nos pensees creent le monde - vahe zartarian

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Théorie metaphysique

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  • VahZartarianMartineCastello

    Nospensescrentlemonde

    Sc ience - Consc ience

  • JMGEditions2003

    CollectionScience-Conscience

    ISBN-10:2915164029

  • Sommaire

    1Prambule2Lemondecommeconstructiondel'esprit3Lancessitd'unchangementdevision4Versunenouvellevision5LaWeid,mtaphysique6LaWeid,physique7LaWeid,pistmologie8Cosmogonie9Lhommeglobal:l'agrgathomme10Lhommeglobal:lestribulationsdel'me11Questions/rponses12Mtamorphoses13Redevenonssrieux!14Annexes15Bibliographie

  • 1A l'origine, ce livre devait s'intituler la (prononcez ouede) est la racine indo-europenne dumot grec qui signifie " forme ", " ide ". C'est aussi lemot que nousavonschoisipournommerlesconceptsquenousvoudrionsvousexposer,etdontl'ensembleconstitue un systme de pense, une mtaphysique, ou plus prosaquement une nouvellepairedelunettespourvoirlemonde.Pour voir, il faut des images, il faut desmots, il faut des penses. Nous ne pouvons faireautrement. Pourtant c'est dj trahir la que de lui coller ainsi un dcor etmme unnom.D'ailleursonpeuttrsbienl'appelerd'unnomquin'enestpasun,comme"Truc",parexemple.Biensr,nousprfronsutiliserlevocable maisanenousempcherapasdeparlerdetempsautresduTruc!Caraufond,la estpluttunmoded'emploiquidcritlefonctionnementglobaldetoutcequiexiste.Sil'onveutprendreuneautreimage,c'estunepaire de lunettes qui permet de voir d'un autreil lamatire, lemonde vivant, l'homme,l'volution,l'originedel'univers,lasocit,etmmelanotiondedieu.Ditencoreautrement,c'estuneboteoutilscontenanttroisoutilstrssimplespourdmonterlemonde.Maisilnefautpass'y fier, carderrirecettesimplicitsecacheunegrandecomplexit,du faitque la

    est comme un empilement de poupes russes. C'est ce qui fait sa richesse et safcondit.Quandonestdanscesystme,etquenouslevoulionsounonnousysommestous,iln'yaqu'unmoyendes'ensortir.D'abordilfautcomprendresonmcanisme,c'est--direadmettrequenousfaisonspartieintgrantedel'empilementdepoupes,etqu'iln'yariend'autrequea.Cettephasedesoumissionnesefaitpassansmal.Maisunefoisfranchie,l'utilisationdesoutilsdevientaiseettoutvabeaucoupmieux.Encesensla devientlesymboled'unerenaissance par la connaissance. Mais il faut accepter d'abord de perdre beaucoup de nosidesetdenos illusions.Mourirpourrenatre.Tout l'universnefaitquea.Pourquoidoncchapperions-nouslargle?Cette vision n'a rien de vraiment rvolutionnaire. Toutes les ides que nous allons vousexposerontdjtditesparlesgrandscourantsphilosophiquesetspirituelsdelaplante,etmalheureusement un peu oublies depuis. Elles se trouvent aussi en germe dans lesparadoxesde la science contemporaine, ainsi quedansunevaste catgoriedephnomnesregroups aujourd'hui sous l'appellation " tats modifis de conscience ". Nous n'avonsralis que deux choses. D'abord rassembler intuitivement ce qui tait pars, dans l'air deconsciencedecettefindevingtimesicle.Ensuiterepeindrecettevisiondumondeavecdestermes qui conviennent une poque qui se veut rationnelle et logique. C'est un simple

    Prambule

    Weid.Weideidos

    Weid

    Weid,Weid

    Weid

    Weid

  • glissement,untoutpetitglissement,carc'esttoujoursainsiqu'avancelaconnaissance.Nouspensonsaussiquetoutescesides,vouslesportezenvous,cartouslestresvivantsdela plante baignent consciemment ou inconsciemment dans le mme champ de penses.Noussommessimplementparmiceuxqui lesexpriment,carces idesn'auraientpuvoir lejour sans la moisson de connaissances accumules par bien des hommes qui nous ontprcds.Contrairement aux apparences nous ne sommes pas des fous mgalomanes ni deshurluberlusprtendreainsirebtirunevisiondumonde.Nouspouvonsmmedclinernostiquettes.VahZartarianestpolytechnicien,etenoutrediplmdel'InstitutSuprieurdesAffaires.MartineCastelloapratiqu18anslejournalismescientifique,etaquittlemtierpourseconsacrercetterflexionqu'ellenourritdepuislongtemps.Aucund'entrenousn'ade formationphilosophiqueproprementparler.Maisnos travaux sur la sciencenousontnaturellementconduitsl'pistmologie,etdelnoussommespasssleplusfacilementdumondelamtaphysique.Toutecettehistoirevousparatunpeucomplique.C'estvrai,ellel'estaudbutquandvousouvrez le livre, car sa lecture, pour tre comprise, demande que vous retrouviez l'esprit del'enfant dont parlent toutes les traditions. En d'autres termes, essayez de mettre de ctdurantlesquelquesheuresquedurelalecturedel'ouvragevosidessurlerel.Sinousnenoussommespastromps,etsinousnoussommesbienexprims,toutdevraitparlasuitetrebeaucoupplusfacile.Carunefoisquel'onacomprisleTruc,c'estcommeleprincipedemoindreactionenphysique,oulaloidumoindreeffortdanslavie,onyrevient.Nous pourrions conclure en disant que la n'est qu'un jeu, un jeu ternel dont nousfaisonspartie.Notreouvragen'estquel'noncdecettergledujeu.Quandonlacomprend,onpeutpleurerourire.Puisonsemetlancerlesdsenconnaissancedecause,ettoutvabeaucoupmieux.Celivreatcritdeuxvoix.Unevoixanalytiquequidroulelogiquementlesides,etunevoix synthtique qui parle directement au cur. On retrouve l la voie humide et la voieschedesalchimistes,deuxcheminsquisecompltentpourmieuxserejoindre.Lapremirepartiedulivreexposeleslimitesdesmodesdeconnaissanceactuels,etposelesfondementsd'unenouvelleapprochequilesdpassera,lesfondementsdela .Ladeuximepartierentredanslevifdusujet:lanatureetlefonctionnementdelaLa troisime partie est l'utilisation de cet outil pour expliquer les phnomnes qui nousentourent:lamatire,lavie,lamort,l'homme,lapense,l'esprit,etc.Laquatrimepartieenfindroulelesconsquencesdela pourl'homme,tantsurleplanindividuelquesurleplancollectif.Pouravoirluetrelunotreouvrageetl'avoirsoumisnoscopains,volontairesdsigns,nous

    Weid

    Weid

    Weid.

    Weid

  • voussuggronsdenepasl'absorbertropfortedose.Posologieconseille:unchapitrelafois,etdormirdessus!

  • Anosparents,ettousceuxquim'ontaid,dequelquemanirequecesoit.Atousceuxquecelivreaidera,qu'ilssoientnombreuxoupas.Auxhommesdedemain,quipleurerontd'tremarionnettesd'unegrandefarcecosmique.Auxhommesd'aprs-demain,heureuxd'avoirapprisenrire.Lefeudonnelaflammequiillumineleshommes.Leventdisperselesflammesquiembrasentlemonde.

  • PREMIEREPARTIE

    OL'ONREMETPLATNOTRECONCEPTIONDUREEL

  • 2

    LaperceptionLarelativitdesperceptionsQuin'apasconstatlarelativitdesperceptions?Vousassistezavecdesamisunspectacle,une rencontre sportiveparexemple,ou laprojectiond'un film,puisvousendiscutezentrevous.Chacunyvadesoncommentaire,etrapidementleschosess'enveniment,lesinvectivesfusent,aupointquec'estsedemandersitousontbienvulemmespectacle!Commeondit:"desgotsetdescouleurs..."Cette relativit des perceptions semble aller de soi dans tous ces domaines qualifis de "subjectifs " parce qu'ils ont trait des impressions, des jugements, des apprciationspersonnelles.Maisenvrit,sommes-nousbiensrsdelavaliditdecedcoupageobjectif-subjectif ? Pouvons-nous tre certains par exemple que tout le monde voit de la mmemanirece livrequevoustenezdansvosmains,que leblancdupapieret lenoirde l'encresontlesmmespourtous?Vieuxdbat,trsvieuxdbat,longtempslaissdect,maisquenousallonsnousefforcerderouvrirenprenantavantagedequelquesavancesrcentes.Lasoliditcommeconstructiondel'espritCommenonspar examiner commentunenotion en apparence aussi peu subjective que lasoliditpeutenfaitvarierenfonctiondupointdevue.Considronsparexempleunetendued'eau.Toutlemondes'accordesurlefaitqu'elleestdenatureliquideetqu'ilnesauraittrequestiondemarcherdessussanss'yenfoncer.Lacauseestentendueetneprtepasdiscussion,saufpeut-trequelquesrarescasquirelventdumiracleetdontnousn'avonspasnousoccuperpourlemoment.Ennousapprochantdelasurface, nous apercevons des araignes d'eau qui, perches sur leurs longues pattes,marchentetcourentlittralement.Etenyregardantd'encoreplusprs,nousnevoyonsrienqui ressemble des flotteurs, ou autres artifices servant assurer la flottabilit. Pour cetanimal,lasurfacedel'eauestdoncaussisolidequel'estpournousuntrottoir.Considronsprsentunverre,unsimpleverredetable.Lasoliditdecetobjetnefaitaucundoute : quand nous nous en saisissons, nos doigts ne s'y enfoncent pas ; quand nous yversonsunliquide,ilnes'enchappepas.Changeonsdepointdevueetadoptonsceluidela

    LEMONDECOMMECONSTRUCTIONDEL'ESPRIT

  • lumire.La transparence du verre est rvlatrice du fait qu'elle le traverse sans aucune difficult.Autrement dit, pour une particule de lumire, un photon selon la terminologie de laphysique, notre verre n'a rien de solide. Sa constitution s'apparenterait plutt celle d'unliquidedontlaviscositralentiraitsavitessededplacement.L'intrtdecesexemplesquimontrent larelativitde la"solidit"provientdu faitquecen'est pas une notion que l'on tient d'ordinaire pour subjective. Elle renvoie mme celled'tenduequiconstitueundesfondementsdelaphysiqueclassiqueainsiquenousleverronsau chapitre suivant. Nous constatons donc que le dcoupage objectif- subjectif n'a rien denaturel. Pour nous en convaincre encore plus, prenons un objet qui semble vritablementexister indpendammentde l'observateur, le temps,puisque,parexemple,nouspouvons lemesurer.Letempscommeconstructiondel'espritLe temps, pour de multiples raisons, ne cesse d'embarrasser philosophes et scientifiques.Aussi, pour viter de nous embourber dans de vaines querelles, allons-nous aborder laquestionselonunpointdevuersolumentinhabituel,celuidelalinguistique,danslecadred'uneethnieparticulire,celledesHopis,indienshabitantsl'actuelArizona.LesHopisontdu tempsuneperceptionquidiffre radicalementde lantre.Ainsin'ont-ilsaucunenotiond'un tempss'coulantdemanire linaireetcontinue,etentranantdanssacoursetouslesobjetsdel'univers,dupassaufuturtraversleprsent.Leurlangagemmeestdpourvude toutmot, expression, tournure grammaticale, conjugaison, ouquoi que cesoit d'autre faisant rfrence explicitement ou implicitement ce que nous appelons letemps,niaupass,prsentetfutur,niladure,niencoreaumouvement(quiseraitconucomme dplacement et pas comme un processus de transformation globale). Pourtant lalangue Hopi est extrmement riche et permet de rendre compte de tous les phnomnesobservables dans l'univers. Cela signifie donc qu'ils font de la ralit un dcoupagecompltementdiffrentduntre,dontdcoulentnosdivergencessurletemps.[1 ]Notredcoupagenoussefondeessentiellementsurlanotiond'objetsubstantiel,solideenquelquesorte,dotdediversesqualits.Parexemple"tomaterouge",ou"dieud'amour".L'existenceestdoncconstitued'uneforme,sortedecontenant(latomate),quois'ajoutentdiverses proprits, non doues de forme videmment, en quelque sorte des contenus (lacouleur rouge). Notre langage, avec sa structure prdominante Sujet-Verbe-Objet, et avecl'omniprsencedesverbes"tre"et"avoir",estlafoislervlateuretleconstructeurdecetteontologie:latomateestrouge,latomateaunecouleurrouge,etc.LesHopis,eux,voientlemondenonpasentermesd'objets,commenouslefaisons,maisentermes d'vnements (une forme verbale comme l'affreux nologisme " vnementiser "conviendrait sans doute mieux leur pense). Ces vnements appartiennent deuxcatgories, les "manifests ", et les "non-manifests " (l encoreunnologismevitant la

  • ngation serait plus appropri). Les vnements manifests comprennent tout ce qui estaccessibleauxsens,toutnotreuniversphysiquedonc,sansdistinctionpoureuxentrepassetprsent.Les vnements non-manifests comprennent tout ce qui pour nous appartient au futur,ainsique,d'unemaniretotalementindiscernable,toutcequiestdudomainedel'esprit(queles Hopis placent dans le cur), l'esprit de l'homme mais aussi l'esprit de tous les tresvivants, de toute la nature, bref de tout ce qui existe. Dans cette ontologie, l'existencen'volue pas du pass vers le futur. Elle passe du non-manifest au manifest selon desmodalitsquisontpropreschaquetre.Prenons un exemple.Nous pouvons parler indiffremment de " dix hommes " ou de " dixjours " parce que nous objectivons le temps et que, ce faisant, nous sommes capables deconsidrer " dix jours " commeunobjet part entire.Pourtant, cesdix joursne sontpasvcus en tant que tels car seul ce jour existe actuellement, les autres n'tant que desconstructionsdenotre imagination.C'estpourquoi lesHopisneperoiventpasde lammemanire"dixhommes"iciprsents(manifests),et"dixjours"dontenfaitunseulexisteencemomentmme(unseulestmanifest).Dansleurontologie,cettenotionquipournouscorresponduneduredoittretraduiteentermesderelationentredeuxvnements.Ainsi,lonousdisons"ilssontrestsdixjours",ilsdoiventdirequelquechosecomme"ilssontpartisleonzimejouraprsleurarrive".NoussommesprobablementtellementimprgnsdenotreproprenotiondutempsquenousavonssansdoutedumalconcevoircelledesHopis,dumalsurtoutadmettrequ'ilpuisseen exister d'autres, aussi valables. Certes, nous pourrions arguer que les horloges et largularit de nombreux phnomnes, notamment astronomiques et biologiques, nousdonnent raison.Mais ce serait oublier deux choses. La premire est que ces rgularits nefontquervlerletempspropredelagravitation,dirons-nouspoursimplifier,etriend'autre.Lasecondechoseestlathoriedelarelativitrestreinte,exprimentalementvrifiesurcepoint,qui rend le tempsdpendantde l'observateur.Ainsideuxvnementsperuscommesimultanspar l'unpeuventtreperuscommesuccessifsparunautre[2].Cela contredit laphysique classique, et notre sens commun, pour qui deux vnements simultans restentsimultansquellequesoitlafaondelesregarder.RalitetperceptionParvenus ce point, vous pourriez objecter que ces problmes de perception ne sontjustementquedesproblmesdeperceptionquineremettentnullementencausel'existenced'uneralitsous-jacenteidentiquepourtous.Leverredetoutl'heureexistebeletbien,etpeu importe qu'il paraisse solide l'un et visqueux l'autre. Demme " dix jours " sonttoujours"dixjours",qu'onlescompteouqu'onnelescomptepas.Leschosessontenvritbeaucoupplussubtiles,etcepourplusieursraisons.Revenons tout d'abord au problme du temps, en reprenant l'exemple ci-dessus desvnements qui, simultans pour un observateur, sont successifs pour un autre. Vous

  • pourriez vous dire qu'il existe peut-tre une faon de regarder les choses qui permetted'affirmeravec certitudeque cesdeuxvnements sont simultansdans l'absolu, etque lefaitdenepas lesvoircommetelsestdunedistorsionde laperception. Il s'agiraitalorsd'uneillusiontemporelle,l'instardesillusionsd'optiquebienconnues.Ornoussavonsquecen'estpas lecasdepuisquelesexpriencesdeMichelsonetMorleyontmontrvoicidjplus d'un sicle qu'il n'existe pas de rfrentiel absolu nous permettant d'affirmer parexemplequenoussommesenmouvement.Toutcequenoussommesendroitdedire,c'estque tel objet est en mouvement par rapport tel autre objet. Par consquent nous nedisposonsd'aucuncritrepourprivilgierunpointdevuesurunautre.Toussontgalementvalables.Siunobservateurvoitdesvnementsseproduireenmmetempsetqu'unautrelesvoitaucontraireseproduiresuccessivement,aucundesdeuxn'atort.L'espacecommeconstructiondel'espritL'autreraisonquiexpliquequenousn'ayonspasaffaireunsimpleproblmedeperceptionmaisbienunproblmededfinitiondelaralitestquel'espacelui-mmenesemblepasavoirplusd'objectivitquelereste,cequiconduituneremiseencausedelanotionmmed'objetisoletindpendant.Pouravoirunpetitaperudecetteide,nousallonsdevoirnousplongerdans l'univers fascinantde l'infinimentpetit, celui de laphysiquequantique.Cettethorieestaussiricheeninterrogationsetenparadoxesqu'enapplications.Nousallonsnousconcentrerpourlemomentsurlaseulequestiondelasparabilit,etnousauronsl'occasiond'enaborderd'autresdanslesprochainschapitres.Pourmieuxcomprendreleproblme,commenonsparuneanalogiemacroscopique.Supposonsqu'un bniste parisien fabriquedeux fauteuils identiques partir dubois d'unmmearbre.L'unestenvoyunclientamricain,l'autreunclientjaponais.ANew-York,alors que quelqu'un s'assoit pour la premire fois dedans, le fauteuil tombe en pices. Aummeinstant,Tokyo,l'autrefauteuiltombegalementenpices,bienquepersonnenes'ysoitassis.Lescompagniesd'assurancemandatentdeuxgroupesd'expertschargsd'tablirlesresponsabilits.Lepremiergroupe,quicomprendEinstein,PodolskyetRosen(d'olenomd'EPRdonnceparadoxe), considre qu'en vertu du principe de localit qui veut que l'volution d'unegrandeurphysiqueenunpointdel'espacenedpendequedel'expressiondecettegrandeurencepoint,lefaitdetomberenpicesnepeutqu'treimputableundfautdefabrication,unvicecachdonc.Les physiciens disent dans ce cas qu'il y a une variable cache nonprise en compte par lathorie. L'autre groupe d'experts est compos lui d'ardents dfenseurs de la thoriequantique,quiconsidrentqu'iln'yapasdevariablescaches,qu'elleestdonccomplte.ParconsquentlefaitquelefauteuildeTokyos'crouleenmmetempsqueceluideNew-Yorkn'estpasimputableunvicecach,maisrsultedelanatureinsparabledesdeuxobjets:cequi advient l'un advient aussi ncessairement l'autre, avec une simultanit qui excluttoutetransmission,toutecommunicationentreeux.Etcommeunecommunicationrequiert

  • unespace-temps,celarevientfinalementdirequerien,aucunedistance,nelesspare.C'estdoncuneremiseencausedupostulatdelocalit.Commentcela se traduit-il en termesquantiques?Partantd'unsystmeconstitudedeuxparticulesquiinteragissentpuissesparent,alors,envertuduthormedenon-sparabilit,lesdeuxparticulessontdcritesparlammefonctiond'onde,d'oils'ensuitquel'acquisitiond'unepropritparl'uneforcel'autreenquelquesorteacqurirsimultanmentlamme[3].

    LaconfirmationexprimentaledfinitivequelespartisansdelathoriequantiqueontraisoncontreleclanEPRnedatequed'unedizained'annes.L'expriencelaplussimpleexposerestcellequ'AlainAspectaralisOrsayen1982.Lafigure1ladcrittrsschmatiquement.Sestunesourcequiproduitdesphotonsque l'onditcorrlsparcequ'ilssont issusquasi-simultanment d'une mme raction. M1 et M2 sont des dispositifs de changement dedirectioncompltement indpendants l'unde l'autre,extrmementrapides, 100millionsdefoisparseconde,quienvoientlephoton1soitversledtecteurA1soitversledtecteurB1,etlephoton2versA2ouB2.Ladistanceentrelesdispositifsdechangementdedirectionet lasourceesttellequ'ilsontletempsdebasculerdeuxfoisd'unedirectionl'autrependantladure de parcours des photons. Ceci a pour but de briser tout lien entre les diffrentsdispositifs, et par consquent rfute l'argument d'une ventuelle transmission d'un signalentrelesdeuxphotons.Qu'observe-t-on?Suivonsparexempleleparcoursduphoton1.IlestmisparlasourceSetcheminejusqu'M1,quipendantcetempsbasculeplusieursfoisetdefaonalatoireentrelesdeuxdirections.Supposonsquelorsquelephotonarrivesurluiilsoitdansunepositiontellequ'il l'envoiesur ledtecteurA1.Lammechosesepassede l'autrect, saufque leschangementsdedirectiondeM2sontcompltementindpendantsdeceuxdeM1.Ilsepeutdoncquelorsquelephoton2arrivesurluiilsoitdanslapositiondel'envoyersurledtecteurB2etnonpasA2.C'est iciqu'intervientleparadoxedelaphysiquequantique,carc'estbienA2etnonB2quireoitlephoton,dufaitqu'ilestcorrlaveclepremieretqu'ilsecomportedemanire identique.Ilestdoncpass traversM2commes'iln'existaitpas,ensuivantsonproprechemin,dterminenfaitparsonfrrejumeaulephoton1.A la vrit les choses sont un peu plus compliques parce que seuls des comptagesstatistiquessuruntrsgrandnombredepairessontpossibles.Lersultattoutefoissubsiste:lethormedenon-sparabilitestconfirm.Ce qui ressort du paradoxe EPR, c'est que l'espace semble lui aussi tre en partie une

  • constructiondenotre esprit, car vupard'autres entits,desparticules commedesphotonspar exemple, il exhibe une allure radicalement diffrente. Ainsi deux points spars uncertainniveaudeviennentidentiquesunautre.NousetlemondeQuetirerdecesquelquesrflexions?Lapremirechoseconsistesimplementencecique:"

    " (Talmud). Il faut toutefoissegarderd'enconclurequelemondeestexclusivementuneconstructiondenotreesprit,carilya suffisammentde rgularitsetdeconsensuspournous inciter rejeter le solipsisme.Cequi reste en fin de compte, c'est que les perceptions sont des constructions mentaleslaborespartirdedeuxlments:

    UnModleduMondedonnapriori,parl'hrdit,quois'ajoutelaculture,incluantlelangage,avecdesmodificationstenantcomptedel'acquispersonnel;

    Quelque chosequi a une certaine existence en-dehorsdenousmaisdont lanaturevritablenouschappe;nousl'appelonsleMondeenattendantd'ensavoirplus.

    Soitschmatiquement:ModleduMondeperceptionsMondeLefaitdoncdepercevoirl'espace,letemps,ouunquelconqueobjet,estdlafoisquelquechosequiexistedansleMondeetdontnousignoronslanaturerelle,etuneprojectiondel'idequenousnousfaisonsdumondeetquiestcontenuedansnotreModleduMonde.Lemodlenafdelaperception

    Laperceptionest l'activitpar laquelle l'me,aumoyende l'impressionproduitedudehors de son corps, prend conscience du monde en en formant en soi une imagereprsentative

    L'laboration des perceptions s'effectuent donc en deux temps. Tout d'abord les objetsextrieurs, dont on suppose qu'ils existent vritablement en tant que tels, envoient dessignauxauxorganesdessens, cequidonnenaissanceauxsensations.Apartird'ellesnotreespritconstruitune imagedumonde,sense lereflter leplus fidlementpossible.C'est laperceptionproprementdite.

    Tunevoispas lemondetelqu'ilest, tu levois telquetues

    Mais pourquoi, si les choses se passent bien ainsi, avons- nous plutt en tte le modlesuivant:

    "

    "(SaintAugustin)?Soitschmatiquement:

  • Deux raisons expliquent le dcalage entre l'approche nave de la perception et l'approcherflchie.Lapremiretient lanatureconsensuelledesperceptions,c'est--direquemmesiparfoisdesquerellesnaissentdedivergencesd'apprciation, leshommess'accordent surcequiestperudansl'immensemajoritdescas.Partant,ilestnatureldefaireremonterl'originedececonsensus la ralitmmedesobjetsperus.Sivousetnouspercevionsenmme tempsune tomate rouge, nous serions tous fortement enclins la considrer comme un objetexistantrellement,c'est--dire indpendammentdufaitquenous l'observionsounon.Enphilosophie,onappelle"ralismenaf"cettepositionquireliedirectementnosperceptionsdesobjetsextrieurstangibles.Danslecadredenotremodle,leconsensustrouvesonoriginepourunepartdanslemondelui-mme(parcequemmesinousnesavonspasprcismentdequoiils'agit,ilexistebienuneralitextrieurecommunesurlaquellenousconstruisonsnosperceptions),etpourunepartquivalentedansleModleduMonde(quinousestlargementcommundufaitquenouspartageonsl'hritagedel'espcehumaine:organesdessenssemblables,cerveauxsemblablesetc.).Confirmation de cela nous est donne par la constatation que plus des individus sontculturellementproches,plusilss'accordentfacilement.Carsivraimentleconsensustrouvaitsonorigineexclusivementdanslaralitextrieure,commedansleschmaduralismenaf,nousnedevrionspasconstater,commec'estlecas,d'importantesvariationsenfonctiondelaculture. On sait par exemple depuis quelques dcenniesmaintenant que la perception descouleursdpendenpartiedelaculture.C'est un fait qui a frapp de nombreux ethnologues. Chez les Ashantis, le terme " noir "s'appliquetoutecouleurfonce,quipournousseraitbleue,bruneetc.,tandisque"rouge"sert aussi pour le rose, l'orange et le jaune[4]. Chez certaines tribus deNouvelle-Guine, lejaune,levertetlebleusontperuscommedesvariantesd'unemmecouleuretdsignsparlemmemot[5]. Ilest importantdeprciserquecesregroupementstrangesnosyeuxnesontpasdusquelquedficiencevisuelle.En dpit d'un vocabulaire trs pauvre en noms de couleurs, tous ces gens sont capablesd'effectuer des tris trs fins. Mais cela exige d'eux d'importants efforts, car il leur fauts'affranchirdeslimitesqu'imposentleursyncrtisme.C'estcommesil'onnousdemandaitderangerdesobjetsbleusselonlesnuancesbleumarine,bleuciel,bleudePrusse,quinefontpas partie de notre vocabulaire habituel.Nous y parviendrions certes,mais, moins d'trepeintre,celarclameraituneattentionconsidrabledenotrepart.En revanche, tous leshommesontuneperception similairedes formesdans l'espace.Si lebleun'estpasforcmentbleupourtoutlemonde,untriangleouuncarrsontpourtousuntriangle ou un carr. Cela provient du fait que la partie de notre Modle du Monde quiconstruitl'espaceviententirementdel'hrdit,sansinterpositiondelaculture.

  • Cela commence bien sr avec la conformation de l'il, la disposition des cnes et desbtonnetssurlartine,etcelaseprolongedanslecerveauparl'existenced'airesspcialisesdans le traitement de l'information visuelle, o certaines laborent la verticalit, d'autresl'horizontalitetc.Seulsdestatsmodifisdeconscience,sousl'effetdedroguesnotamment,conduisentdesdistorsionsdelaperceptionspatiale,carc'est lefonctionnementmmeducerveauquisetrouvealtr.Latoute-puissanced'unModleduMondeL'autre raison qui explique le dcalage entre notre schma de la perception et celui duralisme naf tient ce que nous appellerons la toute-puissance d'un Modle du Monde,parcequ'ilestl'origined'uncerclevicieuxdontilesttrsdifficiledes'extraire.Laboucledececerclesedcomposeainsi:1.notreinsuseconstituenotreModleduMonde,quiestavanttoutunoutildesurvie;2.cemodledterminelesperceptions,cequiconduitvoirlemondesonimage;3. cette correspondance entre leModle duMonde et la perception duMonde entretient

    l'illusiondelaralitdumondeextrieur(ralismenaf);4.d'ounrenforcementdescroyancesetl'incapacitdeconcevoirqued'immensespansdela

    ralitnouschappent;5. commeparconstructionmme"amarche",c'est--direquelasurvieesteffectivement

    assure,sinonnousneserionspaslpourenparler,iln'yaguredemotifderemiseencause;

    6.lorsqu'uneimportantedivergenceapparatentreattentesetperceptions,dessolutionssontd'abord cherches dans le cadre duModle, ce qui contribue encore le renforcer ; parexemplelorsquel'checducommunismeestdevenuflagrant,lapremireractionn'apastdeleremettreencausemaisd'affirmerqu'iln'avaitpastappliquavecsuffisammentdevigueur,d'oentreautreslaRvolutionCulturelleenChinedanslesannes60.

    Au total, il apparat bien qu'unModle s'impose chacun par sa toute-puissance, si bienqu'unbranlementdegrandeampleurestrequispourqu'unindividusersolveleremettreencause.C'estvraidanstouslesdomaines,mmeenscience.Planck,undesfondateursdelathoriequantique,adadmettredevantladifficultqu'ilavaitsefaireentendre:

    Unenouvellevritscientifiquenetriomphejamaisenconvainquantlesopposantsetenfaisantvoirlalumire,maispluttparcequesesopposantsfinissentparmourir,etqu'ilnatunenouvellegnrationquicettevritestfamilire (Autobiographie).

    Bienquenousne le souhaitionspas,nous craignonsqu'il enailledemmepour certainesidesexprimesdanscetouvrage.Restons-enlpourlemoment.Maisnousauronsl'occasiond'yrevenircarlaquestiondelaperceptionestd'importance.Avant quenous passions la section suivante, il serait peut-tre bond'expliquer pourquoi

    "

    "

  • nous avons commenc notre rflexion sur la connaissance par la perception. Simplementparcequepourtablir lavaleurdes connaissances, il estunpralable indispensable, savoircommentl'hommequi lesconstruitconnat.Etbiensr,sonpremieroutildeconnaissancedu monde est la perception. Nous allons d'ailleurs poursuivre dans cette voie en nousintressantauproblmedelasignification.LasignificationLavisiondelagrenouillePoursaisirlacontinuitentrelaperceptionetlasignification,considronsl'exemplesuivant.Une grenouille, chacun le sait, se nourrit d'insectes.Mais qu'est-ce au juste qu'un insectepourelle?Celasembletellementvident :unmoustiquequivole,unefourmiquimarche,unpapillonpossurunefeuille,etc.Enfait,nousavonsdonnlseulementdesexemplesdecequesontpournousdesinsectes.Lagrenouilleapeut-treuntoutautrepointdevuesurlaquestion.Effectivement. Diverses expriences ont montr que sa conception de l'insecte diffreconsidrablementdelantre.Sonsystmeperceptifestainsifaitquel'insecteimmobilen'estpasvu, tandisqueceluienmouvementdclenche immdiatementuneractiondecapture.Une grenouille n'a pas besoin d'apprendre ce qu'est une proie. Ds samtamorphose, ellehappetouslespetitsobjetsmobilesquipassentproximit.Sicesystmedeperceptionenapparencesimplisteatconservparl'volution,c'estquelesconnaissancesqu'ilpermetlagrenouilled'acqurirsurlemondesuffisentamplementassurersasurvie.Ilesteneffetpeu courant que des cailloux se dplacent dans les airs, ce qui veut dire que lacorrespondanceentrepetitsobjetsmobilesetinsectess'avrepresquetoujoursralise.Nous,treshumains,sommessansdoutecapablesdefaireledtailentreunemoucheetunmoustique, et de voir l'identit entre unemouche qui vole et unemouche pose sur unefeuille,maisnoussommesencontrepartiemoinsbienarmspourlescapturer.Ilestvraiquenousnenousnourrissonspasd'insectes.Laleondecettesagegrenouillequinecherchepassefaireaussiintelligentequel'hommeestquelanaturenefaitpasdel'artpourl'art.Lesorganesdeperceptionsdontsontpourvuslestresvivantsnesontpasdesgadgets.Ilsontuneutilitparfaitementdfinie,pournepasdireunefinalit:acqurirdel'informationsurl'environnementpoursurvivre.En consquence, lesperceptions sont toujoursdotesde signification.Elles font senspourceluiquilesconstruit.Cen'estd'ailleurscertainementpasunhasardsilemmemot"sens"sertdsignerlafoisladirection,lasignification,etlaperception(lesorganesdessens).Ilfautsansdouteyvoirlasagessedenosanciensquiavaientconsciencedecesliensprofonds.Carenvrit,nousl'avonsvu,laperceptionn'estpasunesimpleconstructiond'uneimagedumondeennous-mmes,maisaussiuneprojectionsurlemondedecequenoussommes,et

  • decequenousvoulonstre.Nous pouvons galement traduire cela en disant que la signification est insparable del'action.Parconsquentchacundenosactesest imprgnde lasignificationquenous leurdonnons.Unchamansioux,BlackElk,l'avaitfortbiencomprisetexprim:

    "Le pouvoir d'une chose ou d'un acte est dans la signification qu'on lui donne et lacomprhensionqu'onena

    UnehistoiredemarronsVous vous promenez dans un jardin public par une belle journe d'automne. Le Soleil estencore chaud, les couleurs sontmagnifiques, et les gens que vous croisez vous paraissenttoussympathiques.Vouscommencezvoussentirl'mepotique,quand,soudain,unchoc:vousvenezde recevoirunmarron, le fruitdumarronnier s'entend.Vousvous retournezetapercevezungrouped'enfantsen trainde jouer. "Cesontcertainementeux",pensez-vousimmdiatement,etvousvousmettezlesrprimander.C'estalorsquevousvoyeztombervospiedsunautremarron.Levant la tte,vousconstatezquevoustes justementsousunmarronnier.Vousretrouvezinstantanmentvotrecalmeetretournezvotrepromenade.Analysons cette exprience que, sous ou forme ou une autre, vous avez tous certainementvcue.Nousconstatonsquenousignoronstoujourscequis'estrellementpass.Lepremiermarronaputomberdel'arbredelui-mme,oubientrelancparlesenfantssansintentiondevousatteindre,onencoretrelancintentionnellementdansvotredirectionparunetiercepersonnequevousn'avezpasvue.Dansunpremierlan,vousvoustesditsquelesenfantstaientresponsablesetvousvoustesmisencolre.Dansunsecondtemps,vousavezchoisidedonnerl'vnementuneexplicationnaturelle,etvotre colre est retombe. Pourtant le monde extrieur ne s'est en rien modifi. C'estseulement la signification que vous lui donnez qui a chang. Vous avez dans une certainemesurecrcesdiffrentessituations.Vouslesavezcreseffectivement,maispascommeoncreunesimple imagementale,carellessesont traduitesenactes :colredansuncas,retouraucalmedansl'autre.DouleuretsignificationVoustesendroitd'objecterque laportedecetexempleest limitedu faitqu'il concerneuniquementdesmotions,dontchacunsaitlavolatilit.Admettons.Choisissonsdoncpluttquelquechosedemoinsvolatilecommeladouleur.Certainspeuplesontsongarddesattitudesquitranchentaveclesntres.C'estlecasdesIroquois, qui avaient l'habitude de soumettre leurs prisonniers d'affreux supplices. LejsuiteLeJeune,partil-baslesvangliser,nousendonneunaperu:

    Ces barbares entasss les uns sur les autres, hurlant au plus fort de leur voix, des

    ".Illustronscetteideimportante.

    "

  • brandons lamain,et lesyeuxtincelantsderageetdefureur,semblaientautantdedmonsquinelaissaientpointderpitcettepauvrecrature.Ilsl'arrtaientsouventl'autreboutdelacase,certainsluiprenaientlesmainsetenbrisaientlesoslaforcebrute,d'autresluiperaientlesoreillesavecdesbaguettesqu'ilsylaissaientprises,l'undecesbouchersluiappliquaunferchaudsurlesreins...

    Cequ'ilfautajouter,c'estquelavictimeavaitconsciencedurleimportantqu'ellejouaitetduprestigequ'elleretireraitd'unemortglorieuse.Carsavaillancetaitunemanifestationdesa force vitale. La signification de cette crmonie tait pour elle si grande qu'elle taitcapable de transcender la douleur : elle se laissait mutiler sans se plaindre, sans crier,chantant ses chants de guerre, et conversant mme avec ses tortionnaires entre deuxsupplices![6]Vousdirezque lesIroquois,c'estunautretemps.Certes.Maissavez-vousquedenos joursencore desmilliers d'hommes de par lemonde s'infligent de leur propre chef ce que nousconsidronscommedessupplicespourl'amourdeleurdieu?Exempleparmid'autres:dessoufis duKurdistan se laissent planter des couteaux dans le crne coup demarteaux, setranspercentl'abdomendepartenpartauniveaudunombril,etcesansressentirlamoindredouleurnijamaistombermalademalgrdesconditionsd'asepsieplusquedouteuses.Ilvadesoiqu'ilsnefontusaged'aucunedrogue.Lasignificationqu'ilsdonnentleuractesuffit.Uneseuleconditionestexige:lasoumissionsincreettotaleleurDieu[7 ].De tels excs ne sont pas sans rappeler les macrations et les mortifications des ascteschrtiensdu5mesiclesurnommslesfousdudsert.UndesplusclbresdecessaintsestSimon. Son ardeur tait telle qu'elle effraya mme les moines du monastre de Tlda,pourtantconnaisseurs.Ilsfinirentparleflanquerlaporte,et,aprsdiversespripties,ilseretrouva au sommet d'une colonne d'o il ne descendit plus jusqu' sa mort. De l sonsurnomleStylite.Expostoutes les intempriessursaplate-formed'peinedeuxmtresdect,soncorpssecouvritdeplaies,odesverss'installrent:

    "Ilentombaitdesoncorpssursespieds,desespiedssurlacolonne,etdelacolonneterre,oun jeunehommenommAntoinequi le servait etquiavuet crit tout ceci,ramassait son commandement les vers tombs terre et les lui redonnait. Simonalorslesremettaitsurlesplaiesdisant:mangezcequeDieuvousadonn [8]

    L'effetplaceboCes exemples exotiquesnedoiventpasmasquer le fait que tousnous avonsprobablementvcu des expriences tmoignant de la puissance de la signification, bien moinsspectaculairesvidemment.Ils'agitparexempledel'effetplacebo,aujourd'huibienconnuettudi.Lemcanismeenestsimple.Vousvousrendezchezvotremdecinparcequevousressentezteloutelsymptme.Celui-ci vous prescrit un mdicament dont il vous vante abondamment les mrites. Vousvousprcipitezdeleprendre,et,miracle,lessymptmesreculent.Cequevousnesavezpas,

    ".

    ".

  • c'estquelemdicamentenquestionn'estpeut-trequ'unepastilledesucre!Il est aussi des cas o lemdecin lui-mme, ou le dentiste, provoque l'effet placebo.Voussouffrez tout le week-end de divers troubles, et le lundi, lors de la consultation, lessymptmesdisparaissentcommeparenchantement.Quin'apasvcucela?Danscertainscasl'effetestinvers,c'est--direquelaprsencedumdecinaccrotlestroubles.

    "L'importanced'unechoseoud'unacteestdans la significationqu'on luidonneet lacomprhensionqu'onena

    Parexemplequen'est-oncapabledefaireparamour?Nous allons rester encore un peu avec la signification, mais en l'abordant d'une autremanire.Dessignificationsmultiples

    Sinousvousposonslaquestion"quefaites-vousencemoment",vouspouvezrpondredebiendesfaons:

    "Jesuisentraindelireunlivre",ou;"Jesuisentraindelirelesmots","jesuisentrainde...",ou;"Jeregardeunepagesurlaquellesontinscritesdeslettres.",ou;"Mesyeuxreoiventdesphotons,qui sont transformsensignauxlectrochimiques,qui

    sonttransmismoncerveau...",etc.

    Detoutescesrponses,vousnediriezpasquel'uneestplusvraiequ'uneautre.Toutessontvalables.Mais alorsnepourrait-onpenserque certaines se ramnent d'autres, c'est--direqueparexemple le fait de voir des lettres dcoule du fait que les yeux reoivent des photons.Effectivement, l'approche rductionniste consiste prtendre que tout s'explique par lesvnements qui se droulent au niveau le plus lmentaire, savoir celui de la matire.L'ennuiestqu'onobservetrssouventdanslemondevivantuneautonomiedel'objectifparrapportauxcontraintesmatrielles.Pourneprendrequ'unexemple,l'objectif"voler"atatteintdanslemondevivantpardesespces trs diffrentes, avec une incroyable diversit demoyens : nageoires des poissonsvolants, ailes et plumes des oiseaux, membranes de peau des chauves-souris, membranessemi-rigidesdesinsectes,etc.Danscecas,ilsemblebienquelaralisationeffectivedanslamatiredel'outildevolsoitlaconsquenced'unprojet,d'uneintention,existantsurunautreplan. C'est ce qui incite certains opter pour une approche finaliste, o ce sont alors les

    Arrtons l la dmonstration. Chacun trouvera en lui maintes expriences qui confirmentcetteide:

    ".

  • niveauxlespluslevsquidterminentlesniveauxinfrieurs.Malheureusement, eux aussi butent sur un obstacle, car en faisant remonter d'un cran leniveaupertinent,ilss'embarquentdansunprocessusquin'apasdefin:chaquesignificationd'un certain niveau renvoie une signification de niveau plus lev, et ainsi de suite. Largressions'achvealorssurl'infiniousurdieu,cequinersoutpasleproblme.Oensommes-nous?Ilsemblequenosrflexionsdbouchentsurunecertaineconfusion,bien qu'elles soient pour la plupart tires du bon sens. En particulier, la frontire entreobjectif et subjectif, entre observateur et observ, entre connaissance et action, devient deplus en plus difficile tracer, ce qui aboutit ne plus trop savoir comment apprcier lavaliditd'unjugement.Delconclurequelerelestinconnaissable,ilyaunpasquenousnousgarderonsdefranchirtropprcipitamment.Enfaitlebilanestmoinssombrequ'iln'yparait,carcheminfaisant,nousavonsmisaujourquelquesmcanismes fondamentauxdu systme cognitif de l'trehumain. Ils vont tredeprcieuxoutilspourcomprendrelefonctionnementdelascienceetdelasocit.AucurdelaperceptionPerception,vousavezditperception!C'estquoiaufaitcetruc?"Faitdeconnatrelemondeavecsessensetsonesprit"nousditledictionnaire.Belledfinitionmaisunpeucourtepourunmotsi important.Cetteperceptionquinousfaitconnatre lemondedevraittreunpeuplus dcortique, pense, ressentie. Les philosophes ont dj fait le travail, direz-vous. Etnousalors!Cetterecherchenousconcerneaumoinsautantqu'eux.Puisquetousleshommesdelaplantesecrentuneimagedumondepartirdelaperception,nousavonsledroitdesavoircommentelle fonctionne.D'accord,maisonvousavertit, lemotestmagique.Onnesaitjamaisoilvanousentraner.Qu'importe!Partonstoutdemmeladcouverte...C'est par les sens que tout commence. Ce sont bien eux en effet qui nous transmettent lespremiresinformationssurcequinousentoure.Natreaumondeveutdireouvrirsessensau monde. Des sens limits, et nous voici dj dans les premires difficults. Les senshumains sont programms gntiquement pour voir, entendre, sentir, toucher certainesvibrationsetpasd'autres.Ilssontbranchssurlaseuleralitqu'ilspeuventdcoder,etilsnenousparlentquedecela.Lamouche,avecsesyeuxfacettes, lachauve-sourisavecsonsonar, la fourmiavecsesphromones,voient,entendentousententautrement.Lepointdedpartestdoncdiffrentselonl'espcelaquelleonappartient.Ce n'est hlas pas tout. Mme si nous russissions imaginer les sensations des autresespces, il nous manquerait un maillon pour comprendre. Car quoiqu'il arrive nous nesauronsjamaiscommentlamoucheoulafourmiinterprtentlesinformationssensoriellesqu'ellesreoivent,autrementditquellessont lessignificationsqu'ellesmettentdessus.Celaveutdirequechacunpossdedanslatteunlivredumondepourpouvoirdcodercequelessensenvoient.Etquecedcodagesoitconscientoupasnechangerienl'affaire.

  • Ce livreest lemoded'emploidurel.Onpourraitpensercommelesanciensqu'ils'critaufur et mesure que nous arrivent les informations des sens. Mais il n'en est rien. Ons'aperoitvitequ'ilestdjenplaceavantmmequenossensinterfrentaveclemonde.Ilsuffitderegarderunnourrissonhumain.Toutes lesmamans le saventmais les scientifiques l'ontvrifi. Ilsontainsiprouvque lebbassociedesractionsdeplaisiroudedplaisirtoutessessensations.Dssavenueaumonde, ilmetdusenssursessens. Ilprfreparexemple instinctivement legotsucraugotsal,lessurfacesdoucesauxsurfacesrugueuses,l'odeurdesamretouteslesautresodeurs.Unbbd'uneautreespceragirad'unetouteautremanire.ParexempleunbblzarddeKomodo,uneespcequidescenddirectementdesreptilesdusecondaire,interprtel'odeurdesa mre d'une manire qui lui est propre. Pour lui c'est franchement dsagrable. Ilcomprend:"Petit,sauve-toivitesinontamamanvatemanger".Maiscequenousdisonsln'est en faitqu'une interprtationquenousprojetonsavecnosmotsetnotreconscience. Ilfautbienl'admettre,nousn'auronsjamaislareprsentationrelledumondedelamouche,delachauve-sourisoudulzard.Ilnousmanqueratoujoursleurlivre,leurmoded'emploi,celuidessignificationsquileursontpropres.Mais d'o viennent tous ces livres ? Le bon sens dirait que c'est ainsi depuis toujours. Etd'unecertainemanireilauraitraison.Nousbaignonseneffetdepuis longtempsdansunconsensusquifaitqu'telle informationdessenscorrespondtellesignification.Nousnousentendonsparexemplesurlefaitquetellecouleurestrouge,quetelobjetestsolide,quetellechoseestunerose.Ce livre de significations s'est construit au fil des gnrations d'tres vivants. Jour aprsjour, le langage, l'ducation, la culture, lavie, enrichissentet complexifient l'ouvrage.A telpointquel'imagequenousnousfaisonsdumondeacquiertsonautonomieparrapportlareprsentationprimitive.Elledevienttellementconstruite,tellementsolidequelemondeestdsormaisennous,etqu'iln'estpluspossibledevoirautrechose.Finalement, l'image du rel que nous tirons de la perception n'est rien d'autre qu'uneconstruction de pense labore grce au livre de significations partir des messagessensoriels.Laleondecettehistoireestsimple:chaqueespce,chaquetre,construitsapropreralit,une ralit ncessaire sa survie. Car qu'on le veuille ou non, ralit vraie ou pas, nousexistons ! Tout est donc bien dans lemeilleur desmondes. Pourtant il y a encore un hic.Pourquoi, bien qu'ayant compris lemcanisme de la perception, tenons-nous notre ralitpourlaseulevrit?Maisparcequeamarche!Leconsensusestefficacepuisqu'onest lpour en parler. L'hommea survcu grce lui. Voil pourquoi il ne veut pas en changer.Voil aussi pourquoi il a confondu un peu vite succs avec vrit. Aujourd'hui, le mmeproblmeseposeavecladernirevritendate,lascience.Cela,c'estlasuitedel'histoireque

  • nousallonsvousraconter...

  • Glossaire

    Chaman:lechamanismeestunensembledepratiquesfortanciennes,quel'onretrouvesurtous les continents, et qui vise notamment maintenir le bien-tre des individus et descommunauts. C'est un systme complet,mtaphysique,mythologique, rituel, dans lequelcorpsetespritnesontpasspars.Lechamanestceluiquialaconnaissanceetlamatrisedecestechniques.Ilapprendetiloprelorsde"voyages"dansdesralitsnon-ordinairesentatdeconsciencemodifi,provoqugnralementpardesdrogues.

    Lanaturedelamatire,ouducorpsprisengnral,neconsistepointencequ'ilest une chose dure ou pesante ou colore ou qui touche nos sens en quelque faon, maisseulement en ce qu'il est une substance tendue en longueur, largeur, et profondeur.

    PrincipesphilosophiquesFinalisme: doctrine philosophique qui explique l'volution des choses par le but, la fin,poursuivi. Ilyadeuxvariantes.Selon lapremire, l'actionse faitparrtrocausalit,c'est--dire que l'objet futur agit maintenant pour orienter son volution actuelle. Cela supposevidemment une rversibilit du temps. La seconde variante est plus compatible avec lecaractre irrversibledes transformationsdans la Elle consistevoirdans la finalitunesimpleprojectiond'untatfuturdsir.Ontologie:tudedecequesontleschosesenelles-mmes,eninsistantsurcequiconstitueleur"existencerelle",leursubstancedonc,paroppositionleur"apparence".Photon:objetphysiquedemasseetdechargenulles,sedplaantlavitessedelalumire,etcaractrisparsafrquencedevibrationousonnergie.Unphotonmanifesteunenaturela fois ondulatoire et corpusculaire. Par exemple les cellules de l'il ragissent l'aspectcorpusculaire des photons qui constituent la lumire, tandis qu'une antenne de tlvisionragit l'aspect d'onde des photons composants le faisceau lectromagntique vhiculantl'image.Ralismenaf:croyanceconsistantadmettresanscritiquel'existenced'unmonded'objetsmatrielsetdesujetsconscients.Rductionnisme:doctrinephilosophiqueselonlaquellelacomprhensiondesconstituantsles plus lmentaires d'un tre compos suffit rendre compte de son existence et de sonvolution.Onparle souventdu rductionnismecartsien,parcequ'il estditdans le clbre

    : "

    Etendue:"

    "(Descartes, ).

    Weid.

    Discours de la mthode Diviser chacune des difficults que j'examinerai en autant deparcellesqu'ilsepourraitetqu'ilseraitrequispourlesmieuxrsoudre...Conduireparordremespenses,encommenantparlesobjetslesplussimplesetlesplusaissconnatre,pourmonterpeupeu... "

  • Solipsisme:opinionselonlaquelleseuleexistemaconscienceindividuelle, lanatureetlesautreshommesn'ayantpasplusderalitqu'unrve.Ilestunfaitquenotreconsciencenetmoignechacunquedesapropreexistence:jesaisquejepense,maisjenepourraijamaistre assur de l'existence des objets en-dehors de moi, ni de l'existence d'autres tresconscients.La sortiedu solipsismenepeut se fairequeparunpostulat, savoirque jenesuispasleseultreconscient.

  • 3

    "Toutestsubjectif, toutestrelatif", telleest laconclusionquisembleressortirdupremierchapitre.Pourtant, lessuccsremportspar lascienceet la technologie(cf. lesordinateurs,lescentralesnuclaires,leslasers,legniegntique,etc.)nesont-ilspaslapreuvequedanscedomaineaumoinsrgneunecertaineobjectivit?Commevousvousendoutez,leschosessontmoinssimplesqu'iln'yparat.Pourcomprendrepourquoi la sciencenepermetpasd'acqurirdesconnaissancescertainessurlemonde,ilfautnousplongerdanssesracines,siprofondesaujourd'huiqu'ellesensontpresquedevenuesinvisibles.Lapremiredecesracinesestl'outilmmedeconnaissance,lamthode scientifique proprement dite, cense dbarrasser les jugements de toute trace desubjectivit. La seconde est le Modle du Monde sous- jacent toutes les thoriesscientifiques,lemodledelamachine,censtreleprincipeorganisateurdetoutelaralit.Biensr,cettecritiquepistmologiqueneluiferaperdreenriensonefficacit.Ils'agitjustede comprendre les acquis et les limitesde cette science,pour tre enmesure ensuitede lareconstruiresurdesbasesencoreplussolides.LamthodescientifiqueLascience,unehistoireenquatretempsLetournantdcisifdansledveloppementdelasciencemodernesesitueaudbutdu17mesicle, avecnotammentdeshommes commeGalile (1564-1642) etDescartes (1596-1650).Leursrflexionsetleursexpriencesontdonnnaissancelasciencequenousconnaissonsaujourd'hui.Decettelaborationquelquepeumouvemente,nousneretiendronsquequatretempsforts.

    Lesgots,odeurs,couleurs,etc.attachsl'objetdanslequelilsparaissentexisternesont que des mots et n'ont d'existence que dans les corps sensibles, de sorte que sil'animaldisparat,chacunedecesqualitssetrouveabolie,annihile

    LANECESSITED'UNCHANGEMENTDEVISION

    Premier temps. Le point de dpart de leur dmarche est que tout ce qui relve de laperceptionsensorielleetdusentimentestfrappdusceaudelasubjectivit.Galileconstateparexemple:

    "

    ".

  • Deuximetemps.Ilexistequandmmeundomaineolesvritsnepeuventtremisesendoute, c'est celui des mathmatiques. Partout dans l'univers un et un font deux, et lacirconfrenced'uncercleestgaleauproduitdesondiamtreparlaconstantepi.Troisime temps. Puisque tout est douteux sauf les mathmatiques, la science doit seconstruiresurelles.VoicicequeditGalilecepropos:

    "

    "(IlC'estbiensrDescartesquipousseleraisonnementl'extrme,luiquil'gede24ansfaitlerved'unesciencemerveilleusetouteentirefondesurlesmathmatiques.Quatrime temps. Pour atteindre cet objectif, il faut une mthode nouvelle. C'estl'exprimentation,grcelaquellesontliminestouteslescaractristiquesnonsusceptiblesdemathmatisation, comme les sentimentset les significations,pourne retenirquecequiestquantifiableetmesurable,commelaposition,lavitesse,ladimension,lamasse,etc.Deuxsiclesplustard,ClaudeBernard,dansson ,prcise:

    "

    ".Pour tre complet, il convient d'ajouter l'ide de reproductibilit, car c'est de l'observationrpte d'un mme phnomne que peut tre dduite une loi formule en termesmathmatiquesayantporteuniverselle.Etvoil,letourestjou,depuisle17mesicle,toutelasciencefonctionnesurcesbases.Delsesinnombrableset indniablessuccs.Delaussiseslimites,cartropvouloirrduireles phnomnes, on les appauvrit. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la science estincapablededirecequesontlapenseetlaconscience,phnomnespourtantexcessivementcourantspuisquechacunenfaitl'exprience!Ilyaceslimitesdesraisonstrsprofondes.Carlavrit,lesbasesdecettesciencesontbeaucoupplusfragilesqu'ilnesemble.LavritdesmathmatiquesRevenonstoutd'abordsurl'idequelesmathmatiquessontfrappesdusceaudel'infailliblevrit.Unetunfonttoujoursdeuxnousaffirme-t-on.Maisprenezunegoutted'eauetajoutez-yunesecondegoutte,etvousverrezquevousobtiendreznonpasdeuxgouttesmaisuneseule.Etsivous ajoutez un grain de sable un tas de sable, vous aurez toujours un tas de sable.

    Lelivre(del'univers)estcritdanslelangagedesmathmatiquesdontlessymbolessont les triangles, cercles, et autres figures gomtriques sans l'aide desquels il esthumainementimpossibled'encomprendrelemoindremot saggiotore).

    Introductionlamdecineexprimentale

    L'observateur doit tre le photographe des phnomnes. Son observation doitreprsenter exactement la nature. Il faut observer sans ide prconue. L'esprit del'observateur doit tre passif, c'est--dire se taire. Il coute la nature et crit sous sadicte

  • L'argument est futile penseront quelques uns. Pas tant que cela si l'on songe certainsproblmes. Par exemple combien de molcules d'eau doivent s'agrger pour pouvoirconsidrertreenprsenced'unliquideetnonplusd'ungaz?Nulnelesait.Bien sr vous pouvez encore rtorquer que l'important est de bien choisir l'objet de lamesure.Maistes-vousvraimentcertainsd'trealorscapablesd'enfaireunemesurefiable,c'est--dire universellement valable un petit facteur d'imprcision prs. Considrez parexemplecelivrequevoustenez.Sinousvousdemandonsdemesurersahauteur,vousallerprendreunerglegradue,etvoustrouverezsansdifficultqu'elleestgale24centimtres,unoudeuxmillimtresprs.Vousensereztout faitcertains.Supposezmaintenantquenous vous demandions d'effectuer cette mesure non plus avec une rgle gradue encentimtres,maisavecuneminusculerglelongued'undiximedemillimtreetgradueencentimesdemillimtres.L'opration aurait lieu bien sr sous microscope. Vous risqueriez d'tre trs surpris dursultat,carcen'estplus24cmquevoustrouveriez,maispeut-tre25,voire30cm,sansquevousayezfaitaucuneerreur!D'ovientcetcart?Dufaitquelaborduredulivren'estpasparfaitementrectiligne(regardez-laavecunesimpleloupe),votregrandergleesttotalementinapproprielapriseencomptedesminusculesirrgularits.En revanche, lapetite rglepeut suivre tous les contours, cequi ajoute la longueur.Cecimontrequ'unecertainegrandeurd'unobjetn'adesensqueparrapportl'talonquisertlamesurer. Et il n'y en a pas une qui soit plus vraie qu'une autre. Toutes sont galementvalablesconditiondeprciser l'talon,etconditionbiensrqu'aucuneerreurnesesoitglissedans l'oprationmmedemesure : laborduredu livremesurebien24cmavecunerglegradueenmm,etgalement25cmavecunerglegradueencentimedemm!Cettevariabilit en fonction de l'chelle est lie la nature fractale de l'univers. Nous enreparleronsdanslasecondepartie.Autre limite de l'outil mathmatique, la calculabilit. De quelle utilit est une formulemathmatiquequidcritunphnomne,etsurtoutquellevaleurluiaccorder,sil'onestdansl'incapacitdelacalculer?AinsiuneloiaussisimplequecelledelagravitationdeNewtonnepermet pas des calculs rigoureux au-del de deux corps massifs ( titre d'information, lesystme solaire contient, en plus du Soleil, 9 plantes, quelques dizaines de lunes, et desmilliersd'astrodes)[9].Leproblmebiensrempireavec les thories lesplusrcentes,quisontd'uneabominablecomplexit mathmatique. C'est le cas de la physique quantique, o d'incroyablesmanipulationssontrequisespourobtenirdesrsultatsutilisables.Vousprenezparexempleune srie qui ne converge pas (c'est--dire une formulemathmatique prenant une valeurinfinie),vousensoustrayezquelquestermesinfinissortisdevotrechapeau,etvousobtenezun rsultat fini dont vous pouvez faire quelque chose. Cette cuisine est pratiquecourammentenphysiquequantique.Elles'appellelarenormalisation[1 0].Pour ne rien arranger, il existe plusieurs cas o des modles ultrieurement rejets ont

  • permisdescalculsd'unetrsgrandeprcision.Undesplusconnusestl'atomeplantairedeBohr[1 1 ].Laprcisionmathmatiquen'estdoncenrienungagedevrit.Terminons ce panorama en voquant certains excs auxquels conduit ce rductionnismemathmatique.Selonlathoriedel'information[1 2],laquantitd'informationcontenuedanslemot"amour"s'lve23,50,etcellecontenuedanslemot"haine"s'lveprcismentlammevaleur23,50 .Pourtant,pourquiconquecomprendle franais,cesdeuxmotssontloin de se valoir. Cela ne serait pas trop grave si la thorie de l'information tait restecantonneaux tlcommunicationset l'informatique.Malheureusement,depuisquelquesannes,biologistesetneurologistess'ensontentichs,etcroientgrceelletrouverlesclsde la pense. Mais comment expliquer alors que chacun de nous soit capable de faire sifacilement la diffrence entre l'amour et la haine ? Conclusion : on ne se dbarrasse pasaismentdesqualitsetdelasignification.Certainsmathmaticiensl'ontd'ailleurscomprispuisqu'ils essaient de dvelopper des mathmatiques de la qualit et non plus de laquantit[1 3].L'objectivitdel'observationLesecondpointde fragilitde l'dificescientifiqueest lepostulatd'objectivit.Onnousditqu'ilfauttre"photographepassifdesphnomnes",maisest-cepossible?Lemodledelaperceptionlabordanslepremierchapitrenousincitepluttpenserquecetteobjectivitestune illusion,parcequenousvoyonsobligatoirement lemonde travers le filtredenosprsupposs.Nousparticiponslaconstructiondesphnomnes.Supposezquevousvoustrouviezdansunepiceetquenousvousdonnionscetteinjonction:"Cherchez ! ".Vousallezbiensrprotester : "Chercherquoi? "Etnousvousrpondronssimplement:"Cherchez".Vousfaitesdoncletourdelapiceennotantvosobservations:"un canap ; deux fauteuils ; une lampehalogne ; un tapis ; une table basse ". Vousnousrendez compte de vos rsultats, et nous ne pouvons que vous redire de chercher. Moinsenthousiaste, vousvous remettez toutdemmeau travail : " longueur4m ; largeur3m ;hauteur2,5m".Vousn'avezmalheureusement toujourspas trouv.Commece jeustupidecommencevousagacer,voicilasolution:nousvoulionssavoirs'ilnefaisaitpastropfroidpourquebbpuissefairesasieste."Sij'avaissu,direz-vous,j'auraistrouvtoutdesuite".Celanefaitaucundoute.Aucundoutenonplusquelarechercheensciencenesefaitpasautrement:cequevousnecherchezpas,vousne letrouverezpas.Maintsexemplesentmoignent.Nousn'enciteronsquedeuxpournepasalourdirladiscussion.Lependuleenphysiquedsigneunepetitemassequioscilleentantsuspendueauboutd'unfil.AvantGalile,iln'taitvenul'idedepersonnedemesurerladuredecesoscillations.Pourquoi ? Simplement parce qu'une telle dure n'avait aucun sens dans le cadre desconceptionsphysiquesde l'poque,hritiresd'Aristote.Pour les aristotliciens, lependulen'tait en effet qu'un corps pesant retenu par un fil, qui gagnait avec difficult sa positionnaturelle de repos. Par consquent les oscillations en elles-mmes ne prsentaient aucun

  • intrt. Seul comptait la limite le temps global mis pour retrouver l'immobilit. Galilerenversa la perspective enmettant l'accent sur les oscillations et nonplus sur le retour aurepos. Il se dit que le pendule tait un corps qui oscillait en rptant presque le mmemouvement. Il put ainsimettre en vidence le concept de priode, etmontrer qu'elle taitindpendante de l'amplitude des oscillations. Consquence parmi d'autres : la constructiond'horlogesplusprcises,lespendulesjustement.Autre exemple, la thorie de la relativit. Tout le mrite en est gnralement attribu Einstein,etl'onoubliesouventdeciterPoincaretLorentzquienontposlesquationsdebase. Pourquoi l'histoire n'a-t-elle retenu que le nom d'Einstein ? Parce que Poincar etLorentzn'ontpas russi briser le cadrede l'espaceabsolu etdu tempsabsolu, cequi faitqu'ilsn'ontpassutirertouteslesconsquencesdeleursquations.CommeGalile,Einsteincommenapar changer sa faonde voir lemonde, et il put ensuite sansdifficult franchirl'obstaclequiavaitretenusesprdcesseurs[1 4].La conclusion qui ressort de ces observations est que le schma habituel de la recherchescientifique qui, partant de faits objectifs, aboutit une thorie est erron. C'est lasignification donne a priori l'ensemble de l'acte qui oriente la recherche et permet detrouver.Autrementdit,lesobservationsprtendumentobjectivesdelasciencedoiventenfaitautant notre esprit qu'aumonde lui-mme. Elle n'est en cela pas diffrente du premiermodede connaissance, la perception.Mais alors se pose la question de savoir ce qui a ttrouv. Nous ne serons en mesure d'y rpondre qu' l'issue de la seconde partie de cetouvrage.ObservateuretobservLedernierpointdefragilitdelamthodescientifiqueestl'exprimentation.Ellereposesuruneimportantehypothseimplicite: lanon-interfrenceentrel'observateurduphnomneet le phnomne observ. Ce n'est pas le cas dans d'autres disciplines. Chacun sait qu'encuisineparexemple,laqualitdesplatsdpendautantdel'humeuretdel'inspirationdeceluiquilesprpare,quedelaqualitdesingrdients.C'estcequifaitquelacuisineestunartetpasunescience,etqu'ilnesuffitpasdesuivreunerecettelalettrepourtreassurdesarussite.Enscienceen revanche, le suivi scrupuleuxd'unprotocoleexprimental est censgarantir l'obtentiondesmmesrsultats,que lamanipulationsedrouleParis,New-YorkouTokyo,etqu'elleaitlieuaujourd'huioudansunan.C'estcetteconditionseulementqu'ilestpossibledeformulerdesloisdeportegnrale.Quefaut-ilenpenser?L'expriencen'est-ellepasunpeuunartaussi?Supposez que vous ayez tudier un animal aux murs nocturnes. Vous vous munissezd'unepuissantelampetorcheetvousrendezsurleterritoirequ'ilfrquente.Etvousattendez.Les heures s'coulent. Soudain, un bruit. Vous braquez votre torche dans sa direction etdcouvrezunesortedevolatiledansuneimmobilitcomplte,commes'iltaithypnotisparla lumire. Au bout de quelques minutes, vous teignez, et l'entendez alors qui s'loigne.L'exprienceserpte,sibienquelejourvenuvoustesenmesuredefaireunedescription

  • trs dtaille de l'animal. Le bilan est somme toute plutt maigre car votre manire del'observervousl'arvltoujoursimmobile,c'est--diretrsdiffrentdecequ'ilestdanssontatnormal.Biensrvouspourriezconcevoirundispositifmoinsperturbant,maisilleseraittoujoursaundegrouunautre,vousobligeantinterprterlesrsultats,doncintroduireunjugementdevotrepart.Derrire tout dispositif exprimental, il y a cette interrogation : dans quelle mesure lephnomneobservn'est-ilpasengendrparl'actemmed'observation?Sivousallezchezlemdecin avec apprhension et qu'il vous prenne la tension, sa valeur ne sera en rien "normale " mais refltera plutt votre tat dans cette situation particulire, tout faitinhabituelle.C'estvraidel'exprimentationenbiologie.C'est vrai aussi de l'exprimentation en physique, car selon la thorie quantique, unphnomne est dfini par le tout indivisible form par le systme observ et le dispositifd'observation. Ainsi, si vous concevez un dispositif exprimental destin dterminer lapositiond'uneparticule,vousnepourrezconnatrequesaposition,etserezdansl'incapacitd'apprciersavitesseavecprcision.Etsivousconcevezundispositifquiobligeuneparticule se manifester comme une onde, vous la verrez comme une onde et pas comme uncorpuscule,alorsqu'elleestlesdeuxlafoisavantquevousnel'observiez.Cetimportantbiaisdelamthodeexprimentaleinduituneffetpervers:puisquelesentitsobserves sont forces dans des comportements inhabituels, voire anormaux, il devientexcessivement dlicat de tirer des lois gnrales s'appliquant aux cas normaux partir desrsultatsobtenus.Pourprendreunexempleconnu,unedeslimitesdelapsychanalysevientdecequ'elles'estdifiepartirdequelquesobservationsdecaspathologiques.Lascience,uncolosseauxpiedsd'argileRcapitulons : trois des plus importants fondements de la mthode scientifique s'avrentextrmement fragiles : les mathmatiques comme critre de vrit, l'objectivit de ladmarche,etlavaliditdelamthodeexprimentale.Maisalorsseposelaquestiondesavoircomment,endpitdecettefragilit,d'aussinombreuxetimportantssuccsonttobtenus.Le premier argument est d'ordre smantique. Lemot " science " est en effet rserv cesdomainesoleprogrsetl'efficacitnefontaucundoute.Parconsquent,si"anemarchepas",c'estqu'onnefaitpasvraimentdelascience:cf.lesinterminablesdbatssurlestatutdessciencessociales.Le second argument est d'ordre pragmatique, et il consiste interprter l'ensemble de laconstruction scientifique comme un prolongement des outils de survie de l'homme. Pourcomprendre cela, revenons sur l'exemplede la grenouille.Vousvous souvenezque sonilperoit commedes insectesuniquementdespetits objets enmouvement.C'est amplementsuffisantpourqu'ellesurvive.Ils'agitdoncd'uneformedeconnaissancevalideparl'action.Lanaturevritabledesobjets connusn'aaucune importance.Ledispositif fonctionneet lagrenouille survit, ou il ne fonctionnepas et il n'y a plus de sujet de discussion.Demme,

  • danslessocitshumainesengnral,etdanslesgroupesdescientifiquesenparticulier,setransmettentdegnrationengnrationlessavoirslesplusvalables,ausensicid'efficacespoursurvivre.C'est cause du phnomne de la toute-puissance d'unModle duMonde tudi dans lepremier chapitre, que nat la confusion entre efficacit et vrit : on croit atteindre le relalorsqu'onn'afaitqueconstruireundispositifquifonctionne,commel'ildelagrenouille.Le troisime argument expliquant les succs de la science est d'ordre mathmatique. Enprenant un nombre fini de mesures, il est toujours possible de trouver une formulemathmatiquequi approche cette srie avecuneprcisionarbitraire. Si, par exemple,noussuspendonsdes objets auboutd'un ressort, il est facile de constater que l'allongement estproportionnel au poids. Si au lieu d'un ressort nous prenons un fil de laine, les rsultatss'ordonnent beaucoup plus difficilement, ce qui nous conduit plus oumoins rapidement laisserlecasdect.Nousvoyonsdoncunenouvellefoisenuvrelaslectivitdelaperception:enchoisissantdefaireunemesure,unefrontireesttablieentreunminusculedomainejugdigned'treexplor, et tout le restede l'universqui est ignor.Dans l'troitdomaineainsidlimit,nesontretenusquequelquesphnomnesprsentantunergularitsuffisantepourfairel'objetd'untraitementmathmatique.Ilnefautdoncpastresurprissiauboutducomptequelquesphnomnesprennentl'alluredejoliesformulesetfontl'objetdeprdictionsvrifies.Restequ'unimmensepandel'universatlaissdect.Lascience,dumauvaisetdubonAl'issuedecetterflexionsur lavaleurde lascience, il fautprendregardenepas jeter lebb avec l'eau du bain. Il est indniable que la science repose sur des assises fragiles, etqu'ellenesauraitprtendrelavrit.Maisilestnonmoinsindniablequ'elleconstitueunformidableoutilquiafaitsespreuves.Il est donc hors de question de la rejeter impulsivement, comme le font certains, sousprtextequeteloutelrsultatn'estpassatisfaisant.L'importantestdecomprendrecequ'elleest,d'apprhender tant ses comptencesqueses limites,pourtreenmesured'en faireunusageraisonnable.Prenons l'exemple de la mdecine. Bien des critiques mises ces dernires annes sonencontresontjustifies.Maissivoussouffrezd'unecrised'appendiciteaigu,cen'estniunetisane ni un mdicament homopathique qui vous sauvera, mais bien la chirurgie et lesantibiotiques.L'essentiel finalement retenirestque toutes les thoriesontdes limites infranchissables.Employesl'intrieurdeceslimites,ellesdonnentdesrsultatsformidables(c'estainsiquedes antibiotiques soigneusement slectionns agissent efficacement sur des infectionssvres). Mais employes l'extrieur de ces limites, les thories donnent souvent des

  • rsultatsdsastreux( forced'avoirtadministrstortet travers, lesantibiotiquesontsuscit l'apparition de souches microbiennes extrmement rsistantes, tel point que latuberculose, le cholra, et d'autres grandes faucheuses du pass risquent d'tre bientt nouveaud'actualit)[1 5].ConclusionLa mthode scientifique permet seulement de construire des thories provisoires etfragmentairesayantpourvertudefaciliterl'actiondansdesdomainestroitsetprcismentdlimits.Ellenesauraitenaucuncasprtendrefournirunedescriptionfidledelaralit.Ellen'estfinalementgurediffrentedelaperception,cequin'estpaspoursurprendresil'onsonge que les dispositifs exprimentaux ne sont rien d'autres que des extensions de nosorganes sensoriels. C'est galement pour cette raison que derrire toutes les constructionsthoriques, nous trouvons unModle duMonde implicite donn a priori, lemodle de lamachine.Lemonde-machineDescartesetleMcanismeC'estencoreDescartesquenousdevonsl'ideselonlaquellelefonctionnementdel'universestanalogueceluid'unemachine : "

    " (lettre Plempius). Derrirecette formulation simple se cachent en fait des notions assez subtiles, qui valent la peined'tre creuses afin de mieux comprendre les limites de la science actuelle et trouvercommentlesdpasser.La premire notion importante est celle d'tendue, par quoi Descartes entend simplementqu'uncorpsmatrieloccupeunecertainepartiedel'espace.End'autrestermes,lamatrialitd'un corps est seulement une proprit gomtrique : elle commence et s'achve l ocommenceet s'achve l'espace, l'tendue,qu'ildlimite.Parexemplevotre corpset ce livredlimitent deux portions diffrentes d'espace, et correspondent de ce fait deux corpsdistincts, impntrables. Imaginez prsent que vous portiez des vtements trs serrs,commeunetenuedeplonge.Fermezlesyeuxetcontentez-vousderessentirlapressionquis'exercesurvotrecorps.Vousaurezainsiunebienmeilleureimpressionqueparlavuedelamaniredontvousremplissezl'espace.

    L'universestunemachineo iln'yariendu toutconsidrer que les figures et lesmouvements de ses parties

    Pour oprer la rduction de lamatire l'tendue, Descartes a besoin d'un espace qui aitpartoutlesmmesproprits.VoussavezparexemplequelefaitdetransportercelivresurlaLuneousurMarsnevapaschanger ses caractristiques intrinsques,ni lanaturedes loisauxquelles il est soumis. Ce n'est pourtant pas ainsi que les aristotliciens voyaient leschoses.Poureux,l'universtaitconstitude"lieux"possdantdespropritsdiffrentes.

    Ainsi la Terre, suppose immobile au centre de l'univers, tait le lieu de repos des corps

  • pesants,attirsverselleparaffinit,tandisquelecieltaitlelieudereposdel'lment"feu",quesanaturelgreattiraitverslehaut.Lescorpsclestesn'taientdoncpassoumisauxmmes lois que les corps terrestres. Vous comprenezmaintenant la fameuse anecdote deNewton(1643-1727).Onditqu'ileutl'intuitiondelaforcegravitationnelleenvoyanttomberunepomme.

    Enfait,ilralisacetinstantquec'taitlammecausequiprovoquaitlachutedelapommeetquimaintenaitlaLunesursonorbite.Sitouslessavantsquil'avaientprcdn'taientpasparvenuscetteconclusionenvoyantaussitomberdesfruits,c'taitsimplementparcequ'ilsne pouvaient concevoir que monde terrestre et monde cleste taient de mme nature etobissaient aux mmes lois. Newton avait dj dans la tte la conception cartsienne del'espace,etc'estpourquoiilputfranchirlepas.

    Nous venonsde voir quedans lemodledumonde-machine, l'tendue rend comptede lanaturedelamatire:cen'estriend'autrequ'uneportionparfaitementdlimited'unespacepartout semblable lui-mme donn a priori. Comment s'explique alors le changement ?Trs simplement : il se confondavec lemouvement.Cette iden'a toutefois riendebanal.Souvenez-vous par exemple que les Hopis ne conoivent nullement le mouvement maispensent en termes de transformation globale. Si une plante croit, ce n'est pas pour eux cause d'un dplacement de matire du sol vers la plante mais parce qu'elle est dans unedynamiquevolutivequitransformesasubstancemme.

    Au contraire, dans l'approche mcaniste, la substance constitutive de l'univers resteinchange tandis que se font et se dfont des assemblages. Les choses ne changent pasvraiment, ellesbougent.De ldcoulent tant l'atomismemoderneque l'ide selon laquellelesloisdelanaturesontimmuables(lesscientifiquesonttoujoursprouvuneviveaversionl'encontredesloisvariables).Dansuneapprochevolutionnisteaucontraire,commecelledesHopis,c'estlefondlui-mmequichange,entranantalorsdeschangementsdeforme.

    En rsum, le mcanisme est le modle qui explique toutes les proprits des objetsmatrielsparl'tendueetlemouvementseulement.Etsous-jacentecesdeuxnotionsnoustrouvons celle d'espace, ce qui fait finalement de celui-ci l'lment primordial de cetteontologie.Orvousvoussouvenezprobablementavoirludanslepremierchapitrequel'espaceestenpartieuneconstructiondenotreesprit.Parconsquentilnesauraittrepriscommefondementd'unemtaphysique.Labasemmedumodlemcanistes'entrouvefragilise.

    AprsDescartes

    Vouspenserezpeut-trequedepuisDescartesbiendeschosesontchang.Assurment.Iln'ad'ailleurs pas fallu attendre longtemps, car tandis que Descartes considrait que la seuleoriginedumouvementtaitlechoc,commedansunjeudebillardounebilleencaramboleune autre, Newton ajouta avec la gravitation l'ide de force distance. Plus tard, pourrconcilier la physique deNewton avec la thorie lectromagntique deMaxwell, Einsteindveloppa la thoriede larelativitrestreinte,puis la thoriede larelativitgnrale.C'estd'une certaine manire un retour vers Descartes avec une gomtrisation complte o la

  • [1 6]

    gravitationdevientunepropritdel'espace-tempslui-mme.

    Leprixpayerestuneconsidrable complexificationde l'espace,quidevientespace-tempsquadridimensionnel,etcourbedesurcrot!Nousn'entreronspasdanslesdtails,l'essentielretenirtantquel'espaceconservesonstatutprivilgi.

    Les travauxencoursenphysiquevontgalementdanscesenspuisque lesscientifiquesensont construire des espaces 11 dimensions pour essayer d'unifier les quatre forcesfondamentalesde lanature, sansgrandsuccspour lemoment.N'essayezpasd'imaginerquoipeuventbienressemblercesespacescar il s'agitdepuresabstractionsmathmatiquesquenuln'estenmesuredesereprsenter.Quoiqu'ilensoit,cesrecherchesconstituentd'unecertaine manire l'aboutissement du rve de Descartes, o la gomtrie est cense toutexpliquer dumonde.Mme si tout au long de ces tours et dtours les physiciens se sontconsidrablement loigns du modle initial de la machine, un fait demeure, la placeprimordiale occupepar l'espace, ou l'espace-temps, dans toutes ces laborations.Or, nousvenonsdelerappeler,l'espacenepeutvalablementconstituerlefondementd'uneontologie.Par consquent toutes ces constructions sont bancales. Une seule en fait chappe pour lemomentcettecritique,laphysiquequantique,maisnousverronsqu'ellebutteelleaussisurdesobstacles.

    L'homme-machine

    En concevant le mcanisme, Descartes n'avait pas pour seule ambition de fournir unedescription de lamatire et de l'espace. Il voulait galement s'en servir pour expliquer lescomportementsdetouslesobjetsdel'univers,tresvivantscompris:

    " Les fonctionsd'uncorpsvivant suivent toutesnaturellement en cettemachinede laseule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d'unehorloge, ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues " (Trait del'homme).

    Mais du principe philosophique la ralisation scientifique, la distance tait grande. C'estpourquoiilafalluattendrequedenotablessuccssoientobtenusenphysique,lasuitedestravauxdeNewtonnotamment,pourquelessavantsosenttendreledomained'applicationdu modle. Nous le voyons alors envahir progressivement la biologie, la sociologie,l'conomie, etc., jusqu'au point actuel o il exerce son emprise sur toute la socit. Uneabondante littrature existe dj qui dcrit tout cela en dtail. Aussi allons-nous nouscontenterdebalayertrsrapidementlevasteterritoirequeleMcanismecouvredsormais.

    LeMcanismeenvahissant

    Enbiologie,leschosessontonnepeutplusclairesdepuisladcouverteducodegntique:lavien'estriend'autrequ'unevastedansemolculaireorchestreparlesgnes.Voilquiestcens tout expliquer du fonctionnement du vivant. Comme l'a si bien ditMonod dans unouvrage qui fait toujours rfrence : "Les tres vivants sont des machines chimiques ; la

  • [1 7 ]

    [1 8]

    1.

    2.

    3.

    croissance et la multiplication de tous les organismes exigent que soient accomplies desmilliers de ractions chimiques grce quoi sont labors les constituants essentiels descellules... " .

    Cettemachine chimique explique galement l'volution des espces. Trois rgles suffisentpour cela : 1. l'hrdit est entirement contenue dans les gnes ; 2. la seule source devariabilitestlamutationauhasarddumatrielgntique;3.laslectionnaturellesecharged'liminercellesquinesontpasadaptes.

    La psychologie elle-mme devient un chapitre de " mcanique " puisque la pense n'estcense tre rien d'autre que le rsultat de la propagation d'influx nerveux entre desneurones .

    Toutceciestaujourd'huibienconnu.Nousn'insisteronspas.Nousajouteronsseulementquenotresystmemdicalesttoutdroitissudecetteconceptionmcanistedelavie.Commelecorpsestassimilunemachine, lamaladiedevientunesimplemalfonction,dontl'origineestsoitgntique, il s'agitalorsenquelquesorted'undfautde fabrication,soitprovoqueparunagentextrieur,microbeetautresproduitschimiques.

    Puisque lamaladiese trouverduitequelquessymptmes, le rledumdecinse limiteliminer lessymptmes. Ildisposepource fairededeuxarmes, lachirurgied'unepart,quisertrparervoireremplacer(greffes)lespicesdfectueuses,etlesmdicamentsd'autrepart, pour agir sur le fonctionnement mme de la machine molculaire et sur les causesimmdiatesdessymptmes.

    Concernantl'organisationetledveloppementdelasocit,nousretrouvonsunesemblableinfluencedumcanisme,tantdanslesdoctrineslibralesquedanslesdoctrinessocialistes,quinesontenfindecomptequedeuxfacesd'unemmepice.Cetteprofondeconvergence,nouspouvonslarsumerainsi:

    Leseulbonheurdel'hommesetrouvedanslajouissancedesbiensmatriels.Lelibralismecompteluiapportercebonheurenlaissantsedployerlibrementl'activitdesindividus,tandisquelesocialismepensequ'ilfautlacontrleraumaximum.L'accumulationdesbiensmatrielsestrenduepossiblegrcelasciencesynonymedeprogrs.Noussommesenpleinscientisme,quiestlacroyancequelasciencepeutrsoudretouslesproblmes.Sondomained'applicationprivilgipourassurerledveloppementsouhaitestlanature,surlaquelle,enunmot,toutestpermis.

    4. Lersultat,cesontcessocitsquenousconnaissons,atomises,dshumanises,deplusenplusdsespres,suruneTerremutile.

    Leslimitesdelagnralisation

    Cegrandmouvementdediffusiondumcanismeencourtprincipalementdeuxreproches.Lepremierestl'anthropomorphismequientachelemodledsl'origine.Rappelonseneffet

  • qu'il est n tout bonnement de la transposition la nature de construction humaine.Descarteslui-mmeleconstate:

    " Jenereconnaisaucunediffrenceentrelesmachinesquefontlesartisansetlesdiverscorpsquelanatureseulecompose " (Principesphilosophiques).

    Les premires analogies sont tires des premires machines construites par l'homme, savoirleshorloges,automatesetmachineshydrauliques.Puisaufildutemps,denouvellessontconuesquiserventleurtourdemodles:machinesvapeur,machineslectriques,jusqu'auxordinateursd'aujourd'hui.

    Prcisonsquel'anthropomorphismen'aensoirienderprhensible.Ilestparcontretoutfait gnant dans le cadre de cette science qui se prtend dtache de toute subjectivithumaine!

    Succsn'estpasvrit

    Lesecondreprochequenouspouvonsadresserl'encontredecettegnralisationdumodlemcanisteestquel'onatropfacilementassimil"succs"et"vrit",pourpasserensuitesansyprendregardede"vrit""uniquevrit".Nousentendonsparlquelemcanismes'est chang de modle fcond qui se contentait d'orienter les recherches, en dogmeintolrantn'acceptant rienqui le contredise.Tous les chercheursqui ontdes idesun tantsoit peu originales en savent quelques chose. N'ayant pas l'intention d'entrer dans despolmiquesstriles,nouslaissonschacunlesoindetrouverdesexemples.

    Pourtant, il n'tait pas initialement dans l'ide deDescartes de rduire ainsi les choses. Saphilosophie en effet tait dualiste, laissant subsister unmonde spirituel ct dumondematriel. Mais conforte par ses succs, la science a progressivement envoy dansl'inexistence tout ce quin'tait pasmatriel.D'o ce genrede formule, plusque jamais envogue:

    "Jen'accepteenaucunemanirel'opinionquelesphnomnesdel'espritnesupportentpas une description physico-chimique. Tout ce que nous apprendrons jamais,scientifiquement, leur sujet, sera de naturemcaniste. Pour la science, l'homme estunemachine,ets'iln'enestpasainsi,alorsiln'estriendutout ".

    CettecitationdeJosephNeedhamdatedutempsoilfaisaitdesrecherchessurlecerveau.DepuissarencontreavecletaosmeenChine,ilestrevenudespositionsplussages.Toutlemondenepeutendireautant.

    C'est ce rductionnismevisant fairedumcanisme lemodle expliquant toutqui aboutitaujourd'hui, aprs des succs incontestables, d'innombrables blocages et paradoxes. Celaconcerneautantlasciencequelasocitdanssonensemblequiestsafille.

    Citonsenvrac:unemdecinedemoinsenmoinsefficaceetquirefused'admettrelesvertus

  • d'autres approches comme l'homopathie ou l'acupuncture ; un systme conomiquedshumanis,endysfonctionnementcroissant,etauquelpluspersonnenecomprendrien ;unmal de vivre grandissant alors que jamais l'homme n'a connu pareille abondance ; desproblmescologiquesdegrandesampleurs,peut-treinsolubles.Tousceseffetsperversnepeuventplustre ignors. Ils fontd'ailleursdeplusenplus launede l'actualit.Bref,pouravoir voulu rduire lemonde des agitations dsordonnes d'unematire inanime, nousavonsfinipardevenirnous-mmesdelamatireinanimeenagitationdsordonne!

    L'enjeud'uneapprochecritiquedelascience

    La critique que nous venons d'adresser la science se situe sur le seul terrain del'pistmologie, parce que notre intention est de construire, pas de dtruire.Nous voulonstrouverdanslesacquisetleslimitesdecettesciencecequ'ilfautpourenbtirunenouvellepermettant de surmonter ses paradoxes, et d'attaquer efficacement les difficiles problmesauxquelselleseheurteaujourd'huisanssuccs.

    Et si la critique est svre, c'est que l'enjeu est de taille. La science en effet n'est pas unesimple distraction intellectuelle. Elle a depuis longtemps quitt les salons pour infiltrer,pntreretgouvernerl'ensembledenossocits.Ilyadanscetteidebeaucoupplusquelefait que les scientifiques sont comme de nouveaux prtres, qui l'on demande des avisdfinitifssurtout,mmeenmorale.

    Plus important que cela, la vision du monde de la science s'est insinue partout, jusqu'imprgnernotrelangage,modelernotrepense,nospaysages,notreducation,notretravail,brefnotrevie.Seslimitessontdoncaussicellesdenossocits.Lesproblmesdanslesquelselles sont aujourd'hui emptres ne sont pas des problmes particuliers susceptibles derecevoirdesrponsesponctuelles.Leproblmeestglobal,etremonte lavisionmmequileursertdefondement.C'estdoncbienlascience,samthodeetsonmodledumonde,qu'ilfautrenouveler.

    Aucurdelascience

    Le monde, nous l'avons dans notre tte. Chacun possde une reprsentation qui lui estpropre.Maisau-dessusdecesimagespersonnelles,ilyenauneautrequiestvenuesegrefferlentementaufildessicles,sansquenousnousenrendionscompte.Elleestcommunelaplupartdeshommesdelaplanteaujourd'hui.

    Anotreinsu,cemodleestdevenularfrence.Ilestladernirevritendate.IlestenfantdelavisiondeDescartesetdeceuxquiontdveloppsesides.C'estlasciencemoderne.Sessuccssonttelsqu'elleaimprgntoutelasocit.C'estpourcelaquemmesinousn'avonspaslamoindrenotiondescience,nousnepouvonschappersoninfluence,sonemprise.

    Comment en sommes-nous arrivs l ? A l'poque deDescartes, la plus grande confusionrgnait dans les ttes. Toutes les explications semlangeaient et il tait devenu urgent de

  • remettreunpeud'ordre.Descartesaregardautourdeluietavulesmachinesconstruitespar l'homme, en l'occurrence des horloges. Il a donc pris cela comme modle dufonctionnementdetoutelanature.Lamachineestdevenuel'talon.

    Cepointdedpartenvalaitunautreetn'taitpasmauvaisensoi.Nousavonscherch lamachineetnousl'avonstrouve.Trsbienmmepuisquetoutenotretechnologieestenfantdecetterecherche.Desuccsensuccs,ils'estproduitunglissementsansquenousnousenrendions compte. Puisque le monde se comportait comme une machine, nous en avonslogiquement conclu qu'il n'tait effectivement rien d'autre qu'une machine. Et comme ondcouvraitdeplusenplussesrouages,celanousasuffitpourtendrelemodletoute lasocit.

    Et l'esprit dans tout a ? Etant donn qu'il n'tait plus un objet de science, il s'est trouvrelguenmarge,commeunsimplecomplmentpersonneldestinfairepasserlapiluledecetteexistencematriellevidedesens.Ils'estretrouvdansl'art,laspiritualit,l'sotrisme,etc. Cela fait qu'aujourd'hui, il y a en chacun de nous un schizophrne qui sommeille,partagentredeuxvisionsdumonde,celledelamatire,etcelledel'esprit.

    BravoMonsieurDescartes!Votremodleatriomph.Ilnousaapportdegrandsbienfaits,maisnousavons l'impressionqu'il estaujourd'hui enboutde course. Ilnepeutplusnousservir pour aller plus loin dans la connaissance du monde, et il commence mme trefranchementnfastepourlasocit.Ilestpeut-tretempsdechangerdefilm.Maisquelfilm?Rayercompltementcefichuespritquirsistepournegarderquelamatire?C'estdjpresquecompltementfaitetlesrsultatsnesontpastrssatisfaisants:pollution,armesthermonuclaires,dshumanisationdelasocit,etc.Alorssupprimonslamatireetnenousintressonsqu'l'esprit?Lefilmluiaussiestdjpass,etilcontinuemmed'treprojetdansd'autrescontres,sansbeaucoupplusdesuccs.Agrandechelle,seseffetssontterribles:intolrance,intgrisme,guerresdereligion,etc.Alorssionnepeutchoisirl'unoul'autre,choisissonslesdeuxlafois, l'espritet lamatire.Maislnonpluscelanevapas,car nous l'avons vu, il est impossible de concilier ces deux notions qui sont par essenceinconciliables. Il fautdonc trouverun troisimelmentquienglobe la fois lamatireetl'espritetquidecefaitlesdpasse.

  • Glossaire

    Atomisme: doctrine philosophique selon laquelle la matire son niveau ultime estconstitue d'atomes, c'est- -dire de corps minuscules qui, juxtaposs, permettent deconstruire tout ce qui existe. Pour les philosophes de l'antiquit, Leucippe, Dmocrite,Epicure, etc., ces atomes, en tant qu'ils taient littralement inscables, constituaientl'essencedetouteschoses.Laconceptionmoderneaquelquepeuvolu,puisqu'onconsidreaujourd'hui que les atomes sont leur tour constitus de particules plus lmentairesappelesquarks.

    Epistmologie: science de la connaissance. C'est tenter de rpondre ces questions: queconnaissons-nous?Commentconnaissons-nous?Quelleestlavaleurdenosconnaissances?Elle est intimement lie la mtaphysique avec laquelle elle constitue le cur de touterflexionphilosophique.Les grandsphilosophesde l'Occident, lesSocrate,Platon,Aristote,Descartes, Kant, etc., se sont beaucoup occups d'pistmologie. C'est aussi le cas dansd'autres traditions, par exemple le bouddhisme dont elle constitue une des proccupationscentrales.

    Etendue:" Lanaturedelamatire,ouducorpsprisengnral,neconsistepointencequ'ilest une chose dure ou pesante ou colore ou qui touche nos sens en quelque faon, maisseulement en ce qu'il est une substance tendue en longueur, largeur, et profondeur. "(Descartes,Principesphilosophiques)

    Fractal: le nom vient de la dcouverte d'objets gomtriques tranges n'ayant pas unedimension entire mais une dimension fractionnaire. On sait par exemple concevoir descourbes de longueur infinie " tales " sur une surface finie. Il ne s'agit donc en fait ni decourbes, qui sont dotes d'une dimension gale 1, ni de surfaces, de dimension 2, maisd'objets intermdiaires. L'tude de ces objets, souvent produits par itration, a conduit mettreledoigtsurlagrandeimportancedel'chelledanslesphnomnes.

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    VERSUNENOUVELLEVISION

    Queconnaissons-nous?Commentconnaissons-nous?Quelleestlanaturedelaralit?Aupointonoussommesparvenus,iln'estpasfacilederpondrecesquestions.Toutcequenouspouvonsdiredecertain,c'estquepaspluslessensquelasciencenedonnentaccslanaturemmedumonde.Ilsnefontqueconstruiredesmodles,desapparencesdirons-nous, partir d'une part de prsupposs, et d'autre part de quelque chose qui existe bien l au-dehorsmaisdontlanaturevritablechappenosoutilsdeconnaissance.

    A partir de l deux attitudes sont possibles : ou bien considrer que la ralit estirrmdiablement inaccessible, auquel cas nous serions condamns empiler dans ledsordre des couches de connaissances, souvent incompatibles entre elles, avec tous lesrisquesquecelaimplique;oubienconsidrerquelanaturerelledeschosespeuttresinonatteintedumoins approche, cequi ouvrirait laporte une sciencenouvelle la foispluspuissanteetmoinsdangereuse.Pouruncertainnombrederaisonsquivontapparatredanslecoursdecechapitre,notreprfrencevarsolumentcettesecondeattitude.

    La dmarche est ambitieuse, voire dmesure.Mais dans les circonstances actuelles, il estplus que temps d'oser refaire de la mtaphysique. Le mot est lch. Il ne doit pas vouseffrayercarc'estcequevousavez faitdepuis ledbutsans lesavoir.Cen'estsommetoutepastropdouloureux,n'est-cepas?

    Au coursde ce travailde reconstruction, vous serezpeut- tre surprisdene trouver aucundveloppementsurlathoriedessystmes,lathoriedelacomplexit,lathorieduchaos,etautres structures dissipatives, qui font grand bruit depuis quelques temps, au point quecertains veulent y voir la base d'un renouveau de la science, et la solution tous lesproblmes, ceux de l'homme comme ceux de la plante. La raison de cette omission estsimplement que ces thories ne s'attaquent nullement aux problmes de fond soulevsprcdemment. Elles constituent au mieux des prothses qui corrigent quelquesimperfectionset insuffisancesdumcanisme,enaucuncasunenouvellemtaphysique.Enrevanche,intgresdansuncontextediffrent,ellespourraientservlerplusfcondes.

    Revenons notre problme : comment faire pour trouver des assises solides laconnaissanceaprsavoirmontr l'incontournablesubjectivitdesperceptionset la fragilitdes fondements de la science ? En fait nous avons rcolt en cours de route un certainnombred'acquis,notamment :1.qu'il fautsegarderde faire jouer l'espace-tempsunrleprivilgi ; 2. que les expriences, pour tre utiles, ne doivent pas concerner des caspathologiquesmais des situations parfaitement normales.Guids par ces remarques, nousallonsexaminerquelquesfaits,l'unconcernantlaphysique,l'autrelabiologie,etletroisime

  • lapsychologie.Cesobservationsdevraientnousaidermodifierleregardquenousportonssur lemonde, et partant trouver quelque chose de solide derrire toutes les apparencesfragiles.

    Physique:lesfentesd'Young

    L'exprience de physique par laquelle nous commenons est connue sous le nomd'exprience des fentes d'Young. Diverses variantes existent, que nous allons dcriresuccessivementpourbiencomprendreleproblme.

    Lapremirevarianteestreprsentesurlafigure2.

    Des particules macroscopiques, comme des petits cailloux ou des billes de plomb, sontprojetesuneuneendirectiond'uncrandtecteur.Pourl'atteindre,ellesdoiventtraverserune plaque perce de deux fentes. Le rsultat obtenu aprs un certain temps defonctionnement est une accumulation de particules sur l'cran en face de chaque fenteprcisment. La densit de particules en fonction de la position revt cette forme deuxbossesquevouspouvezvoirsurlafiguredroitedel'cran.

    Dansuneautrevariantereprsentesurlafigure3,lasourcedeparticulesestremplaceparune source d'ondes monochromatiques, c'est--dire ayant toutes la mme frquence. Ce

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    peuventtredesondesd'eau,commevouspouvezenvoirlorsquevousfrappezunetenduecalme,oudelalumire.Lersultatobtenuesttrsdiffrentducasprcdentpuisquevousvoyez alterner rgulirementdes rgionsde forte intensit et des rgionsd'intensitnulle.Celaestdaufaitqu'uneondepassesimultanmenttraverslesdeuxfentes,etqu'ensuiteles deux ondes rsultantes interfrent entre elles. " Interfrer " veut dire que les ondes sesuperposent,desortequedeuxcrtess'additionnent,etqu'unecrteetuncreuxs'annulentcommelevoyezsurlafigure4.

    Dans une troisime variante, la source devient une source de particules quantiques(lectrons, photons, neutrons, etc.), qui sont projetes une une en direction de l'cran,commelemontrelafigure5.

    Lersultatobtenucettefoisesttoutfaitsurprenantpuisqu'ilprendlaformecaractristiquedes ondes et non pas des particules ! Les particules ayant t projete une une, la seulemanire d'expliquer le phnomne est de dire, comme le fait la physique quantique, quechacuneauncomportementd'onde, cequi la conduitpasser travers lesdeux fentesenmme temps et interfrer avec elle-mme. C'est la fameuse complmentarit onde-corpusculedumondedel'infinimentpetit .

    Envisageons prsent la variante de l'exprience prcdente dcrite sur la figure 6, quiconsistesimplementinterposerunobstaclederrirel'unedesfentes.

  • Lersultatobtenuestnouveauenaccordavec lebonsenspuisqu'ilprend la formed'unesimplebossederrirelafenteresteouverte(ils'agitenfaitd'unefiguredediffraction,maisnechipotonspas,celanechangeriennotredmonstration).

    Lacomparaisonentre cesdeuxderniresexpriencesnousamneaucurduproblme. Ilestlogiquedepenserquel'tatdelaparticulequantiqueestlemmedanslesdeuxcastantqu'elle n'a pas atteint l'obstacle. D'une certaine manire, si l'on en croit la physiquequantique,elleestuneondequis'talesurl'espacedesdeuxfentes(plusprcismentelleesttalesurtoutl'espace).Seulementvoil:siellenerencontrepasd'obstacle,elleconserveuncomportementd'onde,jusqu'l'cranoelleinterfreavecelle-mme;parcontre,sielleseheurte l'obstacle,ellepeutredeveniruneparticuleetpassercommetellepar le trourestouvert.Autrementdit,nousvoici enprsenced'uneparticulequipasse traversune fenteparcequed'unemanireoud'uneautreelle"sait"quel'autrefenteestferme!Laquestionque soulvent ces expriences est finalement celle-ci : comment une particule quantiquepeut-elle savoir qu'une des fentes est ferme, et tirer partie de cette information pour semanifester ailleurs, c'est--dire l'autre fente ? Nous n'avons videmment pas encore derponse. Tout ce que suggrent ces rflexions, c'est que cette matire qui nous constitueressemble plus par certains aspects de la pense, de l'information, qu' de l'tendue.Contentons-nouspourlemomentdecetteconclusionvague,sanschercherencoreprciserlestermes.

    Apartsurlaphysiquequantique

    Avantdepasserlabiologie,profitonsdel'occasionpourdirequelquesmotsdelaphysiquequantique. A plusieurs reprises, nous nous sommes servis d'expriences inspires de cettethorie (fentes d'Young et EPR) pour faire d'importantes rflexions sur la ralit. Enrevanche,nousn'avons jamais franchi lepas consistant tirerde la thorie elle-mmedesconclusions sur la nature du rel. Certains par exemple n'hsitent pas conclure l'indterminismefondamentaldumondecausedel'indterminismedelathorie.D'autresse servent carrment de la physique quantique pour rendre compte des phnomnesparanormauxoude l'originede l'univers.Nousestimonsque c'est aller trop loin.Pourquoitantdeprudencedenotrepart?Pourlecomprendre,ilnousfautd'abordexpliquerlanotionderalismephysique.

  • C'est trs simple en vrit. Si vous tes un biologiste qui travaille sur des gnes, alors laralit de ces gnes ne fait pour vous aucun doute, mme si vous ne les voyez qu'avecdifficult. Si vo