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N o 36 septembre - décembre 2005/III ISSN 0378-5092

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No 36 septembre - décembre 2005/III ISSN 0378-5092

Europe 123, GR-570 01 Thessalonique (Pylea)Adresse postale: PO Box 22427, GR-551 02 ThessaloniqueTél. (30) 2310 490 111 Fax (30) 2310 490 099E-mail: [email protected] Page d’accueil: www.cedefop.eu.intSite interactif: www.trainingvillage.gr

Revue européenne Formation professionnelle

No 36 septembre - décembre 2005/III

10 - 20 - 30

Recherche et réflexions théoriquesVers un modèle de production néo-artisanal de services sur mesure numérisés? Alain d'Iribarne

Apprentissage expansif: possibilités et limites de la théorie scientifique du sujet Anke Grotlüschen

Les défis de la réforme de la FEP pour le corps enseignant: vers une perspective d’apprentissage tout au long de la vie Bernhard Buck

Le baccalauréat professionnel français: espace de transition plurielle pour les jeunes Bénédicte Gendron

Élargissement de la participation dans l’enseignement et la formationtechniques et professionnels: l’expérience roumaine Lucian Ciolan,z Madlen S,erban

Statistiques comparables au niveau international sur l’éducation, la formation et les compétences: état des lieux et perspectives Pascaline Descy, Katja Nestler, Manfred Tessaring

Lier la recherche, la politique et la pratique en matière de formation et d’enseignement professionnels: une vue personnelle George Psacharopoulos

Rubrique bibliographique réalisée par le service de documentationdu Cedefop, avec l’appui des membres du réseau européen deréférence et d’expertise (ReferNet)Anne Waniart

Prix au Luxembourg, TVA exclue:Par numéro EUR 12Abonnement annuel EUR 25

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CedefopCentre européen

pour le développementde la formationprofessionnelle

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Le Cedefop apporte son concours à la Com-mission en vue de favoriser, au niveau com-munautaire, la promotion et le dévelop-pement de la formation et de l’enseigne-ment professionnels, grâce à l’échange d’in-formations et à la comparaison des expé-riences sur des questions présentant un in-térêt commun pour les États membres. Le Cedefop constitue un lien entre la re-cherche, la politique et la pratique en ai-dant les décideurs politiques, les partenairessociaux et les praticiens de la formation, àtous les niveaux de l’Union européenne, àacquérir une compréhension plus claire desdéveloppements intervenus en matière deformation et d’enseignement profession-nels, leur permettant ainsi de tirer des conclu-sions en vue de l’action future. Par ailleurs,il encourage les scientifiques et les cher-cheurs à identifier les tendances et les ques-tions futures.La Revue européenne «Formation profes-sionnelle» est prévue à l’article 3 du règle-ment fondateur du Cedefop du 10 février1975.Il n’en demeure pas moins que la Revue estindépendante. Elle s’est dotée d’un comitéde rédaction évaluant les articles selon laprocédure du double anonymat - les membresdu comité de rédaction, et notamment lesrapporteurs, ignorent qui ils évaluent, etles auteurs ignorent par qui ils sont évalués.Ce comité, présidé par un chercheur aca-démique reconnu, est composé de cher-cheurs scientifiques auxquels s’adjoignentdeux experts du Cedefop, un expert de laFondation européenne pour la formation(ETF) et un représentant du Conseil d’ad-ministration du Cedefop.La Revue européenne «Formation profes-sionnelle» dispose d’un secrétariat de ré-daction composé de chercheurs scienti-fiques confirmés.La Revue figure sur la liste des revues scien-tifiques reconnue par l’ICO (Interuniver-sitair Centrum voor Onderwijsonderzoek)aux Pays Bas et est indexée à l’ISBB (Inter-national Bibliography of the Social Sciences).

FORMATION PROFESSIONNELLE NO 35 REVUE EUROPÉENNE

Si vous souhaitez contribuer par un article, cf. page 92

Publié sous la responsabilité de:Aviana Bulgarelli, DirectriceChristian Lettmayr, Directeur adjoint

Responsables de la traduction:Sylvie Bousquet;Amaryllis Weiler-Vassilikioti

Maquette: Zühlke Scholz & Partner GmbH, Berlin

Couverture: M. Diamantidi S.A., Thessalonique

Production technique avec micro-édition:M. Diamantidi S.A., Thessalonique

Clôture de la rédaction: juin 2005

Reproduction autorisée, sauf à des fins com-merciales, moyennant mention de la source.N° de catalogue: TI-AA-05-036-FR-C

Printed in Belgium, 2006

La publication paraît trois fois par an en allemand,anglais, espagnol, français et portugais.

Les opinions des auteurs ne reflètent pas obligatoirement la position du Cedefop.Les auteurs expriment dans la Revue européenne «Formation professionnelle» leuranalyse et leur point de vue individuels qui peuvent être partiellement contra-dictoires. La Revue contribue ainsi à élargir au niveau européen une discussionfructueuse pour l’avenir de la formation professionnelle.

Comité de rédaction:Président:Martin Mulder Université de Wageningen, Pays-BasMembres:Steve Bainbridge Cedefop, GrèceIreneusz Bialecki Université de Varsovie, PologneJuan José Castillo Université Complutense de Madrid, EspagneEamonn Darcy Training and Employment Authority - FÁS, Irlande,

Représentant du Conseil d’administration du CedefopJean-Raymond Masson Fondation européenne pour la formation, Turin, ItalieTeresa Oliveira Université de Lisbonne, PortugalKestutis Pukelis Université Vytautas Magnus de Kaunas, LituanieHilary Steedman London School of Economics and Political Science,

Centre for Economic Performance, Royaume-UniGerald Straka Groupe de recherche LOS, Université de Brême, AllemagneIvan Svetlik Université de Ljubljana, SlovénieManfred Tessaring Cedefop, GrèceÉric Verdier Centre National de la Recherche Scientifique,

LEST/CNRS, Aix en Provence, France

Secrétariat de rédaction:Erika Ekström Ministère de l’industrie, de l’emploi et de la

communication, Stockholm, SuèdeAna Luísa Oliveira de Pires Groupe de recherche Éducation et Développement -

FCT, Université Nova de Lisbonne, PortugalTomas Sabaliauskas Centre de recherche sur l’éducation et la formation

professionnelle, Kaunas, LituanieEveline Wuttke Université Johannes Gutenberg, Mayence (Mainz),

Allemagne

Rédacteur en chef:Éric Fries Guggenheim Cedefop, Grèce

Secrétaire de la revue:Catherine Wintrebert Cedefop, Grèce

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Sommaire

10 - 20 - 30 .............................................................................................................................

Recherche et réflexions théoriques

Vers un modèle de production néo-artisanal de services sur mesure numérisés? ...................................................................................................Alain d'IribarneCet article présente une réflexion sur un modèle de production en cours d’émergence enrelation avec le développement d’Internet et permet de mieux comprendre les jeux et en-jeux nationaux autour des recompositions actuelles concernant le travail et les besoinsen formation.

Apprentissage expansif: possibilités et limites de la théorie scientifique du sujet .......................................................................................................Anke GrotlüschenSelon une théorie de l’apprentissage répandue en Allemagne, pour pouvoir apprendre demanière expansive, l’apprenant doit reconnaître le sens des contenus de l’apprentissagepour le monde dans lequel il vit. La théorie scientifique du sujet autrefois contestée estmaintenant remise à l’honneur dans la recherche de deuxième génération sur la for-mation continue.

Les défis de la réforme de la FEP pour le corps enseignant: vers une perspective d’apprentissage tout au long de la vie .....................................Bernhard BuckLa capacité de la FEP à jouer un rôle essentiel dans l’apprentissage tout au long de lavie dépend de la disposition des enseignants à intégrer des mesures de réforme comple-xes dans leur travail quotidien et de la capacité des établissements de FEP à faire face auchangement.

Le baccalauréat professionnel français: espace de transition plurielle pour les jeunes ................................................................................................Bénédicte GendronLe baccalauréat professionnel français apparaît représenter pour les apprenants un espa-ce et une période de transition plurielle: de l’échec vers le succès, du manque d’assuran-ce vers la confiance en soi, de la dépendance vers l’autonomie, de l’enfance vers la ma-turité, de l’école vers le travail.

Élargissement de la participation dans l’enseignement et la formationtechniques et professionnels: l’expérience roumaine ..............................................Lucian Ciolan, Madlen S,erbanDans les économies de transition comme celle de la Roumanie, l’amélioration de la qua-lité de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) passe par lerenforcement de la participation des différents acteurs (partenaires sociaux). L’actionconcertée de ces partenaires doit être soutenue par des mesures politiques appropriéesen matière tant de gestion que de transmission et d’acquisition des connaissances.

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Statistiques comparables au niveau international sur l’éducation, la formation et les compétences: état des lieux et perspectives ....................................Pascaline Descy, Katja Nestler, Manfred TessaringCet article, avec le tableau qui l’accompagne, présente une vue d’ensemble des statistiquescomparables au niveau international sur l’éducation, la formation et les compétences. Ilentend attirer l’attention sur l’absence de certaines donnés essentielles et renforcer la trans-parence quant aux sources de données disponibles, à leur potentiel et à leurs limites.

Lier la recherche, la politique et la pratique en matière de formation et d’enseignement professionnels: une vue personnelle ........................................George PsacharopoulosLa recherche montre qu’il est plus rentable d’investir dans l’enseignement primaire ou se-condaire général que dans un enseignement professionnel/supérieur plus coûteux. Unrôle plus important devrait être laissé à l’individu en matière d’investissement dans la for-mation professionnelle et le secteur privé devrait élargir son offre dans ce domaine.

À lire

Choix de lectures .............................................................................................................Anne WaniartRubrique réalisée par la service documentation du Cedefop,avec l’appui des membres du Réseau européen de référence et d’expertise (ReferNet)

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Introduction

Les chercheurs spécialistes du travail et dela formation professionnelle observent avecconstance les transformations du travail quis’opèrent au cours du temps dans les diffé-rents pays, essayant de décrire le mieux pos-sible les mouvements observés, cherchant àles expliquer et à leur donner un sens. Lesrecherches en la matière sont abondantes etparticulièrement riches par leur diversité,comme le montrent par exemple les nom-breux articles publiés en France dans les re-vues Sociologie du Travail et Formation Em-ploi, ou ceux publiés à l’échelon européendans la Revue européenne Formation pro-fessionnelle. Nous connaissons en outre lesinterrogations et les débats qui, au fil dutemps, se sont noués à propos des techno-logies comme déterminants de la transfor-mation du travail et des qualifications. Avecdes variations d’un pays à l’autre en fonctiondes situations empiriques observées et desprésupposés théoriques dominants, ces in-terrogations et débats ont eu lieu tout au longdes années 70 à propos de l’organisation tay-lorienne du travail et de la mécanisation, re-prenant de plus belle dans les années 80 et90 autour de l’évolution du travail et des qua-lifications dans des entreprises «post-taylo-riennes» qui s’informatisaient.

On les a vus réapparaître depuis la fin desannées 90 et le début des années 2000, avecl’arrivée des nouvelles générations de «tech-nologies de l’information et de la commu-nication» (TIC ou NTIC), dans un contextede mondialisation et de développement desactivités de service (Iribarne, 2001), les ques-tions posées étant récurrentes: quelles sontles transformations actuelles du travail et desactivités professionnelles effectivement ob-servables? À quoi attribuer ces transforma-tions? En quoi remettent-elles en cause lescapacités professionnelles jusque-là requises?En quoi ces évolutions sont-elles bénéfiques

ou au contraire constituent-elles de nouveaux«dégâts du progrès», pour qui et dans quellesconditions? Quelles politiques mettre en pla-ce pour y remédier ou, encore mieux, leséviter? Il y a là autant de questions qui sontd’autant plus lourdes pour les théoriciens etles praticiens qu’elles renvoient à des inter-rogations sur la manière dont sera structu-rée l’organisation productive dans cette«société de l’information» en train de se fai-re ou, mieux, dans cette «société de la connais-sance», qui, on le sait, est devenue le credode l’Union européenne depuis la publicationen 1993 du Livre blanc consacré à la crois-sance, la compétitivité et l’emploi, et qui aété politiquement entérinée lors du sommetde Lisbonne de 2000 (CEE, 1993).

Face à des mouvements qui se manifestenttant au sein d’un même pays que d’un paysà l’autre, notre intention n’est pas de pro-poser une nouvelle «théorie du capitalisme»(Boyer, 2004). Elle est — plus modestement— de proposer un cadre analytique et in-terprétatif permettant de mieux caractériserce qui constitue une nouvelle étape dans larencontre dynamique entre des technolo-gies et des organisations productives au seinde nos sociétés. Nous nous appuyons surl’idée que cette étape s’inscrit beaucoup plusdans une continuité que dans une ruptureavec les étapes précédentes, le mouvementse faisant à travers des jeux continuels dedéconstruction/reconstruction de normes,aussi bien de marché que d’emploi, de tra-vail et de compétences.

Pour caractériser cette étape, notre raison-nement s’appuiera sur une double pers-pective «régulationniste» et «sociétale». Cesperspectives sont destinées à mettre en re-lation des «universaux» — paradigmes et mo-dèles — avec des «singularités» — les so-ciétés dans lesquelles ils viennent prendreleur forme concrète par leur mise en œuvre.En conséquence, des enseignements venant

Vers un modèle deproduction néo-artisanal de servicessur mesure numérisés?

Les réflexions sur les re-compositions en cours, qui,combinées avec la diffusiond’Internet, touchent aussi bienle contenu du travail que lescapacités professionnelles re-quises par les employeurs, ouplus globalement les relationsformation/emploi, laissent àpenser que nos sociétéscontemporaines sont confron-tées à l’émergence d’un nou-veau paradigme productif.Pour décrypter ces recom-positions et leur donner unsens, il est proposé de lire ceparadigme comme corres-pondant à l’émergence d’unmodèle productif qui asso-cierait néo-artisanat et pro-duction de services sur me-sure numérisés. Ce nouveaumodèle, dont le moteur prin-cipal est plus économique quetechnologique, s’inscrit dansles dynamiques à long termede déconstruction/recons-truction du modèle taylo-rien/fordien et de l’État pro-vidence qui ont commencé àla fin des années 1970.

Alain d’IribarneDirecteur de recherche auCNRS,

Laboratoire d’économie et desociologie du travail (LEST),Aix-en-Provence

des recherches antérieures - en particuliercelles basées sur des comparaisons interna-tionales -, nous avons retenu comme uni-versaux les modèles économiques, tech-nologiques, organisationnels et gestionnairesqui concourent à la constitution des para-digmes productifs, et comme singularités lesconstructions «sociétales» nationales (1). L’en-semble est construit sur des bases systé-miques (2), tout en considérant que, dansl’état actuel des choses, c’est avant tout «l’éco-nomique» qui tire l’ensemble du système,que «le social se saisit de la technique au-tant que la technique se saisit du social» etque les techniques sont des «outils forma-tés» par les deux autres composantes du sys-tème, principalement par l’économique.

Sur cette base, il nous semble que les mou-vements en cours, qui concernent aussi bienle travail, l’emploi et les capacités profes-sionnelles requises que l’éducation/forma-tion, peuvent d’autant mieux se comprendrequ’on les situe dans le cadre interprétatif del’«@-production». Ce cadre met l’accent surun paradigme productif qui s’appuie surun nouveau modèle de production «néo-artisanal de services sur mesure numérisés»en cours d’émergence. Il est lié à l’arrivéed’Internet dans les organisations productivesau milieu des années 90 (3) et se trouve enfiliation directe avec un modèle précédent,auquel il est étroitement mêlé: un modèlequalifiable de «postindustriel de singularitéstandardisée», qui a commencé à émerger audébut des années 80 et dont il constitue undéveloppement. Ainsi apparaît la «learningenterprise» à coté de la «lean enterprise». Demême, on voit se superposer le «knowledgemanagement» au «management participatif»,tandis que la logique de réseau, supportéepar l’allégorie de la «net enterprise», se gé-néralise, tout en se spécifiant.

L’organisation productive et lesnormes de marché

Ayant désigné ce nouveau modèle pro-ductif sous le vocable de «néo-artisanal deservices numérisés», il nous faut au moinsen expliciter les caractéristiques en relationavec les termes retenus pour le désigner, sa-chant que ces caractéristiques sont avanttout liées à des normes de marché.

Le qualificatif de «services sur mesure» viseà mettre l’accent sur l’initiative du secteurproductif qui affiche la production de «rela-tions de services» comme étant la base de

ses activités (De Bandt et Gadrey, 1994). Cet-te relation peut venir en complément de laproduction de biens industriels ou l’englo-ber: ceux-ci seraient en quelque sorte dis-sous dans la relation de services. Face à desclients qui tendent à leur échapper, le pro-blème principal des entreprises et d’essayerd’obtenir un avantage concurrentiel stableen les conquérant et en les fidélisant. Pourcela, elles affichent la volonté de leur of-frir des services sur mesure, de façon à leurdonner le sentiment d’être en situation d’hy-per-choix: les entreprises essaient de vendredes sentiments de liberté. Ainsi s’expliquepourquoi il est dit qu’on passe d’une éco-nomie de la diversité à une économie de lasingularité. Dans le même temps, les pres-sions exercées sur les coûts de revient n’étantpas près de se relâcher, les pressions exer-cées en faveur d’une «néo-industrialisation»massive de ces services ne sont pas près dese desserrer.

Le qualificatif de néo-artisanal est proposéparce que la relation de service singularisée,même si elle est fortement codifiée et mé-diatisée par des «artefacts» techniques, exige,pour fonctionner convenablement, de don-ner l’impression au client qu’il est une per-sonne que l’on écoute et qu’on est capablede répondre directement et intégralementà son problème, même si on a besoin, pourcela, d’assistance. On retrouve ainsi les basesde l’artisanat traditionnel: les entreprises es-saient de vendre à leurs clients le sentimentqu’ils existent et la logique de «métier» refaitson apparition (Capdevielle, 2001).

Le qualificatif de «numérisé» vient de ce queles nouvelles générations de technologiesde l’information et de la communication sontappelées à devenir le support privilégié deces services, soit directement en étant inté-grées dans le service offert, soit indirecte-ment en assistant sa production. Elles sont,en effet, totalement fonctionnalisées dansun modèle qui cherche à évoluer vers unmodèle de «fluidité», voire de «liquidité», àpartir de celui de flexibilité/adaptabilité/créa-tivité.

Dans ce modèle, les structures productivesles plus puissantes cherchent systématique-ment à se débarrasser de tout actif matériel.Elles utilisent ensuite ces actifs sous forme«d’intrants», de préférence loués quand ils’agit de capital fixe, ou achetés à termequand il s’agit de capital circulant. Les fonc-tions gardées systématiquement en propre,

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(1) Les comparaisons internationalesmontrent qu’il existe pour chaquesociété des façons de construire lesinstitutions et des organisations quileurs sont spécifiques et qui, en par-ticulier, structurent leur façon deproduire et de travailler (Maurice etSorge, 2000). En outre, ces construc-tions ne peuvent pas se comprendresans la prise en compte de traits ca-ractéristiques qui peuvent être qua-lifiés de «culturels». Ces traits sont,en effet, suffisamment stables pourstructurer des représentations et descomportements de leurs membresdans leurs relations sociales et, enparticulier, dans leurs façons de «tra-vailler ensemble» (d’Iribarne, 1989).

(2) Suivant la perspective tracée parB. Gilles (Gilles, 1978).

(3) Il existe de grandes différencesentre ce qui est dit dans la littéra-ture volontariste sur l’«e-enterprise»,qui est quasiment présentée com-me un fait acquis, et la réalité, quimontre une migration lente de l’in-formatique précédente vers cette«e-entreprise» (DARES, 2001).

sans partage, sont celles qui permettent degénérer la production de valeur et de contrô-ler sa valorisation: c’est-à-dire les fonctionsde conception/création et de contrôle desdroits de propriété. Les fonctions de com-mercialisation et de R&D font l’objet de plusd’interrogations et de partenariat. Pour lesentreprises qui œuvrent dans la sphère dela matière, l’ambition est de se rapprocherdes modes de fonctionnement des entre-prises commerciales et, encore mieux, desentreprises financières d’intermédiation. Eneffet, celles-ci n’ont pratiquement que desactifs circulants ou des actifs immatériels,d’où les notions de hollow entreprise ou«d’entreprise virtuelle» (Ettighoffer, 2001).

D’une certaine façon, le modèle de l’entre-prise de production performante devient ce-lui de l’entreprise de production cinémato-graphique, dont l’existence concrète est liéeà des projets qui se succèdent dans le temps.Le projet l’emporte sur la structure pérenne,et l’entreprise n’a en immobilisation propreque les ressources nécessaires pour assurerla «gouvernance» des projets: il s’agit des res-sources nécessaires pour le contrôle de leurconception et de leur réalisation conformé-ment à un cahier des charges, ainsi que pourle contrôle de la valorisation des ressourcespropres engagées. Ainsi, la logique de désa-grégation concrète de l’entreprise pérennese poursuit, tandis que la logique de pilo-tage d’organisations éphémères agrégeantdes ressources multi-origine et multi-pro-priété, tend à l’emporter, accréditant la no-tion d’entreprise en réseau (4).

Dans ce modèle, les PME poursuivent leurmontée en puissance au côté des grandesentreprises: non seulement elles deviennentproportionnellement encore plus nombreuses,mais surtout elles tendent à devenir les prin-cipaux employeurs. C’est donc dans leur«magma» que se joue de plus en plus l’ave-nir des normes d’emploi et de travail. Dansla littérature, ces PME sont agencées suivantdeux modèles de réseaux qui sont en concur-rence élargie:

❑ L’«entreprise réseau»: elle correspond àla poursuite/achèvement de la désagréga-tion de la grande entreprise qui, «se recen-trant sur son métier», réduit encore plus lepérimètre de son «noyau dur» et des res-sources qui lui sont associées. Celle-ci seplace en posture de contrôle du réseau qu’el-le fait fonctionner sur des bases «verticali-sées» et dont elle attend un retour sous la

forme d’une valorisation maximale de sesactifs propres à travers une flexibilité/adap-tabilité qui lui manquait. Ses avantages concur-rentiels résident dans sa puissance, qui luipermet de se présenter sur de gros marchéset de faire des économies d’échelle en R&D,ainsi que sa capacité stratégique à positionnerconvenablement l’ensemble du réseau surdes chaînes de valeur et à trouver les bonsbusiness models qui leurs sont associés,ce qui n’est pas évident.

❑ Le «réseau d’entreprises»: il cherche, lui,à gagner en taille pour pouvoir entrer encompétition avec les réseaux précédents.Pour cela, il procède à des agrégations,sur des bases plutôt égalitaires, d’ensemblesd’entreprises généralement de taille petiteou moyenne. Ces réseaux tirent leurs avan-tages comparatifs de leur flexibilité/adapta-bilité/créativité dans la prestation de servi-ce, par la mutualisation de leurs ressources,qui leur permettent de réaliser des écono-mies d’échelles tout en leur assurant, à tra-vers leur singularité, des capacités de ser-vices de proximité. Ces réseaux sont sou-vent présentés comme étant constitués surdes bases territorialisées, en prolongementdes logiques sous-jacentes aux districts in-dustriels de l’Italie du Nord (Bagnasco, Sa-bel, 1994).

Dans un cas comme dans l’autre, les clientssont destinés à être intégrés dans les réseauxnon seulement comme consommateurs, maiségalement comme coproducteurs de servicesen application de la notion de «servuction»(Eiglier et Langeard, 1987), d’autant plus queles services offerts sont pour leur totalité des«services en ligne», comme avec l’«e-procu-rement» et l’«e-commerce». Ils sont censés êtreau cœur de l’entreprise «reformatée» en re-lation avec la double logique de centralisa-tion stratégique et de décentralisation opé-rationnelle, à l’écoute et au service de leursattentes et de leurs besoins (5). Dans les deuxcas, les supports technologiques et techniquessont les mêmes, avec les mêmes tuyaux, lesmêmes protocoles, les mêmes équipementssupports et les mêmes applications. Dans uncas comme dans l’autre, la maîtrise de ré-seaux logistiques de distribution - les sup-ply chains - capables d’être à la hauteur desservices attendus reste déterminante. Enrevanche, les deux types de réseaux diffè-rent par les modalités d’agrégation de leursacteurs, l’organisation de leur structure degouvernance et la répartition de la valeurproduite par les ensembles agrégés.

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(4) On notera qu’une caractéristiqueimportante de l’entreprise en réseauest qu’il y a une dissociation entreson périmètre juridique et son pé-rimètre technico-économique defonctionnement, de sorte qu’il de-vient très difficile de savoir où ellecommence et où elle finit, la dé-termination de ses pourtours de-venant encore plus dépendantequ’avant des conventions retenues.

(5) On a utilisé ici le terme de «re-formaté» pour traduire le terme an-glais de re-engineering.

Les techniques et technologiesmises en œuvre

On a dit que le système technique de réfé-rence était celui de «la galaxie Internet» (Cas-tells, 2001), c’est-à-dire de l’ensemble destechniques et équipements «multimédias» quifonctionnent en réseau sous «protocole In-ternet», traduisant une convergence de la pa-role, des données et des images sur une ba-se numérisée. Ainsi, par rapport à l’infor-matique précédente, deux détails chan-gent tout: le protocole «IP», qui permet deconstituer le «réseau de réseaux»; le lien «hy-per texte», qui permet techniquement d’al-ler naviguer sur ces réseaux à l’aide de «mo-teurs de recherche», pour trouver des infor-mations implantées sur des «sites».

Cependant, tous les équipements de base -tuyaux, connexions, supports d’interface, lo-giciels - correspondent à des «technolo-gies génériques» et à des «technologies degrappe» dérivées de l’électronique, de l’op-tique, de l’informatique, l’ensemble étantqualifié de NTIC pour le distinguer des gé-nérations antérieures (Caron, 1997). Ces équi-pements peuvent servir pour des applica-tions à finalité multiple aussi bien d’infor-mation que de communication, ou de tran-saction. Ils peuvent assister aussi bien desworkflows destinés à automatiser des pro-cessus de traitement de données, que dessites web, des forums et divers supports detravail coopératif. Ils peuvent également as-sister des migrations du «courrier électro-nique» et des échanges de données EDI (Elec-tronic Data Interchange) qui fonctionnaientdéjà sur des réseaux propriétaires de lagénération antérieure.

Le plus significatif, peut-être, vient de l’ar-chitecture des réseaux et des systèmes d’in-formation qu’ils soutiennent. En effet, contrai-rement à la vague précédente où ils étaientpropres à chaque entreprise, plus organiséssuivant les grandes fonctions de l’entrepriseet plus focalisés sur les fonctions techniqueset gestionnaires en relation avec la produc-tion, ces nouveaux systèmes et les applica-tions qui leurs sont associées se font de fa-çon beaucoup plus «transversale», même sion continue à les désigner par leurs domainesfonctionnels d’application: e-commerce, e-procurement, e-learning... (6). La vocation ma-jeure des «transversalités intégratrices» affi-chées par cette informatique autour d’«In-tranets» et «Extranets» associés à des «bases dedonnées» est d’organiser les systèmes d’in-

formation des entreprises, pour qu’ils consti-tuent l’épine dorsale des «réseaux d’entre-prises» et des «entreprises réseaux» sur labase de coordinations transversales. C’est ain-si qu’au-delà des applications singulières, lesgrands fournisseurs de logiciels vendent desprogiciels intégrés suivant deux orienta-tions complémentaires qui se rejoignent: les«ERP» (Enterprise Ressources Providers) tour-nés vers la gestion du back office; et les «CRM»(Consumer Relationship Managers) tournésvers le commercial à travers les «relationsclients»: gestion de campagne marketing,aide à la vente, gestion de centres d’appel...

Enfin, les supports d’interface - principa-lement PC et téléphone - de fixes devien-nent de plus en mobiles, permettant, à tra-vers la «connexion itinérante», d’élargir le pé-rimètre de mobilisation de l’entreprise aupersonnel nomadisé.

Les normes de travail et d’emploi

Alors que le modèle antérieur tend à ac-croître les diversifications des normes de tra-vail et d’emploi, celui-ci, dans un mouve-ment inverse et complémentaire, vient aucontraire les unifier autour de postes de tra-vail conçus comme des supports techniquesde «nœud de réseaux» économiques et so-ciaux (Benghozi et al., 2000). Le poste tech-nique de travail ainsi conçu devient en ef-fet le support universel des activités pro-fessionnelles, quel que soit le statut juridique,quelle que soit la fonction et quel que soitle niveau hiérarchique exercé. Cette ten-dance à l’homogénéisation se fait dans deuxsens, en relation avec les rapports de tempset d’espace.

Sous l’aspect des normes d’emploi, la «netcompagnie élargie» à la recherche d’une pro-fitabilité basée sur la «liquidité», tend à asso-cier à des intégrations techniques et écono-miques des désintégrations organisationnelleset juridiques. Les possibilités de coopérer avecd’autres tout en étant ailleurs à travers le «tra-vail à distance», les réductions ou abolitionsdes contraintes du «présentiel», les organisa-tions par projets «inter-métiers», les fonc-tionnements «itinérants» favorisent des formesdiversifiées de «télétravail». Elles sont, en outre,associées à des agrégations de «profession-nels autonomes, responsables et entrepre-nants», cette autonomie-responsabilité-entre-preneuriat professionnel (7) rapprochant lanorme de l’emploi salarial de la norme del’emploi indépendant. Il en résulte que peu

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(6) Dans l’industrie, les déplacementsse font au profit de la conception àtravers les modélisations et les«conceptions virtuelles» permettantune «ingénierie concourante» en ré-seau autour d’une base commune àtous les acteurs concernés.

(7) On l’utilise ici sous sa forme lar-ge, c’est-à-dire non limitée au tra-vail «chez soi». Elle correspond doncà la possibilité de «non-localisation»spécifique de l’activité profession-nelle.

de choses empêchent que ce mouvement setraduise par une volonté d’abandon du sta-tut salarial au profit de celui de travailleur in-dépendant, d’où un sentiment de retour pos-sible à la «précarité pour tous» (8).

Sous l’aspect des normes de travail, le pos-te technique de travail, support médiatiséde la coordination/coopération/mutualisa-tion, base de l’organisation collective et deson efficacité, devient le pivot des nouvellesconditions de travail à travers sa fiabilité,l’ergonomie de ses interfaces homme-ma-chine et les modalités de fonctionnement deses multiples connexions en réseau. Ainsi«la souris» et le «double clic» seraient la sour-ce d’une nouvelle génération de maladiesprofessionnelles (9). De même, le travail étantde plus en plus souvent organisé en projetsindépendants, le poste technique de travaildevient le lieu support privilégié de conflitsde priorités, conflits d’autant plus difficilesà gérer qu’ils se font sous une contrainte ac-crue des temporalités d’action liées à l’in-teractivité et au raccourcissement des délaisde réalisation. Ainsi, à l’angoisse de la pré-carisation vient se superposer celle de lapression du temps: conjointement, elles s’ex-priment massivement sous forme de «stress»(Lasfargue, 2000) (10). Enfin, le système tech-nique devient le support privilégié du contrô-le de l’activité, puisqu’il permet à tout mo-ment de connaître «en ligne» non seulementle temps de travail passé, mais l’état d’avan-cement du travail confié, ainsi que les modesopératoires suivis pour les réaliser. La crain-te du contrôle se généralise donc. Plus glo-balement, c’est la question de la «transpa-rence» et de sa signification qui est poséeà tous (11).

D’une certaine façon, la figure embléma-tique de l’«e-travail» est celle de techniciendans les «centres d’appel» de technicité in-termédiaire ou supérieure, comme ceux quifonctionnent en «assistance clients». Le rôledu technicien est d’être capable de fournirdans les délais les plus courts et avec pré-cision les réponses voulues aux questionsposées, que ce soit des demandes de ren-seignement ou de dépannage. Il disposepour cela de son expertise propre, assistéepar le système d’information auquel il a ac-cès via son ordinateur, et, éventuellement,d’expertise de renfort (Institut des métiers,2001). Il fonctionne donc sur un «néomo-dèle artisanal», puisqu’il doit être capable derépondre à la demande du client de façonautonome en mobilisant tous les «savoirs de

son métier». Toutefois, dans le même temps,il est entièrement sous le contrôle de sonsystème technique, qui le guide et qui en-registre ses activités en temps réel, aussi bienen durée qu’en procédures suivies.

Plus précisément, les NTIC permettent depuissamment brouiller les frontières de ré-férence du travail «taylorien» construites au-tour de la relation espace/temps et des spé-cialisations qui leurs sont associées - travail,loisir, formation - et tendent à faire perdreleur signification aux «standards» constituéspar les temps de travail législatifs et contrac-tuels (Institut Chronopost, 2005) (12). Maisce qui est peut-être le plus nouveau avecles NTIC, c’est que, là où se conjuguaientdes contraires, donc des exclusions - cen-tralisation ou décentralisation; autonomieou contrôle; intensif ou extensif... -, ces tech-nologies permettent de conjuguer des as-sociations, donc des inclusions au mêmetitre que des exclusions.

Les capacités professionnellesrequises: une hybridation des savoirs

En accompagnement de ces renouvelle-ments des repères économiques et sociauxde production, ainsi que des outillages sup-port des activités productives, c’est la hié-

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(8) Ce sentiment est accentué par lefait que les entreprises, se voulantde plus en plus stratégiques, sontamenées à travailler beaucoup plusleur périmètre d’activités, achetantmais aussi fermant ou vendant desfiliales, des établissements ou desdépartements. Il s’ensuit un senti-ment élargi d’insécurité associé à unsentiment de réification des activi-tés professionnelles.

(9) Le «double clic» provoquerait deslésions au niveau de la main, du poi-gnet, du coude, de l’épaule, de lanuque et des cervicales. Selon B.Valdires, ostéopathe spécialisé dansles troubles osseux liés aux activi-tés professionnelles: «Dans l’histoi-re du travail, l’homme n’a jamais étéexposé à de tels mouvements légersmais répétitifs», cité dans P. Gilly.Double clic, danger public? FranceTGV, mai 2002, n°44, p. 12.

(10) Plus généralement, les progrèsde la recherche médicale montrentde mieux en mieux les interdépen-dances qui existent entre les mala-dies dites «psychosomatiques» et lesmaladies «fonctionnelles» telles queles cancers. On peut donc légiti-mement penser que les nouvellesnormes d’emploi et de travail vontproduire, avec des décalages detemps importants, de nouvelles ma-ladies qui seront d’origine profes-sionnelle (Iribarne, 2004).

(11) On connaît l’importance des pro-blèmes juridiques qui sont associésà ces questions (Ray, 2001).

(12) Cette construction est la base dela mise en forme juridique du tra-vail, puisque c’est elle qui définit leslieux, les temps des activités de tra-vail, avec les droits et les obligationsqui leurs sont associés. On rejointici la plus grande déstabilisation po-tentielle des normes d’emploi et detravail par les NTIC.

L’«e-organisation»: des possibilités d’as-sociation

❑ Concurrence et coopération;

❑ centralisation stratégique et décentrali-sation opérationnelle;

❑ autonomie de fonctionnement et contrô-le en ligne;

❑ stabilité des procédures et instabilitédes processus;

❑ prédictibilité à travers la veille et im-prédictibilité par l’instabilité et la mobilitéstratégique;

❑ temps court et temps long (contrôle descoûts par reporting quotidien et orienta-tions stratégiques);

❑ intensification du temps et extensiondu temps (synchrone et asynchrone);

❑ intensification du lieu et extension dulieu (ici et ailleurs ou le don d’ubiquité).

rarchie et le contenu des savoirs qui fontl’objet de profondes remises en cause: lessavoirs anciennement requis se voient engrande partie recomposés par hybridation(Zune, 2003; Orgogozo, 2004). Ainsi, denouvelles exigences génériques apparais-sent, s’exprimant en termes de «capacitésrequises». Dans ces exigences nouvelles fi-gurent de façon classique les usages destechniques et les rapports qu’entretiennentles capacités d’usage des techniques aveccelles de métier. Mais apparaissent égale-ment, de façon explicite et nouvelle, desattentes «comportementales» en relation avecles aspects «culturels» et, au-delà des normessociales, avec les attributs psychophysio-logiques. Ces nouvelles exigences résultentmoins de problèmes d’appropriation, liésà la diffusion des nouvelles générations deTIC, que des exigences formulées pour leurappropriation dans le cadre des contraintesproductives précitées. Conjointement, cesexigences constituent un principe unifica-teur à ce nouveau modèle, dans la mesureoù elles sont formulées vis-à-vis de toutesles activités professionnelles, quels quesoient leurs niveaux, leur nature et leurslieux d’exercice.

Connaître les techniques et leurs usages. Ladiffusion massive et généralisée à toutes lesformes d’activité de ces technologies fait quela nécessité de leur apprentissage devientincontournable. La nécessité de connaîtreces techniques et d’en maîtriser l’usage à desniveaux relativement élevés résulte, d’unepart, de leur fiabilité relativement limitée et,d’autre part, du durcissement des contraintesproductives (13). Mais ces technologies fai-sant système avec les anciennes qui leurssont préexistantes, l’apprentissage de leursusages ne peut se faire en dehors de leurréinterprétation systémique. Cela signifieconcrètement que c’est la connaissance deszones de pertinence d’usage des différentestechnologies disponibles en fonction des tra-vaux à effectuer qui devient la base des ca-pacités professionnelles en la matière, et nonpoint les simples compétences manipula-toires traditionnelles.

Les capacités de métier. D’un point de vueprofessionnel, ces capacités d’usage sont ce-pendant moins essentielles que les capaci-tés de métier. En effet, dans la pratique, larelation entre les techniques génériques etles métiers est double. D’une part, l’usagedes techniques s’exerce dans des contextesqui peuvent être éminemment variés, puisque

constitués par les différents métiers de ré-férence dans lesquels elles s’inscrivent. D’autrepart, en dynamique, elles s’inscrivent dansdes contenus de métiers qui sont eux-mêmesamenés à changer en fonction des évolu-tions dans les produits/services mis sur lesmarchés et en fonction des outillages etmodes d’organisation mobilisés pour les pro-duire: dans ce cas, leur diffusion concourt,par interaction, à la dynamique des métiers.Mais, contrairement à ce qui est souvent dit,dans cette dynamique interactive les savoirsde base des métiers restent remarquable-ment stables, les évolutions se faisant beau-coup plus par recomposition et hybridationdes activités professionnelles existantes quepar création «ex nihilo» de «nouveaux mé-tiers» qui mobiliseraient des savoirs nou-veaux, rendant «obsolètes» les «anciens» (Dan-zin et al., 2001; Iribarne et Tchobanian, 2003).L’essentiel ici est que la mise en relation descapacités d’usage avec les capacités de mé-tier, dans la perspective d’une nouvelle éta-pe de recomposition des métiers anciens,devient une source importante de brouilla-ge des repères traditionnels de la formationet du conseil à l’emploi. En effet, tant lescontenus d’activités que les appellations per-dent en signification en raison des relâ-chements qui peuvent être observés dansleur correspondance.

Les compétences comportementales. Ellesconstituent une composante nouvelle descapacités requises. Elles viennent en effet sesuperposer aux précédentes en raison desproblèmes spécifiques que posent les NTICmises au service d’une volonté managéria-le de coopération/mutualisation intégréedans des réseaux étendus qui dépassent lesfrontières traditionnelles des services, desentreprises et des États. La communicationest en effet avant tout anthropologique etles outils de communication viennent butersur les incompréhensions culturelles, quecelles-ci relèvent des univers différenciés demétiers ou, plus largement, des univers depays ou de civilisations (Iribarne, 1998).La connaissance, ou du moins la faculté àcomprendre l’univers de l’autre différent, de-vient ainsi une composante essentielle descapacités professionnelles. Mais cette facul-té n’est pas suffisante, dans la mesure où lacoopération requise s’inscrit dans un contex-te de concurrence généralisée et renforcée:il est donc demandé, dans un contexte decompétition, d’être capable de «coopérerloyalement», tout en acceptant le continuel«défi à l’autre» (14)

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(13) Les capacités techniques évo-quées ici ne correspondent pas àdes connaissances traditionnelles enélectronique de type hardware, nià des connaissances en informatiquede type «programmation», il s’agit deconnaissance des «systèmes» et deleur fonctionnement qui permettentde comprendre les «paramétrages»,le système pouvant être l’ordinateuret sa bibliothèque de programmeou, plus redoutable, l’ordinateur etses réseaux de connexion. La né-cessité de ces capacités se révèle ré-gulièrement au moment des instal-lations à travers la «configuration»du système. Ces capacités se révè-lent également chaque fois qu’unélément ou un autre de la configu-ration initiale est modifié, ou chaquefois qu’un problème apparaît dansle fonctionnement: Quelle est la na-ture du problème? Résulte-t-il sim-plement d’une fausse manœuvre?S’agit-il d’une panne? Où se situe-t-elle? Que dois-je faire pour y remé-dier? Autant de questions que l’uti-lisateur se pose avec d’autant plusd’angoisse qu’il ne bénéficie pasd’un environnement de proximitéayant les capacités voulues.

(14) Ce n’est donc pas le hasard sil’on voit émerger partout dans lemonde de la GRH une rhétoriquede la compétition sportive qui vientfaire écho à celle de la guerre dansle monde du «business». Il s’agit decréer une sorte de médiation soft,et finalement assez cynique, entredes acteurs qui ont intérêt à com-prendre qu’ils ont intérêt à coopé-rer pour accroître leurs performancescollectives et, par ce biais, en retour,leurs performances individuelles.

Il nous faut aller plus loin dans l’examen desexigences comportementales en relation avecce qui a été dit sur le «stress». Dans la me-sure où les activités professionnelles ontcomme caractéristiques structurelles d’êtreinstables et imprévisibles, de s’inscrire dansdes univers relationnels flous et de géné-rer de perpétuels conflits de priorité et d’in-térêt, les capacités à faire face à ce type desituation deviennent, elles aussi, des com-pétences génériques: elles deviennent op-posables à tous les candidats à un emploi.

L’éducation/formation et lesdiplômes

Au même titre que les autres activités pro-ductives, les institutions qui relèvent de l’édu-cation/formation sont non seulement tou-

chées par les évolutions paradigmatiquesque nous venons d’évoquer à travers les ser-vices rendus - production des capacitésrequises -, mais aussi dans leur organisationproductive à travers au moins trois de sesdimensions constitutives: la coopération/concurrence, qui se généralise à tous les éta-blissements et se traduit par la constitutiond’alliances/consortia nationaux ou supra-nationaux (Iribarne, 2002); la «liquidité», quise traduit par l’accent mis sur la «formationtout au long de la vie» (Iribarne, 1996); la«virtualité», avec l’«e-learning» et l’apprentis-sage à distance (Kreher, 2001; Revue euro-péenne Formation professionnelle, 2002; Poll-mann, 2004).

L’entreprise apprenante. En relation avec lesNTIC et leurs usages, la volonté affichée parles employeurs de déconstruire le modèletaylorien/fordien associée à leur volontéd’accélérer la constitution d’une organisa-tion productive nouvelle dotée des propriétésque l’on a esquissées, les conduit à mettrel’accent sur le knowledge management etl’e-learning pour favoriser la constitutiond’une «entreprise apprenante», c’est-à-dired’une entreprise qui serait capable de conti-nuellement coproduire des outputs de ser-vices rendus aux clients et des inputs de ca-pacité de production à travers des appren-tissages individuels et collectifs (Centre forEducational Research and Innovation, 2000;Dierkes et al., 2001). Il s’agit donc pour ellesde réendogénéiser et de spécifier, en liaisonavec la production d’«e-services», les capa-cités productives jugées nécessaires à la pro-duction et au renouvellement continuel deleurs avantages compétitifs.

La certification des connaissances et des ca-pacités professionnelles acquises. Suivantcette perspective, il est logique que la cer-tification des connaissances acquises à tra-vers des cursus de formation par des di-plômes reconnus par l’État soit elle aussi re-mise en cause. Cette remise en cause se faità travers des demandes de composition desprocessus et des acteurs de l’évaluation etde la reconnaissance des capacités acquises.D’une part, des demandes sont faites en ma-tière de reconnaissance, à travers des de-mandes de certification des capacités pro-fessionnelles acquises par des «tiers certi-fiants»: ceux-ci sont en effet jugés plus ri-goureux dans leur évaluation tant des insti-tutions formatrices que des contenus de for-mation ou des connaissances et capacitésacquises (15). D’autre part, elles sont faites à

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(15) On retrouve là un prolongement,dans le domaine de l’éducation/for-mation, du phénomène plus globaldes certifications, phénomène lan-cé dans le domaine de la qualitéavec les normes ISO 9000, puis éten-du à celui de l’environnement, avecles normes ISO 14000.

Capacités comportementales indivi-duelles requises

❑^

Etre capable de chercher, sélectionneret analyser des informations, pour décidersous de fortes contraintes de temps;

❑ être capable de hiérarchiser les infor-mations et les contraintes;

❑ être capable de classer les informationspour qu’elles soient accessibles à tout mo-ment;

❑ être capable de travailler efficacement,de façon hachée, sur plusieurs sujets enparallèle;

❑ avoir intériorisé les relations entre desdélais impartis et des moyens alloués, com-me contraintes de la définition de son tra-vail.

Capacités comportementales collec-tives requises

❑^

Etre capable de coopérer avec des per-sonnalités variées, sans besoin de modé-rateurs;

❑ être capable de bien saisir sa place dansl’organisation collective;

❑ être capable d’informer/de rapporteravec discernement;

❑ être capable d’apporter aux autres sespropres connaissances suivant des moda-lités qui leurs sont utiles.

travers la demande des entreprises d’êtreprésentes dans le processus d’évaluation descapacités acquises.

Plus globalement, cette remise en cause sefait à travers un déplacement du systèmede référence de «l’univers de la qualifica-tion» vers celui de «la compétence»: la cer-tification de ces capacités exprimées entermes de compétences s’effectue en ef-fet dans un double mouvement, qui vade l’école vers les lieux de travail et desenseignants vers les responsables hiérar-chiques des activités professionnelles, lesentreprises déclarant ne plus croire dansles vertus des «savoirs», qui seraient trop fi-gés face à la mobilité du monde, et vou-lant être sûres de «récupérer dans le faire»les résultats des investissements en forma-tion. Ce sont en effet elles qui, en relationavec ces déplacements, s’estiment les mieuxà même d’évaluer la pertinence et la vali-dité des savoirs acquis, dans le contextemême des activités productives, tandis queles organisations syndicales tendent à contes-ter ces prétentions ou demandent à êtreégalement présentes au nom de la luttecontre l’arbitraire (16).

Le statut et la rémunération des savoirs. Enrelation avec ces perspectives, trois élémentsnous paraissent essentiels. Ils concernent:

❑ la volonté de déclasser le statut des sa-voirs qui sont jugés comme étant des «connais-sances fossilisées» et continuellement dé-passées, au profit de connaissances opéra-toires, c’est-à-dire continuellement mobili-sables dans les processus productifs im-médiats;

❑ la volonté de ne rémunérer ces connais-sances que si elles sont effectivement mo-bilisées dans des processus productifs iden-tifiables et évaluables dans leurs résultats in-dividualisés;

❑ la volonté de ne payer le travail fait qu’unefois que ce dernier a pu être valorisé sur lesmarchés des produits ou des services.

Ainsi, suivant la logique bien connue desanalyses menées en termes de «capital hu-main», le «taux de rendement de l’éducation»- ce que les Anglo-Saxons appellent le pay-back d’une formation - devient un élémentessentiel de son évaluation avec, comme co-rollaire, une tendance à favoriser l’indivi-dualisation des rémunérations.

Les compromis sociaux et l’«e-régulation»

Enfin, plus globalement encore, les dépla-cements observés dans les règles, les normeset les procédures viennent également dé-stabiliser les compromis sociaux qui, à tra-vers les grands mouvements du XXe siècle,ont permis l’émergence et la mise en formedu salariat moderne. Cette déstabilisationtouche la puissance publique à travers la re-mise en cause de «l’État-providence». Cetteremise en cause se traduit au niveau inter-national par une réduction du périmètre etde la légitimité de l’intervention des États,les accords de libre-échange cherchant à as-similer les législations nationales qui assu-rent des protections sociales à des atteintesà la libre concurrence (Arnaud, 2004). Ellese traduit, au niveau national, par une vo-lonté de donner plus de place aux relationsprofessionnelles considérées comme le pi-vot de la régulation collective du rapport sa-larial fordien, à travers leur rôle dans l’éla-boration des règles et des normes (Le Goff,2004). Dans un cas comme dans l’autre, laplace accordée à la loi et aux règlementstend à être réduite au profit des accords etdes contrats.

Les relations professionnelles, quant à elles,se trouvent questionnées sur l’architecturede leurs niveaux de régulation, sur les mo-dalités et contenus des négociations qui leursont associés, ainsi que sur les acteurs ap-pelés à participer à l’élaboration des règles.Dans l’Union européenne, on assiste en lamatière à un double déplacement qui s’opè-re à partir des négociations centrales dontla légitimité d’intervention tend à s’affaiblir.D’un coté, au nom d’une plus grande flexi-bilité et de meilleurs ajustements aux réali-tés du «terrain», un premier déplacements’opère sous la poussée des employeurs versles entreprises et leurs établissements, demême que, sous l’influence du modèle desÉtats fédéraux, vers les collectivités territo-riales de différents niveaux (Jobert, 2000;Tallard, 2000) (17). À l’inverse, un déplace-ment vers le supranational s’opère sous lacontrainte de la construction européenne.

Le cybersyndicalisme, dont l’apparition tra-duit l’émergence d’Internet dans le domainedes relations professionnelles, constitue luiaussi une nouveauté dans la régulation col-lective, venant troubler le jeu à différents ni-veaux. D’une part, avec le courriel et les sitesweb, il le trouble au niveau des syndicats tra-

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(16) On retrouve à travers ce mou-vement un autre élément du retourvers le modèle artisanal. En effet,dans ce modèle, les unités de lieuet de temps de la formation et dutravail étaient dominantes, la vali-dation et la certification des com-pétences acquises étant faites stric-tement dans le cadre des profes-sions, organisées il est vrai en cor-porations.

(17) Cette remarque est probablementplus spécifique à la France, où l’onconnaît le poids de l’État central.

ditionnels dans le domaine classique de l’in-formation de leurs «mandants», à travers le re-nouvellement des supports d’information etde communication. D’autre part, avec l’émer-gence des «cyberconflits», il le trouble au ni-veau de la «mobilisation» dans le cas de confron-tations. On voit ainsi apparaître de nouveauxacteurs qui s’invitent dans les processus derégulation, remettant en cause non seulementles lieux et modalités des conflits, mais aus-si les monopoles des acteurs traditionnels dela négociation, c’est-à-dire les syndicats bé-néficiant d’une délégation élective. Plus gé-néralement, on voit apparaître à travers uneextension des «coordinations» traditionnelles,des représentations autoproclamées qui, s’ap-puyant de plus en plus sur Internet et le«réseau planétaire», s’auto-invitent au nom dela représentation de «la base». Ces acteurscherchent à déplacer les lieux d’action en lesportant à l’extérieur de l’entreprise - sur l’ago-ra - et cherchent à introduire dans le jeu denouveaux acteurs - tels les consomma-teurs/clients -, avec pour objectif de changerles rapports de force dans la négociation. Leweb et l’associatif deviennent ainsi le supportd’une revendication d’une autre démocratie,une démocratie participative jugée plus re-présentative (18).

On l’aura compris, derrière l’«@-entreprise»et le paradigme productif qui lui est associésous le vocable de mondialisation, c’est àdes infléchissements spectaculaires que nossociétés «postindustrielles» sont invitées, parrapport à leurs trajectoires du siècle écoulé.Cet infléchissement a commencé à la fin desannées 1970, quand une première modifi-cation des rapports de force s’est s’opéréeau profit des clients et au détriment des four-nisseurs. Il s’est poursuivi dans les années1980 et 1990, avec une extension de ces re-tournements au profit des apporteurs de ca-pitaux et au détriment des apporteurs de tra-vail. À l’aube du XXIe siècle, c’est ainsi unegénéralisation de l’économie de marché quicherche à s’imposer dans la perspective d’unapprofondissement du modèle smithien mo-dernisé par le modèle schumpéterien: celuide la destruction créatrice (Smith, 1991;Schumpeter, 1965). Plus fondamentalementencore, c’est le modèle d’une démocratie li-bérale à l’anglo-saxonne qui nous est pro-posé comme référence universelle (Weber,1987), un modèle revisité par les TIC avecla figure emblématique du «bourgeois», com-me idéal social d’accumulation et de parta-ge de richesses (Sombart, 1966; Ponteil, 1968;Granou, 1977) (19).

Conclusions

Notre objectif, à travers cet exercice, est deproposer une construction paradigmatiqueéquivalente à ce qui a pu être fait anté-rieurement pour le taylorisme et le toyo-tisme, l’un dans le cadre d’un paradigmeproductif de «production industrielle stan-dardisée de masse» et l’autre dans le cadred’un paradigme de «production postindus-trielle de singularité standardisée». Pournous, le trait dominant de ce nouveau pa-radigme est qu’il se fonde de façon géné-ralisée sur la compétition, ainsi que sur lerisque et l’incertitude (Beck, 1992). Danscet univers de compétition effrénée, tout lemonde est appelé à coopérer avec tout lemonde, mais tout le monde est contraint àêtre en concurrence avec tout le monde.De même, dans cet univers généralisé derisque et d’incertitude, personne ne peutrien promettre à personne et tout le mon-de est appelé à accepter une fragilisationpar la précarité du lien social, cette fragili-sation débordant sur l’ensemble de la viefamiliale à partir de la sphère du travail(Sennett, 2000; Supiot, 2004). En effet, dansl’accès aux richesses inégalement distri-buées, seuls les «meilleurs» sont appelés àgagner, tandis que les premières places sontcontinuellement remises aux enchèrespar le jeu des innovations. En bonne lo-gique, personne ni aucune institution nedevrait échapper à ce modèle de la per-formance requise, pas même les acteurs niles institutions d’éducation/formation (Iri-barne, 2002), le modèle emblématique del’individu performant proposé en corol-laire étant celui de l’artiste (Menger, 2002)ou du sportif du «Top 10».

L’élaboration d’un tel cadre analytique etinterprétatif nous paraît indispensable pourpouvoir comprendre ce qui se passe ac-tuellement dans les différents pays de l’U-nion européenne, avec leurs tensions etleurs enjeux. Cela est vrai en matière detransformation de la «qualité» du travail,mais aussi en matière de passage de la qua-lification à la compétence, de transforma-tion des capacités professionnelles requisespar les employeurs (Oiry, 2004) ou, en-fin, de contenus de formation et d’ajuste-ment dans les relations formation/emploi.En effet, c’est seulement la mise en relationde la dynamique des modèles et des para-digmes avec les constructions sociétales quipermet de comprendre les types de trans-formation en cours dans les différents pays

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(18) Ces mouvements peuvent êtreobservés à un niveau de macroré-gulation planétaire avec l’organisa-tion des manifestations «antimon-dialisation» lors des différentes ren-contres de l’OMC ou des G7, G8...de Seattle, Gênes... ou lors des «som-mets alternatifs» de Davos organisésà Porto Alegre. Ils ont pu l’être éga-lement au moment des conflits deDanone, avec la création d’un sitepirate, venant contrefaire le site del’entreprise et invitant les consom-mateurs/clients à boycotter les pro-duits de l’entreprise. Voir J.-E Ray,op. cit., p. 177 à 239.

(19) Il s’agit plus précisément du mo-dèle libéral, qui a pris jour dans l’An-gleterre calviniste et qui s’est érigéen doctrine pour atteindre à l’uni-versalisme. Historiquement, la Fran-ce a essayé à différentes époquesde se l’approprier et, plus ou moins,de le mettre en œuvre, sans jamaisy parvenir (Jaume, 1997).

avec les difficultés qu’elles rencontrentou génèrent. Cela est vrai aussi bien au ni-veau microindustriel pour les pratiques de

gestion qu’au niveau macrosocial pourles politiques publiques.

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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 36 REVUE EUROPÉENNE

Cedefop

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Mots clésInternet,enterprise,network,work,competencies,vocational training.

Bibliographie

FORMATION PROFESSIONNELLE NO 36 REVUE EUROPÉENNE

Cedefop

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Ray, J.-E. Le droit du Travail à l’épreuve des NTIC.Paris: Éditions Liaison, 2001, (Collection Droit vi-vant).

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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 36 REVUE EUROPÉENNE

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No 33/2004

Recherche

ñ Les pays adhérents et candidats dans la mise en œuvre des objectifs de Lisbonne(Jean-Raymond Masson)

ñ Apprendre la concurrence et la restructuration d’entreprise dans l’Europe élargie(Gerd Schienstock)

ñ Points de vue sur l’éducation et préférences en matière de parcours éducatifs enRépublique tchèque (Vera Czesaná et Olga Kofronová)

ñ Faire face au recul de la FEP en Slovénie (Ivan Svetlik)

ñ La déclaration de Bologne et la formation professionnelle des enseignants enLettonie (Andris Kangro)

ñ Recentrage de la stratégie de formation des enseignants de FEP en Lituanie: uneapproche systématique (Pukelis Kestutis et Rimantas Lauzackas)

ñ Réforme de l’enseignement professionnel en Pologne (Maria Wójcicka)

No 34/2005

Recherche

ñ Promouvoir la compréhension mutuelle en matière d’éducation en Europe. Lesvisites d’étude et la contribution de l’éducation comparée (Dimitris Mattheou)

ñ De l’importance de la formation professionnelle pour les jeunes adultes sur lemarché du travail (Åsa Murray et Anders Skarlind)

ñ Perspective éducative sur l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignementsupérieur (Mariana Gaio Alves)

ñ La transmission efficace des compétences via Internet: exemple pratique (Marjolein C.J. Caniëls)

ñ La dimension existentielle de l’orientation scolaire et professionnelle - quandl’orientation devient une pratique philosophique (Finn Thorbjørn Hansen)

ñ Formation et organisation du travail: essai de recherche-action dans une entreprisede commerce et de distribution (Alda Bernardes et Albino Lopes)

Derniers

numéros

en français

FORMATION PROFESSIONNELLE NO 36 REVUE EUROPÉENNE

No 35/2005

Éditorial

Dossier Redcom:

Les études scientifiques en Europe: un enjeu pour la formation professionnelle

ñ Redcom: Réseau Européen de Dissémination en éducation COMparée (Jean Gordon)

ñ L’Europe et la crise des vocations scientifiques (Bernard Convert)

ñ La crise des vocations scientifiques en France: modalités et mécanismes sociauxexplicatifs (Bernard Convert, Francis Gugenheim)

ñ La conjoncture industrielle et la désaffection pour les études scientifiques (JoachimHaas)

ñ Choisir les Sciences et les Technologies! (Maarten Biermans, Uulkje de Jong, Markovan Leeuwen, Jaap Roeleveld)

Analyse des politiques de formation professionnelle

Transformations et enjeux de la validation de l’expérience (Emmanuel Triby)

Recherche

ñ Itinéraires de formation et aspirations familiales en France, une approche surdonnées de panel (Saïd Hanchane, Éric Verdier)

Prière de découper ou de recopier le bon de commande, de le glisser dans une enveloppe à fenêtre et de l’envoyer au Cedefop

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FORMATION PROFESSIONNELLE NO 36 REVUE EUROPÉENNE

Cedefop

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Revue européenne«Formation professionnelle»Appel à contributions

La Revue européenne Formation professionnelle publie des articles rédigés par des cher-cheurs ou des spécialistes de la formation professionnelle et de l’emploi. Nous sommes enquête de contributions permettant à un vaste public de décideurs politiques, de chercheurset de praticiens à l’échelle internationale d’être informés des résultats des recherches dehaute qualité qui sont menées, notamment de la recherche comparative transnationale.

La Revue européenne est une publication indépendante, dont les articles sont soumis àune critique exigeante. Paraissant trois fois par an en espagnol, allemand, anglais, fran-çais et portugais, elle jouit d’une large diffusion à travers l’Europe, à la fois dans les Étatsmembres de l’Union européenne et au-delà de ses frontières.

La Revue est publiée par le Cedefop (Centre européen pour le développement de la for-mation professionnelle). Elle vise à contribuer au débat et à la réflexion sur l’évolution dela formation et de l’enseignement professionnels, notamment en l’inscrivant dans une pers-pective européenne. La Revue publie des articles qui présentent des idées nouvelles,rendent compte des résultats de la recherche ou exposent les expériences et pratiques na-tionales ou européennes. Elle publie également des prises de position et des réactions àpropos des questions liées à la formation et à l’enseignement professionnels.

Les articles proposés à la publication doivent être précis, tout en étant accessibles à unpublic large et varié. Ils doivent être suffisamment clairs pour être compris par des lec-teurs d’origines et de cultures différentes, qui ne sont pas nécessairement familiarisés avecles systèmes de formation et d’enseignement professionnels d’autres pays. En d’autrestermes, le lecteur devrait être en mesure de comprendre clairement le contexte et l’argu-mentation présentés, à la lumière de ses propres traditions et expériences.

Parallèlement à leur publication, les articles de la Revue paraissent sous la forme d’extra-its sur Internet. Il est possible d’avoir un aperçu des numéros précédents à l’adresse sui-vante: www.trainingvillage.gr/etv/Information_resources/Bookshop/publications.asp?section=18.

Les auteurs des articles peuvent les rédiger soit en leur nom propre, soit en tant que re-présentants d’une organisation. La longueur des articles devrait être de 2000 à 4000mots. Ils peuvent être rédigés dans l’une des 26 langues suivantes: les 20 langues officiellesde l’Union européenne (espagnol, tchèque, danois, allemand, estonien, grec, anglais, fran-çais, italien, letton, lituanien, hongrois, maltais, néerlandais, polonais, portugais, slovaque,slovène, finnois, suédois), les langues des deux pays associés (islandais et norvégien), leslangues officielles des pays candidats (bulgare, croate, roumain, turc).

Les articles seront transmis au Cedefop par courrier électronique (annexe au format Word);ils seront accompagnés d’une biographie succincte de l’auteur indiquant ses fonctions ac-tuelles, d’un résumé pour le sommaire (45 mots au maximum), d’un résumé (entre 100 et150 mots) et de 6 mots clés en anglais non présents dans le titre et correspondant aux des-cripteurs du Thésaurus européen de la formation.

Tous les articles proposés seront examinés par le Comité de rédaction de la Revue, qui seréserve le droit de décider de leur publication et informera les auteurs de sa décision. Lesarticles publiés dans la Revue ne doivent pas nécessairement refléter le point de vue duCedefop. Au contraire, la Revue offre la possibilité de présenter différentes analyses et despositions variées, voire contradictoires.

Si vous souhaitez nous envoyer un article, veuillez contacter Éric Fries Guggenheim (ré-dacteur en chef) par courrier électronique à l’adresse suivante: [email protected], par té-léphone (30) 23 10 49 01 11 ou par fax (30) 23 10 49 01 17.

No 36 septembre - décembre 2005/III ISSN 0378-5092

Europe 123, GR-570 01 Thessalonique (Pylea)Adresse postale: PO Box 22427, GR-551 02 ThessaloniqueTél. (30) 2310 490 111 Fax (30) 2310 490 099E-mail: [email protected] Page d’accueil: www.cedefop.eu.intSite interactif: www.trainingvillage.gr

Revue européenne Formation professionnelle

No 36 septembre - décembre 2005/III

10 - 20 - 30

Recherche et réflexions théoriquesVers un modèle de production néo-artisanal de services sur mesure numérisés? Alain d'Iribarne

Apprentissage expansif: possibilités et limites de la théorie scientifique du sujet Anke Grotlüschen

Les défis de la réforme de la FEP pour le corps enseignant: vers une perspective d’apprentissage tout au long de la vie Bernhard Buck

Le baccalauréat professionnel français: espace de transition plurielle pour les jeunes Bénédicte Gendron

Élargissement de la participation dans l’enseignement et la formationtechniques et professionnels: l’expérience roumaine Lucian Ciolan,z Madlen S,erban

Statistiques comparables au niveau international sur l’éducation, la formation et les compétences: état des lieux et perspectives Pascaline Descy, Katja Nestler, Manfred Tessaring

Lier la recherche, la politique et la pratique en matière de formation et d’enseignement professionnels: une vue personnelle George Psacharopoulos

Rubrique bibliographique réalisée par le service de documentationdu Cedefop, avec l’appui des membres du réseau européen deréférence et d’expertise (ReferNet)Anne Waniart

Prix au Luxembourg, TVA exclue:Par numéro EUR 12Abonnement annuel EUR 25

Office des publicationsPublications.eu.int

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