observatoire de l'asie du nord-est - septembre 2008-août 2010 - céline pajon, valérie niquet

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  • 8/8/2019 Observatoire de l'Asie du Nord-Est - Septembre 2008-aot 2010 - Cline PAJON, Valrie NIQUET

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    Observatoirede lAsie du Nord-EstSeptembre2008-aot 2010

    Valrie Niquet

    Cline Pajon

    Dcembre 2010

    Centre Asie

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, dinformation et de dbat surles grandes questions internationales. Cr en 1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est uneassociation reconnue dutilit publique (loi de 1901).

    Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits et publiergulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarche interdisciplinaire,dcideurs politiques et experts lchelle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un des rares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit des auteurs.

    ISBN: 978-2-86592-807-1 Tous droits rservs, Ifri, 2010

    Site Internet : Ifri.org

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    Tl. : + 33 (0)1 40 61 60 00Email : [email protected]

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    Ces notes ont t rdiges dans le cadre

    de lObservatoire stratgique de lAsie du Nord-Est,

    conduit avec le soutien de la Dlgation aux affaires stratgiques

    (DAS) du ministre de la Dfense franais.

    L'Observatoire de l'Asie du Nord-Est a pour objectif d'assurerun suivi stratgique rgulier de la zone. Il s'agit la fois de suivre les tendances lourdes

    d'volution et de coller une actualit stratgique particulirement riche.

    AVERTISSEMENT

    Ces notes nont pas t actualises: elles offrent lanalyse des auteurs,

    linstant de la rdaction, sur la thmatique aborde.

    Pour cet exercice, les rfrences et notes de bas de pages sont rduites leur minimum.

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    SOMMAIRE

    JAPON : DIFFICULTES INTERIEURES, DEFIS EXTERIEURS ............. 2CHINE-PAKISTAN : DES RELATIONS COMPLEXES ........................ 9 DERRIERE LES SOURIRES, ON CACHE UNE DAGUE OU LESDIFFICULTES DU PARTENARIAT STRATEGIQUE SINO-RUSSE ....... 19JAPON-IRAN : LA TENTATION DE LA LIBERTE............................ 27LES ENJEUX DE SECURITE EN CHINEDES REPONSESCOMPLEXES A UNE SITUATION STRATEGIQUE INCERTAINE........ 32LES DEMOCRATES AU POUVOIR : LALLIANCE NIPPO-AMERICAINE EN DEBAT............................................................ 42LE RETOUR DU JAPON EN ASIE : UNE DIPLOMATIE DEPUISSANCE MOYENNE ? .......................................................... 51

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    nationaliste, qui avait lui-mme annonc brutalement son dpart, pour raison desant, en septembre 2007. En ralit, les deux Premiers ministres ont souffert desmmes maux : un manque de popularit criant, li pour Abe un agenda politiquetrop loign des proccupations des Japonais, et pour Fukuda, un manque deleadership et son incapacit mettre en uvre les rformes structurelles face uneopposition politique trs dtermine.

    Depuis lchec historique du Parti libral dmocrate (PLD) la Chambre haute enjuillet 2007, le parti dmocrate (PDJ) dOzawa Ichiro sapplique en effet ralentir leprocessus lgislatif en sopposant presque systmatiquement aux projets de lois dugouvernement. Cette crise met en lumire les limites du systme politique japonais,

    caractris par un rgime sclros, bas sur le clientlisme, la collusion des intrtspolitiques, administratifs et industriels et le maintien au pouvoir de dynastiespolitiques au sein du PLD.

    Pour nombre dlecteurs, le PLD est le pivot dun systme politique aujourdhuidpass. Le vieux parti peine dailleurs se restructurer depuis que le Premierministre Junichiro Koizumi a fait exploser le systme des factions pour forcer satransformation. Lclatement du parti et une recomposition majeure du paysagepolitique, comme celle qui sest opre au milieu des annes 1990, sont aujourdhuiun scnario envisageable. Dautant plus que larrive au pouvoir de Taro Aso le 22septembre dernier na pas permis de doter le gouvernement PLD dun soutien

    populaire fort.Aprs avoir laiss entendre quil organiserait des lections anticipes courantnovembre, le Premier ministre Aso a jug que la gestion de la crise financirerequrait un pouvoir excutif stable. Le contexte conomique est galement un bonprtexte pour reporter des lections qui sannoncent difficiles pour le PLD. La cte depopularit du gouvernement Aso baisse en effet rgulirement et se situeactuellement 40 %. Lopposition dmocrate, qui stait engage cooprer sur leprocessus lgislatif en change de la promesse dlections rapides pourrait doncdurcir son action. Une stratgie dobstruction systmatique serait pourtant peruecomme contre-productive dans le contexte de crise financire actuelle. Le PDJpourrait toutefois mettre en difficult le gouvernement en retardant nouveauladoption de la loi antiterroriste autorisant le dploiement des forces japonaises danslocan Indien en appui lopration Enduring Freedom .

    Alors que le Japon est confront des dfis croissants sur la scne internationale etque sa contribution est de plus en plus attendue, le systme politique savreimpuissant faire merger des orientations claires en matire diplomatique et dedfense.

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    LE DIFFICILE VOTE DE LA LOI ANTITERRORISTE

    Pour la seconde fois, le gouvernement bataille pour faire adopter une loi prolongeantdune anne les activits de ravitaillement des forces dautodfense (FAD) maritimesdans locan Indien. La majorit estime que le Japon ne doit pas se dsengager de lalutte antiterroriste, ajoutant que la prsence de btiments japonais dans locan Indienest galement essentielle pour la protection des routes maritimes dont dpendent lascurit et lconomie de larchipel. Reste que lopposition dmocrate souhaiterestreindre les possibilits dintervention militaire hors du cadre de lONU, comme le

    souligne leur proposition de loi concurrente qui suggre denvoyer des soldats desforces dautodfense pour contribuer aux activits de la Force InternationaledAssistance la Scurit (FIAS), fonde, contrairement Enduring Freedom , surune rsolution du Conseil de scurit des Nations unies.

    Ces difficults nuisent leffort dengagement du Japon sur la scne internationale et sa cohrence. En novembre 2007, lchec du gouvernement faire voterrapidement le renouvellement de la mission des FAD avait ainsi eu pour consquencele rappel des hommes et linterruption pour quelques mois des activits deravitaillement. Dans ce contexte, les partisans de ltablissement dune loipermanente sur le dploiement ltranger des forces dautodfense dans le cadre

    dactivits de coopration internationales sont aujourdhui plus couts1

    . Le dernierrapport annuel sur la dfense du Japon publi le 5 septembre 2008 appelle ltablissement dune loi gnrale , qui permettrait le dploiement rapide et effectifdes troupes japonaises, en rglant de faon permanente les conditions dun teldploiement et la palette des missions des FAD. Le Premier ministre Aso sestgalement dclar en faveur de ladoption dune loi permanente de ce type , sanstoutefois annoncer de calendrier. Les opposants cette loi redoutent, de leur ct,quelle naffaiblisse les contrles constitutionnels sur lutilisation des forces armes.

    1Lide dune telle loi nest pas neuve. Elle a fait lobjet dun rapport en dcembre 2002 de la part du Groupe consultatif sur la coopration internationale pour la paix , puis dune publication enoctobre 2004 du Conseil sur les capacits de dfense et de scurit , deux groupes tablis au sein duCabinet du Premier Ministre Koizumi.

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    LA LABORIEUSE REFORME DU MINISTERE DE LA DEFENSE

    La transformation de lagence de Dfense en ministre le 1erjanvier 2007 ne sest pasaccompagne dune restructuration en profondeur de son organisation, mis partquelques amnagements2 apports en septembre 2007. Or, une succession descandales lis la corruption (inculpation et condamnation de Moriya Takemasa, n 2de lagence de Dfense de 2003 2007; rvlation dattributions frauduleuses demarchs publics), de dysfonctionnements lis la chane de commande (lors delaffaire du destroyer Atago, dont une manuvre a provoqu le naufrage dun bateau

    de pche) et la mauvaise gestion des informations classifies (dont la rcentecondamnation dun membre des FAD pour avoir transmis une information classe secret spcial 3 concernant le systme Aegis), a contraint les autorits prendredes mesures pour accrotre lefficacit et le professionnalisme au sein du Ministre dela Dfense. Lintroduction et le quatrime chapitre du dernier rapport annuel sur ladfense sont ainsi consacrs au projet de rforme du ministre, qui a fait lobjet denombreux dbats au sein du gouvernement4.

    Les conclusions du rapport annuel reprennent en partie celles du Conseil pourrformer le Ministre de la Dfense , tabli au sein du cabinet du Premier ministre endcembre 2007.

    Pour remdier aux dysfonctionnements, laccent est mis sur le renforcement de latransparence dans les procdures de passation de marchs publics, la meilleureprotection des informations sensibles et la plus grande efficacit dans lexcution desmissions, grce la coopration encourage entre le personnel civil et militaire.

    Pour atteindre ces objectifs, plusieurs pistes de rformes sont proposes afin demettre en place un contrle civil moderne et effectif. Il sagit notamment de

    2 Les principaux changements ont t : la disparition de lAgence de gestion des installations de dfenseet lintgration de ses fonctions au sein du ministre, ltablissement dun inspecteur gnral auprs duministre, le renforcement des capacits de planification politique du bureau interne et ltablissement debureaux dcentraliss pour la dfense.3Il sagit de la premire condamnation dun membre des FAD japonaises pour avoir divulgu uneinformation secret spcial , cest--dire protge dans le cadre dune disposition du Trait de scuritnippo-amricain ajoute en 1954.4 La vision ambitieuse de la rforme promue par le ministre de la Dfense et le ministre Ishiba, qui arendu en mai 2008 ses propositions sous la forme de cinq mots cls sest heurte lapproche plusmesure du conseil form au sein du cabinet du Premier ministre. Le dsaccord concerne entre autres ledegr dintgration et de fusion entre le personnel civil et le personnel en uniforme.

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    renforcer la fonction de planification du Cabinet du Premier ministre5 et accrotre lescapacits de renseignement, danalyse et de prise de dcision du ministre de laDfense (conseill par des assistants civils et militaires nomms) et du Bureau pour lapolitique de dfense au sein du ministre. Ltat-major interarmes superviselexcution des oprations et reoit ses ordres du Ministre. Il intgre les fonctions duBureau pour la politique oprationnelle (entirement civil) qui est supprim. Enfin, lesdpartements civils et militaires en charge des passations de march sont intgrs.

    Il sagit notamment dtablir une relation plus quitable entre civils et militaires, enaccordant ces derniers un rle plus important dans la direction oprationnelle, touten renforant le contrle politique.

    La formulation et la mise en application de cette rforme souffrent toutefois delinstabilit politique : pas moins de six ministres de la Dfense se sont succddepuis janvier 2007. Shigeru Ishiba, qui soutenait une rforme encore plusambitieuse6, na pas survcu au remaniement ministriel du mois daot 2008.

    LETAT DE LALLIANCE AVEC WASHINGTON

    La frustration grandissante et les attentes dues des deux cts du Pacifique ontmen une dgradation gnrale des relations entre les deux allis.

    Washington, qui souhaite un plus grand engagement du Japon dans la lutte contre leterrorisme, est frustr par linstabilit politique japonaise qui met mal la poursuitedes activits de ravitaillement du Japon dans locan Indien. De mme, la patience deWashington est mise lpreuve par lincapacit de Tokyo mettre en uvre lafeuille de route sur le redploiement des troupes amricaines, notamment Okinawa.

    De son ct, le Japon, sest senti presque trahi par la dcision amricaine le 11octobre dernier de retirer la Core du Nord de la liste des tats soutenant le

    terrorisme. Malgr la raffirmation du soutien amricain quant laffaire des

    5Par llaboration rgulire de stratgies de scurit nationale, comparable au Livre blanc sur la dfensefranais, des consultations avec les ministres de la Dfense et des Affaires trangres et la nominationdun conseiller sur les affaires de scurit.6Sa rforme prvoyait la rorganisation gnrale du ministre et lintgration totale des civils et desmilitaires en trois services principaux : la passation des marchs publics ; le commandementoprationnel des troupes ; la formulation de la stratgie (policymaking) et les relations publiques.

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    kidnapps japonais, Tokyo, du fait de sa position dure vis--vis de Pyongyang, seretrouve de facto isol. Sans sopposer la progression des Pourparlers six sur ladnuclarisation, le Japon sest toutefois refus fournir une assistance nergtiqueau rgime nord-coren. Le Premier ministre Aso a prolong les sanctions commer-ciales vis--vis de la Core du Nord et annonc que laffaire des kidnapps continue -rait faire lobjet de ngociations.

    Cet pisode renforce le sentiment plus global de mfiance Tokyo, qui craint moyen terme la dsaffection amricaine son gard et un rapprochement entre lestats-Unis et la Chine.

    PERSPECTIVE : LA RELATION NIPPO-AMERICAINEVUE PAR LES DEMOCRATES

    Les autorits et les mdias japonais sont rests prudents aprs lannonce de lavictoire de Barack Obama aux prsidentielles amricaines. En effet, les dmocratessont perus au Japon, comme moins favorables aux milieux daffaires et plusprotectionnistes. Tokyo redoute galement le tropisme chinois rel ou suppos delquipe dObama et la poursuite dune politique douverture envers la Core du Nord(Joseph Biden, futur vice-prsident, et Madeleine Albright, dans lentourage dObama,sont partisans du dialogue avec Pyongyang). Tokyo sattend aussi ce que laprochaine administration amricaine lui demande un engagement plus important surle terrain afghan, ce qui pourrait constituer une nouvelle source de frictions. Lesautorits japonaises attendent donc la raffirmation par ladministration Obama de lapriorit accorde son principal alli asiatique.

    Les conseillers du futur prsident amricain (notamment Frank Jannuzi) avaientannonc que Barack Obama souhaitait dvelopper lalliance avec le Japon et larecentrer sur des questions de scurit non-militaire : environnement, sant, non-

    prolifration, tout en conservant le noyau militaire indispensable pour la stabilit de largion. Ragissant llection de Barack Obama, Taro Aso a appel au renforcementde lalliance et la coopration des deux pays sur les grandes problmatiquesinternationales : conomie, terrorisme, environnement. Il est donc probable de voir lespartenaires tendre leur coopration sur la lutte contre le rchauffement climatique(notamment par le dveloppement des nergies renouvelables) et la lutte contre leterrorisme, notamment en Afghanistan.

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    Quid de lventualit dune administration dmocrate au Japon ?Certains analystes Tokyo semblent considrer que llection novatrice deBarack Obama pourrait avoir un effet dentranement dans larchipel et contribuer auxchances de victoire du parti dmocrate japonais (PDJ) en cas dlections anticipes.Mais au-del de cet effet dimage ou de gnration, des divergences subsistent surlavenir de lalliance et le rle de larchipel.

    Sil souhaite accrotre la contribution du Japon sur la scne internationale, notammentpar le dploiement des forces dautodfense, le PDJ entend restreindre ces activitsau cadre strict de lONU. La participation logistique japonaise aux coalitions etoprations emmenes par les tats-Unis sans mandat onusien clair deviendrait alors

    impossible. Sur la question des bases amricaines au Japon, et notamment Okinawa, le parti plaide pour une rduction de grande ampleur des basesconditionne des changements dans lenvironnement stratgique . En premierlieu, le PDJ demande la rvision du statut des forces amricaines (SOFA-Status ofForces Agreement), puis la rtrocession dinstallations militaires et davantage detransparence dans la manire dont la contribution financire du Japon aux bases(Host Nation Support) est utilise. Les orientations diplomatiques du PDJ semblenttoutefois peu ralistes car elles nabordent pas la question de limpact de cesdemandes sur lalliance avec Washington. Ces positions qui laissent prsager undurcissement des relations nippo-amricaines sous une administration PDJ refltent

    en ralit le peu de connexions qui existent actuellement entre les dmocratesjaponais et amricains.

    La crise de la dmocratie japonaise, si elle entrave actuellement laction du Japon surla scne internationale, constitue galement une opportunit indite de profondrenouvellement politique. La mise en uvre de la rforme du Ministre de la Dfenseet la rdaction de nouvelles orientations stratgiques (NDPO-National DefenseProgram Outline) en 2009 auront valeurs de test pour le futur positionnement dedfense de larchipel. La relation nippo-amricaine continuera de dpendre en grandepartie des facteurs de politique intrieure. Une priode dincertitude souvre donc. Ellepeut mener des turbulences, mais elle peut galement tre loccasion dunerorientation de lalliance pour mieux rpondre aux dfis de scurit du XXI e sicle.

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    CHINE-PAKISTAN :DES RELATIONS COMPLEXES

    ValrieNiquet

    Dcembre 2008

    Le premier ministre pakistanais, Asif Ali Zardari, entour dune importante dlgationcompose du ministre des Affaires trangres, ministre de la Dfense, ministre desFinances, et ministre de lEnvironnement, sest rendu en Chine du 14 au 17 doctobre2008 pour sceller les liens ternels dune amiti weatherproof 7.

    Pour la premire visite du nouveau prsident pakistanais ltranger, cest lepartenaire chinois qui a t choisi, en mmoire de sa femme et de son beau-pre,Benazir et Zulfikar Ali Bhutto, initiateurs dune amiti sino-pakistanaise fonde sur unequasi-alliance stratgique contre lInde et son alli sovitique lpoque de la guerre

    froide8.Comme pour mieux marquer la vigueur de cette amiti, douze accords ont t signs loccasion de cette visite, dans les domaines de la coopration conomique ettechnique, des infrastructures, des technologies de linformation, de lnergie, destlcommunications, de lagriculture, de lexploitation des minerais, des changescommerciaux, de la gestion des catastrophes naturelles, du spatial et delenvironnement.

    Un accord-cadre de 300 millions de dollars a t sign pour la construction dun complexe lectronique . La China Great Wall Industry Corporation9, entreprisedtat travaillant dans le domaine spatial, et bras commercial de lindustrie

    arospatiale en Chine, a sign un contrat de lancement dun satellite pakistanais de labase de Xichang en 2011. Dans le secteur de lenvironnement, les accords portent

    7Zardari Visits Cements all Weather Relationship, China Daily, 16 octobre 2008.8Amiti qui sest notamment traduite par une coopration troite dans le domaine nuclaire.9 En 1991, la CGWIC avait t soumise des sanctions par le gouvernement Bush en raison de sesexportations de missiles en direction de lIran et du Pakistan.

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    notamment sur le traitement des dchets, secteur dans lequel la Chine est aujourdhuiforte dun savoir faire acquis auprs des entreprises trangres implantes de longuedate sur son propre territoire. Enfin, les deux parties ont annonc leur volontdacclrer lachvement du plan quinquennal de dveloppement de la cooprationconomique entre la Chine et le Pakistan, et de porter le montant des changes, quiatteint 7 milliards, 15 milliards de dollars en 2010.

    Au-del de cette dimension conomique qui occupe une place croissante dans lacoopration entre la Chine et le Pakistan, la dimension politico-stratgique est loindavoir disparu, mme si, sur ces thmatiques, les liens comme nous le verrons, ontpu se distendre. Pkin a rappel loccasion de cette visite, quil soutenait les efforts

    du Pakistan pour protger sa souverainet, dans un rappel discret de la question duCachemire.

    Sujet plus politiquement correct que la coopration militaire traditionnelle entre lesforces armes pakistanaises et chinoises, le renforcement de la coopration dans ledomaine de la lutte antiterroriste a t galement mentionn lors de la visite duPrsident Zarfari. La RPC fournit au Pakistan du matriel de lutte antiterroriste, lePakistan, de son ct, a particip lentranement de troupes chinoises spcialises.

    Au niveau politique, le prsident Zardari sest rendu en Chine alors que sa positionapparat comme fragilise face lArme et lISI ( Inter-Services Intelligence) quipeuvent se sentir menacs par ses volonts de rforme et un approfondissement de

    la politique de rapprochement avec lInde, sous les auspices de Washington. En allant Pkin, ami traditionnel du Pakistan, et qui surtout continue dentretenir des liens trstroits avec larme pakistanaise, le Prsident pakistanais va chercher, aussi, uneforme de lgitimit intrieure.

    DES LIENS TOUJOURS ETROITS

    Les liens entre Pkin et Islamabad demeurent donc troits, et il sagit de raffirmeravec force la volont commune de les renforcer, dans tous les domaines, et doffrirlimage dun front uni et sans faille lensemble des observateurs, commencer parlInde et son nouvel ami amricain . Ces liens anciens continuent en effet dereposer sur le fort dnominateur commun dune mme mfiance face LInde et auxtats-Unis, chacun des deux partenaires soutenant lautre dans sa stratgie derenforcement de son influence au niveau rgional.

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    La Chine a ainsi contribu lentre du Pakistan au sein de lASEAN Regional Forum(ARF) pour quilibrer celle de lInde, alors que le Pakistan favorisait lentre de laChine en tant quobservateur au sein de la SAARC (South Asian Association ofRegional Cooperation) en 2005. Pkin de son ct avait travaill faire accorder lemme statut au Pakistan au sein de la SCO (Shanghai Cooperation Organisation)pendant que la Russie, suivant danciennes lignes dalliance, soutenait la candidatureindienne. Le jeu quasi-mcanique des alliances datant de la guerre froide, et plusencore de la rupture sino-sovitique, continue donc de fonctionner en dpit desdngations officielles.

    Mais les bnfices des alliances anciennes se doublent aujourdhui dune vritable

    dimension dintrt conomique, qui, pour la Chine notamment, vient consid-rablement les renforcer.

    LECACHEMIRE ET LE DESENCLAVEMENT DUXINJIANG

    La route du Karakorum, en partie construite par la Chine et le Pakistan sur une portion duterritoire du Cachemire cde en 1963 par Islamabad Pkin, officiellementoprationnelle depuis 1978, joue un rle de plus en plus important dans les stratgies dedsenclavement du Xinjiang, dont les frontires sont plus de 4 000 km des ctes

    chinoises mais 2 500 km seulement des ctes pakistanaises. La monte enpuissance de lintrt commercial de la route du Karakorum date du milieu des annes1980, accompagnant lacclration des rformes conomiques en Chine et ledveloppement des changes frontaliers. Elle sinscrit aussi dans la volont pakistanaiseet chinoise de crer un pont en direction de lAsie centrale avec la signature dun accord,en 1995, regroupant la RPC, lAfghanistan, et le Tadjikistan.

    Pkin a galement sign en 2006 un nouvel accord avec le Pakistan, sur la moder-nisation de la route grce loctroi de prts chinois. Cette voie deviendrait alors praticabletoute lanne, renforant sa dimension de voie de communication commerciale terrestre,mais aussi son importance stratgique pour une Chine soucieuse daccrotre les

    capacits de contrle de son propre territoire, au Xinjiang comme au Tibet.Le point de passage de cette autoroute de lamiti entre le Pakistan et la Chine apris une importance nouvelle en matire dchanges commerciaux, avec les projetsde faire de la passe de Khunjerab une zone dchange entre le Xinjiang et lePakistan. La Chine encourage galement, ct pakistanais, le renforcement desinfrastructures de transports, routes, chemins de fer, mais galement plus longterme oloducs et gazoducs en direction des ctes de locan Indien.

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    Dans le mme temps, la RPC a particip la modernisation des ports de Karachi etde Qasim et construit aujourdhui le port de Gwadar ainsi quune voie de chemin defer permettant de rejoindre ces nouvelles infrastructures portuaires, offrant un dbou-ch lensemble de lOuest chinois, dont lintgration repose aussi sur le dveloppe -ment conomique10.

    UNE DIMENSION ECONOMIQUE CROISSANTE

    La dimension conomique des relations entre Pkin et Islamabad sest renforceavec lacclration de la stratgie douverture et dencouragements aux investisse-ments extrieurs de la RPC. Comme sur le continent africain, en Amrique latine ouen Asie centrale, la Chine bnficie en effet davantages comparatifs considrablesen termes de cots et de capacits dinvestissement en zone de risque, au moinsjusqu une priode rcente.

    Le Pakistan encourage les investissements chinois dans des domaines aussi varisque lexploitation des mines, la construction dinfrastructures routires, ferroviaires oude systmes de tlcommunication. Des taux dimposition prfrentiels sont accor-ds, des investissements qui sont bien souvent financs, aussi, par les prts chinoisaccords aux entreprises qui choisissent de simplanter au Pakistan.

    Allant peut-tre au-del de la dimension strictement conomique, bien que la Chineen matire de prolifration ait choisi dadopter une attitude plus vertueuse , lacoopration dans le domaine du nuclaire civil se poursuit, avec les projets dedoublement des racteurs de la centrale nuclaire de Chashma, elle-mme construitegrce laide de la RPC dans les annes 1970. La deuxime tranche pourrait treoprationnelle en 2011. Si la coopration dans le domaine du nuclaire militaire,depuis le dmantlement du rseau Khan est plus difficile tablir, la vigueur deschanges militaires et limportance des intrts stratgiques en jeu, peut laissersupposer quen dpit dune trs grande prudence de la part de Pkin face auxpressions occidentales, cette coopration se poursuit, au moins en matire de

    formation et dassistance technique.Au niveau conomique, lengagement de la Chine permet aussi dans une certainemesure Islamabad dchapper lemprise et aux pressions des tats-Unis,

    10 Au-del, cest une compagnie chinoise de Hong Kong qui dtient aujourdhui la concession du port duPire, permettant dtablir une continuit au moins conomique entre la Chine, le Pakistan et une Europecentrale qui intresse aussi fortement les investisseurs et les fournisseurs chinois.

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    principaux soutiens financiers du rgime. Il est possible toutefois que, en dpit dedclarations officielles allant dans un sens oppos, larrive au pouvoir du PrsidentZardari modifie la donne.

    UNIS COMME LES LEVRES ET LES DENTS

    La Chine manifeste lgard de la stratgie nationale du Pakistan une grandeprudence, particulirement depuis laffaire de Kargil, en 1999, et nest jamaisintervenue directement dans les conflits qui ont oppos plusieurs reprises lePakistan lInde. En dpit de cette prudence, la Chine a pes, sa manire, enfaveur de son alli pakistanais. Les changes de renseignement, le recours dven-tuelles gesticulations militaires, le maintien dun degr suffisant de tension avec lInde,le renforcement des infrastructures routires et ferroviaires au Tibet, des incursionsmilitaires rgulires, qui interdisent lInde de totalement dtourner son dispositifdfensif de sa frontire avec la Chine, se sont poursuivis.

    En change, le Pakistan offrirait la Chine des facilits en matire dcoute, prs dunouveau port de Gwadar notamment, qui permettent la RPC dassurer une surveil-lance de locan Indien, principale route maritime en direction des pays du Golfe et delAfrique o les intrts nergtiques de la Chine se sont considrablement renforcs.

    Mais la Chine peut galement avoir accs, grce son alli pakistanais, destechnologies de pointe dans le domaine militaire, acquis par le Pakistan auprs deses fournisseurs occidentaux, amricains et franais notamment, tels que latechnologie de propulsion MESMA du sous-marin Hazna (Agosta 90 B-DCNS) dont lepremier essai a eu lieu au mois de septembre 2008, mais galement les chasseursF16 fournis par les tats-Unis larme pakistanaise.

    La coopration militaire est donc trs troite avec larme pakistanaise, tissant desliens qui peuvent assurer une certaine continuit, mme en cas dvolution moinsfavorable du pouvoir politique au Pakistan, comme cela semble le cas aujourdhui.Les visites des ministres de la Dfense, chef dtat-major et responsable des servicesde renseignement chinois et pakistanais sont rgulires.

    En 2006, Cao Gangchuan en visite Islamabad, a ainsi raffirm sa volont derenforcer encore les liens entre les deux armes. Trs clairement, si la Chine a puexprimer des doutes quant la stabilit de son alli pakistanais, Pkin refuse detourner la page dune alliance qui continue de servir ses intrts. La RPC a ainsi offerten 2006 un prt de 100 millions de yuans (15 millions de dollars) pour contribuer lamodernisation des forces pakistanaises. La Chine fournit au Pakistan du matriel

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    terrestre (chars), naval et arien. La Chine et le Pakistan ont men bien plusieursprojets de construction en commun dun appareil dentranement K8 et du chasseurJF17, moyen l encore pour la Chine daccder aussi aux technologies occidentalesdont le Pakistan a t le bnficiaire.

    Les programmes de formation rciproques sont galement trs actifs, nourrissant lesliens troits, personnels, qui existent entre les forces chinoises et pakistanaises.

    TENSIONS SOUS

    -JACENTES

    DES FRUSTRATIONS MAL DISSIMULEES DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE

    Si les changes se sont dvelopps, le communiqu commun sign lors de la visitedu Prsident Zarfari, souligne galement la ncessit de dvelopper la cooprationsur une base saine , indiquant ainsi, sur un ton trs diplomatique, les tensions sous-

    jacentes qui psent sur la relation sino-pakistanaise.Les relations conomiques sont en effet caractrises par un trs grand dsquilibrequi pse sur la partie pakistanaise. Les firmes chinoises sont trs prsentes dans lesinfrastructures, sur un modle que lon retrouve dans nombre de pays en dvelop-pement o la Chine a choisi de sinvestir, commencer par le continent africain. LaChine est galement intresse, dans le domaine des technologies de linformation,par un savoir-faire sud-asiatique quelle recherche au Pakistan, puisque lInde se veutplus prudente dans le partage des technologies qui permettraient Pkin de comblerson dficit en matire de software.

    En dpit des encouragements officiels la coopration, certains analystes pakistanais

    sinquitent galement de la mainmise chinoise sur lexploitation des matires pre-mires et du minerai (charbon zinc, cuivre, plomb) au Pakistan. Les chinois sont eneffet les seuls disposer la fois du savoir-faire et de la volont de simplanter sur unterrain difficile abandonn des grandes compagnies occidentales. Pkin est gale-ment prsent, comme en Afrique, dans le secteur de la production agricole

    Surtout, si le Pakistan fournit essentiellement des matires premires, la Chinefournit, elle, des produits manufacturs et de consommation courante, machines-

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    outils, locomotives, matriel lectrique, textile, matriel de bureau. qui viennent direc-tement concurrencer les productions pakistanaises. Depuis la leve de lembargo surles produits textiles, le Pakistan sest trouv par ailleurs directement confront, sur lesmarchs extrieurs et le march europen, aux produits chinois. Un accord de libre-change, sign en 2007, portant sur les marchandises et les investissements, tenduaux services en 2008, na pas vritablement permis de rquilibrer ces changes

    Dans ses dclarations, le Prsident Zardari a donc soulign sa volont daccorder lapriorit lapprofondissement des relations conomiques, sous-entendant unevolont de rquilibrage, alors que la partie chinoise de son ct mettait en avant lesdeux lments conomique et stratgique, cette dernire dimension demeurant

    essentielle pour Pkin.Par ailleurs, les attentes pakistanaises en termes dinvestissements de la part de laChine reposent sur une vision trs positive dune puissance conomique chinoiseparticulirement dynamique. Cette image positive est soigneusement cultive parPkin auprs de ses partenaires moins favoriss, pour renforcer le prestige inter-national de la Chine, et sa capacit dinfluence. Mais ces attentes pourraient tredues, les investissements chinois au Pakistan pourraient en effet se voir remis encause par la crise conomique que la RPC traverse comme le reste du monde, et quilui impose, au moins pour un temps, de rorienter les investissements vers sonpropre march intrieur.

    Paradoxalement, si les relations avec lInde demeurent tendues sur le plan strat -gique, les relations conomiques entre Pkin et New Delhi sont aujourdhui beaucoupplus dynamiques quentre Pkin et Islamabad. Alors que les changes commerciauxavec le Pakistan ne dpassaient pas 7 milliards de dollars en 2007, la Chine estdevenue le premier partenaire commercial de lInde et les changes atteignaient dansle mme temps 40 milliards de dollars. La Chine souhaite galement renforcer sesinvestissements en Inde, et ce sont plutt les rticences indiennes qui viennentaujourdhui les limiter. Islamabad ne peut que sinquiter de ces infidlits de sonpartenaire chinois.

    LES LIMITES DU PARTENARIAT STRATEGIQUE

    Au niveau stratgique, les dclarations communes insistent sur la solidit duneamiti plus forte avec chaque bouleversement du systme international rgional etchaque changement interne , comme pour mieux conjurer les risques de dgra-dation des relations entre les deux pays. La Chine, en dpit dune vision

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    stratgique qui la pousse prserver des liens troits avec le Pakistan, sinquitede linstabilit qui stend lensemble du territoire. Longtemps protg par son statutdalli indfectible du Pakistan, Pkin a t plusieurs reprises victime dattaquesprovenant soit de groupes islamistes sur des chantiers hydrolectriques dans lesprovinces du Nord-Ouest ou Islamabad, soit de nationalistes Baloutches qui se sontattaqus une quipe dingnieurs et de techniciens.

    Limage de la Chine, traditionnellement perue comme un alli fidle contre lInde, ycompris par les mouvements islamistes officiels, ne la protge donc plus des attaquesde groupes plus radicaux qui y voient un acteur extrieur et corrompu au mme titreque les puissances occidentales. La prise en compte du sort des musulmans chinois,

    particulirement au Xinjiang, semble galement stre renforce au sein de cesgroupes radicaux, la faveur notamment de la multiplication des contacts et delacclration des communications. Limage de la Chine, particulirement avec ledveloppement dune immigration chinoise pauvre, travaillant notamment dans les industries du spectacle , sest donc dgrade ou normalise . Devant la pertede face provoque par ces attaques contre des ressortissants chinois, les autorits dePkin ont exerc des pressions particulirement fermes sur Islamabad pour que devritables actions soient menes contre les responsables de ces attaques.

    Au-del, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la Chine comme le Pakistan ontd donner des gages dengagement dans la lutte contre le terrorisme. Pkin, par

    ailleurs, sinquite de linfluence de certains mouvements islamistes au Xinjiang,mme si des doutes subsistent quant la ralit, et surtout limportance, de lamenace terroriste islamique dans la rgion autonome. Pkin toutefois, refuse dtablirofficiellement un lien entre les autorits pakistanaises et ces mouvements radicaliss,et la stratgie de la Chine en la matire comme celle des tats-Unis - repose sur lespressions exerces sur leur alli pakistanais, afin dobtenir des mesures de rtorsionvritablement dissuasives11.

    11 En 2007, les autorits chinoises ont obtenu une intervention arme contre la Mosque rouge, refugedun groupe responsable de lenlvement de citoyens chinois accuss dimmoralit .

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    UNE RELATION QUI DEMEURE ESSENTIELLE

    Mais le Pakistan, pour la Chine, continue de sinscrire dans un jeu global complexe oil occupe une place essentielle. La relation sino-pakistanaise sinscrit en effet la foisdans le triangle Chine-Inde-Pakistan, mais galement dans le triangle Chine-USA-Pakistan. Elle sinscrit aussi dans le cadre des relations que la Chine entretient avecle Moyen-Orient et lIran, et le monde musulman dans son ensemble.

    La RPC partage avec Islamabad la mme volont dviter une trop grande emprise du camp occidental - et de lInde - sur lAfghanistan, et la Chine a considrablement

    dvelopp ses activits sur le territoire afghan, au travers notamment de son rledans lconomie afghane, officielle ou grise . Les produits chinois arrivent ennombre en contrebande en Afghanistan, traversant le territoire pakistanais. La souplesse des rgles qui rgissent lconomie chinoise permet par ailleurs laRPC de sintgrer plus facilement dans un cadre lui-mme caractris par la faiblessedes contrles et limpuissance de ltat.

    un autre niveau, si depuis la fin des annes 1990, la Chine a tent un rappro-chement avec lUnion indienne, les rsultats de cette stratgie ne satisfont pas Pkin,qui na pu imposer lInde la signature dun accord frontalier reconnaissant lespositions chinoises.

    Plus encore, aprs avoir beaucoup mpris un gant indien en apparence paralysdans ses efforts de modernisation, la Chine sinquite aujourdhui dun retournementdimage qui rend plus visibles les progrs de lconomie indienne tout en mettant envidence les limites de la croissance chinoise.

    LInde donc, qui renforce ses liens avec les tats-Unis, symboliss par laccord dansle domaine particulirement sensible du nuclaire, inquite Pkin qui voit dans lemaintien dune alliance avec le Pakistan le meilleur moyen de conserver une influenceet une marge de manuvre significative en Asie du Sud. Ceci dautant plus que, danslhypothse dun conflit avec les tats-Unis sur la question de Tawan, les stratgeschinois se sont toujours inquits de lventualit davoir prendre en compte lesmenaces pesant sur le front ouest. Face ces risques, la diversion pakistanaiseconserve pour Pkin tout son sens.

    La quasi-alliance entre la Chine et le Pakistan, et un relatif silence sur lactivisme desmouvements islamistes radicaux sont galement le signe de la trs grande ambigutde Pkin sur ce sujet. Rappelons que, lpoque des Talibans, la Chine tait la seulepuissance non musulmane entretenir des liens troits avec lAfghanistan du MollahOmar, liens concrtiss notamment sous la forme dun accord de dfense et du choix

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    dune entreprise chinoise, Huawei, pour installer un rseau de fibres optiques sur leterritoire afghan. March que la Chine a galement remport pour lquipement duterritoire pakistanais.

    Aujourdhui, si la Chine condamne avec force le terrorisme et lextrmisme religieux,tout particulirement sur son propre territoire, cette condamnation est moins audiblelorsque les adversaires potentiels de Pkin en sont la cible. Ainsi, la suite desattentats de Bombay, Pkin a condamn les attentats comme elle condamne tousles attentats terroristes pour reprendre les termes du porte-parole du gouvernement,mais na semble-t-il que trs mollement appuy les exigences de la communautinternationale pour que le Pakistan coopre pleinement avec les autorits indiennes.

    Scnario proccupant pour Pkin, un Pakistan normalis , selon la volont quisemble tre celle du prsident Zardari, offrirait un intrt stratgique et conomique bien moindre. Pkin pourrait alors tre tent de prserver en sous-main des liensprivilgis avec les militaires pakistanais, eux-mmes sans doute peu satisfaits dunevolution qui, si elle aboutissait un vritable apaisement rgional, rduirait fortementleur influence et leurs intrts.

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    DERRIERE LES SOURIRES,ON CACHE UNE DAGUE 12 OU

    LES DIFFICULTES DU PARTENARIAT

    STRATEGIQUE SINO-RUSSE

    ValrieNiquet

    Dcembre 2008

    Si officiellement le partenariat stratgique entre Moscou et Pkin est sans nuages, lessujets de frustration sont nombreux, mme si, face lhyperpuissance amricaine ,lintrt de faire front commun lemporte sur la mfiance rciproque.

    Pkin en effet gre avec difficult la rmergence dune puissance russe laquelle lalie des liens historiques difficiles, tant lpoque tsariste, avec les traits ingaux quicontinuent de nourrir une rancur mme voile, qu lpoque sovitique, lorsque lamenace de lhgmonisme sovitique, aux yeux des stratges chinois, lemportaitsur celle de limprialisme amricain.

    La mfiance est dautant plus grande que la Russie et la Chine communiste partagentune mme culture stratgique, dinspiration machiavelo-lniniste, et une mme visiondes quilibres mondiaux reposant essentiellement sur les rapports de force.

    Les signaux de mfiance donns par Moscou sont donc parfaitement compris Pkin, au-del de ce que peuvent imaginer les occidentaux, souvent aveugls par

    lapparent front uni de la nouvelle amiti sino-sovitique. Cette menace est parailleurs particulirement prsente dans le discours des milieux noconservateurs auxtats-Unis.

    12Cao li cang dao. Il sagit de lun des 36 stratagmes.

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    La Chine stait habitue, tout au long de la priode eltsinienne, lide doccuper levide laiss par la disparition de lURSS. Vide idologique, le consensus de Pkin simposant progressivement auprs des rgimes les moins dmocratiques en Afrique,en Amrique Latine ou ailleurs. Vide stratgique, avec loffensive chinoise en directionde lAsie centrale et la premire mouture du groupe de Shanghai , inaugure en1996 au lendemain de lorganisation de manuvres impliquant le Kazakhstan dans lecadre du partenariat pour la paix de lOtan.

    Mais larrive au pouvoir de Vladimir Putin, son ambition dclare de redonner laRussie sa vraie place , lEst comme lOuest, les moyens nouveaux surtout donta pu bnficier la Russie avec la manne ptrolire, ont profondment chang la

    donne des relations entre Moscou et Pkin. Alors que la RPC pensait matriser cenouveau jeu triangulaire, manipulant laxe Moscou-Pkin contre Washington, lamachine sest progressivement grippe. Pour Moscou, comme pour Pkin, la relationla plus dterminante demeure en effet celle entretenue avec Washington, mais laRussie dispose datouts qui lui permettent dimposer des limites aux ambitionschinoises.

    Pkin doit donc prendre en compte une complexit qui dplat la directioncommuniste. Cette dernire en effet, confronte des problmes intrieurs difficiles,aimerait pouvoir compter sur une relation sans failles et sans complications avecun partenaire russe suffisamment affaibli pour noffrir aucune rsistance.

    Moscou, en revanche, a retrouv lhabitude ou au moins le dsir de dominer etdtre respect au sens le plus traditionnel du terme. Elle tente dimposer ce nouveaurapport de force lOccident, comme la montr laffaire gorgienne. Tout indique quesi la Chine avait la vellit de sy opposer, elle ne serait pas beaucoup mieux traiteque les partenaires occidentaux de la Russie. Pour Pkin, linconfortable impressiondu retour du grand frre se fait sentir avec force, mme si aucun des deuxpartenaires na intrt mettre ces divergences en vidence.

    Dautres en revanche en sont conscients, comme Tawan par exemple, qui souhaiteque lUE et les tats-Unisnisolent pas trop Moscou, poussant cette dernire dansles bras de Pkin. Pour Ta-Pe, un jeu triangulaire favorable leurs intrts peut tre

    mis en place avec Moscou et Pkin. Le voyage du Prsident russe en Amriquelatine, sur les pas du Prsident chinois laisse augurer que les terrains de rivalit etdopportunits pour les partenaires de Moscou etde Pkin, pourront se multiplier.

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    DES ATTENTES DIVERGENTES

    Quand Wen Jiabao vantait lamiti ternelle de la Chine et de la Russie, la partierusse soulignait dans ses dclarations, la suite de la visite officielle du Premierministre chinois la fin du mois de novembre 2008, les points de divergence toujoursnon rsolus. Alors que la Chine veut faire du partenariat nergtique avec la Russie lenoyau dur de ses relations, et cantonner la Moscou au rle de fournisseur majeur dematires premires au service de son dveloppement conomique, le Kremlinconserve dautres ambitions et refuse de ntre que le rceptacle de la production

    chinoise de biens de consommation de machines-outils.Lors de la visite officielle de Wen Jiabao, Alexandre B. Chokin, Prsident du syndicatdes entrepreneurs russes, a fortement soulign la ncessit dlargir la coopration,et tout particulirement de dvelopper les exportations russes de machines et deproduits lectriques en direction de la RPC. Sujet dont limportance a t souligne,pour la partie russe, par son intgration au communiqu commun publi lissue dela visite13. La partie chinoise a simplement indiqu de son ct que la question deschanges tait dj prise en compte.

    Pour sa part, le Premier ministre Putin, sil souhaite avec le Prsident Medvedev unrenforcement de la coopration conomique avec Pkin sur des bases moins

    ingales et entend tirer partie dans la mesure du possible du partenariat stratgiquesino-russe face lOuest , prend soin de raffirmer rgulirement sa volont defavoriser le dveloppement conomique de lExtrme-Orient russe, pour mieux yancrer la prsence de Moscou, face la perception dune menace dmographiquechinoise massive.

    Dans ce contexte, le dveloppement des changes avec la Chine, y compris dans lesecteur nergtique, intresse Moscou, mais la Russie refuse de se trouver prisonnire dun seul partenaire. Au cours de son dernier voyage dans lExtrme -Orient russe, Vladimir Putin a ainsi visit un terminal ptrolier gant, en constructionsur la cte Pacifique dans la baie de Kozmino, qui a pour objectif dacclrer les

    exportations de ptrole en direction de la Chine, mais galement du Japon et de laCore du Sud.

    13 China and Russia: Friends for Ever , Peoples Daily Online, 29 aot 2008 ; China-Russia IssueJoint Communiqu , Peoples Daily Online, 29 octobre 2008.

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    De mme, au mois de dcembre 2008, un accord sur lexploitation en commun dechamps gaziers du Kamtchatka a t sign entre les compagnies russes Rosneft etKNOC (Korean National Oil Company). Selon les dclarations du prsident Putinlobjectif serait, pour la Russie, de porter ses exportations dnergie en direction delAsie Pacifique, de 3% du total aujourdhui, 30 % en moins de 10 ans.

    Lorganisation du sommet de lAPEC Vladivostok en 2012 se veut le signe de ceretour symbolique de la Russie en Asie. Cela inquite dans le mme temps unepuissance chinoise qui na pas totalement oubli, en dpit des accords frontalierssigns et des dclarations officielles, les traits ingaux qui ont, selon lhistoireofficielle chinoise, ont amput lempire de centaines de milliers de km au nord du

    fleuve Amour.

    LA DIFFICILE QUESTIONDU TRACE DU PIPELINE SIBERIE-PACIFIQUE (ESPO)

    Au mois de novembre 2008 une nouvelle srie de ngociations a eu lieu loccasionde la visite du Premier ministre Wen Jiabao Moscou. la suite dun accord signentre la socit Transneft et la CNPC, la construction de la branche Skovorodino-Daqing de lESPO, longue de un peu plus de 1 000 km, dont 960 km en territoirechinois, pourrait commencer au mois de mars 200914. Pour arracher la dcision, laRPC a accept daccorder un prt de 25 milliards au groupe Rosneft-Transneft,adoss aux livraisons futures de ptrole, afin de financer la construction du pipeline.

    Les premires ngociations avaient commenc en 1999 et, aprs plus de 10 ans demarchandage, touche par la crise financire et plus encore par la baisse des coursdu ptrole, la Russie semble avoir choisi de ne pas retarder plus longtemps sadcision et de se tourner vers le march chinois a fin daccrotre sa marge demanuvre, notamment vis--vis de lEurope. Mais la Chine nest elle-mme pas

    labri des consquences de la crise mondiale, y compris en termes de consommationnergtique puisque cette consommation aurait baiss de 4 % entre le dbut et la finde lanne 2008.

    14 China and Russia Likely to Start Joint Pipe Next Year , South China Morning Post, 1er novembre2008.

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    Selon les prvisions, la branche chinoise du pipeline ESPO, mme si elle est fina-lement construite avant la branche japonaise prvue par un accord russo-japonaissign en 2004, ne transporterait que 15 milliards de tonnes de ptrole par an, soit lamoiti des capacits prvues dexploitation, la Russie refusant de choisir en se liantles mains et rservant lautre moiti au march japonais et Pacifique. Des ngocia -tions avec la KNOC ont galement eu lieu au mois de septembre 2008, lintrt deMoscou tant de multiplier les partenaires, quand celui de Pkin serait au contraire dematriser totalement un march dacheteur en Asie.

    Par ailleurs, en dpit des dclarations optimistes quant la mise en uvre du projet,des ngociations serres se poursuivent concernant lvaluation du prix du brut, et le

    montant estim des remboursements long terme. peine leurs conclusionsannonces, les ngociations ont semble-t-il t nouveau suspendues pour raisonstechniques .

    Pour Pkin, et cest l que se trouve le nud du problme, la construction de cesegment chinois, avant le segment japonais, est investie dune dimension stratgiqueconsidrable et doit constituer un nouveau point de dpart pour lapprofondissementdes relations sino-russes dans tous leurs aspects .

    LA CHINE DANS LES JEUX POLITIQUES INTERNESDE LA RUSSIE

    Mais la relation avec la Chine, que ce soit au niveau nergtique ou au niveaustratgique, sinscrit aussi dans les jeux politiques internes la Russie, dont ceux quiexistent entre Gazprom et Rosneft, dont le prsident, Igor Sechin, est proche deVladimir Putin et lun des principaux dfenseurs de lESPO et de la voie chinoise. Demme, Transneft, a obtenu en 2004 un prt de 6 milliards de dollars de la Chine quilui a permis de racheter une partie des intrts de Yukos, premier initiateur en 1999,

    du projet de pipeline en direction de la Chine.

    linverse, le ministre des Chemins de Fer, qui transporte aujourdhui vers la Chinelquivalent de ce qui pourrait tre ensuite achemin par pipeline, est beaucoup moinsenthousiaste devant la possible perte dun march important et tente de mobiliser sespropres rseaux dinfluence au Kremlin.

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    Certains secteurs, qui constituent des champs particuliers de la coopration entrePkin et Moscou, reoivent le soutien de groupes dintrts qui bnficient financi -rement de cette coopration. Ctait le cas, jusqu une priode relativement rcentede la coopration en matire militaire, alors que les fournitures darmement consti-tuaient la part la plus importante des changes entre Pkin et Moscou. Ces changesse sont aujourdhui fortement rduits, les discussions portant notamment sur le typedarmement que la Russie est prte fournir la Chine. Lindustrie darmement russea aujourdhui retrouv de nouveaux clients, notamment en Asie du Sud-est, au ctde partenaires traditionnels comme lInde. La manne ptrolire a galement permisde desserrer la pression budgtaire qui a longtemps fait du partenaire chinois le sauveur de pans entiers du complexe militaro-industriel russe.

    Il en va de mme dans le domaine spatial, la Russie ayant jou un rle primordialdans la monte en puissance des capacits de la Chine en la matire. Le commu-niqu commun sign lissue de la visite de Wen Jiabao Moscou prvoit notam-ment lacclration du programme de coopration dans le domaine spatial entre 2007et 2009.

    linverse, y compris au sein de lappareil militaire, certains analystes russes expri -ment sans rticence leur inquitude et leur volont de prudence devant la monte enpuissance de la Chine.

    LES AVANTAGES DUN FRONT ANTI-OCCIDENTAL

    En dpit de ces limites importantes, la Russie, comme Pkin, est attache auxressources dun partenariat qui renforce la position des deux pays face lOccident. loccasion de la crise financire de lautomne 2008, Andre Kokichin, vice prsident dela Commission des sciences et technologies de la Douma, a ainsi appel lacoopration avec Pkin pour rformer le systme montaire global . Pour Pkin, le

    renforcement des relations bilatrales avec Moscou tous les niveaux , dans un partenariat stratgique de coopration , est la fois important et urgent alorsque la situation internationale est complique 15. Ce partenariat revt uneimportance dautant plus grande que la Chine demeure relativement isole sur la

    15 China Russia Issue Joint Communique , Peoples Daily Online, 20 octobre 2008.

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    scne internationale et que les relations avec lUnion europenne, dont la fonctiontait aussi de jouer ce rle de force dquilibre face Washington, tendent sedgrader.

    ET LES PIEGES DE LA QUESTION NATIONALE

    Mais si les intrts du partenariat stratgique sino-russe peuvent lemporter aux yeuxde Pkin sur les ambiguts de la relation, il nest pas certain que le traitement parMoscou de la question abkhazo-osste puisse tre aussi facilement oubli, mme sien apparence le front uni nest pas remis en cause.

    L ingrence russe en Gorgie, et la reconnaissance des deux rpubliques, sansconsultation pralable semble-t-il du partenaire stratgique chinois, constitue eneffet un camouflet majeur pour les autorits de Pkin. Lannonce de cette reconnais -sance a dailleurs t totalement absente des mdias chinois. Les deux principes denon-ingrence et de respect absolu de lintgrit territoriale, constituent en effet lefondement majeur du discours et de la lgitimit du parti communiste chinois, face Tawan, au Tibet ou au Xinjiang.

    Plus proccupant pour Pkin, le principe mme de la lutte contre le sparatisme, quiest lun des premiers objectifs de la cration de lorganisation de coopration deShanghai (OCS), se voit unilatralement remis en cause par Moscou. Le Kremlin abafou sans hsitation lesprit de Shanghai alors que lOCS est prsente parPkin comme le modle du nouveau type de relations internationales qui doit tre misen place aprs la fin de la guerre froide, fond sur la confiance mutuelle, le bnficemutuel, lgalit, les consultations mutuelles, le respect pour la diversit et laspiration un dveloppement commun .

    Alors que la reconnaissance par Moscou des deux nouveaux tats a eu lieu deux jours avant le sommet annuel de lOCS Dushanbe, les divergences sont apparuesclairement dans le communiqu commun, qui na pas fait tat dune reconnaissancedes nouvelles rpubliques. Le Prsident Medvedev avait toutefois pris soin dereconnatre la libert de position de chacun sur la question. La dclaration finalepublie le 17 septembre 2008 rappelle en effet lattachement de lOCS aux effortsaccomplis par chacun pour prserver lunit et lintgrit territoriale de nimporte queltat, quel quil soit .

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    Mais lAsie centrale elle-mme constitue un sujet de mfiance entre Pkin et Moscou.Si officiellement la coopration, notamment dans la lutte contre le terrorisme, estconstamment mise en avant, les analystes chinois soulignent rgulirement la volontde Moscou de prserver son influence et sa domination dans la rgion .

    La Chine, qui sintresse aussi, pour des raisons autant conomiques questratgiques, aux rserves de ptrole et de gaz du Kazakhstan ou du Turkmnistan,reconnat que Moscou nest pas prt daccepter un retournement du rseau depipeline en direction de la Chine. Lensemble des pays de la rgion souhaite parailleurs galement prserver des partenariats multiples qui augmentent dautant lamarge de manuvre des autorits locales. Dans le cas du Turkmnistan, Moscou

    souhaite pouvoir continuer sapprovisionner en gaz turkmne revendu ensuite unprix suprieur aux pays de lUnion europenne16.

    Lvolution du partenariat stratgique russo-chinois, et sa solidit, dpendra pour unelarge part de facteurs extrieurs qui sont notamment lvolution de la stratgieamricaine - et europenne - en direction de la Russie et de la Chine. ce titre, lesorientations de la nouvelle prsidence Obama seront particulirement significatives,comme la politique de lUnion europenne en direction de Moscou. Un autre lment prendre en compte sera bien entendu celui de la crise conomique et de la baissedes prix de lnergie, qui psera sans doute fortement sur la marge de manuvre desdirigeants russes comme des dirigeants chinois. La diffrence principale rside

    toutefois dans le fait que si, en dpit de limites considrables la dmocratie, laRussie a accompli sa transition politique, a nest pas le cas de la Chine qui demeureconfront aux incertitudes qui psent sur lavenir du rgime.

    16 Dans le mme temps, les projets de pipeline russo-asiatiques, et plus particulirement russo-chinois,permettent galement Moscou de brandir plus facilement devant lUnion europenne larme duchantage lapprovisionnement nergtique.

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    JAPON-IRAN :LA TENTATION DE LA LIBERTE

    ClinePajon

    Avril 2009

    Alors que Washington tente une nouvelle approche diplomatique avec Thran, dehauts responsables de ladministration Obama ont consult des diplomates japonaisproches du dossier iranien. En effet, le Japon et lIran entretiennent de longue datedes relations particulires. Thran trouve un intrt au dveloppement de sa relationavec le Japon, puissance conomique et technologique, qui, en raison de sadpendance nergtique17, a adopt une politique relativement autonome de celledes tats-Unis son gard. Le Japon, 3e consommateur du ptrole iranien,reprsente donc pour lIran un partenaire diplomatique significatif, susceptible deplaider en faveur dune approche moins frontale et dexercer une influence auprs deson alli amricain sur le rglement de la question nuclaire. Cette influence pourraitse concrtiser avec larrive au pouvoir de la nouvelle administration amricaine.

    LIRAN COMME ESPACE DE LIBERTE DE LA STRATEGIE EXTERIEURE DU JAPON :UNE INTERDEPENDANCE BIEN COMPRISE

    Les relations entre le Japon et lIran, anciennes et traditionnellement bonnes, sontfondes sur la coopration nergtique. Leur premier projet phare est le

    17LIran est le troisime fournisseur dhydrocarbures du Japon, avec une part slevant 15 % desimportations totales nippones.

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    dveloppement conjoint dun complexe ptrochimique Bandar Shahpur par unconsortium nippo-iranien fond en 1973 et qui a fait lobjet dimportants investis-sements japonais. La scurit nergtique de larchipel justifie la politique moyen-orientale spcifique et indpendante des tats-Unis que Tokyo met en place aprs lescrises ptrolires de 1973 et 1976 et dont Thran bnficie18. Quand la rvolutionislamique clate en 1979, le Japon dcide donc de maintenir ses relations avec lIran,malgr les pressions de son alli amricain. Tokyo est rticent mettre en uvre lesmenaces dembargo et de sanctions brandies par Washington face Thran, maisplaide pour le maintien dune relation diplomatique qui lui permettrait dexercer uneinfluence positive favorable la modration. Durant la seconde moiti des annes1990, le Japon favorise donc un dialogue politique de haut niveau avec lIran, unepolitique douverture proche du dialogue critique propos par les Europens.

    Larrive au pouvoir du modr Khatami permet une nouvelle amlioration de la rela-tion bilatrale malgr les inquitudes concernant lacquisition darmes de destructionmassive. La participation du Japon au dveloppement du gisement dAzadegan19 estdcide en 2000. Contre la promesse dun investissement de 200 millions de dollars,le Japon, qui avait dnonc la loi Kennedy-DAmato20 de 1996, obtient le droit exclusifde ngocier le dveloppement du champ gazier. En 2001, la participation japonaiseau dveloppement du champ gazier de Pars Sud et du gisement ptrolifre deAhwaz-Bangestan est voque.

    18 Sa dpendance vis--vis des pays du Golfe (pour plus de 80 % de ses besoins en hydrocarbures)pousse le Japon adopter une diplomatie tous azimuts (zenhoi gaisho) qui lui permet de scuriserses approvisionnements nergtiques et ses relations commerciales en sparant les sphres politiqueset conomiques dans ses relations extrieures.19 Ce second projet phare succde au projet de Bandar Shahpur abandonn en 1988.20 Elle met en place un systme de sanctions contre les entreprises trangres effectuant desinvestissements de 40 milliards de dollars et plus en Iran (ILSA Iran and Lybia Sanctions Act, 1996). En2001, Tokyo voque lventualit dun recours devant les instances de l OMC si Washington punissait lesentreprises japonaises participant au dveloppement dAzadegan.

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    APRES LE 11 SEPTEMBRE : LE RAPPROCHEMENTNIPPO-AMERICAIN ET LARRIVEE DAHMADINEJADNUISENT A LA RELATION NIPPO-IRANIENNE

    Dans la relation triangulaire Japon-Iran-Etats-Unis, le Japon a pu avoir lambition de jouer un rle de pivot en entretenant des relations amicales avec les deux autresacteurs. Toutefois, la dpendance stratgique Washington ne lui permet pas dexer-cer une influence suffisamment importante pour changer la donne diplomatiqueenvers lIran.

    Aprs le 11 septembre, la marge dautonomie de Tokyo diminue et la relation avecThran souffre du rapprochement entre le Japon et les tats-Unis, qui stigmatisentle rgime de Thran en lidentifiant comme lun des ples de lAxe du mal. En outrelaggravation du problme nord-coren (tir de missile en 1998 et 2006, retrait du TNPen 2003, essai nuclaire en 2006) pousse le Japon chercher lappui amricain enrpondant plus favorablement aux exigences de son alli sur le dossier iranien. Cecidautant plus que la problmatique de la non-prolifration relie les cas nord-corens etiraniens.

    Pourtant, un accord majeur est conclu en fvrier 2004 : la compagnie japonaise Inpex

    devient loprateur principal du champ dAzadegan avec une participation de 75 %.Linfluence de la diplomatie iranienne qui semploie rassurer Tokyo, la signature parThran du Protocole additionnel du TNP fin 2003 et la concurrence des firmeschinoises sur le march iranien expliquent la conclusion de cet accord dans uncontexte priori peu favorable21. Le rle croissant de la Chine pour laccs auxsources nergtiques, notamment en Iran constitue en effet un facteur qui proccupele Japon. Pkin investit massivement dans le secteur des hydrocarbures (notammentdans le gisement de North Azadegan et South Pars), et est devenu en lespace dequelques annes la seconde source dimportations de lIran.

    Larrive des conservateurs puis de Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir, qui reprend

    les activits balistiques et denrichissement duranium, refroidissent nouveau larelation. Le dialogue bilatral sur les droits de lhomme est suspendu de 2004 2007.En septembre 2005, Tokyo soutient la rsolution de lAIEA qui demande le recours auConseil de scurit des Nations unies. Les Japonais pressent Thran de retourner

    21 Thierry Kellner, Le chrysanthme et la rose les relations nippo-iraniennes contemporaines ,Note de lIfri, Centre Maghreb/Moyen-Orient, Janvier 2008, pp. 12-13.

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    la table des ngociations, mais ils nont dautres choix que de condamner en fvrier2006 la dcision iranienne de renoncer appliquer le protocole additionnel et dereprendre les activits de recherche nuclaire.

    Malgr une interdpendance toujours importante, les tensions internationales autourdu programme nuclaire iranien, la ligne dure dAhmadinejad et le besoin pour Tokyode tenir son rang sur la non-prolifration sont autant de facteurs qui poussent leJapon amoindrir considrablement sa participation au projet dAzadegan, qui estrduite 10 %.

    LESPOIR DUN ROLE POSITIF DU JAPONSUR LE DOSSIER IRANIEN ?

    Malgr lchec dAzadegan, le Japon et lIran conservent des relations cordiales.Tokyo a, contrairement Washington, soutenu en 2007 la candidature de lIrancomme observateur la SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation),et il entend poursuivre sa relation avec Thran tout en appliquant les sanctions desNations unies. Il soutient une approche diplomatique et modre plutt quuneapproche frontale. Sur ce sujet Tokyo se trouve par ailleurs en accord avec dautresacteurs significatifs tels que lInde et dans une certaine mesure galementlUnioneuropenne.

    Le Japon ne sest donc pas dsengag du march iranien : plus de 200 entreprisesnippones qui oprent depuis Douba commerceraient avec lIran22. Pour sa part,Thran assure rgulirement Tokyo que la porte est ouverte pour une plus grandeparticipation dans le domaine ptrolier. En mai 2008, le ministre iranien des Affairestrangres Mattaki rpte Tokyo quil peut jouer un rle dans le dveloppement deson programme nuclaire civil et confirme que lIran restera un fournisseur de ptrolesrieux et fiable pour le Japon. Les leaders iraniens continuent donc parier sur le

    Japon. Pour cette raison, Washington, Paris et Londres avaient press Tokyo deprsider le comit des Nations unies pour les sanctions sur lIran et jouer un rlepositif sur le dossier nuclaire iranien.

    22 Thierry Kellner, op. cit., p. 18.

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    Le Japon demande rgulirement lIran de donner des preuves tangibles de sonabsence de dveloppement de larme nuclaire et applique des sanct ions. Pourtant,Tokyo croit linfluence et au rle de lIran comme force constructive dans la rgion,notamment en Afghanistan. Dans cette perspective, une coopration nippo-iraniennepourrait voir le jour sur la question de la reconstruction de lAfghan istan (sur lefinancement des infrastructures, notamment). Les mdias iraniens ont par ailleursrelay les propos du prsident de la Commission des affaires trangres du Snat japonais qui a rcemment appel les tats-Unis reconnatre lIran comme unepuissance majeure, non seulement au Moyen-Orient, mais aussi en Asie. LinitiativedHilary Clinton, qui a invit Thran participer la prochaine confrence sur lareconstruction de lAfghanistan, semble dailleurs bien aller dans ce sens.

    Ces propos prennent un relief particulier alors quune possible inflexion amricainequi verrait Washington tolrer les activits denrichissement iraniennes strictementlies au nuclaire civil est actuellement discute. Une voie de sortie sur le dossieriranien pourrait galement rsider dans la constitution dune banque du combustiblenuclaire, sise au Kazakhstan et que lIran regarde favorablement. Le Japon, nationen pointe sur la non-prolifration, pourrait galement jouer un rle cl sur ce dossier :il a sign un accord de coopration sur le nuclaire civil avec Astana en 2008 etpossde une matrise avance du cycle du combustible nuclaire23.

    Le Japon et lIran conservent donc des relations plutt bonnes dans le contexte

    diplomatique actuel, mme si le dossier nuclaire continue de peser sur leurdveloppement. Associ de manire indite par ladministration Obama, Tokyopourrait donc jouer un rle positif sur lavancement du dossier iranien.

    23 M. K Bhadrakumar, Obama may cede Iran's nuclear rights,Asia Times Online, 10 avril 2009.

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    l'affaiblissement de la contrainte pacifiste au Japon, principal alli des tats-Unisdans la rgion, et le double standard utilis par Washington vis--vis de lInde concer-nant la question de la coopration nuclaire.

    LA QUESTION DETAWAN

    La question de Tawan est toujours dfinie par Pkin comme au cur des intrtsvitaux de la RPC. Toutefois, et particulirement en priode de crise conomique, si leprincipe du statu quo est respect par la partie tawanaise, comme cela semble devoirtre le cas la faveur de llection de Ma Ying-Jeou la prsidence de la Rpublique,la question de Tawan sera subordonne celle du dveloppement et de la stabilit,seules vritables sources de la puissance future de la Chine. Si le principe du dveloppement d'abord semble l'emporter, certains experts militaires continuentde mettre en avant une analyse qui ferait de Tawan un pion dans les mains deWashington pour contenir lmergence de la puissance chinoise.

    LA PENINSULE COREENNE

    lautomne 2008, quelques mois avant le deuxime essai nuclaire nord -coren,Pkin, contrairement aux experts occidentaux, sen tenait au respect dun certainnombre de principes dont celui du "respect de ses voisins" et de ladhsion stricte auxcinq principes de la coexistence pacifique. En dpit des attentes des tats-Unis enmatire de coopration dans la planification des ractions en cas de crise, y comprisdune manire non publique, Pkin semble plus rticent envisager la possibilitd'une intervention contre la Core du Nord, laquelle elle demeure par ailleurs liepar un trait damiti et de dfense.

    La clbration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre Pkin etPyongyang, dans un contexte idologique difficile pour Pkin rend par ailleurs peuprobable tout abandon radical du rgime nord-coren. Ceci d'autant plus que la Chinene souhaite pas voir ses frontires l'mergence d'un nouvel tat coren fortementnationaliste, proche des tats-Unis et possiblement dot de l'arme nuclaire. cetitre l'analyse stratgique n'a pas fondamentalement volu en dpit de la prise deconscience indniable de la difficult contrler le rgime nord-coren.

    Certains experts soulignent donc que Pkin prendra dabord en compte ses propresintrts en cas de crise anarchique en Core du Nord. Pour ces experts, le choix

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    dune stratgie doit demeurer soumis aux volutions sur le terrain et toutes les optionsmaintenues ouvertes. Quelle que soit la nature des liens idologiques et historiquesavec un rgime ami .

    LES AMBIGUTES DE LA RELATION RUSSO-CHINOISE

    Ce principe vaut galement pour la Russie, avec laquelle Pkin entretient desrelations complexes faites dintrts communs face aux tats-Unis et de mfiancerciproque. Du ct russe, la crainte de se voir dpasser par la Chine est indniable.Stratgiquement, cest pour mieux faire face lmergence de la puissance chinoise,y compris militaire, que la Russie souhaite prserver sa force de frappe intermdiaire.

    Du ct chinois, on surveille avec attention les volutions de la Russie, en dplorantpar exemple laugmentation consciente des budgets de la dfense russe et acces-soirement - indien. Pkin souligne galement que les livraisons darmes russes laChine ont aujourdhui considrablement diminu, pour des raisons dailleurs essen-tiellement commerciales, renforant la volont de Pkin de se doter dune capacit derecherche et dveloppement en matire militaire plus autonome.

    LES RISQUES LIES A LINTEGRATION CROISSANTE DE LA CHINEAU SYSTEME MONDIAL

    Les analystes chinois, sils reconnaissent le ct positif et incontournable delintgration au systme mondial, facteur premier du dveloppement de la Chine, ensoulignent dans le mme temps les risques nouveaux, dont la rduction de la margede manuvre induite par cette intgration. Cette analyse participe au renforcementdu sentiment dinscurit.

    La RPC est en effet soumise aux pressions de ses partenaires qui attendent une

    adquation plus grande entre un discours chinois de responsabilit et la ralit desengagements. Lintgration et la globalisation sont donc perues la fois comme desopportunits que la Chine doit exploiter, mais galement une source de tensions etdincertitudes qui imposent une forte capacit dadaptation y compris conceptuelle.

    Toutefois, si la tentation du repli nest pas totalement absente des analyses, elle estrejete au profit de louverture, seule condition du dveloppement long terme, etdonc de la stabilit politique du rgime chinois. Les dirigeants chinois, et tout

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    particulirement le Premier ministre sont en effet obsds par les questions int-rieures et de dveloppement, justifiant ainsi la ncessit absolue pour la Chine depoursuivre son engagement avec le monde.

    Un dbat semble toutefois exister au sommet concernant le poids accorder auxdiffrentes priorits, entre ceux qui placent le dveloppement et la stabilit au plushaut de la hirarchie des intrts de la Chine, et ceux qui linverse continuent deplacer dabord la dfense de souverainet et lintgrit territoriale en premire place, ycompris au moyen dune prparation militaire renforce. La question de la scuritdes approvisionnements et des voies de communication maritimes, se trouve lacroise de ces deux thmatiques et devrait donc voir son importance accrue.

    LEMERGENCE DE NOUVEAUX CONCEPTS

    On assiste donc lmergence de nouveaux concepts autour des nouveaux risquesqui rsultent dune implication plus large de la Chine dans le systme mondial.Concept de scurit conomique, renforc depuis la crise qui a mis en vidence lestrs grandes vulnrabilits de la Chine en la matire en dpit de dclarations qui seveulent trs optimistes. Ces concepts refltent un tat plus complexe et sophistiqude la rflexion stratgique en Chine. Vis--vis de lextrieur, ces nouveaux concepts,

    qui incluent la question des nouveaux risques, facilitent les interactions avec lespartenaires de Pkin sur la scne internationale. Ceci dautant plus facilement que,selon les analystes chinois, ces nouveaux risques non traditionnels ne touchent aucun des intrts vitaux de la Chine, alors qu linverse ils permettent de tirerparti du sentiment dintrts communs qui peut se dvelopper entre plusieurs acteurs.

    La prise en compte des nouveaux risques permet galement la Chine daccu-muler de lexprience, de renforcer la coopration y compris en matire militaire avecde nombreux partenaires et de renforcer la confiance dans lacteur chinois, favorisantainsi lamlioration de limage et de la marge de manuvre de Pkin. Confronts lamfiance suscite par le degr limit de transparence du dveloppement de ses

    capacits militaires, les analystes chinois considrent que la mise en avant duconcept de nouveaux risques, de mme que la monte en puissance de laparticipation de la Chine aux oprations de maintien de la paix de l'ONU, facilitentgalement lacceptation du dveloppement des capacits militaires ncessaires leurprise en compte.

    Pour rpondre cette vision dun monde peru comme trs incertain, source la foisdopportunits pour la Chine mais galement de menaces pour la survie du rgime,

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    de scurit chinoise elle-mme. Pkin tend considrer que lutilisation de cescritres sert essentiellement les intrts gopolitiques cachs de la puissanceamricaine, que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient ou, plus prs de la Chine, auPakistan.

    LE CONCEPT DEPERSUASION CONSTRUCTIVE

    Mais dans le mme temps, plutt que de remettre en cause frontalement le conceptde non-ingrence, qui fonde pour une large part les succs diplomatiques de Pkinauprs des pays mergents et du groupe des 77, la RPC a labor face l'Occidentun nouveau concept de persuasion constructive qui doit sexercer en sappuyantsur les lments suivants : respect du principe de non-intervention, maintien de ltatnation comme acteur principal, respect du droit choisir son propre systme politique,refus de lingrence. Dans la mesure o ces principes de bases sont respects, leconcept de persuasion constructive doit permettre de trouver le moyen cons-tructif et non coercitif de persuader les tats concerns les exemples birman,soudanais ou nord-coren tant cits daccepter une solution. Si ce nouveauconcept se veut un apport constructif au fonctionnement plus efficace du systmeinternational, il se traduit aussi par une forte dulcoration du systme de normes et

    des mesures adoptes par la communaut internationale.Il sagit donc plus dune stratgie dadaptation aux pressions extrieures de la part dela Chine et de ses allis, que dune vritable volution de la position chinoise.

    UNE EVOLUTION NOTABLE SUR LA QUESTION DES VENTES DARMES

    En ce qui concerne les ventes darmes, tout en raffirmant que les ventes darmeschinoises, qui ne concernent pour leur trs grande majorit selon Pkin que les armeslgres, ne violent aucun des principes internationalement reconnus, certainsanalystes mettent en avant le fait que la RPC pourrait, au-del des principes, prterune attention plus grande au timingde ces ventes. On constate une volution trsprogressive, sur certains dossiers particuliers o les intrts chinois peuvent tredirectement menacs, d'une position fonde sur le strict respect de la lettre desaccords internationaux en matire de ventes d'armes, la prise en compte de lespritde ces accords, notamment en ce qui concerne les armes lgres. Le cas des ventesdarmes au Zimbabwe en priode crise est un exemple.

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    De plus, si d'autres analystes considrent que les ventes darmes, pour la Chine, sontle moyen de tisser un rseau damis qui renforce la puissance dinfluence de laRPC sur la scne internationale, la participation accrue de la Chine aux oprations demaintien de la paix dans les zones risque et la multiplication rcentes des affairesdenlvements de ressortissants chinois sur le continent africain et au Pakistan, ontsans doute jou un rle dans la perception accrue, Pkin, des risques induits, pourses propres intrts, par un commerce des armements mal contrl.

    POUR UN RENFORCEMENT DE LA COOPERATION MILITAIRE INTERNATIONALE

    Les stratges chinois sont donc favorables un renforcement de la coopration mili-taire, qui se traduit notamment par une forte implication dans les oprations de main-tien de la paix et permet de mettre en place une vritable diplomatie militaire au-deldes simples visites.

    Coupl au concept de nouveaux risques dont la RPC sest empar, le renforce-ment de la coopration militaire en matire de scurit nergtique, de catastrophenaturelle, de prvention des trafics et notamment du trafic de drogue en Afghanistanfacilite galement lactivisme de la RPC, et son image nouvelle de puissance intgredans les forums internationaux. Cette volution contribue selon Pkin crer les

    conditions dune coopration renforce sur des thmatiques fortement consensuelleset donc amliorer la marge de manuvre de la RPC.

    La question de la mise en place de mesures de confiance sinscrit dans cette mmelogique de reconstruction de limage de la Chine sur la scne internationale.Mme si Pkin conserve une dfinition trs restrictive des mesures de confiances.Pour la RPC, les mesures de confiance signifient dabord, en ralit, une acceptationpar l'autre des intrts vitaux de la Chine, seul moyen darriver une vritableconfiance stratgique. Si Pkin met en avant son passage dune philosophie ducombat une philosophie de lharmonie, qui rend possible lacceptation duprincipe mme de mesures de confiance , la dimension de rciprocit dans la mise

    en uvre du processus est trs minore.Dautres analystes reconnaissent toutefois que, au-del de cet intrt stratgiquepour la RPC, les mesures de confiance sont aussi un moyen damliorer la compr-hension mutuelle et dviter les erreurs de calcul. Par ailleurs, le processus lui-mmeest peru comme constamment dynamique en fonction de lvolution du rapport deforce plus ou moins favorable aux intrts de la RPC en fonction dobjectifs fonda-mentaux, notamment territoriaux, qui ne changent pas.

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    Ainsi dans le cas de Tawan, en dpit des amliorations qui ont suivi llection de MaYing-Jeou la prsidence de la Rpublique, la mise en place de mesures de con-fiance, particulirement de type militaire, ne pourrait rsulter selon Pkin que de lareconnaissance pralable par Tawan du principe dune seule Chine.

    LE MAINTIEN DES EFFORTS DE CONSOLIDATIONDES ELEMENTS DE HARD POWER DE LA CHINE

    UNE DEFINITIONREALISTE DES INTERETS DE LA CHINE

    La dfinition des intrts de la Chine rpond une hirarchisation mouvante, qui vade la dfense des intrts vitaux , aux premiers rangs desquels la question deTawan, la poursuite du dveloppement, qui ne doit pas tre bouleverse par uneattention trop grande prte par exemple aux tentations nationalistes. Dans une visiontrs classique de la puissance, les analystes chinois dfinissent ces tentationsnationalistes comme normales pour une puissance montante, mais sourcespotentielles de bouleversements nuisibles aux intrts fondamentaux de la puissancechinoise.

    Laccent mis sur la poursuite du dveloppement ne signifie toutefois pas que la Chineait choisi de mettre un frein au renforcement de ses capacits militaires, mme si cesdernires doivent demeurer dans des limites raisonnables et ne pas dboucher,comme dans le cas de lURSS, sur une course aux armements tous azimuts ruineusepour le rgime.

    LA FIN DES ESPOIRS DUN BOULEVERSEMENT MAJEURDE LA SITUATION STRATEGIQUE ENASIE

    Pkin dplore le poids des immobilismes en Asie, notamment concernant unearchitecture de scurit qui sappuie encore trs largement sur la prsence des tats-Unis et un systme dalliances hrit de la guerre froide . Ainsi pour les analystes

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    Observatoire de lAsie du Nord-Est

    Septembre 2008-aot 2010

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    LE DEBAT SUR LA DOCTRINE NUCLEAIRE ET LA NON-PROLIFERATION

    En ce qui concerne la stratgie nuclaire de la Rpublique populaire de Chine, ilexiste un dbat sur le principe de non-usage en premier, mme si, pour des raisonspolitiques et de positionnement moral le principe est officiellement maintenu. Lesexemples des nouvelles armes de prcision, inconnues en 1961 lorsque la Chine aadopt le principe du non-usage en premier, ou mme lexemple historique dumassacre de Nankin, sont mis en avant pour justifier une volution de la doctrine.

    La position de Pkin se veut relativement pessimiste sur la question de la non-prolifration. En raison de lmergence de nouveaux acteurs, dcrits comme moins

    "responsables" que les puissances nuclaires officielles dont la Chine fait partie, lesanalystes chinois reprenant certaines analyses occidentales, sinquitent de la finpossible du tabou nuclaire . Cette inquitude semble plus concerner toutefois, silon en croit les exemples cits, le sous-continent indien et notamment le soutien apport par Washington lInde, que la nuclarisation de la Core du No