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Commission luxembourgeoise « Justice & Paix » Conseil diocésain des Catholiques Communiqué de presse Onze pistes de réflexion pour un renouveau sociétal Les programmes électoraux sont bouclés et la campagne électorale bat son plein. Dans ce contexte, constatant que derrière la crise économique et financière se cache une crise sociétale plus profonde, les membres de la « Commission luxembourgeoise Justice & Paix » et du « Conseil diocésain des Catholiques » 1 proposent onze pistes de réflexion au vu des choix à prendre : ceux des électeurs, le jour des élections, et ceux des partis qui seront au pouvoir après le 22 octobre. Le texte intégral de la prise de position peut être consulté à l’adresse www.cathol.lu. Nous référant à la situation actuelle et à ses enjeux, nous estimons que pour le bien de notre société, de son économie et de sa cohésion sociale, il s’agira désormais de faire mieux, au lieu de toujours vouloir faire plus. Ce « mieux » sera le résultat d’un recentrage et d’un rééquilibrage fondés sur le respect de la dignité humaine, la subsidiarité, la solidarité et la poursuite du bien commun. Ces principes mis en avant par la Doctrine sociale de l’Eglise catholique depuis plus d’un siècle sont aux antipodes de l’individualisme contemporain, du néolibéralisme et de ce que le Pape François appelle le « ... fétichisme de l’argent et (la) dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain. » 2 1. Le respect inconditionnel de la dignité humaine demande des choix politiques adaptés afin de garantir la protection de toute personne, mais aussi pour assurer l’aide matérielle et humaine ainsi que l’accompagnement et les soins que ces choix appellent, y compris au début et à la fin de la vie. Nous souhaitons un positionnement clair du Luxembourg en matière de bioéthique et demandons que les questions touchant à la dignité humaine ne soient en aucun cas subordonnées à des intérêts économiques. 2. Nous attendons du prochain gouvernement une réflexion impartiale sur le soutien à accorder aux communautés religieuses et la pleine reconnaissance du facteur de cohésion sociale lié au droit à la liberté religieuse et à son exercice, y compris dans l’espace public 3 . Notre société doit développer une nouvelle culture de la tolérance et de la diversité, qui se traduise notamment par l’accès à l’enseignement religieux. 3. La cellule familiale doit être activement soutenue dans son rôle de socialisation et en tant que lieu premier et privilégié d’apprentissage à la vie. En situation de crise ou de séparation, l’Etat doit veiller au droit des enfants à fréquenter leurs deux parents. Nous demandons une fiscalité adaptée aux nouvelles situations des familles monoparentales ou recomposées, pour le plus grand bien des enfants. 4. Les temps sociaux et professionnels doivent être rééquilibrés de telle sorte à éviter que la personne humaine ne soit instrumentalisée et livrée au stress. C’est pourquoi nous demandons 1 La Commission luxembourgeoise Justice et Paix est une commission de l’Eglise catholique au Luxembourg qui travaille sur des questions relatives à la justice sociale, à la paix, aux droits de l’homme et au développement durable dans une optique chrétienne. Le Conseil diocésain des Catholiques est constitué de laïcs provenant des divers domaines de la vie ecclésiale (communautés paroissiales, mouvements et associations, services d’Eglise, congrégations, enseignement religieux, etc.) et des multiples engagements chrétiens dans la vie professionnelle et sociétale. 2 Discours prononcé par le Pape François en date du 16 mai 2013 en recevant des Ambassadeurs auprès du Saint-Siège. 3 Art. 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. »

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Page 1: Onze pistes

Commission luxembourgeoise « Justice & Paix » Conseil diocésain des Catholiques

Communiqué de presse

Onze pistes de réflexion pour un renouveau sociétal

Les programmes électoraux sont bouclés et la campagne électorale bat son plein. Dans ce contexte, constatant que derrière la crise économique et financière se cache une crise sociétale plus profonde, les membres de la « Commission luxembourgeoise Justice & Paix » et du « Conseil diocésain des Catholiques »1 proposent onze pistes de réflexion au vu des choix à prendre : ceux des électeurs, le jour des élections, et ceux des partis qui seront au pouvoir après le 22 octobre. Le texte intégral de la prise de position peut être consulté à l’adresse www.cathol.lu.

Nous référant à la situation actuelle et à ses enjeux, nous estimons que pour le bien de notre société, de son économie et de sa cohésion sociale, il s’agira désormais de faire mieux, au lieu de toujours vouloir faire plus. Ce « mieux » sera le résultat d’un recentrage et d’un rééquilibrage fondés sur le respect de la dignité humaine, la subsidiarité, la solidarité et la poursuite du bien commun. Ces principes mis en avant par la Doctrine sociale de l’Eglise catholique depuis plus d’un siècle sont aux antipodes de l’individualisme contemporain, du néolibéralisme et de ce que le Pape François appelle le « ... fétichisme de l’argent et (la) dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain. » 2

1. Le respect inconditionnel de la dignité humaine demande des choix politiques adaptés afin de garantir la protection de toute personne, mais aussi pour assurer l’aide matérielle et humaine ainsi que l’accompagnement et les soins que ces choix appellent, y compris au début et à la fin de la vie. Nous souhaitons un positionnement clair du Luxembourg en matière de bioéthique et demandons que les questions touchant à la dignité humaine ne soient en aucun cas subordonnées à des intérêts économiques.

2. Nous attendons du prochain gouvernement une réflexion impartiale sur le soutien à accorder aux communautés religieuses et la pleine reconnaissance du facteur de cohésion sociale lié au droit à la liberté religieuse et à son exercice, y compris dans l’espace public3. Notre société doit développer une nouvelle culture de la tolérance et de la diversité, qui se traduise notamment par l’accès à l’enseignement religieux.

3. La cellule familiale doit être activement soutenue dans son rôle de socialisation et en tant que lieu premier et privilégié d’apprentissage à la vie. En situation de crise ou de séparation, l’Etat doit veiller au droit des enfants à fréquenter leurs deux parents. Nous demandons une fiscalité adaptée aux nouvelles situations des familles monoparentales ou recomposées, pour le plus grand bien des enfants.

4. Les temps sociaux et professionnels doivent être rééquilibrés de telle sorte à éviter que la personne humaine ne soit instrumentalisée et livrée au stress. C’est pourquoi nous demandons

1 La Commission luxembourgeoise Justice et Paix est une commission de l’Eglise catholique au Luxembourg qui travaille sur des questions relatives à la justice sociale, à la paix, aux droits de l’homme et au développement durable dans une optique chrétienne. Le Conseil diocésain des Catholiques est constitué de laïcs provenant des divers domaines de la vie ecclésiale (communautés paroissiales, mouvements et associations, services d’Eglise, congrégations, enseignement religieux, etc.) et des multiples engagements chrétiens dans la vie professionnelle et sociétale. 2 Discours prononcé par le Pape François en date du 16 mai 2013 en recevant des Ambassadeurs auprès du Saint-Siège. 3 Art. 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. »

Page 2: Onze pistes

que les temps sociaux communs comme les plages horaires et les jours de repos collectifs soient respectés au nom du vivre ensemble, du bénévolat et de la convivialité. Nous refusons une société qui pousse les salarié-e-s à être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 !

5. L’accès aux biens de première nécessité et au logement ne doit pas être abandonné à la seule logique du marché. Nous proposons qu’une certaine quantité de services de base soient alloués en échelonnant les prix (de l’eau, par exemple) suivant des seuils à définir selon des critères sociaux et écologiques. Nous exigeons que l’État et les communes s’investissent davantage comme promoteurs et propriétaires d’immeubles et que soit interdite la pratique de lier l’achat d’un terrain à l’obligation d’acheter la maison à un promoteur déterminé.

6. La politique énergétique du Luxembourg, cadrée par la proposition 20-20-204 de l’Union européenne, détermine le cadre de la transition énergétique. Nous demandons que le Luxembourg fasse office d’élève modèle en Europe et que le prochain gouvernement mette en place une politique ambitieuse pour augmenter rapidement la part des énergies renouvelables dans notre consommation.

7. Au nom de la justice sociale et environnementale nous demandons que l’Etat soutienne le réinvestissement dans l’économie locale et la résilience aux perturbations dues à une trop grande dépendance de l’extérieur. Le libre-échange de l’économie mondiale doit être assorti de règles sociales et environnementales afin de lutter efficacement contre l’exploitation de la main d’oeuvre et le transfert de productions polluantes dans les pays du Sud. Une véritable « économie du bien commun » doit permettre de redéfinir le cadre incitatif sur base des valeurs de coopération et de solidarité.

8. Afin de donner une autre place à la finance, nous demandons que le Luxembourg évolue vers une place bancaire des finances éthiques et qu’il rejoigne les pays qui introduisent une taxe sur les transactions financières. Nous demandons que soient enrayées les pratiques à haut risque des marchés de la spéculation et que les choix politiques dans la gestion de la crise de la dette deviennent tels qu’ils ne plongent plus des populations entières dans le chômage et la pauvreté, dépouillant des milliers de jeunes de leurs perspectives d’avenir.

9. Pour enrayer le chômage, nous estimons que l’Etat doit prendre des mesures de taxation et de subventionnement qui encouragent l’investissement dans une économie « verte » occupant une main d’oeuvre plus nombreuse. Il est temps d’équilibrer les secteurs privé et public quant aux différences de salaire. A plus long terme, il deviendra impératif d’ouvrir la réflexion à des systèmes alternatifs tel celui de l’ « allocation universelle » (bedingungsloses Grundeinkommen).

10. Nous plaidons pour une société du « vivre ensemble », de l’inclusion et de l’intégration et attendons du prochain gouvernement qu’il fasse de la question de la cohésion sociale une de ses politiques transversales. Une société sensible à la souffrance d’autrui demande une politique d’accueil ouverte et humaine à l’égard des réfugiés. Les associations, dont la législation reste à moderniser, doivent pouvoir continuer à compter sur le soutien de l’Etat pour accomplir leur travail socio-éducatif et intégrateur.

11. Nous croyons que l'aventure européenne doit continuer et s’approfondir. Mais pour cela il faudra réimaginer un projet commun fédérateur pour cette Europe. A nos yeux, ce projet devra se construire sur les fondements d’une Europe sociale, soucieuse du développement durable!

Contact : Paul ESTGEN, secrétaire du Conseil diocésain des Catholiques, [email protected], tél. 44743 502

4 Le paquet «énergie-climat» de l'UE: réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre, en portant à 20% la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique et en améliorant de 20% l'efficacité énergétique, le tout avant 2020.