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on a lu, on a vu OUVRAGES, REVUES,... Lewis Carroll Tout Alice et la chasse au Snark 1986, éd. Aubier, Paris, 336 pp. Découvert par hasard, chez un bouquiniste du quartier Saint-Merri - pas loin de la rue Nicolas-Flamcl (à Paris) et de l'ancienne chapelle de style gothique d'une prison médiévale de femmes (quelques belles arcatures, des XII e et XIII e siècles, au sous-sol du 14 de la rue des Lombards) - et à un prix défiant toute concurrence, ce beau livre est l'occasion de relire les oeuvres majeures de Lewis Carroll : Les aventures d'Alice au pays des merveilles. De l'autre côté du miroir et ce qu'Alice y trouva et La chasse au Snark, dans une édition aérée, agréable et illustrée par Ralph Steadman. Ralph Steadman est un dessinateur humoristique anglais, un maître reconnu du genre doté d'une plume à la fois rigoureuse et baroque. Robert Rousso, le dessinateur du Courrier, aime bien Steadman... Et ce Steadman est de l'école de Ronald Searle, que R. Rousso aime bien aussi, et qui, de sa plume griffue, a fait récemment pour la ville de Paris une belle série d'affiches incisives pour tenter d'en appeler au ci- visme des chiens et de leurs maîtres et les inciter ainsi à composter les caniveaux plutôt qu'à embren- ner le talon du passant tranquille. Quel est le rapport entre Alice et les caniveaux de Paris, me direz-vous ? C'est simple : l'introduction de Steadman au Lewis Carroll qu'il a illustré éclaire d'un jour puissant l'inspiration des affiches de Searle. On y sentait bien une certaine véhémence vigoureuse, on est maintenant assuré qu'elle n'est pas de commande : Searle partage très probablement l'avis de Steadman sur les chiens. « J'ai une certaine aversion pour les chiens. On dirait qu'ils ont emprunté ce qu'il y a de pire dans la nature humaine. Ils sont plus humains que les êtres humains, et encore plus stupides. [...] Le chien salit le trottoir, et pen- dant ce temps-là l'homme salit le reste de l'univers ». C'est en effet ainsi que Steadman justifie l'allure canine qu'il a donnée à certains compères d'Alice. Quant à R. Rousso, il aime bien les chiens... P.L.

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Page 1: on a lu, on a vu · on a lu, on a vu OUVRAGES, REVUES,... Lewis Carroll Tout Alice et la chasse au Snark 1986, éd. Aubier, Paris, 336 pp. Découvert par hasard, chez un bouquiniste

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OUVRAGES, REVUES,...

Lewis CarrollTout Alice et la chasse au Snark1986, éd. Aubier, Paris, 336 pp.Découvert par hasard, chez un bouquiniste du quartier Saint-Merri - pas loin de la rue Nicolas-Flamcl(à Paris) et de l'ancienne chapelle de style gothique d'une prison médiévale de femmes (quelquesbelles arcatures, des X I I e et XI I I e siècles, au sous-sol du 14 de la rue des Lombards) - et à un prixdéfiant toute concurrence, ce beau livre est l'occasion de relire les oeuvres majeures de Lewis Carroll :Les aventures d'Alice au pays des merveilles. De l'autre côté du miroir et ce qu'Alice y trouva et Lachasse au Snark, dans une édition aérée, agréable et illustrée par Ralph Steadman.

Ralph Steadman est un dessinateur humoristique anglais, un maître reconnu du genre doté d'une plumeà la fois rigoureuse et baroque. Robert Rousso, le dessinateur du Courrier, aime bien Steadman... Et ceSteadman est de l'école de Ronald Searle, que R. Rousso aime bien aussi, et qui, de sa plume griffue, afait récemment pour la ville de Paris une belle série d'affiches incisives pour tenter d'en appeler au ci-visme des chiens et de leurs maîtres et les inciter ainsi à composter les caniveaux plutôt qu'à embren-ner le talon du passant tranquille.

Quel est le rapport entre Alice et les caniveaux de Paris, me direz-vous ? C'est simple : l'introductionde Steadman au Lewis Carroll qu'il a illustré éclaire d'un jour puissant l'inspiration des affiches deSearle. On y sentait bien une certaine véhémence vigoureuse, on est maintenant assuré qu'elle n'est pasde commande : Searle partage très probablement l'avis de Steadman sur les chiens. « J'ai une certaineaversion pour les chiens. On dirait qu'ils ont emprunté ce qu'il y a de pire dans la nature humaine. Ilssont plus humains que les êtres humains, et encore plus stupides. [...] Le chien salit le trottoir, et pen-dant ce temps-là l'homme salit le reste de l'univers ». C'est en effet ainsi que Steadman justifie l'allurecanine qu'il a donnée à certains compères d'Alice.

Quant à R. Rousso, il aime bien les chiens...P.L.

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70 Courrier de la Cellule Environnement de l'INRA n° 16

Quelle recherche ? Pour quel développement ?Bulletin agronomique Antilles-Guyane, n° spécial juillet 1991, 103 pp.Le centre Antilles-Guyane de l'INRA - le CRAAG - jouit au sein du dispositif national de l'Institutd'un statut particulier : inséré dans des contextes géographique, culturel et socio-économique particu-liers, il doit répondre à la demande non seulement des départements français d'Amérique mais aussides pays en voie de développement.

Nécessité d'un développement soutenable réaffirmée par le rapport Brundtland et imminence de laconférence de l'ONU sur l'Environnement et le Développement (Rio-de-Janeiro, juin 1992) aidant, ilétait normal que, dans le cadre des réflexions suscitées par le projet d'établissement, ce centres'interroge sur sa pratique, ses objectifs, ses méthodes et ses résultats et les resitue, voire les critiquepour les infléchir, dans les perspectives inséparables du développement et de l'environnement. Le tonest rapidement donné : (*)« La plupart des échecs de la recherche agronomique en pays tropical sont imputables à un manque deconnaissance du milieu physique et biologique (transfert de technologies inadaptées, mépris envers lepotentiel végétal et animal local,...) et du milieu humain (structures et techniques de développementcalquées sur celles d'un pays développé, méconnaissance des cultures et des économies paysannes,...).« La prise de conscience de cette réalité a conduit progressivement le centre Antilles-Guyane à orien-ter la plus grande partie de ses actions vers la connaissance de l'environnement de l'agriculture deszones intertropicales, en rapport avec des stratégies de recherches adaptées au développement.« La connaissance des milieux devra déboucher sur leur protection et/ou sur une exploitation respec-tueuse de l'environnement. Les technologies proposées devront donc également répondre à ce dernierimpératif. »Ce bulletin rassemble les rapports présentés dans le cadre des journées de réflexion qui se sont dérou-lées du 14 au 18 mai 1991 : 3 rapports introductifs, 16 rapports thématiques touchant aux disciplines etaux départements investis sur le terrain et balayant des champs aussi variés que l'agropédologie, latechnologie des produits végétaux, l'hydrobiologie, la recherche forestière, etc., et 5 rapports décrivantles aspects institutionnels et les dispositifs de collaboration, constituent une somme qui décrit assezbien ce que l'on est en droit d'attendre d'une recherche qui, une fois quitté le confort douillet desgrandes incantations comme « développement », « développement soutenable », « respect del'environnement » et autres, sent bien que pour passer au concret, ce sont ses problématiques, sesobjets, ses méthodes et ses pratiques qu'il faut, si ce n'est mettre en cause, en tout cas sérieusementrevisiter.

P.L.Bulletin agronomique des Antilles et de la GuyaneINRA - CRAAG : BP 1232, 97185 Pointe-à-Pitre cedex3 numéros par an.

S. FilippiniL'homme incendié, roman1990, éd. Phébus, Paris, 380 pp.Vous connaissez Giordano Bruno ?C'est l'un des quelques protagonistes de cette période fantastique où le monde européen bascula : larupture galiléo-copernicienne. Le philosophe français contemporain qui connaît le mieux les thèses etla vie de ce rebelle brûlé à Rome en février 1600 a réinterprété, quatre siècles plus tard, les derniersjours du condamné. Il imagine une semaine consumée par l'écriture, le bilan, l'orgueil inflexible d'unhomme qui semble vouloir par son supplice, rendre irréversible l'évolution des idées, et ce faisant,réussit à ne laisser au bûcher qu'une enveloppe charnelle vide, sidérée en quelque sorte : dernier pied-de-nez à une Inquisition sans avenir.

(*) par G. Anaïs, président du Centre, dans « Problématique de recherche du centre INRA Antilles-Guyane ». pp. 3-5.

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Courrier de la Cellule Environnement de l'INRA n°16

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72 Courrier de la Cellule Environnement de l'INRA n° 16

Auparavant parcourant l'Europe, fuyant, G. Bruno avait fait chavirer ses contemporains et plus d'undes beaux esprits du temps. Il aurait croisé Montaigne dans sa campagne, Shakespeare dans sesbouges, Kepler dans ses étoiles... Comme un galopin inflexible et raisonneur, qui, persuasif tout autantque ludique, aurait suscité bien malgré lui des adeptes, des ligues, des séditions de l'esprit,...

Il faut dire qu'il se serait permis d'affirmer, il est vrai sur la base de prémisses théologiques : « Méditezbien ceci, mes amis : contrairement à celui d'Aristote, mon univers n'est fermé par aucune limite... »(ce à quoi et à Prague, Kepler aurait répondu, avouant implicitement le caractère ad hoc de sacontradiction : « C'est votre univers infini qui ne me plaît pas. Je crains que l'esprit ne s'épuise en vaindans cette immensité où il ne trouvera nul repos dans ses calculs, nulle halte, nulle borne pour leretour... ») et que d'autres anarchistes répétaient après lui : « Mon maître [...] a donné sa nécessaireextension à cette théorie (*) en affirmant que l'univers ainsi constitué ne pouvait être qu'infini, non pasfermé... ». Que la terre fût ronde, passe ; qu'elle ne fût pas au centre du monde était déjà difficilementacceptable. Mais que l'univers soit infini... Non !

Ca se lit comme un roman d'aventure et ça fait naître un je-ne-sais-quoi de tendresse pour Bruno.Reconstruit avec les risques et les choix inhérents au genre, le quotidien aventurier mais inséparablede la production du philosophe sonne comme un rapport d'Amnesty International.

P.L.

Les nitrates dans les vallées fluvialesFonctionnement des systèmes et activités humainesMinistère de l'Environnement-CNRS, Neuilly-Paris, 1991, 51 pp.Document du groupe travail PIREN nitrates constitué au sein du programme Vallées fluviales duCNRS réalisé avec le concours du ministère de l'Environnement (SRETIE).

Il s'agit d'un travail de synthèse qui, partant de l'étude de quatre systèmes de vallées (Garonne, Du-rance, Champagne, plaine d'Alsace), fait apparaître la nécessité de prendre en compte tous les aspectsde la dynamique des nitrates (spécificités physiques et biochimiques de l'écosystème concerné, modesde mise en valeur agricole, etc.) et, ainsi, aboutit à proposer un schéma méthodologique de diagnosticet de décision à valeur opérationnelle.

Les auteurs de cette brochure introduisent leurs études par un premier constat : la pollution croissantedes eaux souterraines, le dysfonctionnement quasi généralisé des systèmes aquatiques superficiels et laprise de conscience de plus en plus grande de ce phénomène par le biais de la pollution au travers del'altération de la qualité des eaux d'alimentation. Les auteurs portent ensuite leur attention sur une se-conde réalité : l'affirmation d'une volonté politique de restauration, de maintien et de protection de laqualité des eaux qui n'a pour l'instant comme principal résultat que la diminution partielle de la pol-lution occasionnée par les rejets ponctuels, alors que la nécessité d'engager des procédures visant à ré-duire la pollution diffuse à l'échelle du territoire se fait de plus en plus sentir.

Après avoir fait état de ces remarques préliminaires, les auteurs tentent de démontrer les principalescauses à l'origine de ce phénomène de pollution croissante. C'est ainsi qu'il est rappelé qu'une valléefluviale est tout d'abord le réceptacle des polluants drainés d'une façon ou d'une autre sur l'ensembledes bassins versants, que le seuil de tolérance de l'écosystème a été dépassé par une intensification ir-raisonnée de l'emprise humaine : endiguement des cours d'eau alluviale, déboisement, drainage desmarais, développement de la monoculture - en particulier de la céréaliculture - ont été effectués sansprendre en compte les capacités d'entraînement, de dilution et d'auto-épuration des milieux aquatiques.

La démarche préconisée par les auteurs pour venir à bout de cette pollution diffuse des vallées flu-viales par les nitrates est ensuite exposée. Elle procède de trois principes fondamentaux : la nécessitéd'une approche pluridisciplinaire permettant la prise en compte de tous les aspects du phénomène,l'approfondissement de la connaissance du fonctionnement des écosystèmes aquatiques au travers del'étude des transferts surface/nappes, enfin la conception d'outils d'aide à la décision au service desgestionnaires et des aménageurs de ces milieux.

(*) NDLR : celle d'Aristote.

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Courrier de la Cellule Environnement de l'INRA n°16

La nécessité d'une approche pluridisciplinaire : les auteurs entendent par là la prise en compte si-multanée et structurée des facteurs multiples intervenant dans la variabilité des teneurs en nitrates ob-servées dans les nappes alluviales. Il s'agit d'aborder conjointement et dans une même vue d'ensembletant l'étude des caractéristiques intrinsèques du milieu que celle des types d'activités humaines prati-quées. Les domaines concernés sont principalement la morphologie des vallées (essentiellement leprocessus de transport des alluvions), le contexte hydrologique (cartographie des flux longitudinaux,verticaux, obliques ou latéraux, superficiels ou souterrains), le contexte géologique et hydrologique(développement de sols plus ou moins hydromorphes en fonction de la position des différents maté-riaux par rapport au niveau des eaux souterraines et de surface), enfin l'occupation des sols(développement des cultures spécialisées, céréaliculture progressivement intensifiée au cours des cin-quante dernières années).

L'approfondissement de la connaissance du fonctionnement des écosystèmes aquatiques : ici,c'est essentiellement l'étude des transferts surface/nappes dont il est question : cette dynamique detransfert est particulièrement importante dans les zones alluviales en raison de la faible profondeur dutoit des nappes. Pour cela, les auteurs attirent notre attention sur l'existence de deux niveauxd'analyse : d'une part, connaître l'origine des nitrates dans les cours d'eau (source diffuses, sourcesponctuelles) ainsi que leurs répartitions au sein du système hydrographique (mise en évidence du rap-port forte teneur en nitrate / faible débit) et, d'autre part, connaître les facteurs déterminant la fuited'azote de la surface du sol vers les eaux souterraines (prise en considération de l'importance des ap-ports liés au type d'occupation des terres, de la nature du sol et du sous-sol, du volume del'écoulement). À l'interface transfert des nitrates-eaux de surface-eaux souterraines, on retrouve lephénomène de fluctuation de la nappe dans la plaine alluviale en fonction des périodes de l'année (larecharge de la nappe correspond à une augmentation du taux d'ions NO3, l'arrêt de l'infiltration à sadiminution).

Concevoir des outils d'aide à la décision au service des gestionnaires et des aménageurs de cesmilieux : les auteurs entendent par là souligner la nécessité d'établir un dialogue entre les gestion-naires, les aménageurs, les usagers et scientifiques pour une meilleure appréhension du phénomène.Les outils d'aide à la décision ainsi conçus passent essentiellement par le traitement cartographiquedans le but de délimiter les zones sensibles particulièrement touchées par l'augmentation des teneursen nitrates et de permettre ainsi un ajustement des types de cultures, des travaux culturaux, de la ferti-lisation et de l'irrigation. Les auteurs proposent également au service des aménageurs des traitementsinformatiques de données afin d'évaluer l'importance relative des différents processus inter-agissant etde dérouler des scénarios afin de simuler certains impacts et de rendre possible la mise au point deschémas de planification.

Claudine FerronDEA Sociétés rurales européennes (Agriculture-Environnement)

Université de Paris X. Nanterre

G. PerecCantatrix sopranica L. et autres écrits scientifiques1991, coll. « La librairie du XX e siècle », Editions du Seuil, Paris, 119 pp.Le documentaliste, technicien au CNRS, Georges Perec les connaissait bien, ses scientifiques, leurvanité, leurs règles, leurs contraintes et leurs mythes. Il est allé, dans ce petit ouvrage drôle, jusqu'àélever la parodie de communication scientifique non pas jusqu'à la satire, mais plus loin, ailleurs :jusqu'à en faire une méthode expérimentale s'appliquant à démonter le formalisme des écrits deshommes de science, le modèle sous-jacent et partagé quels que soient la discipline ou l'objet, leursymbolique et même leurs perversions.

Il le fait l'air de rien, laissant le neurone libre et fulgurant derrière le clin-d'oeil et le sourire en coin. Ille fait avec un égal bonheur, qu'il investisse le champ de la physiologie (dans un anglais authentique-ment scientifique, avec Expérimental démonstration of the tomatotopic organisation in the soprano(Cantatrix sopranica L.), celui de l'écologie, celui de la critique littéraire, ou d'autres encore.

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Evidemment le lecteur peut s'arrêter à la délectation du canular. Mais il y a mieux à tirer de cet opus-cule, qui devrait être périodiquement relu par quiconque appartient à des comités de lecture : un aver-tissement méthodique et clairement établi sur les risques d'une forme qui, élevée au rang de norme ab-solue, peut en arriver à faire passer pour vérifiée n'importe quelle thèse.

119 pages qui valent donc bien d'épais ouvrages d'épistémologie ou de sémiologie de lacommunication scientifique...

P.L.

P.-F. Tenière-BuchotL'ABC du pouvoir, Agir Bâtir Conquérir... et SourireAnalyse structurelle et tablier des pouvoirs ; méthode et pratique1989, les Editions d'Organisation, Paris, 235 pp.Aucune situation sociale ou institutionnelle - pas même celles que l'on peut rencontrer et vivre dans uninstitut de recherche... - n'est à ce point éthérée que les enjeux de pouvoirs n'y ont aucune place. Sitout n'est pas exclusivement pouvoir, tout y participe, tout en est plus ou moins instrument, à un mo-ment ou à un autre. Autant donc être en la matière clairvoyant et disposer de quelques repères métho-dologiques qui, en introduisant une distance, permettent non seulement de gérer et de maîtriser des si-tuations au mieux de ses enjeux personnels ou des missions dont sa structure a la charge mais aussi deraison garder, de contrôler l'exercice même des pouvoirs, d'en corriger les dérives, quelles qu'ellessoient, ou de résister à la fascination...Ce manuel de stratégie qui s'appuie sur l'analyse structurelle, a quatre buts principaux :- mieux comprendre et interpréter les mécanismes de pouvoir qui se développent dans des situationscomplexes ou conflictuelles ;- faciliter la détermination rapide de stratégies adaptées ;- faire réfléchir à l'exercice du pouvoir depuis sa conception jusqu'à ses implications pratiques ;- offrir aux formateurs un outil pédagogique.

Savant mélange de théorie, d'illustrations et d'humour, cet ouvrage ne s'adresse pas seulement aumonde de l'industrie et sa lecture paraît recommandée pour qui se trouve plongé dans des systèmescomplexes, où les antagonismes sont multiples et enchevêtrés, et dans des situations en transforma-tions fréquentes et rapides soumises à des équilibres instables. Ne trouve-t-on pas là, et entre autres,une bonne description du champ de l'environnement, que l'on envisage les aspects scientifiques, insti-tutionnels, sociaux ou politiques de la question ?

L'auteur n'est pas un inconnu : il est directeur de l'agence de l'eau de Seine-Normandie...P.L.

Y. KawabataLes servantes d'auberge1990, éd. Albin Michel, Paris, 235 pp.Parmi ces nouvelles écrites entre 1926 et 1931, Yasunari Kawabata, alors lancé dans une « tentatived'épuisement de l'expressivité de la langue japonaise » a glissé un texte qui surprend par sa capacitéprémontoire et la modernité de son questionnement : Illusions de cristal. Ces 43 pages, déroulées surle ton de l'anecdote dans un style limpide, sont datées de 1931. Elles parlent de l'univers domestique etpoudré de l'épouse stérile et délaissée d'un médecin généticien, et du quotidien de ce couple blessédont les références mêlent cultures traditionnelle et occidentale.

Ces pages débouchent insensiblement sur des interrogations qui laissent sur place le drame intime, ouplutôt relèvent jusqu'à des questionnements ontologiques et éthiques : ceux que pose la génétique ap-pliquée à l'homme...

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Suscitées par cette procréation inaccessible, toute une série de questions maintenant d'actualité sontévoquées, l'air de ne pas y toucher, avec une froideur clinique qui, quel que soit l'aspect envisagé(biologique, psychologique, historique ou éthique,...) les rend d'une simplicité incontournable. Un bonnombre ont pourtant dû, soutenues par un écrivain moderne et en 1931, être prises pour desénormités :« - Ne serait-ce pas bien si on pouvait trouver un moyen de faire naître un enfant en dehors del'utérus ? [...] »ou pour des incongruités indignes (à l'occasion d'une copulation programmée entre chiens à mémèreset à pédigrée) :« - Epoque féodale, monde de chiens ! Et pourtant je me demande si ce ne sont pas eux qui font faire

le plus de progrès à la science. Un bon croisement et voilà que l'eugénisme fait un pas en avant.L'homme, tout en connaissant l'eugénisme, ne peut en appliquer les lois sur lui-même et l'utilise pourl'amélioration des races d'animaux domestiques.« Madame marmonnait entre ses dents [...] »

Le cocktail culturel complexe dont « Madame » est presque, à son insu, le creuset et le porte-paroleaboutit même parfois à des sacrilèges prémonitoires :« La nature protège la mère. Si les femmes refusent de mettre au monde des enfants, pensant qu'il estpréférable de se venger de cette nature qui les a désignées exclusivement pour être traitées comme desfilles adoptives, elles deviennent l'objet des moqueries des hommes. Celui qui sait clairement qu'il vitpour sa descendance, c'est l'homme et celui qui sait clairement qu'il ne vit pas pour sa descendance,c'est aussi l'homme. A ces deux types de situations, correspondent deux types de sentences divines. Lareligion et l'art, voilà deux domaines où l'on naît avec l'intention de ne pas vivre pour sa descendance.Ainsi, vous voulez fabriquer des enfants artificiels parce que vous rêvez de revenir au monde sans vied'avant la Genèse. Vous prendrez le chemin sinueux de la science qui conduit au fleuve glacé de lamort. [...] »

En 1931, Y. Kawabata donne l'impression qu'il perçoit qu'il ne sera pas immédiatement compris. Ilpousse même le lecteur à ne pas s'arrêter au babillage fou d'un être frustré :« Voilà ce que dit un jour Madame à son époux, élucubrations sans queue ni tête qu'elle seule compre-nait et qu'elle se faisait un plaisir à déclamer comme si ce bavardage insipide s'était accumulé au fondde son coeur... »II livre pourtant sa réponse :« Si le monde devenait un pays de conte de fées, où les chiens pourraient donner naissance à despaons, il n'y aurait plus de genre humain ! ».« [...] regarde de haut son époux droit dans les yeux, d'un air enjôleur :- A quelle recherche t'es-tu livré, aujourd'hui ? Ah ... cette odeur !Madame sentit monter un flot de joie du plus profond de sa frigidité :- L'être humain ?... Ne serait-ce pas plutôt un prisonnier condamné à mort ?... »

Tout cela n'est loin ni des réflexions de Michel Serres (« Nous maîtrisons le monde et devons doncapprendre à maîtriser notre propre maîtrise » (*) ni de celles de Jacques Attali : « Or, l'homme lui-même n'est rien d'autre qu'un organisme particulièrement complexe. On ne peut exclure que certainssouhaitent un jour le breveter pour rentabiliser des manipulations génétiques capables de la modifier.Pour long que soit le chemin menant à de telles abominations, l'humanité s'y est déjà largement enga-gée. [...] Folie de nomade où se dissoudra la distinction entre l'homme et l'artefact, entre la culture et labarbarie, entre la vie et la mort, entre le Sacré, la Force et l'Argent. » (**)

1931 ... Des Illusions de cristal, disait-il !P.L.

(*) Le Monde. 21 janvier 1992.(••) J. Attali, Lignes d'horizon, Fayard. 1990, pp. 175 et sqq..