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Situation L’hépatite virale est une des principales causes d’hépatite dont jusqu’à présent, l’hépatite A, B, C et D sont bien connues depuis longtemps. Actuellement, de plus en plus d’attention est accordée au suivant dans la file : l’hépatite E. Il apparaît que l’hépatite E est un des plus courants agents pathogènes, cependant il constitue un des moins diagnostiqués. Dans la plupart des cas cette infection se déroule de façon asymptomatique et spontanément résolutive, mais rarement cette infection évolue de façon fulminante. Les patients immunodéprimés peuvent développer une infection chronique. Virologie Le virus hépatite E (VHE) est un petit virus ARN monocaténaire, non-enveloppé avec un diamètre de 27-34 nm. Il fait partie du genre Orthohepevirus de la famille des Hepeviridae. Quatre génotypes associés aux infections humaines ont été décrits. Les génotypes 1 et 2 sont restreints à l’homme, les génotypes 3 et 4 contaminent les humains et les animaux (ea cochons, cerfs, dauphins, vaches, singes et ours). Ces génotypes présentent des différences au niveau des aspects épidémiologiques et cliniques, dès lors ils seront abordés séparément dans ce courrier. Vous retrouvez un résumé des caractéris- tiques des différents génotypes dans le tableau sous-jacent : VIRUS HEPATITE E A l’occasion de l’expansion récente du formulaire de demande d’analyses nous attirons votre attention sur le virus hépatite E (VHE). Cette maladie infectieuse est sous-estimée mondialement. Outre la virologie, la transmission et les symptômes on abordera le diagnostic de laboratoire. On vous souhaite une bonne lecture. INTRO Caractéristique VHE1 et VHE2 VHE3 et VHE4 Survenant en Belgique Non, tout au plus chez des voyageurs en provenance de l’Asie (VHE1), de l’Afrique (VHE1 et 2) ou du Mexique (VHE2) Oui, VHE3 aussi possible chez des voyageurs provenant de pays industrialisés ; VHE4 depuis le Japon, la Chine ou l’Europe Source infectieuse Origine humaine Zoonose, transfusion sanguine Voie de contamination Féco-orale directe ou indirecte Orale, par ingestion de viande de porc ou de gibier, parentérale ou iatrogène (ea transfusion sanguine) Epidémies Oui Non Transmission de personne à personne Rare Aucune Présence de signes cliniques 1:5 <1:10 Démographie Surtout jeunes adultes Surtout hommes plus âgés (médiane : 63 ans ; Infection chronique Non Immunocompétent : non Immunodéprimé : oui, si non traitée, évolution rapide vers maladie hépati- que progressive : 10% cirrhose < 2 ans Evolution clinique Transitoire Transitoire Atteintes neurologiques Possibles Oui En cas de pathologie hépatique chronique Mortalité et morbidité accrue Mortalité et morbidité accrue Pendant la grossesse Mortalité de 25% Pas de mortalité accrue VHE = VIRUS HEPATITE E : = 3:1) NEWS ANNÉE 2019 | N° 1 Un bulletin d’information pour le médecin

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Page 1: NEWS - CMA · Hepatitis E versie 04/2018 , disponible sur ... • Dalton HR, Kamar N et al. Hepatitis E and neurological injury. Nat. Rev. Neurol. 2016; 12 : 77-85 QUAND DEMANDER

Situation

L’hépatite virale est une des principales causes d’hépatite dont jusqu’à présent, l’hépatite A, B, C et D sont bien connues depuis longtemps. Actuellement, de plus en plus d’attention est accordée au suivant dans la file : l’hépatite E. Il apparaît que l’hépatite E est un des plus courants agents pathogènes, cependant il constitue un des moins diagnostiqués.

Dans la plupart des cas cette infection se déroule de façon asymptomatique et spontanément résolutive, mais rarement cette infection évolue de façon fulminante. Les patients immunodéprimés peuvent développer une infection chronique.

Virologie

Le virus hépatite E (VHE) est un petit virus ARN monocaténaire, non-enveloppé avec un diamètre de 27-34 nm. Il fait partie du genre Orthohepevirus de la famille des Hepeviridae. Quatre génotypes associés aux infections humaines ont été décrits. Les génotypes 1 et 2 sont restreints à l’homme, les génotypes 3 et 4 contaminent les humains et les animaux (ea cochons, cerfs, dauphins, vaches, singes et ours).Ces génotypes présentent des différences au niveau des aspects épidémiologiques et cliniques, dès lors ils seront abordés séparément dans ce courrier. Vous retrouvez un résumé des caractéris-tiques des différents génotypes dans le tableau sous-jacent :

VIRUS HEPATITE EA l’occasion de l’expansion récente du formulaire de demande d’analyses nous attirons votre attention sur le virus hépatite E (VHE). Cette maladie infectieuse est sous-estimée mondialement. Outre la virologie, la transmission et les symptômes on abordera le diagnostic de laboratoire.

On vous souhaite une bonne lecture.

INTRO

Caractéristique VHE1 et VHE2 VHE3 et VHE4

Survenant en Belgique

Non, tout au plus chez des voyageurs en provenance de l’Asie (VHE1), de l’Afrique (VHE1 et 2) ou du Mexique (VHE2)

Oui, VHE3 aussi possible chez des voyageurs provenant de pays industrialisés ; VHE4 depuis le Japon, la Chine ou l’Europe

Source infectieuse Origine humaine Zoonose, transfusion sanguine

Voie de contamination Féco-orale directe ou indirecte

Orale, par ingestion de viande de porc ou de gibier, parentérale ou iatrogène (ea transfusion sanguine)

Epidémies Oui Non

Transmission de personne à personne Rare Aucune

Présence de signes cliniques 1:5 <1:10

Démographie Surtout jeunes adultesSurtout hommes plus âgés (médiane : 63 ans ;

Infection chronique Non

Immunocompétent : nonImmunodéprimé : oui, si non traitée, évolution rapide vers maladie hépati-que progressive : 10% cirrhose < 2 ans

Evolution clinique Transitoire Transitoire

Atteintes neurologiques Possibles Oui

En cas de pathologie hépatique chronique Mortalité et morbidité accrue Mortalité et morbidité accrue

Pendant la grossesse Mortalité de 25% Pas de mortalité accrue

VHE = VIRUS HEPATITE E

: = 3:1)

NEWSANNÉE 2019 | N° 1Un bulletin d’information pour le médecin

Page 2: NEWS - CMA · Hepatitis E versie 04/2018 , disponible sur ... • Dalton HR, Kamar N et al. Hepatitis E and neurological injury. Nat. Rev. Neurol. 2016; 12 : 77-85 QUAND DEMANDER

“Chaque année il y a environ 20 millions d’infections VHE dont plus de 3 millions de cas d’hépatite aiguë et plus de 55.000 de décès.”

“Des anticorps IgM et IgG sont détectables dès le début des symptômes. ”

“VHE génotype 3 et 4 sont en général à l’origine d’infections par ingestion d’aliments contaminés, ainsi que par contact directe avec des animaux infectés (zoonose).”

Prévalence mondiale des VHE-1, 2, 3 et 4. Les génotypes 1 & 2 sont endémiques dans les pays en développement, le plus grand nombre de cas aigus est observé dans ces pays. Les génotypes 3 & 4 se retrouvent plutôt dans les pays développés, en outre aussi chez les cochons et sangliers.

Epidémiologie

Selon l’OMS il y a chaque année environ 20 millions d’infections VHE dont plus de 3 millions de cas d’hépatite aiguë et plus de 55.000 de décès. Les génotypes spécifi ques donnent lieu aux infections dans différents continents :

• Génotype 1 et 2 Endémique en Asie (surtout l’Inde), Afrique du Nord

• Génotype 2 Endémique au Mexique, Afrique de l’Ouest

• Génotype 3 Monde occidental, Asie, Afrique du Nord

• Génotype 4 Europe, Asie

En Belgique, on trouve principalement le génotype 3 et dans une moindre mesurele génotype 4. Les infections par les génotypes 1 et 2 sont considérées comme desinfections importées lors de voyages en régions endémiques.

Transmission

La transmission du VHE dépend du géno-type.

• VHE génotype 1 et 2 se propagent parl’intermédiaire d’eau contaminée par desexcréments dans les régions endémi-ques. Un risque accru d’infection existedonc dans les régions aux mauvaises in-stallations sanitaires. Ceci s’observe prin-cipalement dans la vallée du Nil, l’Inde etau Bangladesh. Par ailleurs, la consom-mation de crustacées crues ou insuf-fi samment cuites constitue une sourced’infection.

• VHE génotype 3 et 4 sont en général àl’origine d’infections par ingestion d’ali-ments contaminés, ainsi que par contactdirecte avec des animaux infectés (zoo-nose). Le rôle de la transmission person-ne à personne est limité. La plupart descas sont sporadiques et ne résultent pasen une épidémie.

Cette forme de transmission est confi rmée par la constatation que la séropositivité est la plus élevée chez les personnes en con-tact avec les animaux concernés. Les porcs

semblent les plus impliqués, suivis par les coquillages.

• Transfusion de sang (génotypes 3 et 4): VHE peut être transmis par transfusionsanguine, surtout dans les régions endé-miques. Environ 50% des récepteurs se-raient infectés suite aux transfusions avecdu sang VHE positif.

• Transmission périnatale : quelques casont été décrits de transmission verticalemère-enfant et mère-nouveau-né résul-tant en une morbidité et mortalité sub-stantielle.

• Lait maternel : il n’est pas certain que l’al-laitement entre en jeu dans la transmis-sion, néanmoins l’allaitement durant laphase aiguë de l’infection est en généraldéconseillé.

Symptômes

La période d’incubation d’une infection VHE varie de 2-10 semaines avec une moy-enne de 40 jours.L’excrétion du virus dans les selles des personnes infectées précède de quelques jours la maladie et persiste pendant les 3 à

Distribution géographique des génotypes

Génotype: 1 2 3 4Génotype: 1 2 3 4Génotype: 1 2 3 4Génotype: 1 2 3 4Génotype: 1 2 3 4

VHE chez l’homme

4 semaines suivantes. La plupart des per-sonnes infectées ne démontre pas ou très peu de symptômes.

Chez certains patients l’hépatite E peut se manifester par des symptômes aspécifi -ques tels que des nausées, de la fi èvre, unictère, un malaise, une inappétence, des vomissements, des douleurs abdominales, de la diarrhée, des arthralgies ou un prurit. Une maladie clinique par génotype 3 et 4 s’observe principalement chez des hommes plus âgés (>50 ans). Les symptômes persis-tent en principe durant 1-6 semaines.

Atteintes extra-hépatiques :• Hémolyse et thrombopénie

• Thyroïdite aiguë

• Glomérulonéphrite membraneuse

• Atteintes neurologiques : syndrome deGuillain-Barré, méningite aseptique,encéphalite, …

Dans des cas rares, une infection au VHE peut se dérouler de façon fulminante. Plusparticulièrement les femmes enceintes, deuxième et troisième trimestre, seraient susceptibles de développer une hépatite E fulminante avec une mortalité estimée de 20 à 25% (génotype 1 et 2). En outre, les enfants et les patients ayant une atteinte hépatique préexistante présentent un ris-que augmenté.

Une évolution chronique de l’infectionpeut affecter les patients immunosuppri-més (chimiothérapie, transplantation), fa-vorisant le développement rapide d’une cirrhose hépatique. L’infection chronique se caractérise par une persistance de l’ARN viral au niveau du sérum ou dans les selles pour plus de 6 mois.

Diagnostic de laboratoire

Comme c’est le cas pour toute hépatite, on note une élévation (majeure) de la con-centration des TGP (ALAT), TGO (ASAT) et de la bilirubine. Des anticorps IgM et IgG sont détectables dès le début des symptô-mes. La production des IgM est maximale entre les 2-6 semaines suivant le début des symptômes. Les IgG peuvent être démon-trés simultanément ou quelques jours plus tard. Le titre des IgM va rapidement dimi-nuer (après 1-3 mois) tandis que le titre des IgG continue de monter et persiste pen-dant plusieurs années (éventuellement à perpétuité). Une augmentation du titre des IgG par rapport à un échantillon prélevé auparavant peut indiquer une réinfection. La graphique ci-dessous montre un dérou-lement typique de la réponse sérologique.

Chez les personnes immunocompétentes la détection d’ARN VHE par PCR est limitée dans le temps, dès lors le diagnostic sérologique serait préférable. Chez les patients immunodéprimés le dépistage d’ARN VHE par PCR constitue le diagnostic et le suivi de premier choix, vu que la réponse sérologique pourrait ne pas se produire ou être retardée.

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ALTAnticorps anti-VHE IgG

Symptômes cliniques

Anticorps anti-VHE IgM

Niveau normal ou indétectable

Semaines après exposition

Adaptation tableau du « De Specialist »

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ARN VHE (sérum)

ARN VHE (selles)

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ThérapieIl n’existe pas de traitement répertorié pour l’hépatite E. La grande majorité des infections se résout spontanément, un traitement symptomatique suffit en général. Un traitement de ribavirine peut être proposé uniquement en cas d’infections sérieuses ou chroniques.

Situation en Belgique

L’épidémiologie des infections VHE en Belgique n’est pas bien décrite. Par conséquent Sciensano a initié un projet afin de documenter la séroprévalence IgG VHE, les génotypes VHE, la variation saisonnière et la distribution selon l’âge et le sexe. La séroprévalence en Belgique atteindrait 15 à 20% selon des études récentes.

En jetant un coup d’œil sur la prévalence chez le porc domestique, on obtient des chiffres assez stupéfiant. Un examen des selles chez 115 porcs (23 élevages) a démontré de l’ARN VHE dans 7% des échantillons. La plupart étaient de génotype 3. Une autre étude de 420 porcs a révélé une séropositivité (VHE IgG) chez 73%, avec 93% des élevages présentant un porc positif. La séropositivité chez l’être humain en Belgique augmente à mesure qu’il y a un contact porcine plus intense (jusqu’à 50%).

Il n’y a pas de déclaration obligatoire pour l’hépatite E en Belgique.

Conclusion

L’infection au VHE est méconnue en Belgique mais constitue bel et bien une réalité. Le dépistage des IgG et IgM VHE pour chaque cas d’hépatite mérite suffisamment d’attention.

Pratique

L’analyse pour le dépistage du VHE est déjà réalisée au laboratoire et est indiquée sur le formulaire de demande d’analyses électronique. Vous retrouverez l’analyse sur la prochaine édition du formulaire papier, dans les mois suivants, sous la rubrique sérologie-Virus-VHE (IgG et IgM). L’analyse est effectuée sur un tube sérum et est remboursée par l’INAMI.

Références

• WHO, Hepatitis E. WHO, 2018 disponible surwww.who.int/mediacentre/factsheets/fs280/en/

• Uptodate Hepatitis E, disponible surwww.uptodate.com

• Thixy et al, Hepatitis E virus and related viruses in animals.Transbound Emerg.dis. 2017 Feb; 64(1): 37-52.

• Sciensano, Épidémiologie du virus de l’hépatite E, disponible surhttps://www.sciensano.be/fr/projets/epidemiologie-du-virus-de-lhepatite-e-suivi-dune-zoonose-emergente-dans-lalimentation-en-belgique

• EASL Clinical Practice Guidelines on hepatitis E virus infection. Journal of Hepatology2018 vol. 68 j 1256–1271, disponible surhttps://easl.eu/wp-content/uploads/2018/10/EASL-CPG-hepatitis-E-virus-infection.pdf

• Agentschap Zorg en Gezondheid – Richtlijn infectieziektebestrijding Vlaanderen –Hepatitis E versie 04/2018 , disponible surhttps://www.zorg-en-gezondheid.be/hepatitis-e

• Dalton HR, Kamar N et al. Hepatitis E and neurologicalinjury. Nat. Rev. Neurol. 2016; 12 : 77-85

QUAND DEMANDER SELON LES DIRECTIVES EUROPEENNES

• Symptômes/biochimie compatibles avec l’hépatite aiguë• Résurgence inexpliquée de maladies hépatiques chroniques• Troubles inexpliqués de la fonction hépatique chez une personne

immunocompétente• Amyotrophie névralgique ou syndrome de Guillain-Barré• Suspicion d’atteinte hépatique d’origine médicamenteuse

GROUPES A RISQUE

• Voyageurs vers régions endémiques pour génotypes 1, 2 et 4• Personnes exposées aux porcs de façon professionnelle