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courant alternatif COURANT ALTERNATIF MENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTE N° 234 NOVEMBRE 2013 3 CHINE TRAVAILLER DANS LES USINES CHINOISES GUYANE LE BUSINESS DU SPORT ÉTATS-UNIS LA GRÈVE DANS LES FAST -FOODS NUCLÉAIRE LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS Immigration : Immigration : une division de classe une division de classe à l’échelle de la planète ! à l’échelle de la planète ! La question n’est pas morale, La question n’est pas morale, elle est politique elle est politique

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MENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTE N° 234 NOVEMBRE 2013 3€

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GUYANELE BUSINESS DU SPORT

ÉTATS-UNISLA GRÈVE DANS LES FAST-FOODS

NUCLÉAIRELE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS

Immigration :Immigration :

une division de classe

une division de classe

à l’échelle de la planète !

à l’échelle de la planète !

La question n’est pas morale,

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courant alternatif - n° 233 octobre 20132

COMMENT FONCTIONNECOURANT ALTERNATIF?

SOMMAIREÉDITO - Ras-les fronts � PPAAGGEESS 33,, 44

IMMIGRATION

�PPAAGGEESS 55,, 66,, 77 Lampedusa : migrants, un carnage politique

�PPAAGGEESS 88,, 99,, 1100 Contre le racisme et la xénophobie d’Etat,

l’égalité des droits

RÉPRESSION

�PPAAGGEE 1111 Harcèlement policier et judiciaire à Reims...

�PPAAGGEE 1111 ... et, en Russie, liberté pour les Pussy Riot !

BIG BROTHER� PPAAGGEESS 1122,, 1133

SANTÉ

�PPAAGGEESS 1144,, 1155 Psychiatrie : simple toilettage

sur les soins sans consentement

NUCLÉAIRE

�PPAAGGEESS 1166,, 1177,, 1188 Démantèlement des installations nucléaires

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

�PPAAGGEESS 1199,, 2200 Morvan, la lutte contre le projet Erscia

�PPAAGGEESS 2211,, 2222 Notre-Dame-des-Landes, l’assaut ?

ENTRE NOUS SOIT DIT

�PPAAGGEESS 2233,, 2244 Les journaux locaux de contre-information

INTERNATIONAL

�PPAAGGEESS 2255,, 2266 Guyane, le business du sport au profit

de l’aménagement du territoire

�PPAAGGEESS 2277,, 2288 Etats-Unis, la grève des fast-foods

�PPAAGGEESS 2299,, 3300,, 3311 Chine, travailler en Chine

et dans les usines chinoiseaux porte de l’UE

L’ÉCONOMIE EN BRÈVES�PPAAGGEE 3322

OCL c/o EgregoreBP 81213- 51058 Reims [email protected]

COURANT ALTERNATIFnovembre 2013

Mensuel anarchiste-communiste

COM. PAR. 0615G86750

Pour les seules obligations légales

DIR. PUBLICATION

Nathalie Federico

Imprimerie des moissons, ReimsImprimé sur papier recyclé

CONTACTER LOCALEMENTl’Organisation Communiste Libertaire

Un week-end par mois, une Com-mission-Journal (CJ), est organiséedans une ville différente, pour pré-parer le numéro suivant. Peuventy participer des sympathisant-e-sintéressé-e-s au même titre queles militant-e-s OCL de la ville enquestion et que des représentant-e-s des autres groupes de l’OCL.Chaque CJ a pour tâche de criti-quer le numéro précédent, de dis-cuter les articles proposés par desgens présents ou non ; d’en susci-ter d’autres en fonction des évé-nements et des souhaits émis parles groupes ou des individu-e-s. Enoutre, chaque CJ débute par unediscussion sur un sujet d’actualité,ce qui permet la prise de déci-

sions concernant les activités del’OCL, si nécessaire. Le collectif or-ganisateur rédige, immédiatementaprès la CJ, un compte rendu poli-tique et technique le plus précispossible, puis, pendant les deuxsemaines à venir, assure le suivi dece qui a été décidé pour le journal(liaisons, contacts, etc.) ; et c’est luiqui écrit l’édito en fonction de ladiscussion dans la CJ ou d’événe-ments qui se produisent après.

Si vous souhaitez assister et parti-ciper à l’une de ces réunions depréparation et de discussion sur lejournal (elles sont largement ou-vertes), écrivez à OCL/Égrégore –BP 81213 – 51058 Reims cedex,afin de pouvoir vous y rendre.

[email protected]

BRETAGNEClé des champs BP 2091244009 [email protected]

CHAMPAGNE-ARDENNESOCL c/o egregore BP 8121351058 [email protected]

ÎLE DE [email protected]

[email protected]

MIDI-PYRÉNNÉESOCL c/o Canal Sud, 40 rue Alfred Dumeril, 31 400 [email protected]

NORDOCLB c/o La mouette enragéeBP 403 62206 Boulogne s/Mer [email protected]

NORMANDIECRAS, BP 5164 14075 Caen [email protected]

PAYS [email protected]

PERIGORD/[email protected]

[email protected]@ymail.com

RHÔNE-ALPES“courant alternatif”c/o Maison del’écologie4 rue Bodin 69001 [email protected]

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CONTACTSFigeac, Montpellier, Moulins, …passer [email protected]

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Ce numéro a été préparé à

Poitiers

Lacommissionjournal denovembreaura lieuà Lyon

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éditorial

3courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

Et voilà que nous y sommes une fois de plus : la dernièreligne droite avant les élections municipales est, commeprévu, en train de réduire le débat politique à une pièce dethéâtre où s’affrontent le bien et le mal. C’est du moinsainsi que la gauche socialo-écologiste entend mener cam-pagne, et elle sera rejointe par une partie de l’extrêmegauche et des antifascistes officiels à mesure qu’appro-chera la date fatidique du second tour.

Et c’est ainsi que le Front national fonctionnera une foisde plus comme une machine utilisée à droite et àgauche pour des visées électorales et prébendairessans pour autant faire reculer d’un iota ni un racismebien réel et en expansion ni un fascisme en partie ima-

ginaire.

QUAND LE POLITIQUEMENT INCORRECTEST DEVENU CORRECT

Pendant des décennies, l’antifascisme a fonctionné en utili-sant une recette forgée par des morceaux d’histoire allant du Frontpopulaire à Mai 68 en passant par la Résistance. Il suffisait de dé-signer, de nommer, d’invectiver pour contenir l’ennemi. Il suffi-sait d’utiliser des mots et des images basés sur la saga nationalede la résistance au fascisme et à l’envahisseur nazi, en renvoyanttelle personne ou ou telle force politique à des valeurs majoritai-rement réprouvées et dont peu aiment être affublés. Il ne s’agis-sait surtout pas d’analyser ce qu’on voulait combattre mais dedresser préventivement, à l’aide de clichés et raccourcis histo-riques, un cordon sanitaire autour de l’ennemi en culpabilisantet en menaçant toute personne susceptible d’être tentée par lemal, ou voulant simplement s’interroger sur ce qu’est réellementcet ennemi dénoncé. De cruelles erreurs ont ainsi été commises.

La gauche, en 1958 et après, hurlait : « Le fascisme ne passerapas » à l’encontre de De Gaulle, évitant ainsi de comprendre quele retour au pouvoir du grand homme, fût-ce par un coup d’Etatlarvé, ne devait pas grand-chose à un élan dictatorial, mais signi-fiait d’abord un nouvel élan donné à ce qui fut appelé ensuite les« trente glorieuses », et que la IVe République engluée dans desvieux schémas et dans les guerres coloniales n’était pas en me-sure d’accompagner.

En 1968 et après, l’extrême gauche gueulait « CRS-SS » commesi la République n’était pas capable par elle-même de taper dure-ment et de tuer sans pour autant devenir nazie.

La charge émotionnelle de ces apostrophes était à ce pointforte que l’adversaire était quelquefois même amené à se justifierde ne point être celui qu’on disait. Cela avait pour effet de ren-voyer le présent à une matrice passée, en évitant d’essayer decomprendre que les formes autoritaires les plus extrêmes de ges-tion de l’Etat pouvaient revêtir les habits les plus divers tout enétant parfois aussi, sinon plus, insupportables que le modèle. Cefaisant, on édulcore le passé en évitant le présent.

Or, progressivement depuis les années 1980, les mots anciens(fasciste, extrême droite…) ont perdu leur force dissuasive. Lesmots nouveaux (islamophobe, homophobe, sexiste…) n’ont pasacquis dans la société française la même résonance historique et,qui plus est, ils ne sont même pas connus d’une bonne partie dela population, en particulier de celle qui se tourne vers le FN. Et,de toute façon, l’invective ne fonctionne pas non plus vis-à-vis despersonnes qui pensent ne pas être celles que l’on désigne, parcequ’elles estiment que le FN lui non plus n’est pas ainsi… et quede toute manière ce n’est pas le plus important. Bref, le politi-quement incorrect de l’époque ne l’est plus autant aux yeux d’unepartie de cette population qui se tourne vers le FN parce qu’ellepense que ce parti peut la sortir de la merde ou, du moins, que çavaut le coup de tenter l’expérience, après celle de la droite et de lagauche ; ou simplement pour faire chier les représentants decelles-ci, qui apparaissent de plus en plus comme un establish-ment coupé de toute réalité sociale.

LA QUESTION EST SOCIALE, PAS MORALE

C’est à cause de ce qu’ils subissent par rapport aux retraites,salaires, durée du travail, chômage, soins, logement, aides so-ciales, désertification de leur espace, etc., que ces gens se tour-nent vers le FN, et moins pour des raisons idéologiques. Mais decela les socialos-écolos ne disent évidemment rien, puisqu’ilssont justement l’instrument de la mise en œuvre de toutes ces at-taques programmées par le patronat contre le salariat modeste etmoyen, les ouvriers, les petits agriculteurs et les chômeurs.

Ras-les-fronts

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éditorial

courant alternatif - n° 234 - novembre 20134

Nous sommes là bien loin des questions de morale.Un récent conflit en cours peut nous donner quelques indica-

tions sur les mécanismes qui se mettent en place : celui qui agiteles abattoirs Gad, en Bretagne (889 suppressions d’emplois) car ilest un modèle réduit de ce qui se joue un peu partout. Le 22 oc-tobre, les salariés du site de Lampaul-Guimiliau, dans le Finistère,promis à la fermeture ont voulu bloquer celui de Josselin, dans leMorbihan, qui doit être préservé dans le cadre du plan de restruc-turation de Gad SAS. La colère de ces salariés était d’autant plusgrande que 15 millions de leurs indemnités (liées à la participa-tion) avaient été supprimés et reversés pour relancer le site de Jos-selin.

Lorsqu’ils sont arrivés devant l’abattoir, 100 à 150 salariés surles 650 que compte le site préservé, en tenue blanche de travail,ont repoussé manu militari leurs collègues de Lampaul-Guimi-liau ; puis ils se sont assis sur l’autoroute pour protester contreces collègues « qui sont en train de perdre leur emploi mais qui,par leur démarche, vont nous faire perdre le nôtre ». Il s’agit là belet bien d’une milice patronale qui ne dit pas son nom et qui aœuvré en attendant des CRS prêts à prendre le relais.

Jusqu’au début de ce siècle, lorsqu’on parlait de milices ou desyndicats patronaux (par exemple chez Simca, Citroën ou Peu-geot), on pouvait sans grand risque d’erreur classer ses membrescomme proches du FN ou du SAC, et les ouvriers qui se faisaientcasser la gueule étaient plutôt de gauche. Or, dans le cas de Gad,on verrait bien la milice patronale et cette « élite ouvrière » quiveut continuer à travailler, et est très majoritairerement syndiquéeà la CFDT, s’accommoder de Hollande en regrettant peut-être Sar-kozy. Quant aux autres de Lampaul, à juste titre « écœurés » etmajoritairement syndiqués à FO, il ne serait pas étonnant que cer-tains d’entre eux se tournent vers le FN. Eh oui, les temps ontchangé !

Face à cela, que peuvent les invectives, les arguments moraux,les rappels aux fondements de la République ? Rien, sinon peut-être renforcer la conviction croissante que ceux qui utilisent detels arguments sont des donneurs de leçons ne vivant rien de ceque les licenciés subissent, et que l’establishment qui trône surles étranges lucarnes et s’inquiète de la montée du FN est toutaussi coupé des réalités sociales que le Roi Soleil l’était de sonbon peuple.

ON NE PEUT À LA FOIS COMBATTRE LE FASCISMEET ŒUVRER À LA DÉFAITE DE LA CLASSE OUVRIÈRE

On l’a dit et redit mille fois, l’éradication du fascisme passepar une dénonciation claire du capitalisme ; et seules les luttespopulaires, notamment contre les politiques antisociales (degauche comme de droite) qui favorisent son éclosion, peuvent fairereculer la tentation autoritaire.

Et se raccrocher à la fiction d’un capitalisme protectionnisteet/ou keynésien n’est d’aucun secours. Cela ne permet pas de dé-celer clairement que la victoire (provisoire ?) de ce qu’on appellefaussement « libéralisme » est en fait une mutation du capitalismequi s’est réalisée sur une défaite majeure et durable du mouve-ment ouvrier, même dans sa version la plus réformiste. On voitmal comment des luttes sociales pourraient redémarrer si rienn’est dit sur les liens qui unissent les défaites successives du sa-lariat, sur les combats non menés (sur l’intérim, les CDD, la flexi-bilité, etc.). Autant d’abandons et de défaites qui ont, petit à petit,contruit le sentiment d’impuissance et le fatalisme dans la classeouvrière, et entraîné la montée d’une colère teintée de racisme, dexénophobie et d’individualisme.

Il ne faut pas non plus oublier que la « défense des intérêts dela nation » a été historiquement avancée par le mouvement ou-vrier, notamment le PCF et la CGT. On ne rappellera jamais assezce que furent les bulldozers de Vitry le 24 décembre 1980. Ce jour-là, 300 Maliens quittent leur foyer de Saint-Maur pour être héber-gés dans un bâtiment en cours de rénovation à Vitry. La section duPCF de la ville réagit par l’action d’un commando équipé d’une pel-leteuse, et, avec le soutien de la direction du Parti, s’emploit à faires’écrouler l’entrée du foyer pour empêcher les nouveaux occu-pants d’y rentrer. Il s’agit là d’un véritable événement fondateur dela lente et inexorable montée de la popularisation par la gauchedes thèmes racistes du FN.

Un mois et demi plus tard, Robert Hue, le maire communistede Montigny-les-Cormeilles, organise une campagne d’une rare vio-lence contre des immigrés accusés sans preuve de se livrer au tra-fic de drogue. Plus près de nous, la politique de Voynet àMontreuil, l’expulsion en plein hiver de travailleurs à Bagnolet en2010 par une municipalité de gauche, la politique de Valls ne sontque des épisodes parmi d’autres de la banalisation du rejet de l’im-migré.

Le national-populisme et les « mouvements nationalistes » surlesquels prospère l’extrême droite ne sont pas tombés du ciel nide la seule volonté de la bourgeoisie : ils sont aussi le produit dela lutte de classes telle qu’elle a eu lieu, celui du syndicalisme ma-joritaire et devenu hégémonique à partir des années 1920 et quis’est consolidé après-guerre.

Les multiples exactions commises par des petits groupes nazisdoivent évidemment être combattues politiquement et physique-ment dans toutes les villes où elles ont lieu. Mais, en toute lo-gique, si le combat contre le fascisme se doit de passer par unecritique du capitalisme et une lutte contre l’offensive dite « libé-rale », on voit mal comment on pourrait conclure des alliances «antifascistes » avec des forces qui défendent le capitalisme et met-tent en œuvre les politiques antisociales. Les désistements de der-nière minute, « en se bouchant le nez », pour barrer la route au FNau nom d’un front républicain risquent fort de nourrir encore da-vantage le mal qui est censé être combattu.

CJ Poitou

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Homme libre,toujours tu chériras la mer !

Baudelaire

La mer a toujours été legrand cimetière des mi-grants volontaires ou for-cés. Comme le dit l’écrivainmartiniquais Chamoiseau,

« la Traite à nègres (…) fit de l'Atlan-tique le plus grand oublié des cime-tières du monde ». On se rappelle aussiles 250 000 morts des « boat people »qui, après 1975, ont fui le Sud-Vietnamaprès la victoire du FNL. Il est vrai queceux-là fuyaient le communisme, ce quileur donna finalement une imagemeilleure que celle des autres gueuxengloutis par l’Océan.

La position exprimée par le Conseilde l’Europe quelques heures avant ceénième massacre montre le vrai visagede l’espace Schengen ; en substance,l’Italie est accusée d’être trop molle etindécise dans le traitement des mi-grants entrant sur son sol. Un discoursqui fera certainement plaisir aux partisde droite européens, au Président ita-lien Napolitano (1) qui, enivré par le faitque l’Italie a enfin un gouvernement,prétend gouverner aussi les côtes étran-gères. Celui qui a ouvert la voie à la loiBossi-Fini (2) a été fidèle à lui-même,tout comme la Ligue du Nord avec sonracisme habituel, ou le M5S (Mouve-ment 5 étoiles) qui après avoir été op-posé au jus soli (droit du sol) réaffirmesa pensée d’Etat en invoquant l’inter-vention de l’Union européenne pour as-surer le contrôle des frontières.

FRONTEX, UNE ARME DE GUERRECONTRE LES PAUVRES

Loin de l’image d’une « forteresseEurope » assiégée, le régime de Schen-gen, avec la force armée Frontex, a si-gnifié pour la quasi-totalité deshabitants de la planète l’impossibilitéd’atteindre l’Europe d’une manière lé-gale. Tous les moyens sont bons pourles dirigeants des Etats européens et del’UE pour empêcher desmigrants de pé-nétrer dans la forteresse ou de s’y dé-placer. Même porter simplementsecours aux naufragés est empêché parle délit d’immigration clandestine : ré-cemment, plusieurs pêcheurs italiensont été condamnés par des tribunauxdu pays pour avoir secouru des mi-grants en perdition !

Aux frontières de l’Europe se multi-plient depuis des années patrouilles de

flics et demilitaires conjointes entre lespays européens et africains (y comprisceux qui ont connu leur « printemps »,comme la Tunisie et la Libye), avec desoutils de surveillance à la technologieultrasophistiquée : radars, camérasthermiques permettant de décelertoute présence humaine dans tous les

moyens de transport maritimes, aérienset terrestres, détecteurs de chaleur et demouvement, systèmes de drones, etc.Le tout faisant le bonheur des mar-chands d’armes pour un budget annuelestimé à 2 milliards d’euros. C’est lamission essentielle de l’agence Frontex.Cette Agence européenne pour la ges-tion de la coopération opérationnelleaux frontières extérieures de l’UE a étécréée en 2004 et fonctionne depuis oc-tobre 2005 ; son siège est à Varsovie.Même si chaque Etat membre de l’Eu-rope reste responsable de la partie de lafrontière qui se trouve sur son territoire,Frontex a pour mission de garantir unhaut niveau d’efficacité de gardien dutemple européen. Il a donc pour man-dat la lutte contre l’immigration dite« clandestine »… et non le sauvetage enmer d’embarcations à la dérive ! C’estainsi que son intervention aux fron-tières est de type paramilitaire et s’ins-crit dans un dispositif générald’externalisation de l’asile et de déléga-tion aux pays tiers de l’UE du contrôle,de la rétention et de l’expulsion des mi-grants. « Printemps arabes » ou pas,Frontex est l’outil de l’UE pour renfor-cer la coopération avec la Libye (en at-tendant la Tunisie…) qui devrait, d’unemanière encore plus efficace que sousKhadafi, aider l’Europe à protéger sesfrontières méditerranéennes. Des par-tenariats existent déjà, ainsi que des ac-cords de réadmission faisant de cesEtats du Sud et de l’est de la Méditerra-née les nouveaux gardes-frontières del’Europe.

Le 10 octobre, le Parlement euro-péen a adopté le programme « Eurosur »de surveillance renforcée des frontièresextérieures de l’UE. C’est un nouveausystème de reconnaissance et de trans-mission de données, destiné à surveillerles flux de réfugiés en Méditerranée(avant une généralisation aux autresfrontières) et coordonné par l’agenceFrontex. Cette décision n’est pas direc-tement liée aux événements de Lampe-dusa, puisque ce programme était dansles cartons depuis cinq ans, mais cesévénements sont tombés à pointnommé pour contribuer à faire croireque, grâce à ces outils, l’Europe aura lesmoyens de détecter les bateaux de ré-fugiés en difficulté.

Il était logique que cette politique del’UE conduise à ce que toute tentativepour l’atteindre devienne de plus enplus dangereuse. Il était aussi logiqueque, dans un monde globalisé, le dé-clenchement des révolutions et desconflits ait accru le désir de liberté et

immigration/Lampedusa

5courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

MIGRANTS :UN NOUVEAU CARNAGE POLITIQUE

Les centaines de morts du nau-frage de migrants qui s’est dé-roulé le vendredi 3 octobre àLampedusa, puis, le vendredi sui-vant, les dizaines de victimes dunaufrage de 230 autres au largede Malte viennent s’ajouter auxmilliers de morts de ces vingt der-nières années. Malgré la variationdans les chiffres, ce ne sont pas desimples naufrages mais des car-nages devenus la norme depuisl’Europe de Schengen qui, tout encélébrant une liberté de mouve-ment à l’intérieur (qu’elle ne res-pecte d’ailleurs pas) et endisposant d’un système harmo-nisé de permis de séjour, s’est dé-chargée sur les pays frontaliers dela tâche de « filtrer » les migrantsextérieurs.

LAMPEDUSA :CE QUE NOUS DISENT LES

GOUFFRES

Toute horreur crée son gouffreainsi celle de la Traite à nègres qui fit del'Atlantiquele plus grand oublié des cimetières dumonde(crânes et boulets relient les îles entreelleset les amarrent aux tragédies du conti-nent)

Le gouffre chante contre l'oublien roulis des maréesen mots de sel pour Glissant pour Wal-cott et pour Kamau Brathwaite(fascine des siècles dans l'infini de ceprésent où tout reste possible)

Celui de l'Atlantique s'est éveillé(clameurs en Méditerranée !)l'absurde des richesses solitairesles guerres économiquesles tranchées du profitles meutes et les sectes d'actionnairesagences-sécurité et agences-frontièresradars et barbeléset la folie des murs qui damnent ceuxqu'ils protègent

Chamoiseau

(1) Drôle de cocoque ce Napolitano !Agé de 89 ans, il estprésident de la Ré-publique italiennedepuis 2006. Jeunefasciste, il devientrésistant puismembre du PC ita-lien dont il fut lechef de file « réfor-miste » à la fin desannées 80. Députéde Naples, députéeuropéen, puis, en1996, ministre del’Intérieur dans legouvernement Prodialors qu’il a intégréle Parti démocra-tique de gauche(PSD), il soutientMario Monti qu’ilnomme chef du gou-vernement en 2011.

(2) Votée en 2002, laloi Bossi-Fini –d’Umberto Bossi,chef du parti xéno-phobe de la Liguedu Nord, et Gian-franco Fini, chef despostfascistes d’Al-liance nationale –visait un durcisse-ment des conditionsd’accueil des mi-grants en Italie. Eta-blissement dequotas en fonctiondes besoins demain-d’œuvre, miseen place d’un fichierd’empreintes digi-tales des étrangersdemandeurs d’asile,création de centresde rétention danstout le pays, renvoiforcé de migrants,création du délitd’immigration clan-destine… Décidée etvotée par la« droite » de Berlus-coni, elle n’a pas étéabrogée par la« gauche » de Prodià partir de 2006.

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produise davantage de mouvements :les migrants ont le droit d’exercer cetteliberté de mouvement qu’ils ontconquise, comme cela s’est produitaprès la révolution tunisienne, et devoter avec leurs pieds contre les guerresqui ne les concernent pas, comme celas’est passé en Libye et maintenant enSyrie.

DERRÈRE LES MASSACREORGANISER LES MOUVEMENTSDE LA FORCE DE TRAVAIL

Face à toute tentative d’en-cadrer et de réglementer cetteliberté, ce que ni l’Europe nil’Italie ne réalisent, c’est queles mouvements des migrantsne dépendent pas d’eux. Ce quidépend d’eux, ce sont tout auplus les conditions de leur dé-placement. Pour cette raison,les pays européens et les poli-tiques d’immigration partagentla responsabilité de ce qui ar-

rive régulièrement. Mais, au-delà de ceconstat assez partagé, il faut démas-quer et combattre l’idée selon laquellel’Europe serait malgré tout un îlot de li-berté à protéger contre les mille et unebarbaries qui nous entourent. Les mou-vements des migrants montrent qu’ilne peut y avoir une lutte qui ne soit pasà une échelle pleinement transnatio-nale.

Ce énième massacre nous pousse ànous souvenir non seulement des vic-times, mais de tous les migrants quiluttent chaque jour depuis des annéeset s’organisent contre les lois qui régis-sent les frontières de l’exploitation. Lechagrin et la colère qui s’élèvent contrece dernier massacre imposent, aujour-d’hui plus que jamais, de reconnaîtreque sur la peau de migrants se jouebeaucoup plus que ce qui est rendu vi-sible par les massacres enmer, avec unesystématique et spectaculaire victimi-sation et criminalisation politique etmédiatique. Ce qui se joue, c’est la ten-tative de réglementer et de régir, àl’échelle transnationale, une nouvellegéopolitique et les mouvements de laforce de travail. C’est un conflit poli-

tique global et de classe dont les mi-grants sont une partie active. Nous de-vrions ainsi au moins cesser deconsidérer les migrants uniquementlorsqu’ils meurent en mer, ou en tantque porteurs de demandes partielles,pour accepter le défi politique globalqu’ils posent. Sinon, nous continueronsà n’être que scandalisés après chaquemassacre maritime, et à assister im-puissants à un déluge d’hypocrisie et demoralisme obscène qui, non seulementne peut rien faire contre le racisme ins-titutionnel, mais en a besoin pour ytrouver sa raison d'être.

L’HYPOCRISIE BIEN-PENSANTE

L'hypocrisie est bien le mot qu’il faututiliser pour désigner l’attitude d’unegrande partie de la gauche, institution-nelle ou non. Le véritable scandale, cesont les positions prises par ceux qui de-mandent le prix Nobel de la paix pourLampedusa, qui accordent la citoyen-neté aux morts tandis qu’ils la refusentaux vivants, qui déclarent un deuil na-tional tandis que dans les stades euro-péens une partie du public exprimeouvertement son racisme. Ce n'est paslà une banale hypocrisie morale, c’estbel et bien une hypocrisie politiquebeaucoup plus lourde. En Italie, le nou-veau garant de la grande entente aupouvoir, Angelino Alfano (3), s’est dé-pensé sans compter pour empêcher toutdébat à propos de la loi Bossi-Fini, la-quelle constitue l’enjeu du conflit poli-tique qui s'est ouvert sur la peau decentaines d'hommes, de femmes etd'enfants. Pour certains, le slogan « Abo-lir la loi Bossi-Fini » signifie respecter lesdroits et même introduire une plusgrande légalité. Pour nous, l'abolition dela loi Bossi-Fini signifie détruire unrouage d’un système spécifique globalet différencié de l'exploitation.

Les chroniques racontent qu'un mi-grant érythréen, emprisonné dans lecentre d’accueil pour demandeursd'asile de Lampedusa, a arrêté la mi-nistre italienne de l’Intégration Cécile

Kyenge pour lui parler, non pas desconditions scandaleuses et inhumainesdu centre, mais de comment échapperaux normes européennes (Dublin II) quiexigent des demandeurs d'asile de rési-der dans l'Etat dans lequel ils sont arri-vés. Cet épisodemontre clairement quela revendication de la liberté expriméepar les migrants ne se heurte pas seule-ment aux risques du voyage,mais aussià un système de différenciation interneà l’Europe qui est essentiel à la gestionpolitique de la crise. Ceux qui voientdans les politiques d'austérité l’ennemiprioritaire à combattre doivent savoirque la distinction entre les pays euro-péens « vertueux » et ceux qui le se-raient moins s’opère à partir dudéchargement sur l'Europe méditerra-néenne et ses frontières des coûts so-ciaux de la mobilité globale. Il ne s’agitpas tant d'une discrimination entre lesEtats que d’une hiérarchie précise del'exploitation au sein de l’espace éco-nomique et financier européen.

Si Barroso accourt à Lampedusa, cen'est pas seulement un geste obligé de-vant l’énormité des faits, mais unefaçon de gérer la tension interne dansl'UE que les mouvements de migrantsne font qu'accroître.

immigration/Lampedusa

courant alternatif - n° 234 - novembre 20136

Excusez-nousde ne pas êtrenoyés

Les vents de l'Océan en soufflantleurs menacesLaissaient dans ses cheveux delongs baisers mouillésDes émigrants tendaient vers leport leurs mains lassesEt d'autres en pleurant s'étaientagenouillésIl regarda longtemps les rives quimoururent

Apollinaire

« Ils ne veulent pas être italiens ouespagnols ou grecs. Ils conservent desliens affectifs et culturels avec beau-coup de fierté, comme en témoignent lesenvois de fonds dans leurs pays d’ori-gine (ou le fait que ce sont les famillesqui économisent l’argent qui permettraau plus jeune et au plus courageux deleurs membres de payer le mafieux localet d’embarquer pour l’Europe). Ils neveulent pas être italiens ou espagnolsou grecs, mais ils veulent avoir certainsdroits que les Italiens et les Espagnolset les Grecs sont en train de perdre. Ilsrevendiquent le droit d’aller et venir et ledroit de rester dans leurs maisons, devoyager et de ne pas voyager, de tra-vailler, de vivre des aventures, deconnaître d’autres lieux, d’aimerd’autres personnes et aussi leur proprepeuple… » (« Lampedusa : perseguir a losvivos, premiar a los muertos », Cuarto-poder , 12 octobre 2013, extraits.)

(3) Chef duparti de Berlusconi,

ministre de l’Inté-rieur du gouverne-

ment « de largeentente » actuel, il

est célébré au-jourd’hui par la

presse et les chan-celleries euro-

péennes pour avoirlâché récemment

son mentor, empê-chant l’Italie de re-tourner aux urneset assurant ainsi

une « stabilité » ins-titutionnelle dans le

fonctionnement del’Etat et de ses « ré-

formes »

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UN CONFLIT POLITIQUE,GLOBAL, ET DE CLASSE

Face à cela, être scandalisé est unebien faible réaction ! Il n’y aura pas deréponse adéquate dans des pétitionsqui soutiennent, sans doute, des propo-sitions raisonnables, mais qui doivent,pour gagner, être confiées à des ci-toyens dotés de leurs seules bonnes in-tentions. D'autre part, distinguer lesmigrants et les réfugiés, et ouvrir pources derniers un couloir humanitaire si-gnifie faire l’impasse sur l’étau féroceexercé par la loi Bossi-Fini, en particu-lier dans les conditions de crise écono-mique. Tout aussi discutable est laréaction de ceux qui – comme les syn-dicats confédérés italiens retrouvantleur unité dans le deuil – sont descen-dus dans la rue pour s’apitoyer sur lesmigrants morts après avoir ignoré ceuxqui vivent, ceux qui ces dernières an-nées se sont mis en grève et sont conti-nuellement descendus dans les ruescontre la loi Bossi-Fini afin d’obtenir lesconditions leur permettant de pour-suivre leur vie en Italie et en Europeaprès avoir conquis la liberté en Libyeou enTunisie. Ceux qui – pas seulementdans la gauche institutionnelle – conti-nuent de parler de l'asile et du délit declandestinité en omettant le lien exis-tant entre le permis de séjour et lecontrat de travail, ou en oubliant la de-mande d'un niveau de revenu et de co-tisation sociale adéquat permettant derenouveler le permis, reproduisent unegestion de l’immigration qui oblige àentrer comme « clandestins » et imposede vivre comme « irréguliers », si onn’accepte pas certaines conditions detravail lamentables ou si on ne trouvepas immédiatement du travail. Lacondition des migrants ne s’épuise pasdans la mer de mort de Lampedusa,mais traverse et conditionne les hiérar-chies et les conditions imposées parl'Etat et le travail. Contre cette condi-

tion, les migrants se sont battus etcontinuent de se battre.

Les 18 et 19 octobre, deux journéesde grève et de mobilisation étaient pré-vues dans toute l’Italie à l’initiative dessyndicats de base et des mouvementsde lutte pour le logement, contre lesgrands travaux, la précarité, etc. Le ven-dredi 18, une grève générale étaitconvoquée par des syndicats de base, etrelayée par tout un ensemble de mou-vements et de collectifs, en particulierpour une manifestation quasi « natio-nale » appelée à Rome. Le lendemain,c’est tout un éventail de mouvementsqui appelaient à une autre manifesta-tion dans Rome sur les mots d’ordre« Assiégeons l’austérité et la précarité » et« Soulèvement général ». Les manifesta-tions ont regroupé jusqu’à 100 000 per-sonnes (voir les détails sur notre site, ). ARome, ce sont les migrants et réfugiésqui ouvraient le cortège pour réclamerl’abolition de la loi Bossi-Fini, derrièreplusieurs banderoles et pancartes (« Ex-cusez-nous si nous ne sommes pas noyés »et « Au lieu de donner la citoyenneté auxmorts, donnez la résidence aux vivants »...).Ils étaient suivis par les travailleurs del’aciérie Ilva de Tarente, des pompiersen uniforme et toute une ribambelle decortèges, principalement du secteur pu-blic au sens large. Parmi les manifes-tants, on notait un important groupe deRoms de la via Salviati. Après avoir ré-sidé dans un camp à Castel Romano, ilsse sont maintenant installés dans unautre camp qu’ils refusent d’abandon-ner. En août dernier, ils se sont barrica-dés à l’intérieur et ont mis en échec unetentative d’expulsion. Ils sont mainte-nant partie prenante des mouvementspour le logement, explique un membredes BPM (Blocchi precari metropolitani),qui soutiennent leur entrée dans les dy-namiques d’occupations d’immeubleset d’espaces qu’ils développent depuisdes mois. Les luttes des migrants n’ontpeut-être pas trouvé de résolution,maiselles sont une réalité qui ne peut plus

être ignorée grâce à la mise en scèned'un moralisme d’occasion ou bien enrecommençant à appeler migrants ceuxqui jusqu'à la veille ont été appelés ou-vriers ou travailleurs. Face à la globali-sation, le monde lisse et homogène estcelui des marchés, pas celui deshommes et des femmes, séparés etmarqués par des différencesde classe, de couleur, sexuelleset juridiques. Ce n'est pas unequestionmorale,mais précisé-ment politique. Penser aujour-d'hui obtenir des victoires,symboliques et réelles, sansremettre en cause le régime dela séparation qui, en frappantles migrants, nous frappe tous,et sans comprendre la dimension euro-péenne et globale que les luttes des mi-grants mettent constamment à l'ordredu jour, est une illusion que nous nepouvons pas nous permettre de culti-ver.

Quelques militants OCL avec le concoursde : http://coordinamentomigranti.org/

Voir aussi :http://oclibertaire.free.fr/spip.php?ar-

ticle1422

immigration/Lampedusa

7courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

« Sans patrons, sans frontières. Liberté de circulation »

ILS ARRIVENTTOUT DE MÊME

À PASSER !

Le 17 septembre 2013, près de 200migrants venus d’Afrique ont réussi àfranchir la frontière entre le Maroc etl’Espagne dans les enclaves espagnolesde Ceuta et Melilla. La charge de ces mi-grants très organisée a fait 7 blessés : 6gardes civils espagnols et un migrant.D’après les autorités espagnoles, il s’agitdu plus important assaut à Ceuta depuis2007. Rappelons que cette frontière estconstituée d’un double grillage de 6mètres de haut soi-disant infranchis-sable. Quelles que soient les mesurestechnologiques, militaires, prises parl’Union européenne, la forteresse seratoujours franchissable, mais au prix d’unnombre de plus en plus important de vic-times du côté des populations migranteset au prix d’une augmentation des tarifsdes passeurs

Mon exil, dans leurs ports !Leur vie, dans ma mort !Ommi Yêma Ya Mima !Le bateau me ramène,

Vers nos rêves assassinés !

Mokhtar El Amraouiin « Arpèges sur les ailesde mes ans »

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immigration/racisme

courant alternatif - n° 234 - novembre 20138

À toutes les époques de l’his-toire, les êtres humains ontmigré. Tantôt pour conquérir denouveaux territoires et s’y ins-taller en maîtres, tantôt pourchercher un refuge.

IMMIGRATION : UNE DIVISIONDE CLASSE À L’ÉCHELLE

DE LA PLANÈTE

Dans le cadre de la mon-dialisation capitaliste, ledumping social s’est gé-néralisé. D’un côté les ca-pitalistes délocalisent

impunément la production là où les tra-vailleurs/ses sont privéEs de droits, deprotection sociale et de salaires décents.Et la condition des exploitéEs peut res-sembler à celles d’esclaves comme dansles ateliers textiles du Bangladesh.

De l’autre, des millions d’immigréEs,ancienNEs ou récentEs, arrivéEs dans lespays développés n’y jouissent pas desgaranties obtenues (souvent au bout delongues années de lutte) par les proléta-riats locaux. L’immigration est instru-mentalisée pour diviser la classeouvrière, pour casser les acquis sociaux,pour provoquer des phénomènesd’union nationale ou de consensuscontre les plus précaires et les plus fra-giles.

Les accords de Schengen, la barrièreélectrifiée pour « protéger » la frontièresud des Etats-Unis ou les zones de non-droit de Ceuta et Lampedusa génèrentune monstruosité que la lutte desclasses devra abattre : le capitalisme

mondialisé peut se déplacer instantané-ment pour optimiser ses profits tandisque les travailleurs sont condamnés àun choix sans issue : l’enfermementdans une pauvreté sans espoir ou lanoyade aux portes d’un Occident mythi-fié. Face au cynisme meurtrier de ceuxqui déclarent (comme Rocard) : « laFrance ne peut pas accueillir toute la mi-sère du monde » et qui en même tempsinstallent Renault en Roumanie, lescentres téléphoniques au Maghreb, l’in-dustrie textile au Bangladesh, qui en-voient leurs troupes en Afrique pourrétablir leur ordre et qui planquent leursprofits aux îles Caïmans, notre réponsec’est avant tout le droit absolu de voya-ger et d’immigrer et la régularisation in-conditionnelle de tous les Sans Papiers.

COLONIALISMEET POST-COLONIALISME

La colonisation n’a pas seulementété une expansion commerciale ou unpillage des richesses. Elle a aussi été uneidéologie meurtrière théorisant l’inéga-lité, l’esclavage, la supériorité des civili-sations occidentales sur les peuplescolonisés et l’idée que le colonialismeamenait à ces peuples progrès et mo-dernité. Le colonialisme a détruit des so-ciétés jugées archaïques et inférieures.Il a imposé ou essayé d’imposer sescroyances, ses « valeurs », son mode devie.

Toutes les immigrations en Franceont connu au départ racisme, discrimi-nations et souvent violences. Avec letemps, une partie de l’immigration enFrance s’est aujourd’hui « intégrée »,c’est-à-dire qu’elle se différencie peuculturellement ou économiquement du

reste de la population. Il s’agit des im-migrations italienne, espagnole, portu-gaise, polonaise, arménienne, juive …

Il n’en est pas du tout de même desimmigrations coloniales ou post-colo-niales. Au contraire, les très timidesavancées un moment obtenues ont étéremises en cause. Très massivement,des millions de personnes souvent denationalité française, vivent dans de vé-ritables ghettos et subissent quotidien-nement des discriminations au travail,au logement ou à l’éducation, ainsi quele chômage massif, le racisme et lescontrôles au faciès. Sans compter les in-nombrables crimes racistes ou « ba-vures » policières restés impunis.

Parmi les causes de cette situationscandaleuse, il ne faut jamais oublierque la parole n’a pas été dite sur l’escla-vage, la colonisation ou les crimes com-mis pendant la guerre d’Algérie. Lesgénéraux assassins qui ont enfumé lesAlgériens aumoment de la conquête ouqui ont balancé les Malgaches depuisdes avions sont toujours célébrés. Paponou Bigeard ont été ministres des annéesaprès leurs crimes et la vérité sur le 17octobre 1961 n’a toujours pas été recon-nue. Il y a même eu un grand « consen-sus » sur l’annexion de Mayotte.

Il est symptomatique de voir quetout le monde s’émeut pour savoir si lalaïcité a été au non violée à Chanteloup-les-Vignes mais que quasiment pluspersonne ne s’émeut de ce qu’est Chan-teloup-les-Vignes : un ghetto où la ma-jorité de la population, d’originepost-coloniale est exclue, vit sous leseuil de pauvreté et a davantage dechances de s’en tirer en trafiquant plu-tôt qu’en continuant d’espérer dans une« égalité républicaine » qui ne s’adressedécidément pas à ces dominéEs. Demême, les autorités qui réagissent àtous les actes antisémites, même nonavérés, sont étrangement silencieusesquand des femmes (voilées) d’Argen-teuil sont agressées en pleine rue.

Il existe un discours « républicain »qui stipule qu’a priori la république per-met l’égalité. Dans son histoire, la Répu-blique s’est totalement adaptée aucolonialisme, au racisme, aux discrimi-nations et bien sûr à la dictature du ca-pital. Le discours républicain et lesvaleurs qu’il exhibe sont totalementcreux pour le prolétariat issu de l’immi-gration coloniale ou post-coloniale.

CONTRE LE RACISMEET LA XÉNOPHOBIE D’ÉTAT,L’ÉGALITÉ DES DROITS

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immigration/racisme

9courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

LE RACISME OULES RACISMES ?

Bien sûr, on peut donner une défini-tion générale du racisme qui essentia-lise les populations selon leurs originesou leurs identités supposées, propage lahaine et hiérarchise les groupes hu-mains. Une définition trop globale per-met toutes les confusions.

L’extrême droite a créé l’AGRIF (Al-liance Générale contre le Racisme etpour le respect de l’Identité française etChrétienne).Même le MRAP a adopté untexte qui parle d’un « racisme anti-blanc » et cela a provoqué fort heureu-sement des vagues en son sein.

La question du racisme recoupe fon-damentalement celle des dominants etdes dominés. Le racisme est un desmoyens utilisé par les dominants pourmaintenir leur domination.

En Europe, pendant des décennies,l’antisémitisme a été le dénominateurcommun de tous les courants de l’ex-trême droite raciste. Les Juifs, croyantsou pas, étaient alors des « parias » consi-dérés comme des Asiatiques inassimi-lables, obstacle au rêve fou de construiredes Etats ethniquement purs. L’Occidents’est débarrassé de sa responsabilitémajeure dans l’antisémitisme sur le dosdu peuple palestinien en disant auxJuifs : « maintenant, vous avez un payset vous partez quand vous voulez ». Lesionisme a fait des Juifs qui épousentcette cause des colonisateurs au servicede l’Occident. Les Juifs en Occident fontaujourd’hui partie des « dominants » etl’antisémitisme a fortement diminué. End’autres époques une affaire commecelle de DSK aurait provoqué une explo-sion antisémite. Aujourd’hui les princi-paux dirigeants de l’extrême droiteeuropéenne sont ouvertement pro-is-raéliens et l’antisémitisme d’un Jean-Marie Le Pen est de moins en moinsrepris dans le parti qu’il a fondé.

Après le 11 septembre 2001, Bush afait sienne la théorie du « choc des civili-sations » et a déclaré la « guerre du biencontre le mal », le mal étant le musulmanou le présumé tel. L’islamophobie a rem-placé l’antisémitisme comme trait com-mun de l’extrême droite raciste. Il estabsurde de nier l’existence de l’islamo-phobie. Elle ne frappe pas l’émir duQatar. Ceux qui acceptent que des ri-chissimes capitalistes rachètent tout semoquent du fait qu’ils soient musul-mans ou pas. L’islamophobie frappe lesdominéEs. L’islamophobie de Breivikpense que l’Islam brise la pureté de laNorvège. Quand Ménard affirme qu’enSeine-Saint-Denis, il naît plus de Musul-mans que de Français, c’est le mêmefantasme. Quand Marine Le Pen com-pare les prières de rue à l’occupation al-lemande, elle ne vise pas les autresreligions. Elle s’attaque aux Musulmansou aux personnes « d’apparence » mu-sulmane. Tout comme l’antisémitisme

frappait tous les Juifs, croyants ou pas.Un racisme particulièrement odieux

ressemble à une résurgence éternelle dela haine et du mépris ordinaire. Le ra-cisme anti-Rom, c’est le besoin dans unesociété en crise d’avoir plus bas que soi.C’est l’idée que la cohésion sociale a be-soin d’une haine commune contre ungroupe humain qu’on a exclu. Cela rap-pelle au Moyen Age l’élimination de lasociété des lépreux, des prostituées, deshérétiques …

La stratégie de s’opposer au racismeau nom de valeurs « morales » commel’avait fait SOS racisme dans les années80 est tout à fait inefficace. D’une partparce que SOS Racisme est l’appendiceclientéliste d’un parti qui a prolongé lapolitique sécuritaire raciste chaque foisqu’il a été au pouvoir, mais aussi parcequ’on ne combat pas le racisme sansposer la question sociale.

Tous les racismes ont pour finalitéde précariser les populations dominées,de les maintenir dans l’insécurité et dediviser le prolétariat.

La poursuite de la politique du gou-vernement français contre les Roms, lesSans Papiers ou les Comoriens considé-rés comme des immigrants illégaux àMayotte est clairement raciste.

SÉGRÉGATION, DISCRIMINA-TIONS ET LUTTES

La marche des Beurs date du 1er juin1983. Elle s’était terminée par une gi-gantesque manifestation de plus de100000 personnes. Cette manifestationn’avait aucun caractère religieux. Elleavait entraîné l’essor du MIB (Mouve-ment de l’Immigration et des Banlieues).Depuis 1983, tout a empiré. Les ferme-tures d’entreprises et le chômagemassifont davantage frappé les quartiers. Lesservices publics et le tissu associatif ontété désintégrés beaucoup plusqu’ailleurs, laissant les habitants descités livrés à eux-mêmes sur fond de ra-cisme et d’exclusion. La ségrégationdans le logement a accentué le caractèrede ghetto de ces quartiers qui se sontdélabrés faute d’entretien ou deconstructions nouvelles. Au niveau del’école, tous les indicateurs de réussitese sont retournés à la fin des années1990 et de toute façon, de nombreuxjeunes diplômés des quartiers connais-sent quandmême précarité et chômage.

Si tous les pouvoirs ont laissé lesquartiers à l’abandon, ils ont multipliéles lois discriminatoires et les lois sécu-ritaires. La loi sur les signes religieux àl’école ne visait à l’évidence que la reli-gion musulmane. La loi sur la burqa vi-sait un ennemi imaginaire, mais elledésignait clairement les pauvresfemmes musulmanes comme étant unproblème. Au-delà des lois, les jeunestués par des policiers en toute impunitéà Grasse, Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel ou l’envoi de toutes les « forces de

l’ordre » en Seine-Saint-Denis pourmater la colère ont un sens : les habi-tants des quartiers sont stigmatiséscomme dangereux et comme consti-tuant le problème de la société fran-çaise.

C’est sur l’abandon des quartiers queles religieux ont commencé à prospéreret à offrir une forme d’identité et de liensocial qui ont trop souvent disparu.C’est aussi sur cet abandon qu’on abou-tit à des horreurs comme ces habitantsd’une cité déshéritée expulsant desRoms.

Il est possible de sortir du cercle vi-cieux. Pour le 30e anniversaire de laMarche des Beurs, une manifestation aeu lieu à Marseille à l’appel du groupe« Quartiers Nord, quartiers forts » (QNQF)pour hurler l’indignation contre l’aban-don des quartiers et ses conséquences :des jeunes désoeuvrés s’entretuant àcoup de kalachnikovs pour le contrôledu trafic de drogue. Quelques jours plustard, l’un des principaux centres asso-ciatifs de ces quartiers,menacé d’expul-sion, réunissait les principales forces deces quartiers dans une gigantesque fête.Notre place est au côté de celles et ceuxqui luttent avec ces excluEs qui repré-sentent une part notable du prolétariatvivant en France. Pourtant quand les Co-morienNEs sont descenduEs dans la ruepour hurler leur douleur après l’accidentd’avion où beaucoup des leurs ont dis-

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immigration/racisme

courant alternatif - n° 234 - novembre 201310

paru, les « Blancs » étaient bien raresdans la manifestation.

LA GAUCHE, L’EXTRÊME GAUCHEET LES SYNDICATS

FACE À L’IMMIGRATION

D’abord une constatation : le faiblenombre de membres des partis ou desyndicalistes issus de l’immigration.

Il y a une raison principale. Le dis-cours qui est tenu est en gros celui-là :« soyez comme nous, adoptez nos va-leurs et nous vous défendrons ». Il y aune espèce de condescendance à leurégard avec l’idée que les « vraies » va-leurs (féminisme, laïcité, socialisme …)sont occidentales et que la populationissue de l’immigration doit se débarras-ser de ses archaïsmes pour accéder à lamodernité.

Ce paternalisme peut même tournerau clientélisme. Le PS (comme l’UMP)considère la population issue de l’immi-gration comme un électorat qu’on peutacheter comme la droite l’a fait à Corbeilou séduire à l’aide de politicienNEs quiaccèdent à des responsabilités et fontmiroiter le mythe d’une émancipation(comme Samia Ghali à Marseille).

La gauche mythifie les « Lumières »sans voir les contradictions de ce mou-vement historique notamment vis-à-visdes coloniséEs et de leurs descendantEs.

Même dans les courants révolution-naires, la clairvoyance a été rare au mo-ment des luttes anticoloniales.

Le mouvement social ne doit pas dé-fendre les acquis sociaux contre les po-pulations issues de l’immigration dontla présence serait vue comme une me-nace contre ces droits. Il s’adresse àtouTEs et donc aussi à ce tiers du prolé-tariat discriminé et stigmatisé. L’égalitédes droits est inséparable de la défensedes droits existants et de la conquête denouveaux droits.

Prenons l’épisode des manifesta-tions de protestation au moment dumassacre de « Plomb durci » commis parl’armée israélienne. Au début, les forcespolitiques et syndicales de gauche sontdescendues dans la rue. Mais dèsqu’elles y ont vu des MusulmanEs, desfemmes voilées, des slogans en arabe,elles s’en sont retirées. C’est assez la-mentable.

L’antiracisme et l’égalité des droitssupposent-ils l’assimilation, l’intégra-tion forcée et l’abjuration de la diffé-rence ? Les immigréEs doivent-ils/ellesêtre « blanchiEs » ? Non, mille fois non.L’antiracisme, c’est un enrichissementmutuel, c’est une confrontation paci-fique de cultures et d’origines diffé-rentes où chacunE peut choisir ce quiaide à son émancipation. Le « vivre en-semble » et l’égalité des droits, ce n’estpas le modèle unique (de la baguette etdu béret ?) et l’effacement de la cultured’origine. L’assimilation ou l’intégrationdoivent être une possibilité de choix etpas une obligation. L’antiracisme, c’estfaire que la société d’accueil soit bien-veillante et égalitaire, ce n’est pas uneinjonction.

La condescendance de toute unegauche ou une extrême gauche fran-çaises peut mener loin. Au nom du fé-minisme ou de la laïcité, certainEs ontdésigné les immigréEs comme des ar-riéréEs. Ils/elles ont repris les odieusesassimilations islam/islamisme. Ils/ellesse sont associéEs à des campagnes destigmatisation. Faut-il citer des noms ?Un groupe comme « Riposte laïque » au-jourd’hui rallié au Front National vientd’un courant qui a poussé ses valeurs« républicaines » jusqu’à l’islamophobiela plus décomplexée. Plus grave, dansnos rangs, beaucoup ne voient pas cequ’un journal comme « Charlie Hebdo »(avec ou sans le sarkozyste Val) est de-venu. Ou ne voient pas ce que des « fé-ministes » comme Elisabeth Badinter ouCaroline Fourest charrient sur l’immi-gration.

Les valeurs universelles ne sont paspar essence occidentales. La laïcité, le

féminisme et en général nos « valeurs »sont inséparables de la lutte des classes.Quand ces valeurs servent à stigmatiserdes dominéEs, elles tournent le dos àl’émancipation.

AUTOORGANISATIONET SOLIDARITÉ

Il y a un enjeumajeur : unifier le pro-létariat, donner un sens au vieux slo-gan : « travailleurs immigrés, travailleursfrançais, mêmes patrons, même combat ». Ilest intéressant de voir qu’à la manifes-tation des quartiers à Marseille, la fin duvieux slogan : « première, deuxième, troi-sième génération, nous sommes tous des en-fants d’immigrés » avait été remplacéepar « nous sommes tous des Marseillais ».Au-delà du folklore local, il y a un sens.Les post-coloniséEs réclament leursdroits, ils ne quémandent pas. Ils sontchez eux.

Il y a en leur sein des tas d’associa-tions avec lesquelles nous pouvons faireune jonction. Les centres associatifs desquartiers permettent souvent la surviede zones sinistrées. Ils assurent le sou-tien scolaire, la transmission de la cul-ture, l’aide aux chômeurs, la vieassociative, la résistance. Les radioslibres qui permettent aux quartiers des’exprimer existent partout.

Il existe, outre QNQF déjà cité, desassociations nationales comme l’ATMF(Association des Travailleurs Maghré-bins de France) ou la FTCR (FédérationTunisienne des Citoyens des deuxRives). Ces associations laïques combat-tent virulemment les intégristes dansleurs pays d’origine. En France, ils sontles fers de lance de la lutte contre l’isla-mophobie car ils savent bien que la stig-matisation frappe tout le monde,croyant ou pas. L’Union Juive Françaisepour la Paix (UJFP) a une banderole com-mune avec ces associations (« Juifs etArabes unis pour la justice en Pales-tine ») et deux missions communes onteu lieu en Palestine. C’est à la fois lemeilleur moyen de combattre tous lesracismes (antisémitisme, islamophobie)et de donner un sens à la notion du vivreensemble avec l’égalité des droits.ATMF,FTCR et UJFP étaient ensemble à Argen-teuil pour protester contre les attaquesimpunies contre des femmes.

Faire la jonction avec ces associa-tions laïques et progressistes est uneobligation. Casser l’ostracisme dont lesquartiers sont victimes, y compris àgauche, est un impératif.

Pierre Stambul

En quelques semaines sont tom-bées trois décisions de l’appareiljudiciaire contre des militants, ac-

tivistes ou simples manifestants, àParis, Nantes, Tours. L’enjeu : lamise en cause des intérêts d’unemultinationale dans un projetd’infrastructure dévastateur com-

me un aéroport, la mise en causede la police et l’utilisation par lesforces de l’ordre d’armes létaleslors des manifestations, la mise encause de la politique raciste et xé-

nophobe de l’Etat français actuel-lement. Voir le détail de ces af-faires sur lesite de l’OCL :http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1423

Répression en bref

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Harcèlement policier et judiciaire a Reims...

Le21 février 2012, le groupe desPussy Riot a investi la cathé-drale du Christ-Sauveur, près

du Kremlin, pour y faire une« prière punk » disant notamment :« Marie mère de Dieu, deviens fé-ministe… et chasse Poutine » (voirCA n° 229). Trois d’entre elles ontété arrêtées pour cet acte « blas-phématoire », qui visait aussi à dé-noncer les accointances entrel’Eglise orthodoxe et le pouvoir.Nadedja Tolokonnikova et MariaAlekhina ont refusé de se repentir :elles ont été condamnées le 17août à deux ans de détention en« colonie pénitentiaire » pour« hooliganisme » et « vandalismemotivé par la haine religieuse » ; enappel, Ekaterina Samoutsevitch,qui n’avait pas participé à l’action,a été mise en liberté surveilléeavec sursis, et les autorités ontbien sûr laissé entendre qu’elle de-vait ce traitement de faveur à sonesprit de « collaboration »…

Réélu en mars 2012 pour untroisième mandat présidentiel(grâce à sa fausse image d’hommeintègre dans un univers de corrup-

tion et à son discours nationalisteet xénophobe, mais aussi à uneénorme fraude électorale en sa fa-veur), Poutine s’est employé à ré-tablir son ordre – à coupsd’arrestations et de poursuites àl’encontre de ses opposants – faceà une contestation qui allait gran-dissant fin 2011 contre son régime(nous y reviendrons dans le prochainCA), avec des manifestations ras-semblant quelque 100 000 per-sonnes à Moscou. Et il semble avoirfait de la répression contre lesPussy Riot et leurs soutiens une af-faire personnelle. Depuis no-vembre 2012, l’accès aux vidéos deleur site et de leur blog sur Live-Journal a été restreint, et tout siteles diffusant est passible de sanc-tions administratives, y comprisdes amendes allant jusqu'à 100 000roubles (4 000 euros). Le 8 mars2013 à Moscou, les forces anti-émeutes ont arrêté une dizaine depersonnes qui manifestaient léga-lement (donc séparément) devantle siège de l'administration péni-tentiaire, à l’occasion de la Journéeinternationale de la femme, contre

le maintien en détention des deuxPussy Riot. En avril, les tribunauxont refusé la libération condition-nelle de celles-ci alors qu’elles ar-rivaient à mi-peine (MariaAlekhina, qui était à l'isolementdepuis l’automne 2012, a juste ob-tenu d’être mise dans une cellulecommune).

Et, surtout, le pouvoir s’acharnesur NadejdaTolokonnikova car ellea franchi la ligne rouge en rendantpubliques les conditions de déten-tion dans le camp où elle purge sapeine en Mordovie. Le 23 sep-tembre, elle les a en effet dénon-cées dans une lettre transmise parson avocat à la presse.Travailler 16à 17 heures par jour pour coudre150 uniformes de police, avec aumieux un jour et demi de repos parmois et un salaire de 29 roubles(0,67 euro) mensuels ; tenir lesquotas de production exigés pourles voir aussitôt relevés, ne pas lefaire et subir une punition géné-rale ; être violemment sanctionnéepour toute incartade ou relâche-ment, de façon souvent collectiveafin de dresser les détenues les

unes contre les autres… D’après laPussy Riot, la situation est devenueinsupportable dans ce camp enmai, où elle s’était insurgée contrece quotidien auprès de l’adminis-tration pénitentiaire : elle a dèslors été agressée et isolée, des dé-tenues en incitant d’autres à lafrapper, et toute personne qui luiadressait la parole en subissant lesconséquences. Cette lettre de Na-dedja Tolokonnikova a suscité unepolémique en Russie et une visitedans le camp de délégués auxdroits de l’homme, mais le serviced’application des peines a bien sûrrejeté toutes ses accusations.Après neuf jours de grève de lafaim, la Pussy Riot avait été hospi-talisée trois semaines, le 29 sep-tembre, et elle avait abandonnécette grève. Mais, dans une nou-velle lettre rendue publique le 19octobre, elle annonce sa décisionde la reprendre pour obtenir sontransfert, car on l’a ramenée deforce dans ce camp où elle a étémenacée de mort.

Vanina

... et en Russie... Liberté pour les Pussy Riot !

Aucours de sa longue histoirele groupe de l'OCL et les li-bertaires de Reims ont

connu divers moment de répres-sion, l'objectif de celle ci est tou-jours le même mettre la pressionsur les militants, occuper ceux ci àgérer l'anti repressif et à dépenserleur énergie dans des procès in-utiles et couteux, diviser, catégori-ser et marginaliser les anarchistesà l'intérieur de l'espace politiqueer social de la ville. Dans cette ren-gaine répressive chacun joue par-faitement sa partition, la police enl'espèce les tristes sires de la BACassure le spectacle bourrin dans larue, la justice dans les prétoires,quant à la presse et à la « gôche »elles assurent le service aprèsvente en présentant l'image tradi-tionnelle de l'anarchiste poseur debombes (en l'occurrence il s'agis-sait dans le cas qui nous préoc-cupe plutôt de celui de mangeurd'enfants).

Retour donc sur le procès du 14octobre qui voyaient comparaitredeux camarades pour de soi di-santes violences sur des flics com-mises lors de leurs interpellations.Les faits d'abord, le samedi 22 juin

jour de la célébration du premiermariage homosexuel à la mairie deReims ce n'est pas moins de troismanifestations qui était au pro-gramme celles des grenouilles debénitier de Civitas venue expierl'outrage provoqué par cette unionpar une prière de rue, ceux de laManif pour tous pleurnichant pourla libération du petit Nicolas, etcelle des antifascistes qui se ras-semblaient pour rendre hommageà Clément Méric.

On le voit le « maintient del'ordre » allait avoir du boulot.Celui ci s'est révélé à la hauteur desa réputation c'est a dire incompé-tent, violent et dangereux provo-quant la panique et la stupeurdans une artère commerçante ducentre ville un samedi après midi,pour aboutir à l'arrestation mus-clée de deux personnes (l'uned'entre elles se verra signifié unarrêt de travail de 3 jours).

Heureusement pour ces cama-rades les flics se révélèrent moinscompétent en expression écritequ'en boxe et les explications ap-portées pour justifier les interpel-lations compilèrent minabilité etarrogance (on a retenu de la lec-

ture des procès verbaux le curieuxconcept de « coup de poing de di-version », trois jours d'ITT quandmême ! et la haine féroce d'un desanarchistes à l'encontre d'un es-suie glace policier qui pourtant nelui avait rien fait). Face à cela le si-lence opposé par les camaradesmalgré la reconduction de la gardeà vue et l'odieux chantage du pro-cureur ne pouvait que démonter lareconstruction à posteriori desflics (on ne le dira jamais fermer sagueule en GAV est non seulementun droit mais aussi une stratégiede défense) et de ne pas leur don-ner d'éléments pour s'enfoncer. Iln'était en effet pas question de selaisser faire devant le tribunal nonpar croyance en une quelconquejustice mais pour utiliser tout lesmoyens à dispositions pour se dé-fendre(1). Récolte de témoignages,discussions collectives et indivi-duelles avec l'avocat permirent depréparer sereinement le procès.

Celui ci tourna rapidement aufiasco pour la partie adverse, lapolice et la direction de la sécuritépublique, partie civile, même pasreprésentés furent ridiculisés parla témoin présentée par la défense

et par l'argumentation de l'avocat,à tel point que la substitut du pro-cureur se contentât d'un réquisi-toire transparent pour finalementréclamer... un avertissement so-lennel. Le président dans une atti-tude assez rare pour êtresoulignée, prononça immédiate-ment la relaxe des prévenus !(2).

La joie fut de courte duréepuisque deux jours plus tard nousapprenions la volonté du parquetd'interjeter appel ! Alors que leprocureur sait pertinemmentqu'en l'absence d'éléments nou-veaux, le résultat devrait être simi-laire, il ne s'agit ici que d'unepetite vengeance mesquine pourcontinuer à mettre la pression surles inculpés !

Même pas mal ! Même paspeur !

Max le Relaxe

(1) On relira avec profit l'article publié dansCourant Alternatif n « Face à la justice, iln'est pas interdit de se défendre »(2) L'innocence a tout de même un prix 90

euros de frais de procédure judiciaire !

répression

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Bigchroniquesdu contrôle

et de la répressionBi

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Enjanvier 2013, pour desraisons de restructura-tion, sur décision du

conseil général de Meurthe-et-Moselle (CG 54) qui fi-nance, 8 salariés del’association de préventionspécialisée « Vivre dans laville » à Vandœuvre sonttransférés à l’association «Jeunes et cité ». Il s’agit d’uneéquipemilitante (29 jours degrève entre décembre 2011et février 2012 avec occupa-tion du hall du CG 54) àl’éthique professionnelleforte.

Dès le début 2013, l’asso-ciation « Jeunes et cité » en-clenche un processus dediscrimination et de harcèle-ment avec sanctions discipli-naires répétées. Le 31 juillet,2 salariés sont convoquéspour un entretien préalableau licenciement. Les raisonsofficielles sont le refusd’obéissance et l’insubordi-nation. En fait, pour ré-pondre à une enquêtenationale menée par la Di-rection de la recherche, desétudes, de l’évaluation et desstatistiques (DREES), l’asso-ciation « Jeunes et cité » de-mande à chaque éducateurde fournir la liste nominativedes jeunes que cette équipesuivait en 2012, période pen-dant laquelle ces éducateursétaient salariés de « Vivre

dans la ville », associationqui respectait les grandsprincipes de la préventionspécialisée. Rappelons quel’action éducative de préven-tion spécialisée s’appuie surles principes d’anonymat, delibre adhésion, et s’exercesans mandat nominatif (ad-ministratif ou judiciaire). Ladémarche éducative de pré-vention spécialisée est baséesur une relation deconfiance et le respect du se-cret professionnel et de laconfidentialité des situa-tions. Trois éducateurs refu-sent et seront licenciés enaoût et septembre, y comprisle délégué du personnel(SUD) après décision de l’ins-pection du travail.

Une mobilisation (habi-tants, militants associatifs etsyndicaux) a lieu. Un comitéde soutien s’est constitué etdes manifestations de 80personnes se sont dérouléesdevant les bureaux de cetteassociation, au conseil mu-nicipal de Vandœuvre, de-vant le conseil général, surles marchés…

La fédération CGT de lasanté et de l’action sociale asaisi la commission «éthique et déontologie » duconseil supérieur du travailsocial auprès du ministère.

Source:antidélation.lautre.net

Nous pouvons toujours protéger nos ordinateurs, por-tables ou non : des surveillants, des formations exis-tent à cet effet (voir CA n° 233),mais qu’en est-il de nos

téléphones portables ?L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’infor-

mation (ANSSI) rappelle qu’« en tout état de cause il est illu-soire d’espérer atteindre un haut niveau de sécurité avec unordiphone [téléphone mobile couplé à un assistant numé-rique personnel ou smartphone quel que soit son type] ouune tablette ordinaire, quel que soit le soin consacré à son pa-ramétrage. L’ANSSI a publié 21 recommandations qui ne ga-rantissent en fait rien ! Nos téléphones portables sont desmouchards électroniques que nous portons en permanencesur nous, et qui permettent à des « grandes oreilles » de pou-voir nous traquer. Au-delà des écoutes téléphoniques qui onttendance à se multiplier, ce qui intéresse ces « grandesoreilles », ce n'est pas tant le contenu des échanges mais quicommunique avec qui, quand, d’où…

Comme l’écrit le journaliste indépendant Jean-Marc Ma-nach, « le seul et unique moyen de protéger ses données sen-sibles est de ne les stocker en aucun cas dans un tel système,et de ne jamais avoir sur soi un tel téléphone, équipé de sabatterie, pour toute activité confidentielle. Il serait particuliè-rement dangereux de taper sur un iPhone Androïd un motde passe protégeant des données confidentielles. Il sembleque c’est désinformer les gens de leur laisser croire qu’ils peu-vent sécuriser un tel téléphone… »

Source : Bugbrother.blog.le monde.fr

Rappelons qu’en France, d’après une étude de l’ONG «Open Society Justice Initiative » et du Centre nationalde la recherche scientifique (CNRS) datant de 2009, les

personnes perçues comme « noires » ou « arabes » sontcontrôlées respectivement 6 et 8 fois plus que celles qui sontperçues comme « blanches ».

13 personnes avaient récemment porté plainte pourcontrôles abusifs. Il s’agissait de 13 affaires différentes danslesquelles des citoyens français noirs ou d’origine arabe esti-maient que la police avait eu recours au profilage ethniquepour les contrôler et les fouiller.

Elles viennent d’être déboutées par un panel de 3 jugesdu TGI de Paris. Ce tribunal a estimé que c’était aux plai-gnants de prouver qu’ils avaient été discriminés en raison dela couleur de leur peau et que la police n’avait fait qu’appli-quer la loi. Ces personnes ont fait appel. Comme le remarquele dernier bulletin de Résistons ensemble, l’hypocrisie, teintéede racisme, de l’Etat ne fait que souligner qu’il n’y a pas de «bon » contrôle d’identité, au faciès ou pas.

Source : resistons.lautre.net

…Nogent-sur-Seine, sous-préfecture de l’Aube de 6 000 ha-bitants à l’ombre de ses centrales nucléaires ! Le conseilmunicipal vient de voter à l’unanimité un dispositif de vi-

déosurveillance composé de 8 caméras qui sera fonctionnel mi-2014. Le coût du projet est évalué à 260 000 euros hors taxes,maispas de problèmes financiers… avec le nucléaire. Les images ne se-ront pas visionnées 24 heures sur 24, elles ne le seront qu’au couppar coup par les 4 policiers municipaux qui devraient être bientôt6. Ces images seront déposées à la gendarmerie nationale. L’op-position au maire (élu et réélu depuis vingt-cinq ans !) a fait partde ses réserves concernant un dispositif qui n’a pas montré touteson efficacité. Cette oppositionmilite pour « le retour sur le terraindes gendarmes affectés à la centrale nucléaire » et aurait vouluattendre un an afin d’avoir le bilan du dispositif… « Voisins vigi-lants » ! En effet, cette bourgade a aussi 4 voisins vigilants (bien-tôt 6), et son conseil local de sécurité et de prévention de la

délinquance vient d’être réactivé. La totale ! Cette municipalité nesait pas quoi faire de son fric, et sa population a de plus en peurnon pas de la centrale mais des faits d’incivilité – qui sont pour-tant en diminution, d’après les dires d’un adjoint au maire.

A quelques kilomètres de ces centrales nucléaires, il y a uneautre centrale, en fait une maison d’arrêt, celle de Villenauxe-la-Grande. Pendant que les Nogentais se surveillent, les matons sontpériodiquement en grève pour leurs conditions de travail, lesheures supplémentaires non payées, leur sous-effectif… Des par-loirs sont donc supprimés… Ces agents souhaitent aussi que desmesures rapides soient prises pour remettre de l'ordre à l'intérieurdes murs du centre de détention. Autre revendication : un durcis-sement des sanctions disciplinaires à l'encontre des détenus s'enprenant physiquement aux surveillants. Quel microcosme demerde !

Source : le blog du Chat noir 51.

Licenciés pour refus de délation

Contrôles d’identité en France

Sécuriser son téléphone portable :mission impossible !

Qu’il fait bon vivre à….

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13courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

BrotherBig

BrotherLaCaisse nationale d’allocations familiales (CNAF) indi-

quait en septembre qu’elle allait intensifier la luttecontre les fraudes. Etaient visés le revenu de solidarité

active (RSA) et les aides au logement. C’est ainsi qu’en Al-sace le conseil général du Bas-Rhin a lancé une campagne delutte contre les fraudeurs du RSA. Les agents de ce départe-ment sont priés d’aller voir les maires des communes pourvérifier que les versements du RSA sont bien justifiés. Dansles faits, les agents du conseil général disposent d’une listenominative de tous les allocataires par commune. Cette listeest dévoilée au maire qui vérifie si les trains de vie et la si-tuation familiale correspondent bien aux déclarations dechaque allocataire.

La CGT du conseil général vient de porter plainte pouratteinte au secret professionnel et à la vie privée des alloca-taires. En effet, aucune information ne devrait circuler au-delà du conseil général. De son côté, le conseil généralassume totalement la démarche. Le directeur de l’insertionet de l’action sociale a déclaré : « L’an passé nous étions àun chiffre de 1 % à 1,5 % de fraudeurs. Là, les dernierschiffres laissent penser que nous sommes plus proches de10 % à 13 % de fraudes avérées. »

Et pendant ce temps, les gros fraudeurs (patrons, politi-ciens, rentiers…) courent toujours !

A suivre…

J.-M.Manach a publié dans Rue 89 la carte des pays visitéspar 19 employés ou responsables de 11 marchandsd’armes de surveillance numérique dont les téléphones

portables avaient été opportunément pistés par l’unité decontre-espionnage (sic !) deWikiLeaks.

WikiLeaks est une association à but non lucratif dont lesite Web lanceur d’alertes publie des documents ainsi quedes analyses politiques et sociales. Sa raison d’être est dedonner une audience aux fuites d’information, tout en pro-tégeant ses sources. La plupart de ses publications, qui peu-vent être relayées par de grands quotidiens nationaux(comme Le Monde en France), déclenchent souvent de vio-lentes polémiques et des intimidations au plus haut niveau.Son action a trouvé des défenseurs en France, dont « Repor-ters sans frontières ». Récemment WikiLeaks a diffusé desinformations sensibles concernant la Syrie et les politiquesde détention des Etats-Unis.

WikiLeaks nous apprend que, du 4 au 6 juin 2013, legotha de la surveillance des télécommunications se retrou-vait dans un salon interdit aux journalistes mais organisésur les 5 continents. Ce salon était réservé aux représentantsde services de renseignement, forces de l’ordre et gouver-nements. Les participants y découvrent ainsi les dernièresnouveautés enmatière de surveillance et d’interception destélécommunications. Les marchands d’armes leur expli-quent comment leurs systèmes et logiciels peuvent aider lesautorités à surveiller et combattre « les activités criminelles» conduites sur les réseaux de télécommunications, l’Inter-net et les réseaux sociaux.

Du 7 au 9 juillet, plusieurs de ces marchands d’armes seretrouvaient à Lyon, au forum «Technology Against Crime »qui veut devenir le « Davos de la sécurité ».

On y apprend aussi que l’allemand Trovicor (ex-Nokia),l’un des plus gros fournisseurs de solutions légales d’inter-ception dans le monde (plus de 100 Etats utilisent leurs tech-nologies), qui a un « code de bonne conduite respectant lesdroits de l’homme », n’en a pas moins fourni des systèmesd’interception à l’Iran, Bahreïn, et la Syrie. Sur ces 170 em-ployés, un seul était surveillé parWikiLeaks qui s’est rendudeux fois aux Emirats arabes unis, en Bulgarie, en Serbie eten Thaïlande.

Elaman, autre entreprise allemande, est spécialiste des« solutions de sécurité gouvernementale ». WikiLeaks arendu public son catalogue à faire pâlir James Bond. Son res-ponsable commercial s’est allé deux fois au Turkménistan,l’un des Etats au monde les plus hostiles à la liberté d’ex-pression. Ce responsable s'est aussi rendu en Azerbaïdjan,en Jordanie, au Liban, etc.

Autre société visée : le groupe britannique Gamma, oùles employés placés sous surveillance par WikiLeaks ontrendu visite au sultanat d’Oman, au Liban, à l’Ouganda, auQatar, au Nigeria, à l’Ethiopie, l’Indonésie, la Guinée équato-riale, la Malaisie et au Kazakhstan.

Ce ne sont que trois exemples parmi d’autres vendeursd’armes de surveillance qui font régulièrement des voyagesd’affaires dans les pires Etats de la planète.

Sources : Rue 89 et bug brother.

Le18 juillet 2013, 25 poli-ciers de Bordeauxavaient été mobilisés

afin de perquisitionner l’ap-partement de 4 militant-e-sdu Droit au logement de Bor-deaux et de les mettre engarde à vue dans le cadred’une enquête pour « viola-tion de domicile et dégrada-tion ». Pour M., cetteperquisition la prive d’uncoup de l’ensemble de sesoutils de création et de com-munication (ordinateurs, té-léphone portable,documents, etc.). Aprèsdouze heures de garde à vue,ces 4 militant-e-s du DALressortent libres du commis-sariat, mais, malgré les pro-messes d’un capitaine, lesaffaires saisies ne sont pasrestituées pendant l’été. Le17 septembre, ils reçoiventune convocation pour ré-pondre une fois de plus auxenquêteurs. Le 19 septembre,ils sont 5 à devoir se rendre

à l’hôtel de police à 8 heuresdu matin sous peine, leurdit-on quand certains es-saient de décaler ce rendez-vous, de se voirimmédiatement inscritsdans le fichier national despersonnes recherchées. Ilss’y rendent donc et, sitôt ar-rivés, ils sont de nouveauplacés en garde à vue. Ils ap-prennent que celle-ci est lasuite « normale » de leur pre-mière garde à vue deuxmoisauparavant. En effet, pourdes délits passibles d’aumoins un an de prison (cequi est le cas pour violationde domicile), la garde à vuepeut durer quarante-huitheures et être saucissonnéeen plusieurs fois. Cette fois-ci, l’emprisonnement duredix heures.

A suivreSources : soutien-m.over-

blog.com et dal33.over-blog.com

La Cour européenne des droits del’homme a une nouvelle foiscondamné la « patrie des droits de

l’homme » pour ses délais « déraison-nables » dans le cadre de la détention

provisoire de prisonniers basques. LaCour a considéré, à l’unanimité de sesmembres, qu’en prolongeant de près desix ans l’attente d’un procès pour deuxdétenus la France a violé la Convention

européenne. L’Etat devra verser 5 000euros à chaque requérant et 2 000 eurosau titre des frais.

Source : Infos solidarité basque.

Des vendeurs d’armes traqués !

Acharnement à criminaliser le DAL 33

Lutte contre la fraude au RSA

La France condamnée une nouvelle fois

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santé

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CE QUI CHANGE

La loi maintient le programme desoins psychiatriques sans consentement,l'obligation de soins sous contrainte endehors de l'hospitalisation complète.Cette généralisation de l’espace de lacontrainte, jusqu'au domicile du patient,est le coeur de la très contestée loi du 5juillet 2011. La modification porte sur lefait que le programme de soins, seradésormais encadré par décret en Conseild'Etat, et ne pourra être modifié, que parun psychiatre de l'établissementd'accueil.

Le texte réintroduit également lesautorisations de «sortie d’essai»accompagnée de 12 heures maximum, etnon accompagnée de 48 heuresmaximum, supprimées par la précédenteloi pour les personnes en hospitalisationcomplète.

La loi retire leur statut légal auxUMD. Le texte de loi replace simplementles 18 Unités pour Malades Difficiles dansle droit commun, permettant ainsi auxpatients qui y sont hospitalisés debénéficier des mêmes garanties que ceuxhospitalisés dans des services

hospitaliers ordinaires.Toutefois, pas unegrande avancée pour les liberté ! Lerapporteur socialiste du projet, DenysRobiliard a tenu à préciser : « On ne touchepas au dispositif soignant, on touche auniveau réglementaire des UMD. Les UMDexistaient avant, elles existeront après. »

Pour les patients reconnuspénalement irresponsables, qui ontcommis des actes d'une particulièregravité (faits punis d'au moins cinq ansde prison en cas d'atteinte auxpersonnes, ou d'au moins 10 ans en casd'atteinte aux biens),la loi maintient unrégime juridique spécifique. Saisi d'unedemande de mainlevée des soins sansconsentement, le juge des libertés et dela détention (JLD) se prononcera sur labase d'un avis d'un collège de deuxpsychiatres et d'un soignant, et ne pourradécider la mainlevée qu'après une doubleexpertise émanant de psychiatres. Lesprocédures d'admission, de maintien etde sortie d'hospitalisation pour lespersonnes déclarées pénalementirresponsables sont révisées et en cas dedésaccord entre le psychiatre et le préfet,le JLD aura le dernier mot.

Le délai de contrôle est ramené de15 à 12 jours. Le juge des libertés et de ladétention doit être saisi dans les 8 jourssuivant l'admission en soins sansconsentement, par le préfet (dans unquart des cas) ou par le directeur del'établissement. De fait, le certificatmédical de 8 jours est supprimé, comptetenu des nouveaux délais dans lesquelsle juge doit statuer.

Le texte prévoit aussi que lesaudiences avec le juge ne se tiennent pasau tribunal mais à l’hôpital, dans dessalles aménagées, avec l'obligation del'assistance du patient par un avocat.Mais laisse la possibilité, en cas de"nécessité", de recourir à des sallesd'audience mutualisées entreétablissements. Le recours à lavisioconférence est en revanche exclu.L'audience demeure publique saufdemande contraire de l'une des parties,et le patient pourra exiger qu'elle sedéroule à huis clos.

Les personnes détenues souffrantde troubles psychiatriques pourront êtrehospitalisés en unité hospitalièrespécialement aménagée (UHSA) sous lerégime de l'hospitalisation libre. Lorsqueleurs troubles rendent impossible leurconsentement, ils sont pris en chargesous le régime de l'hospitalisationcomplète dans une UHSA "ou, sur la based'un certificat médical, au sein d'uneunité adaptée" (ex-UMD).

Les urgences psychiatriques sont

mises sous l'égide des agences régionalesde santé (ARS) et leur compétenceétendue aux transports de patients quiretournent en hospitalisation complète.Il limite le transfert de patients enhospitalisation complète vers une unitépour malades difficiles (UMD) aux cas"strictement" nécessaires, "par desmoyens adaptés à leur état". Il autoriseen outre les députés, les sénateurs etdéputés européens français à visiter àtout moment les établissements de santéaccueillant des personnes faisant l'objetde soins sans consentement.

LES RÉACTIONS

Au ministère de la santé on sefélicite : « Ce texte permet d’en finir avecl’inspiration sécuritaire qui avait marqué laloi de 2011 en replaçant le patient au cœur duprocessus thérapeutique. Cette ambitionrépond aux attentes des malades, de leursfamilles et des professionnels ». Rappelonsque l’ensemble des parlementaires degauche se sont opposés à ce projet en lequalifiant expressément de « sécuritaire »et de « liberticide ». Pourtant la majoritéau pouvoir en a conservé les grandeslignes et n’a censuré qu’à la marge untexte largement critiqué par lesprofessionnels et les associations depatients pour son approche résolumentsécuritaire de la psychiatrie.

Dans une plate forme commune du28 juin 2013, le syndicat des avocats deFrance, le syndicat de la magistrature etl'union syndicale de la psychiatriedéclarait : « La politique sécuritairemenée pendant plus de dix ans a eu deseffets jusque dans le domaine des soinspsychiatriques : de 2006 à 2011, leshospitalisations sous contrainte ontaugmenté de plus de 50 % ! […]

Le maintien du préfet commeautorité susceptible de prendre unedécision de privation de liberté constitueune «exception française» dans lepaysage judiciaire européen qui n’est pasjustifiée. […]

Les organisations signatairesaccueillent favorablement la fin de lastigmatisation de certaines catégories demalades et l’abandon des dispositions durégime particulier pour les maladesséjournant ou ayant séjourné en UMD, etpour la plupart des malades ayant faitl‘objet d’une décision d’irresponsabilitépénale. [...]

Si des soins sous contrainte enambulatoire devaient être maintenus, ilsne pourraient avoir lieu que dans deslieux de soins parfaitement définis,excluant en particulier le domicile des

Les députés et les sénateurs, ont voté le 19septembre 2013 la proposition de loi sur les soinssans consentement en psychiatrie, qui révise la loidu 5 juillet 2011. La logique sécuritaire de cetteloi voulue par Sarkosy, faisait l'amalgame entremaladie psychique et dangerosité. Cette loi avaitété déclarée, le 20 avril 2012, non conforme à laconstitution, notamment en matière de respect desdroits de la personne, par le ConseilConstitutionnel.

Psychiatriesimple toilettage de la loi sur les soinssans consentement !

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santé

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personnes, et devraient bénéficier ducontrôle systématique par le JLD.

Au-delà de la grande loi de santémentale attendue par les professionnelsdepuis de nombreuses années, il estindispensable que cette réforme de la loidu 5 juillet 2011 aboutisse et que lespersonnes hospitalisées sous contraintesoient à nouveau considérées comme desmalades et non comme des délinquantspotentiels.

Parallèlement, et au regardnotamment de la forte disparitéconstatée dans la mise en œuvre et la

poursuite de la contrainte, quelle quesoit sa forme - hospitalisation, soinsambulatoires, contention, isolement –selon les régions, les juridictions, leséquipes de secteur/services depsychiatrie, les organisations signatairesdemandent la création d’un observatoirenational des contraintes.

La Commission des Citoyens pour lesDroits de l'Homme, association créée en1974 pour le respect des Droits del'Homme en psychiatrie, a été témoin denombreux abus dans plusieursétablissements psychiatriques, etnotamment de violations de la loi de2011. Les modifications de cette loirespectent davantage les droits despatients et les articles fondamentaux denotre Constitution. La CCDH espère que

cette réforme apportera un réelchangement en France enmatière d'abuspsychiatriques.

Pour le Dr Patrick Chemla, psychiatremembre du Collectif des 39 : « on ne peutpas réformer une mauvaise loi conçueavant tout comme un outil de maintiende l’ordre et dont il nous faut dénoncerl’esprit qui préside à sa rédaction ... C’estl’ensemble de la loi, de ses principes, desa vision de la maladie mentale et de sontraitement qu’il faut récuserradicalement » afin de « repenser unepolitique de la psychiatrie à la hauteurdes difficultés nouvelles que nousrencontrons en tant que professionnels ».

Dans son dernier appel signé par 6000 personnes, le collectif des 39 insistesur l’indispensable besoin de « redonneraux patients les soins de qualité,respectueux de la personne », « permettreà l’entourage de tenir sa place sans êtrecontraint de se substituer aux équipessoignantes défaillantes ». Pour lessoignants « retrouver la richesse cliniquehumaine et créatrice de leurs métiers ».Regrettant le caractère « timoré » dugouvernement au sujet de la santémentale, le collectif souhaite mettre enœuvre le « grand chantier » de lapsychiatrie. Car comme déclare le DrHervé Bokobza, psychiatre etpsychanalyste, Fondateur du collectif des39 : « Nous sommes dans un moment de

catastrophe dans la psychiatrie ».Cette loi ne peut être amendée et il

aurait fallu l'abroger carrément, car on nepeut adoucir le sécuritaire. Mais peut-onencore inverser la tendance alors que lesmesures d’internement, entraînant uneprivation de droits fondamentaux, n’ontcessé d’augmenter dans les hopitauxpsychiatriques ? Que la mise enisolement, la contention etl’administration de traitements à fortedoses, sans concertation avec les patientset leurs proches, sont présentés commedes maux nécessaires, pire des avancéesde la science ! La protocolisation de cespratiques d'un autre âge, ne faitmalheureusement que les cautionner !Ces formes de contrainte, qui échappentau contrôle du JLD, entraîne chez lessoignants une banalisation del’internement – fut-il à domicile.

Il faudrait au contraire instaurer unepolitique qui fasse de la contrainte uneexception. Redonner à l’hôpital unefonction contenante, dans le bon sens duterme : un temps nécessaire au patientpour se rassembler et réduire les excès deson délire, avec des soignant-es dans leurfonction thérapeutique. Réinventer unepsychiatrie fondée sur l’accueil etl’hospitalité, recherchant la confianceentre patients, soignants et familles.

O. Caen

C'était inattendu : en 2012,après des années de déficit,les 2.000 hôpitaux publics ont

réussi à afficher un résultatlégèrement excédentaire. Tous, desgros CHU aux petits hôpitauxlocaux, compriment lesinvestissements. L'endettementprogresse moins vite. La capacitéd'autofinancement « s'est stabiliséeà son meilleur niveau depuis 2008 »,se félicitait Jean Debeaupuis,directeur général de la DGOS(direction Générale de l'Offre deSoins).

D'où provient cette embellieprovidentielle ? Les hôpitaux ontcédé des actifs immobiliers, ce qui agonflé artificiellement leursrésultats. Les charges de personnel,qui représentent presque les deuxtiers des dépenses, n'ont progresséque de 2,4 % en 2012. Cesétablissements ont du aussicomptabiliser d'une façon différenteleurs provisions. Cette modificationdes normes comptables et autres“recettes de poche” a eu un effetfavorable l'année dernière, qui,comme on pouvait s'y attendre, nes'est pas prolongé en 2013.

La liste des hôpitaux en

difficulté s’agrandit de jours enjours. Leur Dotation Annuelle deFonctionnement qui vient duministère de la santé et permet lefinancement des dépenses, estinsuffisante, et provoque un déficitartificiel. C'est une attaque en règlecontre les services publics de Santé.Ce gouvernement comme leprécédent s'est promis de redresserles comptes, de diminuer les déficitssociaux, de résorber la dette de laFrance.

Le désengagement de l’étatconcerne aussi bien le financementdes dépenses en augmentation(taxes, dépenses énergétiques), queles mesures de changementstatutaires des personnels médicauxet non médicaux, votées par lesministres.

On assiste au transfert vers leprivé lucratif, de services essentiels(laboratoires, pharmacies, cuisines,ateliers, blanchisseries…) Desentreprises commerciales n’hésitentpas de faire pratiquer des actes, destâches à du personnel qui n'en n'apas les compétences (maisons deretraites très onéreuses, mais sanspersonnel qualifié, aides à domicilepratiquant des soins). Il s'agit d'unvéritable marché de la santé.

Ces restrictions budgétaires ontdes conséquences pour lespersonnels des hopitaux :diminution de postes, emploisprécaires, mutations arbitraires,avancements au compte-goutte,recherche de compétitivité,réduction des RTT, rappel illégal desagents pendant leurs repos,détournements et glissements defonction, surcharge de travail.Autant de conditions de travaildégradées, de remise en causes desacquis sociaux qui prépare là encorele terrain au privé lucratif.

L'éloignement des services desanté, la fermeture des maternitéset hopitaux de proximité, leregroupement de spécialistes sur unseul hopital par département, ledéremboursement desmédicaments augmentent lesdifficultés d’accès aux soins. Lespersonnels épuisés, doivent soignerau mieux avec des moyensmoindres (moins de personnel, dematériel, de temps) une populationelle-même de plus en plusprécarisée, maltraitée par lesmesures d’austérité imposées parl’état.

Contre ces déficits programmés,partout les personnels, ne voulant

pas être les victimes de cesrestrictions, réagissent (blocage desadmissions, occupation des locauxadministratifs, apéros de la colère).Ils et elles s'opposent aux décisionsdes directeurs d’hôpitaux, limitant,ralentissant, annulant parfois mêmeleurs projets. Des habitants, dessoignants, des médecins s'associedans des collectifs pour revendiquerdes moyens financiers et humainspour offrir un service public deproximité et de qualité, accessible àtous.

Mais, seule une coordination detous ces mouvements, permettra dene pas s'épuiser dans des luttessporadiques, hopital par hopital. Decréer un rapport de force favorable,pour qu'après une nouvelle attaquecontre les retraites, le Projet de Loide Financement de la SécuritéSociale n'imposent pas, auxétablissements sanitaires et médico-sociaux, d’autres restrictionsbudgétaires, provoquantl’accélération des restructurations,l’attaque contre les statuts etConventions Collectives.Restrictions budgétaires visant àfaire baisser le coût du travail.

O. Caen

Hôpitaux au bord de la faillite

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nucléaire

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LES CHOIX AUTOURDU DÉMANTÈLEMENT

Il y a 3 façons de s'y prendre (d'aprèsl'Agence Internationale pour l'EnergieAtomique):

- le démantèlement différé: on at-tend plusieurs décennies avant de com-mencer le démantèlement, le temps quela radioactivité baisse (les parties«conventionnelles» de l’installation peu-vent être démantelées dès l’arrêt del’installation);

- le confinement sûr: on confine lesinstallations sans y toucher, jusqu'à ceque la radioactivité aie suffisammentbaissé pour pouvoir «libérer» le site (lesparties «conventionnelles» de l’installa-tion peuvent être démantelées dès l’ar-rêt de l’installation);

- le démantèlement immédiat: le dé-mantèlement est engagé dès l’arrêt del’installation, sans période d’attente, lesopérations de démantèlement pouvanttoutefois s’étendre sur une longue pé-riode.

Au départ, EDF avait opté pour le dé-mantèlement différé. C'est sur l'instiga-

tion de l'Autorité de Sûreté Nucléaire(ASN) que tous les opérateurs nucléairesen France ont adopté en 2001 la straté-gie du démantèlement immédiat, optionqui semble a priori la plus dangereuse.Comment l'ASN se justifie-t-elle? «Cettestratégie permet notamment de ne pas faireporter le poids des démantèlements sur lesgénérations futures, tant sur le plan tech-nique que financier.» C'est un peu court...

Par contre, on voit bien l'intérêt de cechoix pour les nucléocrates français:

- Comme l'écrit l'ASN, «Le démarraged’opérations de démantèlement est ainsiconditionné par la disponibilité de filièresd’élimination adaptées à l’ensemble des dé-chets susceptibles d’être générés.» Opterpour le démantèlement immédiat, c'estprétendre qu'on a réglé les problème desdéchets, c'est mettre une pression sup-plémentaire pour l'ouverture de nou-velles poubelles nucléaires, c'est donnerun gros coup de pouce à AREVA, notam-ment dans ses arguments à l'export.

- Opter pour le démantèlement dif-féré ou en confinement sûr, ce seraitavouer implicitement la réalité, à savoirqu'on ne sait pas démanteler les instal-lations nucléaires. Opter pour le dé-mantèlement immédiat, c'est claironnerqu'il n'y a pas de problème, on sait faire.L'aspect propagandiste et idéologiquede ce choix est évident.Bien sûr, le dé-mantèlement reste sous le contrôle del'ASN jusqu'à ce que l'installation soitdéclassée, c'est-à-dire ne soit plus consi-dérée comme nucléaire. Le démantèle-

ment reste à la charge financière de l'ex-opérateur nucléaire. Souhaitons qu'EDF,AREVA, etc n'aient pas fait faillite d'iciun nombre indéterminé de décennies....

Quels sont les risques évoqués parl'ASN, sachant qu'en réalité aucun dé-mantèlement important n'a jamais étéréalisé, et que donc on ne sait pas faire.Evidemment, le type de risque évolueavec le démantèlement. Dans un pre-mier temps,même l'ASN reconnaît qu'ily a un risque de criticité, c'est-à-dired'explosion nucléaire. D'après elle, cerisque disparaît rapidement (elle ne pré-cise pas combien de temps ça repré-sente). Il y a ensuite de nombreuxrisques qui se combinent avec lesrisques radioactifs. Déjà, tous les risquesdu bâtiment: travail en hauteur, chûtesde charges, co-activité... Il y a aussi desrisques d'incendie ou d'explosion.

En ce qui concerne les risques radio-actifs, il y a en plus tout le problème del'entreposage des déchets, et bien sûr deleur multiplication comme pour touteintervention en milieu radioactif. Onvoit tout au long du rapport que c'est uncasse-tête infernal et toujours pas ré-solu, même pour de vieilles installationspas immenses.

De plus, citons l'ASN, «les risques liésaux facteurs sociaux organisationnels et hu-mains (FSOH) (changements d’organisationpar rapport à la phase d’exploitation, recoursfréquent à des entreprises prestataires) doi-vent être considérés.» On voit qu'on saitd'avance qui on va envoyer: des intéri-maires et des sous-traitants. Quel seraleur suivi médical? Leur formation enmatière de risque radioactif? Mais pour-suivons: «Les travaux de démantèlementdurent souvent, pour les installations nu-cléaires complexes comme les réacteurs descentrales nucléaires, plus d’une décennie. Ilssuccèdent souvent à plusieurs dizaines d’an-nées de fonctionnement. En conséquence, lesrisques liés à la perte de mémoire de laconception et du fonctionnement des instal-lations nucléaires sont à prendre en compte.»Qu'est-ce à dire? Qu'il en est des instal-lations nucléaires comme de toutes lesinstallations industrielles: il y a eu desplans, des prévisions, et ensuite il a falluque ça marche. Ca ne se passe jamaiscomme prévu, on doit renforcer unplancher ici, pousser une machine là,déplacer un tuyau là-bas, on s'est dé-barrassé précipitamment d'un truc donton ne savait que faire ici... Sauf que là,tout ce qui a été touché, bougé, déplacé,

Démantèlementdes installations nucléairesRapport 2012 de l’Autorité de Sûreté Nucléaire

Après avoir traité dans le numéro 231 de la partie durapport annuel de l'autorité de sûreté nucléaireconsacré à l’exploitation des centrales nucléaires, etdans le numéro 233, sur la construction de l’EPR, surles conditions de travail dans le nucléaire, ainsi queles transports de substances radioactives, nous ache-vons par le démantèlement des installations nu-cléaires de base.

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est radioactif. On a donc besoin de sa-voir où c'est.Mais les salariés qui saventne seront plus là, ce sont les anciens sa-lariés des installations. Sans compterles milliers d'intérimaires qui sont pas-sés réparer lors des arrêts de tranchesdont personne ne sait ce qu'ils sont de-venus, dont on le sait d'autant moinsqu'on ne veut surtout pas le savoir.

Les fuites multiples des centrales en«bon» fonctionnement posent encoredes problèmes au moment du déman-tèlement: «lorsque des phénomènes d’acti-vation ou de migration de la contaminationse sont produits lors de la phase d’exploita-tion, l’assainissement complet –c’est-à-direle retrait de la radioactivité artificielle pré-sente dans les structures elles-mêmes– peutnécessiter la mise en oeuvre d’opérationsmettant en jeu une agression de ces struc-tures afin d’éliminer les parties considéréescomme déchets nucléaires (écroûtage d’uneparoi en béton par exemple).» Reformu-lons: il va falloir traiter chimiquement,décaper, gratter... des parties normale-ment saines et qu'il va falloir débarras-ser de leur radioactivité parce qu'ellesont été contaminées. Ce qui occasion-nera des déchets supplémentaires, desrisques supplémentaires, et des pollu-tions chimiques.

Et au final ? Laissons toujours la pa-role à l'ASN: «À l’issue du démantèlement,en fonction de l’état final atteint et des ca-ractéristiques spécifiques de chaque instal-lation (historique d’exploitation,incidents…), des risques résiduels peuventexister : pollution des sols, zones dont l’as-sainissement est techniquement impossibledans des conditions technicoéconomiquesacceptables, etc.» Oh, rassurez-vous, cecin'empêchera pas le déclassement del'installation, juste des servitudes se-ront imposées et un système de sur-veillance sera mis en place...

On n'avait pas besoin d'un rapportde l'ASN pour savoir que le démantèle-ment est extrêmement dangereux, etsurtout qu'on ne sait pas le faire. Depuisle début du programme nucléaire, lesanti-nucléaires ont pointé ce risque.Mais on peut voir à sa lecture que lestout débuts du démantèlement qu'ellea elle-même précipité lui posent déjà desacrés problèmes. Voyons maintenantoù en sont les démantèlements enta-més. Ils concernent Brennilis, prototypegraphite-gaz en fait, et les six premiersréacteurs graphite-gaz (Bugey 1, SaintLaurent A1 et 2, Chinon A1 à 3). Il y aaussi d'autres installations nucléairesen cours de démantèlement.

LE POINTSUR LE DÉMANTÈLEMENT

DES CENTRALES NUCLÉAIRES

Ce sont d'abord les réacteurs de lafilière graphite-gaz, c'est-à-dire des ré-acteurs à uranium naturel,modérés par

du graphite, et refroidis par du dioxydede carbone. Le fait qu'ils fonctionnentavec de l'uranium naturel, et non enri-chi, explique qu'ils sont considéréscomme moins dangereux que les sui-vants (et moins difficiles à démanteler).Cette filière a été abandonnée pour desraisons économiques. Tous ces réac-teurs sont à l'arrêt et en cours de dé-mantèlement.

Commençons par la plus vieilledame, celle qui aurait dû poser le moinsde soucis, Brennilis. C'est un prototypequi a fonctionné 23 ans (on rappellequ'il est question actuellement de pro-longer la durée de vie des centrales jus-qu'à 50 ans...). Il a été arrêté en 1985 etdes opérations partielles de démantèle-ment ont commencé en 1997. «Un nou-veau dossier de demande d’autorisation dedémantèlement complet a été déposé parEDF le 25 juillet 2008. La commission d’en-quête a rendu un avis défavorable au projeten mars 2010 considérant que l’urgence àdémanteler le bloc réacteur de l’installationn’était pas démontrée et que ce démantèle-ment était prématuré tant que l’installationde conditionnement et d’entreposage des dé-chets activés (ICEDA) n’était pas opération-nelle.» Donc, déjà, là, bloqués pour desproblèmes de stockage des déchetscréés par le démantèlement. EDF a justeété autorisée à tenter d'assainir le che-nal de rejet des effluents dans l'Ellez,chenal célèbre pour ses teneurs en tri-tium.

Passons maintenant aux six réac-teurs industriels graphite-gaz, ditsUNGG. D'entrée, l'ASN est obligée de re-connaître que sa position de démantè-lement immédiat pose un problème,celui du stockage des déchets: «Elle notetoutefois que dans le cadre du démantèle-ment des réacteurs de type UNGG, la ques-tion de l’exutoire pour les déchets degraphite est une difficulté à la bonne miseen oeuvre de cette stratégie. L’ASN aconfirmé qu’elle était favorable à la mise enoeuvre d’un centre de stockage pour les dé-chets de faible activité à vie longue (...), dansdes délais aussi rapides que possible. Selonl’avancement de ce projet et afin de ne pasconditionner le démantèlement des réac-teurs à la création du centre de stockage,l’ASN prendra position, au plus tard en2014, sur la nécessité pour EDF deconstruire un entreposage pour les déchetsde graphite dans le but de pouvoir pour-suivre les opérations de démantèlement desréacteurs UNGG.» En résumé, si on n'ar-rive toujours pas à imposer suffisam-ment rapidement suffisamment desites de déchets, à EDF de construire sesstockages.

A Bugey, l'ASN a dû mettre EDF endemeure «à la suite de l’événement signi-ficatif survenu le 9 août 2011 relatif à laprésence de radioéléments artificiels dansune benne de gravats conventionnels». Pour

un détecté, combien passés inaperçus?A Chinon, les réacteurs A1 et A2 (arrê-tés en 73 et 85) «ont été partiellement dé-mantelés et transformés en installationsd’entreposage de leurs propres matériels.»Pour le réacteur A3 (arrêté en 1990), lestravaux préalables au chantier de dé-mantèlement des échangeurs (là où lachaleur du circuit secondaire fait tour-ner les turbines) seraient terminés. Saufqu'EDF, déjà là (on n'est pas encore dansla partie nucléaire de l'installation), a dûdemander unemodification des autori-sations de rejets gazeux, qui sont stoc-kés dans des réservoirs pour faire unpeu baisser leur radioactivité avantd'être rejetés dans l'atmosphère. ASaint Laurent des Eaux, on n'en estqu'aux travaux préalables, mais l'ASNsemble avoir des doutes sur la tenuedes structures des réacteurs, en tous lescas elle a demandé des expertises.

Reste enfin le démantèlement deSuperphénix, qui heureusement n'aquasiment jamais fonctionné. Son dé-mantèlement ne pose que deux petitssoucis supplémentaires: il fonctionnaitau plutonium, et le liquide de refroidis-sement était le sodium, 5000t d'un li-quide qui s'enflamme spontanément àl'eau (quelques grammes suffisent pourune petite explosion). Pour le moment,le combustible évacué est entreposédans la piscine. En ce qui concerne lesodium, ils ont mis en place une instal-lation de traitement par hydrolyse quipermet de produire de la soude, unesoude radioactive naturellement. Leurreste donc ensuite à traiter la soude. Ilsont donc construit un atelier de cimen-tation qui permet de l'entreposer sur le

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site. Tenez-vous bien: «Cette soude estalors utilisée comme constituant primaire decolis de béton (…) à l’issue d’une période dedécroissance.» C'est une des consé-quences du choix du démantèlementimmédiat: il va bien falloir faire quelquechose de cette sur-accumulation de dé-chets, sachant que chaque fois qu'ontraite, on produit de nouveaux volumesde déchets. Et le quelque chose, ils l'onttrouvé. Une fois que c'est dilué, on va«déclassifier», traduisez les considérercomme des matières premières ordi-naires et les réutiliser n'importe où. Parailleurs, «l’ASN a mis en demeure EDF derenforcer les moyens de gestion des situa-tions d’urgence sur le site de Creys-Mal-ville.».

Avant de passer en revue les autresdémantèlements, rappelons qu'il nes'agit ici que de l'exploitation du rap-port annuel de sûreté publié par l'ASN.Nous recensons les incidents et pro-blèmes qu'on peut y lire (parfois entreles lignes). Il y a bien sûr bien d'autresdangers que le rapport n'évoque pas etque nous n'avons pas les moyens detraiter ici.

LE DÉMANTÈLEMENTDES AUTRES INSTALLATIONS

NUCLÉAIRES

Il y a beaucoup de vieilles installa-tions du CEA qui pourraient a priori ap-paraître comme moins dangereuses,mais qui en fait recèlent beaucoup desurprises du fait de l'absence totale deprécautions des pionniers du nucléaire.

Le premier centre de recherche duCEA date de 1946 et il est situé à Fonte-nay-aux-Roses en région parisienne.Deux installations devaient être dé-

mantelées, «procédé» et «support». Cadevait durer une dizaine d'années,mais«en raison de fortes présomptions de pré-sence de contamination radioactive sous undes bâtiments», c'est prolongé jusqu'à2021 et 2025 «sans tenir compte d’éven-tuels aléas significatifs pouvant survenirdurant les travaux». «l’ASN a demandé auCEA de procéder à la caractérisation dessols». On veut bien vous traduire: pluspersonne ne sait ce qui est enfoui dansles puisards, les sous-sols, où peuventtraîner de vieux déchets particulière-ment dangereux.

Deuxième gros centre de rechercheconcerné, Grenoble, inauguré en 1959.Aujourd'hui, ce même centre «exerce desmissions de recherche et de développementdans les domaines des énergies renouve-lables, de la santé et de la micro technolo-gie»!! La démarche de dénucléarisationdu site a été entamée en 2002 etconcerne 6 installations. 2 réacteurs ontété déclassés, c'est-à-dire considérécomme dénucléarisés, l'ASN ne précisepas dans quelles conditions. Aucun dé-chet hautement radioactif ne serait plusprésent sur le site (on peut en déduireque les déchets «simplement» radioac-tifs, eux, sont toujours là). Les bâti-ments sont en cours de destruction saufque «Après la découverte d’engins explosifsdatant du début du XXe siècle, le CEA a misen place en 2012 une organisation spéci-fique afin de mettre en sécurité les chantiersd’assainissement des sols.» Des explosifssous des installations nucléaires décou-verts après coup, bonjour le sérieux! Etici encore, le CEA a un problème de …piscine dont ils n'arrivent pas à traiterle radier (plate-forme sur laquelle re-pose la piscine).

Pour Cadarache, l'ASN est trèscontente là encore à un gros détail près:la «mise en évidence d’une sous-estimationde la quantité de matières fissiles en réten-tion dans les boîtes à gants». Ce qui veutdire bien sûr qu'il y a peut-être tout untas d'autres sous-estimations qui traî-nent ailleurs. Et à Saclay, ils ont encoreet toujours un problème d'entreposagedes déchets.

Il faut parler aussi du démantèle-ment de certaines installationsd'AREVA. Ils ont quelques petits trucs àdémanteler à La Hague, à Pierrelatte età Veurey. A La Hague, ils doivent entreautres démanteler le silo des déchetsproduits par le retraitement des déchets

de haute activité (poussières, coques,embout, qui viennent du cisaillage et del'atelier de retraitement). «Les opérationsde reprise des déchets de ce silo nécessitenten préalable le démontage des équipementsimplantés sur la dalle du silo, la construc-tion d’une cellule de reprise, ainsi que laqualification des matériels à utiliser.» Rienque ça! Nous n'avons pas la place defournir tous les détails, mais ils sontcroustillants: il faut séparer coques, ré-sines et embouts, les entreposer, en ci-menter... Gageons que tout ceci vapermettre de produire un volume sup-plémentaire équivalent de nouveauxdéchets... Ils ont aussi d'autres choses àdémanteler, notamment l'atelier deproduction de césium 137 et de stron-tium 90. Ceci leur demande pas mal deboulot, et notamment... «la réalisationde cartes radiologiques». Décidément,pour une technologie parfaitement souscontrôle, on s'aperçoit à l'occasion dudémantèlement qu'ils ne maîtrisentvraiment pas grand chose en fonction-nement normal. Il y a d'autres détailsdans le rapport notamment sur la Co-murhex à Pierrelatte et l'ancienne usinede combustible deVeurey,mais la placenous manque.

On trouve très peu d'informations,d'articles et de débats sur le démantè-lement. Ce n'est pas pour rien. Les anti-nucléaires ont toujours dit que ledémantèlement serait impossible, qu'ilne resterait plus qu'à condamner lessites nucléaires pour des siècles. Enmettant en place le démantèlement im-médiat, l'Etat français cherche à faire ladémonstration qu'on sait faire, d'autantplus à l'heure de la «transition énergé-tique». Il est donc important pour la fi-lière nucléaire demaintenir le black outsur le sujet, qui constitue pour elle lamême épine dans le pied que la ques-tion des déchets. Or, le démantèlementest particulièrement dangereux, bienplus dangereux encore que de confiner.Seuls les antinucléaires peuvent tenterde sortir et divulguer les informationssur ce qui se passe. Après avoir échouédans la lutte contre les centrales nu-cléaires, nous serons obligés, parallèle-ment bien sûr au combat pour l'arrêtimmédiat, de nous battre sur la ques-tion du démantèlement.

Camille et Sylvie

nucléaire

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FERMETURE DE FESSENHEIM :LE DOSSIER D'EDF EST INCOMPLET

Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) fait état dansle "Journal du Dimanche" du 15 septembre 2013 d'un dossier tou-jours incomplet d'EDF pour engager la fermeture de Fessenheim,estimant qu'il "ne faudrait pas que cela dure". "EDF a engagé despremières études. Mais nous n'avons reçu ni dossier technique nid'étude d'impact montrant qu'il maîtrise tout". "Il ne faudrait pasque cela dure. Nos échanges avec EDF doivent démarrer dans lessix prochains mois".François Hollande a promis la fermeture définitive de Fessenheimfin 2016, mais ce calendrier suscite des interrogations, l'ASN ju-geant un délai total de 5 ans nécessaire, soit après la fin du quin-quennat. EDF, doit d'abord constituer un dossier de fermeture, cequi prend environ 2 ans selon les estimations de l'ASN. Suit en-suite un délai de 3 ans maximum entre le dépôt de ce dossier et lapublication du décret d'arrêt définitif. Pour accélérer la procédure,le gouvernement pourrait introduire dans une loi sur l'énergie at-tendue au mieux fin 2014 la possibilité pour l'Etat de fermer descentrales pour des raisons de politique énergétique (aujourd'huiseulement possible pour des motifs de sûreté).Pour le président de l’ASN, il est souhaitable que le démantèlementde la centrale "ne démarre pas plus de deux ans après l'arrêt. SiFessenheim est stoppée fin 2016, le démantèlement doit débuterau plus tard fin 2018. Sachant que ce processus prend cinq ans,le délai est très serré. Il faut que les choses avancent très rapide-ment".

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aménagement du territoire

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QU’EST-CE QUE LE PROJET ERSCIAET SA « WOODVALLEY » ?

LL’implantation du projet estprévue sur la commune deSardy-lès-Epiry dans la Nièvre,aux portes du parc régional duMorvan, sur l’emprise du bois

de Tronçay, d’une superficie de 110 hec-tares, dont 96 hectares seront coupés.Les 14 hectares restants devront servir àcacher la cheminée et les bâtiments,d’une hauteur de 50 m et 40 m.

Le projet Erscia est une mégascierie,un cogénérateur producteur d’« électri-cité verte » et de chaleur, mais ce cogé-nérateur sera en réalité un incinérateurtrès polluant (eau, air, bruit) et une unitéde fabrication de granulés bois. Le coûtestimé du projet est variable, selon lessources, de 148 à 154 millions d’euros.Erscia, filiale du groupe belge et luxem-bourgeois IBV/WTT, participera à hau-teur de « 4 millions d’euros », le resteétant réparti entre fonds de placement,banques et subventions publiques.Autre particularité, le siège social d’Ers-cia (100 000 euros de capital) est installédans l’hôtel de ville de Sardy-lès-Epiry,et cela sans qu’aucune institution pu-blique ne s’interroge.

Le projet « Wood valley » prévoitl’implantation de 35 entreprises detransformation du bois, et est soutenupar Nièvre aménagement SEM (sociétéd’économie mixte).

LES PORTEURS DU PROJET SONT :

Pascal Jacob, directeur général ErsciaFrance, mais aussi jusqu’en mai 2013président du MEDEF Bourgogne et de laNièvre, avec un CV édifiant (voir sonblog).Jean-Paul Magnon, président de la

communauté de communes et vice-pré-sident du conseil général de la Nièvresoutenu par l’Etat et certains élus lo-caux.Yvette Morillon, présidente de Nièvre

aménagement, vice-présidente duconseil général de la Nièvre, 1re adjointeà la mairie de Nevers et cogérante de SCI(location de terrains et autres biens im-mobiliers).

LA LUTTE S’ORGANISE

Fin de l’année 2011, une commissionest créée pour réaliser une enquête pu-blique portant sur différents points,dont celui concernant une ICPE (instal-lation classée pour la protection de l’en-vironnement).L’enquête publique est faite sur les

communes comprises dans un rayon de2 km,alors que le projet va impliquer

26 départements et 8 régions et impac-ter 6 massifs forestiers,alors que le CNPN (Conseil national

pour la protection de la nature) donneun avis défavorable,alors que le projet ne peut se faire

qu’avec une multitude de dérogations,parmi lesquelles le déplacement d’es-pèces protégées, l’autorisation de bais-ser de 850° à 800° la température du boisà brûler sachant que l’incidence en seraune pollution accrue de l’air, de puiserdans une rivière et de rejeter dans uneautre rivière l’eau de processus, etc.La commission donne un avis favo-

rable au mois de janvier 2012.Au début de cette année-là, les habi-

tants du hameau de Marcilly, soutenus

par les associations Loire vivante et DE-CAVIPEC, attaquent auprès du tribunaladministratif de Dijon l’arrêté préfecto-ral autorisant le défrichement du bois.Les habitants, selon leurs compé-

tences, étudient le projet sous tous sesaspects. Et au mois de juin 2012 la déci-sion est prise de créer l’associationADRET Morvan.Dans un premier temps, la lutte va se

tenir sur un plan juridique, entre sus-pension des arrêtés et rejet par leconseil d’Etat du pourvoi de Nièvre amé-nagement.Après un énième arrêté préfectoral,

l’affrontement a lieu le 4 février 2013entre les habitants et les gendarmes, quiprotègent les bûcherons tandis qu’ilscoupent un demi-hectare de bois.La première ZAD (Notre-Dame-des-

Bois) naîtra dans le pré de la justice,qu’un agriculteur avait mis à disposi-tion. Celle-ci, après que l’administrationeut menacé l’agriculteur de lui retirerses subventions, changea de place débutmai 2013.

La deuxième ZAD (du bois de Tron-çay) était née. Mais le fait que le bois deTronçay était la propriété de Nièvreaménagement plaçait la ZAD dans uneposition d’illégalité. ADRET Morvan,forte de 500 membres, allait connaîtredes dissensions. En effet, une partie deses membres voulant rester dans la lé-

MORVAN :La lutte contre le projet ERSCIA«scierie-incinérateur et sa wood valley»

Des habitants du hameau de Marcillyà la ZAD de Notre-Dame-des-Bois

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aménagement du territoire

courant alternatif - n° 234 - novembre 201320

galité, un compromis fut trouvé, ils(elles) restaient solidaires de la ZAD etde ces occupants, mais n’intervien-draient pas dans le bois.En septembre 2013, nous sommes

dans l’attente de la décision du conseild’Etat et de celle du tribunal adminis-tratif de Dijon.

POURQUOI ÊTRECONTRE CE PROJET ?

Outre la catastrophe aux niveaux so-cial et environnemental pour la région,ce projet capitaliste repose exclusive-ment sur l’appât du gain. La société Ers-cia ne sera engagée qu’à hauteur de100 000 euros et pour un investissementde 4 millions d’euros sur les plus de154 millions annoncés.

L’eldorado du « développement du-rable » et autre « électricité verte » estune aubaine pour ces prédateurs. Cette« électricité verte » payée à coût de sub-ventions nationales et européennes, ce« développement durable » qui n’est du-rable que pour la finance et le capital.Même l’interprofession du bois de la

Bourgogne, l’Auvergne, le Centre, la

Champagne-Ardenne, la Franche-Comté, Rhône-Alpes et le Limousin estcontre ce projet, faisant valoir que la res-source n’est pas disponible pour cegenre de projet.Ce projet s’inscrit dans un plan d’en-

semble, la « valorisation de la forêt fran-çaise », qui n’est autre que l’exploitationirraisonnée de la forêt pour un profit im-médiat.Les fonds de placement et autres

banques n’investissent que dans le butd’un retour sur investissement sur lecourt terme, alors que la forêt se gèresur plusieurs générations, voire sur dessiècles.Ce projet est le premier d’une série. Il

en est prévu d’autres tous les 150 km surune diagonale allant de Nancy à Bor-deaux, la «diagonale des scieries».Cette lutte peut faire jurisprudence

pour la sauvegarde et la socialisation dela forêt.

Dominique - Moulins

P.-S. : Des commissions, sur la forêt, surdes projets alternatifs, sont en création.

Un projetsans «raisons impérativesd'intérêt majeur»

Communiqué d’Adret Morvanen date du 8 octobre 2013 :

« Pour la quatrième fois, la justice a donné raison aux opposants àErscia (mégascierie et incinérateur). C'est une nouvelle avancée ob-tenue par le collectif des habitants de Marcilly, Loire vivante et DE-CAVIPEC (les requérants en justice) dont Adret Morvan se félicite.Le Conseil d'Etat, en confirmant la décision du juge du tribunal ad-ministratif de Dijon qui avait permis de suspendre les travaux sur lesite, légitime une nouvelle fois ce qu'Adret Morvan démontre depuisplus d'un an : ce projet est contraire à l'intérêt public et nuisiblepour l'environnement.En attendant le jugement sur le fond des 6 arrêtés attaqués, AdretMorvan espère que les élus locaux de la Nièvre feront preuve de sa-gesse en annonçant rapidement l'abandon définitif du projet Ers-cia.»

Points importants :Le Conseil d’Etat confirme que le projet ne comporte pas de « rai-sons impératives d'intérêt majeur ». Donc le projet ne peut avoir unedérogation à la directive européenne de 1992 sur l’habitat de la faune« Aménagement à détruire, altérer, dégrader des sites de reproduc-tion ou d'aires de repos d'animaux et de transports d'espèces ani-males ».Cette jurisprudence est intéressante, puisque c’est la première foisqu’une remise en cause de la politique publique basée sur la créa-tion d’emplois pour déroger ne suffit plus.

Au Salon des éditions libertaires (3ème édition) àLyon les 23 et 24 novembre 2013 Courant Al-

ternatif sera présent avec unesoixantaine d'autres

éditeurs. Pourtous renseigne-ments concer-nant les horaires,les animations, larestauration surplace, consulter lesite www.lagryffe. net

Novembre, on s'ins-talle partout se veut unmois d'actions politiqueset culturelles (débats, expo-sitions, performances,concerts, théâtre, projections,ateliers pratiques, chants) au-tour du Salon des éditions liber-taires à l'initiative de différentslieux et collectifs. L'OCL s'y inscriten organisant le débat «Que sontles printemps arabes devenus ?».Nous entendons par «Printempsarabes» le déclenchement par des po-pulations de processus de transforma-tion de leurs sociétés. Ces processus ne sont pas arrivés à leur terme et nous souhaitonsdiscuter de leur évolution avec la participation de camarades qui, depuis deux ans, ont écritdans Courant Alternatif sur la Tunisie, la Libye et l'Égypte. Ce débat sera également celui dela Commission Journal de Lyon.

Lyon s’éclateen novembre...

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Comme à l'automne 2012,l'Etat pourrait tenter de passeren force en cette fin d'année etliquider la ZAD, son occupa-tion... et ses tritons !

DÉPLACER LES ESPÈCES

Les porteurs du projet d'aéroportn'auraient qu'une « fenêtre » de troismois – de décembre à février – pourdéplacer la faune protégée de la zonehumide vers de nouveaux trousd'eau, et ainsi se montrer « respec-tueux » du biotope actuel tout en lebétonnant... Derrière ce simulacre depréservation de la centaine d'es-pèces concernées, tout le discours etla communication de Vinci se dé-ploieraient sur le projet d'aéroportHQE – haute qualité environnemen-tale – qu'ils nous promettent.

Il est certain que les partisan-e-sdu projet n'en démordent pas. Danssa profession de foi pour les munici-pales des 23 et 30 mars prochains, lajeune Johanna Rolland (qui succéde-rait à Ayrault à la mairie nantaise) estpresque aussi catégoriquequ'Auxiette, le vieux président de ré-gion, et… « souhaite réinventer l'al-liance nantaise de la force (!?) et dela douceur de vivre par de grandsprojets métropolitains, tels que (...)l'aéroport du Grand Ouest...». Lestermes sont pesés et annoncent sansambiguïté que l'élève est au moinsaussi butée que le prof. Il faut aussirassurer les milieux d'affaires, quivoient quelques projets d'infrastruc-tures tomber dans les oubliettes dela « crise » budgétaire : aéroport deToulouse, autoroute A831, ligne àgrande vitesse Poitiers Limoges...

L'intention d'Europe-Ecologie-LesVerts de se présenter sur une listenantaise séparée au premier tour desmunicipales (la dernière expérienceremonte à 1995) ou bien le vœu pieuxde José Bové d'une démission desécolos du gouvernement Ayrault encas de coup de force sur la ZAD nefont ni chaud ni froid à la Thatchernantaise.

REMISER DES EXPERTSGÊNANTS

La préfecture tente de se débar-rasser des obstacles des commis-sions consultatives concédées le24 novembre 2012, à la fin de la pre-mière tentative d'expulsion des za-distes (cf. les précédents articles de CA

en ligne sur notre site). Si la premièrecommission chargée d'écouter oppo-sants et partisans a rendu un avisprévisible favorable au projet, cellessur la loi sur l'eau et les impacts pourl'agriculture sont plus discrètes ;mais le préfet est à la manœuvre, il achangé les experts –qui l'étaient unpeu trop – et annonce la prochainesignature des mesures compensa-toires censées régler ces obstacles etlancer les travaux. Des équipes denaturalistes de l'entreprise BIOTOP,accompagnées de gardes mobiles,sont régulièrement sur la ZAD. Le 5novembre, un juge chargé de nou-velles expropriations devrait venirrencontrer les propriétaires des par-celles sur le terrain, les saisies de-vraient être prononcées dès lelendemain au tribunal... en compa-rution immédiate ?

Un dossier de demande de déro-gation de 1 200 pages, réaliséconjointement par la DREAL Pays dela Loire (1) et AGO, a aussi été mis enligne et en consultation publique à lapréfecture de Nantes – pendant unmois, jusqu'au 7 novembre – pourdétailler toutes les mesures ERC (évi-ter-réduire-compenser) prévues parAGO-Vinci pour le déplacement et laprotection du campagnol amphibie,du pélodyte ponctué ou du fluteaunageant et autres raretés protégées,une centaine d'espèces qui vivraientou passeraient sur la ZAD et ses en-virons. Le ridicule d'une telle mise àdisposition publique d'un dossierspécialisé aussi conséquent en unmois – trois semaines à l'origine –illustre combien l'avis du public serapris en compte.

Si le préfet gère les volets agricoleet écologique des communications, iln'en négligerait pas pour autantcelui du juridique et celui plustrouble des coups tordus.

INTERDIRE LES CULTURES,POURSUIVRE

LES « JARDINIERS »

Pour faire obstacle à l'initiativeSème ta ZAD - COPAIN - ADECA (cf.CA d'octobre) qui a ensemencé etplanté avec succès le 5 octobre unevingtaine d'hectares en friche à l'em-placement de leur projet de pisted'envol, AGO et la préfecture avaientdéposé dès le 3 octobre une requêteinterdisant tout ensemencement,avec amendes à la clé. La ZADconcerne des terres relevant des tri-bunaux de Saint-Nazaire ou deNantes. En riposte, l'ADECA a tentéun recours pour les annuler; ce qui aété obtenu à Saint-Nazaire le 22 oc-tobre (2).

Autre démarche juridique, l'appeldes paysan-ne-s contre l'ordonnanced'expulsion des occupant-e-s de laferme de Bellevue, sur la ZAD, aéchoué ; l'exploitation et les terresenvironnantes (occupées et préser-vées de la destruction policière dèsle lendemain du départ de ses ex-propriétaires en janvier 2013) consti-tuent un symbole puissant del'implication dumilieu agricole localet régional dans la lutte. Une petiteproduction laitière, beurre et fro-mages, a été relancée. La venue del'huissier peut déclencher de nou-

AÉROPORT DE NOTRE-DAME-DES LANDES...

L’assaut ?

1.Direction régio-nale de l'environ-nement, del'aménagement etdu logement.

2. Le juge s'estbasé sur deuxpoints pour rejeterla demanded'AGO d'interdic-tion pendant troismois de tout ense-mencement ;d'abord les par-celles viséesétaient mal défi-nies et repéréesdans la demanded'AGO, ensuite laformulation de larequête – « l'illégi-timité des ense-mencements » –contredisait unedéclaration duconseil général de2012. Même s'iln'a pas encore étérendu, un verdictnantais identiquesur les mêmesbases est possible.Les peines deman-dées par AGOs'élevaient jusqu'à1 000 euros parhectare cultivé et1 000 euros parparticipant-e.

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velles manœuvres policières, une ré-activation de la résistance de terrain,au-delà de petites actions contre lechantier du barreau routier.

Actuellement, des départs de feusur des habitations de la ZAD etautres activités nocturnes sontconstatés régulièrement, de la part depro-aéroports. Dans cette ambiance,le mouvement d'opposition au projet– l'ACIPA entre autres – a décidé derendre publique la rumeur d'une pro-vocation qui aurait pu servir à légiti-mer un coup de force policier brutalsur toute la ZAD ; au cours de la pre-mière moitié de novembre, un véhi-cule de gendarmerie passant sur laZAD devait servir de cible à des tirsd'armes à feu. Un tel montage auraitété synchrone avec la signature pré-fectorale des nouvelles mesures com-pensatoires et de préservationécologique. Intox ou non, elle traduitla tension qui règne actuellementface à l'imminence d'un possible dé-ferlement policier, dû à la « fenêtre »propice pour le déplacement des es-pèces mais aussi à la proximité desélections municipales (23, 30 mars)puis européennes (25 mai).

Si la préfecture ne vide pas bien-tôt la zone de ses occupant-e-s, enpassant outre à toutes les objectionset tous les argumentaires accumuléspar l'opposition au projet, le chantierde l'aéroport est retardé d'un an sup-plémentaire. Ce qui fera l'affaire desprojets agricoles en train de fleurir, des'enraciner et de changer le regard ex-térieur des populations locales sur laZAD. Ce qui ne fera pas l'affaire desbanques et de la multinationaleVinci,pas plus que des entreprises localesde BTP qui affichent clairement leur

attente du chantier. Au moment oùHollande est stigmatisé pour son in-décision (affaire Léonarda) ou pourson manque de retenue (interventionstoppée en Syrie par la défection desEtats-Unis), difficile de pronostiquerles prochains événements.

ANNIVERSAIREDES EXPULSIONS

Un an après l'opération César quidevait vider la ZAD de ses occupants(dixit le préfet à 10 heures du matin),le mouvement de résistance au projeta mené diverses initiatives. La coordi-nation organisait le 16 octobre unpetit rassemblement-manifestationdevant la préfecture pour une « nuitdes Césars de la répression ». Le ven-dredi, le collectif nantais tenait unesoirée d'information pour présenterun livre sur la multinationale Vincipublié par Libertalia (Les Prédateurs dubéton, de N. de la Casinière) et enfin,samedi, une manif contre toutes lesexpulsions (ZAD, sans-papiers, sans

logis) rassemblait un petit millier depersonnes qui déambulaient longue-ment dans Nantes avec diverses ac-tions (3). Le cortège, très divers etdynamique, rassemblait desmembresde collectifs de solidarité avec NDDLde plusieurs villes extérieures au dé-partement, des zadistes et Nantais,étudiant-e-s et SDF, peu de représen-tant-e-s de la Coordination anti-aéro-port de Notre-Dame-des-Landes,mais plusieurs tracteurs de membresdu COPAIN, qui tenaient à montrerleur solidarité avec l'initiative nan-taise.

Au moment où les rumeurs d'in-tervention sur la ZAD circulent, onpeut s'étonner de ce succès relatif,mais l'année dernière nous rassem-blions encore moins dans nos cor-tèges, avant que la solidarité face auxtroupes préfectorales ne se déploie...Alors que l'agro-alimentaire breton li-cencie des milliers de personnes etembauche des intérimaires roumains(comme chez GAD à Josselin, Morbi-han, où des heurts se sont déroulésentre piquet de bientôt-licenciés blo-quant l'usine et encore-salariés défen-dant les intérêts du patron), le projetd'aéroport de NDDL doit plus que ja-mais être dénoncé comme un gas-pillage inacceptable, avec un coûthumain et environnemental délirantau seul bénéfice des actionnaires deVinci, et non pas être assimilé à uneopportunité de salaire pour des chô-meur-e-s sans perspective. Une ana-lyse des activités socialement utilesdoit pouvoir être menée, pour contre-carrer les déclarations à l'emporte-pièce des politicien-ne-s socialistes etdépasser l'horizon unique tracé parles intérêts des multinationales et lesstratégies demétropoles en recherchepermanente de croissance. A suivre.

Nantes, le 24/10/13.

aménagement du territoire

courant alternatif - n° 234 - novembre 201322

3. Photos visiblesici :

http://nantes.indy-media.org/ar-

ticles/28355

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Les journaux locaux militants etautres feuilles de chou alterna-tives fleurissent comme les cham-pignons après la pluie. Certainsreprennent des articles copiés-col-lés sur Internet à droite et àgauche – genre un tiers de com-mentaires de l’actualité, un tiersde critique du PS, un tiers d’anar-chisme… –, ce sont des journauxutopiques au sens propre duterme (sans lieu ni ancrage localréel) ; d’autres s’inscrivent dansdes dynamiques de groupe, desluttes locales ou thématiques. AEychenat, cet été, nous en avonsdébattu entre personnes engagéesdans des revues ou des blogs.

Y A-T-IL UNECONTRE-INFORMATION EN SOI,

CAPABLE D’ORIENTERLES LUTTES ?

La contre-info serait nécessaire pourenseigner aux foules la vulgate anar-chiste, et, une fois la masse éduquée,mettre en œuvre la révolution. Il s’agi-rait là d’une vieille démarche pédago-gique. Mais la plupart des personnesprésentes ne partagent pas cette visiondes choses. Florilège :

« Un des buts, c’est d’informer lesgens de choses graves dont on ne leurparlera jamais. Un journal, c’est allercreuser dans ce qu’il se passe ici ou là. »

« Pour sortir de l’anonymat unegrève locale dans une PME, relayer unecampagne nationale à l’échelle locale,mettre en lien l’extension d’un CRAavec un des plus grands camps de réfu-giés et faire savoir que cette extensionmenace les réfugiés. »

« Mais ce qu’on fait souvent, c’est

travailler sur des thématiques généraleset voir comment localement s’articu-lent la répression, l’urbanisme, la crise,les fermetures de boîtes. »

« On essayait à la fois de faire del’info au niveau local, donc de donnerun autre point de vue que la presse ré-gionale – La Voix du Nord, chez nous – etla presse gratuite, et de maintenir desthématiques (les sans-papiers à Lille etsur Calais, le logement, la politique dela Ville…). »

« A Toulouse, on ne voulait pas fairede contre-information. Pour caricatu-rer : la contre-info, ça consisterait à ou-vrir le quotidien régional, voir tel ou telarticle dégueulasse et produire un jour-nal disant l’inverse. Nous, on veut fairele lien entre le local et le global, essayerde rendre réel localement ce qui existeglobalement. »

« Pour moi, faire un contre-journallocal et prendre les articles de la pressepour dire le contraire en couvrant toutle champ du journal, ça n’a aucun inté-rêt. En revanche, le journal local doitêtre le reflet d’informations et de ré-flexions sur les luttes locales, ou en toutcas sur les luttes qui nous intéressent. »

« Il ne faut pas se limiter à dire “ ceque la mairie de XYZ ne vous dit pas ” ;.Par exemple lorsqu’on travaille sur lesbavures policières, il faut enquêter surle terrain avec des personnes qu’onn’irait pas voir autrement. C’est l’occa-sion de tisser des liens et d’établir unerelation de confiance,, et ça nous a per-mis d’agir et de soutenir ne serait-cequ’en diffusant les infos obtenues avecl’aval des familles. Ces infos, qui ne se-raient pas connues autrement, peuventjouer un rôle à l’occasion d’un procès. »

« Ne pas faire de la contre-info, çaveut dire aussi creuser les sujets, parceque souvent dans la presse militantequand il s’agit de faire de la contre-infoou de la propagande, on trouve cettevieille idée qu’il faut être entendu et

compris par le peuple. Dans ce qui sedégage de la presse militante, il y abeaucoup de démagogie dans l’ap-proche – d’abord, en pensant qu’ons’adresse à des cons et qu’il faut sim-plifier le propos, ensuite en ne disantpas ce qu’on pense vraiment mais enestimant qu’il y a une étape entre cequ’on pense et ce qu’on dit. »

« Dans la contre-information, il fautêtre réactif. C’est pourquoi on a créénotre blog en se disant que lui c’était laréactivité, et notre journal le lieu del’analyse. Mais ça ne fonctionne pastout à fait comme ça dans la pratique. »

COMMENT TROUVERL’INFORMATION, LE CONTENU ?

« On s’est aperçus qu’on a un réelproblème d’accès aux infos du type uneboîte qui débraie : ça dure six à huitheures maxi et ils ne nous appellentpas pour nous en avertir. Nous on l’ap-prend par le quotidien régional. Il y ades moments où on aimerait être pré-sents, mais on bosse et on n’a pas for-cément les contacts. Que ce soit pour lequotidien d’une boîte ou pour ce qu’onveut détruire, le système de pouvoir necommunique que quand il en a envie.De temps en temps, des schémas direc-teurs sont publiés et ça demande ungros travail de décryptage. Pour faire cetravail, il faut des gens assez insérésdans la ville pour avoir des infos. Il fautconnaître les rouages de la ville, avoirdes informateurs. C’est possible d’enavoir dans les mairies ou les boîtes. Ças’apprend d’aller chercher des infos. Re-bellyon arrive à en avoir parce qu’ils ontun nombre d’informateurs qui dépassele groupe de dix personnes. »

«A La Brique, pour chaque numéro ily a une enquête de trois à cinq pages.C’est au retour de ces enquêtes ques’organise le numéro. Un article, c’estun minimum de deux bouquins à lire ;c’est compiler des interviews, résumerdes trucs…»

«Ce qui frappe, c’est la quasi-ab-sence de retours. Le journal affirmait uncontenu théorique, et à part trois ouquatre personnes qui ont réagi, ça n’apas participé à créer plus de débat. C’estlié, en particulier, à la tendance à nefaire que des comptes rendus descrip-tifs d’une lutte, et pas des bilans pluspolitiques discutés entre les acteursd’unmouvement. On pouvait s’attendreà ce que plus de gens interviennent.»

entre nous soit dit

23courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

Les journaux locauxde contre-informationet/ou militants

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QUELLES RELATIONSCETTE PRESSE ENTRETIENT-ELLE

AVEC SON TERRITOIREET SON LECTORAT ?

La plupart des participant-e-s audébat d’Eychenat n’ont que peu de re-tours de leurs lecteurs. Les rubriques« on écrit au journal » sont maigres.Pour autant, nos journaux ne sont passans impacts sur la vie locale.

« Le Chat noir de Reims a subi un pro-cès. Par ailleurs, pendant de nom-breuses années, il servait à régler descomptes à l’intérieur de la CGT. Des op-positionnels à la direction départemen-tale ou régionale se servaient de luipour exprimer leurs divergences. Ilssortaient le canard aux réunions syndi-cales pour montrer qu’ils n’étaient pasd’accord. Ils le photocopiaient. La mu-nicipalité de Reims, qui était de droite,s’en servait aussi. A chaque sortie ducanard, il y en avait deux ou troisd’achetés en kiosque et largement pho-tocopiés ensuite. »

« Nous nous attachons à faire dequestions nationales des problèmes lo-caux (ainsi, le fichage scolaire alors qu’iln’y a pas localement de comité de lutte)ou à l’inverse nous prenons des sujetslocaux, comme la pêche, et montronsque des questions locales ont une di-mension nationale (la présence d’uneusine de farine de poisson sur le port deBoulogne à l’heure de l’interdiction desfarines animales, par exemple) dansune dialectique local-national et re-tour. » «Pour nous, le journal, c’est aussiun moyen de jouer sur l’ambiance poli-tique de la ville, de peser sur les débats.Ça ne me gène pas qu’il soit lu par desennemis, qu’on crée des polémiques,mais il faut qu’il soit le reflet d’ungroupe, d’un collectif politique qui suitune tactique, une stratégie pour la ville,qui participe à des luttes, est présentpolitiquement sur la ville et fait de cejournal un outil. »

« On joue un rôle qui nous dépasse.Vis-à-vis de la grande presse locale, onn’a pas d’échos. Il y a quelques années,on avait distribué un tract sur le centrede rétention. On a vu le lendemain de ladistribution dans La Voix du Nord unepleine page qui s’intitulait « Le CRAn’est pas une prison ». C’était quandmême un peu la réponse à notre tractet ça ne serait, je pense, pas sorti si onn’avait pas fait ce truc-là. Est-ce quec’est de l’ordre de la presse ou de l’ordrede l’action politique d’un groupe ? »

QUELLES RELATIONS EXISTENTENTRE LE GROUPE MILITANT

ET LE JOURNAL LOCALDE CONTRE-INFORMATION ?

La plupart d’entre nous conçoiventune articulation formelle entre le

groupe et son journal. Le journal localest un complément à l’intervention quele groupe a sur la ville où il est implanté.

« Nous, on a plutôt fait un journal depropagande avec un positionnementclair et défini entre nous. C’est ungroupe, mais on ne cherche à recruterni par le biais du canard ni autrement,c’est ce qu’on a dit dès le premier nu-méro… »

«A une autre période, on a essayé defonctionner comme une espèce de co-ordination pour tous les groupes liber-taires existant sur notre région. Il y avaitdes articles des Ardennes, de l’Aube,quelle que soit la tendance de l’organi-sation libertaire à laquelle ils corres-pondaient mais avec une ligne politiquedéfinie. »

« Dans les journaux dont on parle,on voit la ligne politique, mais il y en ad’autres où on ne la voit pas. Tout lemonde peut s’y exprimer et ça fait unboulguiboulgua… Mais si tu enlèves legroupe qui a un projet politique derrièrele journal, tu vas avoir un journal quisoit va disparaitre parce que c’est unfanzine baba, soit, s’il a une certainequalité, va devenir un auxiliaire de lasocial-démocratie. »

« La Mouette enragée, j’en ai d’abordentendu parler comme groupe politiqueet j’ai découvert après le journal. C’estce groupe-là qu’on connaît, qu’on voitsur le terrain. On peut voir des inter-ventions sur Boulogne sur des chosesprécises. La Brique n’est pas complète-ment homogène d’un point de vue desappartenances, des origines politiquesou des idées. Ce qui ne veut pas direqu’il n’y a pas un fonds commun, maisil n’est pas explicite et un peu difficile àsaisir. Et en même temps, c’est quandmême un collectif qui a une volonté dechanger les choses mais il n’intervientpas comme ça. »

«La Brique est une exception. Elle estnée il y a sept ou huit ans de la volontéde personnes se connaissant depuislongtemps et se retrouvant sur les lieuxde lutte de créer un journal local decontre-info. Il y a toujours eu un collec-tif de rédaction qui se retrouvait dansun local propre, mais aucun des fonda-teurs n’y est plus. On a des désaccords,on ne vient pas du même milieu poli-tique, mais on se retrouve pour sortir lejournal.Ainsi, pour d’autres, l’existenceprécède l’essence : Finalement des gensvont créer un journal et quelque part çava lancer le collectif et l’interventionpolitique. J’ai l’impression que c’est ceque fait La Brique. »LE COMPLÉMENT AU JOURNALC’EST LE TRACT, LE BLOG,

LA RADIO…

« Ça peut prendre la forme d’untract. En soutien à la lutte des sans-pa-piers, on a sorti une chronique de lalutte à diffuser largement. Pendant le

mouvement des retraites, on a fait depetits papiers diffusés enmanif au-delàdu format du journal. »

« On a aussi l’émission de radio, surReims, qui est un outil de discipline mi-litante : il faut se réunir pour la préparerensemble afin d’avoir une activité régu-lière. Ça marche à tel point que surReims on est plus identifiés comme LeChat noir ou l’Egrégore que comme com-muniste libertaire. »

« Le blog, c’est nos archives. Ça per-met de réagir immédiatement, mais çapourrait être aussi un tract par rapportau journal. Sur Internet, tu passes trèsvite de l’un à l’autre et tu peux teperdre. Contre-exemple : la grève demi-neurs en Espagne. Un copain a traduitles textes syndicaux, a fait le suivi auquotidien de la grève. Le travail de tra-duction était énorme. Pendant deuxmois, tous les deux jours il y avait del’info sur l’Espagne sur notre blog et, ennovembre, il y a eu une synthèse dansle journal papier. » Idem pour d’autres :« Sur Lille, à l’occasion de la grève de lafaim des sans-papiers et des arresta-tions à la suite d’une occupation, onavait aussi fait un suivi sur Internetavant de compiler pour le journal. »

Nous avons encore discuté des ti-rages ou des photocopies, des ventes,en kiosque ou à la criée, de la manièred’écrire, de la rotation des tâches dansles différentes étapes de la vie de nosjournaux, de la vitrine que constitue unjournal pour un groupe politique local.Un dernier morceau :

« Ça ne me gène pas que la bour-geoisie nous lise, parce que t’es aussi làpour les faire chier. C’est à nous, après,de prendre au rebond ces trucs-là.Tu nemaîtrises pas les lecteurs, un journal cen’est pas seulement les lecteurs, encoreque 100 à 200 personnes sur Boulogneça me paraît déjà énorme; mais un peuplus de lecteurs,, c’est un peu plusd’identification, un peu plus d’existencepolitique, un peu plus de protectionface à la répression. Quand tu existessur une ville, tu peux aller plus loin quequand tu es complètementmarginalisé.Je suis pour la démarginalisation des in-terventions politiques, mais sans enpayer le prix institutionnel… »

La suite, vous l’écrirez dans le jour-nal local de votre coin…

F. Boulogne

entre nous soit dit

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En France, ces concepts ontfait leur apparition sur l’îlede la Réunion, en 2010,lorsque celle-ci s'est posi-tionnée comme lieu pour

accueillir les entraînements de l’équipede France de foot, avant la Coupe dumonde en Afrique du Sud. Le projet aété un échec sur les plans économique(l’accueil de la délégation a coûté trèscher et n’a pratiquement rien apporté),social (la population réunionnaise n’apas pu approcher les stars du football)et médiatique (les conflits internes del’équipe de France ont complètementmis de côté l’intérêt des spectateurspour la Réunion). Mais l’idée a été rapi-dement reprise par le PS du Nord - Pas-de-Calais, qui a créé, dès la nominationde Londres pour les JO 2012, une cam-pagne « Pas-de-Calais, base arrière desJO de Londres ». Là aussi, ç'a été unfiasco1,malgré la grande campagnemé-diatique qui aura coûté 115 millionsd’euros aux contribuables au profit duprivé. Et ce n’est pas fini : le Brésil ac-cueillant de nombreux événements in-ternationaux, les politiciens etentrepreneurs de la Guyane voisine ontdécidé de s’inspirer du Pas-de-Calais,afin de se remplir eux aussi un peu plusles poches. En nous ressortant l’éter-nelle ligne de la com' : « création d’em-plois », « développement local »,« modernisation des infrastructures »,etc., l’entourloupe crève les yeux.

A quoi servent ces bases avancées ?Bref tour d’horizon sur le sujet, avecl’exemple de la Guyane.

LE CONTEXTE GUYANAIS :UNE ÉCONOMIE ARROSÉEPAR LE BUSINESS SPATIAL

La Guyane est le seul territoire fran-çais sur le continent sud-américain.Situé entre le Brésil et le Suriname, ceterritoire est à 96 % une forêt équato-riale. De ce fait, les quelque 240 000 ha-bitants2 sont répartis majoritairementsur la façade maritime.

Située près de l’équateur, la Guyanedoit son développement au choix faitpar le Centre national d'études spatiales

(CNES) et de Gaulle, au milieu des an-nées 60, d’y installer le Centre spatial.Cela afin de remplacer la base de lance-ment de Hammaguir, que le CNES devaitquitter obligatoirement en 1967 à lasuite des accords d’Evian de 1962 et del’indépendance de l’Algérie. En gros, untransfert d’une colonie à une autre.

Ainsi, ce territoire peu connu del’opinion publique en métropole, sou-vent baptisé « enfer vert » et dontl’unique intérêt pour l’Etat était géos-tratégique, se découvre une nouvelleimage, beaucoup plus médiatique etagréable que celle du bagne. Kourou, laville choisie pour l’implantation duCentre spatial, en fait les frais et passerapidement d’un petit village de 200 ha-bitants à une cité-dortoir pour scienti-fiques et militaires expatriés pour lebien des affaires économiques et lagrandeur de la France3. Aujourd’hui, leCentre spatial guyanais (CSG) est leprincipal acteur économique du terri-toire, en assurant environ 8 000 emploisdirects et indirects4. Afin de détournerl’attention de son activité initiale ainsique de ses répercussions négatives surl’environnement, le CSG est aussi le par-tenaire financier principal de nombreuxprojets associatifs (protection de la na-ture, festivals, événements sportifs, pro-jets étudiants, etc.). Le CNES/CSG sepositionne à tous les niveaux de la viedes Guyanaises et Guyanais. Pas éton-nant, donc, de le voir s’impliquer dansle groupement d’intérêt public5

« Guyane base avancée ».

GUYANE BASE AVANCÉE :POUR QUI ? POUR QUOI ?

Le projet guyanais est présenté, à sesbalbutiements, comme un projet à ca-ractère social, sportif et culturel. Il estofficiellement vu comme un moyen dedévelopper le territoire, de créer del’emploi et pérenniser les infrastruc-tures sportives grâce à l’accueil de délé-gations étrangères se préparant pour lescompétitions. Le tout au profit de la po-pulation locale, et surtout des jeunes,qui sortiront évidemment grandis de cetéchange multiculturel basé sur le sport.

Mais, en dépit du fort taux de chômageet du piteux état des installations spor-tives en Guyane, ce discours accrocheur,qui a si bien fonctionné dans le nord dela France, ne fait pas mouche dans lapopulation. Et dans cette région où lesconflits entre les différentes commu-nautés (Créoles,Amérindiens,métropo-litains expatriés, Noirs Marrons,Chinois, Hmong…) sont toujours assezprésents, rendant peu crédible l'imaged'une société multiculturelle soudée oùles différences ne poseraient pas pro-blème, les rengaines niaises genre« amitié entre les peuples » sonnent par-ticulièrement faux et ne risquent pas deconvaincre les Guyanais les plus cré-dules. En bref, la sauce ne prend pas, etc’est presque plaisant de voir les petitschefs à la tête du GIP se ridiculiser en-core un peu plus…

Si ce ridicule ne les arrête pas, c’estparce que la base avancée profite à uneminorité d’acteurs économiques. Le ca-ractère social du projet n’est qu’une ex-cuse en or pour différents projetsd’aménagement du territoire : complexesportif, hôtels, remise en état de la voi-rie, tout est bon à prendre. BernardLama, Lucie Decosse, Malia Metella etles autres stars du sport-business localne sont donc pas seulement des ambas-sadeurs médiatiques du projet, maisbien des trompe-l’œil de choix pour ca-moufler un projet de financement d’en-treprises privées avec des fonds publics.

Et si certains en doutaient encore,fin septembre, dans une interview au

Guyane :le business du sportau profit de l’aménagementdu territoire

1. Même si, pour lesentreprises privéesdu secteur de laconstruction, cela aété une manne fi-nancière appré-ciable, car lesnombreux projets deconstruction étaientbasés sur descontrats financierspublic-privé.2. Ce chiffre officieldatant de 2012 neprend pas en comptela forte populationd’immigrants clan-destins, qui est éva-luée entre 30 000 et60 000 personnes.3…Ces grandschangements ac-compagnés, biensûr, par les habi-tuelles exclusionsdes populations lo-cales.

« Base avancée », « base arrière » : deux concepts qui ponctuent la vie decertaines régions françaises dans les médias ces dernières années. Cesnéologismes, autrefois associés au champ lexical militaire, rentrent au-jourd’hui dans celui du sport-business. Belle image, nan ?

La propagande spatiale s’affiche en pleine rue.

Le GIP Base avancée a été installé dans les locaux du conseilrégional, en plein centre de Cayenne.

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quotidien France Guyane6, Roger-MichelLoupec, président du GIP et élu auconseil régional, a clarifié les choses endéclarant : « Le GIP Base avancée estavant tout un projet politique d'amé-nagement du territoire […]. Nous de-vons assurer la mission qui est lanôtre : construire et consommer lesfonds qui nous ont été alloués. […] Si lacerise sur le gâteau voulait que la pro-motion que nous faisons depuis unan,s et qui va s'accentuer, entraîne icides équipes étrangères ou nationales,tant mieux, mais ce n'est pas la prio-rité. »

Dans l’histoire, les principaux bé-néficiaires privés de ce projet d’amé-nagement camouflé sont lesentreprises de construction, et plusparticulièrement les sociétés spéciali-sées dans les gros ouvrages. Nofrayane,CBCI et Cogit (filiales guyanaises deVinci Construction) ainsi que CegelecGuyane (filiale de Vinci Energie) se po-sitionnent bien évidemment sur lesprojets d’aménagements sportifs ettouristiques lancés par le GIP Baseavancée. Et ça paie : ces entreprisessont présentes sur quasiment tous lesprojets, et certaines enveloppes sontjuteuses… En effet, plus 4 millionsd’euros sont alloués pour la construc-tion de la piscine régionale de Mana etplus de 2 millions pour la salle d’artsmartiaux de Matoury, cofinancées parla région Guyane et d’autres entités pu-bliques comme le CNES bien sûr.

UN PREMIER ESSAI :LES JMJ DE RIO ?

Rio a accueilli en juillet dernier lesJournées mondiales de la jeunesse(JMJ). Première occasion pour laGuyane, en lien avec le clergé français,d’organiser l’accueil7 de délégationsmétropolitaines en vue d’un grand évé-

nement brésilien. Accueil sans trop derisques, car les cathos français ne sontpas connus, en dehors de leur prosély-tisme, pour être des gens violents. Cetaccueil de cathos était surtout vu parcertains comme une mise en bouche,avant celui de grands sportifs et deleurs supporters. Une sorte d’entraîne-ment… qui fut une accumulation deratés : un accident de car a fait unemorte et plusieurs blessés chez lesjeunes cathos parisiens ; une panne del’avion spécialement affrété pour l’oc-casion a obligé les Guyanais à se colti-ner ces jeunes illuminés trois jours deplus ; le rapatriementmédical d’un res-ponsable religieux tombé subitementmalade a eu une gestion hasardeuse…

Ces péripéties ont certes eu un fortretentissement dans la presse localevoire nationale, mais cela n’a aucune-ment remis en cause la création du GIPBase avancée, dont l’objectif apparentet médiatique est pourtant le même.Seules quelques molles réactions sontà noter dans les réseaux sociaux, oùcertains se demandent comment laGuyane va réussir à accueillir les sup-porters de foot si elle n’a déjà pas étécapable de le faire pour des jeunes ca-thos…

ET LES BRÉSILIENSDANS TOUT ÇA ?

Alors que le peuple brésilien s'estfait remarquer par de grandes mani-festations ces derniers mois, provo-quées par la diminution de son pouvoird’achat, en lien avec les préparatifs dela Coupe du monde de foot et des JO2016 (augmentation du prix des trans-ports, des loyers, etc.), la solidaritéguyanaise envers lui est invisible, et cemalgré la présence d’une importantecommunauté brésilienne en Guyane.Pourtant, les thèmes abordés par lesmanifestants (pouvoir d’achat, gentri-

fication des quartiers, exclusion so-ciale) sont des sujets qui concernenttout aussi bien les Guyanais, et qui ris-quent de revenir de plus en plus sur ledevant de la scène publique ces pro-chaines années. Si ce triste manque deréactivité est patent, il faut malgré toutsignaler le coup d’essai d’étudiants bré-siliens de Cayenne qui, en juin dernier,ont organisé une petite mobilisation ensolidarité avec les Brésiliens en lutte.Cette mobilisation, au cœur de la placedes Palmistes (place centrale deCayenne), a malheureusement été an-noncée par ses organisateurs comme« apolitique ». Peu de monde y a parti-cipé et aucune suite n’a été visible ; ce-pendant, malgré son faible intérêt surle plan politique, cette volonté d’agir dela part de ces étudiants brésiliens trèsisolés faisait plaisir à voir.

Dans cette région où les inégalitéssociales sont très présentes et surtouttrès visibles, l’immobilisme social estchoquant et en devient dramatique. Iln'y a pas même un syndicat réformisteà la noix ou une asso citoyenniste pourmettre un pied dans la fourmilière…Les faits divers politiques et les petitesguerres de pouvoir qui inondent lapresse bourgeoise locale permettent fa-cilement d’occulter les réels problèmesde la société guyanaise, et les quelquesmanifestations d'une volonté d’agirrestent très ponctuelles, sans lende-main et surtout extrêmement isolées.L'indifférence générale envers les igno-minies capitalistes fait peur à voir. LeGIP Base avancée n'en est qu’unexemple, mais ce n’est bien sûr le seul,et encore moins le principal : la palmerevient sans conteste au business del’orpaillage. Un bon coup de pied dansce panier de crabes au pouvoir ne feraitvraiment pas demal,mais il ne semblepas à l’ordre du jour…

Arturo

4.;Soit 13 % de la po-pulation active guya-

naise. Voirhttp://www.cnes-csg.fr/web/CNES-

CSG-fr/9759-economie-du-spatial.php

5. Le groupement d’in-térêt public (GIP) est

un statut juridiqueadapté aux structures

ayant une missiond’intérêt général. Sonfonctionnement très

souple permet de faci-liter les partenariats

entre le public et leprivé.

6.http://www.france-guyane.fr/regions/guyane/base-avancee-lou-

pec-s-affirme-a-la-barre-173140.php

7.Rappelons que laGuyane est un des der-

niers endroits où lesprêtres sont payés par

des fonds publics.L’événement estival y

a obtenu un soutien fi-nancier de la région,

du conseil général et…du CNES évidemment.

Détournement humoristiquede la campagne d’affichageurbain « pro-JMJistes » dansles rues de Cayenne.

Faisant suite à “Face aufascisme allemand”, paru en2006, cet ouvrage autobiogra-phique s’ouvre en décembre1933.

Agé de 19 ans, militant à la

jeunesse communiste, sur-veillé, inquiété, interrogé, battupar la police, Gengenbach doitfuir l’Allemagne, sous le coupd’un mandat d’arrêt pour pré-paration à la haute trahison, etpasse la frontière avec la Bel-gique. C’est le début d’un exilqui ne finira plus. En France,où il émigre début 1934, leproblème des chefs dans le PClui revient personnellement àla figure, avec des respon-sables du parti allemand dansl’émigration. Willy, c’est ainsiqu’on l’appelle en France,n’obéit pas aux injonctionsd’éviter le contact avec d’autresque les immigrés allemands deson parti. Avec Hans Beimler,député au Reichstag etmembre des instances natio-nales du parti allemand, c’est

l’accrochage. En réponse, la di-rection lui ordonnera une mis-sion en Allemagne ; c’est unequasi condamnation à mort.Ce sont les militants alle-mands, à la frontière suisse,qui lui font faire demi-tour, ju-geant sa présence dangereusey compris pour eux-mêmes.Après une tentative de suicide,il est soigné et pris en chargepar une famille ouvrière etcommuniste parisienne quil’héberge, l’adopte, lui permetde retrouver ses marques, etde militer dans Paris. Ilconserve ensuite intact son es-prit critique, envers la pratiquepolitique du PCF (depuis sanonchalance et sa suffisancevis-à-vis du danger fasciste,jusqu’à son chauvinismeécœurant d’après 1940).

ÉDITIONS ACRATIE

à paraître décembre 2013

WILHELM GENGENBACH

Une vie contre le capitalisme(2e partie)

A l’école de l’exil (1933-1934)550 pages 25 euros en librairie

En souscription jusqu’au 30 novembre20 euros (port compris)

(30 euros avec le premier tome)

Editions Acratie, l’Essart,86310 La Bussière

(Chèque à l’ordre d’Acratie)

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Le 29 août, un appel étaitlancé à une journée degrève à l’échelle de l’en-semble du pays, dont on nesait guère quel bilan en a

été tiré. Quoi qu’il en soit, c’est déjà, etde loin, la mobilisation de salariés desfast-foods la plus importante de l’his-toire des Etats-Unis.

Ces grèves, bien que lancées dans lecadre d’une stratégie d’implantationsyndicale, « ont connu un degré de par-ticipation inhabituel, si on les compareaux traditionnels union drives (1). Ellesont aidé à dévoiler et à mettre l’accentsur l’immense colère des salariés pré-caires et mal payés des services, qui re-présentent un large segment de laclasse ouvrière américaine (2). » En effetces poor jobs (à bas salaires, n’offrantpas de couverture sociale, souvent àtemps partiel, ce qui oblige à en cumu-ler deux, voire trois, pour pouvoir sur-vivre) tendent à devenir majoritairesdans l’économie américaine. Et ils neconcernent plus seulement les« jeunes », puisque l’âge moyen des sa-lariés des fast-foods est désormais de35 ans. On comprend donc que, auxyeux de beaucoup, l’enjeu de cette ba-taille ait dépassé le sort des seuls sala-riés mobilisés.

Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait unhasard si cette vague a démarré à NewYork un an après l’évacuation de Zuc-cotti Park. Parmi les acteurs du mouve-ment Occupy, nombreux en effetétaient les étudiants,mais aussi les fraî-chement diplômés, condamnés à plusoumoins long terme à vivre de ce genrede travail. Et le nettoyage répressif dumouvement, à un moment où il étaitencore en pleine maturation, a sansdoute convaincu plus d’un participantde la nécessité de porter désormais lalutte sur le terrain concret des lieux detravail.

Depuis quelques années, on voit ap-paraître, aux Etats-Unis, des conflitsqui, par leur caractère impulsif et im-prévisible, semblent bien être l’expres-sion d’une rage sociale longtempscontenue. Qu’il s’agisse, en 2011, del’étonnante mobilisation à laquelle a

donné lieu la lutte des enseignants etemployés de l’Etat duWisconsin contreune baisse de salaires et de couverturesociale (3), de l’extension en traînée depoudre du mouvement Occupy ou de laremarquable mobilisation que celui-ci afait naître à Oakland, ces conflits contri-buent à redonner du corps, du sens etde la légitimité à ce qu’il faut bien ap-peler (même si ça ne fait pas forcémentpartie de leur vocabulaire) un affronte-ment de classe. Rien d’étonnant, donc, àvoir aujourd’hui venir sur la scène desconflits sociaux la question des poorjobs.

Car ce qui s’exprime à travers lesgrèves des fast-foods – somme toute li-mitées au regard des milliers de maga-sins dont le pays est parsemé – c’est lecaractère éminemment scandaleux dumontant des salaires octroyés (8,94euros l’heure en moyenne, pour untemps de travail moyen de 24 heurespar semaine) au regard des profits en-caissés par toutes les grandes chaînes,qui, eux, n’ont cessé de grossir (d’aprèsTime, les marges de profit des compa-gnies privées de fast-food ont plus quedoublé depuis 2009, passant de 2,1 % à4,6 %, la part des bénéfices revenant auxsalaires passant, elle, de 23,5 à 22 % –sans compter le financement indirectpar le contribuable, puisque certains deleurs salariés sont contraints de faireappel à l’assistance sociale pour com-pléter leurs trop faibles salaires). D’unecertaine manière, ces grèves contri-buent à donner un contenu bienconcret au candide « Nous sommes les99 % » du mouvement Occupy. C’estd’ailleurs aussi dans cette dynamique-là qu’il faut sans doute inscrire la mo-bilisation récente des employés de lagrande chaîne de distribution WallMart : le 5 septembre, des centainesd’entre eux ont fait grève dans quinzegrandes villes pour réclamer un salaireminimum à plein temps de 25.000 dol-lars par an et la levée des sanctions tou-chant les salariés ayant participé à desgrèves antérieures (notamment lors del’opération commerciale « Black Friday »de novembre 2012). Une centained’entre eux ont été arrêtés à l’occasion

de sit-in de protestation.Mais que nous disent ces grèves sur

les capacités réelles d’autodéfense dessalariés concernés ? Dans la restaura-tion et la distribution, l’organisation dela résistance des salariés se heurte àune difficulté spécifique : l’énorme dis-persion des lieux de travail. Des grèvessauvages, des actions spontanées n’ontsans doute jamais cessé de naître ici etlà… et demourir dans le silence. Or, au-jourd’hui, leur caractère coordonné – etl’amplification qu’en font des médiasqui, bien qu’aux mains des big corpora-tions, ne peuvent éviter de se faire l’échode ce qui émerge des profondeurs de lasociété – leur donne une autre dimen-sion. En revanche, il soulève un autreproblème : qui coordonne, et dans quelbut ?

Ces grèves, en effet, ne sont pas quel’expression spontanée d’une immensecolère. Elles s’inscrivent dans une stra-tégie syndicale élaborée. L’acteur clé del’organisation des grèves des fast-foods,c’est le SEIU (Syndicat international desemployés des services), l’un des plusgros syndicats américains (1,8 millionde membres, présent dans les secteursde la santé, des soins à domicile, du net-toyage, des services publics…) et le plusgros contributeur de la campagne élec-torale d’Obama. Il a monté une cam-pagne, baptisée Fight for Fifteen (FFF), àlaquelle il a consacré des millions dedollars et des douzaines d’équipes d’in-tervention. « Chaque action importantea été jusque-là lancée et facilitée pardes organizers stipendiés, employés pardes groupes comme Fast Food Forwardet Good Jobs Seattle, tous subvention-nés par le SEIU. Ces organizers prennentpied dans les différents magasins enentrant en contact avec un petit groupede travailleurs motivés, qui organisentensuite des réunions plus larges etprennent eux-mêmes la responsabilitéde pousser à l’action d’autres salariésde leur boutique. On a observé le mêmetype d’approche dans les grèves duBlack Friday à Walmart en 2012, soute-nues par l’UFCW. »

AdamWeaver,militant des IWW, ra-conte de son côté :

« Plus qu’une “manif à l’adresse despatrons” s’adressant aux entreprisesqui volent quotidiennement les tra-vailleurs, c’est une “manif à l’adressedes médias” dans laquelle les grèvesservent à illustrer une narration, unrécit de lutte de salariés élaboré par desexperts-conseils en mobilisation mé-diatique. Des scénarios d’actions sont

(1) Processus stric-tement encadré parla loi par lequel unsyndicat cherche àobtenir l’exclusivitéde la représentationsyndicale dans l’en-treprise et contre le-quel, bien souvent,une vaste opérationd’intimidation dessalariés est dé-ployée par la direc-tion.

(2) « Whosestrike ? »http://kasamapro-ject.org

(3) Voir par exemple« Que s’est-il passédans l’Etat du Wis-consin ? », Echangeset Mouvement n°136 et sur mondia-lisme.org

(4) Adam Weaver,"Fast Food WorkersStrike: What is andwhat isn’t the Fightfor Fifteen cam-paign", http://ma-chete408.wordpress.com

(5) Les accords deneutralité sont engénéral des accordsque les syndicatspoussent les em-ployeurs à signerafin d’obtenir unereconnaissance offi-cielle dans l’entre-prise. En échange dequoi ils s’engagentsouvent à res-treindre leur action,par exemple à nepas lancer contrel’employeur de cam-pagne qui mettraità mal sa réputationdans les médias, oùà ne pas appeler àla grève, voire à nepas entreprendred’actions sur leslieux de travail.

Grève des fast-foods :la colère gronde, la lutte hésiteAu cours de l’été, les chaînes américaines de fast-foods ont été touchéespar une vague de grèves, qui a commencé par une grève surprise dansla ville de NewYork en novembre 2012, s’est étendue cette année à desvilles du Midwest et de la côte Ouest et est montée en puissance finjuillet avec des grèves de quatre jours dans sept villes différentes. Par-tout les grévistes réclament un salaire horaire de 15 dollars et la pos-sibilité de se syndiquer sans subir d’intimidations.

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écrits puis filmés par l’équipe consti-tuée (de jeunes salariés eux-mêmessurchargés de travail, sous-payés etsoumis à des objectifs de mobilisationdifficiles à atteindre), et les derniers cli-chés sont conçus non pas spontané-ment par les travailleurs de la base,comme le tableau peint voudrait nousle faire croire, mais par des fonction-naires de Washington DC. J’ai discutéavec des travailleurs engagés dans lacampagne dans différentes villes. Souscouvert d’anonymat, ils m’ont racontécomment, au moment où s’opéraientdes changements importants dans ladirection publique de la campagne, ilsavaient eu pour instruction de déclarerofficiellement que “c’était une décisionprise par les salariés”. Une conférencenationale s’est tenue les 15 et 16 août àDetroit avec 7000 à 8000 participantsvenus des principales villes visées parla campagne, dont bon nombre fai-saient également partie de l’équipe decampagne. Là, ils ont eu droit à un peprally où on leur a remis un programmeprérédigé et présenté un plan tout ficeléde la grève du 29 août – seule décisionsortie de la rencontre. Aucun débat n’aeu lieu sur la direction de la campagne.Comme l’a dit un travailleur engagédans des grèves antérieures et ayant as-sisté à la conférence en tant quemembre du comité dirigeant de l’équipede campagne, c’est là qu’“on a comprisque ce n’est peut-être pas notre mou-vement, mais plutôt le leur” (4) ».

On comprend que les militants li-bertaires, et notamment ceux qui, telsles IWW, font depuis plusieurs annéesun travail souterrain de mobilisation àl’intérieur de certains fast-foods, se po-sent des questions sur le but poursuivipar le SEIU, et que certains aient préférése tenir à l’écart du mouvement. Lasuite de l’article d’Adam Weaver té-moigne du débat que cela a fait naîtrechez eux :

« Quant au but visé par la cam-pagne, d’après les infos qui ont filtréjusque-là, le SEIU est encore hésitantsur la direction à prendre. Une optionpossible est de se concentrer sur lesprincipales chaînes de fast-food defaçon à obtenir un accord de neutralité(5) ou de normes de branche, où le SEIUs’engagerait en outre à faire du lobbyingen faveur d’une forme d’exemption fis-cale accordée aux entreprises de res-tauration, un peu comme il l’a fait enCalifornie pour le secteur des soins in-firmiers à domicile – dans cet Etat àforte représentation démocrate, il a pro-mis de faire pression sur le gouverne-ment pour obtenir une loi favorable à cesecteur, en échange d’une large recon-naissance du syndicat, reconnaissancequi suppose des accords excluant le re-cours à la grève ou à la dénonciationdes conditions de travail. J’estime cetteoption peu probable et pas vraimentréaliste. La deuxième option, plus vrai-

semblable, serait que le SEIU se lancedans des efforts d’ordre législatif, dontdes tentatives pour obtenir de différentsEtats un vote autorisant les villes et lescomtés à instaurer leur propre salaireminimum.Une troisième direction pos-sible serait une combinaison d’accordsd’entreprise et de textes de loi, à la ma-nière dont certains syndicats commeHERE ont tenté d’obtenir une augmen-tation de salaire par voie législative,avec toutefois une exemption pour lestravailleurs couverts par des accordssyndicaux. Mais un autre facteur entreaussi en ligne de compte : Obama a ré-cemment annoncé qu’il se préparait àprésenter un projet de loi instaurantune hausse du salaire minimum au ni-veau fédéral. Est-ce vraiment une coïn-cidence si le SEIU, l’un des organismesqui ont le plus contribué à la réélectiond’Obama en 2012, a lancé sa campagnejuste à temps pour assurer à cette dé-marche législative une base de soutien« prête à l’emploi » ?

« Certains ont parlé à propos de FFFde “syndicalisme risque” (6), une tac-tique consistant pour les syndicats à fi-nancer des efforts d’implantation plusrisqués et plus agressifs. En termes tac-tiques, cela peut avoir un sens, maisseulement à un niveau superficiel, il mesemble, car j’estime douteux, voire im-probable, que le SEIU se soit engagédans la construction de quelque chosede plus qu’une campagne en faveurd’une loi ou d’accords nationaux négo-ciés sur la tête des travailleurs. D’autresont classé son action dans la catégorie“réformismemilitant” : des acteurs ins-titutionnels travaillant à des réformesadoptent temporairement des tactiquesmilitantes en lien avec des mouve-ments plus radicaux, mais dans le seulbut de retrouver une place à la table desnégociations. Je crois que c’est plus oumoins vrai s’agissant des grèves d’unejournée telles que les conçoivent lesgrands syndicats comme le SEIU – maisil s’agit d’un changement tactique, quine remet pas en cause le modèle desyndicalisme top down associé au Partidémocrate. Pourtant, la meilleure défi-nition, de mon point de vue, c’est cellede “lobbying militant” : on recourt à destactiques dumême genre que celles quipermettent de construire et consolider

un mouvement militant, mais dans lebut de créer une nouvelle base, guidéepar en haut, avec pour objectif de faireévoluer la législation. (…) »

Tout sceptique qu’il soit, ce constatn’ouvre-t-il pas, en pointillé, des pers-pectives ?

– A supposer que ce soit effective-ment cela l’enjeu pour le SEIU, il est sûrqu’une évolution de la législation quidesserrerait le corset répressif dans le-quel sont enserrées les relations du tra-vail aux Etats-Unis (7) – et dont on a dumal à se faire une idée en France (où,partout où l’on a renoncé à se battre surle terrain, le droit du travail semble êtredevenu le dernier recours contre la ré-pression patronale) – ne pourrait quefaire évoluer sensiblement le rapport deforces entre les classes. Reste à savoird’une part si cette évolution est plau-sible (cela suppose sans doute un rap-port de forces bien supérieur à celui quis’est construit jusqu’à présent), d’autrepart si elle ne se traduirait pas surtoutpar une plus large part faite à une re-présentation syndicale devenue dès lorsinoffensive – ce qui rapprocherait lemodèle américain du nôtre…

– L’engagement fort réclamé des sa-lariés par ces nouvelles « tactiques »syndicales ne contribue-t-il pas malgrétout à « muscler » la combativité ? Aulendemain de la grève engagée contreWalmart, The Nation faisait ce commen-taire : cette grève « illustre certainestactiques clés auxquelles recourt lemouvement ouvrier mobilisé : struc-tures organisationnelles alternativesnon impliquées dans les négociationscollectives; organisation à l’échelled’une chaîne d’approvisionnement, etau-delà des seuls salariés “officiels” del’entreprise; “grèves minoritaires” decourt terme, où des salariés quittent letravail pour mettre en difficulté l’em-ployeur, impliquer le public et appelerles collègues à les rejoindre ». Certes, onpeut bien sûr se demander combien degens sont véritablement impliquésdans ces « tactiques »,mais cela ne doitpas nous empêcher d’admettre quec’est le genre de choses que l’on se ré-jouirait de voir se développer cheznous… même sous enseigne syndicale.

Nicole Thé

(6) Venture syndica-lism, notion forgée

par Nate Haw-thorne dans son

livre Industrial Wor-ker par référence àla notion de capitalrisque (venture ca-pitalism). « Dans le

“syndicalismerisque”, les grands

syndicats disposantde fonds importantsfinancent des initia-

tives plus agres-sives qu’elles ne

peuvent pas se per-mettre de mener

elles-mêmes –même si, au boutdu compte, le but

poursuivi est sim-plement de faire

avancer la syndica-lisation, dont la

baisse menace lesyndicat d’extinc-tion. Le risque est

double : par le haut,de faire l’objet d’unerépression sévère de

la part de l’Etat siles grèves enfrei-gnent les restric-

tions imposées parles lois anti-travail,

notamment la loiTaft-Hartley ; par lebas, d’allumer unevéritable révolte de

salariés, de cellesqu’il ne serait pas si

facile de contenirdans les limites desONG, des syndicats

officiels ou des‘mouvements so-ciaux’ pacifiés. »

(« Whose strike ? »,op. cit.).

(7) Détails dans« Un vrai corset lé-

gislatif » in LaQuestion sociale n°3, www.laquestion-

sociale.org

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29courant alternatif - n° 234 - novembre 2013

Ralf fait partie d’un petit réseau d’Euro-péens, Américains et Chinois dont l’acti-vité principale est de rencontrer les genssur place, puis de mettre sur Internet(http://www.gongchao.org) les résultatsde leurs enquêtes (à travers des textespour l’essentiel en anglais) et de traduiredes livres du chinois. Mais ils font égale-ment le contraire, en fournissant en tra-duction chinoise des informations sur lesluttes ouvrières ailleurs dans le monde –un choix justifié par leur conviction queles luttes en Chine ont un impact crucialsur la situation mondiale. Son interven-tion comprend trois parties : d’abord, unregard sur Foxconn ; ensuite, une présen-tation plus générale des luttes actuellesen Chine ainsi que des réactions de l’Etatet des patrons ; enfin, un aperçu de la pé-nétration des capitaux chinois en Europede l’Est (Foxconn ayant par exemple dessites de production en République tchèqueet en Slovaquie). Il conclut son exposé surune grève qui s’est déroulée dans uneusine chinoise en Pologne.

FOXCONN

Notre point de départ sera la tristesituation de 2010, lorsque des dizainesde salariés de chez Foxconn se suici-dent en se jetant du haut des im-meubles. Face à cette résistance dudésespoir, des militants politiques en-tament une enquête sur les conditionsdans l’entreprise qui débouchera sur unlivre : iSlaves de Pun Ngai. Ma présenta-tion s’appuie largement sur cet ouvrage(non traduit en français).

Foxconn est depuis peu le groupe in-dustriel le plus important aumonde parle nombre de salariés : 1,5 million, dont1,4 million en Chine. Certains sites ontun effectif dépassant les 100 000. On es-time que Foxconn fabrique 40 à 50 % detous les produits électroniques grandpublic au monde, et 40 % de sa produc-tion est destinée à Apple. Foxconn aaussi des usines au Brésil, en Répu-

blique tchèque. C’est néanmoins unnom peu connu, puisque le groupe necommercialise pas de produits sous sonlabel. C’est le contract manufacturing, sys-tème de sous-traitance qui existe de-puis quarante ou cinquante ans,également dans le textile et la chaus-sure, et qui se pratique dans toutel’Asie, en Amérique latine et en Europede l’Est.

Concernant les conditions dans lesusines chinoises du groupe, c’est pourl’essentiel du travail à la chaîne, extrê-mement taylorisé, constitué de tâchessimples et répétitives. C’est aussi dutravail posté, avec deux équipes tra-vaillant douze heures à tour de rôle. Untrait distinctif est que les ouvriers sontcontrôlés et surveillés en permanenceet se voient infliger des sanctions, leplus souvent des amendes, quand ilsn’arrivent pas à suivre la cadence. Tousou presque sont des migrants d’autresrégions et la plupart ont entre seize etvingt-cinq ans. En effet, les travailleursplus âgés sont tellement usés (pro-blèmes visuels oumusculaires) qu’ils sefont renvoyer ou partent d’eux-mêmes.Fait étonnant, les hommes représentent60 % de l’effectif.Traditionnellement, laplupart des travailleurs du secteur élec-tronique sont des femmes, mais la pé-nurie de main-d’œuvre qui sedéveloppe depuis une dizaine d’annéesa fini par pousser Foxconn à recruterdavantage d’hommes.

Les rémunérations dépendent de larégion, mais s’échelonnent entre 160 et280 euros par mois. Le travail dans cesusines peut être dangereux, et les acci-dents et les maladies professionnellesne manquent pas. Comme d’autres en-treprises chinoises, Foxconn fait de sonmieux pour éviter de payer des indem-nités pour les accidents et les maladies.Et à l’instar de leurs homologues euro-péens, les entreprises chinoises cher-chent à diviser les travailleurs engroupes distincts. Foxconn fait appel àdes étudiants stagiaires, en engageantpar exemple une classe entière d’une

école technique. C’est censé être for-mateur, mais en réalité les stagiairesexécutent le même travail que le restedu personnel. En raison de la pénurie demain-d’œuvre actuelle, l’Etat soutientcette pratique.

La plupart des ouvriers de Foxconnsont logés dans des dortoirs, générale-ment situés sur le terrain même del’usine ou juste au-delà. Le dortoir estune sorte d’extension de l’usine, où ladirection peut se rendre à tout momentpour demander aux ouvriers de fairedes heures supplémentaires. Autre rai-son d’être du système des dortoirs : ilest interdit aux migrants chinois des’installer définitivement en ville.Comme les travailleurs sud-africainssous l’apartheid ou les travailleurs im-migrés en Europe, ils ont un visa tem-poraire et besoin d’une carte de travail.Perdre son emploi, c’est perdre enmême temps son permis de travail etson logement. Là encore, Etat et capitalœuvrent de concert pour garantir queles ouvriers restent exploitables. D’unepart, cela permet aux entreprises depratiquer des salaires très faibles – lesouvriers n’ont pas besoin d’un budgetimportant pour se loger et se nourrir (ily a des cantines) – et de les parquercomme dans un élevage de cochons.D’autre part, la reproduction sociale estexternalisée, puisque les enfants et lespersonnes âgées restent au village. C’estdonc unmode de reproductionmeilleurmarché.

Les ouvriers chinois ont évidem-ment du mal à trouver des formes delutte adéquates,mais, comme leurs ho-mologues du reste du monde, ils y par-viennent. On peut distinguer troisgrandes formes de résistance. 1) Beau-coup d’ouvriers démissionnent toutsimplement. Si c’est la forme de lutte lamoins efficace, il faut cependant signa-ler que certains sites de Foxconnconnaissent un renouvellement annuelde 100 % de leur effectif. Retrouver dutravail n’est actuellement pas un grosproblème pour les ouvriers, compte

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Travailleurs en Chineet dans des usineschinoises aux portesde l'UEA l’occasion de la publication par la revue Echanges et Mouvement d’une brochure inti-tulée La Chine débarque dans l'UE : Investissements chinois et conditions d'exploitationpour une production « made in Europe » (1), un débat sur les luttes des ouvriers chinoisa récemment été organisé à Paris. Il a été introduit par Ralf, qui apprend le chinois depuisdix ans et vit pour une bonne part en Chine.

(1) Pour la com-mander, s'adres-ser à : Echanges etMouvement, BP241, 75866 Pariscedex 18.

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tenu de la pénurie de main-d’œuvre. 2)Il y a des résistances quotidiennes,comme la grève perlée ou le sabotage,qui revêtent une grande importance.Contrairement aux idées reçues qui ontcours à l’étranger sur le comportementdiscipliné et soumis des ouvriers – etsurtout des ouvrières – en Chine, cesderniers trouvent des tas de moyens defreiner la production et de conquérir unpeu de dignité. 3) Enfin, et le plus inté-ressant, ce sont les luttes collectivescomme les grèves ou les émeutes. Nousn’en connaissons qu’une partie, étantdonné que Foxconn ne publie pas dechiffres dans ce domaine.

Trois exemples devraient vous endonner une meilleure idée. A Wuhan,des ouvriers grimpés sur le toit del’usine ont menacé de sauter dans levide. Ils n’avaient évidemment pas l’in-tention demettre leur menace à exécu-tion ; c’était simplement un stratagèmepour faire monter la pression publiquesur l’entreprise et obtenir de la sorteune hausse des salaires. Ils ne sont pasles seuls à l’avoir fait. Il y a mêmemain-tenant une expression pour désignercette forme de lutte : le Jump from thebuilding show (ou la « Mise en scène dusaut du toit »).

Notre deuxième exemple est uneémeute à Taiyuan (Shanxi), provoquéepar une agression de la part d’agents desécurité de l’usine, phénomène courantun peu partout dans le monde... Les ou-vriers arrivés au moment du change-ment d’équipe se sont jetés à leur tourdans la bagarre, d’abord contre lesagents de sécurité, ensuite contre la po-lice. Les dortoirs se trouvent sur le sitemême, qui emploie 80 000 salariés etcomporte des rues et des magasins.C’est comme une ville à part entière.

Notre troisième exemple concerneune grève de l’an dernier dans uneusine fabriquant les iPhones. A la suitede réclamations de clients américainsayant trouvé des rayures et des éra-

flures sur les téléphones tout neufs, lesdirigeants ont exercé des pressions surle personnel pour que la qualité desproduits s’améliore. La riposte ouvrièrea été d’agresser physiquement les res-ponsables du contrôle qualité puis de semettre en grève.

LES RÉSISTANCES SOCIALESEN CHINE ET LA STRATÉGIE

DE L’ETAT

Il y a une montée de la résistancesociale depuis vingt ans, avec une netteaccélération au cours de ces huit der-nières années. On compte des centainesde milliers d’incidents qui sont le faitnon seulement d’ouvriers, mais ausside paysans et d’autres acteurs. Rappe-lons d’abord que toutes ces luttes ontun caractère illégal. Lorsque je de-mande aux Chinois comment traduiredans leur langue « grève sauvage », ilsn’ont pas d’expression à proposer puis-qu’il n’y a pas de grève qui ne soit passauvage chez eux. Ensuite, il faut signa-ler que toutes ces luttes dures sont me-nées en l’absence de toute organisationreprésentative officielle. Le Parti com-muniste n’autorise pas la constitutiond’associations indépendantes, ce quioblige les travailleurs à lutter par leurspropres moyens.

On constate trois évolutions paral-lèles depuis trois ans : la montée desluttes sociales ; l’émergence d’un nou-veau sujet, compte tenu de la participa-tion des migrants ; une transformationde la qualité des luttes. Les luttes pré-cédentes étaient surtout de type défen-sif (contre les fermetures d’usines oudes rémunérations au-dessous de lanorme), tandis que les plus récentes ontun caractère plus offensif (pour obtenirdes hausses de salaire et de meilleuresconditions). Rien d’étonnant à ces troisévolutions : dans d’autres parties dumonde, l’industrialisation produit de-puis deux cents ans des phénomènesanalogues, avec la constitution chaquefois d’une nouvelle classe ouvrière. Que

l’on songe aux Etats-Unis au début duXXe siècle, à l’Europe d’après la SecondeGuerre mondiale, voire à la Corée duSud plus récemment encore.

Ensuite, il y a une évolution notablechez les migrants chinois. La premièregénération, au cours des années 1990,était peu combative : le but était de ga-gner vite de l’argent et de rentrer au vil-lage. Ceux de la deuxième génération,celle des années 2000, qui étaient mieuxinformés (grâce à leurs aînés), voulaientrester en ville et avaient plus d’infor-mation à leur disposition. Aujourd’hui,une troisième génération de migrantsest en voie de constitution. Comme laplupart des gens de troisième généra-tion dans le monde, ceux de Chinen’ont plus envie de travailler en usine.Ils aspirent à décrocher un emploi debureau, à apprendre l’informatique, etc.Hélas, ils n’y arrivent pas et se retrou-vent en usine, à des postes mal payés.Certains passent quelques mois chezFoxconn, avant de repartir par ras-le-bol.

Comment le capital et l’Etat réagis-sent-ils ? La répression est inévitablesous ce régime dictatorial et policier. Etpourtant, l’Etat est contraint de compo-ser avec un certain niveau de lutte. Lesouvriers qui ne sont que de simplesparticipants ne subissent pas de sanc-tions, alors que ceux qui sont désignéscomme des meneurs se font générale-ment renvoyer. De plus, l’incarcérationest le sort de quiconque essaie demettre sur pied une organisation auto-nome. Mais, en parallèle, l’Etat a insti-tué au cours des vingt dernières annéesun certain nombre de lois sociales dansun souci de canaliser les luttes. Il a ten-dance à jouer un rôle actif demédiateurafin de calmer les ouvriers.

Les syndicats constituent un dossierà part. La Chine compte prétendumentle syndicat le plus gros du monde,maisil est entièrement tributaire du Particommuniste. Ses bureaucrates sont soitdes fonctionnaires, soit des salariés ré-munérés par une entreprise, ce qui faitque la plupart des ouvriers perçoiventle syndicat comme une composante dela direction. Il ne fonctionne donc pasvraiment comme les syndicats d’autrespays. Cela pose des problèmes aux pa-trons, car ils se trouvent sans instancesde médiation ni sources de renseigne-ments sur ce qui se passe sur le terrain.On pourrait même affirmer que laChine est comme un laboratoire oùl’Etat et le capital n’ont pas de moyensd’intervention.

Certains, au sein du Parti et du syn-dicat, ont conscience du problème etcherchent des solutions. Ils semblentparticulièrement friands des visites deresponsables syndicaux allemands quileur expliquent le fonctionnement descomités d’entreprise et de la cogestion.

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courant alternatif - n° 233 octobre 2013 35courant alternatif n° 234 novembre 2013

international/Chine

Au cours de l’une de ces rencontres oùétaient invitées des figures d’IG Metall,j’ai eu le plus grand mal à me maîtriserquand ils racontaient comment un syn-dicat peut aider à éviter les grèves.

Néanmoins, étouffer dans l’œuftoute activité syndicale autonome de-meure la ligne dominante au sein du PCchinois.L’une des conséquences desluttes est que les salaires mensuels sonten forte hausse depuis cinq ou six ans,de l’ordre de 15 % par an. L’Etat joue unrôle majeur du fait qu’il fixe le salaireminimum, région par région. Tous lesans, il relève donc le minimum officielet la plupart des entreprises l’appli-quent. Mais, en raison des disparités ré-gionales, les salaires pratiqués dansl’ouest du pays peuvent être inférieursde 50 % à ceux qui sont payés sur lacôte. Cela explique pourquoi les entre-prises chinoises ont tendance à déloca-liser leur production vers l’Ouest,suivant en cela le modèle que l’on ob-serve ailleurs dans le monde.

LES ENTREPRISES CHINOISESEN EUROPE DE L’EST

Les sites les plus anciens de Fox-conn en Chine étaient dans le delta dela rivière des Perles ou à Shanghai, puisils ont délocalisé les usines vers l’inté-rieur. La bonne nouvelle est que lesluttes ont suivi les déplacements dugroupe vers de nouveaux sites. Les troisexemples que j’ai présentés se sonttous déroulés dans des usines plus ré-centes, issues des délocalisations.

Mais Foxconn s’implante aussi àl’étranger, en République tchèque, enSlovaquie. D’ailleurs, d’autres entre-prises chinoises font de même, en par-tie pour pouvoir étendre leur présencedans le monde. L’Europe de l’Est les at-tire à cause du faible niveau des sa-laires, mais également parce que c’estune porte d’entrée dans l’Union euro-péenne.

En République tchèque, Foxconn adeux sites avec un effectif total de10 000 salariés qui produisent des por-tables et des serveurs. Comme enChine, le travail se fait sous une fortesurveillance, avec des hiérarchiesstrictes, des sanctions et des amendes.Chose étonnante, beaucoup des ou-vriers tchèques du groupe travaillentdouze heures d’affilée, mais, contraire-ment aux Chinois, ils ont droit à unepause au bout de quelques jours. Uneautre différence est que Foxconn n’y ap-plique pas la même politique de recru-tement de migrants ou de précaires.Cinquante pour cent des ouvriers sonttchèques ou slovaques et ont un contratà durée indéterminée, les autres étantdes intérimaires originaires pour la plu-part d’Asie ou de pays plus pauvresd’Europe de l’Est. Dans cette dernière

catégorie, on trouve une plus forte pro-portion de femmes.

En Slovaquie, le groupe a une unitéde production d’écrans de téléviseur etde moniteurs qu’il a rachetée à Sony en2010. Il continue de produire les mêmesécrans plats que Sony auparavant, maisdésormais comme son sous-traitant.Compte tenu de la politique d’immi-gration très stricte en Slovaquie, tousles salariés sont slovaques – pour laplupart des femmes qui font la navettetous les jours entre leur village etl’usine. En ce qui concerne les salariés,si l’on considère l’Europe de l’Estcomme un tout, on y trouve des écartssemblables à ceux qui existent enChine. C’est en République tchèque queles salaires sont le plus élevés : les sa-lariés embauchés en fixe gagnent entre600 et 650 euros par mois – contre150 euros en Macédoine ou en Bulgarie.Mais comme le niveau de prix est unpeu inférieur en Chine, l’écart des sa-laires avec l’Europe de l’Est n’est plusaussi grand qu’autrefois.

Les usines de Foxconn à l’Est ontconnu des luttes de faible intensité,mais pas de grandes grèves. Il n’y a ab-solument pas le même rapport deforces qu’en Chine, qui connaît une pé-nurie de main-d’œuvre, une forte crois-sance économique et donc unesituation relativement favorable auxtravailleurs. Dans une bonne partie del’Europe de l’Est, ce sont des conditionsde crise, avec le phénomène de désin-dustrialisation puis de réindustrialisa-tion et un taux de chômage élevé…

Pour comprendre les rapports deforces et les possibilités de lutte, je vou-drais parler d’un autre cas, concernantcette fois-ci une usine chinoise, ChungHong Electronics, implantée dans unezone économique spéciale en Pologne,seul pays de l’UE à avoir de telles zones.La plupart remontent à la fin des an-nées 1990 - début des années 2000,quand elles ont été établies pour attirerdes investissements étrangers dansl’électronique, l’automobile, etc. L’usineen question, située à proximité deWrocław, a été construite par le groupecoréen LG pour produire des téléviseursà écran plat. LG a poussé tous ses sous-traitants à s’installer également dans larégion. Les ouvriers produisent descartes mères pour la société chinoiseChung Hong. Ceux-ci, majoritairementdes femmes, voulaient se mettre enlutte et se sont donc tournés vers plu-sieurs syndicats, dont Solidarnosc, quia refusé de les aider. Ils ont alors priscontact avec un petit syndicat anarcho-syndicaliste qui leur a donné lesmoyens de mettre sur pied leur proprestructure. Je passe la moitié de montemps en Pologne, ce qui m’a permis detravailler avec les anarcho-syndicalistesdans ce cas. Tragiquement, les ouvriers

ont perdu, car ils avaient sous-estimé ladétermination de leurs patrons chinois,qui n’ont pas hésité à virer tous les gré-vistes.

« Nous ne sommes pas des ma-chines. » On retrouve le même sloganchez les ouvriers chinois de Foxconn etchez les grévistes de Chung Hong en Po-logne. Les ouvriers polonais assimilentla Chine au capitalisme – au patronat !Dans une réunion, je leur ai donc ra-conté l’expérience des travailleurs chi-nois en lutte et cette information atransformé leur vision de la Chine. Enconclusion, je voudrais insister sur l’im-portance, pour nous tous, de compren-dre qu’il y a de véritables mouvementslà-bas, que les travailleurs chinois nesont ni nos concurrents ni simplementde pauvres victimes.

(Merci à SouBis pour ces notes.)

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UN POINT SUR LE CHÔMAGEEN FRANCE

IIl fallait s'y attendre, le taux de chômage aaugmenté d'environ 40% de début 2008 à fin2012 (malgré une petite baisse en 2009 et

début 2010). Alors qu'il avait tendance à baisserdepuis 2005, il a retrouvé le niveau de 1999 en2011 et dépasse légèrement les 10% fin 2012.Le seul secteur où l'emploi résiste est le sec-teur tertiaire, sauf l'interim et les sociétés pres-tataires de service aux autres sociétés. En2011, la baisse de l'emploi industriel se pour-suit (−6000 emplois) ; toutefois c'est la baisse laplus faible enregistrée depuis 10 ans, après ladisparition de près de 330000 emplois indus-triels entre 2008 et 2010. Le gouvernement atenu ses promesses de réduction du nombre defonctionnaires: pour la première fois depuis 20ans, l'emploi dans le secteur non marchand abaissé en 2011 (-32000 emplois). C'est dans leLanguedoc-Roussillon et le Nord-Pas-de-Calais que le taux de chômage est le plus élevé(plus de 14%), en Bretagne et Pays de Loire qu'ilest le plus faible (9%). Dans les DOM, le taux dechômage est en moyenne de 25%. Source: INSEE résultats n°144, juillet 2013

LES INÉGALITÉS DE REVENUSDANS LES PAYS DE L'OCDE

EElles ne cessent d'augmenter depuis ledébut des années 80, et le phénomènes'est accéléré depuis le début de la crise.

Si on compare le revenu moyen des 10% les plusriches et le revenu moyen des 10% les plus pau-vres (ce principe de moyenne sous-estime trèsfortement les inégalités), le rapport moyen (leschiffres sont calculés pays par pays) était de 1 à7 en dans les années 80, de 1 à 8 dans les an-nées 90, de 1 à 9 à la veille de la crise, de 1 à 9,5aujourd'hui. En France, l'écart est de 1 à 7,2.C’est aussi chez les jeunes et les enfants que lapauvreté monétaire a le plus augmenté entre2007 et 2010, confirmant les tendances du passérécent: les jeunes adultes et les enfants rempla-cent peu à peu les personnes âgées en tant quegroupe courant le plus grand risque de pauvretéde revenu dans les pays de l’OCDE. Les inégali-tés croissantes de salaires et de revenus du tra-vail ont été le principal facteur de creusement del’écart, car les travailleurs très qualifiés ont da-vantage tiré parti du progrès technologique queles moins qualifiés. Les réformes favorables parexemple au travail à temps partiel ou à l’aména-gement du temps de travail ont creusé l’écartsalarial. D’autre part, l’affaiblissement des ins-titutions du marché du travail, par exemple lessyndicats, a aussi contribué à élargir les écartsde salaires. Une autre raison est le fait que lesdispositifs de prélèvements et de prestationssont, depuis le milieu des années 90, devenusmoins redistributifs dans plusieurs pays. Dansbeaucoup de pays, les écarts se sont creuséssurtout avec les rémunérations les plus élevées.Aux États-Unis par exemple, la part des revenusdes ménages des 1% les plus riches a plus quedoublé, passant de près de 8% en 1979 à 18% en2007.

Ceci dit, entre 2007 et 2010, la présence del’Etat providence a contribué à amortir le chocpour les plus pauvres. On estime que la redis-tribution par les prestations sociales et impôtsréduit les inégalités d’un tiers en moyenne pourla population totale des pays de l’OCDE, et d’unquart en excluant les retraites pour la popula-tion en âge de travailler. Pour la France, cet effetest supérieur, à 40% pour la population totale età un tiers pour la population en âge de travail-ler, notamment grâce à un niveau élevé de dé-penses sociales publiques. Il faut bien noterque les données disponibles actuellement nepermettent de décrire l’évolution des inégalitésde revenus que jusqu’en 2010 seulement, c’est-à-dire les premières années de la crise. Source: Observatoire des inégalités

ET EN FRANCE ?

LL'INSEE a publié le résultat de son en-quête sur les niveaux de vie en 2011. Leniveau de vie, c'est quand on tient

compte de la taille des ménages. Un célibatairecompte pour un. Pour un couple, on divise letotal de leurs revenus par 1,6 (la vie à 2 coûtemoins cher que le célibat). Pour les familles, oncompte 0,4 par enfant de moins de 14 ans. Pourun couple avec un enfant, on divise les revenuspar 2 donc.Le niveau de vie médian a stagné en 2011: il estde 1629 euros par mois (la moitié des ménagesvit avec moins, l'autre moitié vit avec plus). 10%vivent avec moins de 877,5 € par mois. Le seuilde pauvreté (qui a une définition officielle) étaità 977 € par mois, et 8,7 millions de personnesétaient en dessous de ce seuil, une proportionen progression. Le niveau de vie des 40% lesmoins riches continue de diminuer pour les3ème année consécutive.Tous les indicateurs

d'inégalité continuent de progresser.Source: Insee Première N°1464 - septembre2013

HAUSSE DES PRIX

EElle n'est pas la même pour tout lemonde. En effet, les prix n'augmententpas avec la même rapidité selon les pro-

duits, et on n'a pas les mêmes habitudes deconsommation selon les groupes sociaux. Maislà encore, tout se cumule pour écraser les ex-ploités. L'I.N.S.E.E. a publié une série d'indicesde prix par catégorie. De 98 à 2012, les prix ontaugmenté en moyenne d'un peu plus de 26%(1,67% par an). Mais ils ont augmenté de 27%pour les locataires et de 25% pour les proprié-taires, conséquence de la hausse des loyers. Ilsont augmenté de plus de 28% pour les 20% desménages les moins riches, de moins de 24%pour les 10% les plus riches. En gros, c'est pourles 30% les plus riches que les prix ont moinsaugmenté que la moyenne. Ceci se retrouvebien sûr si on regarde en fonction des profes-sions: le coût de la vie a augmenté de 25% pourles cadres et de 28% pour les ouvriers. Or,comme on l'a vu dans des brèves précédentes,dans le même temps les revenus des plusriches ont augmenté beaucoup plus vite que lesrevenus des plus modestes. Source: INSEE.fr

LES « INDÉPENDANTS »

EEnviron 2,3 millions de personnes exer-cent une activité non salariée en dehorsde l'agriculture (chiffres 2010). Ca va de

l'aide à domicile ou du coiffeur du quartier aumédecin, au notaire, etc. Parmi eux, 340.000auto-entrepreneurs dont 1/3 sont salariés parailleurs. La part des auto-entrepreneurs necesse d'augmenter. La catégorie d'indépendantsest un véritable fourre-tout, et il est très difficiled'en dresser un portrait. Les inégalités de re-venu y sont beaucoup plus importantes encorequ'entre les salariés. C'est vrai d'un secteur àl'autre, les juristes gagnent en moyenne 7 foisplus que les coiffeurs, mais c'est aussi vrai àl'intérieur de chaque secteur. Dans l'informa-tion et la communication par exemple ceux quifont partie du quart supérieur gagnent enmoyenne 16 fois plus que ceux qui sont dansle quart inférieur (pour les métiers du specta-cle, c'est plus de 20 fois plus). Bien sûr, lesauto-entrepreneurs gagnent moins que les au-tres. Et les inégalités hommes/femmes y sontparticulièrement importantes: les femmes ga-gnent en moyenne 1/3 de moins que leshommes. Le revenu moyen des indépendantshors auto-entrepreneurs a progressé, maisdans ce contexte ça ne veut strictement riendire. Bref, c'est une «catégorie socioprofes-sionnelle» qui regroupe en réalité des patrons(les chefs d'entreprises), une bourgeoisie intel-lectuelle et commerçante ou d'affaires, et desprolétaires. Pour le moment, les prolétaires «àleur compte» sont noyés dans les données quiles regroupent avec les autres. Source : INSEEpremière 1248, mai 2013; Observatoire des iné-galités

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L’économie en brèves

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