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1 Les soldats lorientais et la guerre de 1870 Ordre de mobilisation, 10 novembre 1870 Archives de Lorient - Fonds Alain Kerguélen - 72 Z 25 Patrick Bollet

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Page 1: Ordre de mobilisation, 10 novembre 1870 · la patrie. Elle sait ce qu’elle vaut, car elle a vu dans les quatre parties du monde la victoire s’attacher à ses pas. J’amène mon

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Les soldats lorientais et la guerre de 1870

Ordre de mobilisation, 10 novembre 1870

Archives de Lorient - Fonds Alain Kerguélen - 72 Z 25

Patrick Bollet

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« Le sang du globe va couler, vaste et vermeil, Et les hommes seront fauchés comme des herbes ; Et les vainqueurs seront infâmes, mais superbes. » Victor Hugo1

1 L’Année terrible.

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C’est une nouvelle page de notre histoire locale que j’ouvre avec ce travail consacré au conflit franco-prussien de 1870. La guerre menée par les troupes impériales de Napoléon III est très courte et se déroule du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871. Elle est surtout marquée par la déroute de nos armées, la capitulation de l’Empereur à Sedan et la proclamation de la République à l’Hôtel de ville de Paris. Le 4 septembre 1870, le gouvernement de Défense nationale organise la résistance et le nouveau ministre de la Guerre, Léon Gambetta, décide de la poursuivre à « outrance ». Lorsqu’il s’agit de défendre la patrie, les Lorientais n’hésitent pas et rejoignent en grand nombre, le 31e régiment de mobiles2 et l’Armée de Bretagne du général de Kératry. Après de nombreux revers, l’armistice conclu avec l’Allemagne, le 28 janvier 18713, met fin à la guerre. La population parisienne excédée par le siège, refuse la défaite et défie le gouvernement installé à Versailles. C’est la Commune4. L’insurrection du 18 mars au 28 mai 1871 se termine dans un « bain de sang. » Lors du retour des troupes à Lorient trente-neuf lorientais manquent à l’appel. Malgré l’inauguration d’une plaque commémorative et les efforts des anciens combattants de 1870, ils sont rapidement oubliés. Leur sacrifice est éclipsé par les pertes incommensurables de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il ne reste presque rien de ces braves tombés à l’ennemi. Il subsiste seulement de leur épopée au service de la France quelques strophes d’un chant patriotique5 : « Voyez là-bas, comme un éclair d’acier - Ces escadrons passer dans la fumée - Ils vont mourir et, pour sauver l’armée - Donner le sang du dernier cuirassé » et une comptine chantée dans les cours de récréation vantant la bravoure des cuirassés de Reichshoffen, lors des combats du 6 août 1870 à Woerth-Frœschwiller : « C’était un soir la bataille de Reichshoffen - Il fallait voir les cavaliers charger ….. »

Patrick Bollet

1 La loi Niel de 1868, maintient le tirage au sort des conscrits et le remplacement, cher à la bourgeoisie. Les malchanceux effectuent un service de cinq ans dans l’armée d’active et quatre ans dans la réserve. La loi institue pour tous les exemptés du service d’active, une garde nationale mobile, soumise à des périodes de formation et susceptible en cas de conflit de rejoindre les troupes d’active. 3 Le 26 janvier 1871, Jules Favre signe les conditions de l’armistice. Ce dernier parait le 28 janvier au journal officiel. 4 La ville de Paris est alors dirigée par un conseil communal. 5 Dès 1871, une chanson loue le courage des cuirassés du général Michel (Morsbronn) et du général de Bonnemain engagés le 6 août 1870 lors de la bataille de Woerth-Frœschwiller afin de dégager les troupes françaises. Cette charge héroïque dite de Reichshoffen est mise en paroles par Henri Nazet et Gaston Villemer et la musique est de Francisque Chassaigne.

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PROCLAMATION DE L’EMPEREUR

AU PEUPLE FRANCAIS

Français, il y a dans la vie des peuples des moments solennels ou l’honneur national, violemment excité, s’impose avec une force irrésistible, domine tous les intérêts, prend seul en mains la direction des destinées de la patrie. Une de ces heures décisives sonne pour la France. La Prusse, à qui nous avons témoigné pendant et depuis la guerre de 1866 les dispositions les plus conciliantes, n’a tenu aucun compte de notre bon vouloir, de notre longanimité. Entrée dans la voie des envahissements, elle a éveillé toutes les défiances, nécessité partout des armements exagérés, fait de l’Europe un camp où règnent l’incertitude et la crainte du lendemain. Un dernier incident est venu révéler l’instabilité des rapports nationaux, montrer toute la gravité de la situation en présence des nouvelles prétentions de la Prusse. Nos réclamations se sont fait entendre, elles ont été éludées et suivies de procédés dédaigneux. Notre pays en a ressenti une profonde irritation, et aussitôt un cri de guerre a retenti d’un bout de la France à l’autre. Il ne nous reste plus qu’à confier nos destinées au sort des armes. Nous ne faisons pas la guerre à l’Allemagne dont nous respectons l’indépendance. Nous faisons des vœux pour que les peuples qui composent la grande nationalité germanique disposent librement de leurs destinées. Quant à nous, nous réclamons l’établissement d’un état de choses qui garantisse notre sécurité et assure l’avenir. Nous voulons conquérir une paix durable basée sur les vrais intérêts des peuples et faire cesser cet état précaire où toutes les nations emploient leurs ressources à s’armer les unes contre les autres. Le glorieux drapeau que nous déployons encore une fois devant ceux qui nous provoquent, est le même qui porta à travers l’Europe les idées civilisatrices de notre grande révolution. Il représente les mêmes principes, il inspirera les mêmes dévouements. Français, je vais me mettre à la tête de cette vaillante armée qu’anime l’amour du devoir et de la patrie. Elle sait ce qu’elle vaut, car elle a vu dans les quatre parties du monde la victoire s’attacher à ses pas. J’amène mon fils avec moi ; malgré son jeune âge, il sait quels sont les devoirs que son nom lui impose, et il est fier de prendre sa part dans les dangers de ceux qui combattent pour la patrie. Dieu bénisse nos efforts, un grand peuple qui défend une cause juste est invincible.

NAPOLÉON

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L’Année terrible 6 Le 19 juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse7. Le chef du gouvernement, Emile Ollivier, l’accepte « d’un cœur léger » et l’enthousiasme8 des partisans du conflit est grand malgré quelques manifestations pacifistes. Les cris à Berlin ! ponctuent les rassemblements patriotiques et une grande partie de la presse partage l’engouement général. Pour Le Courrier de Bretagne9 : « Jamais guerre n’a été plus sympathique et mieux accueillie » et L’Abeille de Lorient10 titre : « La guerre est déclarée. Devant ce grand fait, tous les dissentiments doivent se taire, toutes les divisions se calmer. Aujourd’hui, il n’y a plus de républicains, plus d’impérialistes, plus de libéraux, plus de réactionnaires : il n’y a plus que des Français. C’est là en France notre grande supériorité sur les autres nations ; dès que l’honneur du pays est en jeu, les partis disparaissent pour faire place à une union admirable (…) Nous avons foi dans la supériorité de notre armée qui justifiera une fois de plus la parole du grand capitaine : que les Français sont les premiers soldats du monde. » C’est également l’avis du maréchal Edmond Lebœuf,11 ministre de la Guerre qui affirme devant le Corps législatif 12 : « Nous sommes prêts et archi-prêts, la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats.13 » Le 20 juillet, c’est en musique et aux cris de Vive le 25e ! Vive la France ! que le 25e régiment d’infanterie14 de ligne quitte Lorient ainsi que les soldats de l’artillerie de la marine, des marins15, des fusiliers. « Braves enfants de notre patrie, fils généreux de la France, tous nos vœux vous accompagnent et le cœur des vrais français qui bat toujours plus fort à la veille d’un combat, vous suivra à la sainte bataille où vous allez venger l’honneur du pays, comme il vous accueillera au retour, au lendemain de la victoire. »16

Si Lorient au 25e Vient aujourd’hui dire au revoir,

C’est qu’ici chacun de nous l’aime, Qu’il va remplir un grand devoir.17

La population lorientaise « suit ces braves enfants qui vont ajouter un lustre nouveau au drapeau victorieux de la patrie.18 » Le conseil d’arrondissement19 de Lorient est également « plein de confiance dans notre brave armée et son illustre chef, le conseil a la conviction que la guerre assurera la sécurité et la gloire de la patrie. » Pourtant, cet optimisme est « tempéré »

6 « Année terrible », œuvre poétique de Victor Hugo.

7 En 1866, La Prusse défait l’Autriche-Hongrie à Sadowa. Cette victoire conforte Bismarck dans sa volonté d’unifier l’Allemagne. 8 Pour Le Figaro du 20 juillet 1870 : « À une distance d’un kilomètre, voici les résultats obtenus par le fusil à aiguille (prussien) et le chassepot (français). Avec le chassepot, 70 balles sur cent ont porté. Avec le fusil à aiguille, 9 sur 100 ! 9 Le Courrier de Bretagne. Le 20 juillet 1870. 10 L’Abeille de Lorient. Le 17 juillet 1870. 11 Edmond Lebœuf (1809-1888) est nommé le 21 août 1869, ministre de la Guerre. Le 24 mars 1870, il est fait maréchal de France. 12 La guerre est acceptée malgré l’opposition de Thiers, de Jules Ferry et de la plus grande partie des républicains. 13 Intervention à la Chambre. Le 15 juillet 1870. 14 Le 26 juillet 1870, le colonel Emile, Armand Gibon (1813-1870), du 25e de ligne quitte Lorient avec une partie du régiment. Il est nommé général en septembre 1870 et est grièvement blessé le 7 octobre 1870, à la bataille de Ladonchamps-Woippy en Moselle. Il décède, le 19 octobre 1870. Le 19 novembre 1870, un service funèbre est célébré à son intentions en l’église Saint-Louis à Lorient. Il est commandeur de la Légion d’honneur. 15 Ces derniers sont casernés au fort de Bicêtre à Paris. 16 Le Courrier de Bretagne. Le 20 juillet 1870. 17 Première strophe d’une chanson (air de la Marseillaise) composée par un Lorientais à l’occasion du départ du 25e de ligne. 18 21 juillet 1870. 19

24 juillet 1870.

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par l’évêque de Vannes qui écrit dans La Semaine religieuse20 : « La lutte sera terrible et sanglante. Puisse-t-elle se terminer promptement et à notre avantage ! Il nous est permis de l’espérer. Dieu protège la France. Nos soldats connaissent le chemin de la gloire et du triomphe. » Alors que les troupes font mouvement dans un incroyable désordre vers la frontière, c’est du quartier impérial de Metz que Napoléon III s’adresse à l’armée : « Soldats, Je viens me mettre à votre tête pour défendre l’honneur et le sol de la patrie. Vous allez combattre une des meilleures armées de l’Europe ; mais d’autres, qui valaient autant qu’elle, n’ont pu résister à votre bravoure. Il en sera de même aujourd’hui. La guerre qui commence sera longue et pénible, car elle aura pour théâtre des lieux hérissés d’obstacles et de forteresses ; mais rien n’est au-dessus des efforts persévérants des soldats d’Afrique, de Crimée, de Chine, d’Italie et du Mexique. Vous prouverez une fois de plus ce que peut une armée française animée du sentiment du devoir maintenue par la discipline, enflammée par l’amour de la patrie. Quel que soit le chemin que nous prenions hors de nos frontières, nous y trouverons les traces glorieuses de nos pères. Nous nous montrerons dignes d’eux. La France entière vous suit de ses vœux ardents, et l’univers à les yeux sur vous. De nos succès dépend le sort de la liberté et de la civilisation. Soldats, que chacun fasse son devoir, et le Dieu des armées sera avec nous !21 » Pendant que l’armée régulière22 se prépare au combat, le pays se mobilise et c’est avec empressement que la population lorientaise répond à la souscription23 nationale destinée à venir en aide aux blessés, pendant la campagne, et aux veuves et orphelins victimes des malheurs de la guerre. Un comité de secours aux blessés s’apprête à recevoir les premiers convois de soldats évacués des zones de combat24. Par la suite, « 100 lits sont préparés au lycée dans les conditions hygiéniques les plus favorables ; les services médical, pharmaceutiques, celui des infirmiers sont assurés : les frères de la doctrine chrétienne ont proposé de les seconder ; les sœurs de la charité ont offert leur concours avec l’empressement dont elles ont donné déjà tant de preuves ; M. le curé de Lorient met à la disposition du comité 200 chemises ; l’approvisionnement de linge et de charpie ne fera pas défaut, grâce au dévouement charitable des dames de la ville25 ; à l’hospice civil pour les premiers blessés, les offrandes de vin, de sucre, de café, de fruits ont afflué de toutes parts ; la même générosité se montre pour les blessés soignés au lycée. 26» L’arsenal, seul moteur

20 La Semaine religieuse du diocèse de Vannes. Le 28 juillet 1870. 21 Proclamation de Napoléon III à l’armée. Le 28 juillet 1870 22 Le lundi 8 août 1870, la population accompagne à la gare de Lorient, les derniers convois de l’artillerie de marine. Les canonniers sont alors affectés à la défense des forts de Paris. Ces derniers ont « près de cent pièces de gros calibre, dont la plupart lance des projectiles du poids de 28 kilogrammes à une distance de 4 kilomètres. Les canons sont servis par 1600 artilleurs brevetés du Louis XIV, vaisseau école des canonniers de la marine. Pour la presse parisienne : « L’habileté des artilleurs est tellement sûre, que l’un des capitaines de vaisseau, commandant l’un des forts, a affirmé, que ces pointeurs lanceraient les boulets de 28 kilogrammes dans le fond d’un chapeau, à une distance 4 kilomètres ! » 23 5000 francs sont récoltés à Lorient en quelques semaines. 24 Le 2 septembre, 150 blessés de l’armée française arrivent à Lorient. « Une foule sympathique se pressait aux abords de la gare. La garde nationale formait la haie le long de la route qui conduit jusqu’aux portes de l’hospice. C’était à qui donnerait des marques d’attendrissement et de reconnaissance à ces braves combattants des journées de Borny et de Gravelotte. » Le Courrier de Bretagne. Le 3 septembre 1870. 25 A partir du 15 août, une voiture circule en ville de 8 à 12 heures afin de recueillir du linge et différents objets pour les blessés. La population lorientaise est généreuse et en quelques jours une première expédition comprend : 23 couvertures, 148 draps, 50 taies d’oreillers, 368 chemises, 2 caisses de charpie et 2 caisses de compresses. Les besoins sont importants et afin d’accueillir dans de bonnes conditions les nombreux convois de blessés qui arrivent à Lorient, un comité de secours se met en place et est composé de MM. Jules Rochard, médecin en chef de la marine (président), Victor Guyot de Salins, avocat ( secrétaire du comité), Eugène Grouhel, directeur de L’Abeille de Lorient (trésorier du comité), Villotte, ingénieur de la marine, Franquet, docteur-médecin, ancien chirurgien de la marine, Le Diberder (jeune), docteur-médecin, Raison du Cleuzioux, propriétaire, Joubaud, pharmacien, Gosse, pharmacien, Arnox, notaire, François Marcesche, secrétaire-en-chef de la Mairie de Lorient, Debled, bibliothécaire de la marine, Lefranc, capitaine du génie. L’Abeille de Lorient. Le 28 août 1870. 26 L’Abeille de Lorient. 11 septembre 1870.

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économique du pays de Lorient, tourne également à plein régime27 et produit sous la direction de M. Charles, Ernest Huin,28 ingénieur de 1e classe, « des pièces de canons en bronze rayées du calibre de 12 et de 4 (…) Les affûts et avant-trains des canons sont confectionnés par les charpentiers et les charrons de la direction. Les ateliers des forges, du port, et ceux des bâtiments en fer, de Caudan, étaient chargés de la confection des ferrures de ce matériel. » Certains ouvriers du port, anciens artilleurs procédaient ensuite « aux épreuves des canons préalablement à leur réception définitive » au polygone de la marine. » Les personnels de l’arsenal sont presque tous mobilisés pour la confection du matériel de guerre « les menuisiers confectionnaient des carcasses de selleries pour chevaux et mulets ; les chaudronniers des nécessaires d’armes, des marmites, des gamelles, des bidons ; les voiliers et les calfats confectionnaient des havresacs en toile et des tentes de campement, des cartouchières, des ceinturons. Enfin, les ouvriers inférieurs fabriquaient par millions des boucles pour havresacs, ceinturons. Des balles pour mitrailleuses étaient également confectionnées en immense quantité.29 Le préfet maritime, le vice-amiral d’Herbinghem salue « le généreux et patriotique entrain de tous nos services et de nos ateliers » et le zèle des personnels en faveur de la défense nationale.

La bataille des frontières Malgré les prières publiques en faveur de nos armées souhaitées par le garde des Sceaux, « Dieu » n’est pas avec elles car en quelques jours, les troupes françaises sont malmenées par la supériorité numérique30 et d’artillerie de l’adversaire mais surtout par de graves insuffisances de commandement et d’organisation stratégique. En effet, « 200 000 soldats français, mobilisés à la hâte et dispersés sur un front de 300 kilomètres de Bale à Thionville, se trouvèrent en face de 500 000 Allemands massés entre Rhin et Sarre.31 » En Alsace, l’armée du maréchal Mac-Mahon est battue, à Wissembourg (4 août) puis à Frœschwiller-Woerth (6 août), malgré les charges héroïques de la cavalerie française à Morsbronn et à Reichshoffen : « le salut de l’armée l’exige ! Arrêtez ces batteries pendant vingt minutes seulement.32 » Le sacrifice des cuirassiers permet à Mac-Mahon de se replier sur Châlons-en-Champagne, afin de réorganiser les troupes. En quelques jours, l’Alsace est perdue alors que l’ennemi assiège et bombarde Strasbourg 33 (9 août), Neuf-Brisach34 et Belfort.35 Pour sa part,

27 Le montant des travaux exécutés par la D.C.N. pour le département de la guerre en 1870-1871 s’élève à trois millions cinq cent mille francs. Le Nouvelliste du Morbihan. Le 14 juillet 1889. 28 Charles, Ernest Huin (1836-1912). Ce brillant ingénieur général de la Marine (Ecole polytechnique 1855), épouse le 20 novembre 1861, à Lorient : Marie, Anne, Augustine Bréger (1843-1929), fille de Gustave, Evariste Bréger et d’Emilie, Marie, Henriette Dupuy de Lôme. Cette dernière est la sœur de Stanislas, Charles, Henri Dupuy de Lôme. 29

Le Nouvelliste du Morbihan. Le 14 juillet 1889. 30 « La mobilisation, ordonnée le 14 juillet, a porté, le 5 août, à la frontière 250 000 hommes ; 60 000 sont dans les dépôts, ou en Algérie, ou à Rome (…) Pendant ce temps, l’ennemi amène aux premiers chocs 500 000 hommes, organisés à l’avance en corps d’armée et divisions, garnit ses dépôts de 160 000 soldats et lève une solide landwehr de 200 000 hommes. » Charles de Gaulle. 31 Dubreton, Jean Lucas. De Napoléon à nos jours. Flammarion1934 32 Demande de Mac-Mahon à la division du général de Bonnemains. Six régiments de cuirassiers et de lanciers se sacrifient pour sauver l’armée française. A la tête de ses cuirassiers, le colonel de Lafutsun de Lacarre a la tête emportée par un boulet. 33 Le 28 septembre 1870, Strasbourg capitule après 31 jours de siège. Le bilan des bombardements est lourd : 1400 civils sont blessés et les militaires perdent 2800 hommes dont 550 tués. 34 Le 18 août, les troupes du maréchal Bazaine (110 000 hommes) affrontent l’armée du maréchal von Moltke (190 000 soldats). Le combat est meurtrier. Il se traduit par près de 5600 morts et 6700 blessés du côté français et par 5300 morts et 14500 blessés du côté de l’ennemi. L’expression populaire : « Ça tombe comme à Gravelotte ! » décrit l’atmosphère de ce combat et l’impressionnant déluge de balles et d’obus qui s’abattent avec violence sur les combattants. 35 Le 16 février 1871, Belfort accepte de se rendre sur ordre du gouvernement français. Le siège avait duré 105 jours, dont 73 de bombardement. La garnison avait perdu 32 officiers et 4713 hommes tués, blessés ou disparus. 363 civils sont tués par les bombardements. La défense héroïque de Belfort est symbolisée par le lion sculpté par Bartholdi dans le rocher qui supporte la forteresse : « AUX DÉFENSEURS DE BELFORT 1870-71. »

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en Lorraine, le maréchal Bazaine36 défait à Borny (14 août), Rezonville37 (16 août), Saint-Privat-Gravelotte38 (18 août) se réfugie à Metz ou il se « laisse39 » encercler par la IIe armée prussienne (20 août) avec 173 000 soldats, « 6 000 officiers, 1650 canons, 6000 à 10000 chevaux, 278 000 fusils, 3 millions d’obus, 23 millions de cartouches.40 » À Châlons, Mac-Mahon, qui est rejoint par Napoléon III, reçoit l’ordre du ministre de la Guerre, le général Cousin-Montauban, comte de Palikao, d’aller secourir les troupes en Lorraine41 du maréchal Bazaine et de reprendre l’offensive. « Cet ordre est la perte de notre dernière armée ! » estime Mac-Mahon et malgré ses réticences, l’armée42 de Châlons forte de 130 000 hommes se met en marche en direction de Metz. Le général en chef de l’armée prussienne von Moltke met à profit43 les hésitations et la lenteur de nos troupes harassées par les marches à l’aventure pour les « accrocher » à Nouart (28 août), et les arrêter à Beaumont (30 août) et à Bazeilles (1er septembre), malgré une lutte acharnée et l’héroïsme des troupes de l’infanterie de marine, les obligeant à se replier sur Sedan « sur laquelle l’artillerie allemande tire à outrance. Pour faire cesser le massacre, Napoléon III ordonne de suspendre le combat. Le général de Wimpffen réunit encore quelques troupes susceptibles d’un effort et tente de faire une trouée du côté de Carignan. Il ne peut dépasser Balan et se voit dans l’obligation de rentrer à Sedan. Convaincu de l’inutilité de ses efforts, il se décide alors à capituler.44 » Le 2 septembre 1870, Napoléon III signe la capitulation. « Près de 100 000 hommes et un immense matériel tombent entre les mains de l’ennemi. »

La Défense Nationale Le 4 septembre 1870, la nouvelle de la capitulation provoque à Paris la déchéance de l’Empereur et la proclamation de la République. Les chefs de l’opposition républicaine forment un gouvernement de Défense nationale, présidé par le gouverneur de Paris et ministre de la Guerre, le général Trochu ; « M. Gambetta, ministre de l’Intérieur ; M. Crémieux, ministre de la Justice ; M. Jules Simon, ministre de l’Instruction publique. M. de Kératry, est nommé préfet de police ; M. Etienne Arago, maire de Paris45 » et décident de poursuivre la guerre46 à outrance contre l’envahisseur : « La République, gardienne de l’intégrité nationale,

36 Le 6 octobre 1873, il passe en Conseil de guerre. Condamné à mort, il est gracié par le président de la République Mac-Mahon qui commue la peine en vingt ans de réclusion dans une enceinte fortifiée. Il est emprisonné au fort royal de l’île Sainte-Marguerite dont il s’échappe (1874). Il se réfugie à Madrid en Espagne et décède, le 23 septembre 1888. 37 Bataille sanglante qui laisse à terre 16 000 Français et 18 000 Allemands. 38 Lors de cet engagement, le Lorientais Emile Frater, officier d’ordonnance du général de Cissey est blessé à l’épaule droite. Le 31 août, il est de nouveau blessé lors de la bataille de Noisseville-Servigny. Ce jeune officier est alors récompensé par la Légion d’honneur et par le grade de capitaine (23 ans). Emile Frater, est né à Lorient, le 10 novembre 1847. Après des études brillantes au collège d’Aumale à Lorient -où enseigne son père -il entre à l’École Polytechnique et fait l’École d’état-major. Après le conflit, il poursuit sa carrière militaire et est nommé général de Brigade, le16 avril 1898 et général de Division en 1902. Le 30 décembre 1935, Il décède à Versailles (Yvelines) et est inhumé à Lorient. Carré 29 - Tombe n° 10. 39 Le maréchal Bazaine désormais à l’abri des fortifications de Metz attend les évènements et compte les utiliser à son seul profit. 40 Vincent, Bernard. Organisation de l’armée impériale en août 1870. 41 Pour L’Abeille de Lorient : « Le but du maréchal Bazaine a été atteint : retenir l’ennemi dans un pays mal pourvu, donner au maréchal Mac-Mahon le temps d’organiser notre seconde armée. Aujourd’hui les Prussiens meurent littéralement de faim et sont la proie des maladies, pendant que l’armée de Châlons se précipite du coté de Metz, pour briser et renverser les lignes prussiennes. » 42 Cette dernière est constituée de quatre corps : les 1er, 5e, 7e et 12e. La plus grande partie de ces hommes viennent de connaitre la défaite et se remettent difficilement des combats sanglants des premiers affrontements (c’est le cas pour le 1er, le 5e et le 7e corps) Pour combler les pertes, elle vient de recevoir des réservistes sans instruction, armés de la veille, peu propice aux marches et aux combats. 43 Cette marche opérée dans le plus grand secret est éventée par une indiscrétion de la presse. Aussitôt, de Molke dont les troupes marchaient sur Paris pivotent au-devant de l’armée de Châlons. 44

Général Descoins. 45 Télégraphe de Paris, 4 septembre, 7h 35 soir. 46 « La France a encore 150 000 hommes dans Metz. Elle a dans Paris, deux corps, les 13e et 14e, avec des marins et des mobiles, qui représentent une force militaire d’environ 150 000 hommes. Enfin, en province, il reste à peu près 50 000 hommes de dépôts, de régiments de marche et de débris. À ces forces organisées il faut ajouter environ 500 000 hommes valides de 20 à 40 ans qui vont être appelés comme mobiles ou mobilisés (…) pour les armées de la Loire, du Nord et de l’Est. » Jules Vial

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ne cèdera ni un pouce du territoire de la France, ni une pierre de ses forteresses. 47» Le conseil municipal de Lorient48 partage cet état d’esprit et vote une adresse au gouvernement de Défense nationale : « Les dépêches arrivées de Paris ne laissent aucun doute ; la République est proclamée ; un gouvernement provisoire est installé. Paris est en ce moment le rempart de la France, qu’il sache que les départements le soutiendront dans l’œuvre de salut commencée. Le conseil municipal de Lorient déclare qu’il donne la plus complète adhésion au Gouvernement provisoire. La République sauvera la France, tous ses enfants seront soldats pour la défendre et suivront l’exemple que leur donnent tous les jours nos héroïques armées49. » Léon Gambetta50, organise la résistance : « Que chaque Français reçoive ou prenne un fusil, et qu’il se mette à la disposition de l’autorité : la patrie est en danger ! »

La mobilisation au pays de Lorient À la demande des autorités, un comité de défense51 pour l’arrondissement de Lorient est formé et comprend : « les conseillers généraux de tous les cantons de l’arrondissement, du président du tribunal civil de Lorient, du président de la chambre de commerce de la même ville, du Maire et de quatre membres du Conseil municipal du chef-lieu d’arrondissement.52 » Le 12 septembre 1870, le conseil municipal sous la présidence d’Evariste Aubin,53 conseiller municipal faisant fonction de maire, élit MM. Marius Villers, Gustave Ratier, Edouard Beauvais et Jean-Charles Pérint. Lors de cette séance, une motion de M. de Carfort,54 est adoptée à l’unanimité : « Les noms des enfants de Lorient tombés sur le champ de bataille en défendant le sol de la Patrie seront inscrits sur des tables placées dans le salon d’honneur de l’Hôtel de ville. » Le 14 septembre 1870, à cinq heures du soir, le premier bataillon55 de garde mobile du Morbihan quitte la caserne d’infanterie de Lorient : « On embrassait plus fortement que d’habitude les êtres chéris que l’on quittait, l’avenir était plein d’incertitude, bien des cœurs se serraient en se disant au-revoir, et tous sentaient un point d’interrogation douloureux se dresser menaçant derrière le mot retour. Mais le signal du départ est donné par le commandant Tillet56, et le bataillon défilant par le flanc, seule manière que les hommes connussent de marcher en ordre, se dirigea vers la gare, précédé par la musique de l’Orphéon 47 Circulaire de Jules Favre. Ce dernier dès le 19 septembre rencontre Bismarck afin d’envisager un armistice. Le 21 septembre, le journal officiel publie les conditions demandées par l’ennemi ; la reddition des places assiégées, la « livraison » du fort du mont-Valérien, et de la garnison de Strasbourg.

49 Conseil municipal de Lorient. Le 5 septembre 1870. Cote ID 25 - 1867-1871. 50 Pour le général de Gaulle : « Gambetta personnifie devant l’Histoire le sursaut de la patrie. » 51 Par décret du 13 août 1870, les villes de Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, chefs-lieux des 1er, 2e, 3e, et 4e arrondissements maritimes sont en état de siège. 52 Conseil municipal de Lorient. Le 12 septembre 1870. AML 1D25. 53 Fonction de maire du 6 août 1870 au 9 mai 1871. 54 Christophe Le Nepvou de Carfort, est né le 14 mai 1813 à Brest (Finistère). Il est élu conseiller municipal d’août 1870 au 30 avril 1871. Le 27 avril 1871, lors de la dernière séance du conseil municipal, il déclare : « Les membres du conseil en se séparant votent des félicitations cordiales à l’administration, et particulièrement à leur collègue M. Aubin, faisant fonction de maire pour la direction pleine de sagesse, de droiture et d’impartialité qu’il a donnée à leurs délibérations pendant le temps difficile que le conseil a traversé. » AML 1D25. Il décède à Lorient, le 9 novembre 1882 et est inhumé au cimetière de Carnel. Carré 16 - Tombe n° 70. 55 31e régiment de garde mobile. 56 Marie, Paulin, Louis Tillet, né le 27 mai 1822 à Soissons dans l’Aisne, décède à Lorient, le 18 janvier 1888. Après une carrière militaire effectuée principalement dans les colonies, l’ancien chef de bataillon du 2e régiment d’infanterie de marine Tillet et officier de la légion d’honneur (15 janvier 1868) prend sa retraite de l’armée à Lorient. Au moment du conflit de 1870, il est mobilisé comme commandant des mobiles de Lorient et affecté au siège de Paris. Le 30 novembre 1870, lors de la bataille de Champigny, il est cité à l’ordre du jour de l’armée : « Le 30 novembre, à la tête de quarante hommes de son régiment, a pris et gardé une position dont tous les efforts de l’ennemi n’ont pu le déloger. » Quelques jours plus tard (le 2 décembre) il se distingue une nouvelle fois à la tête de son bataillon. Il est alors nommé lieutenant-colonel avec le commandement des trois bataillons de mobiles du Morbihan. Le 21 décembre, à l’affaire du Bourget, il est blessé au bras et proposé au grade de colonel (janvier 1871). Démobilisé, le colonel Tillet retrouve Lorient et occupe les fonctions de receveur municipal. Le 18 janvier 1888, il décède à Lorient et lors de ses obsèques, une foule considérable entoure le catafalque dont de nombreux officiers du bataillon des mobiles du Morbihan. Il est inhumé au cimetière de Carnel à Lorient. Carré 31 -Tombe n° 39. Concession à perpétuité concédée par la ville de Lorient à la demande des officiers de la garde mobile du Morbihan. Conseil municipal du 11 février 1888.

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qui comptait plusieurs de ses membres dans le mobile. À la gare, l’embarquement fut long, les hommes sont entassés dans les wagons à bestiaux et à marchandises et assis sur des planches dans l’exiguïté n’avaient rien d’attrayant pour des gens qui avaient en perspective un voyage de vingt-quatre heures. 57» Au moment du départ, les cris de Vive la mobile ! Vive la France ! retentissent alors que le 1er bataillon part assurer la défense de la capitale. « À la première compagnie, le capitaine Dauvergne58, ancien officier de chasseurs d’Afrique, marié ainsi que le commandant Tillet et tous deux d’un certain âge, ni l’un, ni l’autre, n’ont hésité à quitter leurs familles et à venir mettre leurs épées au service de la patrie. 59» C’est également le cas de nombreux lorientais qui font partie du « voyage » et servent à la première compagnie comme l’étudiant en droit Georges Quinchez60 (lieutenant) ; l’ancien secrétaire de la sous-préfecture Louis Chamaillard61 (sous-lieutenant) ; un jeune engagé volontaire de dix-sept ans Emile Favin-Lévèque62, fils d’un ancien capitaine de vaisseau du port (sergent-major) ; le fils de l’industriel Gersant63 (sergent) ; le fils du major-général Souzy (sergent)64 ; M. Ange Tessol65 de l’île de Groix (sergent), le typographe du journal L’Abeille Le Gurrudec66 (caporal). « À la troisième compagnie, un ancien zouave pontifical, M. Le Pontois67

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du Bouëtiez de Kerorguen, Alphonse. Le bataillon de Lorient. 58

Henri, Gustave, Marie Dauvergne, est né au Faouët (Morbihan), le 16 août 1819. Il embrasse la carrière militaire et sert comme officier au 4e régiment de chasseurs et notamment en Afrique. Le 6 octobre 1857, il épouse à Châlons-sur-Marne : Jeanne, Céleste Vitry. Lieutenant de cavalerie, il est nommé, chevalier de la Légion d’honneur en 1865. Il reprend du service en 1870 et sert au 31e. Il termine le conflit de 1870 avec le grade de chef de bataillon - Commandant du 1er bataillon du 31e mobile. Il se retire à Nantes (Loire-Atlantique) puis à Jâlons-les-Vignes dans la Marne. Il décède à Châlons-sur-Marne, le 8 juillet 1901. 59

du Bouëtiez de Kerorguen, Alphonse. Le bataillon de Lorient. 60 Georges Quinchez, est né à Clermont (Oise), le 25 février 1849, de Stanislas, Alexandre Quinchez et de Palmyre, Marie, Marguerite Dufilhol. Le 1er juillet 1870, il est incorporé comme garde mobile de la classe de 1869. Il est nommé lieutenant, le 15 août 1870 puis capitaine, le 19 septembre 1870. Il est démobilisé le 14 mars 1871. Le 31 mai 1871, il est fait chevalier de la légion d’Honneur. Il épouse Marie Schlincker. Directeur honoraire de la Banque de France, il se retire à Creutzwald-La-Croix en Moselle où il décède le 14 avril 1923. 61 Louis, Pierre Chamaillard, est né à Lorient, le 1er avril 1846, de Louis, Marie Toussaint Chamaillard, âgé de vingt-six ans, mécanicien et de Marie, Anne, Françoise Gurtler. Le 17 juin 1868, il épouse à Rostrenen (Finistère), Marie, Louise Chamaillard (1846-1926). Il décède le 7 avril 1885 à Lorient. Lors de ses obsèques, Le Morbihannais du 12 avril 1885, rend hommage à « ce vaillant chrétien et ce brave français » qui n’hésite pas : « Lorsqu’en 1870, le canon gronda sur nos frontières ; lorsque l’invasion prussienne s’étendit comme un flot sur notre pays, et que la France vaincue convoqua tous ses enfants, rien ne put arrêter, l’élan de son cœur patriote : il partit. » Démobilisé et décoré pour sa bravoure au combat, il retrouve Lorient. Après quelques années dans l’administration des finances, il acquiert, le 29 janvier 1879, de la veuve de l’imprimeur Eugène Grouhel, l’atelier d’imprimerie et la propriété de ses différents journaux. Patron de presse, ce catholique fervent dirige d’une main ferme Le Courrier des Campagnes et Le Morbihannais. Défenseur de la foi, il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le Grand. Il est également le représentant du parti légitimiste dans le Morbihan. Ses obsèques sont célébrées en l’église Saint-Louis de Lorient, le 11 avril 1885. 62 Emile Favin-Lévèque, est né à Toulon (Var), le 17 février 1853, de Félix Favin-Lévèque et de Françoise, Amélie Louise Ternaux. Il reçoit la médaille militaire pour sa belle conduite à la bataille de Champigny (novembre-décembre 1870). Poète, il est l’auteur de deux recueils : les

Illusions et la Comédie de l’Amour. Ce lieutenant du 88e régiment d’infanterie territoriale décède le 5 novembre 1884 à Lorient. Lors de ses funérailles civiles, le samedi 8 novembre, le Vénérable de la loge maçonnique lui rend hommage : « Devenu homme, il vient frapper à la porte de la Franc-Maçonnerie ; son esprit généreux lui faisait rechercher la fraternité. Il vint se joindre à nous pour combattre l’intolérance, l’ignorance et la superstition. Sa mort laisse un grand vide parmi nous. C’est avec une profonde douleur que je viens au nom de ses frères, lui dire un adieu suprême. Cher ami, reposez en paix, vos frères qui savent honorer les convictions sincères conserveront précieusement votre souvenir. Adieu ! » L’Avenir du Morbihan. Le 12 novembre 1884. Il est inhumé au cimetière de Carnel à Lorient. Carré 5 - Tombe n° 24. Sur sa tombe, une stèle aujourd’hui disparue lui rendait hommage : « Ici repose Emile, Charles, Félix Favin Lévèque - Né à Toulon le 17 février 1853 - Siège de Paris 1870-1871 - Lieutenant au 88e régiment territorial d’infanterie - Médaille militaire - Homme de lettres. 63 Alfred Gersant, est nommé lieutenant en novembre 1870. 64 Le major-général François, Jules Souzy (Ecole navale 1831), est né à Lorient, le 26 mars 1816. Il épouse à Fort-Royal en Martinique : Eugénie, Catherine Brière. Il décède à Lorient, le 9 avril 1878. Le couple à cinq enfants dont Jules, Ernest, Victor Souzy, né à Lorient, le 30 septembre 1848 où il décède le 27 septembre 1906. 65 Ange, Joseph, Marie Tessol, est né à Groix (Morbihan), le 16 juillet 1847, de Joseph Tessol, cabaretier et de Jeanne, Louise Le Quer, cultivatrice Il décède à Groix, le 18 juin 1885 à l’âge de 37 ans. 66 Guillaume Le Gurrudec ou Le Gurudec ! 67 Philippe, Eugène Le Pontois est né à Lorient, le 12 août 1844, de Philippe-Eugène Le Pontois, marchand et de Marie, Joséphine Le Pontois. En 1866, il s’engage dans les zouaves pontificaux et participe à la bataille de Mentana (3 novembre 1867). De retour à Lorient, il retrouve sa place dans la société locale et épouse le 11 janvier 1869 : Céleste, Léontine, Marie Marsille, née à Lorient, le 24 juillet 1850. Encouragé par son épouse, il poursuit son engagement en faveur des plus démunis et encourage financièrement les œuvres religieuses. A la suite de la défaite Impériale à Sedan et de la capitulation de Napoléon III, le gouvernement de la Défense nationale proclame la guerre à outrance. Philippe-Eugene Le Pontois - sans aucune hésitation - part avec les mobiles de Lorient défendre le pays. Le 5 mai 1871, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Il décède à Lorient, le 11 mars 1873 à l’âge de 29 ans. Il était également : chevalier de l’Ordre pontifical de Saint-Sylvestre et de Mentana.

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(lieutenant), s’arrachait aux joies de la famille, quittant une femme charmante et un tout petit enfant,68 et partait comme lieutenant sous les ordres69 » du capitaine adjudant-major de la garde mobile du Morbihan, Edouard-Louis Broni70 ; le sous-lieutenant était un propriétaire des environs de Lorient, M. Raoul de Perrien71, ayant lui aussi servi aux zouaves pontificaux ; un sculpteur de talent, Auguste Nayel72 (sergent-major) et « pendant quelque temps le meilleur sergent-major du bataillon, plus tard un de ses meilleurs officiers. » Parmi les sergents, M. Ludovic Boy73, dirigeait une importante brasserie ; M. de Bernadière74, associé à son père, directeur des usines à gaz de la ville ; M. Philibert Savot75, de Pont-Scorff ; M. Louis de Larcher76 qui avait quitté sa charmante propriété du Ter, en Ploemeur. Le fourrier était M. Théodore Gauthier, élève sculpteur. Parmi les caporaux, des noms connus, Mathurin Raoul, fils du maire de Quéven, Jean-Marie Rivalain, Eugène Avenel77, Alexandre Le Floch78, Jules Caignan79. À la 4e compagnie, le lieutenant Combes-Ferrier80, le sergent-major Alphonse Kan-Salomon81, le fourrier Edmond Gosse82, parmi les autres sous-officiers, Christophe Le Nepvou de Carfort83, Amédée Le Pontois84, Lucien Eon, tous appartenant à

68 Marie, Joséphine, Pia Le Pontois, est née à Lorient, le 17 novembre 1869. 69Alphonse du Bouëtiez de Kerorguen. 70 Edouard Broni, est né le 25 septembre 1847 à Sarzeau (Morbihan). Le 3 novembre1864, il s’engage pour sept ans dans l’armée et rejoint le 22e régiment d’infanterie de ligne. Le 19 septembre 1868, il est affecté au 4e régiment d’infanterie de marine dans le corps des commis de marine de 4e classe (1869). Le 24 août 1870, il est nommé capitaine de la garde mobile du Morbihan et prend part au siège de Paris. Capitaine adjudant major, au 31e régiment de la garde mobile du Morbihan, il reçoit le 5 mai 1871, la Légion d’honneur. (Officier de la Légion d’honneur, le 31 juillet 1896). Libéré des cadres de l’armée, il se lance dans les affaires et entre au conseil municipal de Lorient et à la Chambre de commerce. Premier adjoint d’Adolphe Rondeaux, (qui décède le 24 mai 1893), il est élu maire et administre la ville de Lorient du 15 juin 1893 au 21 novembre 1897. Il démissionne de sa fonction de maire (avant la fin de son mandat) et de la Chambre de commerce et quitte Lorient. Il habite Paris et déménage à plusieurs reprises afin d’échapper à ses créanciers. Il se réfugie en Algérie en février 1905 afin d’exploiter un lopin de terre ! Le 16 septembre 1920, il décède 49, boulevard de La Tour-Maubourg à Paris 7e. 71 Raoul, Hippolythe de Perrien de Crenan est né à Kervignac (Morbihan), le 1er juin 1846, d’Adolphe, Joseph, vicomte de Perrien de Crenan, âgé de quarante-sept ans, propriétaire, demeurant à son château de Locunolay et de Dame Agathe, Françoise, Marie, Halna du Fretay, vicomtesse de Perrien de Crenan, âgée de quarante-deux ans. Le 24 mai 1887, il épouse à Paris 8e : Félicie, Marie, Victorine, Juliette de Sercey. Le 5 août 1895, il décède en son château de Kercado à Carnac dans le Morbihan. Le Morbihannais du 13 août 1895 lui rend hommage : « Ancien zouave pontifical, officier de mobiles pendant la guerre de France, gentilhomme d’honneur de M. le Comte de Paris. Le

regretté défunt ne comptait que des amis, s’étant concilié tous les cœurs par la douceur, la bonté, l’amabilité et la parfaite égalité de son

caractère. » Le 8 août 1895, il est inhumé au cimetière de Carnac. 72 Auguste Nayel est né à Lorient, le 16 mai 1845.Apres des études artistiques, il est mobilisé en tant que sergent-major au 1er bataillon du 31e régiment de garde mobile du Morbihan. Il termine le conflit avec le grade de lieutenant. Sculpteur de talent, il expose ses œuvres dans de nombreuses villes. Professeur au lycée de Lorient et conservateur du musée, il fonde l’Association lorientaise des beaux-arts et est nommé directeur des cours municipaux de dessin, de modelage et de sculpture. Il participe avec Madeleine Desroseaux à l’aventure du Clocher Breton et fréquente assidument son salon littéraire. Le 16 mars 1909, il décède à Lorient et est inhumé au cimetière de Carnel. Carré 53 - Tombe n° 67. 73 Ludovic, Edouard, Marie Boy, est né à Lorient, le 20 avril 1846, de Louis, Antoine Boy, négociant et de Caroline, Louise Tréourret de Kerstrat. Négociant, il décède à Lorient, le 10 février 1891. 74Marie, Emile, Charles, Henry de Bernardière, est né à Ploemeur (Morbihan), le 24 février 1847, de Léon, Pierre, Gabriel de Bernardière, directeur de l’usine à gaz de Lorient et de Marie, Félicité Corpel. Il décède à Rosporden (Finistère), le 7 février 1872. 75 Philibert, Charles Savot est né à Pont-Scorff (Morbihan), le 25 août 1848, de Claude, Marie Savot, traiteur et de Joséphine, Marie Guillard, cuisinière. 76 Louis, Marie de Larcher de la Vallée est né à Ploemeur (Morbihan), le 12 juin 1847, de Louis, Marie, Vincent de Larcher, âgé de quarante-neuf ans, propriétaire rentier, demeurant à son château du Ter et de Marie, Odile Toublanc du Ponceau. Résidant au château du Ter en Ploemeur, il rejoint les mobiles de Lorient en 1870. Il est décoré de la médaille militaire. Il décède en 1896. 77

Eugène Avenel, est né à Lorient, le 24 septembre 1845, d’Edmée, Marie Avenel, charron et de Marie, Françoise Métour. A la fin du conflit, il est sergent fourrier à la 5e compagnie (Plouay). Ce forgeron, épouse à Lorient, le 7 février 1874 : Elise, Marie, Antoinette Pierre. Il décède à l’asile de Lesvellec à Saint-Avé (Morbihan), le 26 janvier 1891. 78 Sergent fourrier à la fin du conflit. 79 Jules, Emile Caignan, est né à Lorient, le 24 mai 1848, d’Hypolite, Jean, Marie Caignan, charcutier et d’Augustine, Louis Roux. Il épouse à Bordeaux (Gironde), le 9 mars 1899 : Augustine, Anne, Marie Pellois. Il est sergent à la fin du conflit 80

Le lieutenant Combes-Ferrier démissionne en novembre 1870. 81 Alphonse Kan-Salomon, est sous-lieutenant à la fin du siège de Paris. 82Edmond, Michel, Marie Gosse, est né à Lorient, le 28 juillet 1847, de Louis, Marie, Edmond Gosse, âgé de vingt-huit ans, pharmacien et de Héloïse, Delphine Charles. 83 Christophe Le Nepvou de Carfort est né à Lorient, le 23 octobre 1846. Il est le fils du conseiller municipal de Lorient, Christophe Le Nepvou de Carfort (1813-1882) et de Jeanne, Marie, Rosalie Audren de La Boissière. Le 5 février 1872, il épouse à Saint-Pol-de-Léon (Finistère) : Rachel, Marie, Valérie Le Floch. Il décède à Lorient, le 21 juillet 1906. Il est inhumé au cimetière de Carnel à Lorient. Carré 17 -Tombe n° 70. 84

Amédée, Paul Le Pontois, est né à Lorient, le 6 février 1845, de Napoléon, Désiré Le Pontois, horloger et de Marie, Félicité Le Lamer.

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d’honorables familles lorientaise. « À la cinquième compagnie, un des plus brillants officiers du bataillon comme capitaine, M. Hippolyte Duault85, ancien officier de marine, ayant déjà fait ses preuves au Mexique, un jeune avocat comme lieutenant, M. Le Diberder86, de Pont-Scorff et de M. Ernest Homon, comme sous-lieutenant. Le fourrier est un receveur de l’enregistrement, M. Albert Ropert87, fils du capitaine de vaisseau, commandant de la division au port de Lorient. » Le cadre des sous-officiers avec M. Jégoudez88, sculpteur de talent, le négociant Firmin Jullien89 « homme de cœur par excellence, au premier bruit du danger de la patrie, il a tout quitté, affaires importantes, affections vives. » La sixième compagnie est commandée par le capitaine Ernest Richard, secondé par « M. de Pluvié90, fils du maire de Plouay, comme lieutenant, » et les sous-officiers Gustave de Perrien91 et Camille Dupuy92, substitut au tribunal de Lorient. La septième compagnie est sous « les ordres du lieutenant Robert, qui a pour sous-lieutenant un engagé volontaire, M. du Bouëtiez de Kerorguen93, avocat et juge suppléant au tribunal de Lorient. Un cadre de sous-officiers, tous de la ville, M. Le Comte, comme sergent-major, M. Rémy94, le fils du professeur, comme fourrier, puis viennent M. Fouillé, Alphonse Le Brun95, le fils du sculpteur lorientais, M. Guillerme et le joyeux Louis Javelet96 : Grâce à lui la popote de cette compagnie sera toujours bien approvisionnée, intrépide, ne doutant de rien, il part avec ses dix doigts et n’en rapportera que neuf complets, un morceau du dixième laissé sur le champ de bataille, à l’affaire du 21, lui 85 Pierre, Hyppolite Duault est né à Bubry (Morbihan), le 15 février 1844, de François Duault, notaire et d’Amélie, Julie Valliée. Cet officier de marine (Ecole navale 1861) fait campagne au Mexique sur la frégate la Victoire de 1863 à 1867. Enseigne de vaisseau, il démissionne de la marine, le 18 décembre 1867. Il « reprend » du service au 31e régiment de garde mobile et au 1er bataillon du Morbihan du 15 août 1870 au 13 mai 1871. Le 5 mai 1871, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Percepteur en retraite, il décède le 30 janvier 1921 à Le Croisic en Loire-Atlantique. 86 Alphonse, Marie Le Diberder, est né à Pont-Scorff, le 29 janvier 1831, de Mathurin Le Diberder, huissier et de Marie, Louise Furet. Après le conflit, il devient un avocat redoutable et redouté. 87 Albert, Paul, Marie Ropert est né à Pontivy (Morbihan), le 12 février 1845 de Timoléon, Jean, François Ropert, lieutenant de vaisseau et d’Adelaïde, Henriette Delécluze de Trévoëdal. Il fait de bonnes études sanctionnées par les diplômes de bachelier es-lettres, de bachelier es-sciences et gradué en droit. Exempté pour défaut de taille, il s’engage volontairement à la mairie de Lorient, le 1er août 1870 et est incorporé au 1er bataillon de garde mobile du Morbihan. Le 14 septembre, il fait partie du convoi qui quitte Lorient pour Paris. Avec le 1er bataillon, il participe comme sergent-major aux combats de Petite Brie, le 30 novembre 1870 - de Champigny et de Brie-sur-Marne, le 2 décembre 1870. Il est nommé sous-lieutenant sur le champ de bataille -Le Bourget, le 20 décembre 1870 – Buzenval, le 19 janvier 1871. Lors de cette dernière bataille, le sous-lieutenant Ropert est sérieusement blessé à la main droite. Cette blessure et sa conduite exemplaire tout au long des combats font l’objet d’une demande de la Légion d’honneur. Le 1er avril 1871, M. Ropert retrouve ses fonctions de receveur de l’enregistrement à Plouay (Morbihan) et occupe différents postes : Cerisy-la-Salle dans la Manche (1871-1876), Fleury-sur-Andelle dans l’Eure (1876-1882), Chateaubriant en Loire-Atlantique (1882-1892), Le Mans dans la Sarthe (1892-1895), et Brest dans le Finistère (1895-1910). A la retraite, il se retire à Lambézélec dans le Finistère et participe activement à diverses associations. Il reçoit la médaille commémorative de la guerre 1870-1871 (loi du 9 novembre 1911) et enfin la Légion d’honneur, le 7 juillet 1933 à l’âge de 88 ans ! Base Léonore : LH/2375/52. 88 Léon Charles, Marie Jégoudez, né à Pont-Scorff (Morbihan), le 21 février 1847. Sculpteur de talent on lui doit de nombreuses décorations d’immeubles à Paris. 89 A la suite des combats livrés lors du siège de Paris, il est fait chevalier de la Légion d’honneur et termine la guerre avec le grade de lieutenant. 90 Auguste, Louis, Marie de Pluvié est né le 4 mars 1843, à Plouay (Morbihan), de Fortuné, Ferdinand, Marie, comte de Pluvié et de Cécile, Marie, Charlotte, Guillotou de Kérever. Auguste succède à son père après son décès (1881) comme maire de Plouay et Président du conseil général du Morbihan. Il décède au château de Ménéhouarn à Plouay, le 4 mars 1925. 91 Gustave, Charles, Joseph, vicomte de Perrien, est né à Kervignac (Morbihan), le 12 juillet 1838 d’’Adolphe, Joseph, vicomte de Perrien, âgé de trente-neuf ans, propriétaire résidant au château de Locunolay et d’Agathe, Françoise, Marie Halna du Fretay, âgée de trente-quatre ans. Le 22 juin 1871, il épouse à Pleucadeuc (Morbihan) : Jeanne, Louise, Alice Roger de Sivry. 92 Joseph, Camille Dupuy quitte le 11 janvier 1871 Paris en ballon. Passager sur Le Kepler, il atterrit à 6 kilomètres de Laval. Il était chargé d’une mission du gouvernement pour Gambetta avant de rejoindre son poste de substitut à Nantes. Il est décoré de la médaille militaire

(1871). 93 Alphonse, Auguste, Jean, Marie du Bouëtiez de Kerorguen est né à Lorient, le 6 août 1840, d’Ambroise, Jean, Marie, Fidèle du Bouëtiez de Kerorguen, âgé de vingt-cinq ans, avocat et de Julie, Francine, Céline Hébert. Le 10 août 1876, il épouse à Paris : Berthe, Alexandrine, Caroline de Frédot du Plantys. Cet avocat - bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Lorient -décède le 5 juillet 1896 à Ploemeur. Ses obsèques sont célébrées en l’église Saint-Louis à Lorient, le mercredi 8 juillet 1896. Le Nouvelliste du Morbihan dans son édition du 9 juillet 1896, rappelle la publication dans ses colonnes « des notes intéressantes sur le rôle des mobiles Lorientais pendant la guerre de 1870, où il fit bravement son devoir de patriote. » 94 Benjamin, Jean, Marie, Vincent Rémy, est né à Lorient, le 1er mai 1851, de Benjamin, Jean, Marie Rémy, instituteur communal et de Adèle, Marie, Hyacinthe Coëtmeur. Après la guerre, il est employé de commerce et réside à Paris. 95 Le vendredi 2 décembre, il est légèrement blessé lors d’un sérieux engagement entre Champigny et Brie. 96 Louis, Victor, Marie Javelet, est né à Lorent, le 5 mars 1849, de Louis, Vincent Javelet, deuxième maître d’équipage et de Marie, Marguerite Huet. Représentant de commerce, il décède à Lorient, le 4 mai 1904. Il était titulaire de la médaille militaire (1871).

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vaudra d’être décoré de la médaille militaire » On voyait encore parmi les volontaires de la première heure, M. Le Bris et ce brave Névo97, qui, blessé au talon à cette même affaire du 21 décembre, sera amputé et ne reverra plus Lorient que gravement estropié, mais décoré comme son ami Javelet de la médaille militaire. » L’adjudant est un ancien zouave pontifical, M. Louis Marsille98, qui, plus tard devenu officier, méritera par sa vaillante conduite d’être mis à l’ordre du jour. Parmi les soldats, des hommes des cantons de Lorient, Ploemeur, Port-Louis, Plouay, Caudan, Pont-Scorff, Merlevenez, Kervignac. » À l’arrivée à Paris-Montparnasse, la troupe se met en marche pour la Villette en entonnant des chansons bretonnes « que la foule écoutait avec curiosité, sans les comprendre » et des refrains patriotiques en français improvisés pour la circonstance :

Marchons en guerre Ne craignons rien,

Nous ferons la guerre À ces Prussiens.

Marchons contents, Marchons gaiement, Vive la Bretagne ! Marchons contents,

Gaiement, marchons, Vivent les Bretons !

C’est aux cris de Vive la Mobile ! Vive la Bretagne l que les soldats traversent Paris pour le quartier de la Villette afin de retirer les billets de logement en attendant les baraquements pour loger les soldats. « Les billets de logement furent distribués ; beaucoup d’habitants s’offrirent avec empressement pour servir de guides ; on eut soin de de diviser les hommes de telle sorte que, dans chaque groupe, il y en eût au moins un parlant français » et après quelques heures de repos, les hommes revêtent l’uniforme : « Képis bleus avec lisérés et filets rouge, blouses et vareuses bleues à parement rouge, pantalons bleus à bandes rouges avec des guêtres. » Désormais, le bataillon de Lorient a fière allure, rassemblé place du Combat à la Villette devant le colonel Armand Filhol de Camas99, commandant le 31e. Il reste à l’armer avec « les fameux et précieux chassepots », à en apprendre le maniement et à choisir leurs officiers. En effet, le gouvernement de Défense nationale estimait que les circonstances dans lesquelles avaient eu lieu la nomination des officiers de la garde mobile rendaient nécessaire l’élection de ces officiers. Aussi, le 19 septembre 1870, les hommes sont appelés aux urnes. Le résultat

97 Eugène Névo, est né à Lorient, le 20 janvier 1848, de Pierre Névo, sellier et de Marie, Josèphe, Victoire Rouic. Il termine la guerre avec le grade de sergent fourrier à la 5e compagnie (Plouay). 98 Louis, Auguste, Jacques Marsille est né à Lorient, le 5 septembre 1846, d’Auguste, Pierre Marsille et de Marie Gautier. Le 1er juillet 1867, il rejoint les zouaves pontificaux et est nommé capitaine l’année suivante. Le 19 janvier 1869, il est libéré et retrouve Lorient. Il est décoré de la croix de Mentana. Cet ancien président du tribunal de commerce décède à Quimperlé (Finistère), le 28 décembre 1917. Ses obsèques sont célébrées en l’église Sainte-Anne d’Arvor à Lorient, le 1er janvier 1918.Il est inhumé au cimetière de Carnel. Carré 23 - Tombe n° 21. Quelques lignes gravées sur la tombe familiale rappelle se engagements : Louis Auguste MARSILLE - Ancien Zouave Pontifical - 5 - 7 bre 1846 28 - X bre 1917. 99 Ce dernier annonce quelques changements : M. Le Pontois était nommé capitaine à la 7e compagnie et M. du Bouëtiez de Kerorguen le remplaçait comme lieutenant à la 3e. M. Marsille était nommé sous-lieutenant à la 4e compagnie et M. Broni, capitaine de la 3e prit les fonctions d’adjudant-major. Armand Filhol de Camas, est né à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 25 octobre 1814. Après une belle carrière militaire, le colonel de Camas, se retire à Vannes et coule une paisible retraite avant de reprendre du service le 4 août 1870. Il décède le 7 novembre 1889 à Rulliac Saint-Avé dans le Morbihan.

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du scrutin modifie100 très peu l’organigramme « des chefs » au sein du 1er bataillon de Lorient : les sergents Salomon-Kan, Salvy et Jullien passent sous-lieutenant et Louis Marsille, adjudant lors de la mobilisation (14 septembre), puis sous-lieutenant est élu lieutenant. Désormais, il est urgent de se concentrer sur l’essentiel car les troupes prussiennes assiègent déjà la capitale interdisant toutes les communications y compris la correspondance des gardes mobiles. Il est demandé à ces derniers de réduire leur courrier au strict minimum et que « la poste se ferait de loin en loin par ballon. » Alors que le 1er bataillon est prêt au combat et s’apprête à défendre la capitale, une proclamation101 parut dans la presse locale interpelle la population. « Bretons, nos chers compatriotes, Les Prussiens commencent aujourd’hui l’investissement de Paris. Demain peut-être, leurs hordes barbares s’avanceront sur Brest et Lorient, nos arsenaux maritimes ; sur Nantes et Saint-Malo, nos grands ports de commerce, ravageant tout sur leur passage. Permettrons-nous lâchement à ces odieux envahisseurs de fouler d’un pied tranquille notre terre, et ne sommes-nous plus les dignes fils de nos pères ? Aux armes, tous aux armes ! Ce que toutes les puissances de l’Europe réunies n’ont pu faire en 1815, permettrions-nous à la Prusse de le faire ? Les Prussiens brûleraient nos maisons, nos blés, déshonoreraient nos femmes et nos filles. » Devant l’urgence, le maire102 de Lorient invite ses concitoyens âgés de 25 à 35 ans, c‘est à dire appartenant aux classes de 1864 à 1865, qui comme célibataires ou veufs sans enfants, sont susceptibles d’être appelés à l’activité, à se présenter immédiatement à la Mairie pour se faire inscrire et pour déclarer les motifs d’exemption ou de dispense qu’ils se proposent de faire valoir devant la commission de révision. 103» C’est également l’état d’esprit de Gustave Ratier, nommé104, le 4 octobre 1870, préfet du Morbihan. Il décide la mobilisation générale car il faut délivrer la France et marcher sur Paris : « A vous, chers concitoyens, l’honneur insigne de contribuer au salut de la France. Vous nous reviendrez, bientôt, je l’espère. Nous vous recevrons comme des sauveurs et nous entonnerons ensemble l’hymne de la délivrance. » Pendant ce temps, le comité de secours aux blessés se dévoue sans compter et plusieurs blessés des combats de Reichshoffen et de Wissembourg le remercie chaleureusement en s’adressant au comité de rédaction105 du journal L’Abeille de Lorient : « Habitants de Lorient, La reconnaissance et le devoir nous imposent une tâche envers vous, tâche à laquelle nous ne faillirons pas : la reconnaissance d’abord, ensuite le devoir. La reconnaissance ; oui, nous le disons à haute voix. Après avoir traversé la France entière, nulle part nous n’avons reçu un accueil aussi chaleureux et aussi sympathique. Pour la deuxième fois, nous nous rendons sur les champs de bataille. Fasse Dieu que nous soyons vainqueurs dans les combats et que nous relevions le drapeau de la France ! Nous terminons, M. le Rédacteur, en vous priant d’exprimer à la ville de Lorient nos plus sincères remerciements et nos adieux. » Le pays a bien besoin de ces combattants aguerris et déterminés pour poursuivre le combat et chasser l’ennemi du territoire. La guerre à outrance décrétée par le gouvernement trouve en Léon Gambetta un zélateur infatigable.

100 Par contre au 2e bataillon « cinq officiers de la compagnie sont éliminés » et de nombreux changements affectent le 5e bataillon. 101 L’Abeille de Lorient. Le 22 septembre 1870. 102 Louis-Evariste Aubin. 103 L’Abeille de Lorient. Le 9 septembre 1870. 104 A la suite de cette nomination, Gustave Ratier démissionne du conseil municipal de Lorient. Son collègue Auguste Rondeau, est nommé sous-préfet de Lorient. Il avait déjà servi comme sous-préfet en 1848 à Pontivy dans le Morbihan et à Briey en Moselle. Il démissionne de ses fonctions lors du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851. 105 Le 9 octobre 1870.

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Aux armes citoyens ! Le 7 octobre 1870, le ministre de l’Intérieur, Léon Gambetta, l’âme de la résistance, s’envole à bord de l’Armand-Barbès106 de la butte Montmartre à Paris et après de multiples péripéties arrive en train à Tours107 et rejoint trois de ses collègues qui sont déjà sur place. En effet, depuis le 11 septembre, Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, Alexandre Glais de Bizoin, membre du gouvernement et l’amiral Fourichon, ministre de la Marine et des Colonies sont missionnés par le gouvernement de Défense nationale afin d’organiser la résistance mais devant « l’inaction » de ses représentants, le gouvernement dépêche Gambetta, muni des pleins pouvoirs. Ce dernier, hostile à la capitulation, ne perd pas de temps et mobilise la province : « Levons-nous donc en masse et mourrons plutôt que de subir le démembrement.108 » C’est également le projet de l’ancien préfet de police de Paris, Emile de Kératry, qui « réclame tous pouvoirs109 » du ministre de l’Intérieur et de la Guerre, Léon Gambetta : « Pour lever, équiper, enrégimenter, nourrir et diriger les contingents utiles qui restent disponibles à l’heure actuelle dans les départements de l’Ouest110». Le 22 octobre 1870, Emile de Kératry est nommé commandant en chef de l’Armée de Bretagne : « Le gouvernement de la Défense Nationale, m’a fait l’honneur de me nommer à votre tête. Je vous apporte le sacrifice entier de moi-même. D’ici à 10 jours vous serez concentrés aux portes de la Bretagne pour faire face à l’ennemi. Vous recevrez exactement tout ce qui est nécessaire aux soldats : fusils à tir rapide, canons à longue portée, mitrailleuses perfectionnées, seront confiés à votre courage. Ceux de vos frères qui défendent les remparts de Paris ont déjà prouvé que le sang breton n’a pas dégénéré. À vous de marcher sur leurs traces. Vous vous rappellerez tous qu’une sévère discipline est l’arme la plus puissante pour assurer la victoire. Je suis résolu à la maintenir dans toute sa rigueur. Que les cœurs faibles restent en arrière ! Que les vrais Bretons marchent en avant et prouvent à un peuple barbare qu’ils se lèvent en hommes libres ! Que votre seul cri de ralliement soit : « Dieu et Patrie » ! Aussitôt, le préfet du Morbihan, informe la population de cette nomination et de celle d’Ernest Carré-Kerisouët, en tant que commissaire général et se félicite du choix « de deux Bretons pour conduire la Bretagne à l’ennemi. » Il stimule la population : « Non ! il n’y aura pas de cœurs faibles pour rester en arrière, tous seront forts et suivront l’exemple de nos mobiles qui font l’admiration des Parisiens (...) La victoire est dans l’air, tout le monde la sent ; mais elle ne descendra sur notre sol que si nous nous en montrons dignes. Mobiles et Mobilisés ! Aux armes, et en marche vers Paris !111» Ces vibrantes exhortations réveillent l’enthousiasme patriotique d’autant que le général de Kératry entreprend le tour de la Bretagne afin de galvaniser les

106 C’est le 6e ballon du siège dirigé par l’aéronaute Alexandre Trichet. Il s’envole le vendredi 7 octobre 1870 à 11 heures 10 de la place Saint-Pierre à Montmartre et se pose le même jour à 14 heures 45 dans le bois de Favier près de la ville d’Epineux dans l’Oise. A son bord, deux passagers prestigieux : Léon Gambetta et Eugène Spuller. Cet avocat partage les vues de Gambetta et devient à cette période son « messager » afin de mobiliser la province. À la fin du conflit, il s’impose comme une personnalité de premier plan. Il est successivement : député de la Seine de 1876 à 1885 et sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil du 14 novembre 1881 au 27 janvier 1882 dans le gouvernement de Léon Gambetta, député de la Côte d’Or de 1885 à 1892 et ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes du 30 mai 1887 au12 décembre 1887 dans le gouvernement de Maurice Rouvier et ministre des Affaires étrangères du22 février 1889 au 17 mars 1890 dans le gouvernement de Pierre Tirard, sénateur d la Côte d’Or de 1892 à 1896 et une nouvelle fois, ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes du 3 décembre 1893 au 30 mai 1894 dans le gouvernement de Casimir Perier. Il décède le 23 juillet 1896 à Sombernon en Côte d’Or. 107 Devant l’imminence de l’investissement de Paris, le gouvernement de la Défense nationale décide de rester dans la capitale mais par « mesure de sécurité » dépêche une délégation à Tours. 108 Proclamation de Léon Gambetta. 109 Courrier du 21 octobre. 110 Il s’agit de la mobilisation des hommes de 20 à 40 ans versés dans les bataillons de mobiles de la garde nationale. Ils sont réunis au camp de Conlie dans la Sarthe. 111 L’Abeille de Lorient. Le 27 octobre 1870.

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énergies. À Lorient, la première légion de défenseurs de la patrie s’apprête à quitter la ville pour marcher à l’ennemi, une souscription est organisée afin d’offrir un drapeau aux légions mobilisées, drapeau aux couleurs tricolores de la France surmonté du coq gaulois et portant l’inscription : Légion de Lorient. Pour Adolphe Rondeaux, sous-préfet de Lorient : « À l’aspect de ces nobles couleurs, ils penseront à nous qui les suivons d’un regard plein d’amour et d’espérance, et à la France qu’ils doivent venger et arracher aux mains féroces de l’étranger. » Cet engouement patriotique n’est pas trop atteint par la nouvelle accablante de la capitulation de Metz, le 28 octobre 1870. Pour l’Abeille de Lorient : « Ne nous laissons pas abattre par de si grandes infortunes. Séchons nos larmes, relevons la tête ; courage ! courage ! Ne nous livrons pas pieds et poings liés aux Allemands. » En visite112 de « recrutement113 », le général de Kératry arrive le dimanche 30 octobre, au soir, en gare de Lorient. Le commandant supérieur des forces mobilisées dans l’Ouest de la France est accueilli par M. le sous-préfet et messieurs les officiers de la garde mobilisée de Lorient, venus-là avec, avec leur commandant M. de Braccini.114 » Lorsqu’il apprend la reddition de Metz, il affirme aux gardes mobiles, aux gardes nationaux mobilisés, aux francs-tireurs : « Nous sommes résolus à nous faire tuer jusqu’au dernier pour sauver l’honneur et le sol de la patrie, j’espère que vous ne me démentirez pas ! » Le lendemain matin, à 8 heures, « les alentours de la place Nationale à Lorient était garnis d’une foule empressée mais calme » attendant le général Kératry devant passer en revue les forces mobilisées de la ville et des communes suburbaines. « La garde nationale sédentaire s’y joignit avec empressement, heureuse de témoigner sa sympathie à l’œuvre de dévouement entreprise par M. de Kératry. » Satisfait de la bonne tenue des troupes, le général fait alors reconnaître, M. Braccini qui venait de quitter ses fonctions de chef de bataillon de Lorient comme chef de légion : « Officiers, sous-officiers, soldats et tambours, vous reconnaitrez pour chef de légion, M. de Braccini ici présent et vous lui obéirez en cette qualité, dans tout ce qu’il vous commandera pour le bien du service, et l’exécution des règlements militaires. 115 »

Le soulèvement parisien Ce même jour (31 octobre) l’Hôtel de ville à Paris116, siège du gouvernement de la Défense nationale, est investi par des manifestants mécontents en apprenant la trahison du maréchal Bazaine et les négociations « secrètes » engagées entre Thiers et Bismarck en vue d’un

112 Le 30 octobre 1870, le général de Kératry accompagné du préfet du Morbihan Gustave Ratier et du sous-préfet de Lorient est dans cette ville et assiste, le lendemain 31, au conseil municipal où sur proposition du maire Edouard Beauvais un emprunt de 100 000 francs destiné à l’équipement et à l’armement des gardes mobilisés est voté (...) et spécialement au paiement du contingent de Lorient et pour venir en aide dans le même but aux communes rurales de la circonscription du bataillon mobilisé. » AML 1D25 113 Le général est à Rennes le 25 octobre, le 27 à Saint-Brieuc, le 28 et le 29 à Brest, le 30 à Quimper, le 31 à Lorient et Vannes, le 1er novembre, il est à Redon et Nantes, le 2 novembre, il est à Saint-Nazaire. 114 Gustave, Charles, Joseph Braccini, est né le 8 mai 1805 à Saint-Cannat dans les Bouches-du-Rhône. Il entre à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1823 et rejoint le 53e régiment d’infanterie. Sous-lieutenant en 1826, lieutenant en 1831, capitaine en 1838. Il est récompensé (1837) pour ses travaux historiques et militaires. Il démissionne de l’armée en 1839 et s’établit à Gasville dans l’Eure-et-Loir dont il est élu maire. En octobre 1870, A 65 ans, il est nommé chef du bataillon mobilisé de Lorient. Ses enfants et ses deux gendres sont également sous les drapeaux : Frédéric Braccini, capitaine de chasseurs, Urbain de Saint-Hilairemont Braccini, capitaine au 4e régiment de Zouaves, Henri Genetest de Planhol, lieutenant de dragons et Gaston, Louis, Marie Gonzalve de Guilhermy, sous-lieutenant d’infanterie. Le 8 décembre 1870, Gustave, est nommé commandant de la brigade du Morbihan au camp de Conlie puis quelques semaines plus tard, commandant supérieur du camp de Sillé-le-Guillaume. Il est ensuite commandant du bataillon des Côtes-du-Nord (janvier 1871) puis commandant d’une brigade à la 2e armée de la Loire. Le 1er mars 1871, il est démobilisé et rendu à la vie civile. Le 5 mai 1871, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Il résidait au château du Plessis dans le Morbihan. Il décède le 12 juillet 1876. LH/349/25. 115 L’Abeille de Lorient. Le 3 novembre 1870. 116 Le 31 octobre 1870.

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armistice. L’arrivée de Gustave Flourens117 à la tête des tirailleurs de Belleville qui réclame la constitution d’un Comité de Salut Public, tourne à l’émeute. Le général Trochu et Jules Ferry qui réussissent à s’échapper regroupent les troupes loyalistes dont font partie les contingents bretons. Ces derniers prennent position alors que les mobiles du Finistère occupent l’Hôtel de ville et délivrent les membres du gouvernement118. « Pour éviter tout retour des émeutiers trois bataillons des côtes-du-Nord prennent position et le bataillon de Lorient « passa toute la nuit sac au dos, massé sur un des côtés de la place Saint-Michel pendant que les autres côtés de la place et une partie des boulevards adjacents étaient occupés par les mobiles de la Loire-Inférieure et par deux bataillons vendéens. 119» Les jours suivants l’hôtel de ville est entouré « d’une double ceinture de gardes nationaux et de mobiles bretons120. Le premier bataillon (Lorient) resta deux jours de suite rangé en bataille de six heures à minuit, couvrant les derrières du palais municipal. » Les « bretons de Trochu » ont fait leur devoir et le corps des officiers du premier bataillon le font savoir au gouverneur de Paris : « Général, Les officiers du premier bataillon de la garde mobile du Morbihan vous adressent leurs félicitations sur l’heureuse issue de la nuit du 31 octobre. Ils protestent de toutes leurs forces contre ces criminelles tentatives de renversement dirigées contre le gouvernement de la défense nationale, le seul que la province ait reconnu, le seul auquel ses bataillons soient décidés à obéir. Pour notre département, pour la Bretagne dont les enfants sont accourus de toutes parts à la défense de la capitale, nous sommes fiers de vous voir à la tête d’un gouvernement entouré d’hommes illustres parmi lesquels nous voyons figurer deux représentants de notre vieille province, MM. Jules Simon et le général Le Flô. Continuez vos héroïques efforts pour la défense du pays en dédaignant les injustes attaques de ces hommes qui oublient que notre devise à nous, enfants de la Bretagne sera toujours potius mori quam foedari.121 Votre présence au pouvoir est pour nous un gage de confiance et d’espoir, car nous savons que votre nom, désormais célèbre, veut dire courage, honnêteté et dévouement à la patrie.122 »

Dans un courrier123 adressé à madame Monier, demeurant 15 rue d’Orléans à Lorient, une « parisienne » commente ces derniers évènements : « Bazaine a capitulé (…) Hôtel de ville envahi, tout le gouvernement fait prisonnier pendant 8 heures par un tas de canailles et de cochons qui ont voulu tout désorganiser, se sont saoulés comme des porte-

117 Gustave Flourens 1838-1871. Ami de Blanqui, il fait partie des meneurs de l’insurrection parisienne. Nommé général et chargé de la défense de Paris par la Commune, il est tué le 3 avril 1871, lors d’une sortie contre les troupes versaillaises. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise : 66e division. 118 Jules Favre resté avec les manifestants négocie la tenue d’élections municipales à Paris et assure l’absence de représailles contre les émeutiers. Ces derniers quittent libres l’Hôtel de ville mais les jours suivants de nombreux participants à l’émeute sont arrêtés. Les leaders comme Blanqui et Flourens passent à la clandestinité. 119du Bouëtiez de Kerorguen, Alphonse. Le bataillon de Lorient. 120 Dans son édition du 21 janvier, le journal Le Combat de Félix Pyat stigmatise l’attitude des Bretons qui « se laveront difficilement de cette tâche. » Il poursuit en raillant leur attitude supposée devant l’ennemi : « Ils fuyaient lâchement devant les Prussiens et tuaient les Français désarmés. A la dernière bataille, ce sont eux qui ont crié : sauve qui peut ! 121 Plutôt mourir que faillir. 122 Ce courrier est remis par le capitaine Dauvergne, le lieutenant du Bouëtiez de Kerorguen et le sous-lieutenant Firmin Jullien au général Trochu. Ce dernier est assisté de deux lorientais comme officiers d’ordonnance : le capitaine Lestrohan et Fernand de Langle de Carry. 123 Courrier en date du 4 novembre 1870 « expédié » par le 25e ballon monté du siège « Le Ville-de-Châteaudun ». Ce ballon avec 445 kilos de dépêches et six pigeons quitte le dimanche 6 novembre 1870 à 9 heures 45, la gare du Nord à Paris et se pose le dimanche 6 novembre 1870 à 17 heures 30 à Réclainville (Eure-et-Loir). Le courrier est alors déposé dans la commune de Voves située à vingt-six kilomètres de Chartres. La première levée a lieu le jour même et l’acheminement des lettres s’effectuent en quelques jours.

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faix. On leur a servi à l’hôtel de ville 3742 repas en une demi-journée et en temps de siège ! Ils ont même bu le vin des ambulances, volé les papiers, les minutes et les cachets du gouvernement et envoyé de fausses nouvelles aux journaux. Et tout cela à propos de l’armistice pour lequel Thiers s’est entremis et qui va se conclure. Il est très probable que la paix en sera la conséquence aussitôt l’assemblée constituante élue. Pendant l’armistice on ne circulera sans doute pas ; les lettres seules voyageront. Tout ici est rentré dans l’ordre, les élections124 ont donné hier une grande majorité au gouvernement et il n’y aurait qu’à en rire si nous n’étions pas en guerre. » La nouvelle accablante de la capitulation de Metz et les derniers évènements parisiens n’entament pas l’optimisme du ministre de la Guerre, Léon Gambetta qui lève en quelques semaines deux armées sur la Loire et une autre dans le Nord et dans l’Est. Pour sa part, le gouvernement de Défense nationale « considère que dans la crise suprême que traverse la France, tous les citoyens doivent se lever, combattre et, s’il le faut, mourir pour chasser l’étranger - considérant qu’en retour de leurs sacrifices, ils sont en droit d’attendre pour leurs familles l’appui de la patrie, décrète : Article unique. - La France adopte les enfants des citoyens morts pour sa défense. Elle pourvoira aux besoins de leurs veuves et de leurs familles qui réclameront le secours de l’État. » Cette disposition rassure les citoyens125 qui prennent les armes pour défendre le pays et rejoignent en grand nombre le camp de Conlie mais également les groupes de francs-tireurs et la légion des volontaires de l’Ouest.126

La bataille de Coulmiers Le 9 novembre, l’armée de la Loire sous les ordres du général d’Aurelle de Paladines bat l’ennemi à Coulmiers et s’empare d’Orléans. Dans son rapport à son ministre de tutelle, le général loue le courage des hommes : « Nos troupes d’artillerie de ligne et nos mobiles, qui voyaient l’ennemi pour la première fois, ont été admirables d’entrain, d’aplomb et de solidité. L’artillerie mérite de grands éloges, car, malgré des pertes sensibles, elle a dirigé son feu et manœuvré, sous une grêle de projectile, avec une précision et une intrépidité remarquables. » Pour le sous-préfet de Lorient, Adolphe Rondeaux, cette première opération militaire ouvre de nouvelles perspectives d’autant que « le patriotisme est partout réveillé ». Il estime qu’avec « de la résolution de la prudence, de l’énergie et surtout en restant unis sur le terrain de la lutte à outrance contre l’envahisseur, la République sauvera la France.127 » Le 12 novembre 1870, les canonnières le Flambant, la Mutine et le Boutefeu sont armées à Lorient et s’apprêtent à appareiller pour la Loire. Le lendemain, les mobiles de la légion du Morbihan sont rassemblés place Nationale et gagnent la gare précédés de la musique d’artillerie par la rue des Fontaines et la rue du Morbihan avant de « courir au secours de la patrie et la délivrer des souillures de l’envahisseur.128 » Ils sont accompagnés par la garde nationale sédentaire129 de Lorient 124Le mardi 1er novembre, les électeurs de Paris sont appelés aux urnes pour élire au scrutin de liste quatre représentants par arrondissement afin de constituer un « pouvoir » municipal. La question soumise au vote est : « La population de Paris maintient-elle, oui ou non, les pouvoirs du Gouvernement de la défense nationale. » Une immense majorité se prononce pour le maintien des pouvoirs au gouvernement de la défense nationale malgré les « bruits » de négociation d’un accord avec Bismarck. Ce vote met un terme pour quelques mois encore au mécontentement et à l’exaspération des parisiens. 125 Ces derniers sont formés dans des camps régionaux. 126 Les zouaves pontificaux sous le commandement du lieutenant-colonel Athanase de Charette de La Contrie prennent part aux combats sous l’appellation de légion des volontaires de l’Ouest. De nombreux morbihannais rejoignent cette légion qui est rattachée au corps d’armée du général Louis-Gaston de Sonis. 127 L’Abeille de Lorient, le 12 novembre 1870. 128 L’Abeille de Lorient. Le 16 novembre 1870. 129

Cette dernière est pour le sous-préfet Adolphe Rondeaux essentielle car pendant l’absence de leurs compatriotes : « Vous consolerez et protègerez leurs mères et leurs sœurs, vous leur garderez leur foyer paisible et honoré, tandis que leur patriotisme éloignera de vous les fléaux qui se sont déchaînés sur les départements envahis. »

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conviée par le sous-préfet à la cérémonie du départ car pour ce dernier « il s’agit des deux parties de la même famille armée, dont l’une, impatiente des liens qui l’attachent au sol natal, restera pour garder le foyer domestique, et dont l’autre, plus jeune et plus heureuse, va voler au secours de la patrie. » Il poursuit en stimulant le courage des soldats citoyens : « Gardes mobilisés, que de cœurs déchirés vous allez laisser derrière vous (…) songez à vos frères écrasés par le nombre : les uns dormant de leur dernier sommeil dans nos champs dévastés, les autres entassés dans les prisons d’Allemagne ; tous trahis autant par leurs chefs que par la fortune. Songez à nos villes incendiées, pillées, rançonnées, comme rançonnent les bandits (…) Songez enfin à Paris, la ville sainte, la capitale de l’Europe et du monde entier, Athènes et Rome à la fois, que menacent aujourd’hui les Attila, les Alarics130 modernes. Pour son salut, qui sera celui de la France, ne mesurez pas le sang que vous allez perdre ; ne comptez pas vos blessures, vos souffrances, vos privations, vos sacrifices de toute nature. Il faut vaincre ou mourir ! La France compte sur vous (…) car vous êtes de la race forte qui a pris pour devise : Plutôt la mort qu’une souillure.131 » L’engagement en faveur de la patrie ne faiblit pas et le 3 décembre 1870132, en soirée, les dernières compagnies des gardes nationaux mobilisés quittent Lorient. « La population tout entière s’était portée sur le passage de ces braves jeunes gens qui allaient verser leur sang pour le salut de la Patrie envahie. A la lumière des flambeaux qui éclairaient leur marche, on voyait une mâle énergie empreinte sur tous les visages et l’espérance montait au cœur. » Auparavant, les autorités militaires, civiles et religieuses, avaient haranguées les troupes sur la place de la Plaine133, avec la remise du drapeau à Gustave Braccini134, le commandant de cette légion. Le drapeau portait pour devise : « République française » d’un côté, et de l’autre « Garde nationale mobilisée », « Légion de Lorient. » Pour ce grand départ, un autel avait même été dressé sur la place et le curé de Lorient, assisté de son clergé, « donna la consécration religieuse. » Le maire, M. Aubin adressa dans un langage simple et pathétique, aux braves enfants du pays, des paroles respirant le sentiment le plus pur de la reconnaissance et de la sympathie publique. Il glorifia la Bretagne « que Dieu soutient et que la bravoure accompagne. »

L’armée de Bretagne Depuis le début novembre, le camp135 de Conlie, à proximité du Mans dans la Sarthe est opérationnel et accueille les soldats bretons de la garde nationale mobilisée mais les conditions météorologiques détestables et les pluies torrentielles transforment rapidement le camp en bourbier136 favorisant le développement des épidémies (fièvre typhoïde, variole) qui

130 Alaric 1er de Wisigothie, roi des wisigoths en 395 est passé à la postérité à la suite de la prise et du pillage d’Athènes (396) et de Rome (410). 131 L’Abeille de Lorient, le 16 novembre 1870. 132

Le Nouvelliste du Morbihan. « Ephémérides » le 4 décembre 1915.

83 Appellation souvent employée par la population pour désigner cet espace propice aux Manifestations. Elle est couramment utilisée à partir de 1830. Par la suite, elle devient place Royale, place Napoléon III et même place Nationale avant de prendre le nom d’Alsace-Lorraine. 134 Son nom est orthographié indifféremment Braccini ou de Braccini. 135 Les travaux commencent à la fin octobre mais les pluies diluviennes rendent les travaux difficiles et transforment rapidement le camp en un vaste marécage. Malgré ce constat accablant, les hommes sont parqués et manquent de tout. Un vaste mouvement de solidarité se met en place en Bretagne afin de les aider à surmonter les conditions météorologiques et sanitaires. 136

Quelques années plus tard, l’écrivain, Léon Bloy décrit l’état pitoyable du camp : « Il paraît que ces fiévreux, mangés de vermine et

incapables de défendre leur peau une demi-minute, étaient redoutés comme chouans probables ou possibles. (…) Quand les hommes avaient accompli les corvées indispensables à la quotidienne existence, ils étaient à bout de force, à moitié morts d’épuisement. On voyait des êtres jeunes et robustes, les plus intelligents peut-être, dont on eut pu faire des soldats, s’arrêter, privés d’énergie, enfoncés dans la boue jusqu’aux genoux, jusqu’au ventre, et pleurer de désespoir. » Bloy, Léon. Sueur de Sang La Boue, page 143.

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déciment les hommes. Ces derniers condamnés à l’inactivité manquent de tout137 : habillement, tentes, couvertures et armement. Le ravitaillement alimentaire est également difficile. Malgré les demandes138 répétées du général de Kératry, Léon Gambetta qui a pourtant accepté la constitution de l’Armée de Bretagne reste étonnamment sourd aux sollicitations et redoute cette armée bretonne (60 000 hommes). Il demande à Charles de Freycinet de rappeler au général de Kératry : « Je vous supplie d’oublier que vous êtes breton pour ne vous souvenir que de votre qualité de français ! » Pourtant, le 24 novembre, La ville du Mans étant menacée par le 1er corps bavarois du duc de Mecklembourg, Léon Gambetta fait enfin appel à l’armée de Bretagne. Le général de Kératry envoie au combat les « meilleurs » de ses soldats sous le commandement du général Gougeard. « 10 000 de ses enfants, malgré leur organisation incomplète, comptant plus sur leur courage que sur leur armement inachevé » sont dirigés « du camp de Conlie au bivouac d’Yvré-L’Evêque, et le 26, nous faisions une marche de 31 kilomètres à l’ennemi. Mes braves volontaires marins traînèrent leurs pièces d’artillerie pendant douze heures de route 139» pour rien, car l’ennemi s’était dérobé. Devant le manque de considération du ministre de la Guerre qui le place sous le commandement du capitaine de vaisseau Jaurès, le général de Kératry, jugeant cet ordre « inacceptable » résigne son commandement (27 novembre) et remet la responsabilité du camp de Conlie au général Le Bouëdec et celui d’Yvré-L’Evêque, au général Gougeard (29 novembre). Le 7 décembre 1870, le capitaine de vaisseau de Marivault-Emeriau140, est nommé commandant supérieur du camp de Conlie et prend possession de son commandement le 10 décembre en présence d’Alexandre Glais-Bizoin, membre du gouvernement de la défense nationale. Ce dernier passe les troupes du camp de Conlie en revue et déclare « attester hautement que la Bretagne, si brave sous Paris comme devant Orléans, continue de donner à la France, car elle en a pris l’initiative, un noble exemple de patriotisme par la formation et le développement du camp de Conlie. Je veux apprendre à la France, que 48 000 citoyens-soldats, accourus tout équipés, en moins de cinq semaines, à l’appel de la patrie sont là tout prêts à affronter le choc de l’ennemi, tandis que douze mille autres de leurs frères sont déjà sortis du camp pour marcher au feu. » Il poursuit en félicitant pour cette initiative, le général de Kératry, et pour sa mise en œuvre, les généraux Carré-Kerizouët et Le Bouëdec. Il termine en rappelant aux jeunes soldats la vieille devise de leurs pères : « La mort plutôt que le déshonneur ! » L’armée de Bretagne désormais annexée au 21e corps, commandé par le général Jaurès rejoint l’armée de la Loire. En prévision des prochains combats, le général Gougeard équipe et « forme » les hommes dont le 1er bataillon de mobilisés de Lorient car « la plupart des bataillons de mobilisés n’avaient jamais fait l’exercice et leur armement était dans le plus triste état. Les chassepots n’avaient ni aiguilles de rechange ni nécessaires d’armes et plusieurs bataillons avaient reçu la veille ces petits fusils Spencer achetés en Amérique, sans baïonnettes, véritables mousquetons de cavalerie, d’un entretien délicat et qui dans les mains des paysans bretons ne pouvaient avoir aucune valeur sérieuse, et en outre les 137 La presse locale fait part de son émotion devant l’état sanitaire du camp et le dénuement des soldats qui manquent de tout. Le 7 décembre 1870, le comité de secours aux blessés de Lorient expédie à l’ambulance centrale au camp de Conlie, 49 colis composés de 5 caisses de vin rouge, un baril d’alcool, 15 lits en fer, 6 lits en bois, 2 canapés, 2 ballots couvertures de laine, 8 mannequins bandes de toile, charpie, ceintures, gilets de flanelle et chemises, 9 fardeaux planchettes pour jambes et bras, 1 fardeau paletots, pantalons, gilets. Ce premier envoi est suivi de bien d’autres afin de soulager les différentes blessures. Leur armement est dérisoire et une chanson d’époque le décrit parfaitement : Sergents et capitaines - De nous sont satisfaits -Grâce à quelques centaines - De manches à balais. - Ce sont là, nos engins, nos machines de guerre - Et vraiment nous trouvons, -Bretons, - Ces nouveaux mousquetons -Très bons - Pour ce qu’ils nous font faire. 138 Le général de Kératry se heurte également à l’amiral Fourichon qui refuse « la levée des inscrits maritimes de 35 à 45 ans qui eussent pu rendre de grands services au commandement breton en lui procurant les sous-officiers et instructeurs d’artillerie dont il manquait. » 139 Courrier en date du 28 novembre 1870 du comte de Kératry au ministre de la Guerre à Tours. 140 Le jour même de son installation, le général de Marivault-Emeriau demande au ministre de la Guerre, le déplacement du camp de Conlie « sur un point d’Ille-et-Vilaine. » Sans réponse de son ministre de tutelle, il décide (le 19 décembre 1870) l’évacuation du « misérable » camp de Conlie malgré les ordres contraires de Gambetta à qui il décrit l’état déplorable du camp : « J’ai trouvé 46 000 hommes désarmés, mal vêtus, non chaussés, sans campement et sans solde, paralysés dans un marais où toute leur énergie consiste à se tenir debout et à se tenir au sec. » Il refuse d’envoyer à l’armée du général Chanzy et de faire marcher à l’ennemi des hommes « sans pain, sans armes, sans munitions, sans vêtements et sans souliers » et renvoie les plus malades dans leurs foyers. Menacé de passer en conseil de guerre, il poursuit l’évacuation du camp et est prié de remettre son commandement.

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cartouches distribuées à la hâte à Conlie n’étaient-elles pas de calibre convenable. » C’est ensuite le parcours du « combattant » : Le Mans, Fréteval et l’occupation de la rive droite du Loir, après les combats de Châteaudun, Droué (17 décembre) et la Fontelle.

La grande sortie Dopé par la victoire de Coulmiers, le général Trochu, gouverneur de Paris, décide d’entreprendre une sortie d’envergure en direction de Champigny, combinée avec une offensive de l’armée de la Loire, afin de rompre les lignes ennemies. Les différents commandements sont assurés par le général Clément Thomas (1e armée), le général Ducrot (2e armée) et le général Vinoy (3e armée). Le 27 novembre, le régiment du Morbihan, 31e de la mobile, (2e armée) quittait, Suresnes pour une longue et harassante étape « qui comportait la traversée de tout Paris. » Les hommes n’avaient pas été ménagés, ils avaient huit jours de vivre sur le dos (pour une attaque prévue le 29), les rations d’eau de vie et de vin, sans oublier les douze paquets de cartouches dont « cinq paquets devaient être placés dans les cartouchières. Les soldats ne pouvaient donc emporter, outre ce pesant chargement, qu’une chemise, une paire de souliers, une paire de guêtres, une paire de sous-pieds de rechange et la tente abri. » 141 Mais afin de les soulager, on retira du paquetage « les couvertures et les peaux de mouton » pourtant indispensables afin de se protéger du froid particulièrement rigoureux à cette période de l’année ! Après une marche harassante, c’est avec soulagement que la troupe arrive au campement « dans un champ marécageux situé entre les forts de Rosny et de Noisy, près de Montreuil-sous-Bois (…) Il faisait nuit depuis longtemps ; le froid était vif ; la terre plus qu’humide, fangeuse ; aussi dormit-on peu malgré les fatigues de la route.142 » Le lendemain, indifférent au confort des hommes, le général Ducrot harangue les soldats de la 2e armée de Paris : « Le moment est venu de rompre le cercle de fer qui nous enserre depuis trop longtemps et menace de nous étouffer dans une lente et douloureuse agonie. À vous est dévolu l’honneur de tenter cette grande entreprise ; vous vous en montrerez dignes, j’en ai la certitude. Sans doute, ses débuts seront difficiles ; nous aurons à surmonter de sérieux obstacles ; il faut les envisager avec calme et résolution, sans exagération comme sans faiblesse. La vérité, la voici : dès nos premiers pas touchant nos avant-postes, nous trouverons d’implacables ennemis, rendus audacieux et confiants par de trop nombreux succès. Il y aura donc là à faire un vigoureux effort, mais il n’est pas au-dessus de vos forces : pour préparer cette action, la prévoyance de celui qui nous commande en chef a accumulé plus de 400 bouches à feu dont deux tiers au moins du plus gros calibre ; aucun obstacle matériel ne saurait y résister, et pour vous élancer dans cette trouée, vous serez plus de 150 000, tous bien armés, bien équipés, abondamment pourvus de munitions, et, j’en ai l’espoir, tous animés d’une ardeur irrésistible. Vainqueurs dans cette première période de la lutte, votre succès est assuré, car l’ennemi a envoyé sur les bords de la Loire ses plus nombreux et ses meilleurs soldats ; les efforts héroïques et heureux de nos frères les y retiennent. Courage donc et confiance ! Songez que dans cette lutte suprême, nous combattrons pour notre honneur, pour notre liberté, pour le salut de notre chère et malheureuse patrie, et si ce mobile n’est pas suffisant pour enflammer vos cœurs, pensez à vos champs dévastés, à vos familles ruinées, à vos sœurs, à vos femmes, à vos mères désolées ! Puisse cette pensée vous faire partager la soif de vengeance, la sourde rage qui m’animent et vous inspirer le mépris du danger. Pour moi, j’y suis bien résolu, j’en fais le serment devant vous, devant la nation tout entière ; je ne 141 Le 31e mobiles, régiment du Morbihan 142du Bouëtiez de Kerorguen, Alphonse. Le bataillon de Lorient.

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rentrerai dans Paris que mort ou victorieux ; vous pourrez me voir tomber, vous ne me verrez pas reculer. Alors ne vous arrêtez pas, mais vengez-moi. En avant donc ! en avant ! et que Dieu nous protège.

Les batailles de Villiers et de Champigny Galvanisés par ces fortes paroles, le régiment du Morbihan groupé entre les forts de Rosny et de Fontenay attend patiemment l’offensive et passe la nuit du 28 au 29 novembre « sac au dos par un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro » sans pouvoir allumer de feu et sans couvertures143. L‘attente est difficile et la crue inattendue de la Marne qui retarde l’offensive sape le moral de la troupe. Enfin, le 30 novembre, c’est l’attaque et la prise de Villiers et de Champigny mais les détestables conditions atmosphériques ne permettent pas de percer les lignes ennemies malgré les généreux efforts des troupes de la République. Le 31e régiment de la garde mobile du Morbihan se met en évidence à l’image de ses chefs. « Le colonel Tillet, donne l’exemple de la plus rare intrépidité : canne à la main, il se promène au milieu des balles et des obus qui sifflent et éclatent de toutes parts ; il encourage les uns, arrête les autres, et secondé par le capitaine Henri, Gustave Dauvergne et le capitaine adjudant-major Broni, il rallie une soixantaine d’hommes et plusieurs officiers dont le lieutenant Marsille avec lesquels, il se maintient sur la gauche du plateau de Villiers ; il avait l’ordre de l’occuper ; il l’aurait occupé seul plutôt que de le quitter. 144» Il est cité à l’ordre du jour pour sa brillante conduite : « Le 30 novembre, à la tête de quarante hommes de son régiment a pris et gardé une position dont tous les efforts de l’ennemi n’ont pu le déloger. » Le 2 décembre, le général Trochu relate au gouvernement la violence des combats : « L’ennemi nous a attaqués au réveil avec des réserves et des troupes fraiches ; nous ne pouvions lui offrir que les adversaires de l’avant-veille, fatigués, avec un matériel incomplet, et glacés145 par des nuits d’hiver qu’ils ont passées sans couvertures ; car, pour nous alléger nous avions dû les laisser à Paris. Mais l’étonnante ardeur des troupes a suppléé à tout ; nous avons combattu trois heures pour conserver nos positions et cinq heures pour enlever celles de l’ennemi, où nous couchons. Voilà le bilan de cette dure et belle journée. Beaucoup ne reverront pas leurs foyers ; mais ces morts regrettés ont fait à la jeune République de 1870 une page glorieuse dans l’histoire militaire du pays.146 » L’engagement du président de la Défense nationale au cœur des combats « émerveille » les membres du gouvernement : « Depuis trois jours nous sommes avec vous par la pensée sur ce champ de bataille glorieux où se décident les destinées de la patrie. Nous voudrions partager vos dangers en vous laissant cette gloire qui vous appartient bien d’avoir préparé et d’assurer maintenant par votre noble dévouement le succès de notre vaillante armée. Nul mieux que vous n’a le droit d’en être fier, nul ne peut plus dignement en faire l’éloge, vous n’oubliez que vous-même, mais vous ne pouvez-vous dérober à l’acclamation de vos compagnons d’armes électrisés par votre exemple. Il nous eût été doux d’y joindre les nôtres ; permettez-nous au moins de vous exprimer tout ce que notre cœur contient pour vous de gratitude et d’affection. Dites au brave général Ducrot, à vos officiers si

143 De nouvelles dispositions concernant la couverture sont adoptées afin de ne pas commettre les erreurs précédentes. Elle est utilisée comme plastron de protection sur la poitrine des soldats. Elle est « pliée en deux sur la poitrine, et attachée, d’une part, au cou par la cravate qui, suivant l’habitude, faisait plusieurs tours, de l’autre par le ceinturon. Elle constituait une sorte de manchon dans lequel les hommes, portant l’arme à la bretelle pouvaient abriter les mains. » 144du Bouëtiez de Kerorguen, Alphonse. Le bataillon de Lorient. 145 Il fait très froid (- 15 et - 20) et les troupes ne sont pas équipées pour affronter des conditions hivernales extrêmes. 146 Journal Officiel, le 3 décembre 1870. Lors de cet engagement, le 1er bataillon du Morbihan déplore la perte de deux hommes, d’une dizaine de disparus et d’une vingtaine de blessés. Parmi ces derniers, les lieutenants Robert et Gersant. Quant aux autres bataillons du Morbihan l’absence de renseignements ne permet pas d’en dresser le bilan.

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dévoués, à vos vaillants soldats que nous les admirons. La France républicaine reconnaît en eux l’héroïsme noble et pur qui déjà l’a sauvée. Elle sait maintenant qu’elle peut mettre en eux et en vous l’espoir de son salut. Nous, vos collègues, initiés à vos pensées, nous saluons avec joie ces belles et grandes journées où vous vous êtes révélé tout entier, et qui, nous en avons la conviction profonde, sont le commencement de notre délivrance. 147» Hélas, le 4 décembre, le général Ducrot ordonne la retraite afin d’éviter « de sacrifier inutilement des milliers de braves » et après le franchissement de la Marne les troupes reviennent à Paris. Le régiment du Morbihan148 cantonne, le 7 décembre, à Fontenay-sous-Bois et se remet lentement des souffrances endurées. En quelques jours, l’espoir de repousser l’adversaire est anéanti. La capitale se prépare à un long et difficile siège d’autant que l’armée du général d’Aurelle de Paladines149 battue à Beaune-la-Rolande (28 novembre) et à Loigny (2 décembre) en Eure-et-Loir, évacue « sans combattre » la ville d’Orléans. Malgré ces mauvaises nouvelles, Léon Gambetta ne renonce pas et assure par précaution la translation du siège du gouvernement de Tours à Bordeaux. Il demande à la population de la patience et du courage « réagissez contre les paniques, méfiez-vous des faux bruits et croyez en la bonne étoile de la France.150 » Il attend beaucoup de la 2e armée de la Loire qui sous l’autorité du général Chanzy freine la progression des meilleures troupes prussiennes à Josnes en Loir-et-Cher et Villorceau (7 et 8 décembre) puis à Fréteval et Château-du-Loir dans la Sarthe (14 et 15 décembre). Bien que renforcé par les troupes du général Jaurès comportant quelques bataillons de mobiles de Bretagne151, le général Chanzy ne parvient pas à renverser la situation lors de la bataille du Mans (11 et 12 janvier 1871) malgré les succès précédents et incrimine les troupes bretonnes : « Nos positions étaient bonnes hier, sauf à la Tuilerie, où des mobilisés de la Bretagne ont, en se débandant, entrainé l’abandon des positions occupées sur la rive gauche de l’Huisne.152 » Quelques jours plus tard, il récidive : « Après les combats heureux que nous avons livrés dans la vallée de l’Huisne sur les deux rives du Loir et jusque sous Vendôme, après un succès, le onze, autour du Mans, en résistant, sur toutes nos positions, au principal effort des forces ennemies commandées par le prince Frédéric-Charles et le duc de Mecklembourg, des défaillances honteuses, une panique inexplicable ont amené dans certaines parties l’abandon de positions importantes153, compromettant la sécurité de tous. Un effort énergique n’a pas été tenté malgré des ordres immédiatement donnés et il fallait abandonner Le Mans. La France a les yeux sur la 2e armée154, il ne faut pas d’hésitation ; la saison est rigoureuse, les privations sont de tous les instants ; mais le pays souffre, et lorsqu’un effort suprême peut le sauver, nul n’hésitera. Sachez bien d’ailleurs que,

147 Jules Favre, Garnier-Pagès, Jules Simon, Eugène Pelletan, Emmanuel Arago, Jules Ferry, Ernest Picard. 148 Quelques semaines plus tard, un certain nombre de distinctions honore le courage de quelques soldats lorientais : Le jeune avocat et lieutenant Le Diberder est nommé capitaine ; le sous-lieutenant Firmin Jullien passe lieutenant ; le sergent-major Ropert et le sergent-fourrier Gustave de Perrien sont promus sous-lieutenant. 149 Le général Louis d’Aurelle de Paladines est mis en disponibilité le 7 décembre 1870 et remplacé à la tête de l’Armée de la Loire par le général Chanzy. 150 L’Abeille de Lorient. Le 10 décembre 1870. 151 Le 7 janvier 1871, le 1er bataillon de mobilisés de Lorient est dirigé sur Dinan et Saint-Brieuc. « Deux mille de ces malheureux jeunes gens, arrivés la nuit dans cette ville se trouvèrent pour la plupart sans logement, sans abri, grelottant de froid dans les rues en attendant le jour. Leur extrême dénuement excite vivement la commisération publique. » L’émotion est grande dans les départements bretons et à cet effet, l’évêque de Vannes remet, le 12 janvier 1871, une somme de 400 francs destinée à l’amélioration de l’ambulance du Morbihan. 152 Dépêche du général Chanzy au ministre de la Guerre. Le 12 janvier 1871. 153 Le général Chanzy rend les troupes bretonnes responsables de la défaite. Ces dernières épuisées tentent de s’opposer à l’avancée des prussiens avec des fusils Springfield rouillés et aux cartouches inutilisables ! Lors de la commission d’enquête à la fin de la guerre, le général de Lalande dénonce : « Je crois que nous avons été sacrifiés. Pourquoi ? je n’en sais rien. Mais j'affirme qu'on aurait pas dû nous envoyer là, parce que l’on devait savoir que nous n’étions pas armés pour faire face à des troupes régulières. » 154 Le 7 mars 1871, l’Armée de la Loire est dissoute.

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pour vous-mêmes, le salut est dans la résistance et non dans la retraite. L’ennemi va se présenter sur nos positions : il faut l’y recevoir vigoureusement et l’user. Serrez-vous autour de vos chefs et prouvez que vous êtes toujours les soldats de Coulmiers, de Villepion, de Josnes et de Vendôme.155 » Hélas, la tâche est trop difficile d’autant que, le général Bourbaki à l’Est, malgré une belle victoire à Villersexel, en Haute-Saône, le 9 janvier 1871, est obligé de battre en retraite et le général Faidherbe au Nord est contraint après de réels succès à Pont-Noyelles156 dans la Somme (23 décembre 1870) et Biefvillers-les-Bapaume dans le Pas-de-Calais (3 Janvier 1871) de laisser l’initiative à l’ennemi car il manque de moyens pour finaliser ces victoires. Il n’y a plus de choix, l’armistice s’impose d’autant que la dernière sortie des troupes parisiennes pour forcer le blocus prussien, le 19 janvier 1871 à Buzenval157 malgré la proclamation pleine d’espoir du gouvernement : « Citoyens, L’ennemi tue nos femmes et nos enfants ; il nous bombarde jour et nuit ; il couvre d’obus nos hôpitaux. Un cri : aux armes ! est sorti de toutes les poitrines. Ceux d’entre nous qui peuvent donner leur vie sur le champ de bataille marcheront à l’ennemi ; ceux qui restent jaloux de se montrer dignes de l’héroïsme de leurs frères, accepteront au besoin les plus durs sacrifices comme un autre moyen de se dévouer pour la patrie. Souffrir et mourir, s’il le faut ; mais vaincre et mourir » se solde par un cuisant échec.158

La fin de la guerre Fort de ce dernier et décisif succès, l’Empire allemand159 est proclamé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles et le roi de Prusse, Guillaume Ier devient Empereur. Quelques jours plus tard, Jules Favre accepte un armistice de 21 jours et convoque les électeurs pour le 8 février car Otto von Bismarck exige de traiter avec les représentants incontestés du pays. Dans ces conditions, les autorités françaises prévoient des élections législatives. Gambetta ne décolère pas et affirme : « Non, il ne se trouvera pas un Français pour signer ce pacte infâme ! Aux armes ! Aux Armes ! Vive la France ! 160» Il souhaite mettre à profit ces vingt et un jour pour former de nouvelles recrues et demande aux préfets de « relayer » son appel à la résistance : « De l’armistice, faisons une école d’instruction pour nos jeunes troupes, employons ces trois semaines à préparer, à pousser, avec plus d’ardeur que jamais, l’organisation de la défense et de la guerre. 161» Cet activisme est alors dénoncé : « Le ministre de la guerre, jaloux des pouvoirs dont il s’est emparé, court de ville en ville, enflammant l’esprit national par des paroles éloquentes mais trompeuses, il promet de chasser l’ennemi, il parle de notre supériorité, de notre force; il exalte les mesures prises par son gouvernement ; il garantit la victoire pourvu qu’on l’écoute (…) Sur la Loire, au Mans, à Belfort, à Saint-Quentin ce sont bien moins les Prussiens qui ont vaincu nos braves légions que la mauvaise administration du gouvernement de Bordeaux ; ce n’est pas la bravoure, l’énergie, la résignation qui ont manqué à nos troupes mais le pain, les chaussures, les vêtements ; ce n’est pas la défection qui est cause que nos soldats sont fait prisonniers par

155 Ordre du jour du général Chanzy a son armée. Le 15 janvier 1871. 156 Bataille de l’Hallue. 157 Les trois grandes sorties de Champigny, le Bourget et Buzenval sont des échecs et se traduisent par la perte (globalement) de 11 000 hommes. 158 Le 31e participe à cette ultime sortie. Le 1er bataillon de Lorient déplore trois blessés lors de cet engagement. A la suite de cet échec, le général Trochu démissionne (22 janvier 1871). 159 Le 18 janvier 1871. 160 Le 31 janvier 1871. 161 Le Courrier de Bretagne. Le 4 février 1871.

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l’ennemi, mais c’est la faiblesse amenée par le faim et le froid.162 » Le 6 février 1871, Léon Gambetta démissionne du gouvernement : « Ma conscience me fait un devoir de résigner mes fonctions de membre du gouvernement avec lequel je ne suis plus en communion d’idées ni d’espérance » et se lance dans la campagne électorale. Dans le Morbihan deux listes s’affrontent celle des Amis de l’ordre et de la liberté menée par le général Trochu et une liste démocratique sous l’égide de Gambetta avec « Ratier, avocat à Lorient et Villers, docteur-médecin à Lorient. » Les élections du 8 février 1871 plébiscitent les partisans de la paix et ramènent à l'Assemblée nationale 400 députés monarchistes et 200 républicains modérés et 30 bonapartistes. C’est une défaite pour l’Union républicaine de Gambetta et ses candidats lorientais163. Ainsi constituée, l’Assemblée à deux priorités : conduire la paix et soumettre Paris. Le 13 février, à Bordeaux, Jules Grévy est élu président de l’Assemblée et le 17 février, Adolphe Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française. En compagnie de Jules Favre, il négocie avec Bismarck les conditions de la paix164. Le 26 février, un traité préliminaire de paix165 est signé et se traduit par la perte de l’Alsace (sauf Belfort), d’une partie de la Lorraine et d’une lourde indemnité166 de cinq milliards de franc-or dont un milliard en 1871. Le 1er mars 1871, les vainqueurs défilent à Paris de l’Etoile à la Concorde. Ce même 1er mars, le député du Haut-Rhin, M. Grosjean lit à l’Assemblée Nationale de Bordeaux, la protestation des députés d’Alsace-Lorraine : « Livrés, au mépris de toute justice et par un odieux abus de la force, à la domination de l’étranger, nous avons un dernier devoir à remplir. Nous déclarons encore une fois nul et non avenu un pacte qui dispose de nous sans notre consentement. La revendication de nos droits reste à jamais ouverte à tous et à chacun (…) Nous vous suivrons de nos vœux, et attendrons, avec une confiance entière dans l’avenir, que la France régénérée reprenne le cours de sa grande destinée. Vos frères d’Alsace et de Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France, absente de leurs foyers, une affection filiale jusqu’au jour où ils viendront y reprendre leur place. » Cet émouvant Adieu de l’Alsace à la France est « relayé » par Léon Gambetta qui prend date pour l’avenir : « La force nous sépare, mais pour un temps seulement, de l’Alsace, berceau traditionnel du patriotisme français. Nos frères de ces contrées malheureuses ont fait dignement leur devoir, et, eux du moins, ils l’ont fait jusqu’au bout. Eh bien ! qu’ils se consolent en pensant que la France, désormais ne saurait avoir d’autre politique que leur délivrance. Pour atteindre ce résultat, il faut que les républicains oublient leurs divisions et s’unissent étroitement dans la pensée patriotique d’une revanche, qui sera la protestation du droit et de la justice contre la force et l’infamie. » La revanche semble trop lointaine pour les Parisiens et leur mécontentement est grand car à l'humiliation de la défaite, la capitulation est vécue comme une trahison. Il faut ajouter la misère, le

162 Le Courrier de Bretagne. Le 1er février 1871. 163 A Lorient, la liste républicaine dite Gambetta est en tête et distance largement celle du général Trochu. Mais dans le Morbihan, la liste menée par le général Trochu est entièrement élue. Elle était composée : Le général Louis, Jules Trochu, Charles de La Monneraye, Hyacinthe Dahirel, Amédée de Savinghac, Hippolythe Thomé de Keridec, Vincent Audren de Kerdrel, Armand Fresneau, l’abbé Jean Jaffré, Hubert Bouché, Frédéric de Pioger. 164 Le 11 février 1871, l’aviso le Bouvet commandé par le capitaine de vaisseau Franquet rentre à Lorient après une brillante campagne aux Antilles. Le 9 novembre 1870, il se distingue particulièrement lors d’un affrontement avec la canonnière prussienne Météor. C’est le seul combat naval de la guerre de 1870. Il se solde par 7 tués et 3 blessés pour le navire français et de nombreuses avaries aux deux navires. Il est vrai que le conflit de 1870 est essentiellement terrestre et que les marins et leurs chefs sont engagés sur d’autres fronts et tout particulièrement à la défense des forts lors du siège de Paris et avec l’armée de la Loire. 165 Il est ratifié le 10 mai 1871 par le traité de Francfort. 166 L’Allemagne occupe une partie du territoire jusqu’au paiement intégral de l’indemnité de guerre. Cette dernière est réglée en septembre 1873.

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chômage et la famine167. Le 18 mars, le désarmement de la capitale et la récupération des canons168 de la Garde nationale par l’armée régulière tourne à l’émeute. Le ralliement des troupes régulières au mouvement insurrectionnel se traduit par l’assassinat du général Claude Lecomte169. Le 28 mars 1871, « Au nom du peuple, la Commune170 est proclamée ». L’affrontement est alors inévitable avec les troupes gouvernementales d’Adolphe Thiers refugiées à Versailles. Désormais, la guerre civile mobilise le gouvernement qui confie au maréchal Mac-Mahon, la reconquête de Paris.171 Victor Hugo, condamne cette « Aventure hideuse ! » : « Vous recreusez le gouffre au lieu d’y mettre un phare ! Des deux côtés la même exécrable fanfare, Le même cri : Mort ! Guerre ! - A qui ? réponds Caïn ! Qu’est-ce-que ces soldats une épée à la main, Courbés devant la Prusse, altiers contre la France ? Gardez donc votre sang pour votre délivrance ! » Pendant ce temps, les soldats affectés à la défense de la capitale retrouvent Lorient. Le 10 mars 1871, « 815 officiers de marine et marins, et 209 officiers et soldats d’artillerie de marine ; ce matin (11 mars), il arrive encore 1026 et demain 1025 officiers et soldats de ce corps »172. Le lundi 13 mars, c’est le tour du 1er bataillon173 des mobiles du Morbihan, composé presque exclusivement de Lorientais heureux de retrouver leurs familles. La presse

167 La famine touche de nombreux parisiens « imposant » la vente des chiens, des chats et des rats. Puis, c’est au tour des animaux du jardin des Plantes. Tout d’abord « on sacrifia les yacks, les zèbres, un buffle, puis les rennes, les canards, les antilopes, les cygnes » avant de vendre à la boucherie anglaise du boulevard Haussmann, les deux éléphants Castor et Pollux. Les 29 et 30 novembre 1870, ils sont abattus et vendus sous l’appellation « de viande de fantaisie ». Bernard Noël. Dictionnaire de la Commune. 168 Les canons « abandonnés » par l’état-major sont récupérés par les Parisiens et entreposés notamment à Belleville et Montmartre afin de les soustraire à l’ennemi. 169 Le général Clément-Thomas, « en habits bourgeois, est reconnu boulevard Rochechouart et immédiatement arrêté par des gardes nationaux » et fusillé quelques heures plus tard. 170 Parmi les membres influents de la commune figure Frédéric, Constant, Etienne Cournet, fils de Constant, Frédéric Cournet. Ce dernier est né à Lorient, le 21 février 1808, de Jean-Aimé Cournet, marchand et de Jeanne, Louise Jacob. Il fait ses études au Collège de Lorient avant de rejoindre le Collège royal d’Angoulême en 1823. Officier de marine, il est nommé enseigne de vaisseau en 1829, lieutenant de vaisseau en 1835. Par la suite, il est affecté sur la frégate Médée en 1841 et après divers commandements, il démissionne « à cause de ses opinions républicaines, suspectes à l’époque », le 20 janvier 1846. Il participe activement aux évènements de 1848 et est nommé la même année Commissaire de la République dans le Morbihan. Hostile au coup d’Etat du prince-président en 1851, il est arrêté et s’évade n étranglant le policer chargé de le surveiller. Il se réfugie à Londres et est tué le 1er juillet 1852, lors d’un duel au pistolet par Emanuel Barthélémy. Une rue à Lorient perpétue sa mémoire (conseil municipal du 23 décembre 1925). Son fils, Frédéric, Constant, Etienne est né, à Paris 2e, le 25 décembre 1837 de Frédéric, Constant Cournet et de Jeanne, Sophie, Joséphine Delanoy. Après ses études à Lorient, il exerce différents métiers avant de s’installer à Paris. Il entre comme secrétaire de la rédaction au journal le Réveil, dirigé par Charles Delescluze. Adversaire résolu de Napoléon III, il est inquiété et arrêté plusieurs fois pour complot contre la vie de l’Empereur. Le 1er décembre 1870, il épouse à Paris 4e : Marie, Sidalie Errard. Pendant le siège de Paris, il se distingue particulièrement à Drancy et Bondy comme commandant le 224e bataillon de la garde nationale de Paris. Il est élu député « blanquiste » de Paris, le 8 février 1871. Le 30 mars 1871, il démissionne de l’assemblée nationale et est élu membre de la Commune de Paris par le XIXe arrondissement de Paris. Après la chute de la Commune, il parvint à s’échapper et quitte la France pour l’Angleterre et s’installe à Londres. Condamné à mort par contumace, il profite de l’amnistie des communards en 1880 pour revenir à Paris. Il collabore à différents journaux radicaux et décède le 23 mai 1885, 11, rue Guy-Patin à Paris 10e. Le lundi 25 mai, Il est inhumé au Père Lachaise. 95e division - 1e ligne - Tombe n° 14. Sa sépulture est surmontée d’un buste en bronze réalisé par le sculpteur français Marguerite Syamour (1857-1945). 171 Thiers décide de désarmer Paris et de récupérer les canons de la garde nationale situés à Belleville et Montmartre. L’armée régulière fraternise avec la foule et les généraux Lecomte et Clément-Thomas sont assassinés. Devant l’insurrection, Adolphe Thiers ordonne l’évacuation des membres du gouvernement à Versailles afin de ne pas être piégé par les insurgés. Un gouvernement révolutionnaire siège à Paris du 26 mars au 29 mai 1871. 172 Le Courrier de Bretagne. Le 11 mars 1871. 173

De nombreux soldats du 1er bataillon de Lorient reviennent décorés de la Médaille militaire. Parmi ces derniers : « Julien Lorient,

adjudant du 1er bataillon, Eugène Le Glouahec, sergent-major, Eugène Névo, sergent, Louis Javelet, sergent, Joseph, Camille Dupuy, sergent, Louis de Larcher, sergent, Léon Le Touër, sergent, Férréol Rougnon de Mestadier, sergent, Louis, Napoléon Blayot, caporal, Jean-Marie Le Roux, garde, Alexis Personnic, garde. L’adjudant Julien, Marie Lorient, est né à Lorient, le 10 octobre 1846, de Jean, Marie Lorient et de Marie Pochard. Ce cuisinier épouse à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le 29 mai 1880 : Pascalie, Anastasie, Perrine Martin. Le 5 novembre 1907, il décède à Lorient.

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locale demande à la population de les accueillir : « Ouvrons tout grands nos bras et nos cœurs à ces braves enfants qui, eux, ont vaillamment payé de leurs personnes durant ce long siège de la capitale et conservons un souvenir de douloureuse sympathie à ceux, hélas ! qui ne reviendront pas ». C’est également l’intention du curé-archiprêtre de Lorient, le chanoine Charil de Ruillé qui entretient la flamme du souvenir et stimule la fibre patriotique en célébrant le 30 mars 1871, un service solennel en l’église Saint-Louis pour le repos de l’âme de toutes les victimes de la guerre. « Toutes les autorités civiles et militaires avaient tenu à se trouver à cette grave et triste cérémonie. Un piquet de de la garde nationale sédentaire en armes, formant la haie dans la nef, a rendu les honneurs pendant la célébration de l’office divin. »174 De nombreuses cérémonies patriotiques et religieuses rassemblent la population soucieuse de se souvenir et de prier pour les braves tombés pour le pays mais également pour le salut de la France « perturbé » par la guerre civile. Le 10 avril 1871, elle répond en masse à l’invitation de l’évêque de Vannes qui convie à Sainte-Anne d’Auray, « les marins, les soldats, les mobiles, les mobilisés et les francs-tireurs bretons, pour l’accomplissement du vœu fait au nom de toute la Bretagne, le 19 décembre 1870. Ce vœu consistait à demander à Sainte-Anne :

1 - Sa protection spéciale pour tous les soldats et les marins bretons. 2 - La préservation de la Bretagne contre l’invasion prussienne.175

Un nouveau maire À Lorient, les évènements essentiellement parisiens ne perturbent pas beaucoup la campagne électorale des municipales (30 avril 1871) laquelle se déroule dans le calme. Il est vrai qu’il s’agit pour l’Abeille de Lorient176 « de factieux qui désolent la France qui veulent mettre le comble à nos malheurs en suscitant la guerre civile. » Les républicains remportent la majorité des sièges malgré l’appel pressant d’un Comité de l’ordre et de la liberté qui recommande aux suffrages des électeurs, une liste composée « des hommes dévoués, capables de bien gérer les intérêts de notre cité, de travailler à son progrès, de la défendre dans toutes les circonstances qui pourraient tendre à en diminuer l’importance et la prospérité.177 Les républicains « historiques » de la liste de conciliation et de protestation en faveur de l’unité de la commune sont tous réélus, le docteur Marius Villers, l’avoué Évariste Aubin, le négociant Léonce Boy, l’avocat Gustave Ratier et Edouard Beauvais178. Ce dernier est nommé maire de la ville et déclare lors de son installation, le mardi 23 mai 1871 : « Nous travaillerons à faire le bien de cette cité républicaine si dévouée à l'ordre, à la liberté et au progrès, de cette cité dont les enfants répondaient naguère avec un si grand courage aux appels de la Patrie en danger, et sacrifiaient leur vie sur le champ d’honneur pour la défense du pays. » Le nouveau maire souhaite faire le bien de cette cité républicaine et sa priorité est de venir « en aide aux classes souffrantes en conciliant autant que possible les ressources financières avec les besoins à satisfaire : par des travaux justes et nécessaires nous chercherons à procurer un salaire à des ouvriers dignes d’intérêt et aujourd’hui sans ouvrage. » Mais à la lumière des événements 174 L’Abeille de Lorient. Le 30 mars 1871. 175 L’Abeille de Lorient. Le 6 avril 1871. 176 Le 5 avril 1871. 177Parmi les hommes dévoués figurent, l’avocat Edouard Beauvais et Ferdinand Fropier, l’avoué Evariste Aubin, le notaire Deschiens, le pharmacien Marcille, le notaire Montrelay, le député Audren de Kerdrel, le banquier de La Gillardaie, le négociant de Cappot, Eugène Charles, l’avoué Cornily et son collègue Guignard, le propriétaire Auguste César etc. 178 Par arrêté du Président du conseil des ministres, chef du pouvoir exécutif, en date du 14 mai 1871, rendu sur proposition du ministre de l’Intérieur, sont nommés : Maire de Lorient : M. Beauvais. Adjoints : Aubin Evariste, Ferdinand Fropier et adjoint pour Kerentrech, Jean Faure.

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récents, il souhaite développer l'instruction car « le suffrage universel est une arme puissante pour des hommes sensés, mais elle devient terrible et désastreuse entre les mains d'ignorants et d'incapables (…) En république, un homme doit savoir lire et écrire, mais il doit apprendre à devenir un bon citoyen et un homme libre ; il faut donc travailler à cultiver son esprit et à élever son cœur. » Vaste programme, complété par des cours d'adultes, l’organisation de conférences pour l’instruction élémentaire en politique des masses et il demande à des citoyens dévoués et instruits dans les sciences, comme dans les lettres, de former « cette masse d'ouvriers toujours heureux de s'instruire et de recevoir les préceptes de la science et de l’histoire comme une manne bienfaisante !» Il termine en évoquant avec discrétion « les circonstances malheureuses dans lesquelles se trouve notre chère patrie légitimant suffisamment les vœux que nous pouvons faire pour le maintien de la république, le rétablissement de l’ordre et de la paix. » Ces derniers sont en cours car les troupes versaillaises investissent la capitale et la Semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, fait de nombreuses victimes.179 Le maréchal Mac-Mahon, félicite l’armée de ce « grand » succès : « Après un siège de deux mois, après une lutte de huit jours dans les rues, Paris est enfin délivré ! En l’arrachant aux mains des misérables qui avaient projeté de le réduire en cendres, vous l’avez préservé d’une ruine complète, vous l’avez rendu à la France.180 » Mais à quel prix ? « La mode est au conseil de guerre, Et les pavés sont tout sanglants » écrit le chansonnier communard Jean-Baptiste Clément181 dans une chanson révolutionnaire intitulée La Semaine sanglante, mais l’insurrection écrasée consolide le régime qui est capable de rétablir l’ordre. C’est également une grande satisfaction pour les élus républicains de Lorient, la paix retrouvée permet à la population de renouer avec le quotidien parfois bien difficile car la misère touche de nombreux habitants. C’est une préoccupation constante pour le conseil municipal lequel tente de trouver des solutions en votant de substantielles subventions au bureau de bienfaisance qui est confronté à des charges exceptionnelles en soulageant « les infortunes qui ont été provoquées ou aggravées par la guerre, elle a du même secourir les familles de nos mobilisés.182 » La détresse de nombreux combattants de 1870 interpelle également le gouvernement d’Adolphe Thiers qui « a l’intention de venir en aide aux familles les plus malheureuses des anciens militaires ou marins qui ont succombé pendant la guerre de 1870-1871, ou qui sont rentrés infirmes dans leurs foyers. » Le maire de Lorient invite en conséquence les familles réellement nécessiteuses et se trouvant dans les conditions indiquées

179 Il n’y a aucune certitude sur le nombre de morts de la Commune. Le chiffre de 5000 à 10000 victimes est aujourd’hui avancé et celui d’environ 40 000 arrestations dont 4 à 5000 déportés dans les bagnes. Louise Michel, « l’institutrice rouge » fait partie des déportées en Nouvelle-Calédonie. L’amnistie partielle accordée en 1879 et totale le 11 juillet 1880, ramène en France les survivants de cette impitoyable répression. Le 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale adopte une résolution réhabilitant les victimes de la répression de la Commune de Paris afin que « la République rende honneur et dignité à ces femmes et ces hommes qui ont combattu pour la liberté au prix d’exécutions sommaires et de condamnations iniques. » 180 Le lundi 12 juin 1871, à onze heures du matin, le chanoine Charil de Ruillé, curé-archiprêtre de la paroisse Saint-Louis, accueille les autorités militaires et politiques pour une prière publique « demandée par l’Assemblée nationale pour attirer sur la France la bénédiction de Dieu et obtenir la cessation de la guerre civile. » L’Abeille de Lorient. Le 14 juin 1871. 181 Jean-Baptiste Clément 1836-1903. Après de nombreux métiers, il « embrasse » la carrière de journaliste et de chansonnier révolutionnaire. Lors du siège de Paris, il sert dans la Garde nationale et devient en 1871 un membre actif du Conseil de la commune. Durant la Semaine sanglante, il est de tous les combats et défend jusqu’au bout les dernières barricades. Recherché, il réussit à se réfugier en Belgique et en Angleterre. Condamné à mort par coutumace et amnistié, il revient en France en 1880. Il reprend ses activités journalistiques et rassemble dans un volume en 1887, toutes ses chansons dont : Le Temps des cerises écrit en 1867, la Semaine sanglante écrite en 1871 et Dansons la capucine qui sous sa forme première (1667) était une chanson de combat : Dansons la capucine, - Le pain manque chez nous. - Le curé fait grasse cuisine, - Mais il mange sans vous. - Dansez la capucine - Et gare au loup, - You ! etc... La chanson enfantine date de 1885 et est toujours chantée dans les écoles maternelles : Dansons la capucine - Y’a pas de pain chez nous - Y’en a chez la voisine - Mais ce n’est pas pour nous - You ! 182 Conseil municipal du 15 août 1871.

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ci-dessus à se présenter à la mairie pour donner tous les renseignements sur leur position.183 » Cette action de bienfaisance envers les glorieux combattants de 1870, s’accompagne du projet d’un monument commémoratif en mémoire des enfants de la cité disparus lors de ce conflit. A cet effet, le 14 août 1871, M. Jubier rappelle « au conseil municipal que sur la proposition de l’honorable M. de Carfort, il avait été décidé que le nom des enfants de Lorient morts pendant la guerre de 1870 seraient inscrits sur des tables de marbre placées dans le salon d’honneur de l’Hôtel de ville. Le maire-adjoint, Ferdinand Fropier répond qu’il y sera donné suite lorsque tous les renseignements seront arrivés. A la suite de cette intervention, les élus décident de créer une commission spéciale comprenant MM. Prosper Jubier184, Gustave Ratier185 et Victor Caron.

Un tableau d’honneur Pendant deux ans, c’est le silence le plus complet sur cette initiative et le travail de cette commission spéciale, il est vrai que le conseil municipal à d’autres dossiers importants à traiter et à surtout gérer le quotidien comme l’agrandissement de « l’enclos des protestants » au cimetière de Carnel, l’écoulement des eaux sur le cours de Carnel, le matériel à incendie à améliorer et les longs débats « orchestrés » par Gustave Ratier et Marius Villers concernant la question scolaire et l’organisation de l’instruction primaire obligatoire, gratuite et laïque débarrassées des congrégations religieuses qui prolifèrent à Lorient. Pourtant, le 2 avril 1873, le conseil municipal de Lorient évoque le projet d’un tableau d’honneur à ériger à la mémoire des soldats tués pendant la guerre 1870-1871. « M. le maire fait connaître au conseil que les recherches à faire en vue d’établir le nom des enfants de Lorient tués pendant la guerre a retardé jusqu’à ce jour, la mise à exécution de la proposition adoptée en 1870 sur l’initiative de l’honorable M. Le Nepvou de Carfort. Il donne la parole à M. Gustave Ratier, chargé de ce projet : « Le 12 septembre 1870, au lendemain de la honteuse capitulation de Sedan, au moment où les débris de notre glorieuse armée se dirigeaient vers Paris, pour l’aider à soutenir un siège mémorable qui sera son éternel honneur, au moment où la France tout entière, frémissante et forte dans ses malheurs allait se lever comme un seul homme, dût-elle périr, pour reconquérir son honneur trahi, une voix s’éleva dans le sein de l’ancien Conseil municipal de Lorient et fit la proposition suivante : « Les noms des enfants de Lorient tombés sur le champ de bataille en défendant le sol de la patrie, seront inscrits sur des tables placées dans le salon d’honneur de l’Hôtel-de-Ville. » Cette voix était celle de M. Le Nepvou de Carfort, qui fut le collègue de beaucoup d’entre nous. Cette proposition si patriotique fut accueillie par l’unanimité. La lutte recommençait alors, elle fut longue, meurtrière, pleine de gloire partout où l’on combattit, coula le sang généreux de nos enfants - enfin le droit et le courage succombèrent devant la force et le nombre. Le 14 août 1871, notre collègue M. Jubier rappela au Conseil la délibération du 12 septembre 1870 et insista pour qu’elle reçût son exécution. L’administration s’empressa de nous faire connaitre que jusqu’ici, le défaut de renseignements précis n’avait pas permis de réaliser le projet que les dévouements avaient été nombreux, nos pertes cruelles et que toutes n’étaient pas encore constatées par les documents authentiques. À cet effet une commission est créée comprenant MM. Jubier, Caron et Ratier. 183 Le Courrier de Bretagne. Le 4 octobre 1871. 184 Prosper, Marie, Antoine Jubier est né à Lorient, le 6 novembre 1816. Veuf de Léonie Brisson (+ 9 /11/1841 à Paris), il épouse, à Cléguer (Morbihan), le 25 octobre 1847 : Adèle, Louise Vannier, fille de Philippe Vannier, ex mandarin de la Cochinchine (Cimetière de Carnel. Carré 29 -Tombe n° 35). Il se marie une troisième fois avec Louise, Adelina Baranger. Il siège au conseil municipal de Lorient du 23 mai 1871 au 5 avril 1876 (Démission). Il décède à Cléguer, le 10 janvier 1877. 185 Il est inhumé au cimetière de Carnel. Carré 29 -Tombe n° 39.

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Les noms de nos chers et valeureux enfants doivent être exposés au grand jour, il faut qu’ils puissent frapper les regards de tous et porter dans les âmes le souvenir de leur dévouement et l’amour de la patrie. » Il décrit ensuite le projet retenu : « Une table en marbre noir, de granit de Kersanton avec dans la partie supérieure les armes de la ville gravée et une dédicace ainsi libellée - 1870-1871 - Aux enfants de Lorient morts en défendant le sol et l’honneur de la France - La partie inferieure divisée en deux colonnes destinées à recevoir les noms gravés dans l’ordre alphabétique.186»

Projet de tableau d’honneur érigé à la mémoire des soldats tués en 1870-1871, 13 mars 1873

Architecte Stephen Gallot – Archives de Lorient – 2 Fi 517

186 Commission du 26 mars 1873. Le prix de la stèle est fixé à 542 fr72.

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L’inauguration Quelques mois plus tard, Le Journal du Morbihan187, informe ses lecteurs que la date du 27 janvier 1874, « est le jour fixé pour la funèbre et patriotique cérémonie de l’inauguration du tableau d’honneur des enfants de Lorient morts pour la défense de la patrie. » Il rappelle les noms de ces jeunes et braves188 défenseurs du Pays.

Le mardi 27 janvier 1874, « la grille de l’hôtel de ville ainsi que ses pilastres et l’arcade latérale dans laquelle est encadrée la plaque de marbre noir avaient été décorés de pavillons, de verdure et de faisceaux d’armes, et une avenue de mâts vénitiens reliés par des guirlandes de feuillage, traversait la cour de la mairie et conduisait à l’entrée principale de l’édifice. Les familles étaient reçues dans la grande salle du rez-de-chaussée, et le salon du premier étage recevait les autorités et les invités qui s’y pressaient en foule.

187 Le 18 janvier 1874 188 Il manque sur le faire-part « Aux enfants de Lorient » le nom de Pierre Cottenseau.

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À 9 heures 30, l’amiral préfet maritime, le préfet du département, le sous-préfet de Lorient, les personnalités locales et les familles assistent à la bénédiction du monument par Mgr Bécel, l’évêque de Vannes. Après la bénédiction, le maire de Lorient, Édouard Beauvais et le Préfet du Morbihan prennent successivement la parole afin d’exalter le sacrifice des enfants de la cité. Pour le maire de Lorient : « Devant ce monument béni par Dieu, et dont la modeste simplicité honore dignement le noble courage de ceux que nous pleurons, nous ne pouvons avoir qu’une pensée de paix et d’union, qu’un sentiment, l’amour de la Patrie ! À l’appel du canon de détresse, quand ils quittaient leurs parents éplorés pour courir aux combats ; quand, sur les champs de bataille inondés de sang et couverts de morts, ils tombaient les yeux fixés sur le drapeau national, aux cris unanimes de Vive la France, ils nous donnaient de hauts enseignements et nous léguaient l’accomplissement de grands devoirs. Hélas ! la fortune a trahi leur courage et celui de tant d’autres qui n’ont échappé à la mort, en combattant près d’eux, que pour revenir dans leurs foyers mutilés, ou atteints d’un mal sans remède. Nous pleurons, en effet, l’Alsace et la Lorraine et ce n’est qu’au prix de sacrifices énormes, avec le concours de l’Assemblée nationale, sous une direction grande et sage, que nous avons pu libérer le reste de notre territoire. Nous devons un juste tribut de reconnaissance à tous ces braves ; payant-le leur, en travaillant sans relâche à réparer nos désastres et en mettant au-dessus des divisions de partis, les intérêts généraux de notre pays, digne d’un meilleur sort. Chers enfants que nous avons vu naître et grandir, des brillantes régions ou vos âmes immortelles se sont envolées, voyez nos douleurs et nos larmes ; laissez tomber sur nous un rayon de consolation et d’espérance. Priez celui qui peut tout, de nous enseigner les fortes lois du devoir et du sacrifice, et de nous inspirer les mâles et nobles vertus qui font les peuples puissants, libres et capables de se gouverner eux-mêmes. Mes chers concitoyens la France, près de son lit de douleurs, appelle tous ses enfants : accourons tous à sa voix, unis par un même sentiment d’amour, et bientôt, relevant son front meurtri, toujours noble et fière, elle reprendra le cours de ses destinées sous le glorieux étendard de l’ordre, du progrès et de la liberté.189 » Le préfet du Morbihan, Emmanuel Rorthays de Saint Hilaire190, au nom du gouvernement s’associe : « Aux justes hommages que vous rendez aujourd’hui à la mémoire de ceux de vos concitoyens qui sont morts pour la patrie. Ceux-là, en effet, qui sont tombés sur les champs de bataille en défendant le pays contre l’invasion étrangère, appartiennent à la France, et leur mémoire est le patrimoine commun de tous les enfants de la France, grands ou petits, riches ou pauvres, obscurs ou illustres, ils se sont confondus dans le même dévouement et ont droit à une part égale dans la reconnaissance publique. Mais le meilleur hommage que nous puissions leur rendre, c’est de faire en sorte que leur sang généreux n’ait point été inutilement versé ; c’est de faire tourner au bénéfice de la patrie la leçon du sacrifice qu’ils nous ont donnée. » Il poursuit en appelant à la concorde nationale « en travaillant tous à l‘apaisement des esprits, au rapprochement des cœurs, à l’entente et à la concorde. Car, s’il est toujours coupable d ’allumer le feu des dissensions civiles, c’est surtout une œuvre impie et antipatriotique 189 Le Courrier de Bretagne, le 28 janvier 1874 190 Préfet du Morbihan du 9 juin 1873 au 18 décembre 1877.

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d’exciter les citoyens les uns contre les autres, en flattant les passions mauvaises, quand l’ennemi qui nous a vaincus n’a point de plus cher espoir et de meilleur auxiliaire, pour la consommation de notre ruine, que nos propres discordes. » Une cérémonie religieuse Après ce message « œcuménique », le cortège des personnalités et des familles se rend à la suite du clergé à l’église paroissiale. Pour Le Journal du Morbihan : « Jamais, à Lorient, nous n’avons vu une foule aussi compacte de toutes armes et de fonctionnaires de toutes administrations ; et ce qu’il y a de plus honorable pour nos chers morts et pour leurs familles, c’est que ce concours empressé n’était pas le résultat de convocations officielles, mais de simples invitations faites par le chef de corps.191 » La population est également présente et participe en grand nombre à la célébration religieuse à l’église Saint-Louis. Au milieu de la nef, un catafalque orné de quelques inscriptions rappelle aux fidèles le sens de la cérémonie :

Ils sont morts pour la Patrie ! La France pleure parce qu’ils ne sont plus ! Prions pour Eux ! Prions pour nous !

L’office des morts est célébré par Mgr Bécel, qui, à l’issue de la cérémonie et avant l’absoute, fait « l’éloge des sentiments qui avaient présidé à l’organisation de cette cérémonie » et souligne que « Les grandes catastrophes engendrent les vertus et les sacrifices sublimes. » « Nourrie » de ces dernières paroles de l’évêque de Vannes, la foule quitte lentement le sanctuaire, émue d’avoir participé à ce grand moment de recueillement et du souvenir.

191

Le Journal du Morbihan. Le 28 janvier 1874.

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AUX ENFANTS DE LORIENT

MORTS EN DEFENDANT LE SOL ET L’HONNEUR DE LA FRANCE

de LANGLE de CARY Aldérick-Henri-Charles-Marie

Lieutenant 47e Régiment d’infanterie de ligne Chevalier de la Légion d’honneur

1842-1870 Né à Lorient, le 25 septembre 1842, de Louis, Vincent, Marie de Langle de Cary, âgé de trente-deux ans, lieutenant de vaisseau, chevalier de la Légion d’honneur et d’Élisabeth, Angélique, Marie, Charlotte Peychaud. Après d’excellentes études à Saint-François Xavier à Vannes, il intègre l’école privée Sainte-Geneviève à Paris et prépare le concours d’entrée à Saint-Cyr. Admis, il fait partie de la 45e promotion « du Céleste-Empire » 1860-1862 et est versé à la sortie de l’École spéciale militaire comme sous-lieutenant au 42e régiment d’infanterie. En 1867, il est nommé lieutenant et sert au 47e de ligne. A la déclaration de guerre, le 19 juillet 1870, son régiment fait partie de l’Armée du Rhin et se porte au-devant de l’ennemi. Il est tué à Reichshoffen (Bas-Rhin), le 6 août 1870 à l’âge de 28 ans. Dans son édition du 21 août 1870, L’Abeille de Lorient titre : « Lorient a payé son douloureux tribut à la gloire du combat de Reichshoffen. M. de Langle, lieutenant au 47e, a été tué par un boulet près de son commandant, mortellement atteint lui-même. M. de Langle n’avait pas encore 28 ans, et il était proposé en première ligne pour le grade de capitaine. Il était l’aîné de deux frères au service comme lui, l’un, lieutenant au 83e, et devant l’ennemi à l’heure qu’il est, l’autre, officier élève à l’école d’état-major, où il est entré le premier l’année dernière. Ces braves

jeunes gens marchent sur les traces de leur frère, et Dieu, nous l’espérons, les protègera ; il ne voudra pas imposer un nouveau sacrifice à des parents qui ont été si généreux pour la patrie. Son nom figure sur le monument commémoratif du collège Saint-François-Xavier à Vannes et sur la plaque commémorative 1870-1871, de l’église Saint-Joseph des Carmes à Paris. Il est également mentionné dans le livre d’or de l’école Sainte-Geneviève à Paris. Lors de la déclaration de guerre, les trois fils de M. de Langle de Cary sont officiers dans l’armée française. L’ainée, Aldérick (Saint-Cyr 1860-1862), est tué le 6 août 1870. Le second, Albert, Louis, Marie (Saint-Cyr 1864-1866), lieutenant au 83e est engagé contre l’ennemi à Sedan et rejoint par la suite l’armée de la Loire. Il démissionne de l’armée et épouse, le 10 juin 1884, à Ménéac dans le Morbihan : Ernestine du Plessis de Grenédan. Le troisième Fernand192, (Saint-Cyr 1867-1869), aide de camp du général Trochu, est grièvement blessé le 19 janvier 1871, lors de la bataille de Buzenval « au moment où il donnait une nouvelle preuve de son énergie devant l’ennemi. » Plusieurs journaux le déclarent parmi les officiers tués au combat. « Qu’on juge de la douleur des malheureux parents de notre jeune concitoyen à l’arrivée de ces nouvelles accablantes.193 » À la consternation succède la joie car, ils apprennent, le 1er février 1871, que leur fils est vivant et que sa blessure ne présente pas trop de gravité. Afin de l’aider à surmonter cette épreuve, son père le rejoint à Paris.

192

Il est né à Lorient, le 4 juillet 1849. 193 L’Abeille de Lorient. Le 1er février 1871.

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Malheureusement, il ne peut suivre la convalescence de son fils car il décède d’une fluxion de poitrine le 7 mars 1871 à Paris. Remis de ses blessures, il poursuit sa carrière militaire et est nommé en 1912, au Conseil supérieur de la guerre. Général, il aspire en 1914 à une retraite bien méritée

mais il est maintenu en activité et reçoit le commandement de la 4e armée qui se distingue à Neufchâteau, Ethe et Virthon. En décembre 1915, le

général de Langle de Carry est chargé du commandement du groupe d’armées du Centre. Il est mis à la retraite en 1917 et se retire à Kerguélavant en Pont-Scorff dans le Morbihan ou il décède le 27 février 1927. Depuis, le 5 juin 1931, il repose aux Invalides à Paris. Le 11 juin 1949, le conseil municipal de Lorient donne le nom de Fernand de Langle de Cary à une rue de la ville.

GUIGNARD Théodore-Auguste Lieutenant

9e Régiment d’infanterie 1840-1870

Né à Lorient, le 3 novembre 1840, de Theodore, Zacharie Guignard, avoué et d’Anne, Louise, Eugénie Meurice. Ce Saint-Cyrien de la 45e promotion du « Céleste-Empire » 1860-1862 décède194 de ses blessures de guerre à « 4 heures du soir à l’hôpital militaire de Metz195 (Moselle), le 17 août 1870 à l’âge de 29 ans.

194 Acte n° 889 retranscrit à Lorient, le 5 septembre 1871. 195 Etat-civil de Metz. Acte n° 1213 des décès de l’année 1870.

PERRIN Charles-Eugène Sergent fourrier de 2e classe

43e Régiment d’infanterie de ligne 1845-1870

Né à Lorient, le 20 février 1845, de Pierre, Marie Perrin, pompier de la marine en ce port et de Marie, Modeste Faugere. Le 43e de ligne fait partie de l’armée du Rhin commandée par le général de Ladmirault. C’est à Thionville que se concentre le 4e corps d’armée avant de prendre l’offensive. Ce sous-officier de la 2e compagnie du 1er bataillon du 43e de ligne prend part aux différents combats qui émaillent les premiers jours du conflit. Il participe le 16 août 1870, à la bataille de Rezonville et le 18 août, son bataillon occupe le secteur compris entre Montigny-la-Grange et Amanvillers. Pilonné par l’artillerie ennemie de nombreux soldats sont grièvement blessés dont le sergent Perrin. Il décède196 de ses blessures de guerre reçues à la bataille d’Amanvillers (Moselle), le 18 août 1870 à l’âge de 25 ans.

DUHAULONDEL Auguste-Charles-Jules

Deuxième canonnier servant 1er Régiment d’artillerie de marine

1841-1870 Né à Lorient, le 5 novembre 1841, de Louis, Charles, Edmond Duhaulondel, conducteur de travaux maritimes au port et de Désirée, Sophie de Roche. Ce soldat appartenant à la Division Bleue décède197 « à quatre heure du soir, par suite de coup de feu » à l’hôpital militaire de Metz (Lorraine), le 20 août 1870 à l’âge de 28 ans.

196 Acte n° 22 retranscrit à Lorient, le 6 janvier 1872. (Le procès-verbal de décès est établi par le régiment en date du 2 décembre 1871.) 197 Acte n° 1161 retranscrit à Lorient, le 19 novembre 1871.

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BONNELLE Philibert-Marie-Pierre Sous-lieutenant

3e Régiment d’infanterie de marine 1848-1870

Né à Lorient, le 13 septembre 1848, de Philibert, Marie Bonnelle198, contrôleur de ville des contributions indirectes et de Marie, Amélina Philippe. Ce Saint-Cyrien de la 52e promotion de « Mentana » 1867-1869 est tué à l’ennemi à la bataille de Bazeilles (Ardennes), le 1er septembre 1870 à l’âge de 21 ans. Au début du conflit, les marsouins et les bigors sont regroupés dans la même formation de marine appelée la « Division Bleue199 » et commandée par le général de Vassoigne200. Cette unité est formée de deux brigades et le jeune sous-lieutenant Bonnelle est affecté à la 2e brigade sous les ordres du général Martin des Pallières. Le 31 août 1870, les troupes de marine s’emparent du village de Bazeilles tombés aux mains ennemies après des combats acharnés et meurtriers. Le lendemain 1er septembre, une nouvelle attaque des Bavarois sur Bazeilles est repoussée par les marsouins. Malgré cette victoire, ils reçoivent l’ordre d’évacuer Bazeilles. Quelques heures plus tard, le général de Wimpffen ordonne de reprendre les positions abandonnées ! Bazeilles est repris pour la quatrième fois par les troupes du général de Vassoigne. Le 1er corps d’armée Bavarois appuyé par une puissante artillerie repart à l’assaut et face à un ennemi supérieur en nombre, les marsouins se battent héroïquement et cèdent lentement le terrain tout en infligeant des pertes sévères à l’adversaire. « Exaspérés par la lutte, les vainqueurs fusillent une partie des habitants et brûlent,

198 Il décède le 18 janvier 1870 à l’âge de 70 ans. 199 Ce nom est donné en raison de la tenue bleue de ses soldats afin de les différencier des troupes de lignes qui portaient un pantalon garance. 200 Elie, Jean de Vassoigne 1811-1898.

le jour même et le lendemain, une grande portion des maisons.201 » Le général de Vassoigne estime que « l’infanterie de marine a atteint les extrêmes limites du devoir » et commande la retraite. Le Courrier de Bretagne du 14 septembre 1870, relate « le rôle que cette belle troupe a joué dans ces mémorables journées dites de Mouzon, Bazeilles et Sedan, cette division a été constamment au feu, la première à l’attaque, la dernière sur la défensive, tirant les premiers et les derniers coups. » Les pertes de la division d’infanterie pendant les journées du 30, 31 août et 1er septembre sont évaluées à 2655 hommes blessés, disparus ou tués dont le jeune officier Bonnelle. Son nom figure sur le monument commémoratif 1870-1871 à Bazeilles.

FOURQUEMIN Marie-Michel-Arnault Capitaine adjudant-major

12e Régiment d’infanterie de ligne Chevalier de la Légion d’honneur

1833-1870 Né à Arras (Pas-de-Calais), le 30 octobre 1833, de Marie, Jean, Baptiste, Fourquemin, adjudant-major au 12e régiment d’infanterie de ligne et de Catherine, Élisabeth Ogez. Il épouse à Lorient, le 16 juin 1867 : Bathilde, Anna, Marie, Marguerite Montrelay202. Ce Saint-Cyrien de la 36e promotion de « l’Empire » 1852-1854 décède de ses blessures de guerre à l‘hôpital militaire de Metz203, le 3 novembre 1870 à l’âge de 36 ans. « Le 15 août, l’armée entière quitta Metz pour prendre la route de Verdun. Le soir, les 1er et 2e bataillons campèrent en avant de Rezonville, le 3e bataillon en avant de 201 Jules Vial, Campagnes modernes. 202 Elle est née à Lorient, le 23 octobre 1845, d’André, Joseph, Marie Montrelay et de Stéphanie, Wilhelmine Quinchez. Elle décède à Lorient, le 2 mars 1925. Elle habitait, 58, rue du Port à Lorient. 203 Acte retranscrit à Lorient, le 17 mars 1871.

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Saint-Marcel. Le 16 au matin, l’armée française fut attaquée par les Prussiens, qui cherchaient à lui barrer la route de Verdun. Le 6e corps, aux prises avec des forces supérieures, conserva bravement ses positions jusqu’à l’arrivée du reste de l’armée. L’offensive fut alors prise sur toute la ligne, et les Prussiens culbutés furent rejetés jusque sur leurs réserves. Dans cette bataille, dite de Rezonville, qui dura de neuf heure et demie du matin jusqu’au soir, les différents mouvements des bataillons du 12e s’exécutèrent avec autant d’ordre et de calme que sur un champ de manœuvres (…) Dans cette journée, les pertes du 12e furent de 2 morts et de 45 blessés, tous sous-officiers et soldats, et d’un officier contusionné, le capitaine Fourquemin. » Quelques jours plus tard, à Saint-Privat-la-Montagne (18 août), « le 12e donna des preuves multipliées de son indomptable courage et du plus généreux dévouement. Tous, officiers et soldats, rivalisèrent de bravoure et d’intrépidité. La bataille commence à 9 heures et demie du matin. Le régiment reste d’abord en seconde ligne jusqu’à une heure et demie ; à partir de deux heures, il prend une part active à l’action en occupant les alentours de Saint-Privat, du-côté de l’ennemi. Là, il est exposé, pendant plusieurs heures, au feu d’une nombreuse artillerie, qui, placée en demi-cercle, inonde le champ de bataille de projectiles, dirige sur Saint-Privat un feu convergent, et finit par incendier le village (…) Ce n’est qu’entre sept heures et demi et huit heures du soir, alors que le village en feu est complètement tourné par des forces considérables, que le 12e se décide à quitter la position. » Le 12e perd 690 hommes lors de cette néfaste journée. Le 1er septembre, lorsque le régiment va traverser Vassy, « une section de la 1e compagnie du 3e

bataillon, soutient la retraite jusqu’au dernier moment avec la plus grande énergie. Par ordre du maréchal Canrobert, le régiment vient se rallier dans les tranchées en avant du fort Saint-Julien salué par les obus de l’ennemi jusqu’au bois de Grimont. Le régiment fait là encore des pertes sérieuses : les capitaines Lafage, Petot et Troller sont tués sur la ligne de tirailleurs ; le capitaine Fourquemin meurt des suites de ses blessures (…) 127 sous-officiers et soldats sont tués ou blessés dans cette journée. 204»

DUPUY Armand-Adolphe Soldat de 2e classe

60e Régiment d’infanterie de ligne 1837-1870

Né à Lorient, le 15 février 1837, de Mathurin, Désiré Dupuy, cordonnier et de Marguerite Massu. Partie de Metz, afin de rallier les troupes de Mac-Mahon, l’armée du Rhin du maréchal Bazaine tente de percer - sans succès - les lignes prussiennes. Les combats du 30, 31 août et 1er septembre sont violents et meurtriers. Le soldat Dupuy est grièvement blessé205 au combat de Servigny-lès-Sainte-Barbe et décède à Metz (Moselle), le 31 août 1870 à l’âge de 28 ans.

EVEN Joseph-Marie Soldat

30e Régiment d’infanterie de ligne 1827-1870

Né à Kervignac (Morbihan), le 28 décembre 1827, de Vincent Even, laboureur et de Marie Lestréhan. Il décède de ses blessures de guerre à l’hospice de

204 Historique du 12e régiment de ligne. 205 Le 23 avril 1872, le conseil d’administration du 60e régiment de ligne, réuni à Langres (Haute-Marne) déclare le décès du

soldat Dupuy (matricule 1829) à la date du 31 août 1870. Acte

n° 544 retranscrit à Lorient, le 21 juin 1872.

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Baccarat (Moselle)206, le 6 septembre 1870 à l’âge de 42 ans.

COTTENSEAU Pierre-Ernest

Soldat 69e Régiment d’infanterie de ligne

1847-1870 Né à Lorient, le 2 septembre 1847, de Pierre, René Cottenseau, âgé de trente-deux ans, maître charpentier et de Louise, Justine Le Discot. Il décède207 des suites de blessures reçues au combat de Villejuif (23 septembre), à l’hôpital militaire du Val-de-Grace à Paris, le 26 octobre 1870 à l’âge de 23 ans. Le 22 septembre, en prévision d’une nouvelle offensive, le 69e alla camper à l’extérieur, vers le fort de Bicêtre, deux brigades à Villejuif ; mais il était trop tard pour attaquer la redoute des Hautes-Bruyères, Maudhuy, se retira. Le lendemain, Vinoy, s’empara du moulin Saquet, des Hautes-Bruyères, de Villejuif, abandonnés le 19. Dès une heure et demie jusqu’à la cessation du feu, les soldats de la division furent occupés à l’organisation du front des Hautes-Bruyères au Saquet.208 »

ROUSSEL Paul-Emile

Sous-lieutenant 109e Régiment d’infanterie de ligne

1848-1870 Né à Lorient, le 26 avril 1848, de François, Casimir Roussel, greffier du tribunal de Lorient et d’Aglaé, Marguerite, Aimée Le Feuvre. Ce Saint-Cyrien de la 53e promotion « de Suez » 1868-1870 est affecté à la sortie de l’École spéciale militaire au 109e régiment d’infanterie. Il

206 Acte n° 797 retranscrit à Lorient, le 21 octobre 1872. 207 Acte n° 80 du Palais-Bourbon retranscrit à Lorient, le 4 février 1874. 208 Historique du 69e régiment d’infanterie 1672-1912.

décède209 de ses blessures de guerre à L’Haÿ (Val de Marne), le 30 septembre 1870 à l’âge de 22 ans. Une croix est élevée à L’Haÿ à la mémoire des braves soldats tombés sur le champ de bataille 1870-1871.

RÉMOT Frédéric-Jean

Soldat de 2e classe 123e Régiment d’infanterie de ligne

1838-1870 Né à Ploemeur (Morbihan), le 6 avril 1838, de Joseph, Marie Rémot, journalier au port, demeurant au village de Kervenanec en cette commune et de Marie, Yvonne Stéphan. Depuis le 19 septembre 1870, les troupes prussiennes assiègent Paris. Afin de desserrer l’encerclement de la capitale, le général Trochu, gouverneur de Paris, envisage une sortie afin de percer les lignes ennemies en direction de Champigny-sur-Marne et de Villiers. Le 30 novembre, le général Ducrot, à la tête de 80 000 hommes franchit la Marne et attaque la division wurtembergeoise solidement implantée à Villiers et Coeuilly. Après une lutte acharnée et meurtrière, les troupes françaises sont refoulées sur Paris. Lors de cet affrontement, le soldat Rémot, de la 2e compagnie et du 1er bataillon du 123e de ligne est tué210 à l’ennemi au combat de Villiers (siège de Paris), le 30 novembre 1870 à l’âge de 32 ans.

MOULEC Louis

Soldat 97e Régiment d’infanterie de ligne

1849-1870 Né à Lorient, le 13 juillet 1849, de Louis Moulec, journalier et de Marie, Josèphe

209 Le procès-verbal de déclaration de décès est fait à Beauvais, le 23 octobre 1872. Acte n° 816 retranscrit à Lorient, le 1er novembre 1872. 210 Acte n° 373 retranscrit à Lorient, le 28 avril 1872.

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Poul. Le 12 août 1870, il est affecté au 97e d’infanterie et est tué quelques mois plus tard à l’ennemi au combat de Mont-Mesly (Siège de Paris), le 30 novembre 1870211 à l’âge de 21 ans. Le général Trochu, gouverneur de Paris, envisage une sortie afin de percer les lignes ennemies en direction de Champigny-sur-Marne et de Villiers. Le 30 novembre, le général Ducrot, à la tête de 80 000 hommes franchit la Marne et attaque la division wurtembergeoise solidement implantée à Villiers et Coeuilly. Après une lutte acharnée et meurtrière, les troupes françaises sont refoulées sur Paris. Le bilan de cette bataille (30 novembre - 2 décembre) est très lourd et se solde par 2 000 morts dont les soldats Moulec et Rémo, et 5000 blessés et 1500 prisonniers. »212

FANIARD Alexandre

Adjudant Régiment d’artillerie de la marine et des

colonies 1847-1870

Né à Cayenne (Guyane française), le 15 novembre 1847, d’Adolphe, Joseph Faniard et d’Aline, Marie Lozier. Lors du siège de Paris, l’adjudant Faniard213, à la 1e batterie montée du régiment d’artillerie de la marine est tué214 sur le champ de bataille « par suite de coup de feu (balle en pleine poitrine) » à Champigny-sur-Marne, le 2 décembre 1870 à l’âge de 23 ans. Une messe à 8 heures du matin est dite « à son

211 Acte de décès transcrit à Champigny-sur-Marne, le 15 juillet 1874 d’après le jugement du tribunal civil de la Seine du 11 octobre 1873. Il est également retranscrit à Sulfiac (Morbihan), le 25 avril 1875. Le soldat Moulec, matricule 747/5736 est laboureur et décrit par l’autorité militaire : Yeux bruns, nez large, menton rond, front découvert, bouche grande, visage large, teint coloré, taille 1m62. 212 Vial, Jules. Campagnes modernes. 213 Matricule 1241. 214 Acte n° 579 retranscrit à Lorient, le 8 juillet 1872.

intention » en l’église paroissiale Saint-Louis de Lorient, le jeudi 23 mars 1871.

LE BER Michel-Ange

Marin 1849-1870

Né à Lorient, le 29 novembre 1849, de Pierre, Michel Le Ber, capitaine au long cours et de Marie, Ange Dorso. Cet engagé volontaire décède215 à Fréteval (Loir-et-Cher), le 4 décembre 1870 à l’âge de 21 ans.

DUPERRIER Germain-Léon

Soldat Régiment d’infanterie de ligne

1852-1870 Né à Lorient, le 18 septembre 1852, de Pierre Duperrier, chef des gardiens de nuit au port et de Jeanne, Marie Le Pogam. Cet engagé volontaire et ouvrier armurier disparaît au combat de Terminiers (Eure-et-Loir), le 2 décembre 1870 à l’âge de 18 ans. Le 1er décembre, l’armée de la Loire, sous le commandement du général Chanzy se porte au-devant de l’armée allemande et livre de durs combats pour s’emparer de Villepion. Dès le lendemain, les troupes sous un froid glacial reprennent leur marche en avant et se heurtent une nouvelle fois à une très forte résistance de l’ennemi aux abords de Loigny. Malgré la charge héroïque des troupes du général de Sonis, l’armée bat en retraite. Le bilan humain est très lourd, 4000 français restent sur le champ de bataille dont le jeune Duperrier. Quelques jours plus tard216, deux journaliers de Terminiers trouvent « gisant sur le territoire de cette commune au lieu-dit les pièces de Villepion ou La Dolloise, le corps d’un militaire

215 Matricule 955. Avis de décès donné par son frère à la gendarmerie de Lorient. 216 Le 7 décembre 1870,

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appartenant à l’infanterie de ligne, décédé en en cet endroit à la suite du combat qui s’y est livré le 2 de ce mois. » Il est identifié217 comme étant « le nommé Germain, Léon Duperrier » demeurant 8, rue du Morbihan à Lorient.

BAGAY Félix-Louis Lieutenant

37e Régiment d’infanterie de Marche 1849-1870

Né à Lorient218, le 24 mars 1849, de Valentin, Louis Bagay, professeur de mathématiques et de Marie-Louise Le Pontois. Ce Saint-Cyrien de la 54e promotion du « 14 août 1870 » 1869-1870 est affecté à la sortie de l’École spéciale militaire au 46e régiment d’infanterie219. Le 13 octobre 1870, il rejoint le 37e d’infanterie et est nommé lieutenant, le 6 octobre 1870. Il est tué à l’ennemi à la bataille de Loigny (Eure-et-Loir), le 2 décembre 1870 à l’âge de 21 ans. Le 28 novembre 1872, le tribunal de Châteaudun procède à une enquête « ayant pour but d’établir la réalité du décès d’un certain nombre de militaires. » Cette dernière confirme le décès de trente-sept militaires dont celui de Félix, Louis Bagay220. Il est inhumé au cimetière communal et son nom figure sur le monument commémoratif de Loigny-la-Bataille. Dans son édition du 27 avril 1871, le journal L’Abeille de Lorient, fait part de la mort de « M. Félix Bagay, lieutenant221 au 37e de marche, tué à la tête de sa compagnie, au commencement de décembre, dans les environs d’Orléans, en défendant la position qu’il occupait contre des masses prussiennes. » Il rapporte également le parcours scolaire au lycée de

217 Acte de décès dressé à Terminiers. 218 27, rue des Colonies Lorient 219 Le 14 août 1870. 220 Acte transcrit le 28 juin 1873, à Loigny-la-Bataille. 221 Le 6 novembre 1870, il est nommé lieutenant.

Lorient du jeune Bagay et signale l’ardeur, le courage et le patriotisme qui l’animait à la sortie de l’école militaire.

LAVIEC Gratien-François

Marin 1850-1870

Né à Lorient, le 24 septembre 1850, de François, Marie Laviec, menuisier et d’Élisa Baron. Recrutement de Lorient - Matricule 157. Cet apprenti marin, engagé volontaire aux équipages de la flotte est tué à l’ennemi à la bataille de Fréteval (Loir-et-Cher), le 14 décembre 1870 à l’âge de 20 ans. Après la défaite de Loigny (2 décembre 1870), la deuxième armée de la Loire, commandée par le général Chanzy résiste aux forces prussiennes à Josnes (Loir-et-Cher), Villarceaux et Fréteval (Loir-et-Cher). Lors de ce dernier combat, un bataillon de marins résiste héroïquement à l’avancée de l’ennemi. Dans l’église de Fréteval, une stèle commémorative rend hommage à ces valeureux marins tombés au combat de Fréteval les 14 et 15 décembre 1870 et à leurs trois officiers : le capitaine de frégate Victor Collet, le lieutenant de vaisseau, Félix Denans222, l’enseigne de vaisseau de Boysson. Au cimetière de Fréteval, un monument élevé par le Souvenir Français en août 1891 rappelle le sacrifice des braves du 21e corps d’armée, morts pour la Patrie à Fréteval les 14 et 15 décembre 1870. Sous le monument cinq cercueils renferment les restes mortels des trois officiers et des 40 marins et soldats tués à Fréteval.

222 Ce dernier grièvement blessé décède le 20 février 1871.

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CORFMAT Victor Maréchal-des-Logis

Artillerie des mobiles du Morbihan 1847-1871

Né à Paris, le 4 août 1847, d’Édouard, Louis, Florian Corfmat et de Geneviève, Catherine Berger. Cet engagé volontaire au bataillon de mobiles du Morbihan, est grièvement blessé « sous le feu de l’artillerie ennemie, au combat du château de Robert-le-Diable223 à Moulineaux. » Il décède de ses blessures de guerre à l’hospice civil de Bourg-Achard (Eure-et-Loir), le 4 janvier 1871 à l’âge de 23 ans. Une messe est célébrée pour le repos de son âme en l’église paroissiale de Saint-Louis, le samedi 15 janvier 1871. « Une assistance nombreuse et recueillie se pressait dans notre église paroissiale et venait, par son pieux empressement, témoigner de sa sympathie pour une honorable famille de la ville cruellement éprouvée par la perte d’un de ses membres, Victor Corfmat, maréchal-des-logis d’artillerie de la mobile, tué à l’âge de 24 ans, à la bataille de Bourgthéroulde. Nous avons tous connu cet excellent jeune homme, qui dirigeait avec tant d’intelligence l’imprimerie de son vieux père. En le voyant partir, il y a trois mois, pour cette guerre cruelle qui désole notre pays, qui aurait dit qu’il ne reverrait plus Lorient, et que désormais sa place resterait vide au foyer paternel ? Victime de son courage, il est tombé en faisant bravement son devoir : Honneur à lui ! Et puisse l’empressement que ses amis et ses concitoyens ont mis à assister à la messe dite à son intention, apporter quelque consolation à sa famille désolée.224 » Il est inhumé au cimetière communal de Bourg-

223 L’Abeille de Lorient. Le 11 janvier 1871. D’autres références le déclarent blessé au combat de Bourgthéroulde. 224 L’Abeille de Lorient. Le 15 janvier 1871.

Achard. Son nom figure sur le monument commémoratif 1870-1871 à Saint-Ouen-de-Thouberville dans l’Eure.

RETIÈRE Arthur Élie

Soldat 66e Régiment d’infanterie de marche

1850-1871 Né à Lorient, le 11 février 1850, de François, Élie Retière, commis aux vivres de la marine et de Marie, Louise, Julie Martin. Il décède225 de ses blessures de guerre à l’ambulance du 19e corps d’armée à Briouze (Orne), le 2 février 1871 à l’âge de 21 ans.

PLUNIAN Jean-Michel

Soldat 14e Régiment d’infanterie de ligne

1846-1871 Né à Lorient, le 25 décembre 1846, d’Allain, Marie Plunian, fondeur, domicilié à Merville et de Marie, Antoinette Beauché. Il décède226 de ses blessures de guerre, 185, rue Beauvoisine à Rouen (Seine-Inférieure), le 2 avril 1871 à l’âge de 24 ans.

BARGUILLET Alphonse-Eugène-Désiré Maréchal-des-Logis fourrier de l’artillerie

Garde mobile du Maine-et-Loire 1839-1871

Né à Lorient, le 9 novembre 1839, de François, Marie Barguillet, vannier et de Marie, Anne Le Ber. Le 27 janvier 1871, il est admis à l’hospice civil d’Angers (Maine-et-Loire), où il décède227 de ses blessures de guerre le 31 janvier 1871 à l’âge de 31 ans.

225 Acte n° 167 retranscrit à Lorient, le 22 février 1872. (Inscrit à l’état-civil de Lorient sous le nom de Rétigres Arthur !) 226 Acte n° 759 retranscrit à Lorient, le 22 juillet 1871. Matricule 5295. 227 Acte n° 397 retranscrit à Lorient, le 1er avril 1871.

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BIGARRÉ Ferdinand-Louis Soldat

58e Régiment d’infanterie de marche 1836-1871

Né à Lorient, le 14 juillet 1836, de Louis Bigarré, ouvrier d’artillerie de marine et d’Adelaïde, Marie Delorme. Ce soldat du 3e bataillon et de la 1e compagnie du 58e de marche décède228 de ses blessures de guerre à l’hospice civil de la Ferté-Bernard (Sarthe), le 3 février 1871 à l’âge de 34 ans.

KIÉSEL Alfred-Léon-Victor

Capitaine de frégate Chevalier du Medjidié229

5e Bataillon de fusiliers marins Officier de la Légion d’honneur230

1835-1871 Né à Lorient, le 7 mai 1835, de Michel Kiésel231, conducteur de travaux au port et de Marie, Antoinette Lévier. Il épouse Nelly Maillefer. Il entre en 1851 à l’École navale et est nommé aspirant le 1er août 1853. Enseigne de vaisseau, il est affecté en 1857 à Lorient et poursuit sa carrière militaire. Le 24 décembre 1861, Après la capitulation de Sedan et la progression des troupes prussiennes vers Paris, l’amiral Rigault de Genouilly, ministre de la marine et des colonies, sollicite pour la marine la défense des forts parisiens. Romainville, Noisy, Rosny, Ivry, Bicêtre et Montrouge sont alors confiés aux marins. Alfred Kiésel sert au fort de Montrouge ou il se

228 Acte n° 782 retranscrit à Lorient, le 29 juillet 1871. 229 Ordre honorifique de l’Empire Ottoman fondé en 1852 par le sultan Abdülmecit 1er (1839-1861) attribué pour récompenser les services civils et militaires. 230 Le 3 août 1867, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur et officier par décret du 21 janvier 1871. 231 Le 17 février 1833, Michel Kiésel épouse à Hennebont : Marie, Antoinette Lévier. Il a deux enfants Marie, Thérèse en 1833 et Alfred en 1835. Veuf, il épouse à Hennebont (Morbihan), Le 21 octobre 1846 : Anne, Narcisse, Angélique Lévier (sœur de sa 1e épouse) dont il a un fils : Narcisse Kiésel (1847-1915), vice-amiral.

distingue à plusieurs reprises et tout particulièrement les 30 novembre et 2 décembre 1870. Il est nommé capitaine de frégate232 « pour faits de guerre dans les combats sous Paris » alors que l’ennemi bombarde « furieusement » le fort de Montrouge. Dans la nuit du 15 au 16 janvier « trois ou quatre projectiles par heure sont tirés sur Montrouge » et pendant toute la journée du 16, le fort subit de violents bombardements causant de nombreux dégâts à tel point que Le gouverneur de Paris transmet ses félicitations au commandant et aux braves défenseurs de Montrouge et leur annonce l’envoi des troupes du génie pour effectuer les réparations les plus urgentes. Lors de cette dernière journée, les défenseurs du fort sont cruellement éprouvés par la perte de six hommes et les sérieuses blessures du capitaine de frégate Kiésel « pendant qu’il pointait lui-même une de ces pièces de marine dont la justesse demeurera célèbre dans l’historique du siège de Paris, un obus éclata près de lui et lui fit une blessure mortelle.233 » Il décède234 le 22 janvier 1871 à l’âge de 35 ans. « Il finissait sa vie en héros et en chrétien, remplissant son devoir jusqu’au dernier moment.235 » Une messe est dite pour le repos de son âme en l’église paroissiale de Saint-Louis à Lorient, le mardi 28 février 1871.

LE PADELLEC François-Marie

Quartier-maître de manœuvre de 2e classe Compagnie gourdin de Saint-Sauveur-de-

Pierrepont 1836-1871

232 Décret du 8 décembre 1870. J.O du 12/11/1870. 233 L’Abeille de Lorient. Le 4 mars 1871. 234

Il décède à l’ambulance du 88, rue de Picpus à Paris dans le

12e arrondissement. 235 L’Abeille de Lorient. Le 4 mars 1871.

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Né à Riantec (Morbihan), le 27 octobre 1836, d’Antoine Le Padellec, marin pêcheur et de Catherine Pléver. Le 7 janvier 1871, il est hospitalisé à l’ambulance du Petit séminaire de Valognes (Manche), ou il décède « à six heures du matin » de ses blessures de guerre, le 23 janvier 1871 à l’âge de 34 ans236. Au cimetière Saint-Malo à Valognes, un monument commémoratif « A la mémoire des soldats morts pour la patrie - Campagne de France contre l’Allemagne 1870-1871 » perpétue le souvenir des soldats décédés dans cette commune.

GOUGY François

Soldat 1834-1871

Il serait né « à Lorient » de Jean Gougy et de Marie-Louise ? Ce « soldat français de passage à Nancy » décède à cinq heures du soir en la maison de l’hospice Saint-Charles à Nancy, le 11 avril 1871 à l’âge de 37 ans237.

GUILLORET Adolphe-Marie

Caporal 4e Régiment de voltigeurs

1824-1871 Né à Lorient, le 18 mai 1824, de Toussaint, Fortuné Guilloret, serrurier et de Marie, Victoire Dallot. Le 16 août 1870, le caporal Guilloret participe aux durs engagements de Rezonville et surtout de Ladonchamps en Moselle (7 octobre 1870), où le régiment perd six officiers et cent trente voltigeurs. Lors de la capitulation de « l’armée » du maréchal Bazaine à Metz, le 27 octobre 1870, les soldats sont faits prisonniers et envoyés en

236 Acte n° 768 retranscrit à Lorient, le 25 juillet 1871. 237 Acte n° 793 retranscrit à Lorient, le 3 août 1871.

captivité en Allemagne. Malade, le caporal Guilloret est admis, le 17 mai 1871, à l’ambulance d’Erfurt (Allemagne) où il décède238 le 26 mai 1871, à « 6 heures du matin par suite de phtisie pulmonaire » à l’âge de 47 ans.

GIGLÉ Mathurin-Victor

Matelot de 3e classe 1er Régiment de marine (2e batterie)

Médaille militaire 1851-1871

Né à Lorient (la Bellevue du Polygone), le 8 novembre 1851, de Mathurin, Michel Giglé, marin et de Marie, Victorine Penpeni. Détaché aux batteries de la marine, il est grièvement blessé, le 25 avril 1871 et hospitalisé à l’ambulance militaire du château de Ville d’Avray (Seine-et-Oise). Le 27 mai 1871, la médaille militaire lui est conférée pour s’être « particulièrement distingué dans les diverses opérations sous Paris.239 » C’est sa dernière satisfaction car il décède240 le 31 mai 1871 « à sept heures du soir » à Ville d’Avray, à l’âge de 19 ans.

PLONQUET Paul-Charles

Lieutenant d’artillerie 1847-1871

Chevalier de la Légion d’honneur241 Né à Laval (Mayenne), le 31 mai 1847, de Siméon, Charles, Antoine, Calixte Plonquet, contrôleur de ville des contributions indirectes et de Pauline, Annonciade Coulomb242. Cet ancien élève de l’École polytechnique rejoint le 1er octobre 1868, comme sous-lieutenant

238 Acte n° 291 retranscrit à Lorient, le 3 avril 1872. 239 Journal officiel de la République française, 28 mai 1871. 240 Acte n° 504 retranscrit à Lorient, le 9 juin 1872. 241 Décret du 8 décembre 1870. 242 Ses parents se marient le 11 septembre 1844, à Coutances dans la Manche.

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l’École d’application de Metz243. Le 26 juillet 1870, il est affecté au régiment d’artillerie de la marine comme sous-lieutenant. Le 30 novembre 1870, il est grièvement blessé par un éclat d’obus à la bataille de Villiers-sur-Marne. Il est rapatrié à Lorient et malgré les soins incessants prodigués par sa mère, il décède de ses blessures de guerre, le 25 août 1871 à l’âge de 24 ans. Lors de sa disparition, la presse locale titre : « M. Plonquet, lieutenant d’artillerie de marine, chevalier de la Légion d’honneur, blessé à la seconde affaire du Bourget, vient de succomber à ses blessures (…) M. Plonquet était une de ces natures d’élite pour lesquelles le sacrifice au devoir est une chose toute naturelle. À peine sorti de Metz, la guerre éclate et le noble jeune homme n’a de repos que lorsqu’il a pu obtenir l’honneur d’occuper les positions les plus périlleuses, et il est frappé au Bourget. Depuis son retour à Lorient, ses souffrances et les tristes prévisions qu’elles faisaient naître le trouvaient inébranlables. C’est le sourire sur les lèvres qu’il accueille ceux qui viennent le voir. Il cache à tous ses fatigues et ses tristes appréhensions. Excellent fils, brave militaire, homme de cœur, esprit aimable et fin, et possédant tout ce qui, dans le monde, rend une carrière facile et douce. Sa mort n’est pas seulement un deuil éternel pour les siens, elle est une douleur profonde pour tous ceux qui l’ont connu, une perte sensible pour le régiment dont il était destiné à faire un des bons et brillants officiers.244 » Il est inhumé au cimetière de Carnel à Lorient. Carré 36 -Tombe n° 53. Une stèle sur la sépulture de la famille rappelle sa mémoire.

243 En octobre 1870, il est nommé lieutenant. 244 L’Abeille de Lorient. Le 27 août 1871.

Paul PLONQUET Lieutenant d’Artillerie de Marine Chevalier de la Légion d’Honneur

mort à 27 ans des blessures reçues à Champigny

le 30 9bre 1870 Il habitait 25, rue de la Comédie à Lorient.

En mémoire de son fils Le 9 mai 1897, Pauline Coulomb, veuve Plonquet, décède 36, rue du Port à Lorient. Elle lègue à la ville de Lorient, 1000 francs de rente à distribuer en deux prix annuels, « l’un au père de famille le plus méritant et l’autre à la mère la plus estimable et la plus dénuée de ressources. Elle lègue en outre à l’hospice une somme de 3000 francs à charge de soigner et d’entretenir la tombe de la famille Plonquet au cimetière de Carnel. 245» La généreuse donatrice demande que la commission chargée d’examiner les dossiers soit composée de MM. le curé de Saint-Louis, du juge de paix du 1er canton et du maire de Lorient. Le dimanche 7 octobre 1900, le maire procède à la distribution des prix de vertu et rappelle à l’assemblée la vie des dévoués bienfaiteurs : « M. Plonquet, receveur principal des contributions indirectes vint avec madame Plonquet résider à Lorient en 1869, heureux tous deux d’y retrouver leur fils unique, lieutenant d’artillerie de marine. Ce jeune et brave officier très grièvement blessé à Champigny par un éclat d’obus, vint se faire soigner près de sa famille et succomba le 25 août 1871, malgré les soins éclairés dont il fut si affectueusement entouré. Cruellement frappé par la mort de leur fils unique, les infortunés parents ne trouvèrent de consolations que dans le bien qu’ils s’empressèrent de faire autour d’eux,

245 Conseil municipal du 22 mai 1897.

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s’intéressant aux pères de famille chargés d’enfants et aux veuves restées sans ressources. En 1885, Mme Plonquet devint veuve et continua pendant douze ans, à faire le plus noble emploi de son temps et de sa fortune. Elle mourut le 9 mai 1897. Le testament instituait trois prix, à décerner annuellement par les soins de la ville de Lorient. L’un pour l’ouvrier, père de famille, le plus méritant, un second, pour la mère de famille, veuve, la plus estimable et la plus pauvre. Les deux prix sont de 473 francs, chacun. Le troisième, de 357 francs, est destiné à récompenser, la jeune fille pauvre, la plus vertueuse.246 » une rue de Lorient au nom de Pauline Plonquet perpétue la mémoire de cette généreuse donatrice et de sa famille.

DELAVAQUERIE Jules-Hyppolite Soldat

21e Bataillon de chasseurs à pied 1845-1871

Né à Lorient, le 1er janvier 1845, d’Auguste, Narcisse Delavaquerie, mécanicien et de Célina Maison. Affecté avec son bataillon à la défense de Paris, il participe aux combats de Bonneuil-sur-Marne, de Chatillon, de Villejuif et du Bourget. Grièvement blessé devant l’ennemi, il décède247 à l’hôpital militaire de Versailles (Yvelines), le 22 septembre 1871 à l’âge de 26 ans.

LAPORTE Paul-Félix-Marie Garde mobile

1847-1871 Né à Lorient, le 24 août 1847, de Louis, Antoine Laporte, marchand et de Claire, Éléonore Faligant248. Ce garde mobile de la

246 Le Nouvelliste du Morbihan. Le 11 octobre 1900. 247 Acte n° 446 retranscrit à Lorient, le 23 mai 1872. 248Louis, Antoine Laporte perd en quelques années une grande partie de sa famille. Tout d’abord, son épouse Claire Faligant, née à Hennebont (Morbihan), le 31 janvier 1824, qui décède à Lorient, le 9 juin 1867 et trois de ses enfants.

Haute-Saône249 affecté au 1er bataillon de la 3e compagnie, décède250 « à 11 heures du matin » de ses blessures de guerre à l’ambulance du 9, rue Affre à Paris 18e, le 21 février 1871 à l’âge de 23 ans.

LAPORTE Alexis-Louis 1845-1871

Né à Lorient, le 19 novembre 1845, de Louis, Antoine Laporte, marchand et de Claire, Éléonore Faligant. Ce clerc de notaire décède à Lorient, le 22 mars 1871 à l’âge de 25 ans. Il est inhumé au cimetière communal de Quéven dans le Morbihan.

Malgré nos recherches quelques soldats dont le nom figure sur les plaques commémoratives du conflit de 1870 restent introuvables. Que sont-ils devenus ?

MICHAU Ulysse-Pierre 1846

Né à Lorient, le 9 avril 1846, de Pierre, Baptiste Michau, négociant et de Marie Vannier251.

DRIANIC Léopold-Vincent 1849

Né à Lorient, le 15 août 1849, de Joseph Drianic, journalier et de Jeanne, Marie Kernin.

LE GOUARÉQUER Jacques-Aimé 1849-

Né à Lorient, le 27 octobre 1849, de Pierre Le Gouaréquer, journalier et de Marie, Josèphe Le Touze.

249

Il suit son père nommé juge de paix à Luxeuil en Haute-

Saône. 250 Acte n° 386 retranscrit à Lorient, le 5 mai 1873. 251 Marie Vannier, née à Hué (Cochinchine), le 27 décembre 1822, est la fille de Magdeleine Sen et de Philippe Vannier, ancien grand mandarin du roi de la Cochinchine, chevalier de la Légion d’honneur et de Saint-Louis, décédé à Lorient, le 6 juin 1842.

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BOULLA Stanislas-Alexandre

1851- Né à Lorient, le 5 décembre 1851, de Marc, Louis Boulla, deuxième maître canonnier de marine et de Marie, Anna Caboureau. Il est l’aîné de cinq enfants : Pierre, Marc (1855-1881), Auguste, Louis (1857-1937), Arthur, Francisque (1859-1859), Prudence, Marie, (1860-1939).

LE GUILLOU André 1852-

Né à Lorient, le 16 mai 1852, de Jean Le Guillou, âgé de vingt-six ans, boulanger et de Marie Le Nerriec.

LE PIOUFFE Pierre

BARBIN Jules

COLLIN Emile-François

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Le déplacement des plaques commémoratives Pendant de nombreuses années, l’emplacement de la stèle commémorative ne pose aucun problème et la guerre de 1870 semble bien lointaine des préoccupations de la population lorientaise qui n’a pas les yeux constamment rivés sur la ligne bleue des Vosges. Par contre, elle n’oublie pas et approuve l’intervention lors du conseil municipal du 13 février 1888, de M. Péché252, conseiller municipal, qui demande que la plaque commémorative de la guerre de 1870-1871 « soit placée dans un endroit plus apparent que celui qu’elle occupe car bien des personnes ignorent son existence et il est cependant utile de rappeler aux générations les noms de ceux qui sont morts pour la patrie. » Cette initiative intervient au moment où la presse locale mentionne que « l’Europe tout entière se livre à des armements formidables » et dénonce « un furieux redoublement d’activité dans la fabrication des armes.253 » Elle estime « qu’un des premiers résultats de la triple alliance254 dite pacifique aura été d’éveiller partout des défiances et de montrer la guerre comme inévitable à bref délai ! 255» En France, le ministre de la guerre « prescrit de pousser activement la fabrication des fusils Lebel. » Dans ce contexte, le souhait du conseiller municipal ne rencontre aucune opposition et le maire de

Lorient, Laurent Roux-Lavergne propose de la placer sur le socle de la colonne Bisson. C’est une excellente décision car depuis 1833, la colonne surmontée de la statue d’Hyppolite Bisson trône au cœur de la ville. Elle fait l’admiration de la population et des voyageurs qui séjournent à Lorient. En effet, Stendhal256 de passage dans la ville en juillet 1837, remarque « à l’extrémité de mon joli boulevard une jolie petite statue en bronze placée sur une colonne de granit. La colonne est du plus beau poli et fort élégante » et lui offre l’éternité de sa plume. Sa proximité avec l’élégant cours de la Bôve et la majestueuse église Saint-Louis est un atout supplémentaire car au fil des années, la place Bisson est devenue un lieu incontournable pour les habitants qui apprécient l’animation de cet endroit pittoresque avec

ses camelots et ses boutiques aux devantures colorées et appétissantes comme la pâtisserie « Crucer » et son admirable « Gâteau Lorientais. » En septembre 1888, les Lorientais

252 Jean, Baptiste, Joseph Péché, est né le 12 octobre 1838, à Le Croisic (Loire-Inférieure), de Jean, Baptiste Péché, gendarme de la marine et de Marie-Anne Elger. Ce garde d’artillerie de la marine épouse à Lorient, le 24 juillet 1871 : Léontine Malo. Il se présente et est élu conseiller municipal sous l’étiquette de l’Union républicaine à l’élection municipale du 21 mars 1886. Le 24 avril 1917, il décède à Lorient à l’âge de 79 ans. Ses obsèques se déroulent en l’église Saint-Louis, le jeudi 26 avril 1917, suivies de l’inhumation au cimetière de Carnel. Carré 24 -Tombe n° 29. 253 Le Morbihannais. Le 1er janvier 1888. 254 Le 20 mai 1882, alliance entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. 255 Le Phare de Bretagne. Le 1er janvier 1888. 256 Mémoires d’un Touriste.

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découvrent sur le piédestal257 de la colonne Bisson le nom des braves morts au combat lors de la guerre franco-prussienne. Pourtant, lors du conseil municipal258 du 26 novembre 1888, M. Péché, se manifeste une nouvelle fois et tout en félicitant l’administration d’avoir fait graver « sur quatre plaques le nom des soldats morts pour la Patrie » déplore l’absence de référence concernant la guerre de 1870-1871 car « les étrangers ne se rendent pas compte du mobile qui nous a portés à rendre un hommage public à ces victimes du devoir en inscrivant leurs noms sur la colonne Bisson et s’imaginent que ces noms sont ceux des compagnons d’armes de l’héroïque marin ! » A la suite de cette remarque, un bandeau 1870-1871 est apposé au-dessus des plaques commémoratives et cette mémoire de pierre inscrite au centre de la cité berce le quotidien des passants qui égrènent de temps en temps le nom de leurs compatriotes tombés259 à l’ennemi. Pour raviver leur souvenir, ils peuvent compter sur les instituteurs qui transmettent aux enfants des écoles le courage de leurs glorieux aînés et le culte de la revanche. Ce dernier est au cœur des cérémonies du 14 juillet avec les bataillons260 scolaires qui défilent à côté de la troupe et repartent à la maison « ayant sur l’épaule le fusil de bois au bout duquel, en guise de trophée, se balançait un gâteau ficelé d’une faveur bleu tendre.261 » Nous sommes les petits enfants Qui voulons servir la patrie, Nous lui donnerons dans dix ans Une jeune armée aguerrie. Nous sommes les petits soldats Du bataillon de l’Espérance, Nous exerçons nos petits bras A venger l’honneur de la France. 262 Elle est également entretenue par les personnalités locales comme le député Paul Guieysse (1841-1914), qui rappelle263 : « A notre époque chacun est soldat (…) Le jour est loin, espérons-le où la France, qui ne veut que la paix pour se livrer au travail, devra faire appel à tous ses enfants, mais ce jour pourtant peut dépendre du caprice d’un homme. Alors nous pourrons compter sur notre brave marine et notre vaillante armée et les Enfants de Lorient sauront inscrire de belles pages sur leur drapeau. C’est avec confiance que tous marcheront au devoir, au combat. » Malgré ces paroles prophétiques, la ferveur patriotique s’estompe au fil des années et il faut « une jolie couronne en feuillage de chênes parsemée d’œillets blancs, de

257 La plaque commémorative reste pendant de nombreuses années fixée sur la grille de la mairie ! Elle fait doublon avec les nouvelles stèles de la colonne Bisson. 258 M. Poterel-Maisonneuve, premier adjoint, préside le conseil municipal en l’absence du maire, Laurent Roux Lavergne. Ce dernier décède à Caudan, le 23 décembre 1888. Il est inhumé au cimetière de Carnel à Lorient. Carré 39 - Tombe n° 47. 259 Pendant le conflit les pertes sont estimées à 140 000 morts et approximativement à 200 000 blessés et malades. 260 La loi du 28 mars 1882 concernant l’enseignement primaire introduit les exercices militaires pour les garçons et les travaux à l’aiguille pour les filles. Elle est complétée par le décret du 6 juillet 1882 : « Tout établissement public d’instruction primaire ou secondaire ou toute réunion d’écoles publiques comptant de deux cents à six cents élèves, âgés de douze ans et au-dessus pourra, sous le nom de bataillon scolaire, rassembler ses élèves pour les exercices militaires pendant toute la durée de leur séjour dans les établissements d’instruction. Le bataillon scolaire ne pourra être armé que de fusils conformes à un modèle adopté par le ministre de la Guerre (…) Ces fusils, devront présenter les trois conditions suivantes : n’être pas trop lourds pour l’âge des enfants ; comporter tout le mécanisme du fusil de guerre actuel ; n’être pas susceptible de faire feu, même à courte portée. » Le décret du 18 janvier 1897 renforce : les exercices gymnastiques et militaires dans les écoles de garçons et les éléments du dessin, du chant et du travail manuel (travaux d’aiguilles) dans les écoles de filles. Les enfants portent un uniforme constitué d’une veste de drap bleu, d’un pantalon gris et d’un béret de marin portant le nom de la ville. Les exercices militaires qui se heurtent aux réticences de l’armée et des autorités religieuses prennent fin en 1892. 261 A l’issue du défilé du 14 juillet 1891, la municipalité offre un petit gâteau breton aux enfants des écoles. Le Nouvelliste du Morbihan. Le 19 octobre 1928. 262

Cette poésie Les Enfants du Bataillon scolaire, est écrite par Henri Chantavoine (1850-1918). 263 Le 14 juillet 1891.

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bleuets et de roses » déposées le 19 juin 1895, par trois citoyens lorientais inconnus au pied de la colonne Bisson, pour raviver la mémoire et la reconnaissance de la population à ses valeureux soldats ! Avec les fleurs quelques mots émouvants :

AUX DEFENSEURS DE LA PATRIE 1870-1871

Nous honorons votre mémoire Humbles et courageux défenseurs. Vos héros obscurs dans l’histoire

Tombés là-bas au champ d’honneur. La patrie qui a confiance, Près de vos mânes, dit tout bas :

« Dormez en paix, enfants de France Car votre mère n’oublie pas.264 »

Le 9 novembre 1911, les défenseurs de la patrie sont enfin récompensés par la médaille commémorative 1870-1871 jusque-là obstinément refusées par les autorités soucieuses d’oublier la défaite. Il était temps ! car quelques années plus tard, la guerre de 1914-1918 et son interminable liste d’enfants de la cité tombés au champ d’honneur plongent dans l’oubli leurs valeureux aînés. Le 11 novembre 1918, la population célèbre avec enthousiasme la victoire et la fin de la guerre. De nombreuses manifestations louent la gloire « immortelle » des valeureux poilus alors que le pays se couvre de monuments aux morts. Il reste alors peu de place pour les morts de 1870 ! Ces derniers quittent définitivement les mémoires avec la seconde guerre mondiale (1939-1945) et la destruction de la ville de Lorient.

La destruction des bas-reliefs commémoratifs Depuis le 21 juin 1940, les couleurs de l’ennemi flottent sur les principaux édifices de la cité. Elle est rapidement confrontée aux violents bombardements de la RAF afin de mettre hors d’état de nuire l’escadrille des redoutables U-Boots de l’amiral Karl Dönitz. L’occupant et le régime de Vichy265 n‘ont pas attendu les bombardements alliés pour déboulonner et fondre les statues des grands hommes. Parmi ces dernières, celles de l’ingénieur naval Henri Dupuy-de-Lôme, du docteur Louis Bodélio et du républicain Jules Simon sont rapidement envoyées à la fonte. Il reste seulement juché sur sa colonne celle de l’enseigne de vaisseau Hyppolite Bisson. Les maires successifs de Lorient, nommés par le régime de Vichy, Auguste Donval266 et Eugène Gallois-Montbrun267 se mobilisent pour la sauver. À partir du 15 janvier 1943, les bombardements qui se succèdent anéantissent la ville et provoquent l’exode de la population et du héros Bisson. En effet, le 26 août 1943, Le Nouvelliste du Morbihan signale que « la statue de l’enseigne Bisson a été descendue de sa colonne dans le courant de la semaine dernière pour prendre une destination inconnue.268 » Par contre, le socle résiste vaillamment

264 Le Nouvelliste du Morbihan. Le 20 juin 1995. 265 Rapidement l’économie de guerre confrontée à la pénurie de métaux non ferreux conduit le régime de Vichy à instaurer par la loi du 11 octobre 1941, un Commissariat à la mobilisation de ces métaux. Dans le département du Morbihan, une commission liste les éléments en bronze et objets à livrer aux fonderies en France ou en Allemagne. 266 Auguste Donval 1879-1953. Maire de Lorient du 1er avril 1941 au 8 mai 1942. 267 Eugène Gallois-Montbrun remplace Auguste Donval du 19 mai 1942 au 31 août 1944. 268 Elle est entreposée dans la cave des marins-pompiers de Lorient. Courrier du 24 août 1943, du préfet régional de Bretagne au maire de Lorient.

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aux assauts mais les plaques commémoratives sont pulvérisées par les éclats d’obus et avec elles la mémoire des « héros de la défaite » de 1870.

À la libération de Lorient (10 mai 1945), et après les travaux de déminage et de déblayage des ruines, le maire Emmanuel Svob accueille le général de Gaulle ((22 juillet 1945) lequel rend hommage à la ville martyre. Après le passage « du plus illustre des Français 269», il est décidé de replacer sur son socle de la place Bisson, le plus illustre des Lorientais ! Le 11 novembre 1945, il retrouve son piédestal pour quelques années car les impératifs de la reconstruction l’évacuent du centre-ville historique. Le 2 juin 1953, il déménage rue du Couëdic. Aujourd’hui, à l’intersection des rues du docteur Louis Waquet270, du professeur de lettres et historien Léopold Le Bourgo271 et du résistant Joseph Rollo272, il veille comme hier sur la cité. Sur le socle de la colonne figure encore les traces de fixation des plaques commémoratives de la guerre de 1870, symbole du temps qui passe et qui efface irrémédiablement les pages de notre histoire.

269 Le 29 mai 1958, le président de la République René Coty adresse un message aux Assemblées, leur annonçant qu’il vient de faire appel pour diriger le pays « au plus illustre des Français » le général de Gaulle. 270 Le 21 octobre 1935, le docteur Waquet décède au 10, rue Bodélio à Lorient à l’âge de 84 ans, après toute une vie consacrée à la population lorientaise. Le 22 octobre 1935, Le Nouvelliste du Morbihan titre : « Une grande figure lorientaise vient de disparaitre. » Louis Waquet, né à Amiens (Nord), le 1er juin 1851 arrive en 1867 à Lorient, où son père est nommé inspecteur de l’enseignement primaire. Cette même année, il entre au lycée impérial de la ville et se fait rapidement remarquer par sa profonde assiduité au travail. Se destinant à la médecine, il poursuit ses études médicales à Paris (1871) tout en travaillant comme maître d’études au collège Chaptal. En 1877, il soutient sa thèse sur « les anévrismes des membres » et revient s’installer à Lorient. Ce médecin, titulaire de la médaille d’argent des épidémies, médecin du bureau de bienfaisance et des hôpitaux, directeur de l’hôpital complémentaire de la Croix Rouge lors de la Grande Guerre 1914-1918 et directeur de l’école de rééducation professionnelle des mutilés de la guerre, se dévoue sans compter afin de soigner et réconforter ses nombreux patients. Ses obsèques sont célébrées en l’église Saint-Louis, le mercredi 23 octobre 1935, suivies de l’inhumation au cimetière de Carnel. Carré 36 -Tombe n° 80. 271 Léopold, Victor Le Bourgo est né à Lorient, le 19 mars 1868. Après ses études au lycée de Lorient, il se prépare au professorat de lettres. Après de nombreuses affectations dans le Sud-Ouest, il est nommé à la rentrée scolaire de 1908, professeur de lettres au lycée de Lorient et effectue toute sa carrière dans cet établissement qui prend le nom de Dupuy-de-Lôme, suite à sa proposition. Socialiste, il se lance en politique et est élu conseiller municipal de 1912 à 1919, dans les municipalités de Louis Nail et de Pierre Esvelin. De 1925 à 1929, il est premier adjoint d’Emmanuel Svob et est élu conseiller général en 1928. Passionné par l’histoire de sa ville natale, il publie de nombreux opuscules et rédige des articles pour la presse locale. Il est également pendant de nombreuses années, bibliothécaire-archiviste de la ville (1919- 1932). Il décède « brutalement », le 17 juillet 1932, à son bureau de la bibliothèque municipale à l’âge de 64 ans. Le mardi 19 juillet, il est inhumé au cimetière de Carnel. Carré 22 - Tombe n° 2. 272L’instituteur, syndicaliste et résistant Joseph Rollo (1891-1945), décède en déportation le 8 avril 1945, au camp de Neuengamme en Allemagne.

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