ooshi sur le chemin de la grande vie : conte initiatique (1)

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Page 1: Ooshi sur le chemin de la grande vie : conte initiatique (1)
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Page 3: Ooshi sur le chemin de la grande vie : conte initiatique (1)
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(Livre Premier)

traduit de l'inconscient par Jean Puijalon

Illustrations originales de Cercl. Darganthe

A.L.T.E.S.S.

P a r i s

Page 5: Ooshi sur le chemin de la grande vie : conte initiatique (1)

© 1993, . A. L.T.E.S.S.

Illustration de couverture et dessins originaux de Cercl. Darganthe

Éditions A.L.T.E.S.S.

A : Art L : Littératures T : Traditions E : Éducation S : Sciences S : Spiritualité

Fondée au printemps 1990, la Société d'Édition a été créée dans le but de contribuer à l'éveil et à l'épanouissement du plein potentiel humain.

7 rue C h a u d r o n S (France) Tél. (16.1.) 64.40.35.89 – Fax (1) 64.40.27.57

Page 6: Ooshi sur le chemin de la grande vie : conte initiatique (1)

Un Maître du Zen demanda un jour à un disciple :

- Quel est ton but ?

Le disciple répondit :

- Je n'ai pas de but.

Et le Maître conclut :

- C'est déjà trop.

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À celui qui a vécu les choses qu'il raconte, ce conte n'apprendra rien.

À celui qui n'a pas vécu ces choses, ce conte n'apprendra rien non plus.

Aussi était-il indispensable de l'écrire.

Voici donc l'histoire d'Ooshi...

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C H A P I T R E 1

Ooshi apprend qu'une question évidente peut recevoir une réponse qui l'est beaucoup moins... et s'en va pour un long voyage.

Le jour où Ooshi cessa d'être un enfant, selon les traditions de sa tribu, le shaman le reçut dans sa tente et lui dit : - Le nouveau soleil s'est levé, et longue sera sa course. Mais il n'a que faire des hommes qui ne sont pas des hommes. Aujourd'hui, dès que les céré- monies seront achevées, tu partiras à la recherche d'une chose que tu ne connais pas encore. Tu prendras tes habits de chasse, ton arc et tes flèches, ton poignard et de quoi manger. Maintenant, va te préparer pour la fête.

À la fin du jour, Ooshi alla trouver le shaman, vêtu comme il l'avait demandé. Le vieux sorcier était assis, immobile, contemplant le coucher du jour. Il s'assit à ses côtés et resta silencieux.

L'horizon se teintait de rouge tandis que naissaient peu à peu les bruits de la nuit. Le shaman sembla s'éveiller d'un rêve et dit : - Il est temps que tu partes. - Je partirai, répondit Ooshi. - Sais-tu ce que tu dois chercher et trouver ? - Non, je ne le sais pas, tu ne m'as rien dit. - Bien. Alors réfléchis bien. À propos de ce que tu vas chercher, tu vas me poser une question, une seule. C'est tout ce à quoi je répondrai, car au bout du chemin commence le chemin. - J'ai déjà réfléchi ! Je veux que tu me dises quelle est cette chose que je dois chercher et trouver. - Cette chose que tu dois chercher et trouver est la chose la plus importante qui soit pour toi. Tant que tu la chercheras tu ne la trouveras pas, tu ne la trouveras que lorsque tu auras cessé de la chercher. - C'est absurde, dit Ooshi, comment veux-tu que je trouve quelque chose sans la chercher, ni savoir de quoi il s'agit ? - C'est ton affaire, répondit le shaman, et d'ailleurs, j'ai déjà répondu à ta question.

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Tout retomba dans le silence. Le shaman ne bougeait pas. La Grande Mère des Morts peignait d'argent le bout des herbes et seul le murmure de l'eau proche accompagnait de sa chanson la beauté de la nuit. Ooshi s'en alla au petit matin. Il marcha longtemps, très longtemps, si longtemps à vrai dire qu'il dut répa- rer cinq fois ses mocassins. Comme le voulait le rite, il évita soigneusement tout contact volontaire avec ses semblables, les hommes, se contentant d'ac- cepter les rencontres qu'il ne pouvait éviter, car il était conscient que s'il ne pouvait les éviter, c'est qu'il devait y faire face et que tel était son destin.

Un jour qu'il marchait seul comme à son habitude, se leva un grand vent, si grand et si puissant qu'il avait du mal à marcher. Il vit alors venir à sa rencontre un jeune homme aux cheveux pâles qui n'était pas le moins du monde incommodé par le vent. Ils s'abritèrent sous un arbre.

- Je te salue, dit l'inconnu. - Je te salue aussi, répondit Ooshi. - Comment trouves-tu mon vent, demanda l'inconnu ? - Je le trouve dur, pour moi qui marche. - Je marche aussi, moi ! - Oui, mais on dirait qu'il ne te fait rien. - C'est normal, dit l'inconnu, rieur, car je suis le Dieu du Vent.

Ooshi le regarda avec crainte. C'était la première fois qu'il voyait un Dieu. - Ne me crains pas, dit le Dieu du Vent, je puis faire des catastrophes, mais aujourd'hui je ne suis pas en colère.

Et le vent, soudain, s'apaisa.

- Tu dois être très puissant, dit Ooshi. - C'est vrai, je le suis. - Puis-je te poser une question ? Le Dieu du Vent se mit à rire. - Cela fera deux questions, car je réponds oui à la première. Alors, parle. - Quelle est la chose la plus importante qui soit ? - Mais voyons, la chose la plus importante qui soit est le vent ! C'est lui qui apporte le soleil et la pluie, c'est lui qui dessèche ce qui est trop humide, c'est lui qui modèle les paysages et qui abat les arbres, c'est lui aussi que respirent tous les hommes. - Alors, quand je respire, je te respire un peu ! - Tu as raison, dit le Dieu, tu me portes un peu à l'intérieur de toi, et si je n'existais pas, tu n'existerais pas non plus. Voilà pourquoi le vent est la chose la plus importante qui soit. - Je te remercie, dit Ooshi.

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Le Dieu du Vent disparut dans un tourbillon et la tempête reprit de plus belle. Ooshi poursuivit son chemin. Le jour suivant, il s'arrêta à une fontaine pour se désaltérer, mais une voix douce et coulante l'arrêta : - Tu pourrais me demander la permission, cette eau n'est pas à toi ! - Pardonne-moi, dit Ooshi, je ne savais pas que cette eau t'appartenait ! Je ne savais pas, d'ailleurs, que l'eau pouvait appartenir à quelqu'un...

Il considéra, surpris, la femme qui se tenait devant lui. - Je m'appelle Ooshi. Et toi, qui es-tu ? - Je suis la Déesse de l'Eau, répondit-elle, et tu peux boire si tu as soif, je t'y autorise. - Je te remercie, dit Ooshi ; je boirai volontiers tout à l'heure mais peut-être accepteras-tu de répondre à une question ? - Certes, quelle est-elle ? - Quelle est la chose la plus importante qui soit ? - C'est l'eau, bien sûr ! Que veux-tu que ce soit d'autre ? Je fais pousser les plantes, je creuse les cavernes, je dissous toute chose et je suis à l'origine de toute vie, et si je n'existais pas, tu n'existerais pas non plus. Voilà pourquoi l'eau est la chose la plus importante qui soit. - Je te remercie, dit Ooshi.

Et il s'agenouilla pour boire. Lorsqu'il se releva, la femme avait disparu. Il réfléchit alors un peu et se dit que cette femme n'était pas plus déesse que lui, et qu'elle s'était amusée à ses dépens. Pour avoir eu cette pensée, il se mit sur-le-champ à pleuvoir et il fut trempé en un instant. Sa punition dura jus- qu'au soir et la pluie ne cessa que lorsqu'il parvint à l'orée d'une forêt dans laquelle il s'enfonça.

La nuit était presque entièrement tombée lorsqu'il arriva dans une clairière au centre de laquelle un homme maigre et longiligne en vêtements de chasse rouge et or, assis par terre, contemplait un grand feu qu'il avait allumé. Ooshi, qui était trempé des pieds à la tête, lui demanda s'il pouvait rester à ses côtés pour se sécher, et lui offrit de partager son repas, ce que l'autre accepta. En quelques minutes, l'atmosphère devint chaleureuse et détendue.

Le chasseur rouge lui demanda en souriant : - Comment as-tu donc fait pour te trouver ainsi trempé comme la soupe, alors que, de toute cette belle journée, je n'ai vu de nuage dans le ciel ?

Ooshi raconta au chasseur la rencontre de la Dame de la fontaine, et celui-ci s'amusa beaucoup de l'incrédulité d'Ooshi.

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- Tu as appris, comme cela, que celui à qui il est donné de rencontrer un Dieu ou une Déesse fait bien de faire attention, même à ses pensées les plus secrè- tes, car les Dieux vivent en nous, et ils se vengent facilement lorsque nous refusons de les écouter, ou que nous ne croyons pas à eux. Moi-même, j'ai eu affaire à la Dame de la fontaine, mais elle n'était pas comme tu l'as décrite. J'ai vu, quant à moi, une toute jeune fille, fort jolie, d'ailleurs, mais ma rencontre avec elle s'est terminée comme la tienne, à cette différence près que l'averse a duré beaucoup moins longtemps.

Ooshi parla aussi de sa rencontre avec le Dieu du Vent. Le chasseur l'écouta attentivement, et lui dit : - Tu as eu de la chance. Je l'ai rencontré aussi, et je puis te dire que tu n'au- rais pas vécu plus longtemps si tu l'avais approché pendant l'une de ses périodes de colère, car il peut être terrible. Cependant, je crois qu'il aime bien parler, et c'est un grand chanteur. Mais que disais-tu à propos de ta recher- che ? - Ma tâche consiste à chercher et à trouver la chose la plus importante qui soit, répondit Ooshi. Et je dois te dire que je suis un peu découragé, parce que j'ai rencontré le Dieu du Vent, j'ai rencontré la Déesse de l'Eau, et la réponse qu'il m'ont donnée ne m'a pas convaincu. Parce qu'ils sont des Dieux, ils croient qu'ils sont la chose la plus importante qui soit, et ils ne font que rester dans leurs limites. - C'est bien normal, répondit le chasseur rouge. Même les Dieux ont besoin de croire à quelque chose. Et les hommes font de même... Comment le Dieu du Vent pourrait-il faire le travail de la Déesse de l'Eau, et inversement ? Être un Dieu Élémentaire, c'est avoir la connaissance et la maîtrise d'un Principe. C'est tout. C'est pourquoi ils sont chacun, à leur manière, la chose la plus importante qui soit. Et si tu avais rencontré la Déesse de la Terre, elle t'en aurait sûrement dit autant. Elle aurait eu raison et tort à la fois, évidemment... Mais tu n'as aucune chance de la rencontrer. Elle se fait trop vieille, et elle ne se montre pas souvent. - Mais toi qui as l'air de savoir tant de choses, lui demanda alors Ooshi, peux-tu me dire si tu connais cette chose que je cherche, et qui est la chose la plus importante qui soit ? - Je crois que c'est le Cœur, dit le chasseur. - Je ne comprends pas, dit Ooshi. - Cela ne m'étonne pas. Vois-tu, il y a deux façons de comprendre. La première consiste à comprendre "avec sa tête". C'est ce que tu fais, et cependant, tu dis toi-même que tu ne comprends pas. La deuxième consiste à comprendre avec le Cœur, et tu en es tout autant incapable. Alors, dans ton cas, peut-être te sera-t-il utile de comprendre que comprendre ne te sert finale- ment à rien... - Je ne comprends pas plus, dit Ooshi.

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PUIS LE CHASSEUR ROUGE DISPARUT AUSSITÔT DANS UN TOURBILLON D'ÉTINCELLES (p. 14)

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- Et cela ne m'étonne pas plus que tout à l'heure, répondit le chasseur en souriant. Adieu, je m'en vais. Je te laisse mon feu. - Eh, ne pars pas si vite, dit Ooshi en sautant sur ses pieds. Je ne connais même pas ton nom... - Est-ce bien important, lui demanda le chasseur rouge ? - Bien sûr ! - Tant pis, alors, car je n'ai pas de nom. - Mais je ne saurai jamais qui tu es ! - Pas du tout ! Tu le sais déjà, mais tu ne sais pas le reconnaître. Tu me portes en toi, et tu ne sais pas me voir ! - Mais qui es-tu donc ? - Tu vois bien qui je suis, puisque je suis là. En quoi le fait d'apprendre mon nom t'apprendra-t-il qui je suis ? Pour moi, je n'ai pas besoin de savoir qui je suis, puisque je le suis, et donc, je le sais... Mais je vais rassasier ton inquiète ignorance. On m'appelle le Dieu du Feu. Puis le chasseur rouge éclata de rire, et disparut aussitôt dans un tourbillon d'étincelles. Cette nuit-là, la terre fut chaude, la brise légère et douce. Curieu- sement, il ne plut pas du tout, et Ooshi n'eut même pas besoin de remettre du bois sur le feu.

Lorsqu'il partit, au petit matin, le feu s'éteignit de lui-même. Un peu de cendre s'enfonça dans la terre, un peu de cendre s'envola sur les ailes du vent, un peu de cendre fut emporté par la pluie, et le reste resta cendre.

Ooshi marchait. Et, ainsi marchant, il se rappelait ses trois rencontres. Autant le Vent et l'Eau ne l'avaient pas dérouté, autant la discussion avec le Dieu du Feu l'avait rempli de questions, et même, d'un certain soupçon de malaise... Il se rendait compte qu'il avait, là, fait connaissance d'un Dieu sage et puissant, et que tout ce qu'il avait dit était important.

En outre, il prit aussi conscience qu'il avait justement très vite oublié une bonne partie de ce que lui avait dit le Dieu du Feu, et que la seule chose qui lui restait était le sentiment profond de son ignorance et de son incapacité à com- prendre. Restait aussi l'impression très nette de la bonté souriante de cet insolite personnage... Le Dieu du Feu n'était sûrement pas un imbécile.

La seule chose dont il parvint à se souvenir fut que le Dieu lui avait dit que comprendre ne servait à rien. Et cela se révélait d'autant plus vrai qu'Ooshi était bien obligé de constater qu'il n'avait effectivement rien compris ! Le Dieu avait sans doute raison. Il fallait sûrement qu'il renonce à chercher à com- prendre ce qui lui arrivait...

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Mais comment comprendre exactement les endroits où comprendre ne sert à rien ?... Le soleil en était aux deux-tiers de sa course lorsqu'Ooshi s'arrêta, au sommet d'une colline, pour contempler la vallée douce qu'elle surplombait. Une rivière coulait tout en bas, et ce désert bucolique lui renvoya, comme en écho, et sans qu'il en prît vraiment conscience, le désert de son âme.

Ses pensées tournaient à vide. Personne ne pouvait être plus seul qu'il ne se sentit seul à ce moment. Alors, il s'assit, et commença à faire du feu pour cuire le lapin qu'il avait tué deux heures auparavant. Et le résultat de sa rêverie, face au soleil déclinant, fut : - La vérité vraie est que je suis un imbécile !

Et il s'entendit répondre, venant de derrière lui : - Bien parlé !

D'un bond, il fut sur ses pieds, les épaules tendues, son couteau de chasse à la main, et se trouva face à un individu qui était vêtu et armé exactement de la même façon que lui. Le combat s'engagea immédiatement. Ils étaient tous deux de force égale. La seule notable différence était la couleur de peau plus sombre de l'inconnu qui s'était permis de railler Ooshi. La bataille cessa lorsqu'Ooshi fut trop fatigué. Curieusement, l'autre semblait se jouer de la fatigue et donnait presque l'impression de s'amuser du combat. - Cessons là cette bataille, dit Ooshi. D'ailleurs, à y bien réfléchir, je ne sais même plus pourquoi nous nous battons. - Nous nous battons parce que je t'ai dit que tu avais raison, dit l'autre en rangeant son couteau.

Ooshi remit le sien dans sa gaine de peau. - C'est vrai, dit-il, estimant que c'était une bonne façon d'en terminer, bien qu'il ait complètement perdu de vue en quoi il avait pu avoir raison... Veux-tu partager mon repas ? - Avec plaisir, dit l'autre. - Quel est ton nom ? - Le même que le tien, répondit-il. – Tu continues de me railler ? - Pas le moins du monde ! Tu as de la chance de me voir apparaître, sais-tu, et moi, j'ai de la chance que tu sois toi, car la plupart des gens ignorent mon existence. – Tu es un Dieu, demanda Ooshi, intéressé ? - Oui, et non. C'est un peu plus compliqué que cela. - Je t'en prie, sois clair. En ce moment, chercher à comprendre ne me vaut rien, lui dit Ooshi.

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N.B. On pourra lire la suite du conte d'OOSHI dans le DEUXIÈME

(à paraître fin 1993 ou d é b u t 1 9 9 4