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A Godelieve, Anne, Marylène, mes filles, qui ont conforté mon espérance et réjoui ma vieillesse. A mes fils avec qui j'ai partagé mes deuils, mes rêves et mes rires. Leur affection m'a donné de traverser le grand âge comme un paysage de violent et fabuleux amour.

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Page 1: ont conforté mon espérance et réjoui ma grand âge comme …...Avec humour. Comme font les infantes. Une pavane pour elle, qui ne se pavanait jamais. Sobre de mots. N’en usant

A Godelieve, Anne, Marylène, mes filles, qui ont conforté mon espérance et réjoui ma vieillesse.

A mes fils avec qui j'ai partagé mes deuils, mes rêves et mes rires.

Leur affection m'a donné de traverser le grand âge comme un paysage de violent et fabuleux amour.

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Andrée Misson au seuil de l'église Saint- Augustin, à Forest, où le 2 septembre 1937, elle vient de s'unir à Jacques Biebuyck, pour quarante-neuf années de luttes, de foi, d'amour.

Elle fut appelée à la Joie le 7 juillet 1986.

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Mon infante défunte

Sa grâce d’argent tressé. Dure et fine.Exceptionnelle . Naturelle. Se riant d’elle.D’une belle lignée. Avec humour. Comme font les infantes. Une pavane pour elle, qui ne se pavanait jamais.Sobre de mots. N’en usant qu’avec justesse.Gaie, sans nul venin.

Goûtant l’exquis et non point précieuse.Aimant éperdûment la vie .Pour finir, petite martyre. Se défendant de toute vertu.

Toi, qui sus écouter l’invitation des commencements du monde,combien d’âmes es-tu, aujourd’hui ?

Tu as crû et te voilà muée en un être plus vaste. Multipliée ! Par tous ces battements de coeurs vivant toujours du tien, par ces regards et ces appels, tant de bras, de vies offertes !

Mère de mes fils, petite fille, maîtresse.Tous mes anciens printemps et ma chaleur secrète au dur noeud des hivers,à quelle immense créature avons-nous travaillé ?

Même si le rendez-vous était à plus-jamais, je n’aurais d’autre joie qu’à baiser ton fantôme et qu’à t’aimer atrocement, plus hélas que Dieu même, dont la grande main vient de te cueillir.

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• •• Tout commence autrement

C'est déjà fini de s'aimer ?Si fort, si mal, si court.C'est donc cela, une vie humaine ?

Mais non, mon infante défunte, ma musique étouffée, phrase de fleur qui jamais n'a voulu traduire son odeur.

Prise, prise, non comprise.Echappée de mes bras, fière d'être si lointaine. Et ton regard toujours sur moi. Ton bel oeil pers. Ta grâce dure, ton poignard sans blessure.

Charme scellé, yeux secrets, froide fontaine... Quand tu glissais déjà hors de la vie, t'accrochant au dernier feuillage de la rive. Mirage et foi ? Plus forte, la foi. Mirage !

Ma petite martyre, cinglante, fermée, muette. J'entends, si je suspends mon souffle, ton souffle à toi,qui boit jusqu a jouir la dernière des larmes. Sans nul pleur. Mais doucement, la mort !

J'entre si lentement dans mon éternité.

Rien n'est fini,tout commence, autrement.

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Celle qui s'est éloignée, si peu

Le désert qui me parle et mon coeur trop serré.

Avec vous, dans mes sentiers je marche,Attentif à vos pas, si légers sur les branches.

Chaque soir, je m'endors lové dans ton odeur.Tu m’es plus douce que pétale.Mon sommeil prend sa source en tes anciens baisers.

Ton amour, comme hier, imprègne mes journées,Mes larmes sont l'hostie où je puis croire en Dieu.

"N'aie donc plus peur de toi. Voici ma main, prends-la. " Ta parole m'atteint de si près que j'en tremble.

Dans la nuit où je roule, - ai-je cru en ta mort ? -,Je te connais si proche et crie dans ton silence.

Nous nous marierons à chaque soir qui tombe,Car notre vie, si près, vient au-devant de nous.

10.86

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A la disparue

A Buda, les jets d'eau qui brillaient sur les fleurs Lancent encore vers moi depuis cinquante années Le souffle des gazons et leur brusque fraîcheur.

Tu vis en mon regard, les paupières fermées,Comme je parle haut, si jeune en ta mémoire.

Le feu d'un astre mort n'éteint jamais sa gloire Tant que des yeux vivront pour le chercher au ciel.

Je ne veux exister qu'en ces lieux éternels Où vibre le rayon d'une invisible histoire.

Le plus minime instant qui touche une âme sonne A toujours, comme est chaude entre mes mains ta paume.

A toi, la disparue de mes bras. Mais le temps N'est que le temps du sang, et je parle de l'âme.

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Ce que j'aimais

Nous ne humions pas la fleur bleue.Nous cueillions le sentir ensemble, aux fibres fines de nos chairs, au plus silencieux de lame.

"Ces jeunes mariés, avait dit la voisine, qui ne se donnent pas le bras !"

Nos goûts ? Presque jamais pareils.Nos malentendus ? Passionnants.

Elle était obstinée et moi-même têtu. Souvent, nous nous blessions à marcher dans ce noir, mais toujours plus serrés, le coeur en sang, le coeur en joie.

Combien de gels nous ont mordus, et combien de nuits malmenés !Ces bombes et ces cris... Mais aussi, tant de communions, de fiançailles, de francs baisers, de Pâques, de Noëls, de fêtes au jardin dans le brasier des fleurs, et de rires jaillis de lengs ou courts bonheurs.

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Ai-je compté les fièvres, les cliniques ;Chutes et mal de vivre, et nuits du coeur ? Toujours la chair commune des enfants Nous renouait et poignait davantage.

Il semble que les coups nous aient refaçonné un corps unique. Ah ! je buvais, avec tes larmes, ton souffle frais. Devant Dieu, purs de haine, nous n'étions plus que tendresse effarée, deux enfants seuls, enlacés par l'orage.

Ce que j'aimais dans notre amour, c'est qu'il était caché aux sots qui vivent de romances bleues.Dieu seul savait que ce noir goût de sang était le parfum d'une fleur.

Cette fleur avait surgi en nous avant de traverser lentement notre chair, formant de nous cet être unique, né pour un soleil d'autre monde.

Ce coeur s'est arrêté de battre en nos deux corps,

ces corps qu'un Dieu avait pu faire se fondre pour la très lourde croix et le plus haut amour.

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A u x am is de jeunesse

Déjà tu t'en vas, ma jeunesse ?J'ai si mal regardé tes yeux,A l'amour j'ai rendu si peu !

Et vous, communiants d'ivresse, Gentils amis des courts chemins,Au coeur plein de frêle liesse,Amis, d'aimer le sort me presse Un long et laborieux destin.

Mais telles furent vos tendresses,La fraîcheur sur moi de vos mains Qu'encore un peu, je les retiens,Si seul déjà, et si certain Du leurre exquis de vos promesses. A demi tourné vers demain,Vous disant mon adieu sans fin.Tant qu'en moi rit votre jeunesse, Entre mes doigts, je tiens vos mains.

1930

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Petit matin

J'entends s'égoutter la pluie dans les branches et les coups de ciseaux d'oiseaux mal éveillés.Un coq appelle son cousin.Un train gronde dans les bois.Des portières d'auto claquent, étouffées de brume.Des volets niaisement gémissent. Le clocher tinte en rêvassant.Un avion signe sa première diagonale à découper l'azur.A travers tant d'années,j'écoute l'Introïtd'une messe sur le monde.Au seuil d'un jour unique, porté par les paroles du roi :"Voici le jour qu'a fait le Seigneur." Debout ! Le monde est à refaire. Déjà la vie est immortelle.

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Les Eaux

Que mon ancêtre fut poisson,Je l'ai su au premier plongeon Que je risquai dedans ma mère.

Il n’est de plaisir que dans l'eau.Là, le poids de vivre s'allège Et l'on peut rêver, les yeux clos,Que l'on file en flocon de neige Vers un délicieux repos.

Vagues danseuses, tourbillons, Mascarets, torrents, goémons ! Fureur, douceur de l'eau qui jase,Et le jusant, et le reflux...

Gouffres, Tritons, tout chevelus D'algues... Et la douce Vénus Née des doigts de Botticelli.

Vous, Fontaines de Respighi, Cathédrale sonnant sous l'onde. Fleuves où tous les démons grondent, Amers des fabuleux périls...

Oui, j'ai d'abord connu la mer.Et si je suis sorti des vagues, Coléocante ou bien sirène,Que l'écume un beau jour entraîne Jusque aux îles paradisiaques Celui qui signa Frère Jacques Le temps d'une saison humaine.

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L'or des vacances

Qui dira l'or des vacances marines,Où, vêtus de couleurs comme de cris,Nous dilations nos poitrines au silence de midi.Ou l'étonnement des étendues lavées, à l'aube, Quand frissonne, lissé d'alouettes,La puberté de nos matins.

La mer comme l'espoir du bonheur qui reflue;Enfin, nos coeurs avouant leur jeunesse;Les désirs abolis... Nous oublions les plaintes Et nous vivons une accalmie ardente.

Les fées par les chemins de l'habitude,Les jeunes hommes taillés dans l'ivoire,Les enfants ont perdu leur paradis caché.

Et tous, au rythme de l'éden,Ont mis leurs mains salées sur mes épaules.Et nous sommes partis avec des noms de plantes, Des rires et des manteaux flottants.

Bleue sans défaut, la mer à l'ivresse monotone,Et vers elle, la tribu qui descend par les sables, Echelonnée, bariolée.

Les heures sont fondues dans ce métal qui vibre. L'amour, chant primitif, monte sans jalousie Sur le parcours des villas fraîches,Groupées par le hasard, gai joueur d'harmonie.

Les dieux sont endormis. Les peaux brunes secouent Leur grimace, et le soleil pardonne aux joues.

La jambe vaut la tête. Et la magie des yeux N'égale pas la gloire d'une poitrine,La douceur sage d'une croupe hâlée,Ou l'esprit fuselé d'un jarret qui se tend.

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R ien ne m eurt

Onze ans. Le matin s'est frotté les yeux.Dans l'air vierge au vent râpeux,Je cours ! De le servir me presse,Ce Dieu au goût délicieux.

Retour. Je boule dans la dune,Etourdi d'être cet enfant Pour toujours, à travers le temps.J'en lèche, salée, ma main brune.

Rien, non rien, comme aux jours d'alors Ne sera plus frais, amoureux.Et mon père amical n'est déjà plus qu'une ombre.

Il me reste en mémoire les yeux D'une fillette en la pénombre D'un verger percé de trous d'or.

Effleurée... L'enfant que je pleure A sanglots dans mon oreiller,Pourquoi donc, après tant d'années M'en saigne la blessure au coeur ?

Rien ne s'efface et rien ne meurt Tout rêve est pour l'éternité.

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L'homme qui va cognerA Raymond CeuppensD'après la sanguine de Léon Biebuyck

Je suis ton frère, homme qui va frapper De ta masse, lancer ton âme avec ta peine,Dans un silence où ne bat plus ton coeur.

Ton marteau va jaillir de tes muscles tendus. C'est l'arc avant qu'un trait ne se décoche,C'est le temps suspendu où le poids qui s'envole Entraîne les deux poings noués en tournoyant, Avec le han du choc et du rebond,Et la souche fendue qui gémit et qui saigne.

Tu t'es bandé le corps pour l'impossible tâche. Tu jouis dans l'extrême et ton sang te fredonne Le frisson de l'écume, à l'instant où la vague Aspire au vide en son plus haut soupir.

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Grand désir

A François, mon petit-fils

Comme une bouche presse une bouche, si je pouvais fixer mon regard sur tes yeux d'enfantet me remplir de ta clarté comme l'on boit, ne rajeunirais-je pas mon âme jusqu'à la faire assez pure pour oser regarder Dieu ?

Si je pouvais laver ma vie dans le ruisseau de tes sourires, et sentir la fange me fuir, jusqu'à laisser nue la pierre, ne me ferais-je pas une âme lucide à laisser passer Dieu ?

Si mon corps répondait à toute heure à l'image la plus haute que puisse imaginer l'esprit, saisirais-je la main qui pourrait me hisser aux portes de la Gloire ?

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Amazone

Midi mûrit dans la dure lumière.Les troncs se cabrent à la lisière,Devant la houle hostile des labours.

Une femme, un cheval ouvrent des yeux avides. Ils accordent leur âme au vertige du vide.Ils ont vaincu le vent et l'heure, et la sueur Fraîchit sur leurs corps isolés du combat.

A la proue de ce bois sinistre et familier,Quel mirage de mort brutale sollicite Ce couple à la curée du rêve ?

La terre sous les feuilles mêle ses pourritures. Midi mûrit comme un pendu dans le silence.Et l'air brasse en brûlant des odeurs de luxure, D’orties, de fruits, de poussière et d'haleines.

Elle a soudain collé au flanc brun de la bête Sa poitrine haletante. Au double battement De leurs coeurs, le silence à l'horizon reflue, Pour noyer l'infini sous la chaleur du sang.

Et le couple d’un bond crève un cerceau du vent.

1936

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Midi

Midi. La belle odeur du soleil sur les dalles. Ecrasement du ciel. Paix vide et verticale,Où vers le gai néant d'un monde chaleureux, L'on rythme l'air du sang d'un talon triomphal.

Mille odeurs de liesse ont tordu vers les nues La flamme du repos qui tremble sur les rues. Plénitude enchantée où le coeur se dilate A l'image d'un dieu pesant et cérébral Dont la louange roule aux couchants écarlates.

Dans l'amère bonté de l'herbe surchauffée,A peine on se souvient de l'angoisse et des fées.

Tous les projets de gloire en souriant défaillent Quand l'azur étincelle entre les cils mi-clos.

1935

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IntroïboPour toutes les messes qui me furent l'aube de la tendresse divine

Oui, Tu as réjouis ma jeunesse, ô mon Dieu.Mon plus joyeux rappel est de T'avoir aimé.

Sonnait en me dressant, ton clairon de soleil. Comme Ta voix criait dans ma poitrine.En ma mère, déjà, Tu connaissais mon nom.

La grisante fraîcheur des sèves réveillées,C'était Toi, l'énergie qui chauffait mes artères.Toi, gaîté de mon corps bandé du grand désir.Dieu : ma glorieuse aventure de vivre.

Si j'ai trop peu d'amour en mes vieux jours pour Toi, Esprit des Beaux Matins, excite mes aurores.

L'averse de la nuit pianote aux ramilles.J'entends partout claquer les portes, les portières. Le clocher me redit que le temps est si court...

Gaîté de ma jeunesse et de mon corps, ô Dieu, Introïbo : je monte à l'autel des adieux Avec mon coeur d'enfant gonflé par Ton appel.

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Que mon départ ressemble à la mort de mon père. Il renversa la tête au cours d'une prière Et sa vue s'éteignit, jaillie dans la Lumière.

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Que m eure l'espérance

Vain esclavage, années d'école ! Qu'ai-je gardé dans la mémoire De la physique et de l'Histoire ?

Les saints me faisaient bien envie. Mais j'avais des regards sournois Sur la fraîcheur des jeunes-filles.

Plus seul qu'un animal sauvage, Cognant à me briser les doigts, Courant les étangs et les bois.

Quand disposant mes mains en croix, Ma mère priait avec moi Pour une nuit sereine et pure,Je pleurais sur mon âme obscure.

J'attendis la fin de l'enfance Comme la fin d'un long hiver.Vienne mon sort, fût-il amer ! Viennent les amours et ma chance...

Jaillir enfin de tant de voeux.Que crève toute l'espérance,Et que le jeu enfin commence Où je dois danser avec Dieu !

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Je t'em brasse, inconnu

Ma ville, mon destin, mes idées et mes armes.

Mais mon jardin secret, empoisonné de charmes ? Et Dieu qui me parlait, m'ouvrant une ère immense

Entre ces mondes clos, jamais un souffle d'air.

Poète, né du rêve et père de cent fables.Unique en toi, multiple au goût des gens,Parmi ceux de ton sang, à peine connaissable.

Tu sus changer en cris de foi toute douleur Et porter haut ta croix, mêlant rage et douceur, Prêter ton rire ardent à la cité d'ordures.

Au nom d'un Dieu qui fut l'ami des créatures,Je t'embrasse, inconnu, mon frère créateur.

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Trois heures du matin

Insomnie, belle amie, te souffrir jusqu'à l'aube, Au coeur glacé des nuits et la mémoire en feu...

Qui m'a serré la gorge et gelé ce silence ?

Un Trappiste aux pieds nus enfourche son vélo Et déboule en riant sa jeunesse aux échos.

Goutte à goutte, mûri au coffre de la banque,Mon capital exsude une sève alléchante.

Le sang me file doux sous le dôme des tempes.

Claquent les ailes : l'aube ! On rallume les coqs. On enfile partout la chemise ou le froc.

Cloches, abois, moteurs, ah les batteurs du temps Vont hurler que le jour est le seul digne à vivre.

Mais c'est ta lente horreur, insomnie, qui m'enivre Et d'écouter ma vie crier dans ce néant.

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E ternel éphém ère

L'éphémère d’un homme est long comme sa vie.

Combien de fois, dans l'ombre, ai-je repris le geste De balancer, enfant, mon pain dans les orties ?Et j'en étais blessé comme d'une infamie.

J'entends crier ma mère au fond de ma mémoire. Tournent les morts, assis sur des chevaux de foire.

J ’ai vingt ans ; c'est minuit, je suis las de moi-même... Et la mort souhaitée, c'est le paradis blanc Où je vis, hors de moi, chez les hommes de Dieu.

Ah ! vous m'aviez promis d'être un homme nouveau ? Et le vieux n'est pas mort ; je mange ma poussière.

Fais que j'oublie ce corps et Te regarde seul,A me crever les yeux, Dieu de mes jeunes ans.Fais revivre l'instant où la vie étincelle...

Car Tu aimes en l'homme un éphémère enfant Dont le coeur éternel éclate en ton soleil.

1986

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Sauve ce vieil hommeDieu n'aime pas tant les saints que ceux qui l'ont aimé comme l'Homme qu'il était aussi

A l’aube de ces temps où t'adoraient nos pères, Tu leur parlais par le vent des forêts.

Esprit de Dieu très inconnu depuis l'enfance, Pourquoi déchirais-tu mon coeur,Toi, le Pur, qui perçait à jour mes infamies Quand Satan me taraudait de sa folie ?

Mon règne d'homme se termine.Oh, n'oublie pas ta créature !Entends mon souffle qui se hâte Vers son aboutissement. ;

Père, tu étais loin Et la chair si près !

Purge ma tête de ses fantômes Plus hideux que les gnomes De Jérôme Bosch.

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Dans tes grandes mains d'oubli Saisis cette tête bourrée de songes.

Lève-moi entier comme un enfant Jusqu'aux rochers de ta montagne amère.Je m'accrocherai aux ronces de ta foi.

Durant même que je prie, la chevauchée des démons me parcourt tels des insectes grignotant mes nerfs.

Tandis que je hurle vers ta pureté, des êtres abjects jaillissent de leurs trous, pourvus de sexes et de palpes qui tentent de se coller à moi.

Libère à coups sanglants ma mémoire envoûtée. Fais que j'oublie aussi ceux qui m'ont humilié, car en leur pardonnant, je les déteste encore.

Sauve le vieil homme de ces vagues brûlantes,Toi qui t'es dis si tendre et lent à la colère."Une goutte d'eau sur mon enfer, Lazare !".

Et que ta Mère entende le vieil enfantqui geint et qui se tord depuis qu'il est au monde.

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Je dirai aux amis que Tu m'as répondu par la plus merveilleuse des souffrances.Car Tu m'as percé jusqu'aux os et c'est toute ma vie que Tu exiges, moi, l’entier.

Tu es un Dieu jaloux, répète l'Ecriture.

Tu m'as saisi aux moëlles de mes rêves cachés,Tu m'as lancé dans la nuit des nuées étincelantes.

Du fond de l'abîme, j'ai saisi cette Main qui détruit et sème la vie, et suis enfin tombé dans ton amour comme dans l'eau de mon dernier baptême.

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Les péchés de l'innocent

Qu’ai-je donc fait de mal Sinon des crimes ridicules ?Un soir, j'ai mis en flammesL’aile d'un papillonPour le voir voler en brûlant...J'ai haï le chat des voisines,Et je n'ai jamais aimé le chien Qui tue mes fleurs de son urine.J'ai lancé des poignées d'argent Pour révolter les gens qui passent. J'ai nagé nu dans deux étangs Pour sentir l'algue sur ma face. Comme on se jette en l'océan Je suis entré dans un couvent Pour m’y tremper dans l'Autre Part. Et je me suis couvert d'enfants Pour goûter à la Source-même.J’ai fait le mal en innocent.Mais je sais bien comment on aime Et j'ai tout aimé jusqu'au sang.

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Sous les m élèzes prêcheursA ma Soignes.

Loin des cafés suants et des maisons pourries, des visages creusés de rancune ou d'envie, je dors sous le soleil immense et solitaire.Dans l'herbe balancée, je me souviens des eaux.

Je fus enfant sous ce sapin, naguère.Je me rêve à mourir pour le toucher encore.

Mais il a bien fallu grandir parmi les hommes. Irais-je pour autant mendier cette fille au rire de galine, ou ce garçon qui sent tabac, ragot, tapage et ville ?

Les mains superposées des pins,- cime docte et surplis gonflés -, orchestrent le sermon du vent.

Les yeux ouverts sur les nuages,je tourne avec la Terre et roule au fond des deux.Et j'entends l'avenir prêt à bondir en moi.

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L'enfant confié aux inconnus

Ce petit enfant qui croyait en moi,Se serrant si fort entre mes deux bras,J'ai dû le laisser devant cette porte.Et c'était affreux comme un chat qu'on porte Blotti contre son coeur et puis que l'on noie...

Entendu ses cris, arrachés ses doigts De ma main, et fui son panique effroi.

Vous me répétiez, à ce téléphone,Qu’il était calmé, déjà souriant ?Je me souvenais de mes pleurs d'enfant,Et qu'on peut souffrir à quatre ans Comme peut brûler de souffrance un homme.

"Ils oublient si vite !". Et j'ai dans les yeux Tel soir où le monde apparut féroce A qui le voyait, comme lui, heureux.

Saisi en plein rire et laissé dans l'ombre Avec ses gens-là dont on ne sait rien,Loin du seul baiser et du seul jardin Où la nuit, jamais, n'est tout à fait sombre.

Cet enfant serré tout contre son coeur Et laissé à ces mains qui soudain l'emportent, Comme un chat qu'on jette au trou de l'eau morte...

Page 31: ont conforté mon espérance et réjoui ma grand âge comme …...Avec humour. Comme font les infantes. Une pavane pour elle, qui ne se pavanait jamais. Sobre de mots. N’en usant

Ah ! perdre plutôt mon dernier automne, Mais garder son rire et sa main sur moi, Tandis qu'il s'endort, croyant la vie bonne.

Page 32: ont conforté mon espérance et réjoui ma grand âge comme …...Avec humour. Comme font les infantes. Une pavane pour elle, qui ne se pavanait jamais. Sobre de mots. N’en usant

Quand, de nuit...Au peuple de mes amis morts

Quand, de nuit, je vois défiler Tous mes amis en terre allés,Drôles, malicieux, sublimes,Je ris d'un jour les retrouver,Ame et corps dépouillés de mime.

Que de gaîté, Mort, à ta traîne,Que de gambades et d'aveux,Quand, tout nus, sous les doigts de Dieu, Nous serons enfin nous-mêmes,Pareils aux Anges qui foisonnent Au ciel des Assomptions,Croulant sous l'or en fusion Qui cerne l'azur des Madones.

Tu feras éclater les ruines De mes amours inachevés En un orage de baisers.

Les folies que j'ai pu rêver,O Mort amie, tu me les donnes,Et tant plus inouies là-haut !

Quand, l'âme jaillie du terreau,Je quitterai ce rien qu'est vivre,D’amour et de Ta beauté, ivre.

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Stabat MaterA Marylène

Marie, ton corps si doux avait nourri la chair De Celui dont le sang ruisselle sur tes yeux.

Ton martyre ? Un effroi traversé de délices,Quand serrant sur ton sein ton nourrisson divin,Tu embrassais sur lui l'Inventeur des soleils.

Homme Jésus, le Tendre, acclamé par les foules,Tu apprenais la faim et la peine d'aimer.Mais, idole d'hier, on te crache au visage.

Au milieu des hoquets d'agonie, à ta Mère,Tu donnes Jean, l'aimé. Vers les douleurs de l'Homme, Tu jettes ton cri fou de Dieu abandonné.

Le bel Homme d'hier, doublement adoré,Les prêtres en ont fait une loque de peau Et d'os, carcasse déchirée...

Saoule de pleurs, Marie, tu tiens encore debout Parce que la croix n'est pas encore tombée.

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L'orage te réveilleDu néant où tu allais sombrer.

Un éclair à blanchi le ciel et tu frémis,Car tu viens d'apercevoir ma race,

Par milliards, moutonnant sous les nuées des siècles ; S'engouffrant dans la brèche d'un Monde enfin sauvé.

Et tes flancs ont tremblé comme en cette seconde Où l'Esprit t'ensemença du Christ.

Mère plus génitrice que l'âme de ma mère ! Magnificat jaillit de ton coeur embrasé,Dans la gloire d'un chant qui flambe, à tout jamais.

1986

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Viens, petite âme.A l'inoubliable Source de ma vie.

On oublie tout. Et c'est très bien... Songe, ma Mie, à tant de guerres Dont tout vainqueur est en poussière. Les sept Merveilles ? Effacées !A part le fleuve de nos larmes,Tout est rêvé, tout est passé.Sais-tu qu'un continent de glace Descend du Pôle canadien,Douze mètres par jour : de quoi Faire monter six océans !Et Flandre, Brabant, comme avant La préhistoire, plaine ouverte,Seront noyés de vagues vertes Leurs vingt beffrois encor dressés, Toutes leurs cloches dans le vent, Folles. Pour quelques siècles... Bien. Une chance d'être éphémères !Et vous, qui vous croyez des âmes, Vous danserez, petites flammes,Dans le brasier du Soleil-Père.Et donc, aimons-nous fort, ma Mie, Avant la gloire et l'incendie,Et qu'à jamais je ne t'oublie,Mais aimons-nous, viens, petite âme ; L'oubli ne s'ouvre que demain.

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CathédraleA Jacques Michiels, poète de Dieu

Etreint de joie par ces milliers d âmesdont le souffle priant brûle encor sous ta voûte,lentement, je pénètre en toi, Cathédrale.

Haute carène en gloire, noire embouchure des plaies de la lumière.

J'embrasse un doux fantôme dont jusqu'au nom fut effacé : c'est la vierge Gudule si mêlée à la terre qu'on la dit légendaire.

Gudule, tu n'es plus que la cloche de brume, quand l'hiver et la pluie pleurent sur nos maisons.

Rêve de pierres blanches,Haut vaisseau sous la lune,combien de temps Michel Archangeretiendra-t-il l'épée levée sur le démon,avec ce cri de l'ultime vendange,où nous serons pressés pour la coupe du Roi ?

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Le diam ant secretA Camille, Jean, Robert, Paul, Emile et trente garçons, squelettes oubliés, qui rient dans ma mémoire

Tombes de ma mémoire ! Rayons parmi ces pierres Il en monte un parfum profond comme la chair.

...A mon réveil d'enfant, je dansais sur mon père Et nous courions au bois pour piller les buissons De leurs insectes d'or... Je me jetais sur Flore, Dans sa vaste poitrine où je fermais les yeux, Quand le soir angoissé peignait la vitre en bleu.

O ce pays dormant de ceux qui m'ont aimé, Aujourd'hui que le vent racle mon jardin mort !Les maîtres amoureux de mon âme orageuse ; L'abbé me confessant sous le vent et la pluie.Et l'envie de sauter, si pur, et de courir...

Lors, jeunesse bien bue, advint le moine André,La noblesse de croire autant que de douter.

L'Esprit étincelait dans ses pupilles noires.Corps d’athlète jouant sous la bure de laine, Cavalier qui sauta sur le cheval de Dieu.

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Tant d'amis, d'inconnus, surgis dans mon histoire Et chacun m'apportant l'odeur crue de son âme,Sa façon d'avoir mal, d’être drôle ou colère :Emile, Jean, Camille et ces rudes garçons Dont je savourais l'âme nue et le tréfonds.

Gens d'excès, de désir. Tendresse un peu guerrière. Pudeur forte et chaleur des voix, des mains, des yeux. Pour chaque jour, le sel d'un immense avenir.Et comme un signe au coeur que m'auraient fait les dieux.

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Les petites pâtisseriesA David Cohen, en cendres, -et vivant en moi

Où se sont-elles enfuies,Les petites Pâtisseries ?

Quatre ou six tables de fer blanc,Pour l'amitié tout simplement,Des rendez-vous pas trop voyants. Lieux de modestes griseries,En des quartiers perdus, souvent...Où sont, petites pâtisseries,Les propos fous de nos vingt ans ?

On y allait après la messe,Après le film, avant le soir.Car on avait à se revoir Le goût d'un revenir sans cesse.

Le fisc a la main bien pesante...Mais aujourd'hui, les gens qui s'aiment Où vont-ils savourer l'attente Où les yeux silencieux se rient Par-dessus choux et cafés-crème ?

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Là se nouait la grande amour Qui devait durer une vie.Mais où sont les Pâtisseries Avec leurs tables de fer blanc ?Et pourquoi les a-t-on punies Et chassées tout au fond du temps

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La goutte d'amertumeA Lutine Halflants

Ma goutte d'amertume,Je l'ai jetée dans l'océan.S’y pressaient des milliards de larmes.Celles des mères serrant leur enfant mort. Celles des pères coincés dans la misère.Le besoin lancinant d'une vaine tendresse. Toute la pauvre haine des époux déchirés Par raideur de leur coeur ou défaut de paroles, Ou par la peur de l'autre à l'instant découvert.

Ma goutte d'amertume pesait le poids du monde.

Les vagues de l'océan divin battaient contre ma maison, cherchant à m'entrer dans lame.Mais je tenais caché le trésor de ma peine.

Une femme alors dit :"Ce trésor, jette-le dans ces flots,"car ils sont infinis."Ton mystère de douleur n'est rien,"dilué dans le mystère de la Vie qui t'aime. "Fais dominer l'éternel sur l'éphémère."Toute joie est d'abord désespoir,"Toute foi est un cri sur la mer.

"Jette-toi dans l'océan natal"Qui te sauve de toi et t'emporte à jamais."

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Calvaire

Le ciel se soude à l'horizon. Entre mes genoux, pendent mes mains. Et je T'avise, Crucifié, si ressemblant à l'homme, qu'il devait Te tuer.

Du bout de ma folie, je Te hèle, au bout de la tienne.

A deux pas l'un de l'autre, dans l'avant-mort du jour.

Dieu cloué, qu'un battement de ton coeur me rejette en avant.

Mes plaies, je les appuierai sur les tiennes.

C'est dont ta ruse, Vainqueur, d'imiter à ce point nos défaites ? Pareil à nous, jusqu'aux nausées du crime ?

Nos insultes et nos pleurs T'ont déguisé en ce pendu.

A l'instant, Tu me regardes. Le sang d'un Dieu jette un voile sur mes yeux. Le néant ne me connaît plus.

Un pas encor ; debout... Avant que Tu ne me dises "J'ai so if.

Ce soir-même, avec Toi.

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Le PurA l'ami intime qu'est ce fils, inventeur de joie

J'ai perdu, - à jamais, qui le sait ? - Ce qui me fascinait au temps Des grands espaces blancs,Au temps des heures envoûtées Par tous les peuples du silence.

Pour qui a mangé dans la main de Dieu, Toute délice est dérisoire.

J'ai regagné les fourrés des plaisirs,Torse brûlant d'être une bête.Mes sabots fiévreux m'ont permis de sauter Tout fossé et de happer mes proies.

Le coeur, le sexe palpitant,Dans une mort écoeurée,Un hurlement de rire assassiné.

J'avais clos pour le seul Regard La porte du jardin. Forcée !L'herbe méchante a pu mordre ma terre.

J'avais voué ma tête au songe De ces pensées inhumaines Qui livrent le secret de l'homme.

Les crapauds des faims Innommables s'y sont engouffrés.

J’eus beau mendier un maître*Qui par fer, magie ou amour Eût effacé l'ineffaçable...Fini du ravissement des aubes !

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On t’avait trop caressé...

On t'avait trop caressé, enfant.Et tu marchais vers tout vivant Comme à l'Eve de ton Jardin.

Quand l'ombre amie se fut évanouie,Tu pleuras, et c'était sur toi-même !Là où riaient son charme, son esprit,Grimaçait un morne problème,Tu l’avais rêvé, mon ami...

Qui va nourrir son coeur parmi les créatures,Ecrivit un prophète Hébreu,Un jour, mâche leur pourriture.

Vrai ! Qu'il est bientôt las, qui cède à son désir.La chair se repaît de ses rêves Et ses plaisirs sont poussière et fumée.

Seul, qui donne son sang reçoit la vie réelle.N'aie pas peur d'être seul : les seuls sont une foule.Ne crains pas d'être doux ; la querelle empoisonne Le monde. Et les vainqueurs n'ont vaincu que des ombres.

Au tréfond du silence et de l'adoration Eclate une lumière inconnue des charnels.Ne cultive, mon âme, que le mystère aimé."Je ne suis que tendresse et pitié", dit Dieu.

Si tu vois un reflet des dieux dans tel enfant,Garde-lui donc le goût de la fraîcheur des aubes,Le goût des gels trop purs et des étonnements.Qu'il entende, au-delà du réel et du sang,La voix, plus fine qu'un soupir de flûte,Qui souffle au plus profond de l'âme qui écoute :"N’aime rien, fils de roi, rien que l'inaccessible."

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Ma forêt

Comme j'allais glisser dans l'ombre de la mort,Je m'enfonçai au bois frémissant de soleil.

Le silence des troncs m'a stupéfié de paix.Ces hêtres ? Ils ont vu jouer mon père enfant...

Entre ces gais buissons, ai-je assez joui d'elle !Goûté l'herbe et la chair sous le baiser des branches.

J'ai rafraîchi ma tête au frais toucher des feuilles, Débusqué les taupins, cétoines, cicindelles,Humé les eaux croupies de la mare aux grenouilles...

Forêt, combien de gueux dorment sous ton humus, Les os de quels guerriers au fond des tumulus ?

L'ermite ou le truand hantait tes vais touffus,L'un ou l'autre épiant le moine aux cent pistoles.

Je perçois dans le vent des escarbilles de feux Depuis longtemps éteints, le remous de sabots Trépignant sous des cerfs rués depuis mille ans...

Ma forêt, tes druides, tes crimes, tes amours.L'océan de tes voix évanouies m'appelle.

J'ai repris mon bâton et, à nouveau, les bois Tremblent sous les haleines exhalées par mes pères.

Comme hier innocent, je me retrouve une âme,Prêt à tomber enfin dans la barbe de Dieu !

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Cet éclair...

Cet éclair qui te zèbre les reins,Ce tendon déchiré, cette aorte fendue ?Rien qu'un diable dément qui s’acharne à ton corps.

Mais l'amie morte, encor dans tes bras, sur tes lèvres Pourquoi ce lent poignard ? Qui a crié ton nom ? Pourquoi sombre, ton âme et le lac aussi bleu ?

Aujourd'hui, seul le vent parlera de voyages.Et tu marches muet dans la splendeur du monde.

Descends plus loin, descends où le silence est vivre. Fixe la porte d'or où l’Etre dévisage A la brûler, ta face épuisée de néant.

La paix, je te le jure, entre dans ta blessure...

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Blesse-moi, Musique

Blesse-moi, déchire la cicatrice originelle.Sang délicieux qui souffre et cède selon le pli gravé dans la pulpe que le pouce de Dieu a dessiné sur le premier des fruits.Brise-moi, musique, afin que je répande ma sève.Romps la forme tendue du fruit,toi qui as même parfum que la douleur.

L'arbre crispé à peu de terre ne travaille que pour fleurir.Que viennent les paniers et les bouches cruelles !

Douleur du soir, musique belle d'enlacer au fugace l'éternel, brise le fruit, jette la graine.

L'odeur de mon coeur ouvert me clôt les yeux. Voici que Dieu m'accepte et me respire tel la nuée du sol qui fume dans le sacrifice de la nuit.

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Vous n'aviez pas appris

Vous n'aviez pas appris à l'enfant que j'étais A ne pas embrasser avec un tel désir Ames et corps voués à si tôt disparaître.

Le temps de vous aimer fut de vous voir mourir.

Avais-je assez brassé la jeune chair brûlante ! Mais, en elle, épuiser les dernières délices ? Autant tuer l'amour et baiser le néant...

Pourquoi revenez-vous comme de vrais vivants Hanter de votre haleine un homme qui s'égare ?

Vous n'aviez pas appris à ce petit enfant Qu'il ne fallait chérir que les feuilles, le vent ; Que, dans la nuit des sens, il fallait suivre Dieu, L'inexplicable Dieu, fou des hommes, et souffrir.

Non, vous m'aviez offert la vie comme un plaisir. Et même en ce juillet, tout enivré de fleurs,Je tends encor ma lèvre aux parfums de la brise Et frémis aux odeurs bien-aimées de la terre.

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Ne demandez jamais

"La rose, écrit Hafiz, n'a pas de pourquoi".Ne me demandez pas la raison pour laquelle je crois en Dieu, je l'aime.La beauté sans raison blesse délicieusement le coeur.J'ai vécu mon enfancesans pouvoir aujourd'hui m'en repeindre les joies. Je m'en souviens ! Déjà, ce souvenir m'est douleur aimable et fugace.Un jour, je me dissoudrai et ces artères, et ce sourire, inexplicablement redevenus poussière, seront une éphémère énigme, vivant de s'ignorer et de sentir l'odeur grisante de la mer.

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Vers toi, Visage

Dans tous les lieux du monde où la beauté ma baisé la bouche,Capri, Vézelay, Ravenne ;sur ce rocher crevant la houle murmurantede ma forêt d'Ardenne ;quand le soleil mourait pour les fleurs périssableséparpillant ses flammes sur la mer ;aux lacs ardents et nus des montagnes vosgiennes ;dans l'or léger de l’aube, et ce goût de roséeoù montait en tremblant la joie frêle des messes ;

quand je posais le pied sur un lambeau de ciel, un seul chemin coupant désormais l’avenir, toujours, je me croyais parti vers toi, Visage !

J'en oubliais de rire, approchant du bonheur. J'entrais dans ce pays jumeau de tous mes songes. J'exhalais mon plaisir sans plus guetter mon souffle.

Or, toi, tu me manquais, invisible Visage !Espérance d'aimer, seule raison de vivre.

Je t'appelais partout ma plus belle Ignorance.Ton immobile éclair étincelait aux yeux.Et parfois dans l'étang d'un minuit coeur-de-rose,Où le suicide jase avec le jet d'eau pure,Avec le cri d'un enfant mort en jouant à pêcher la lune.

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L'an deux m ille

Cette borne du Temps, vous en aviez rêvé.Oh, je serai présent.Je viendrai voir l'enfant qui ne meurt plus de faim Et la haine enfin morte entre les fils de Dieu.

La paix sur l'homme : ils ont même pensée Dessous leur peau noire ou dorée.

Que loin des poisons,Croissent les doux mammifères

Et que tous ceux qui ont aimé l'amour Jusqu'à te prier comme un Père Soient pris de la folie de se trouver des frères Où ils riaient de voir couler le sang.

Rêveur de l'Homme, à nous de la rêver, ta Terre !

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Les derniers jours du monde

Collines, accouchez enfin de Sa musique ! Colonnes d’harmonie qui montez du chaos.

Torrents de cris heureux, volcans déchiquetés, Tourbillons d'une louange unique.

Or, voici l'Homme enfin marié à la Terre,Ce que les océans clamaient, et les déserts.

Soudain, ce fut la voix du grand peuple des âmes, Le monde ne portait que des amants en fête.

Des cascades de joie, des fontaines de pleurs, Ainsi que l'annonçaient poètes et prophètes.

O tendresse évidente, en ces jours-là, des arbres, D'un seul reflux du vent gémissant de plaisir.

Nos plus secrets désirs mués en êtres vivants.Et toi, berceau, Nature, achèvement, matrice,Tu mugis de milliers d’orgues soudain d’accord.

Toi, corps géant de nos membres noués,Dans la danse finale, le merveilleux fracas Du Secret dévoilé.

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"Je t'attendais, Seigneur !" crient cent milliards d'hommes. Puis, le dernier enfant a jailli de sa mère,Comme un tourbillon d'eau effaçait toute larme.

Parfum de chèvrefeuille, était-ce toi, l'amour ?Vous, nos pleurs, n'étiez-vous qu'une pluie nécessaire ?

Les péchés sont détruits. L'explication irrigue Les coeurs, les champs, les églises, les villes.La grandeur abolie des règnes se mélange Aux ossements des morts, et tout crie aux étoiles.

Eclatement du vrai : mariage admirable !Une Femme a tendu son enfant, dieu du monde,Du fond de l'infini, où mes soeurs et mes frères Ne cessent de mourir et de renaître, au chant D'un univers à jamais ébloui Par la clameur des anges.

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Une foule m'appellePour Antoine, petit-fils et compagnon

Par centainesles corps, les âmes que j'aimais me tirent vers la Gloire.

Je m'en vais vivre enfin le rêvedu Dieu qui fit la violette et les volcans et qui, s'il a choisi pour fils les hommes ne saurait jamais être qu'aveuglé par l'amour.

J'ai aimé les hommes de passage, les femmes devinées, les garçons secrets, les filles masquées de rire.

Ceux qui sont montés des boutiques, les ribaudes au rire d'entrailles ; aussi les femmes critallines et celles grandies par les miroirs et les statues de toute pureté.

Dès que je pus marcher vers des bras ouverts le coeur me cogna doucement.Seuls échappèrent à ma mémoire les mercantiles à faciès de cuir, les verts-de-gris fils de la haine.

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Par centaines, ceux que j'aimai me tirent vers la gloire.Nous avons savouré les mêmes caresses de l'air, confondu plaisir et prière.

Sortis de mères de même race,nous avions pensé les mêmes folies, savouré des erreurs communes, dilatés de même ironie.

Ou simplement, nous sommes embrassés avec le goût d'une profonde gentillesse.

Et voici : ils m'accrochent lame par mille rayons pour me jeter là-haut, où Dieu donne rire et paix à nos chairs, pétries de tant d'amour quelles n'étaient plus humaines.

Milliers, milliers de corps baisés par très simple amitié, sans pulsion sensuellepar appétit commun d'exister fort, ensemble.

Si je feuillette mes années,chaque image porte un visage, leur foule fait un nuage d'appels sur l'horizon.

Et cela part du petit Raymond qui jouait dans la vieille usine au Père Abbé majestueux, criant à Dieu la foi du monde dans le roulement des orgues, sous les ogives en flèches de lumière.

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Cela va de ma mère enfant,dessinée fine et fière aux photos déjà mortes, à l'ami qui passant par ma porte tomba droit dans le ciel béant.Celui qui pleurait troué de balles,Celui dont la chair juive a grillé...Dieu ! N'ai-je donc fait qu'aimer ?

Cette foule qui m'appelle me fait un paradis d'amis, sous l'éclair de ce dernier Noël où je pars en criant : Merci !

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Prodigieux paysageAu magicien de mon enfance, André, mon père

Avant que naissent mes fantômes, avant Jésus et l'invisible amour,Robinson fou de solitude,mon père déjà m'ouvrait la porte de l'enfance,chantant l'or vert de la cétoine.

Magicien du minime,il entre dans les eaux verdies pour happer la frigane, sous le velours des feuilles cueille la cicindèle.

Douze ans ! L'odeur de craie de l'école aux garçons... Robert, le compagnon de mes frasques de nuit dans les chantiers, aux incendies des prés.

Seize ans : des désespoirs où l'on rime ses rêves.

Et toujours, ces églises et ces confessions d'où l'on sortait raclés, petits saints éphémères humant l'encens glacé de la messe de l'aube.

Bien sûr, j'offrais ma vie à notre bon Seigneur, comme un enfant distrait tend la joue à sa mère.

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Temps des amis, tournois de verbes et d'outrances, Tu me reviens, Jeunesse, avec tes hautes flammes ; à tout éclair, d'autres visages, plus beaux, plus audacieux.

Et pourtant, Paul est mort broyé,David en feu, Maurice au coeur fichu,Jean quasi fou, Marcel tout égaré : tous disloqués et verdis sous la terre ; des os, rien que des os... Ames de la mémoire ! riant sous les vitraux de la belle espérance.

Enfin, tout s'entremêle au coeur gourmand d'aimer.

Tout ? Mon Dieu, c’est une idée qui luit à ce carreau, un jour de ma vingtième année ; un regard qui se navre à vainement l'attendre ; une peur étranglée, un péril étouffé.

Je fus moine cent jours, et faune aux canicules... Baise-main des salons ; nu dans l'étang sauvage.

Tout ? C'est frémir de peur et d'espoir aux visages. C’est l'effroi de risquer peut-être sa seule âme pour le geste imbécile d'une fureur charnelle.

C'est une insulte qui fait rire ; c'est la rancune qui reflue ou ma prière au goût d'abîme.

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Mais c'est aussi dormir à force de bonheur, le soleil sur la joue, les pieds dans la rivière. Dormir comme un enfant sur le corps de l'aimée après tous les combats du jour...

En fin de vie,la main de Dieu me force à fixer la lumière pour le dur, le très long et seul réel amour.

Lorsque l'Amie ferma les yeux j'ai cessé de vivre ma vie."Comme tu vas pleurer !" dit-elle.

Oui, ce sang qui me tremble à l'arrière du cou, ces larmes écrasées par mes chants de louange, déjà, c'est le couteau sacré qui me retranche, l'espace large ouvert, le vent salé, la mer.

Enfin, je vais toucher la rive désirée.Et d'en avoir fini, je me sens calme, gai.La sueur de vingt milliers de nuits a fécondé la terre de ma chair.

Je pourrai fuir vers mon Amie, vers quelque moi-même infini et rouler dans Ton grand Soleil, avec le cri d'exister, le cri !

Juillet 1988

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