en salle de surveillance postinterventionnelleétait laissée au libre choix de l’équipe anesthésique.

    À partir des données relevées, les différentes durées néces-

    saires à l’analyse ont été calculées : durée d’induction anes-thésique (entre l’entrée en salle et le début de la priseen chargechirurgicale), durée d’installation chirurgicale (entre le débutde la prise en charge chirurgicale et l’incision), durée de sor-tie de salle (entre la fin de la prise en charge chirurgicale et lasortie de salle), durée d’occupation de la salle (entre l’entréeen salle et la sortie de salle),  durée de procédure chirurgi-cale (entre le début et la fin de la prise en charge chirurgi-cale),   durée d’intervention chirurgicale  (entre l’incision etla fin de la procédure chirurgicale). Les bornes de ces duréessont visualisées sur la Fig. 1.

    Nous avons comparé la durée prévue d’intervention avec

    la durée d’occupation de la salle d’intervention, de procédureet d’intervention chirurgicales à l’aide d’un test t  pour sériesappariées. L’influence des durées d’induction anesthésiqueet d’installation chirurgicale sur les différences entre la duréeprévue d’intervention d’une part et d’autre part la duréed’occupation de la salle d’intervention, de procédure etd’intervention chirurgicales a été recherchée par un test derégression simple. Les différences moyennes entre la duréeprévue d’intervention et la durée d’occupation de salle,d’intervention et de procédure chirurgicales de chaque chi-rurgien ont été comparées à l’aide du test de Kruskal-Wallis.Les calculs ont été effectués à l’aide du logiciel StatView©

    (version 5.0). Les résultats ont été exprimés sous forme demédiane (10–90e percentiles). Une valeur de  p < 0,05 étaitconsidérée comme significative.

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    3. Résultats

    Pendant la période où l’étude s’est déroulée, ont été ana-lysées 210 interventions chirurgicales, 130 de chirurgie vis-cérale (28 cholécystectomies sous cœlioscopie, 16 thyroïdec-tomies totales ou partielles, 28 interventions de chirurgievasculaire, 21 cures de hernie inguinale et 37 autres interven-tions) et 80 de chirurgie gynécologique (28 tumorectomiesmammaires ou mastectomies totales, dix hystéroscopies, dixhystérectomies et 32 autres interventions), réalisées par 11 chi-rurgiens et trois anesthésistes. En prenant comme référencele relevé de passage en salle de surveillance postintervention-nelle durant la même période, l’exhaustivité du recueil a étéde 93,3 %.

    Les durées d’occupation de la salle d’intervention, de pro-cédure et d’intervention chirurgicales sont présentées dans leTableau 1. Les différences entre la durée d’intervention pré-vue et les précédentes durées sont présentées dans le Tableau2et dans la Fig. 2 pour l’ensemble des données. Pour l’ensem-ble des données, aussi bien que pour les données de chirurgieviscérale ou gynécologique, les résultats ont montré une dif-férence significative entre la durée prévue et la durée réelled’occupation de la salle d’intervention ( p < 0,0001). Pour lesdonnées de chirurgie viscérale et pour l’ensemble des don-

    nées, il existait également une différence significative entrela durée prévue et la durée de procédure chirurgicale( p < 0,0001). Pour la chirurgie gynécologique, il n’existaitaucune différence entre la durée prévue et la durée de procé-

    durechirurgicale. Uniquement pour la chirurgie viscérale, unedifférence significative entre la durée d’intervention prévueet la durée d’intervention chirurgicale était observée( p = 0,04). Pour l’ensemble des données, nos résultats ontmontré que la durée d’intervention prévue par les chirurgienscorrespondait à la durée de l’intervention chirurgicale maispas à celle d’occupation de la salle d’intervention. Les diffé-rences entre d’une part, la durée prévue et d’autre part, ladurée d’occupation des salles, la durée de procédure ou cellede l’intervention chirurgicale étaient toutes significativementdifférentes en fonction du chirurgien (respectivement p = 0,01,

     p = 0,03 et  p = 0,01). À l’inverse nous n’avons pas mis enévidence de facteur « anesthésiste ».

    Concernant le rôle des durées d’induction anesthésique,d’installation chirurgicale, et de sortie de salle (Tableau 1),pour l’ensemble des données, nos résultats ont montré que lamédiane de la durée d’induction anesthésique était de20 minutes, de la durée d’installation chirurgicale de 20 minu-tes et la durée de sortie de salle de huit minutes. La différenceentre la durée prévue et la durée d’occupation de salle étaitcorrélée à la durée d’induction anesthésique (r  = 0,19 ;

     p = 0,008), à la durée d’installation chirurgicale (r  = 0,32 ; p < 0,0001), mais pas à la durée de sortie de salle. La diffé-

    rence entre la durée prévue et la durée de procédure chirur-gicale était corrélée à la durée d’installation (R = 0,31 ;

     p < 0,0001). Bien que significatives, ces corrélations étaienttoutes faibles.

    Fig. 1. Déroulement dans le temps des horaires relevés et des durées calculées.

    Tableau 1Durées prévues, d’occupation de salle, de procédure et d’interventions chirurgicales, d’induction anesthésique, d’installation chirurgicale et de sortie de salle

    Ensemble des données Chirurgie viscérale Chirurgie gynécologiqueDurée prévue 90 [45–180] 90 [45–177] 120 [20–210]Durée d’occupation de la salle 135 [70–265] 135 [75–289] 145 [65–242]Durée de procédure chirurgicale 109 [45–243] 107 [50–252] 110 [33–214]Durée d’intervention chirurgicale 88 [30–219] 86 [30–220] 90 [30–200]Durée d’induction anesthésique 20 [12–33] 20 [12–35] 18 [12–30]Durée d’installation chirurgicale 20 [10–34] 22 [10–35] 19 [9–30]Durée de sortie salle 8 [4–20] 8 [5–20] 3 [20]

    Les résultats (minutes) sont exprimés sous la forme médiane [10–90e percentiles].

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    Pour la chirurgie viscérale, il existait également une cor-rélation positive entre la différence entre les durées prévueset d’occupation de salle et la durée d’induction (R = 0,25 ;

     p = 0,01), la durée d’installation (R = 0,44 ; p < 0,0001), maispas avec la durée de sortie de salle. La différence entre ladurée prévue et la durée de procédure chirurgicale est égale-ment corrélée à la durée d’installation(R = 0,35; p = 0,0003).

    Concernant la chirurgie gynécologique, la différence entreles durées prévues et d’occupation de salle et la différenceentre les durées prévues et de procédure chirurgicale ne sontpas corrélées avec les durées d’induction anesthésique, d’ins-tallation chirurgicale et de sortie de salle.

    Ainsi, cesrésultats montrentque la duréed’inductionanes-thésique et la durée d’installation chirurgicale influencent ladifférence entre la durée d’intervention prévue et la duréed’occupation de la salle d’intervention pour la chirurgie vis-cérale et pour l’ensemble des données.

    Concernant le respect des contraintes de fonctionnementde notre site opératoire, chaquejour les premiers patients opé-rés devaient être pris en charge au plus tard à 7 h 45 ; seuls32 % des premiers patients étaient en salle d’intervention à7 h 45 (30 % pour la chirurgie viscérale et 35 % pour la chi-

    rurgie gynécologique) avec une médiane d’arrivée en salled’intervention à 7 h 52 (Fig. 3). Pour ces mêmes patientsl’induction devait débuter à 8 h au plus tard ce qui ne concer-nait que 40 % des patients (37 % pour la chirurgie viscéraleet 43 % pour la gynécologie) avec une médiane de débutd’induction à 8 h 04. L’incision devait avoir lieu à 8 h 30, cequi ne concernait que 32 % des patients en réalité (30 % pourla chirurgie viscérale et 35 % pour la chirurgie gynécologi-que), médiane à 8 h 39.

    Par ailleurs, les règles de fonctionnement de notre institu-tion recommandaient qu’à 16 h toutes les interventions soientterminées ce qui n’était pas le cas pour 17 % des interven-

    tions (Fig. 4).

    4. Discussion

    Dans de nombreux centres hospitaliers la planification del’activité opératoire repose sur des estimations imprécises desdurées d’intervention. Ce modèle « archaïque » de program-mation peut être à l’origine de dysfonctionnements alors quela notion de rentabilité, en particulier financière, devient unobjectif principal [8–10]. Plusieurs modèles de gestion issusde l’industrie sont disponibles. Adaptés à la pratique chirur-gicale, on peut schématiquement discerner trois modèles deprogrammation [7] :• la programmation ouverte (open scheduling ou open boo-

    king) où aucune réservation n’est préétablie, le premier

    Tableau 2Différences entre la durée d’intervention prévue et les durées d’occupationde salle, de procédure et d’intervention chirurgicales

    Ensembledes données

    Chirurgieviscérale

    Chirurgiegynécologique

    DOS 45 [–5–125]* 49 [8–131]* 40 [–13–96]*DPC 15 [–30–91] 20 [–17–107] 2 [–42–67] **DIC –4 [–55–68]** 0 [–38–84]*** –10 [–65–55]**

    Les résultats (minutes) sont exprimés sous la forme médiane [10–90 e per-centiles]. DOS : durée d’occupation de salle d’intervention ; DPC : durée deprocédure chirurgicale ; DIC : durée d’intervention chirurgicale.* :

     p < 0,0001 ; ** : NS (non significatif) ; *** :  p = 0,04.

    Fig. 2. Différences entre la durée d’intervention prévue (DIC) et les duréesd’occupation de salle (DOS), de procédure et d’intervention chirurgicales

    (DPC) pour l’ensemble des données. Représentation en boîte à moustaches(box-plot ). Le trait plein représente la médiane, les limites de la boîte les25–75e percentiles.Les barreset les« O » représententles données qui excè-dent les 25–75e percentiles, respectivement de 1,5 fois et de plus de 1,5 foisla longueur de la « boîte ».

    Fig. 3. Heure d’entrée en salle des premiers patients (ensemble des don-nées).

    Fig.4. Heure de sortie de salle desdernierspatients(ensemble desdonnées).

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    opérateur qui se manifeste auprès du responsable de la pla-nification est le premier servi ;

    • la programmation parallocationpréalable des plages (block scheduling) où chaque opérateur ou service possède un

    temps opératoire hebdomadaire préallouédurant lequel lesinterventions sont programmées sans possibilité de modi-fier les plages opératoires ;

    • la programmation par allocation préalable de plages avecprocessus d’ajustement (modified block scheduling) où lescréneaux de salle d’intervention sont répartis par alloca-tion d’un pourcentage de temps, le reste étant laissé libre,ou par redistribution du temps imparti non utilisé jusqu’à48–72 heures avant la date opératoire initialement fixée.Pour répondre aux évènements imprévus de la pratique

     journalière, trois stratégies de programmation peuvent êtreadjointes à ces trois modèles [7] :•

     une stratégie de durée fixe d’occupation ( fixed hours sys-tem) qui ne tient compte que des règles de fonctionnementdu site opératoire, en particulier horaires, ce qui provoquedes reports d’intervention ou une sous-utilisation des sal-les ;

    • une stratégie de respect de la date fixée d’intervention (anyworkday system) aux dépens des horaires de travail ;

    • une stratégie intermédiaire (reasonable time system) quipermet un taux d’occupation plus élevé avec un report rai-sonnable de date d’intervention.Malgré la réalisationd’une planification hebdomadaire, qui

    a pour objectif d’attribuer à chaque chirurgien un créneauopératoire en fonction de la plage qui lui est préallouée et de

    la durée prévue de ses interventions (programmation par allo-cation préalable des plages modulée par la stratégie d’ajuste-ment intermédiaire), tous les intervenants de notre bloc cons-tatent régulièrement des dysfonctionnements dans ledéroulement du programme opératoire journalier. Ces dys-fonctionnements sont principalement illustrés d’une part parles taux d’occupation des salles (temps durant lequel uneacti-vité est effectivement en cours par rapport à la plage théori-que d’ouverture), 60 % pour la chirurgie gynécologique et55 % pour la chirurgie viscérale, qui montrent que les sallesd’intervention sont sous-employées, et d’autre part par le faitque près d’une intervention sur cinq se poursuit au-delà de

    16 heures, heure de fermeture du bloc opératoire.En pratique, la durée réelle d’une intervention n’est paséquivalente à la durée du geste chirurgical lui-même, mais àla durée où le patient est présent dans la salle d’intervention.À cette durée réelle d’occupation de la salle, il faut ajouter letemps de décontamination, de nettoyage et de préparation dela salle pour obtenir la durée totale pendant laquelle la sallene peut pas être utilisée pour un autre patient. Nos résultatsmettent en évidence que pour la majorité des chirurgiens denotre institution la durée prévue d’intervention correspond àla durée du geste chirurgical sans prendre en compte la duréed’installation chirurgicale pour les chirurgiens viscéraux, nila durée d’induction anesthésique pour l’ensemble des chi-rurgiens. La conséquence est un dépassement de la durée pré-vue d’environ 53 minutes en moyenne pour chaque interven-

    tion, soit un dépassement horaire quotidien d’une à troisheures en fonction du nombre d’interventions programmées.

    Une autre anomalie de fonctionnement se dégage de nosrésultats. En France, depuis plusieurs années, l’activité des

    sites opératoires est encadrée par des chartes locales de blocopératoire [3,4,11]. La nôtre semble prise en défaut puisqueseulement un tiers environ des premiers patients de la jour-née sont pris en charge à un horaire adéquat ce qui ne permetqu’à 32 % des interventions de débuter à l’heure recomman-dée. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce mauvais respectdes horaires :• concernant la prise en charge du premier patient : le man-

    que de personnel pour amener les patients au bloc opéra-toire entraînant inévitablement un étalement des arrivées ;

    • concernant le retard du début de la chirurgie : une duréed’induction troplongue (l’importance de la différence entre

    la durée prévue et la durée réelle est corrélée à la duréed’induction), une induction tardive due à un retard d’arri-vée de l’anesthésiste, un début de chirurgie tardif dû à unretard d’arrivée du chirurgien ;

    • concernant la sortie trop tardive du dernier patient : l’accu-mulation de tous les retards précédents et du non-respectde la durée prévue se répercute à la fin du programme opé-ratoire.Enfin, nos résultats montrent que certains chirurgiens esti-

    ment une durée plus proche de la réalité que les autres. Danscette étude tous les chirurgiens sont des chirurgiens seniorset l’ancienneté d’exercice ne semble pas être à l’origine de lamauvaise estimation de la durée prévue d’intervention.

    L’identité de l’anesthésiste ne semble pas avoir d’impor-tance dans la planification de l’activité opératoire, la standar-disation des techniques anesthésiques pourrait être une expli-cation de ce constat.

    Que pouvons-nous proposer pour améliorer la planifica-tion de l’activité de notre site opératoire ?• Opter pour un autre modèle de planification, par alloca-

    tion préalable de plages avec processus d’ajustement, cequi nécessiterait d’affecter un personnel préalablementformé aux techniques de gestion de la production et dontl’autorité serait unanimement reconnue.

    • Après une étude d’évaluation, ne plus tenir compte des

    durées prévues par les chirurgiens mais seulement del’identité du chirurgien et de la nature de l’intervention.Pour obtenir une prévision de la durée des interventions laplus proche possible de la réalité, il faut au préalable réa-liser une enquête sur une période minimale de 6 à 12 moisqui permette pour chaque intervention et pour chaque chi-rurgien d’estimer un temps moyen d’occupation de salled’intervention [12,13]. Cette durée estimée pourraitensuiteêtre pondérée par la difficulté prévue ou le caractère inha-bituel de l’intervention [14].

    • Être plus rigoureux dans l’ajustement de la programma-tion hebdomadaire, au mieux réajustée tous les jours,l’après-midi, après avis de tous les acteurs du bloc opéra-toire [15]. Cependant, modifier les dates prévues d’inter-vention moins de 24 h 00 avant la date prévue peut ne pas

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    être réalisable ni souhaitable et nécessite une grande dis-ponibilité de la part des patients.

    • Être plus rigoureux dans le respect des horaires d’arrivéeau bloc opératoire des patients, des anesthésistes et des

    chirurgiens [16].• Adapter la charte opératoire aux durées observées, en par-

    ticulier les durées d’induction anesthésique et d’installa-tion chirurgicale, qui sont plus longues que les durées pri-ses en compte lors de la rédaction de la charte de notre siteopératoire.L’informatisation de la feuille d’anesthésie et l’utilisation

    de logiciels de programmation pourraient permettre des auditsen continude l’évolutiondes écarts entre les différentesduréesétudiées. Cela pourrait permettre une réponse plus rapide encas d’écart excessif entre la programmation hebdomadaire etla pratique réelle.

    5. Conclusion

    L’efficacité de la planification d’un site opératoire rejaillitsur l’ensemble du fonctionnement d’un centre hospitalier.Depuis quelques années des modèles de gestion de produc-tion sont appliqués au fonctionnement des sites opératoires,ce qui en théorie doit permettre une meilleure rentabilité etd’éviter les surcoûtsfinancier et humain inhérents à des modesde planification plus archaïques. Cela nécessite néanmoinsune bonne estimation des durées opératoires réelles dans cha-que site car elles sont à la base du processus de la program-

    mation des patients.

    Références

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