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Les investisseurs institutionnels publics dans les « Maisons de
luxe » belges : entre diabolisation et sacralisation
France RIGUELLE 1, Doctorante-Chercheuse,
Centre d’Etude de la Performance des Entreprises
HEC Ecole de Gestion de l’Université de Liège
Didier VAN CAILLIE, Professeur,
Centre d’Etude de la Performance des Entreprises
HEC Ecole de Gestion de l’Université de Liège
1. Introduction
Au titre d’entreprise familiale, les Maisons de luxe familiales belges sont par nature
particulièrement attachées à conserver leur pouvoir de contrôle et de propriété au sein du
giron familial (Chua, Chrisman et Sharma, 1999 ; Zahra, Hayton et Salvato, 2004 ; Sharma et
Manikutty, 2005 ; Bertrand et Schoar, 2006 ; Fletcher, Melin et Gimeno, 2012 ; Stewart et
Hitt, 2012).
Au cours des trois dernières décennies toutefois, leur indépendance est apparue de plus
en plus compromise, tant en Belgique que dans le reste du monde, en raison de la présence
croissante dans leur structure d’actionnariat et de gouvernance de grands groupes financiers et
de fonds d’investissement privés (Roux et Floch, 1996 ; Eurostaf, 2011), attirés par la
perspective d’une rentabilité supérieure à la moyenne dans ce secteur depuis plusieurs années
et par le besoin de financement important induit par la nécessaire internationalisation des
Maisons de luxe en quête d’une performance stable (Fernández et Nieto, 2005). Bien que la
pecking order theory mette en évidence la propension des entreprises à préférer dans un
premier temps le financement interne des activités, en particulier les PME, celui-ci est parfois
trop limité pour permettre aux Maisons de luxe familiales belges de se développer.
Certaines semblent par conséquent prêtes à concéder une partie de leur pouvoir de
contrôle à un investisseur institutionnel, pour autant qu’il contribue au développement des
activités de l’entreprise. Mais qu’en est-il plus spécifiquement d’un investisseur institutionnel
1 Contact : [email protected]
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public, dont l’objectif principal est prioritairement de soutenir la performance et la croissance
de l’entreprise, notamment en termes d’emplois directs (Investsud, 2010 ; Meusinvest, 2012).
Du point de vue de l’entreprise, la littérature considère en effet que la présence d’investisseurs
institutionnels dans sa structure de propriété favorise les investissements à long terme et par
conséquent, l’innovation (Kochhar et David, 1996; David, Hitt et Gimeno, 2001), ainsi que
l'internationalisation de ses opérations (George, Wiklund et Zahra, 2012), ce qui confère donc
une certaine attractivité à leur présence dans le "tour de table" d’une PME familiale axant son
développement sur la croissance par l’internationalisation. Le fait que l’investisseur
institutionnel soit de nature publique renforce par ailleurs encore cette attractivité en mettant
en évidence la contribution de la PME participée au développement économique local ou
régional.
Toutefois, l’examen de la réalité actuelle du terrain montre que l’implication des
investisseurs institutionnels publics dans les Maisons de luxe belges reste extrêmement
limitée. Comment expliquer ce paradoxe ?
Pour l’éclairer, nous choisissons de l’observer du point de vue du dirigeant de la
Maison de luxe belge et de nous focaliser sur la question de recherche suivante : « Quelle
perception les dirigeants des Maisons de luxe familiales belges ont-ils de l’impact potentiel de
l’intervention d’un investisseur institutionnel public dans leur entreprise ? » et plus
particulièrement « Pourquoi cette perception oscille-t-elle entre diabolisation et
sacralisation ? »
Dans un premier temps, nous proposons une définition précise des concepts de
Maison de luxe et d’investisseur institutionnel public et nous mettons en exergue les éléments
essentiels caractéristiques du contexte dans lequel est menée l’étude. Dans un second temps,
nous formulons trois hypothèses de recherche principales issues de la littérature. Ensuite, la
section suivante expose notre méthodologie de recherche, de type abductif, et décrit les
données relatives aux cas étudiés, à savoir six entreprises des secteurs de la haute couture, du
prêt-à-porter, de la joaillerie et de la maroquinerie. Les résultats de l’enquête qualitative
réalisée sont présentés ensuite, puis font l’objet d’une discussion critique.
2. Contexte théorique
2.1. La « Maison de luxe » familiale indépendante : un concept particulier
Le concept de « Maison de luxe » est généralement utilisé indifféremment par les
auteurs et dans le monde professionnel pour qualifier les Maisons liées au secteur du grand
2
luxe et appartenant à une famille ou à un groupe d’entrepreneurs qui possède la majorité en
termes de contrôle, de pouvoir décisionnel et de parts du capital (Roux et Floch, 1996; Comité
Colbert, 2011), entreprises qui partagent donc un univers unique : le luxe, et son corolaire
immédiat, la détention d’une "marque de luxe".
Très variablement déclinée par la littérature, la définition d’une « marque de luxe » est
généralement confondue avec la définition de l’entreprise active dans le secteur du luxe en
elle-même, tant la marque et toute la stratégie qui entoure sa gestion constituent un enjeu
primordial pour la firme (Miller et Mills, 2012).
Un consensus émane de la littérature, qui caractérise la marque de luxe (et donc
l’entreprise du secteur du luxe) par les éléments différenciateurs suivants :
La rareté ou l’exclusivité du produit physique qui est délivré (Berry, 1994 ; Phau et
Prendergast, 2001 ; Vigneron et Johnson, 2004 ; Mortelmans, 2005 ; Fionda et Moore,
2009) ;
sa grande qualité (Lipovetsky et Roux, 2003 ; Vigneron et Johnson, 2004 ;
Mortelmans, 2005 ; Keller, 2009) ;
et un niveau de prix élevé, résultante directe de ces premières composantes (Berry,
1994 ; Mortelmans, 2005 ; Keller, 2009), mais également signe d’étalage de sa
richesse pour le client (Dubois et Duquesne, 1993).
Au niveau organisationnel, les Maisons familiales indépendantes différent toutefois
fondamentalement des marques appartenant à un groupe ou à un investisseur. Ces dernières
sont en effet généralement la propriété d’entités organisationnelles qui dépendent
généralement d’une structure-mère globale à caractère essentiellement financier et dont le
portefeuille de participations poursuit une stratégie de diversification apparentée fondé sur le
partage de ressources entre les marques (Moore et Birtwistle, 2005) ; pour la plupart cotées
sur les marchés des capitaux, le pouvoir décisionnel et de contrôle y incombe in fine aux
actionnaires.
La Maison de luxe familiale indépendante, quant à elle, qu’elle soit mono- ou
multimarques, est gérée par un management unique à partir de ressources communes (Moore
et Birtwistle, 2004 ; Moore & Doyle, 2010). Son caractère entrepreneurial est très marqué, ce
qui confère à l’entrepreneur ou créateur-fondateur (Lipovetsky et Roux, 2003), ou au groupe
d’entrepreneur, souvent la famille, un rôle essentiel (Moore et Doyle, 2010 ; Carcano,
Corbetta et Minichilli, 2011). Il détient tant le pouvoir décisionnel que de contrôle (Keats et
Bracker, 1988 ; Verstraete, 1997 ; Lambrecht et Pirnay, 2008) et sa propre vision est à la base
de la stratégie de l’entreprise (Keats et Bracker, 1988). L’innovation, la proactivité par rapport
3
aux opportunités de marché et l’indépendance (Miller, 1983; Lumpkin et Dess, 1996) sont les
moteurs essentiels de sa performance (Miller et Mills, 2012). L’ensemble cohérent de
processus, de pratiques et de décisions qui en découle permet à la firme de saisir rapidement
de nouvelles opportunités, ce qui la rend très flexible et lui procure un avantage concurrentiel
non négligeable (Mintzberg, 1980).
C’est à cette « Maison de luxe » familiale indépendante telle que décrite ci-dessus que
nous faisons référence dans la suite de la présente contribution. En particulier, nous nous
intéresserons aux Maisons de luxe belges. Nous n’abordons par ailleurs pas ici les
implications techniques du métier sur notre question de recherche.
2.2. Les investisseurs institutionnels publics belges: une définition
Il n'existe pas de définition unanimement acceptée du concept d’investisseur
institutionnel sur base de leur finalité ou de leurs caractéristiques, mais uniquement une
acception plus ou moins généralisée basée sur les sous-ensembles qui le constitue : les
investisseurs institutionnels sont composés des fonds de pension publics et privés, des fonds
d’investissement bancaires, des compagnies d'assurance, des fonds d’investissement publics
et privés, et des gestionnaires de fortune (Useem, 1996 ; Gitman et Joehnk, 2008).
Nous choisissons, dans la présente recherche, de nous concentrer sur les investisseurs
institutionnels publics, à savoir ceux dont la majorité au moins du capital est détenue par des
Pouvoirs Publics locaux, régionaux, nationaux ou transnationaux et qui poursuivent une
finalité dominante de performance économique et sociale mesurée en termes de contributions
au développement économique, social et sociétal d’une communauté humaine sous contrainte
d’une performance financière minimale. Les investisseurs institutionnels publics interviennent
dans les « Maisons de luxe » (comme dans les autres entreprises) par le biais d’une
participation au capital, par le biais d’emprunts (subordonnés le plus généralement), ou par le
biais de cautionnements et de garanties permettant l’accès à des emprunts bancaires
classiques. Dans cette contribution, nous considérons les investisseurs institutionnels publics
belges régionaux issus des trois régions du pays qui peuvent potentiellement intervenir d’une
manière ou d’une autre dans une Maison de luxe belge.
2.3. Les contours du problème posé
Les Maisons de luxe belges font face, comme leurs autres homologues de l’industrie
du luxe, à un renversement profond de la logique économique qui sous-tend le développement
du secteur. Historiquement fondé sur des sociétés familiales et des fondateurs-créateurs
4
indépendants farouchement attachés à leur autonomie et à la pérennité de leur image et de leur
savoir-faire artisanal, le secteur du luxe a basculé progressivement, au cours des dernières
années, dans un mode de développement de type conglomérat purement industriel, impulsé
par quelques grands acteurs mondiaux générant des chiffres d’affaires colossaux réalisés
grâce à un large portefeuille diversifié de marques au prestige fort, acquises généralement au
terme d’opérations d’acquisition et de restructuration complexes financièrement et
juridiquement, qui ont pour corolaire fréquente l’aliénation, voire l’asphyxie totale de l’esprit
originel de la marque (Moore, Fernie et Burt, 2000). En quête permanente d’économies
d’échelle au niveau mondial pour consolider la rentabilité financière du groupe qui les porte,
ces entités industrielles sont financées pour une bonne part par le biais d’outils financiers
extrêmement sensibles à l’image perçue de la marque, car cotés sur les marchés de capitaux
(Moore et Birtwistle, 2005).
Plus spécifiquement, les Maisons de luxe belges font en outre face à un problème
identitaire géographique supplémentaire, qui les pousse à internationaliser encore plus que
d’autres leurs opérations. En effet, la Belgique n’est pas naturellement considérée comme un
berceau naturel du luxe, à l’inverse de la France ou de l’Italie. En conséquence, les Maisons
de luxe belge sont amenées à internationaliser à la fois leurs opérations et leur distribution, de
sorte que leur label de production corresponde aux attentes des clients étrangers. Le besoin en
ressources, notamment financières, en est d’autant plus important, ce qui les amènent encore
plus à chercher des partenariats financiers stables susceptibles de leur amener à la fois les
ressources financières qui leur manquent pour assurer leur développement international et les
réseaux industriels et commerciaux nécessaires à la bonne maîtrise de leurs opérations.
Enfin, le marché domestique étant réduit en volume et donc comparativement peu
attractif par rapport à l’Asie et aux autres grands marchés européens ou américains, les
Maisons de luxe belges ont fait de plus en plus souvent le choix de développer des produits de
luxe dits « intermédiaires » ou « accessibles » (Allérès, 2006). Cependant, si le luxe
« inaccessible » ne connaît pas la crise, il n’en va pas nécessairement de même pour les autres
catégories du luxe, touchées par la diminution du pouvoir d’achat de la classe moyenne. Les
Maisons de luxe belges se tournent donc logiquement alors vers les banques traditionnelles
pour financer leurs projets internationaux, banques qui s’avèrent vite réticentes face aux
risques que peuvent représenter ces investissements (De Maeseneire et Claeys, 2012).
Ce basculement d’une logique de développement largement entrepreneuriale et
artisanale à une logique de développement purement industriel et ses conséquences sur la
structuration organisationnelle, les choix stratégiques imposés et les besoins de financement
5
colossaux des Maisons de luxe belges amènent conceptuellement les dirigeants de ces
entreprises à aspirer, d’une part, à l’arrivée au sein de leur structure actionnariale
d’investisseurs institutionnels publics aux reins financiers solides et à l’image publique forte
(d’où l’image de sacralisation) et à craindre simultanément l’arrivée de partenaires dont les
attentes, les modes de fonctionnement et les exigences seraient en inadéquation avec les
modes de fonctionnement spécifiques de la Maison de luxe en termes de créativité, de luxe et
de valeurs artisanales toujours présentes dans ces entreprises (d’où l’image de diabolisation).
La question de la sacralisation ou de la diabolisation des investisseurs institutionnels
publics au sein des Maisons de luxe belges se trouve donc clairement posée.
3. Hypothèses
Apporter un éclairage nouveau à cette question implique dans un premier temps de
porter son regard sur la littérature spécialisée en la matière et d’y isoler les hypothèses de
travail dominantes.
D’abord, la littérature consacrée à l’étude de l’impact de la présence d’investisseurs
institutionnels dans le capital d’une entreprise montre une relation positive entre le nombre
d’actions détenues par ceux-ci et la performance de l’entreprise (Pound, 1988 ; McConnell et
Servaes, 1990). Elle montre aussi que les investisseurs institutionnels « classiques » ont
plutôt tendance à investir dans des entreprises de grande taille, souvent cotées (Ferreira et
Matos, 2008).
Ajoutant à la dimension purement actionnariale la dimension du contrôle, Shleifer et
Vichny (1997) postulent que l’efficacité du contrôle exercé par les investisseurs dépend de
leur capacité à contrôler effectivement l’entreprise et montrent que les investisseurs locaux
peuvent exercer un contrôle efficient avec de petites participations dans les entreprises.
L’analyse des missions et finalités exprimées par les investisseurs institutionnels
belges montre encore que leur objectif est généralement de soutenir le développement de
l’économie locale par la consolidation de la croissance des entreprises pour les accompagner
vers leur indépendance totale (Meusinvest, 2012 ; Investsud, 2012). L’objectif financier et la
taille de l’entreprise ne constituent donc pas une barrière à l’intervention des investisseurs
institutionnels publics belges dans les Maisons de luxe locales. Enfin, Han et Suk (1998)
considèrent que les investisseurs institutionnels jouent un rôle de moniteur dans les
entreprises, rôle qui empêche qu’une concentration excessive des parts de la firme dans les
mains de l’entrepreneur et de sa famille provoque une diminution de la performance en raison
de conflits d’agence pouvant exister entre et avec les actionnaires. Thomsen et Perdersen
6
(2000) font, quant à eux, l’hypothèse, sans la vérifier, que la propriété familiale, notamment,
serait plus encline à avoir un effet négatif sur la performance de l’entreprise car les objectifs
sont rarement financiers, à l’inverse de ceux des investisseurs institutionnels : leur présence
dans le capital de l’entreprise serait donc un bon moyen d’augmenter sa performance
financière.
Nous formulons dès lors l’hypothèse que la présence des investisseurs institutionnels
publics dans le capital des Maisons de luxe belges est perçue par les dirigeants de ces
entreprises comme pouvant avoir un impact positif sur leur performance financière.
H1a : Les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que l’implication d’un ou de
plusieurs investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise a un impact positif sur
sa performance financière.
Cornett et al. (2007) montrent que le même type de relation positive existe entre le
pourcentage d’actions détenues par des investisseurs institutionnels et la performance
opérationnelle de l’entreprise, mesurée par ses cash flows opérationnels. Leur conclusion
n’est cependant valable que pour les investisseurs institutionnels n’ayant aucune relation
commerciale avec l’entreprise dont ils détiennent les parts, ce qui est le cas des investisseurs
institutionnels publics belges. Si une telle relation existe, elle permet alors d’apporter une
réponse à l’objectif de financement des besoins financiers importants induits par le
développement de la Maison de luxe, via l’autofinancement accru né de cash flows
opérationnels plus importants. Une seconde hypothèse en émane :
H1b : Les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que l’implication d’un ou plusieurs
investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise a un impact positif sur sa
performance opérationnelle.
Considérant l’impact d’un investisseur institutionnel sur l’innovation, trois théories
s’opposent au travers de trois hypothèses distinctes. La première, le point de vue de
l’ « investisseur myope », postule que la relation entre un holding institutionnel et
l’innovation est négative (Graves, 1988). L’hypothèse de l’« investisseur supérieur » prétend
au contraire que l’association des deux est positive, à l’instar de l’hypothèse de l’
« investisseur actif » (Kochhar et David, 1996). Mais la majorité des études menées à ce sujet
on démontré que la présence d’investisseurs institutionnels dans le holding d’une entreprise
favorise les investissements à long terme et par conséquent, l’innovation (Kochhar et David,
1996; David, Hitt et Gimeno, 2001). En découlent deux nouvelles hypothèses de travail :
7
H2a : Les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que l’implication d’un ou plusieurs
investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise a un impact positif sur leur
propension à innover.
H2b : Les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que l’implication d’un ou plusieurs
investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise favorise la fixation d’objectifs
de long terme.
Enfin, la problématique de l’internationalisation constitue également un enjeu
important pour les Maisons de luxe belges. Les PME, en général, cherchent tôt ou tard à
croitre, et s’internationalisent afin de réunir les compétences clés leur permettant de saisir les
opportunités de développement international qui sont nécessaires à leur survie (Zahra, Ireland
et Hitt, 2000).
L’internationalisation de la PME a été largement abordée par la littérature selon deux
grandes tendances : l’internationalisation des firmes dites « nées globales » (Autio, Sapienza
et Almeida, 2000 ; Knight et Cavusgil, 2004 ; Zucchella, Palamara et Denicolai, 2007), et
celle des firmes déjà établies (Lu et Beamish, 2001 ; De Clercq, Sapienza et Crijns, 2005),
catégories que l’on retrouve dans les Maisons de luxe belges. En particulier, la difficulté et le
risque lié à l’internationalisation des PME sont soulignés (Miller, 1983; Hill, Hwang et Kim,
1990 ; Georges, Wiklund et Zahra, 2005).
Parallèlement, l’internationalisation des entreprises familiales fait également l’objet
d’une littérature étendue (Sciascia et al., 2012) (voir Kontinen et Ojala, 2010 pour une revue).
La propriété de l’entreprise, en particulier, a une influence sur son internationalisation
(Dunning, 1988, 2001), notamment par l’intervention d’investisseurs institutionnels dans
l’entreprise (Davila, Foster et Gupta, 2003). L’intérêt pour l’internationalisation de la PME
familiale de l’appartenance d’une partie de la firme à une autre entité que la famille est
multiple. En particulier, il réside dans la capacité de l’investisseur à réunir les ressources
stratégiques nécessaires à l’internationalisation de l’entreprise (Fernandez et Nieto, 2005), à
promouvoir la prise de risque (Georges, Wiklund et Zahra, 2005), et à favoriser
l’établissement d’objectifs de long terme (Zahra, Neubaum et Huse, 2000 ; Kontinen et Ojala,
2010). Une dernière hypothèse en émane donc :
H3 : Les dirigeants des Maisons de luxe belges considèrent que l’implication d’un ou
plusieurs investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise favorise(nt) son
internationalisation.
8
4. Méthodologie et données
4.1. Méthodologie
Afin de tester empiriquement nos hypothèses, nous adoptons une approche abductive
basée sur la méthode de la "théorie ancrée", dans le but de faire potentiellement émerger du
terrain d’autres hypothèses que celles que nous avons pu déduire de la littérature (Bryant et
Charmaz, 2010).
L’objectif de la présente recherche étant d’explorer qualitativement l’impact et l’intérêt
perçu des investisseurs institutionnels publics par les dirigeants des Maisons de luxe belges,
nous choisissons de réaliser une série d’études de cas, limitée à six, étayés par des entretiens
dirigés (Yin, 1994).
Nous tentons de cerner et de dimensionner la population cible par le biais des sites des
associations professionnelles du secteur rassemblant les entreprises belges se revendiquant du
secteur du luxe (respectivement, le Belgian Luxury Circle2, le Brussels Exclusive Labels3 et le
Prestige Guide4), aucune base de données ne recensant les Maisons de luxe belges à ce jour.
Néanmoins, les caractéristiques de la marque de luxe restant subjectives, les frontières de la
population restent floues et la chiffrer est difficile.
Pour les besoins de la présente étude, nous identifions cependant une série d’entreprises
correspondant à notre propre interprétation de la définition de la Maison de luxe telle que
décrite à la section 2. Nos critères sont les suivants :
La correspondance à la définition organisationnelle de la Maison de luxe familiale
indépendante, soit actuellement, soit à ses origines (uniquement si la majorité de son
cycle de vie s’est déroulé sous cette forme) ;
Une à deux boutiques ou points de vente distribuant les produits dans la même ville et
présentant une atmosphère et un service par lesquels le client a le sentiment de
recevoir une attention particulière et d’être exceptionnel (rareté et exclusivité) ;
Un produit fabriqué essentiellement de manière artisanale par des artisans hautement
qualifiés avec des matériaux sélectionnés attentivement pour leur qualité (grande
qualité du produit) ;
Un prix supérieur à la moyenne des prix pratiqués pour des produits similaires dans la
distribution de masse (prix élevé).
2 http://www.belgianluxurycircle.be/3 http://www.brussels-exclusive-labels.be/4 http://www.prestigeguide.be/
9
Après une prise de contact par téléphone afin d’exposer l’objectif de la recherche, six
chefs d’entreprises ont accepté de nous rencontrer, soit de visu, soit via Skype5. Utilisant la
technique de l’échantillonnage de convenance (Morse, 2010), un premier guide d’entretien est
ensuite constitué, sur la base de la revue de littérature présentée ci-dessus et une première
vague de trois entretiens semi-directifs, longs de 20 à 30 minutes, est menée (Morse, 2010).
Au départ des informations obtenues lors de ces trois premiers entretiens, le guide d’entretien
est ensuite revu afin de confirmer, d’infirmer ou de compléter les informations recueillies.
Nous en dégageons également une hypothèse complémentaire, que nous intégrons à notre
guide d’entretien afin de la tester également. Les trois intervenants suivants ont ensuite été
retenus par la technique de l’échantillonnage intentionnel, qui tient compte des informations
déjà recueillies pour sélectionner les intervenants potentiellement intéressants afin de
confirmer, d’infirmer, ou de compléter les résultats obtenus (Morse, 2010). Ces répondants
sont soit mentionnés par les premiers interviewés, soit identifiés sur la base de notre
expérience relative au sujet. Les trois dernières interviews, toujours semi-directives, sont
réalisées en suivant le guide d’entretien actualisé. Tous les entretiens et les questionnaires
sont réalisés en 2012, sur une période d’un mois. Les données ainsi récoltées ont ensuite été
analysées à l’aide du logiciel d’analyse qualitative Nvivo. La transcription fidèle des
entretiens, puis le codage de ceux-ci nous a permis de dégager des nœuds, selon la
terminologie du logiciel, rassemblant les informations convergentes et/ou divergentes sur un
même sujet, à partir desquels les résultats ont pu être dégagés.
4.2. Données descriptives factuelles
Secteur d’activités Ancienneté des activités ETP6 Forme et type d’activités
A Joaillerie / Horlogerie Plus de 100 ans De 1 à 10 Familiale / Commerciale / Artisanale7
B Haute couture / Prêt-à-porter De 20 à 40 ans De 11 à 49 Familiale / Commerciale / ArtisanaleC Joaillerie / Horlogerie Plus de 100 ans De 1 à 10 Familiale / ArtisanaleD Joaillerie / Horlogerie Moins de 5 ans De 1 à 10 Familiale / ArtisanaleE Haute couture / Prêt-à-porter De 20 à 40 ans De 1 à 10 Familiale / ArtisanaleF Maroquinerie Plus de 100 ans De 11 à 49 Familiale / Artisanale
5 Un échantillon de six entreprises peut paraître restrictif. Cependant, la densité de l’information recueillie à ce
stade de la recherche nous permet d’atteindre la saturation théorique requise par la méthode, d’une part ; et
d’autre part, une quantité excessive de données résulte généralement en une « cécité conceptuelle » de la part du
chercheur dans laquelle son processus d’analyse cognitif s’englue (Reichertz, 2010).6 Nombre de personnes employées en équivalent temps plein.7 Elles produisent ou sous-traitent et vendent leur production réalisée de manière purement artisanale par des
artisans expérimentés.
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5. Résultats et discussion
Résultats
L’analyse des informations récoltées au terme des entretiens menés nous permet de
dégager un certain nombre d’éléments caractéristiques de la perception des dirigeants de
Maisons de luxe belges quant à l’intérêt de la présence des investisseurs institutionnels
publics pour leur entreprise selon trois dimensions: sa performance, sa capacité à
l’internationalisation et l’innovation. Elle montre aussi que ces perceptions sont soumises à
des variables modératrices, dont les modalités conditionnent l’impact perçu de l’intervention
de l’investisseur institutionnel public sur l’entreprise. Nous relevons enfin la présence de deux
variables à la fois modératrices et discriminantes, à savoir l’âge du répondant et l’ancienneté
des activités de l’entreprise. D’une part, elles modèrent l’impact perçu de l’intervention de
l’investisseur institutionnel public sur l’entreprise, et d’autre part, elles font apparaître trois
populations disjointes à l’intérieur de l’échantillon d’entreprises participées : les entreprises
anciennes (plus de 40 ans) dirigées par des gestionnaires plus âgés (plus de 40 ans), les
entreprises anciennes dirigées par de jeunes gestionnaires (moins de 40 ans), et les jeunes
entreprises (moins de 40 ans) dirigées par de jeunes gestionnaires. Etant basées sur un nombre
limité de cas, ces constatations doivent bien entendu encore être validées ultérieurement sur
un échantillon élargi.
5.1. Les éléments en amont de la question de recherche
En amont de l’impact perçu par les dirigeants de Maisons de luxe belges de
l’intervention d’investisseurs institutionnels publics sur leur entreprise, la recherche
empirique fait ressortir deux éléments qui freinent cette intervention aux yeux des dirigeants.
Le premier est lié au caractère généralement familial et entrepreneurial des activités de
la Maison de luxe. Bien que, lors des entretiens, l’on perçoive une réticence manifeste de la
part de tous les dirigeants des entreprises familiales, soit cinq répondants sur six, vis-à-vis de
l’implication d’un investisseur, a fortiori public, dans la gestion de l’entreprise, seuls deux
d’entre eux le reconnaissent.
De manière générale, plus le caractère familial et entrepreneurial de l’entreprise est
fort, plus les dirigeants sont (lorsqu’ils l’avouent) ou semblent réticents à l’idée-même de
l’intervention d’un investisseur institutionnel public dans leur entreprise.
Par ailleurs, trois intervenants perçoivent les investisseurs institutionnels publics
comme ayant un intérêt plus marqué pour les entreprises créatrices d'emploi, voire à vocation
11
sociale. Or, les Maisons de luxe ne revendiquent pas de telles caractéristiques, se définissant
plutôt comme de petites entreprises avec un faible nombre de personnes employées. Elles
doutent donc de l’intérêt que pourrait leur porter les investisseurs institutionnels publics.
5.2. L’impact perçu sur la performance globale de l’entreprise participée
Trois intervenants perçoivent un impact positif des investisseurs institutionnels publics
sur la performance globale de leur entreprise, mais cet impact est soumis à deux variables
modératrices.
La première fait émerger l’importance de l’individu, au-delà de l’organisme, avec
lequel la Maison de luxe est amenée à collaborer, et qui est redondante dans la perception du
dirigeant d’entreprise de l’impact de l’investisseur institutionnel public à tous les niveaux.
Une personne souligne en effet que la collaboration entre les personnes déléguées par
l’investisseur institutionnel public doit être constructive et en constant dialogue avec le
dirigeant. Néanmoins, nous remarquons que le rôle dit « collaboratif » des investisseurs
institutionnels publics par ce premier répondant est défini par lui et par les deux autres
intervenants comme un rôle plutôt « consultatif », de conseil, où la décision revient toujours
in fine aux responsables de l'entreprise ou émane d’un consensus. Remarquons que ces trois
répondants sont de jeunes gestionnaires gérant respectivement une jeune et deux anciennes
entreprises.
La seconde variable tient aux modes de gestion particuliers ayant cours dans les
entreprises du secteur du luxe pris dans son ensemble, mais également secteur par secteur. La
moitié des répondants mettent en avant cette gestion particulière de l'entreprise (au niveau des
processus d’approvisionnement qui se répercutent sur la gestion financière, des processus de
production artisanaux, etc.), et la nécessité pour l’investisseur institutionnel public de la
comprendre pour que l’impact sur la performance soit positif. A cela vient se greffer le
manque potentiel de sensibilité aux impératifs spécifiques de la gestion d’une entreprise du
secteur du luxe (sens du beau, de l’image, du savoir-être), évoqué par ces mêmes répondants.
5.3. L’impact perçu sur la performance financière de l’entreprise participée
Les répondants considèrent que les investisseurs institutionnels publics ont deux types
d'impact sur la performance financière de leur entreprise.
D'une part, tous considèrent qu’ils peuvent faciliter l'accès aux ressources financières.
Un intervenant souligne que les liquidités constituent une ressource critique pour les Maisons
de luxe, pour lesquelles le stock connait généralement une faible rotation et a une valeur
12
particulièrement élevée. Par ailleurs, cinq intervenants sur six citent cette aide comme la
première dont ils désireraient bénéficier de la part des investisseurs institutionnels publics.
L’accès à ces ressources revêt plusieurs aspects : le prêt (à moindre coût que les banques si
possible) ou le subside direct. La présence d’un investisseur institutionnel public facilite aussi
l’accès au prêt bancaire par un rôle de garant de l’entreprise. Mais paradoxalement, lorsque
l'on évoque les investisseurs institutionnels publics comme investisseurs directs, cinq
répondants sur six disent préférer se tourner d'abord vers les banques ou vers des investisseurs
privés faisant partie de leur réseau. Un répondant pense que la banque dispose de plus de
compétences et d'expertise que les investisseurs institutionnels publics, un autre n’est pas
conscient que ces derniers peuvent lui fournir ce type de service. Pour deux dirigeants,
l'investisseur institutionnel public peut néanmoins intervenir dans un second temps, lorsque la
banque refuse de leur octroyer un prêt, ou lorsque la recherche d’investisseurs privés n’a pas
été concluante.
D'autre part, quatre répondants sur six pensent que les compétences en gestion
financière propres à l’investisseur institutionnel public pourraient contribuer à améliorer la
gestion financière de l'entreprise, mais uniquement sous certaines conditions. Notons que les
répondants les plus jeunes reconnaissent une possible compétence et un intérêt potentiel pour
leur entreprise des investisseurs institutionnels publics dans les métiers généraux de la gestion
financière. Les plus âgés reconnaissent globalement ces compétences, mais disent ne pas en
avoir l'utilité. Une condition est toutefois mise par les répondants à l’attractivité de
l’investisseur institutionnel public en termes d’apport de compétences financières : le fait que
les personnes déléguées par les investisseurs institutionnels publics auprès de la Maison de
luxe comprennent et tiennent compte des particularités du métier. Les modes de gestion
financière étant propres au secteur du luxe, une sensibilité particulière est en effet considérée
comme indispensable pour prétendre intervenir efficacement dans une telle entreprise. Pour
cette raison, les répondants envisagent difficilement la possibilité qu’un investisseur
institutionnel public puisse avoir un impact positif sur la performance financière de
l’entreprise.
Notre première hypothèse H1a selon laquelle les dirigeants des Maisons de luxe belges
pensent que l’implication d’un(des) investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur
entreprise a un impact positif sur sa performance financière apparaît donc partiellement
supportée.
13
5.4. L’impact perçu sur la performance opérationnelle de l’entité participée
Deux opinions s'opposent parmi les intervenants au niveau de l'impact perçu des
investisseurs institutionnels publics sur la performance opérationnelle de la Maison de luxe.
D'une part, deux dirigeants, plus âgés, considèrent, sur la base de leur vécu ou de leur
expérience hors de leur Maison d’origine, que l'impact sur la performance opérationnelle n'a
pas été vérifié, voire a été négatif pour l'entreprise. Ils l'expliquent par un manque de contrôle
au niveau de la sélection et du suivi des projets soutenus par les investisseurs institutionnels
publics. Ces mêmes personnes considèrent que les investisseurs institutionnels publics
manquent de dynamise et que la lourdeur des tâches administratives qui incombent à
l’entreprise en retour de l’aide octroyée a tendance à « enliser » l’entreprise plutôt que de la
dynamiser.
D'autre part, deux autres répondants, plus jeunes, reconnaissent un intérêt potentiel à
l'intervention d'un investisseur institutionnel public dans la gestion opérationnelle de
l'entreprise d’une manière directe, en apportant un regard neuf permettant d'optimiser les
processus opérationnels. Deux autres intervenants, dont un pour qui l’impact direct sur la
performance opérationnelle est neutre à négatif, évoquent un impact positif indirect de
l’investisseur institutionnel public sur la performance opérationnelle via l’apport de
ressources financières, soit lorsque la performance financière est renforcée. Dans un cas, cet
apport a effectivement permis d’augmenter la performance opérationnelle de l’entreprise,
dans l’autre, le dirigeant considère que ça lui permettrait d’engager du personnel et de se
concentrer efficacement sur les processus opérationnels afin de les améliorer. L’un des deux
intervenants reconnaît néanmoins que l’individu avec lequel ils sont amenés à collaborer peut
être, lui-même, très dynamique, sans pour autant annihiler la lourdeur des tâches
administratives.
A ce niveau aussi, la condition sine qua non de posséder les compétences requises au
niveau des processus opérationnels considérés également comme propres au secteur du luxe et
même à ses sous-secteurs (comme la haute couture ou la joaillerie) est mise en exergue par les
répondants.
L’hypothèse H1b selon laquelle les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que
l’implication d’un(des) investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise a un
impact positif sur sa performance opérationnelle est supportée dans le cas où les activités sont
dirigées par des personnes plus jeunes, et à la condition que l’investisseur institutionnel
14
public a bien intégré et tient compte des particularités opérationnelles du métier et présente les
compétences requises.
5.5. L’impact perçu sur la performance stratégique de l’entité participée
A l’issue de la première phase d’entretiens, un nouvel élément émerge du discours des
trois premières personnes interviewées. Elles abordent la question de l’impact de la présence
d’investisseurs institutionnels publics dans leur entreprise sur sa performance stratégique, en
particulier en termes d’image.
Trois intervenants pensent que la performance stratégique de leur entreprise peut être
améliorée par l’intervention d'un investisseur institutionnel public dans la firme via sa
connaissance du marché et des opportunités existantes, mais sous certaines conditions8:
Si l'investisseur institutionnel public est un actionnaire ou qu’il fait partie du conseil
d’administration, il a le droit légal d'influencer indirectement la politique de gestion
stratégique de l'entreprise ;
Si la concertation et la collaboration avec les décideurs sont de mise ;
Si les personnes ressources ont les compétences adéquates relatives au métier.
L’image de l’entreprise constitue une ressource stratégique importante pour la Maison
de luxe. Considérant l'impact que peut avoir la présence d'un investisseur institutionnel public
sur l’image de l’entreprise participée, nous observons une différence marquée entre la
perception des dirigeants de Maisons anciennes dont l’image est établie, et celle des dirigeants
de plus jeunes Maisons dont l’image ne l’est pas encore complètement, cette dernière
catégorie n’étant pas homogène.
Dans la première catégorie, deux répondants considèrent que l'intervention d'un
investisseur institutionnel public dans l'entreprise pourrait avoir un impact négatif sur l'image
de l'entreprise. Ils invoquent le manque de « glamour » de l'image d'un investisseur
institutionnel public auprès des différents acteurs du secteur et en particulier des clients, mais
acceptent néanmoins leur intervention dans l'entreprise si celle-ci n'est pas communiquée au
public. L’un d’eux ajoute une condition supplémentaire de rendement-risque, selon laquelle
l'intervention d'un investisseur institutionnel public est acceptable si le rendement (exprimé ici
en termes de montants de subsides octroyés) dépasse le risque de réputation lié. Le dirigeant
de la troisième entreprise la plus ancienne pense que l’image de l’entreprise ne souffrirait pas
de la présence de l’investisseur institutionnel puisque celle-ci n’est, en général, pas
communiquée au public. Il rejoint donc partiellement ses homologues dans leur opinion.
8 Ces conditions sont de mise que l’investisseur institutionnel soit public ou privé.
15
Les opinions des trois intervenants constituant la seconde catégorie divergent. Le
premier considère que la présence d’un investisseur institutionnel public aurait un impact
positif sur l’image de son entreprise. Il pense que leur présence confèrerait un caractère
sérieux à l’entreprise et témoignerait d'une confiance non usurpée de l’investisseur dans le
projet, à condition que l’investisseur institutionnel public n'occulte pas le créateur, l'historique
et l'image de l'entreprise en tant que maison de luxe indépendante, comme le ferait, selon lui,
la tête d’un groupe financier. Un second dirigeant n’envisage pas que l’investisseur
institutionnel public ait un impact sur la performance stratégique l’entreprise. Enfin, le
dirigeant de la troisième plus jeune entreprise verrait dans le caractère public de l’intervention
d’un investisseur institutionnel un aveu de mauvaise santé de l’entreprise aux yeux du public,
qui ternirait son image.
5.6. L’impact perçu sur la fixation des objectifs de long terme de l’entreprise participée
En ce qui concerne l’impact de l’investisseur institutionnel public sur la vision à long
terme développée par la Maison de luxe participée, les avis sont partagés. Dans quatre cas,
les investisseurs institutionnels publics sont perçus comme des investisseurs présents à court
terme dans l'entreprise, qui s'explique de deux manières. Trois dirigeants pensent que
l’intervention des investisseurs institutionnels publics serait rythmée par le phénomène
cyclique des élections, ce qui engendrerait un manque de continuité dans la collaboration
entre l’investisseur et l’entreprise. Le quatrième intervenant pense, par ailleurs, que les
investisseurs institutionnels publics ne comprendraient pas le temps nécessaire à
l'établissement d'une entreprise dans le secteur du luxe, surtout lorsqu’il s’agit d’une jeune
entreprise. Il n’aurait donc pas une vision de long terme assez prononcée par rapport au
besoin de l’entreprise.
A l'opposé, deux personnes associent le statut « public » de l’investisseur institutionnel
public à un organisme à vocation moins capitaliste que les investisseurs privés. Une troisième
mentionne qu’abstraction faite du phénomène cyclique précité, elle rejoint également cet avis.
Ils en déduisent que leur intervention s’inscrit ex officio à long terme, sous réserve que
l’organisme soit familier du secteur, qu'il dispose d'un cahier des charges rodé pour le choix
des entreprises dans lesquelles investir, que des ressources humaines suffisants soient
présentes pour supporter cette intervention à long terme et que leurs représentants présentent
les compétences requises par le métier.
16
Notre hypothèse H2b selon laquelle les dirigeants des Maisons de luxe belges pensent
que l’implication d’un(des)investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise
favorise la fixation d’objectifs de long terme est donc partiellement supportée.
5.7. L’impact perçu sur la propension à l’innovation au sein de l’entreprise participée
Contrairement à ce qu’expose la littérature (Kochhar et David, 1996; David, Hitt et
Gimeno, 2001), le fait que trois répondants perçoivent un impact positif possible des
investisseurs institutionnels publics sur la fixation d’objectifs de long terme n’induit pas
nécessairement qu’ils perçoivent un impact positif sur leur propension à innover.
Dans tous les cas, les dirigeants de Maisons de luxe considèrent même l'innovation
comme une « chasse gardée » qui leur est réservée, surtout en matière de création. Cependant,
deux répondants considèrent qu’elle peut être favorisée grâce à des conseils éclairés. Mais ils
soulignent que ceux-ci ne doivent pas nécessairement venir d'un investisseur institutionnel
public pour être judicieux. Lorsque le dirigeant perçoit un impact positif possible sur
l’innovation, celui-ci ne découle pas nécessairement du fait que l’investisseur favorise
l’établissement d’objectifs de long terme pour l’entreprise, mais bien de son implication au
niveau financier. L’apport de fonds permet en effet d’une part d’engager des collaborateurs
qui effectuent une série de tâches aujourd’hui dévolues à l’entrepreneur (qui bénéficie alors de
plus de temps pour se consacrer à l’innovation) et d’autre part de financer la recherche et
développement.
Globalement, les dirigeants des Maisons de luxe belges ne pensent donc pas que
l’implication d’un(des)investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur entreprise favorise
leur propension à innover, sauf indirectement grâce à un apport de fonds. Notre hypothèse
H2a n’est donc vérifiée que si l’hypothèse selon laquelle la performance financière de
l’entreprise est améliorée est vérifiée également. Et si l’on considère le lien entre
l’établissement d’objectifs de long terme et l’innovation, l’hypothèse H2a n’est pas vérifiée
du tout. Soulignons néanmoins que ce n’est pas pour autant que les dirigeants perçoivent un
impact potentiellement négatif de l’intervention d’un investisseur institutionnel public sur leur
propension à innover, mais simplement neutre.
5.8. L’impact perçu sur l’internationalisation de l’entreprise participée
La perception des dirigeants des Maisons de luxe belges quant à l’impact de
l’investisseur institutionnel public sur l’internationalisation de leur entreprise s'échelonne
17
d’un impact limité à un impact très élevé, selon qu'ils ont ou pas bénéficié d'aides à
l'internationalisation de la part de ces investisseurs institutionnels publics.
Les quatre dirigeants des entreprises qui n’ont pas bénéficié de l'aide directe
d'investisseurs institutionnels publics pour leur internationalisation pensent que celle-ci se
cantonne à l'aide financière, voire au réseau d’affaires ou aux services juridiques mis à
disposition par l’investisseur public, ayant par conséquent un impact limité sur
l’internationalisation de la firme.
Simultanément, deux répondants ayant récemment bénéficié de cette intervention
pendant leur processus d'internationalisation, en particulier lors du développement de leurs
exportations, soulignent l’impact positif perçu de deux types d'interventions distinctes : la
mise à disposition des Maisons de luxe de réseaux à l’étranger afin de développer des
partenariats de distribution et le support concret à l’internationalisation (aide financière,
support juridique, aides logistiques, aides comptables, aides à la communication et à la
publicité). Bien que la mise en relation avec des réseaux internationaux ne semble guère
intéresser les entreprises déjà bien établies, les dirigeants des entreprises les plus jeunes
reconnaissent l'intérêt que ceux-ci pourraient avoir pour les mettre en contact avec des réseaux
déjà constitués dans le même secteur ou dans des secteurs similaires, notamment dans la
perspective d’un premier développement à l’exportation.
Un dernier élément est évoqué par trois répondants, qui permettrait de favoriser
l’internationalisation des Maisons de luxe belges : la création d’un réseau sectoriel national
collaboratif. Ces dirigeants pensent en effet que promouvoir l’image du luxe belge à
l’étranger et ainsi, atténuer la problématique identitaire des Maisons de luxe belges, ne peut se
faire que grâce à une dynamique commune au niveau national, au travers d’un organisme
fédérateur qui favoriserait les échanges et les synergies entre les différents acteurs du secteur
afin d’arriver ensemble à concurrencer les plus grands acteurs du secteur au niveau
international. A ce niveau, ils pensent que les investisseurs institutionnels publics pourraient
jouer un rôle prépondérant, à la condition que les personnes employées à cette fin soient des
personnes très compétentes dans le domaine et connaissent parfaitement le secteur du luxe à
l’international.
Notre dernière hypothèse selon laquelle les dirigeants des Maisons de luxe belges
pensent que l’implication d’un(des)investisseur(s) institutionnel(s) public(s) dans leur
entreprise favorise son internationalisation est donc supportée.
18
5.9. Une modélisation synthétique des résultats obtenus
Nous synthétisons à présent les cas dans lesquels les hypothèses sont supportées au
travers de la modélisation contingente reproduite à la Figure 1. Elle montre que :
1. Les trois plus jeunes dirigeants de Maisons de luxe belges pensent que l’intervention
d’un investisseur institutionnel public dans leur entreprise peut avoir un impact positif
sur sa performance globale, à condition que la collaboration avec la personne déléguée
soit constructive, que celle-ci soit sensible aux particularités du métier et qu’elle
possède les compétences requises en regard de ces particularités.
2. Les six dirigeants perçoivent un impact positif possible de l’intervention d’un
investisseur institutionnel public dans leur entreprise sur sa performance financière
selon deux axes : l’apport de ressources financières et l’amélioration de la gestion
financière. Les dirigeants s’accordent sur le premier point quel que soit leur âge. En ce
qui concerne la gestion financière, l’impact positif possible sur la performance
financière est perçu par tous à condition que la personne déléguée possède les
compétences requises en regard des particularités de la gestion financière d’une
Maison de luxe, bien que les dirigeants plus âgés n’en voient pas la nécessité pour leur
entreprise.
3. La performance opérationnelle de la Maison de luxe peut être améliorée, selon un tiers
des répondants faisant partie des plus jeunes, par l’intervention d’un investisseur
institutionnel public si la personne déléguée est compétente au niveau opérationnel.
Deux autres dirigeants de la même catégorie pensent que si la performance financière
est améliorée, la performance opérationnelle peut en profiter par corolaire.
4. La performance stratégique de la Maison de luxe peut, selon les dirigeants, être
améliorée par l’intervention d’un investisseur institutionnel dans l’entreprise, sous
plusieurs conditions :
Trois dirigeants soulignent la collaboration nécessaire avec la personne déléguée
qui doit également avoir les compétences requise en management stratégique dans
le secteur du luxe ;
Deux intervenants reconnaissent un droit légal possible d’intervention de
l’investisseur institutionnel public au niveau de l’actionnariat et/ou du conseil
d’administration qui pourrait augmenter la performance stratégique ;
19
Pour avoir un impact positif sur la performance stratégique, l’intervention de
l’investisseur institutionnel public ne doit pas communiquée au public pour ne pas
ternir l’image de l’entreprise, selon trois dirigeants des Maisons plus anciennes ;
L’un d’entre eux ajoute que le rendement de cette intervention par rapport au
risque de réputation pris doit être intéressant ;
Enfin, un dernier dirigeant d’une Maison plus jeune, pense que l’impact de
l’intervention de l’investisseur institutionnel public pourrait être positif pour la
performance stratégique, à condition qu’il n’occulte pas l’image du créateur.
5. La moitié des dirigeants des Maisons de luxe belges pensent que les investisseurs
institutionnels publics sont de nature à favoriser les objectifs de long terme de
l’entreprise, à condition qu’ils fassent preuve des compétences nécessaires dans la
gestion de la Maison de luxe, qu’ils disposent de ressources humaines stables sur le
long terme et en suffisance pour soutenir le projet et que les projets en eux-mêmes
fasse l’objet d’une sélection pointue.
6. L’innovation reste une « chasse gardée » pour la totalité des dirigeants. Seul un
souligne que si la performance financière était améliorée par l’intervention d’un
investisseur institutionnel public sous la forme d’apport de ressources financières, il
pourrait consacrer plus de fonds et de temps de travail à l’innovation.
7. Enfin, l’internationalisation est, de l’avis des six répondants, favorisée par
l’intervention d’un investisseur institutionnel public via un apport de fonds et/ou une
collaboration avec des experts de l’internationalisation dans le secteur du luxe. Trois
d’entre eux mettent en avant l’intérêt potentiel de la création d’un organisme
fédérateur sectoriel au niveau national dont le rôle serait de favoriser les échanges
dans le secteur et de promouvoir l’image du luxe belge à l’étranger. Le problème
identitaire de la Maison de luxe belge s’en verrait potentiellement atténué.
Discussion
La présente recherche questionne la problématique de la survie et du développement
des Maisons de luxe belges en regard, d’une part, de la menace des investisseurs
institutionnels privés et des groupes financiers leaders du secteur qui pèse sur leur
indépendance et d’autre part de la difficulté, intrinsèque à leur origine belge, d’acquérir une
visibilité au-delà des frontières du pays.
La mise en évidence de la perception des dirigeants de Maisons de luxe de l’impact
des investisseurs institutionnels publics sur leur entreprise fournit des pistes de réflexion afin
de sauvegarder et de promouvoir un secteur porteur en période de crise.
20
En particulier, il émane des résultats une dualité entre la sacralisation de l’investisseur
institutionnel public comme bailleur de fonds providentiel, et sa diabolisation en tant
qu’intervenant potentiel dans la gestion de l’entreprise familiale à divers niveaux.
L’intérêt principal soulevé par les répondants dans l’intervention d’un investisseur
institutionnel public dans leur entreprise réside quasi unanimement dans l’apport de
ressources financières, soit directement, soit indirectement en jouant le rôle de garant auprès
des prêteurs. La liquidité étant primordiale pour les Maisons de luxe, les dirigeants y voient
un moyen d’obtenir des fonds, parfois plus facilement, pensent-ils, qu’auprès des organes
habituels comme les banques, etc. Dans ce cas, les dirigeants des Maisons de luxe ont
tendance à sacraliser l’investisseur institutionnel public.
Cependant, ils voient plutôt d’un mauvais œil l’intervention9 des investisseurs
institutionnels publics dans la gestion de leur entreprise, bien que ce sentiment soit d’autant
atténué que le dirigeant est jeune et/ou les activités récentes. La forme familiale et
entrepreneuriale de l’entreprise a manifestement une incidence sur la perception des dirigeants
à l’égard des investisseurs institutionnels publics. Le protectionnisme de la PME familiale par
son dirigeant prend ici tout son sens, diabolisant l’intrus, en l’occurrence l’investisseur
institutionnel public, qui s’immiscerait dans la gestion de l’entreprise. Le secteur ajoute
encore à ce sentiment car les modes de gestion sont propres au luxe, voir même, à chacun des
secteurs du luxe en particulier. Les répondants, même s’ils reconnaissent l’intérêt potentiel de
conseils en gestion tant financière qu’opérationnelle ou stratégique de la part de l’investisseur
institutionnel public, demandent des garanties de compétences des organismes et des
individus avec lesquels ils sont amenés à travailler. De plus, l’image de l’entreprise revêt une
importance telle que dans certains cas, souvent ceux où l’image de l’entreprise est déjà
historiquement bien établie, le dirigeant accepte de bénéficier de l’aide de l’investisseur
institutionnel public à condition que cette collaboration reste inconnue du public.
9 Intervention qu’ils perçoivent parfois comme une véritable ingérence dans l’entreprise.
21
Figure 1. Modélisation de l'impact perçu par les dirigeants des Maisons de luxe belges de l'intervention d'un investisseur institutionnel public dans leur entreprise sur celle-ci
22
La recherche menée met donc bien en évidence un paradoxe entre la sacralisation et la
diabolisation de l’investisseur institutionnel public par le dirigeant de la Maison de luxe belge.
Cependant, elle souffre également un certain nombre de limites.
D’abord, la méthode de recherche de la théorie ancrée, utilisée en raison du caractère
exploratoire de la recherche, est controversée car elle fait appel à l’intervention cognitive du
chercheur pour sélectionner les cas étudiés et analyser les données afin d’en dégager un
certain nombre de conclusions (Reichertz, 2010). Bien que nous ayons tenté de réduire les
biais induits par les variables10, la méthode utilisée constitue une limite à notre recherche.
Par ailleurs, bien que nous ayons atteint la saturation théorique, nous n’avons pu
interroger que des dirigeants d’entreprises dont l’internationalisation est à ses balbutiements et
qui n’ont pas nécessairement d’expérience avec les investisseurs institutionnels publics ou
dont l’expérience est limitée. Ceci constitue une seconde limite de la recherche.
Enfin, la subjectivité des caractéristiques de la Maison de luxe nous empêche de
définir précisément la population visée. Par conséquent, nous avons utilisé notre propre
interprétation de celles-ci pour sélectionner les entreprises susceptibles d’être inclues à notre
échantillon. Cet élément constitue une troisième limite à la recherche.
6. Conclusion
Le basculement du secteur du luxe d’une logique entrepreneuriale et artisanale à une
logique industrielle et la faiblesse de l’identité belge en termes de luxe poussent les Maisons
de luxe belges à adopter une structuration organisationnelle et à faire des choix stratégiques
répondant aux nouvelles règles du marché qui entrainent des besoins de financement
colossaux. Pour y faire face, les Maisons de luxe font de plus en plus souvent appel à des
investisseurs institutionnels privés ou publics aux capacités financières solides qui,
paradoxalement, bousculent les modes de fonctionnement familiaux et entrepreneuriaux ayant
cours dans les Maisons de luxe, ceux-là mêmes qui constituent l’identité artisanale de luxe de
l’entreprise.
La présente recherche met en évidence la dualité de perception des dirigeants des
Maisons de luxe belges de l’intérêt que pourrait présenter les investisseurs institutionnels
publics pour leur entreprise : la sacralisation de l’organisme en tant que réservoir de
ressources financières d’une part, et sa diabolisation en tant qu’intervenant potentiel dans la
gestion de l’entreprise elle-même d’autre part.
10 Les secteurs du luxe divers dans lesquels sont actives les entreprises interrogées ne répondent pas
nécessairement toujours aux mêmes règles
23
En regard des résultats, il serait intéressant, dans une prochaine recherche, d’élargir le
focus à une recherche plus large sur les modes de financement actuels des Maisons de luxe
familiales indépendantes. Une seconde piste à explorer émane des catégories de répondants
que nous avons dégagées ici, et qui pourrait résulter en une typologie des dirigeants des
Maisons de luxe belges et ses différentes implications au niveau des processus de gestion de
ces entreprises.
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