note sur quelques petroglyphes des antilles

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NOTE SUR QUELQUES PETROGLYPHES DES ANTILLES Henri Petitjean Roget Les pétroglyphes des Antilles ont fait la matière de plusieurs études et il est admis que ceux que l'on trouve aux Grandes Antilles sont pour la plupart arawak. Dans une thèse récente j'ai exposé les raisons qui me permettent de penser que ceux des Petites Antilles sont dans leur majorité arawak et que leur réalisation commence au cours de l'horizon II, (saladoide terminal.) Les interprétations que je vais avancer au sujet de certaines gravures rupestres des Antilles ne prétendent pas s'appliquer à toutes. Elles reposent sur l'étude de la décoration des céramiques arawak des Petites Antilles et les pratiques sociales des ara- waks des Grandes Antilles décrites par les chroniqueurs espagnols du XVI o siècle. Je dois tout d'abord développer quelques notions sur l'art de la céramique car je pense que les thè- mes décoratifs de la poterie et ceux des pétroglyphes sont construits selon les mêmes lois et se rattachent très certainement au même corpus de croyances. Entre le début de l'ère chrétienne et le IX o siècle environ, date à laquelle on peut con- sidérer qu'il n'y a plus d'arawak aux Petites Antilles, les thèmes décoratifs s'associent sui- vant des modalités restreintes et particulièrement rigides. L'association de la grenouille et de la chauve souris est systématique et au sein de cette diade la grenouille occupe toujours une position supérieure a la chauve souris. Dans ma précédente communication j'ai montré qu'il s'agissait d'une espèce de chauve souris fruigivore à grandes oreilles et au nez trian- gulaire tourné vers le haut. Dans le cas des adornos, les motifs élémentaires conventionnels qui permettent d'identifier la chauve souris sont le nez haut placé sur le front (N 66 DiamantII pi. 15). Sur Gua 223 (pi. 15) on remarque outre le nez haut placé, les ailes rabattues sur les oreilles et le premier doigt de l'aile, de chaque côté de la tête. Lorsque le thème de la chauve souris est traité en peinture ou au trait, l'élément signifiant est le premier doigt de l'aile évo- qué par un crochet ou une volute tourné vers le sommet du visage. C'est ce que représente la planche 79 (K322 Fond Brûlé 1, C 235 La Salle I, E 301 Lorrain Grande-Anse II). Quant à la grenouille elle est représentée par de nombreux motifs. En modelage elle est fréquemment évoquée par ses yeux proéminents (GI Fond Brûlé pL 53) ou par la forme de sa tête traitée avec plus ou moins de réalisme K 503 Diamant II pi. 27). Souvent encore une tendance à la simplification courante dans l'art arawak réduit la tête à deux papules, les yeux séparés par un tiret incisé, la bouche. Il s'agit du bandeau qui orne le front des adornos chau- ves souris. (N 68 Adoration II et N 22 Grande-Anse II pi. 55). Au trait ou en peinture ce sont les pattes de l'animal qui le représentent. La patte, motif élémentaire se combine par des jeux de symétrie et donne le thème du labyrinthe (K 500 pi. 104 fig. f) ou quelques thèmes structurellement équivalents représentés par la planche 94. On se rend compte que A 196 (détail d'un décor de bord de vase de Petite Rivière Salée II) qui est le motif élémentaire patte de grenouille par réflexion par rapport à un plan vertical donne K 402 (Diamant II) ou par prolongation de la barre horizontale se retrouve dans K 517. Par des rotations et des translations qui ne sont pas exceptionnelles à partir de K 402 ou K 517 on obtient K 105 (Lor- rain Grande-Anse II) qui est une nouvelle façon de représenter le thème de la grenouille. Au terme de cet exposé très succinct on peut commencer par analyser des pétroglyphes des Grande s-Antilles, ensuite par étudier quelques uns de ceux des Petites Antilles. Un des pétroglyphes du jeu de balle de Capa, gravé sur une bloc de pierre dressé (Fig. a, pi. 104) évoque un être humain. Sur le visage vaguement cordiforme sont indiqués les yeux et la bouche. Du sommet de la tête partent des lignes rayonnantes qui paraissent être les cheveux. Les bras et les jambes sont indiqués avec un certain réalisme anatomique. Le per- sonnage est vêtu d'une sorte de jupe figurée par des lignes verticales qui lui tombe jusqu' aux genoux. Rien ne permet de définir le sexe de la représentation mais Martyr d'Angleria à pro- pos des femmes des Iles Lucayes écrit que "lorsqu 1 elles sont jeunes filles et avant leurs rè- gles, elles ne portent absolument rien. Ensuite elles se couvrent le sexe avec quelques filets 215

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Page 1: NOTE SUR QUELQUES PETROGLYPHES DES ANTILLES

NOTE SUR QUELQUES PETROGLYPHES DES ANTILLES

Henr i Pe t i t jean Roget

L e s pé t rog lyphes des Ant i l les ont fait la m a t i è r e de p l u s i e u r s é tudes et il es t admis que ceux que l 'on t rouve aux Grandes Anti l les sont pour la p lupar t a rawak . Dans une thèse récente j ' a i exposé l e s r a i s o n s qui m e p e r m e t t e n t de p e n s e r que ceux des Pe t i t e s Ant i l les sont dans l eur m a j o r i t é a rawak et que l eur r éa l i s a t i on commence au c o u r s de l ' hor izon I I , (saladoide t e r m i n a l . ) L e s i n t e r p r é t a t i o n s que je va i s avancer au sujet de c e r t a i n e s g r a v u r e s r u p e s t r e s des Ant i l les ne p ré tenden t pas s 'appl iquer à tou tes . E l l e s r eposen t sur l ' é tude de la décorat ion des c é r a m i q u e s a r awak des P e t i t e s Anti l les et l e s p ra t i ques soc ia les des a r a -waks des Grandes Ant i l les d é c r i t e s pa r l es ch ron iqueurs espagnols du XVIo s i èc l e . J e dois tout d 'abord développer quelques not ions sur l ' a r t de la cé ramique c a r je pense que les t h è ­mes décora t i f s de la po t e r i e et ceux des pé t roglyphes sont cons t ru i t s selon l e s m ê m e s lo is et se ra t tachent t r è s c e r t a i n e m e n t au m ê m e corpus de c r o y a n c e s .

En t r e le début de l ' è r e chré t ienne et le IX o s ièc le environ, date à laquel le on peut con­s idérer qu ' i l n 'y a p lus d ' a r awak aux P e t i t e s Ant i l l es , l e s t h è m e s décora t i f s s ' a s soc i en t su i ­vant des moda l i t é s r e s t r e i n t e s et p a r t i c u l i è r e m e n t r i g i d e s . L ' a s soc i a t i on de la grenoui l le et de la chauve sou r i s es t sys témat ique et au sein de cet te diade la grenoui l le occupe tou jours une posit ion s u p é r i e u r e a la chauve s o u r i s . Dans m a p récéden te communicat ion j ' a i m o n t r é qu'i l s ' ag i s sa i t d 'une espèce de chauve sour i s f ruigivore à g randes o re i l l e s et au nez t r i a n ­gulaire tourné v e r s le haut . Dans le cas des adornos , l e s motifs é l é m e n t a i r e s conventionnels qui pe rme t t en t d ' ident i f ier la chauve sour i s sont le nez haut p lacé sur le front (N 66 Diaman t I I pi . 15). Sur Gua 223 (pi. 15) on r e m a r q u e ou t re le nez haut p l acé , l e s a i l e s r aba t tue s sur l e s ore i l les et le p r e m i e r doigt de l ' a i l e , de chaque côté de la t ê t e . Lorsque le thème de la chauve sour is es t t r a i t é en pe in tu re ou au t r a i t , l ' é l émen t signifiant es t le p r e m i e r doigt de l ' a i le évo­qué pa r un c roche t ou une volute tou rné v e r s le sommet du v i s a g e . C 'es t ce que r e p r é s e n t e la planche 79 (K322 Fond Brû lé 1, C 235 La Salle I, E 301 L o r r a i n Grande -Anse I I ) .

Quant à la grenoui l le el le es t r e p r é s e n t é e pa r de nombreux mot i f s . En mode lage elle est f réquemment évoquée pa r s e s yeux p roéminen t s (GI Fond Brûlé pL 53) ou pa r la fo rme de sa tê te t r a i t é e avec plus ou mo ins de r é a l i s m e K 503 Diamant I I p i . 27). Souvent encore une tendance à la s implif icat ion couran te dans l ' a r t a rawak rédui t la t ê te à deux papu les , l e s yeux sépa rés pa r un t i r e t incisé , la bouche. Il s 'agi t du bandeau qui orne le front des adornos chau­ves s o u r i s . (N 68 Adorat ion II et N 22 Grande -Anse II p i . 55). Au t r a i t ou en pe in tu re ce sont les pa t tes de l ' a n i m a l qui le r e p r é s e n t e n t . La pa t te , motif é l é m e n t a i r e se combine p a r des jeux de s y m é t r i e et donne le t hème du labyr in the (K 500 p i . 104 fig. f) ou quelques t h è m e s s t ruc tu re l l emen t équivalents r e p r é s e n t é s pa r la planche 94. On se rend compte que A 196 (détail d 'un décor de bord de v a s e de Pe t i t e R iv iè re Salée II) qui es t le motif é l é m e n t a i r e patte de grenoui l le p a r réf lexion pa r r a p p o r t à un plan v e r t i c a l donne K 402 (Diamant II) ou par prolongat ion de la b a r r e hor i zon ta le se r e t rouve dans K 517. P a r des ro ta t ions et des t r ans l a t ions qui ne sont p a s except ionnel les à p a r t i r de K 402 ou K 517 on obtient K 105 (Lor ­ra in Grande -Anse II) qui e s t une nouvel le façon de r e p r é s e n t e r le thème de la g renoui l l e . Au t e r m e de cet exposé t r è s succinct on peut c o m m e n c e r pa r ana lyse r des pé t rog lyphes des Grande s -Ant i l l e s , ensu i te pa r é tudier quelques uns de ceux des P e t i t e s Ant i l l e s .

Un des pé t rog lyphes du jeu de ba l le de Capa, g ravé sur une bloc de p i e r r e d r e s s é (Fig. a, p i . 104) évoque un ê t r e humain . Sur le v i sage vaguement cord i fo rme sont indiqués l e s yeux et la bouche . Du s o m m e t de la t ê te pa r t en t des l ignes rayonnantes qui p a r a i s s e n t ê t r e l e s cheveux. L e s b r a s et l e s j a m b e s sont indiqués avec un ce r t a in r é a l i s m e ana tomique . Le p e r ­sonnage es t vêtu d 'une s o r t e de jupe f igurée p a r des l ignes v e r t i c a l e s qui lui tombe jusqu ' aux genoux. Rien ne p e r m e t de définir le sexe de la r e p r é s e n t a t i o n m a i s M a r t y r d 'Angle r ia à p r o ­pos des f e m m e s d e s I l e s L u c a y e s é c r i t que " lorsqu 1 e l l e s sont jeunes f i l les et avant l e u r s r è ­gles , e l l e s ne po r t en t abso lument r i e n . Ensui te e l les se couvrent le sexe avec quelques f i lets

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de coton dans l esque l s e l les en t r emê len t c e r t a i n e s feui l les d ' h e r b e . . . " et i l poursu i t "quand e l l e s pe rden t l eu r v i rg in i té e l les u t i l i sent jusqu ' aux genoux une jupe" v e s t i d u r a s "d 'he rbes r é s i s t a n t e s ou de coton. " (M. de Angler ia 1965 T II p . 592).

Un au t re chroniqueur Oviedo éc r i t "qu 'à l ' i l e d 'Hispaniola l e s f e m m e s de l ' i l e u t i l i ­sent des jupons (naguas) pour couvr i r l e u r s p a r t i e s hon teuses , e l l e s se l e s me t t en t de la t a i l l e jusqu ' à m i - j a m b e en tourés autour du co rps et l e s f e m m e s i m p o r t a n t e s jusqu 'aux che­v i l l e s . Quant aux d e m o i s e l l e s , a jou te - t - i l e l les ne por ten t abso lument r i e n . " (Oviedo 1959 T. I . p . 119).

On peut en conclure que l e s h o m m e s vont nus a l o r s que l e s f e m m e s m e n s t r u é e s et non v i e r g e s por ten t un vê tement fait d ' h e r b e s ou de coton qui leur tombe en d e s s o u s du genou. Oviedo décr ivan t une p a r t i e de bal le é c r i t encore que " les f e m m e s m a r i é e s et ce l l e s qui ont connu un m â l e por ten t un vê tement de coton autour du c o r p s de la ce in tu re à m i - c u i s s e s et les v i e r g e s absolument r i en , qu ' e l l e s jouent ou ne jouent pas et ce la tant qu ' e l l e s n 'ont pas connu d 'homme c h a r n e l l e m e n t . " (Oviedo 1959 T . I . p . 146).

Enfin M a r t y r de Angler ia r e l a t e auss i que l o r s de c e r t a i n e s fêtes déc idées par l es cac iques , l e s h o m m e s et l e s f emmes , nues si e l les é taient v i e r g e s , hab i l l ée s si e l les étaient m a r i é e s o rna ien t leur tê te de g r i r l a n d e s de feuil les et d ' h e r b e s v a r i é e s , a l lant nu pour le r e s t e " (Martyr de Angler ia 1965 T. I I p . 643).

Ces c i ta t ions non seulement évoquent le rô le de c e r t a i n e s p lan tes m a i s en plus me p a r a i s s e n t ê t r e appl icables au pétroglyphe de Capa (fig. a p i . 104). Ce pê t roglyphe r e p r é ­sente une femme non v i e rge identifiée pa r la jupe qui lui tombe jusqu 'aux genous et à la tête o rnée de feui l lages . Dans cet te pe r spec t ive on peut p e n s e r que le pet i t pe r sonnage (fig. b , p i . 104) au v i sage en fo rme de coeur avec deux g ros yeux et une bouche l a r g e m e n t fendue dont la tê te es t su rmontée de l ignes rayonnâ tes es t a u s s i une r e p r é s e n t a t i o n féminine . L ' ab ­sence de jupe m o n t r e r a i t a l o r s qu ' i l s 'agi t d 'une femme v i e r g e . En comparan t l e s pétroglyphes de la f igures a et b (pi. 104) avec d ' a u t r e s pé t roglyphes de P o r t o Rico , l ' i m p r e s s i o n se con­f i rme qu ' i l s 'agit bien de r e p r é s e n t a t i o n s féminines .

L e s f igures a, b , d, (pi. 104) ont on commun d 'avoi r qua t re m e m b r e s et un v isage en forme de coeur . Les pé t roglyphes c et d mont ren t un m ê m e t r a i t e m e n t pour le rendu des jam­b e s . En out re le pétroglyphe c (Capa) a une vulve ne t tement indiquée. Il peut s ' ag i r d'une fem­m e qui accouche dans l 'eau ca r " l o r s q u ' e l l e s n 'accouchent pas dans l e s bois pendues au b r a n c h e s d 'un a r b r e " (Mar tyr d 'Angler ia 1965 T I I p . 641) l e s f emmes "vont accoucher dans l ' eau au d e s s u s de laquel le e l les se p lacent avec l e s j a m b e s é c a r t é e s a t tendant que tombe dans l ' eau le fruit de l e u r s e n t r a i l l e s " . Sur la f igure £ (pi. 104) on peut r e m a r q u e r la posit ion des j a m b e s r e p l i é e s sous le co rps à la façon de ce l l e s de la f igure d. E l l e s sont dans le m ê m e plan et dans une posi t ion qu'un ê t r e humain peut difficilement g a r d e r . Cet te f igurat ion s 'ex­plique si l e s j a m b e s ne sont pas ce l l e s d 'une femme m a i s l e s pa t t e s r e p l i é e s d 'une grenouil le . La façon dont l e s j a m b e s des f igures £ et d sont évoquées es t c o m p a r a b l e au motif de la dou­ble c r o s s e (fig. e) qui es t obtenue pa r la réflexion pa r r a p p o r t à un plan v e r t i c a l d'un motif é l é m e n t a i r e en forme de c roche t que nous avons identifié c o m m e la pa t te de la grenoui l le .

Ce motif donne le theme du labyr in the (fig._f) r e p r é s e n t a t i o n d'une grenoui l le aux pa t t e s r e p l i é e s le long du c o r p s . Un au t r e évocation de grenoui l le f igurée p a r s e s pa t tes est donnée pa r le coquil lage t r ava i l l é (fig. g) qui provient d 'Hai t i .

Cet ensemble de données m ' a m è n e à conclure que l e s pé t rog lyphes c et d r ep résen ten t des f e m m e s g renou i l l e s . Dans ce ce s une au t r e i l lu s t r a t ion de femme grenouille" (fig. h, p i . 105) se t rouve sur un r o c h e r situé non loin de la m e r à Wingfield e s t a t e , St. K i t t s . Le~tra i te-men t des j a m b e s et des b r a s de la f igure ven t rue es t analogue à celui des pé t rog lyphes de P o r t o Rico (fig. £ et d, p i . 104). Le t r a i t e m e n t de la tê te vaguement en fo rme de coeur ajoute

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PZTITJEAN ROGET

un élément de ressemblance. Pour in terpréter l ' autre gravure rupestre qui accompagne l a figuration de femme grenouille e t qui selon C. K. Laur ie e t D. L. Mateson représente un homme (4O CIECPPA 1973 p. 18) il faut encore une fois se r é f é r e r aux systkmes décoratifs de l a céramique. On sai t que l e c r i tk re retenu pour f igurer l e s chauves sour i s avec l a tech- nique du t ra i t e s t l e p remier doigt de l 'aile. Ce doigt e s t t r e s souvent representé comme nous l 'avons vu pa r un crochet ou une volute placée au niveau de s oreil les. Le pé t rog ly~he 3 gauche de l a f igure h (pl. 105) es t a lor S une chauve sour i s humanisée. L'ensemble de c e s - deux gravures r e ~ r é s e n t e un homme chauve sour is e t une femme grenouille disjoints, évoca- tion des principes masculins e t f6minins.

Aux Grandes-Antilles l e s pétroglyphes qui ont des crochets au lieu de membres et des grandes orei l les sont fréquents. A St. Domingue, Car los Moralez Ruiz (1971, p. 57-63) a in- ' t e rp ré té cer ta ins pétroglyphe S 3 graqdes orei l les comme des t e tes de chauves- souris. On peut se l ib re r 3 l 'étude plus particulikre dsun groupe de g ravures rupes t res de Upper Icanos (Porto-Rico) re levé par Flaher ty (1960) p. 387.

Sur l a figure de droi te de l a f igure i (pl. 105) s e trouve l e personnage 3 l a té te couverte - de feuilles que nous avons examiné e t qui e s t une représentation de femme vierge. Cette figure féminine s e trouve sur l a te te dsune au t re gravure que l 'on peut a lo rs in terpréter . Le visage encadré par deux la rges orei l les posskde une bouche, deux yeux fendus et au sommet du front un petit motif en forme de papillon. F r a s se t t o (1960, p. 386) pense qu'il s 'agit d'un ornement de tete.

J e c ro i s plut6t qulil s 'agit du nez en position anatomique s i l e pétroglyphe represente une chauve- sour is frugivore, Cette disposition du nez haut placé sur l e front e s t celle que l'on retrouve sur l e s adornos de s peti tes Antilles qui représentent comme je l 'a i montré des chauves-souris frugivores. L' interprétation e s t renforcée par l a présence de crochets qui figurent l e s pieds. L'ensemble figure un homme chauve-souris surmonté d'une femme. Mais comme l e s femmes de l a mythologie arawak des Antilles sont de s grenouilles, l a femme qui e s t sur l a te te de l a chauve-souris es t une femme grenouille. L'identification des thkmes r e - présentés pa r ce pétroglyphe e s t en accord avec l a décoration de l a céramique des Pet i tes- Antilles dont l e thkme centra l es t l a figuration d'une grenouille sur l a te te d'une chauve-souris frugivore. Enfin l e t re i l l i s qui recouvre l e corps de l a chauve-souris e s t une figuration con- ventionnelle de l ' a r t arawak pour représen te r l a tortue ou l e végetal. ( J ' a i proposé cette in- terprétation 3 par t i r d'une étude de quelques mythes arawak rapportés pa r Ramon Pane. ) Le pétroglyphe au centre au corps couvert de chevrons e t qui posskde des crochets latéraux, su r - monté d'un personnage chevelu es t auss i l a figuration d'une femme grenouille sur l a tete d'un homme chauve- souris. Quant aux chevrons i l s sont l'équivalent des t re i l l i s gravés. L e s au t r e s gravures qui ont de grandes orei l les évoquent des chauves-souris: le de rn ie r 3 l ' ext reme gauche avec s e s grandes orei l les e s t sans doute une chauve-souris.

Si l 'on compare maintenant c e s pétroglyphes de Porto-Rico avec ceux des Pet i tes An- t i l les on peut déceler de nombreuses ressemblances. Quelques uns parmi ceux de Tro i s - Rivikres 3 l a Guadeloupe (figs. j e t k pl. 105) ont des orei l les bien marquées e t de s crochets. D'autres de s visages en forme d e coeur. J e pense qu' i ls représentent des hommes chauve- sour is e t des femmes grenouilles. Le pétroglyphe de Yambou (St. Vincent) aux dents bien marquées (fig. 1, pl. 105) e s t surmonté dlune croix. Le motif de l a croix es t l 'aboutissement des variations du thkme du labyrinthe e t represente une grenouille. J 'a i montré dans un autre travail que llutilisation du chiffre quatre chez l e s arawaks des Antilles renvoie directement 3 l'évocation de l a grenouille.

La rigueur du systkme qui all ie toujours l a grenouille et l a chauve-souris m e permet d 'affirmer que l e visage surmonté de l a croix grenouille e s t celui d'une chauve-souris. Mais Peut-etre slagit- i l i c i d'une espkce de chauve-souris. J e pense en particulier 2 un lien qui

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ex i s t e ra i t en t re l e s dents de cette c h a u v e - s o u r i s et le mythe s u d - a m é r i c a i n du vampi re (desmodus) me i l l eu r médec in que le chaman, (M. de Angle r ia 1965 T I I p . 695) pour avoir guér i un ma lade l a i s s é pour m o r t pa r le boyé, en le m o r d a n t aux o r t e i l s .

Enfin en ce qui concerne l e s pé t roglyphes de la forêt de Mont rava i l à la Mart inique (pi. 106) on peut examiner plus p a r t i c u l i è r e m e n t l es t r o i s pe t i t e s g r a v u r e s qui sont à proxi ­mi t é de l ' en semble déc r i t pa r Mar io Mattioni (1973). Sur la g r a v u r e b le t r a i t e m e n t des yeux es t comparab le à celui du groupe de Upper Icacos (_i, p i . 105). Au d e s s u s de la tê te on trouve le theme de la double c r o s s e , f iguration des pa t t e s de g renou i l l e s r e p l i é e s . L ' ensemble évo­que p e u t - ê t r e deux b r a s s e r r é s cont re le co rps comme on l e s t rouve sur l es pe t i t e s amulet­t e s c h a u v e - s o u r i s de P o r t o - R i c o . La g ravu re c (pi. 106) avec la l igne qui c e r n e le visage et se r e f e r m e en des sous évoque d'une ce r t a ine façon un décor de v a s e (pi. 78). Sur la tête les t r o i s c ro ix peuven t - ê t r e des f igurat ions de g renou i l l e s . La f igure £ e s t g ravée sur le rocher en p lace un peu en des sous de d (pi. 106). La g r a v u r e d possède au d e s s u s de la tê te ce qui p e u t - ê t r e i n t e r p r é t é comme une c ro ix encadrée pa r deux l ignes v e r t i c a l e s ou comme l 'amorce d'un r é s e a u de l ignes c r o i s é e s . On p o u r r a i t p e n s e r que l e s g r a v u r e s e et d r ep ré sen t en t des c h a u v e - s o u r i s su rmon tées pa r des g renou i l l e s .

En conclusion cet te posi t ion du thème de la grenoui l le sur la tê te de la chauve-sour i s que l 'on r e t rouve sur l es pé t roglyphes n ' e s t que le t r a n s f e r t d'un thème ancien qui existe dans l e s d é c o r s de la c é r amique a rawak de l ' ensemble des Pe t i t e s Ant i l les et qui s ' e s t poursuivi aux Grandes Anti l les dans la cé ramique et l ' a r t r u p e s t r e .

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220 QUELQUES PETROGLYPHES

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