netflix va-t-il tuer canal+ ? l’ancêtre de la télevision

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DU VENDREDI 12 AU JEUDI 18 DÉCEMBRE 2014 - N O 112 - 3 € INNOVER De la ville futuriste immergée aux paiements sans contact. TOUR DU MONDE P. 16-17 GRAND PARIS L’Île-de-France est-elle menacée par une nouvelle bulle de centres commerciaux ? P. 24-26 RENAISSANCE Frédéric Rose, DG de Technicolor, détaille la stratégie de reconquête de l’ex-Thomson. Entretien. P. 13-14 L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE EN QUÊTE DE MODÈLE Antoine Frérot, PDG de Veolia, analyse les forces et les faiblesses de ce nouvel écosystème où les déchets des uns deviennent les ressources des autres. P. 21 L 15174 - 112 - F: 3,00 « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » ENTREPRISES ELLE Y CROIT! Dans un entretien exclusif à La Tribune, Axelle Lemaire détaille les fonds disponibles pour la French Tech. P. 23 MÉTROPOLES TOULOUSE, VILLE INTELLIGENTE Le maire, Jean-Luc Moudenc, explique ses projets pour lancer la smart city. P. 28-29 IDÉES INVESTIR EN 2015 Enderlein et Pisani-Ferry commentent leur rapport pour une initiative franco-allemande. P. 31 PORTRAIT F.-J. VIALLON À 34 ans, le fondateur de StarDust se déploie à l’international. P. 34 L’EUROPE À PRIX MINI�! OSLO, AMSTERDAM 49€ TTC AU DÉPART DE PARIS AIRFRANCE.FR France is in the air : La France est dans l’air. Achetez au moins 40 jours avant le départ. Tarif TTC aller simple à partir de, hors frais de service, soumis à conditions et à disponibilité, sur vols directs, hors vacances scolaires. Bagage en soute non inclus et pas de miles Flying Blue. l’ancêtre de la télevision vous regardez Internet, Netflix va-t-il tuer Canal+ ? Érosion des audiences et de la pub, concurrence d’Internet... Avec l’arrivée de Netflix et des services vidéo « over-the-top », la télévision linéaire de papa cède la place à une TV à la demande. PAGES 4 à 12 © SAMSUNG - FOTOLIA - CANAL+

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DU VENDREDI 12 AU JEUDI 18 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - 3 €

INNOVERDe la ville futuriste immergée aux paiements sans contact. TOUR DU MONDE P. 16-17

GRAND PARISL’Île-de-France est-elle menacée par une nouvelle bulle de centres commerciaux ? P. 24-26

RENAISSANCEFrédéric Rose, DG de Technicolor, détaille la stratégie de reconquête de l’ex-Thomson. Entretien. P. 13-14

L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE EN QUÊTE DE MODÈLEAntoine Frérot, PDG de Veolia, analyse les forces et les faiblesses de ce nouvel écosystème où les déchets des uns deviennent les ressources des autres. P. 21

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ENTREPRISESELLE Y CROIT !

Dans un entretien exclusif à La Tribune, Axelle Lemaire détaille les fonds disponibles pour la French Tech. P. 23

MÉTROPOLESTOULOUSE, VILLE INTELLIGENTE Le maire, Jean-Luc Moudenc, explique ses projets pour lancer la smart city. P. 28-29

IDÉESINVESTIR EN 2015Enderlein et Pisani-Ferry commentent leur rapport pour une initiative franco-allemande. P. 31

PORTRAITF.-J. VIALLON

À 34 ans, le fondateur de StarDust se déploie à l’international. P. 34AIRF_1411196 LA TRIBUNE - HEBDO • Bandeau Format Utile • 250.5 x 60 mm • Visuel : EUROPE OSLO/AMST • Parution : 12 déc. • Remise : 10 déc. avant 12�h�00 CTR • BAT • …

L’EUROPE À PRIX MINI�!OSLO, AMSTERDAM

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France is in the air : La France est dans l’air. Achetez au moins 40 jours avant le départ. Tarif TTC aller simple à partir de, hors frais de service, soumis à conditions et à disponibilité, sur vols directs, hors vacances scolaires. Bagage en soute non inclus et pas de miles Flying Blue.

AIRF_1411196_LaTribune_PRIX_MINI_EUROPE_Oslo Amst_Bandeau_250_5x60_PQ.indd 1 09/12/14 19:46

l’ancêtre de la télevision

vous regardez Internet,Netflix va-t-il tuer Canal+ ?

Érosion des audiences et de la pub, concurrence d’Internet... Avec l’arrivée de Netflix et des services vidéo « over-the-top », la télévision linéaire de papa cède la place à une TV à la demande. PAGES 4 à 12

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« PLUS QU’UN LANGAGE COMMUN, C’EST LA PASSION D’ENTREPRENDRE ET L’EXPÉRIENCE CONCRÈTE DU DÉVELOPPEMENT D’UNE PME QUE JE PARTAGEAU QUOTIDIEN AVEC LES CHEFS D’ENTREPRISE : VOUS AUSSI, DONNEZ-VOUS LES MOYENS DE POURSUIVRE VOTRE CROISSANCE. »

ENCOURAGER L’INNOVATION, SOUTENIR L’ESPRIT D’ENTREPRISE, FAVORISER L’AUDACE.Chaque année, David et les 30 collaborateurs de Midi Capital investissent dans des PME françaises,aux côtés des entrepreneurs, pour accélérer leur croissance et en faire les leaders de demain.

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David Domingues est diplômé de Télécom ParisTechmais avant tout serial entrepreneur passionnépar les nouvelles technologies.Il est aujourd’hui manager chez Midi Capital.

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Produire local ? Produire mondial ?La décision de E.ON, l’un des leaders allemands de l’énergie, de séparer ses centrales conventionnelles (nucléaire, charbon et gaz) des énergies renouvelables (avec les réseaux et les services) est un pari que tous les concurrents observent avec prudence.E.ON joue sur deux tableaux. D’une part, il anticipe un avenir où les énergies centralisées, produites par de grosses centrales, seraient moins performantes que les énergies décentralisées, produites par de petites centrales. D’autre part, E.ON veut se séparer des énergies contestées pour danger potentiel (le nucléaire) et pour pollution (le charbon et le gaz) sachant que les coûts et charges écologiques seront de plus en plus élevés.Restons sur le premier argument, produire propre et local. Envisager l’énergie de l’avenir sous cet angle, c’est inventer un nouveau système fondé sur la proximité de production et de consommation. La plus petite centrale pourrait être l’hydrolienne dans un flux d’eau, un ruisseau, une canalisation. La plus petite centrale solaire est la rue qui récupère la chaleur solaire, la chaleur des véhicules au stop ou au feu tricolore.C’est aussi l’immeuble à énergie positive, les sols à forte fréquentation comme les halls de gare ou les écoles maternelles. La géothermie, avec le risque d’un forage moins producteur que prévu, est aussi à sa manière une énergie locale. Imaginer l’énergie dans sa proximité de consommation inverse la logique des grosses centrales et de leurs réseaux de distribution massifs. À juste titre, E.ON regroupe les énergies renouvelables, les réseaux et les services. C’est dans ces deux derniers aspects que se cache l’intelligence du système. Comment utiliser au mieux moins d’énergie est la règle de l’avenir.

E.ON n’est pas une exception. La sidérurgie, l’agroalimentaire, la pharmacie, les moyens de transport, etc., sont dans cette logique. Si aujourd’hui les usines sont mondiales, chacun cherche le moyen de produire au plus près, au plus juste, au plus personnel. La production locale favorise l’emploi local, limite la pollution, est plus réactive, et finalement sera moins chère.Certes, il s’agit d’une vision à trente ans, à l’horizon 2050. Cela paraît lointain ? Les hyper-usines, comme celles de Foxconn ou celles qui nous envoient les découpes de poulets surgelés du Brésil, ne vont peut-être pas disparaître, mais elles ne répondront plus aux exigences des consommateurs locaux.E.ON est tout simplement en avance sur l’industrie, l’emploi et l’environnement de 2050. Mais d’ici là, de nouvelles attentes auront émergé.Je repars en plongée. Rendez-vous la semaine prochaine… pour démontrer l’inverse.

SIGNAUX FAIBLES

L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen : Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013.

PAR PHILIPPE CAHENPROSPECTIVISTE

@SignauxFaibles

DR

ÉDITORIAL

L’HISTOIREFIRST LOOK MEDIA, la start-up de médias en ligne du fondateur d’eBay, se lance dans le journalisme social. Pierre Omidyar (photo), son fondateur, s’est engagé à apporter environ 250 millions de dollars de financement (environ 200 millions d’euros). Une équipe de journalistes professionnels passera en revue les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou le site communautaire Reddit, en vue de repérer des nouvelles mondiales importantes, puis de les diffuser sur ces mêmes plates-formes, et non sur un site propre. Baptisé Reported.ly, ce projet est dirigé par Andy Carvin, qui travaillait pour la radio publique nationale NPR à Washington et s’était fait remarquer en 2011 en tweetant en temps réel des alertes sur le printemps arabe. « Nous voulons vous apporter les nouvelles du monde directement à travers les médias sociaux », a expliqué Andy Carvin, qui insiste sur l’indépendance éditoriale de Reported.ly, expliquant « ne prendre d’ordres de personne », définissant ainsi clairement le rôle de « journalisme social ». Il appelle en revanche le public à « donner des idées d’articles », promettant « d’écouter les idées et de les prendre au sérieux ».

BALISES

Bercy… pour ce moment !

La loi Macron « pour l’acti-vité et l’égalité des chances économiques » fait beau-coup de bruit et c’est tant mieux, car c’est exacte-ment le but recherché. Faire passer si possible

bruyamment le message que la France se réforme, enfin ! Même si c’est à petits pas et à petites touches… Il suffit de voir com-bien ce texte provoque de hurlements, à gauche, pour qui c’est trop ; à droite, pour qui ce n’est pas assez ; ou bien chez les professionnels concernés, pour trouver immédiatement cet Emmanuel Macron bien sympathique.Voilà un homme qui, propulsé à la tête du ministère de l’Économie, cherche, en des-serrant un écrou ici, en faisant bouger un levier là, à libérer l’économie, à stimuler l’investissement et à développer l’emploi. Rendez-vous compte, mais quel scandale ! Le travail le dimanche, « cette régression sociale » que combattra Martine Aubry, « au plan national comme dans (sa) ville »… Passer de cinq à douze dimanches travaillés par an dans les zones touristiques, sur autorisation du maire, avec une compensation salariale obligatoire, Macron lui, y voit « une avancée sociale ». Il est soutenu par six Français sur dix. Mais la vérité oblige à souligner qu’ils sont tout aussi nombreux à ne pas vouloir travailler le dimanche !Alors donc, il faut le faire taire, ce « ban-quier », entend-on dans les rangs de la gauche frondeuse, qui a déjà préparé son contre-projet. Quoi ! Macron, c’est tout ce

dont il est capable, le jeune prodige de la finance ? se plaint-on à droite. Et voilà l’UMP qui brocarde la mollesse de la loi concoctée par le zélé rapporteur de la commission Attali, commanditée par Nicolas Sarkozy, dont les propositions pourtant identiques à celles de la loi Macron ont été vigoureusement enterrées à l’époque. Pour la droite, le changement, ce n’est pas maintenant !Tout cela nous promet un débat à cou-teaux tirés, quand le texte arrivera devant le Parlement, à partir du 22 janvier prochain, avec une belle bataille d’amen-dements sur la centaine d’articles que compte le projet. Travail le dimanche assoupli, lutte contre la rente indue de certaines professions réglementées (notaires, professions du droit), justice prud’homale professionnalisée, transport par autocar pour concurrencer le train… Pendant quelques mois, la France vivra à l’heure de la réforme, de la microréforme, certes, mais de la réforme quand même.La gauche menacera de ne pas accorder de majorité à ce texte « libéral », et obtiendra quelques aménagements. Pour éviter de « changer de société », on transigera à six ou sept dimanches, peut-être huit, au lieu de douze et on encadrera la mesure pour la rendre la moins efficace possible, afin de démontrer que cela ne marche pas, que ce que l’on consomme le dimanche, on ne le consommera pas le mercredi. Et tant pis

pour les touristes chinois qui continueront de faire leurs courses à Londres.À droite, au contraire, on jouera la suren-chère, en réclamant des mesures plus radi-cales, par exemple la fin des 35 heures auxquelles, lorsqu’elle a été aux responsa-bilités, de 2002 à 2012, elle n’a surtout pas voulu toucher ! Les professions du droit, qui manifestaient encore cette semaine leur opposition au texte, pèseront, en cou-lisses, pour déshabiller encore un peu plus un texte déjà très en deçà de ce qui serait

nécessaire pour ouvrir ces métiers à la concurrence.Bref, au cours de l’hiver et jusqu’au printemps, la France vivra un moment de grâce, pendant lequel tout ce bruit politico-médiatique créera l’illusion d’un instant de réformes.

Le gentil gouvernement Valls dira à Mr Bruxelles : « Vous voyez bien que j’essaie de réformer ». Mr  Bruxelles répondra : « C’est bien, Mme  la France, de faire des efforts. Tenez bon, et pour vous aider, on ne va trop vous embêter avec vos déficits. » Finale-ment, tout ce bruit et cette fureur arrange-ront bien François Hollande, qui passera pour un président entravé par un pays décidément imperméable aux réformes. Et puis fragile, si fragile. Il ne faut trop le bousculer, il pourrait se réveiller, le mort… Et à la fin, une fois le texte ou ce qu’il en restera adopté, on pourra remercier Emmanuel Macron : « Bercy pour ce moment ! » Et bon dimanche ! ■

40MILLIARDS DE DOLLARS,

c’est la valorisation de l’application de réservation

de VTC Uber qui, malgré ses déboires judiciaires, a réussi

sa deuxième levée de fonds, de 1,2 milliard. En cinq ans,

Uber, présente dans 250 villes de 50 pays, aurait généré

1 million d’emplois et vaut plus que toutes les compagnies

aériennes américaines.

92MILLIARDS D’EUROS, c’est, en 2013, le montant des dépenses en

téléphones, tablettes, forfaits, infrastructures, applications et contenus mobiles dans les cinq plus grands pays de l’UE, selon une étude du BCG commandée

par Google. Soit 555 euros par an dépensés par Européen adulte. Le marché de l’Internet mobile devrait plus que doubler d’ici

à 2017, à 230 milliards d’euros.

189 000UTILISATEURS D’AUTOLIB’ à Paris en trois ans. Non rentable, le service du groupe Bolloré vise les 70 000 abonnés en 2015. La Mairie de Paris a aussi annoncé le déploiement d’une centaine d’Utilib’, véhicules électriques

en libre-service équipés d’un coffre de 900 litres, pour

6 euros de l’heure. Le tout dans le cadre du plan zéro diesel d’ici à 2020, lancé par Anne Hidalgo.

2 000LES 28 PAYS DE L’UE

ont proposé 2 000 projets représentant 1 300 milliards d’euros, quatre fois plus que

le plan Juncker (315 milliards). À la Commission de faire le tri parmi les chantiers réalisables dans les trois ans. La France a

présenté 32 projets, d’un total de 48 milliards, portant sur l’usine du futur, la smart city, l’école

numérique et les infrastructures.

PLUS D’INFORMATIONS SUR LATRIBUNE.FR

PAR PHILIPPE MABILLE

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TENDANCESLA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

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L’ÉVÉNEMENT4 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

«N ous sommes en 2034 et vous regardez l’an-cêtre d’Inter-net, bonsoir ! » L’actuel mes-sage de bien-

venue des Guignols de l’info sur la chaîne Canal +, laquelle a fêté ses 30  ans le 4 novembre dernier, ne s’adressera plus à grand monde dans vingt ans. Car Reed Hastings, PDG fondateur de Netflix, l’avait prédit dans un manifeste publié dès avril 2013 : « Dans les prochaines décennies et par-tout dans le monde, la télévision sur Internet remplacera la télévision linéaire, et les appli-cations remplaceront les chaînes. Les télécom-mandes disparaîtront et les écrans prolifére-ront.  » Sa prophétie fut encore plus précise, quelques jours avant le coup d’envoi en France de sa plate-forme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD, pour Subscription Video on

Demand) : « La télévision linéaire […] aura disparu dans vingt ans, car tout sera dispo-nible sur Internet. Canal + deviendra aussi un média sur Internet. Souvenez-vous : ils ont commencé par la diffusion hertzienne, se sont ensuite étendus au câble, au satellite puis à l’ADSL. La prochaine étape, c’est le Web », a-t-il affirmé dans une interview à Télérama le 26 août dernier.Les jours de la télévision de papa sont, à ses yeux, comptés. Mais avant qu’elle ne rende l’antenne, la bataille va faire rage sur fond de concurrence nouvelle. D’un côté, les chaînes « linéaires » vont continuer à dif-fuser leurs grilles de programmes imposés sur des fréquences hertziennes réglemen-tées ou des « box » gérées en vase clos par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). De l’autre, les services « délinéarisés » de vidéo à la demande vont se multiplier sur les réseaux haut débit du Web et être acces-sibles à partir de plates-formes audiovi-suelles en ligne non réglementées.

Si l’on en croit Reed Hastings – qui, forcé-ment, prêche pour sa paroisse  –, les seconds auraient donc raison des premiers d’ici à 2034. Dans le jargon du Net, cela veut dire que les services vidéo dits OTT (over-the-top) ou cloud TV – ceux diffusés sur Internet sans passer par un service géré de FAI (et de sa box fermée) selon la techno-logie IPTV, ni encore moins par voie hert-zienne (via la TNT ou par satellite) – se substitueront à la télévision héritée de nos parents. Concrètement : YouTube rempla-cerait TF 1 dans le gratuit et Netflix détrô-nerait Canal + dans le payant !« Je ne vais pas commenter les visions d’une personne qui débarque dans ce métier et qui ne le connaît pas ! », lui a rétorqué le 21 octobre 2014 Bertrand Meheut, président du direc-toire du groupe Canal +, lors du colloque de NPA Conseil sur l’avenir de l’audiovisuel. Ambiance… « La télévision linéaire est plébis-citée par les Français. Aucune offre non linéaire ne se substituera aux offres éditorialisées d’évé-

LES FAITS. Érosion des audiences, recul des recettes publicitaires, réduction du nombre d’abonnés des chaînes payantes, dévalorisation de la diffusion hertzienne… La « télévision de papa » n’est plus ce qu’elle était et les nouveaux entrants venus du Net taillent des croupières aux chaînes traditionnelles.LES ENJEUX. Les chaînes sont contraintes de descendre de leur piédestal « linéaire » pour entrer dans l’arène « délinéarisée » de l’Internet, afin d’affronter des plates-formes mondiales, tel Netflix.

La télévision de demain passera par Internet

MÉDIAS

CSA : Conseil supérieur de l’audiovisuel. FAI : fournisseur d’accès à Internet.MCN : multi-channel networks.Catch-up TV : télévision de rattrapage.OTT : over-the-top, ou cloud TV, ou télévision par Internet en dehors du contrôle d’un FAI. Selon une étude de Scholè Marketing, le chiffre d’affaires global des acteurs OTT était de 12,8 milliards de dollars en 2013.PAF, PAM : paysage audiovisuel français / mondial.SMAD : services de médias audiovisuels à la demande.SVOD : subscription video on demand.TNT : télévision numérique terrestre.

« DANS LES PROCHAINES DÉCENNIES ET PARTOUT DANS LE MONDE, LA TÉLÉVISION SUR INTERNET

REMPLACERA LA TÉLÉVISION LINÉAIRE. »

Reed Hastings, PDG-fondateur de Netflix,

Reed Hastings, cofondateur et PDG de Netflix, le 19 septembre 2014, à Bruxelles, à l’occasion du lancement en Belgique du service de vidéos (films, séries télévisées, etc.) à la demande par abonnement.© ELGA PHOTO - BENOIT DOPPAGNE / AFP

DOSSIER RÉALISÉ PAR CHARLES DE LAUBIER

@c2laubier

La télévision est morte… vive ma télévision ! de Jean-Luc Chetrit et François Druel, paru en septembre 2014.

GLOSSAIRE

I 5LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

Plus de 3 000 Smad en EuropeSmad : quèsaco ? Ce sont les services de médias audiovisuels à la demande au nombre de 3 088 dans l’Union européenne (selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel), dont 1 104 services de télévision de rattrapage, 711 chaînes diffusées sur Internet et 409 services de vidéo à la demande.

Plus de 2,6 milliards de vidéos vuesCe sont les vidéos vues de la télévision en ligne en France depuis le début de l’année 2014 (à fin août) : 2 652 800 000 exactement (replay, flux directs et bonus confondus), selon NPA Conseil et GfK pour le CNC. Cette télévision de rattrapage se pratique devant un ordinateur à 42 %, un téléviseur à 37 %, une tablette à 10,8 % et un smartphone à 10,2 %.

Cloud TV : les chaînes se déchaînent

Sony a dévoilé le 6 novembre PlayStation Vue, un service de cloud TV (hébergé dans le nuage informatique et diffusé directement sur Internet) qui sera lancé début 2015. Le cloud TV est une solution d’avenir, mais non sans risque : la Cour suprême des États-Unis a interdit fin juin à la start-up Aereo de diffuser en streaming de grandes chaînes de télé. Elle a déposé le bilan en novembre.

HbbTV : et la TNT devint interactiveGrâce à la norme franco-allemande HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV), avec laquelle sont compatibles plus de 1,5 million de téléviseurs en France (selon l’Afdesi), les téléspectateurs peuvent recevoir en France près de mille heures de programmes supplémentaires sur la TNT : services de vidéo (télévision de rattrapage, retour en arrière…), d’information, de météo, etc.

PLUS D’ÉVÉNEMENTS SUR LATRIBUNE.fr

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REPÈRESnements, sportifs ou autres. Les écrans de chaînes comme les nôtres sont aptes à rassem-bler des millions de téléspectateurs sur des évé-nements. Je pense que ce sera toujours le cas », a-t-il plaidé.Mais, comme dit un proverbe chinois, « plus on s’élève et plus dure sera la chute  ». Du moins, c’est ce que risquent les chaînes de télévision historiques face aux nouveaux entrants du Net. En France, c’est à partir de 2008 que la télévision s’est embarquée dans une zone de turbulences après des années de croissance continue. D’après les données économiques du Conseil supérieur de l’au-diovisuel (CSA), le chiffre d’affaires des chaînes françaises a atteint un pic à 8,8 mil-liards d’euros en 2011, incluant recettes publicitaires (40 %), redevance audiovisuelle (29 %), abonnements à Canal + (15 %) et chaînes thématiques payantes (16 %).

BATAILLE DES CANAUX, BATAILLE DES ÉCRANS

Depuis, le PAF (paysage audiovisuel fran-çais) vacille sur son piédestal sous les coups de butoir de plates-formes vidéo étrangères, qui font fi des frontières audio-visuelles et des réglementations nationales. Et au niveau mondial, le ralentissement de la croissance des revenus de la télévision va se traduire, selon l’institut Idate, par une progression annuelle moyenne de 3,6 % entre les 368,9 milliards d’euros de chiffres d’affaires de cette année et les 424,7 mil-liards d’euros prévus en 2018, traduisant un net ralentissement de la croissance.La bataille autour des écrans ne fait que commencer. En attendant que la SVOD

–  encore embryonnaire  – ne devienne mature, l’Internet, lui, est déjà passé au PAM (paysage audiovisuel mondial) désor-mais à portée de clics des téléspectateurs devenus éditeurs de leur propre program-mation vidéo. En attendant que les télévi-seurs connectés ne remplacent les « postes de télévision », de petits boîtiers OTT bon marché –  tels que Apple  TV, Google Chromecast, Roku 3 ou encore Amazon Fire TV – font sans attendre concurrence aux box IPTV des FAI en affichant directe-ment sur le téléviseur du salon des conte-nus multimédias issus du Net (vidéos, pho-tos, musiques…) ou provenant d’un ordinateur, d’un smartphone ou d’une tablette du foyer. En d’autres termes, « la télévision est morte… vive ma télévision ! », pour reprendre le titre du livre de Jean-Luc

Chetrit et François Druel, paru fin sep-tembre 2014. D’après l’institut américain de mesure d’audiences ComScore, plus de 35 millions d’utilisateurs en France regardent des vidéos en ligne chaque mois, sur 6,5 écrans par foyer français en moyenne (TV connec-tée ou pas, ordinateur, smartphone et tablette). Il suffit de voir, sur YouTube ou Dailymotion, l’émergence fulgurante des MCN (multi-channel networks) qui sont des réseaux de chaînes vidéo diffusées sur Internet, aux audiences millionnaires à faire pâlir les chaînes traditionnelles.Prises en tenaille entre la vidéo gratuite du Web et les services par abonnement de SVOD en OTT, les chaînes à péage auront le plus à souffrir de cette fragmentation de l’audience. Pour tenter de limiter les

NETFLIX SERA-T-IL HÉGÉMONIQUE EN FRANCE EN 2018 ?L’arrivée du site américain a dopé le marché français de la vidéo à la demande par abonnement qui devait atteindre 35 millions d’euros cette année, en hausse de 25 %. Le cabinet NPA Conseil envisage plusieurs scénarios, dont la domination de Netflix dans l’Hexagone en 2018, avec 2,7 millions d’abonnés.

T rois mois après le débarquement très médiatique de Netflix,

c’est l’heure des premiers bilans… et des premières projections fondées sur des offres désormais connues, testées. Selon le cabinet NPA Conseil, qui a présenté le 4 décembre ses tendances 2020, l’arrivée du site américain le 15 septembre a bien dopé le marché français de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) qui devrait atteindre 35 millions d’euros cette année, en hausse de 25 %.

Après l’engouement initial, favorisé par une grande campagne publicitaire et un mois d’abonnement gratuit pour tout utilisateur voulant tester le service, où en est-on ? L’américain ne communique aucun chiffre. La semaine passée, Arnaud de Puyfontaine, le président du directoire de Vivendi, affirmait que le service de sa filiale Canal + CanalPlay a plus de 600 000 abonnés quand Netflix n’en aurait que 100 000. Selon une étude de l’institut Digital TV Research, Netflix aurait séduit « entre 200 000 et 250 000 » foyers, conduisant Le Parisien à conclure que « la France boude Netflix ».

Sans se prononcer, Philippe Bailly de NPA Conseil relève

que Netflix va désormais bénéficier de sa présence sur plusieurs box (Orange, Bouygues Telecom, la box Google Play de SFR). Il envisage trois scénarios pour l’évolution du marché de la SVOD en France. Soit il n’y a « pas de révolution Netflix » et l’américain plafonne à 1,1 million d’abonnés en 2018, ce qui ne lui permet pas d’atteindre l’équilibre d’exploitation : le marché progresserait à 149 millions d’euros dans cet horizon à quatre ans. Autre scénario : en cas de « riposte molle des Français », ce serait « l’hégémonie de Netflix », qui pourrait ainsi atteindre 2,7 millions d’abonnés en 2018 et le marché pourrait grimper à 282 millions d’euros, soit huit fois plus qu’aujourd’hui. Un chiffre

qui paraît cependant peu élevé par rapport aux objectifs affichés par l’américain : Reed Hastings, le fondateur et directeur général de Netflix avait confié en septembre qu’il espérait « séduire un tiers des foyers français, soit autour de 8 millions de ménages d’ici cinq à dix ans », c’est-à-dire d’ici à 2019 ou 2024, soulignant que le groupe avait mis sept ans pour atteindre ce niveau d’un ménage sur trois aux États-Unis.

En cas de « riposte significative des acteurs français et de comportement agressif de Netflix en termes d’investissements dans les droits et la communication », l’aiguillon américain pourrait profiter à l’ensemble du marché qui bondirait ainsi à 5 millions de clients et 325 millions d’euros.

« La SVOD deviendrait un relais de croissance à la télévision payante, notamment pour les chaînes thématiques, de documentaire, de jeunesse ou de cinéma », considère Philippe Bailly. La riposte viendra-t-elle d’un enrichissement de l’offre de CanalPlay ou du lancement d’un « Netflix à la française », prôné par Orange mais qui semble bien difficile à mettre en œuvre ?S’il se garde de donner un taux de probabilité à chaque scénario, le cabinet de conseil défend que l’offre de Canal + en matière de SVOD est plus riche que celle de Netflix : le catalogue de CanalPlay présente 40 % de films de plus que son concurrent, notamment des films ayant recueilli plus d’un million d’entrées en salles, et aussi 40 % de séries en plus. Son offre est également plus abondante dans la catégorie des programmes jeunesse, avec « l’offre jeunesse la plus étendue de toutes les plates-formes », tandis que Netflix est mieux doté en documentaires. En revanche, en termes de « fraîcheur », les deux services restent contraints par la chronologie des médias qui les empêche de diffuser des films de moins de trois ans. Ainsi 40 % des films ont… moins de dix ans ! Le décollage de la SVOD reste donc largement suspendu à une modification de ce régime. ■� DELPHINE CUNY

Kevin Spacey dans la série House Of Cards, diffusée sur Netflix depuis le 1er février 2013.© NETFLIX

Le boîtier décodeur Roku 3

de la société américaine Roku,

qui permet de diffuser sur

son poste de télévision

du contenu vidéo passant par

Internet selon la technologie

over-the-top (OTT).© ROKU 3

L’ÉVÉNEMENT6 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

effets du cord-cutting (tendance à se désabonner de tout FAI et de toute chaîne payante) et de la pression sur les prix, la chaîne payante HBO du groupe américain Time Warner a décidé de passer à la contre-offensive en 2015 avec une offre proposée directement sur Internet. C’est aussi la possibilité pour elle de conquérir à moindre coût d’autres pays, au-delà des États-Unis. Le français Canal + se prépare lui aussi à conquérir le monde via le Web (lire page 8), quitte à court-circuiter dans l’Hexagone ses partenaires depuis dix ans que sont les FAI, Free en tête, mais aussi Orange, Numeri-cable-SFR et Bouygues Telecom. De son côté, TF 1, qui vient de régler à l’amiable le contentieux relatif au « piratage » qui l’op-posait à YouTube depuis 2007, va y créer des chaînes.Mais cela suffira-t-il à enrayer l’érosion – au mieux la stagnation – des audiences natio-

nales des chaînes historiques ? En raison de la multiplication des chaînes sur la TNT, l’ADSL, le câble ou le satellite et de la concurrence OTT, cette baisse de l’audimat – dont on peut d’ailleurs se demander si le boîtier de l’audimètre avec son bouton-poussoir de présence du téléspectateur devant sa télévision est encore adapté à la certification de l’audience télé à l’heure du Net et du multi-écran – tire à la baisse les recettes publicitaires et la valorisation des espaces télévisés. Bien que la quasi-totalité des foyers (97,6 %) soient équipés d’au moins un téléviseur, les Français le regardent moins : trois heures et quarante-six minutes par jour en moyenne en 2013, soit quatre minutes de moins que l’année précédente. Cette décrue ne date pas d’hier : TF 1 s’arrogeait 37,3 % de part d’au-dience en 1995, moins de 30 % fin 2007, puis seulement 22,8 % en 2013.

L’AUDIENCE MASSIVE DES RÉSEAUX MULTICHAÎNES SUR YOUTUBE

M aker Studios, Fullscreen, Big Frame,

Melberries… : les multi-channel networks (MCN) font un tabac sur Internet en termes d’audience et d’abonnés (gratuits ou payants), et commencent à rivaliser avec des chaînes traditionnelles lorsqu’elles atteignent plusieurs millions de vidéos vues cumulées par mois. Ces nouveaux médias de masse audiovisuels attirent les annonceurs publicitaires. L’un des

plus grands MCN est Maker Studios : 55 000 chaînes de vidéos courtes, lesquelles totalisent 550 millions d’abonnés et 8,5 milliards de vues par mois !

Créé en 2009, Maker Studios a été racheté en mars dernier par Disney pour un demi-milliard de dollars. Canal +, qui détient justement une participation minoritaire (5 %) dans Maker Studios, s’est lui aussi positionné sur ce marché des MCN en rachetant début

mars la start-up française Studio Bagel, qui diffuse plus d’une vingtaine de chaînes sur YouTube pour plus de 6 millions d’abonnés et 40 millions de vidéos vues par mois. La chaîne à péage du groupe Vivendi a aussi lancé en 2013 un réseau multichaîne baptisé CanalFactory, avec une vingtaine de chaînes sur Internet. De son côté, le groupe Webedia – détenu par Fimalac – s’est offert en février un autre français du MCN : Melberries. ■� C. DE L.

A doptée dans les années 1980 au moment de l’abolition des monopoles d’État de l’audiovi-suel voulue par François Mit-

terrand, la réglementation du PAF (pay-sage audiovisuel français) est devenue aujourd’hui obsolète à l’heure, cette fois, de l’abolition des frontières de l’audiovi-suel. « Il faut absolument arriver à un sys-tème d’obligations qui mette les acteurs fran-çais à parité avec les concurrents étrangers,

en particulier ceux qui arrivent sur Inter-net », a déclaré Rodolphe Belmer, direc-teur général du groupe Canal +, le 17 octobre dernier aux Rencontres ciné-matographiques de Dijon. Établies au Luxembourg (Netflix, iTunes, Amazon, Jook Video…) ou en Irlande (Google, You-Tube, Apple…), les plates-formes numé-riques venues le plus souvent d’outre-Atlantique échappent en effet en France à toutes sortes d’obligations (quotas, financement de la création, exposition des œuvres françaises, fiscalité…) auxquelles sont en revanche soumis les chaînes de télévision et les services de médias audio-visuels à la demande (Smad) français, notamment la vidéo à la demande (VOD) et la télévision de rattrapage (TVR).Tout l’enjeu de la future réglementation audiovisuelle sera de passer du «  pays d’installation » au « pays de destination », comme ce sera le cas à partir du 1er janvier 2015 en Europe pour la TVA en ligne qui sera perçue dans le pays de consomma-tion. « Netflix et YouTube n’arrivent pas en France par l’opération du Saint-Esprit ! Ces gens ont construit une “tête de réseau” – une infrastructure physique qui est très lourde – à Paris, boulevard Voltaire. Donc, ils sont sai-sissables. Il suffit que l’installation ne soit pas définie par l’adresse postale mais par la tête de réseau », a insisté Rodolphe Belmer.

D’où l’idée de jouer sur ce que Frédérique Bredin, présidente du CNC, appelle « la territorialisation des réseaux  » et sur ce qu’Olivier Schrameck, président du CSA, évoque comme « la régulation de la bande passante ». Ce péage à l’entrée de l’Internet français a déjà été proposé il y a trois ans, en novembre 2011, par le rapport « La Télé-vision connectée », coécrit par Marc Tes-sier (Videofutur), Takis Candilis (Lagar-dère), Philippe Levrier (ex-CSA) et Martin Rogard (Dailymotion). Cette « contribu-tion perçue sur les échanges générés par les services en ligne » pour le trafic Internet et vidéo pourrait par exemple être, selon eux, versée au CNC, lequel voudrait aussi aujourd’hui taxer les publicités des héber-geurs de vidéos établis (Dailymotion) ou non (YouTube) en France.

RIEN NE SE FERA SANS LA COMMISSION EUROPÉENNE

Reste à légiférer et à notifier ces mesures à la Commission européenne, sans enfreindre le principe de neutralité de l’Internet, puis surtout à l’appliquer. Or la France a déjà promulgué en décembre 2010 un décret « anti-contournement » (dit « second décret Smad ») qui donne au

CSA le pouvoir –  après l’aval de Bruxelles – de suspendre un service de VOD ou de télévision de rattrapage en cas de «  contournement  » des obligations françaises. Mais ce décret n’a jamais été appliqué ! Selon nos informations, Jook Video aurait pu se le voir appliquer dans la mesure où ce service de SVOD a été lancé en France en mars 2013 – distribué notamment par Orange, Free et Numeri-cable – mais facture à partir du Luxem-bourg. Or Jook Video appartient au groupe audiovisuel AB basé au Luxem-bourg et contrôlé par le Français multi-millionnaire Claude Berda, avec TF 1 comme actionnaire minoritaire. Le décret « anti-contournement » ne devrait pas plus s’appliquer à Netflix. Pourquoi ? Parce que, comme l’avait rappelé le rapport Les-cure, la Commission européenne a signifié à la France –  par un courrier daté du 28 janvier 2013 – qu’elle ne cautionnait pas ce décret qui aurait dû, selon elle, s’en tenir à la télévision linéaire. L’Europe aura donc le dernier mot, comme ce sera aussi le cas pour la « taxe vidéo » adoptée par la France fin 2013 et censée s’appliquer aussi aux opérateurs de SVOD venant d’un autre pays européen (Netflix aujourd’hui, Amazon Prime demain). La France attend toujours le feu vert de Bruxelles. ■ C. DE L.

Les géants du Web se jouent de la réglementation française

LÉGISLATION

Extrait de la série de merveilleux médiéval pour adultes Game of Thrones diffusée aux États-Unis sur HBO.© HBO

La page d’accueil sur YouTube du réseau multichaîne de la société de production française Studio Bagel.© YOUTUBE

Pierre Lescure, ancien PDG de Canal +, auteur d’un rapport en 2013 sur la culture et le numérique dans le cadre de « l’exception culturelle française ».© S. MAHE / REUTERS

I 7LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

De lourdes menaces sur le modèle économique de la télévisionLa vidéo à la demandeconcurrence la TV linéaire

Le télespectateur prend le pouvoir grâce au Net

Les parts d’audience des chaînes TV françaises s’érodent et se fragmententParts d’audience en % (du lundi au dimanche, journée de 3h à 24h, individus âgés de 4 ans et plus équipés de téléviseurs).

Évolution des recettespublicitaires de la TV derattrapage, en millions d'euros

Prévisions d’évolution des revenus de la TV mondiale, en milliards d’euros

Évolution de la consommationde TV en ligne, en millions de vidéos vues

Source : Edition Multimédi@, d'après Médiamétrie (Médiamat) et le CSA (graphique)

Source : CNC, d'après NPA-GfK, Canal+ Régie, France Télévisions Publicité, M6 Publicité Digital, TF1 Publicité Digital et TMC Régie.Source : Etude Idate, juillet 2014

1

3

19 23,227,1 31 34,4

20 18,6 17,4 16,4 15,5

368,9 382 396,5 411,9 424,7

2014 2015 2016 2011 2012 2013 2011 2012 20132017 2018

407,9

0

423,8441 459,2 474,6

2 093,4

3 076,23 027,5

Vidéo à la demandeVidéo physiqueTélévision linéaire

30%

40%

20%

10%

0%

1995 2000 2005 2010 2013

M6

France 3

Canal+

France 2

TF1

9,5

13,8

France 5

DArte

BC

A

Autres chaînes Dont chaînes TNTgratuites 2005(hors France 5 et Arte)

Dont chaînesthématiques,locales etétrangères

DontchaînesTNT HD

158,8

122,2

1 812,4

175,9

320,6

2 531,1

172,3

420,7

2 483,230

45

60

50%+

+33,3%

TV derattrapage

Fluxdirect

Bonus

2

10,610,8

3,3 2,82,3

2

14

2222,8

B.A. C. D.

Et encore, cette baisse générale de l’au-dience serait du double (huit minutes) si Médiamétrie n’avait pas, depuis janvier 2011, ajouté au calcul les temps de visionnages en différé – durant les sept jours suivant la dif-fusion à l’antenne – des programmes enre-gistrés par le téléspectateur sur magnétos-cope numérique. Résultat : ce changement méthodologique a apporté environ quatre minutes d’audience supplémentaires aux chaînes, lesquelles gardent ainsi encore bonne figure vis-à-vis des annonceurs publi-citaires. Et depuis fin septembre, s’ajoute à cette audience « délinéarisée » celle de la télévision de rattrapage (appelée aussi replay), laquelle n’était pas prise en compte jusque-là dans la mesure d’audience. Pour l’instant, seul le replay visualisé sur le télé-viseur est comptabilisé durant sept jours, en attendant les autres écrans (ordinateurs, smartphones et tablettes) courant 2015. Pour les chaînes qui offrent gratuitement leurs programmes en rattrapage sur plu-sieurs jours (de sept jours jusqu’à plus de trente jours), c’est une aubaine car elles gagnent ainsi ensemble une heure et trente-trois minutes d’audience cumulée de plus par jour grâce aux 2,2 millions de personnes regardant la télé en replay sur tous les écrans. « Pour Canal +, c’est plus de 20 millions de téléchargements par mois. MyCanal, dispo-nible sur tablette ou smartphone, permet aux différents membres de la famille de consommer les programmes en linéaire ou en rattrapage. Nos 6 millions de foyers abonnés en France per-mettent à 15 millions d’individus de consommer nos offres », s’est félicité Bertrand Meheut.

LE SUCCÈS TRÈS FRANÇAIS DE LA TV DE RATTRAPAGE

Le succès de la télévision de rattrapage en France est patent : quatorze mille heures de programmes au total ont été proposées en 2013, pour près de 2,5 milliards de vidéos vues (hors flux directs et bonus) – bien que cela ait rapporté tout juste 60 millions d’eu-ros de recettes publicitaires. Cette excep-tion française est à rapprocher d’une autre particularité hexagonale : cela fait en effet dix ans cette année que l’accès à la télévi-sion par le haut débit en ADSL – c’est-à-dire sur les lignes de cuivre téléphoniques – a rencontré un succès unique au monde. La TV sur ADSL est toujours aujourd’hui le second mode de réception, après la TNT, de la télévision en France pour 14,9 millions d’abonnés aux FAI. Ce qui explique que, très vite après les expérimentations de 2006, les MyTF1, Pluzz (France Télévisions), 6play (M6 et W9), Arte + 7, Gulli Replay ont été plébiscités. Les Français apprécient, car la TV de rattrapage est une offre de vidéo en ligne plus fraîche que la VOD et la SVOD,

ces dernières ne pouvant proposer un film avant respectivement quatre mois et trente-six mois après sa sortie en salles de cinéma, chronologie des médias oblige.« Cette particularité rend moins attractives les offres de SVOD, dont le marché est plus limité en France  », a pu dire le président de Canal +, comme pour minimiser le potentiel de développement en France de Netflix, lequel totalise tout de même 53 millions d’abonnés dans le monde, dont 15,5 mil-lions en dehors des États-Unis. Il est vrai que la SVOD en France ne pèse que 28 mil-lions d’euros de chiffre d’affaires en 2013, sur un marché de la VOD total (à l’acte, à la location et à l’abonnement) de 245 mil-lions d’euros, lequel est lui-même en recul de 3 % sur un an. Mais ces chiffres de NPA

La prise en compte par

Médiamétrie, dans la mesure d’audience, des

enregistrements effectués sur

magnétoscope numérique ainsi que de la TV de

rattrapage permet aux

chaînes traditionnelles de

garder bonne figure face aux

annonceurs.© FOTOLIA

Conseil et de GfK ne prennent pas en compte iTunes, basé au Luxembourg. « Apple échappe à nos statistiques, iTunes représentant 25 à 30 % du marché français de la VOD. C’est quand même un vrai problème, pour établir une régulation efficace, de ne pas avoir la mesure précise d’une partie impor-tante du marché », a souligné Marc Tessier, administrateur de Videofutur et ancien président de France Télévisions, en octobre aux Rencontres cinématographiques de Dijon.Quoi qu’il en soit, la SVOD est caractérisée par son prix – autour de 10 euros par mois (Netflix, CanalPlay, Videofutur, FilmoTV, Jook Video…) – mais les contours qu’elle prendra seront, selon ce dernier, multiples à l’avenir : « Les formes de la SVOD ne sont pas définies et le modèle économique n’est pas stabilisé. Cela va être un sacré challenge pour parvenir à réguler des services dont certains seront centrés sur tels ou tels types de séries premium inédites, comme chez Netflix, d’autres sur des films qui sont sortis en salles de cinéma, ou éventuellement des services de niches qui seront en fait de nouvelles formes de chaînes thématiques, etc. »Pour l’heure, bien que déficitaire, CanalPlay Infinity est le premier service de SVOD en France en nombre d’abonnés : 520 000 à fin septembre, dont un tiers sont aussi abon-nés à Canal + et à CanalSat. De leur côté,

Orange, TF 1 et d’autres acteurs de la SVOD discuteraient d’une alliance française «  anti-Netflix  ». Canal + serait prêt à accueillir des partenaires, y compris de façon capitalistique, dans un regroupement d’acteurs français de la SVOD autour de CanalPlay afin de proposer une plate-forme alternative au géant américain et bientôt à Amazon Prime : « Je le vois plutôt dans ce sens-là, oui. En particulier avec Orange, nous avons des partenariats qui se passent très bien », a indiqué Bertrand Meheut, le patron de la filiale de télévision de Vivendi, au col-loque NPA Conseil. Free, premier distribu-teur de Canal + en France (en dehors de Canal + lui-même), verrait d’un bon œil une telle alliance comme l’a exprimé Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad, mai-son mère de Free, aux débats de Dijon : « Si CanalPlay Infinity était enrichi de séries amé-ricaines des autres chaînes françaises leaders, ce serait pour nous distributeurs et nos abon-nés beaucoup plus fort. » Mais, pour lancer un « Netflix à la française » (dixit le PDG d’Orange, Stéphane Richard), c’est peut-être trop tard : l’ex-France Télécom a déjà annoncé la disponibilité de Netflix sur sa Livebox pour novembre, à l’instar de Bou-ygues Telecom sur sa box et de SFR sous Android sur la box incluant Google Play. Free résiste : mais pour combien de temps encore ? ■

ALLIANCE OBJECTIVE ENTRE CHAÎNES DE TÉLÉ ET RÉSEAUX SOCIAUX

Rising Star, l’émission de télécrochet interactive de M6, a généré lors de sa première édition fin septembre plus de 3 millions de votes sur l’application 6Play avec Facebook, l’audience à l’antenne ayant atteint un pic de 4,7 millions de téléspectateurs. Mais les

émissions suivantes n’ayant pas trouvé un public suffisant, M6 a arrêté Rising Star plus tôt que prévu. TF 1 rencontre plus de succès avec The Voice qui mise sur Twitter. Constat : les médias sociaux ne garantissent pas forcément le média de masse. ■

L’ÉVÉNEMENT8 I

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ANALYSE

Canal + est né en 1984 et compte, trente ans plus tard, 9,4 millions d’abon-nés en France (au 30 juin 2014), dont 6  millions d’abonnés individuels et

520 000 à CanalPlay, les 2,88 millions res-tants étant des abonnements collectifs. Mais la filiale de télévision du groupe Vivendi est en perte de vitesse, car elle perd des abonnés. Le taux de résiliation de la chaîne cryptée en France augmente en effet significativement à environ 15 % par an, contre tout juste 11 % en 2010. La stabilité de Canal + est donc en trompe-l’œil : « Le nombre d’abonnements à Canal + est resté stable, au prix d’un coût de grille en hausse (+ 9,2 % entre 2008 et 2012), alors que CanalSat perd 300 000 abonnements entre 2012 et 2013. Les causes sont multiples (arri-

vée des chaînes TNT, concurrence des bou-quets proposés par les FAI…), mais l’une d’elles est révélatrice d’un nouveau jeu concur-rentiel  : la concurrence de BeIN Sports sur l’offre football de CanalSat, Sport + », résume l’étude d’Arthur Kanengieser, publiée en septembre par l’école des Mines ParisTech. L’une de ses hypothèses les plus pessi-mistes pour 2015 est que le prix de Canal + soit jugé trop cher (39,90 euros par mois, contre 7,99 euros à 11,99 euros pour Netflix et 12  euros pour BeIN Sports) et que l’usure du modèle Canal se traduise par 400 000 abonnés en moins dès l’an pro-chain. L’offre Sport + de CanalSat est concurrencée par BeIN du groupe de médias qatari Al-Jazeera, et son offre Ciné + par Netflix. D’après la société d’études Digital TV Research, Canal + pourrait même perdre l’équivalent de plus de

280 millions d’euros d’ici à 2020. Le para-doxe est que, concurrencé par Internet, Canal + est condamné à trouver son salut via Internet et a créé pour cela une divi-sion, Canal OTT (pour over-the-top), en intégrant CanalPlay et son service de SVOD CanalPlay Infinity lancé il y a trois ans. Dirigée par Manuel Alduy, cette divi-sion a vocation à se déployer sur le Web où Canalplay.com constitue un premier pas. « Nous ne souhaitons pas forcément travailler que dans le modèle publicitaire gratuit, comme YouTube, quand on est en OTT. Nous avons envie d’imaginer des offres payantes », a-t-il indiqué le 18 octobre 2014 aux Rencontres cinématographiques de Dijon. À l’instar de son homologue américaine HBO, qui va conquérir le monde de l’Inter-net à partir de 2015, la chaîne cryptée fran-çaise s’y prépare comme l’a confirmé Ber-

Canal + fête ses 30 ans sur fond d’usure de son audienceLe poids lourd de la télévision payante française se voit sérieusement concurrencé sur ses deux atouts maîtres : le sport et le cinéma. Le salut pour Canal passera nécessairement par Internet.

Antoine de Caunes, l’une des figures emblématiques de Canal + depuis la fin des années 1980, dans l’émission « Le Grand Journal », le 30 novembre 2014.© JEAN-FRANÇOIS LANET / CANAL +

INTERVIEW MANUEL ALDUY, DIRECTEUR DE CANAL OTT (CANAL +)

« POUR MOINS DE 10 EUROS PAR MOIS, ON NE PEUT AVOIR LA MÊME CHOSE QUE POUR 30 » À la tête d’une nouvelle direction de Canal + créée en janvier 2014, Manuel Alduy a pour mission d’amener les contenus Canal + sur l’Internet. Pour lui, la distinction TV linéaire-non linéaire est moins déterminante que la différence entre écran du salon et consommation personnelle sur tablette.

LA TRIBUNE – Quel est le périmètre de Canal OTT ?Notre activité repose sur deux piliers : d’une part, l’édition et l’animation d’offres de contenus sur le Web gratuit, à travers les sites Internet des chaînes du groupe (Canal +, D8…), des chaînes sur YouTube, des communautés Facebook ; d’autre part, la vidéo à la demande, à l’acte ou par abonnement, avec notre service CanalPlay qui a 3 ans et compte 520 000 abonnés à fin septembre. Quatre-vingts pour cent ont choisi l’offre sans engagement à 9,99 euros par mois pour un accès tout écran incluant la télévision via leur box FAI

(Free, SFR, Orange, Bouygues Telecom) ou sur leur décodeur satellite Le Cube ; les autres, celui à 7,99 euros par mois pour un usage over-the-top (OTT), donc sur second écran (mobile et tablette).Nous travaillons sur un troisième axe que nous serons prêts à lancer en 2015 : des offres payantes à la demande, moins généralistes que CanalPlay, pour une consommation individuelle, notamment sur tablettes. L’application CanalPlay Kids pour les enfants, lancée en juillet 2014, disponible sur mobiles et tablettes iOS, Android, avec trois interfaces différentes selon l’âge des enfants, préfigure ce mouvement. Qu’avez-vous fait depuis la création de Canal OTT ?Nous avons développé l’audience du groupe sur les réseaux numériques gratuits. D’abord en prenant, en mars, une participation majoritaire dans Studio Bagel, qui est à la fois un producteur de vidéos d’humour et un réseau multichaîne sur YouTube. Puis en créant une quinzaine de nouvelles chaînes sur YouTube, avec essentiellement des contenus originaux que nous

coproduisons, une fois un talent identifié et sélectionné sur YouTube. Il y a un an, nous avions déjà 15 chaînes YouTube avec des programmes essentiellement dérivés des antennes de Canal + et de D8. Aujourd’hui, nous en avons 32, qui totalisent 85 millions de vidéos vues par mois sur YouTube, et plus de 100 millions en comptant nos propres sites. Chaque chaîne tire ses recettes de la publicité, de production d’émissions pour une marque et de la syndication de ses programmes pour des chaînes de TV. Toutes les chaînes ne sont pas encore rentables, mais certaines le sont largement, et l’ensemble est proche de l’équilibre. L’objectif est d’élargir la vitrine en clair de Canal +, pour toucher un public jeune qui consomme la vidéo sur un écran mobile. C’est aussi un moyen de trouver de nouveaux talents qui arrivent ensuite à l’antenne, comme Jérôme Niel de Studio Bagel.Sur CanalPlay, nous avons enrichi le catalogue — il compte aujourd’hui plus de 10 000 titres contre 4 000 au lancement —, lancé CanalPlay Kids, et ouvert depuis octobre un département pour des Web-séries

originales, dont nous coproduirons certaines avec Studio Bagel. Nous avons aussi enrichi les fonctionnalités en permettant une souscription directe depuis les magasins d’applications d’Apple ou d’Android. En 2014, le parc d’abonnés aura doublé. HBO, le modèle américain de Canal +, a annoncé qu’il lançait une offre OTT, la chaîne CBS aussi. Canal + va-t-il suivre ce mouvement ?Les programmes de HBO étaient déjà accessibles à la demande à condition d’être abonné à HBO par câble ou par un opérateur Internet. La nouveauté de HBO-OTT, c’est de permettre de s’abonner uniquement à la version « à la demande ».La vraie distinction n’est pas entre OTT et non OTT, linéaire et non linéaire, mais entre les usages sur le téléviseur du foyer ou l’écran individuel. Sur l’écran du salon, l’usage privilégie les offres généralistes, consommées en linéaire ou non, comme Canal + qui n’a pas attendu Netflix pour laisser le pouvoir à ses abonnés de regarder ce qu’ils veulent quand ils veulent.La consommation individuelle, elle, est d’abord passée par la personnalisation de l’expérience TV avec la pratique du second écran, pour participer à un programme sur une tablette à travers les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on va vers des offres de contenus personnalisées. Canal OTT avec ses chaînes YouTube a développé cette consommation individuelle de vidéo de façon massive et gratuite. Notre problématique est de la monétiser.

C’est le sens des offres payantes que nous lancerons en 2015.

CanalPlay comme Netflix ne vont-ils pas concurrencer CanalSat et Canal + ?Une majorité des abonnés à CanalPlay ne sont pas abonnés à une autre offre du groupe. Leur profil est plus jeune que celui des autres abonnés du groupe. CanalPlay propose un catalogue large, à visionner sans contrainte, pour moins de 10 euros par mois. CanalSat n’a pas le même positionnement : c’est un bouquet avec beaucoup d’inédits, des programmes pour la jeunesse, du cinéma, des documentaires, une offre de rattrapage. Canal + enfin propose du sport en direct, des séries originales, des films récents. C’est l’un des services les plus premiums au monde avec quatre fois plus de séries que HBO, plus d’inédits en une semaine que sur Netflix en un semestre… Cela a un coût. Un film français moyen coûte au moins 4 millions d’euros. Il faut une taille critique pour générer des revenus récurrents et suffisants pour continuer à investir sur ces contenus. Les plates-formes généralistes peuvent atteindre cette taille, pas les offres très individualisées. Le public comprend très bien que l’on ne peut avoir la même chose pour moins de 10 euros par mois que pour 30. Et si une plate-forme internationale brade ces contenus en les distribuant mondialement, c’est au détriment de la diversité. ■�PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE REPITON

trand Meheut, le président du directoire du groupe Canal +, le 21 octobre lors d’un colloque de NPA Conseil  : «  Oui, nous sommes en mesure de distribuer nos offres de télévision linéaire via l’OTT. Nous avons des projets. Car c’est un mode de diffusion que l’on peut considérer comme complémentaire à la TNT, au satellite, voire à l’ADSL. » Canal + est donc décidé à franchir le pas, quitte à marcher sur des œufs en France. « [HBO est] typiquement l’exemple dont on doit s’ins-pirer. Le problème aujourd’hui, c’est que nous n’avons pas le droit de le faire, parce que l’on est bâti sur une réglementation avec une conception locale et sur un rapport opposant diffuseurs et producteurs  », a temporisé Rodolphe Belmer, le directeur général du groupe Canal +, présent lui aussi aux débats de Dijon. ■� �

� PAR CHARLES DE LAUBIER

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LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

TRANS-TV

Des écrans TV de toutes marques, connectés par tous les dispositifs pos-sibles : boîtiers Adsl des opérateurs télé-coms, poste au for-mat Hbbtv, recevant

la TNT par une antenne classique et relié à Internet par une prise Ethernet, une console de jeux reliée au téléviseur et à Internet… Devant un canapé, une table basse, couverte de télécommandes… Bienvenue chez Dots-creen, à Boulogne (92), société créée il y a quatre ans, qui développe des applications pour chaînes de télévision, services de vidéo à la demande comme Pluzz (la TV de rat-trapage de France Télévisions en ligne et sur téléviseur connecté LG), opérateurs télé-coms (sur la Livebox d’Orange, par exemple), et dessine des interfaces pour naviguer d’une application à l’autre.

QUAND LA TV APPRIVOISE LE NET

Quand Reed Hastings, le patron de Netflix prédit la disparition des chaînes de télévi-sion « linéaires » au profit d’applications Internet, Stanislas Leridon, cofondateur de Dotscreen, estime, lui, que les flux d’images, linéaires ou pas, vont cohabiter sans distinc-tion sur l’écran TV. Démonstration : on regarde une chaîne en direct. Une pression sur la télécommande et plusieurs pavés s’affichent en bas de l’écran : TV de rattra-page, offre spéciale pour revoir l’intégralité de la dernière saison d’une série, quelques jours avant le lancement de la suivante, vidéo à la demande… Avec la télécommande, on glisse d’un bloc à l’autre, on sélectionne, et le programme choisi remplace le flux de la chaîne. Dans la télévision du futur, « linéaire et non linéaire se confondent. Et per-sonne n’a dit que les chaînes étaient condamnées à ne faire que du linéaire », insiste aussi Bruno Patino, directeur général délégué aux programmes, aux antennes et aux dévelop-pements numériques de France Télévisions.Dans l’immeuble Eos, jouxtant celui de Microsoft à Issy-les-Moulineaux, France

Télévisions a installé sa direction de la télé-vision connectée et du développement. Là aussi, une salle de démonstration semblable à un magasin de téléviseurs et une table basse encombrée de télécommandes en tous genres. On y montre comment on peut revenir au début du programme en cours, avec la fonction Salto, zapper tout en mar-quant des programmes à regarder plus tard avec la fonction MaListe lancée le 23 octobre – deux fonctions inaccessibles pour l’heure sur les box des opérateurs, mais seulement en TNT sur TV connectée.Linéaire ou non, ce n’est plus la question… Les groupes audiovisuels n’ont pas attendu pour « délinéariser » leurs programmes. Télévision de rattrapage, contrôle du direct

pour mettre en pause, puis reprendre le visionnage : autant de fonctionnalités intro-duites depuis plusieurs années, grâce aux boîtiers des opérateurs Internet installés dans 15 millions de foyers français, et plus récemment en TNT sur les téléviseurs au format dit Hbbtv (entre 1 million et 700 000 postes actifs à ce jour).Mais l’arrivée de Netflix catalyse la mutation en cours et accélère le basculement du monde de la télévision et de ses chaînes vers celui des applications Internet. S’ils ne veulent pas être engloutis, les diffuseurs audiovisuels doivent innover et vite. Et pas seulement en recherchant des contenus différents, des programmes « transmédias » ou multi-écrans, des humoristes sur You-Tube. Ou en rendant l’image et le son tou-jours plus spectaculaires, avec l’ultra haute définition, les casques de réalité augmen-tée… Il leur faut aussi apporter à l’usager de l’écran TV une expérience proche de celle du monde des applications Internet.

LES MAJORS SOLLICITENT LES START-UP INVENTIVES

Ils peuvent s’appuyer pour cela sur un tissu de start-up agiles dont certaines ont déjà pignon sur rue, comme Dotscreen, Wiztivi et bien d’autres. Les nouveaux usages des spectateurs, la quête d’une « hyperdistribu-tion » de leurs contenus sur tous les écrans (TV, PC, mobiles, tablettes), d’une interface fluide, concentrent une bonne part des stra-tégies d’innovation des acteurs audiovisuels. S’« il n’est pas question de confier cette stratégie entièrement à une start-up, on va chercher auprès d’elles des briques de solutions technolo-giques à agréger » pour obtenir plus vite le

meilleur résultat, explique Patrick Holz-man, directeur de CanalPlay, à Canal+. À la fin 2013, Canal+ a lancé CanalStart, pro-gramme d’accompagnement de quatre à cinq start-up par an. Les jeunes pousses peuvent bénéficier d’un soutien financier, de conseils, et tester leurs produits sur la base des abonnés Canal +. Quelque 200 projets venus du monde entier ont frappé à la porte. Les technologies de streaming qui améliorent l’encodage des flux vidéos et leur distribution sur Internet et sur tous les écrans, l’analyse des données (big data), la recommandation de contenus, font partie des domaines privilégiés par le groupe dans sa recherche de start-up partenaires.La nouvelle box TV de Bouygues Telecom, Bbox Miami, lancée le 4 décembre, illustre aussi ces partenariats. Cette box, qui utilise le système d’exploitation Android de Google, est ouverte à toutes ses applica-tions. Pour l’interface, Bouygues s’est appuyé sur I Feel Smart, une jeune société « avec laquelle nous discutions depuis trois ans, sans que leur activité corresponde à ce que nous faisions à l’époque », raconte Pierre Schoeller, directeur de l’innovation de l’opérateur, qui insiste sur l’intérêt de savoir construire dans la durée un réseau de start-up. Shy Shriqui et Xavier Bringue, les cofonda-teurs de I Feel Smart, se sont rencontrés chez Orange. Ils ont commencé à travailler sur leur projet avant d’essaimer hors de l’opé-rateur. Leur conviction, « c’est qu’on doit rap-procher l’interface du téléviseur, de la qualité, de la simplicité et de la fluidité de celle d’une tablette. Sinon il sera délaissé par les nouvelles généra-tions ». Pour le moteur de recommandation de la vidéo à la demande sur la Bbox Miami, I Feel Smart a trouvé un partenaire, une autre start-up, Spideo.

Des start-up pour aider la télévision à basculer dans le futurLa « vieille » télévision a compris qu’elle devait innover pour ne pas disparaître et s’adapter à un public connecté. Un riche tissu de start-up accompagne les diffuseurs traditionnels dans leur mutation.

PAR ISABELLE REPITON

SPIDEO, LA RECOMMANDATION MADE IN FRANCE

L’arme fatale de Netflix serait son moteur de recommandation,

un algorithme capable de deviner avant vous le film ou la série que vous allez aimer regarder. CanalPlay, le service de vidéo à la demande par abonnement de Canal+, la nouvelle box sous Android Miami de Bouygues Télécom, et la télévision de rattrapage d’Arte, collaborent avec une start-up française pour leur moteur de recommandation.

Spideo est née en 2010 au sein de l’incubateur de Sciences Po Paris, de trois cofondateurs – Paul de Monchy, Thibault Dorso et Gabriel Mandelbaum – aux profils complémentaires : un Sciences Po, un HEC, un ingénieur. Son approche ne se contente pas d’analyser l’historique des visionnages de quelqu’un pour lui proposer des programmes similaires. Elle ajoute

une analyse sémantique des contenus, la possibilité de choisir une « humeur », comme « changer d’air » ou « romance »… Une démarche qui se révèle assez proche de celle de Netflix, a constaté Gabriel Mandelbaum. Rentable depuis 2013, Spideo prévoit « 1 million de dollars de chiffre d’affaires » en 2014. Pour grandir à l’international, elle lève 1,5 million d’euros à la fin de l’année. ■ I. R.

L’écran d’accueil de Pluzz, service de rediffusion à la demande de France Télévisions.© FRANCE TÉLÉVISIONS

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Sociales, économiques, culturelles ou plus récemment numériques, les révolutions de nos sociétés

sont constantes et rebattent les cartes d’un monde qui n’en finit plus de changer. Depuis des siècles,

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INNOVERPOUR ENTRAÎNERLE MONDEDANS LE PROGRÈS

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Le 16 décembre, Bouyues Télécom attri-buera, dans le cadre de son Challenge Start-up, un trophée « Décodeur Android » doté de 20 000 euros, à une application qui « enrichira l’expérience ou révolutionnera les usages de la TV ».Autre signe de cette attention nouvelle du monde de la télévision pour les jeunes pousses innovantes : en avril 2014, le MipTV, marché des programmes audiovi-suels à Cannes, organisait pour la seconde fois une compétition de start-up, le Mip-Cube Lab, en partenariat avec l’agence FaberNovel, spécialiste de la transforma-tion numérique des entreprises. La com-pétition ne portait pas sur les contenus, mais sur des solutions technologiques pour diffuseurs, annonceurs ou régies publici-taires. Une centaine de dossiers ont été reçus, d’Europe, de Californie… Maîtrise des données pour mieux personnaliser les contenus, les recommander, publicité inte-ractive et ciblée, outils pour la production (casting en ligne, par exemple) : telles sont les grandes thématiques des sociétés qui ont concouru, se souvient Caroline Pan-draud de FaberNovel. C’est une société française, TvtY, qui l’a emporté, entre deux finalistes américains, un britannique et un australien. Sa plate-forme de « marketing du moment » synchronise la publicité sur le Web avec ce qui se passe sur un écran télévisé. Ainsi, pour le Téléthon, les 5 et 6 décembre, France Télévisions Publicité a conçu avec TvtY une campagne qui suit en temps réel l’évolution des dons. Les publi-cités pour l’Association française de lutte contre la myopathie (AFM) sont envoyées sur les sites Web de France Télévisions, avec des scénarios qui s’adaptent aux paliers de dons atteints.Toutefois, les start-up du secteur aimeraient que les groupes audiovisuels dépassent le stade des expérimentations. Pour Stanislas Leridon (Dotscreen), les chaînes perçoivent encore trop souvent les sociétés comme la sienne dans une logique d’innovation, et pas encore d’exploitation, alors qu’un « tsu-nami » les menace. « Elles n’investissent pas assez dans les nouvelles formes de distribu-tion », regrette-t-il. Pourtant, développer une application sur une console Xbox, par exemple, coûte autour de 70 000 euros, et permet de toucher des millions de foyers, dans le monde entier. Aux États-Unis, le premier terminal d’accès à Netflix est la console PlayStation, reliée à la TV, remarque-t-il. Mais peu de chaînes fran-çaises font l’effort d’être présentes sur cette console. L’hétérogénéité des écrans et mode de réception –  TV connectée, tablettes, smartphones, boîtiers décodeurs, TNT, consoles – reste un frein à la mutation. ■

FRANCE TÉLÉVISIONS TROUVE DES IDÉES INNOVANTES CHEZ DES ÉTUDIANTS

Lancée le 23 octobre, la fonction MaListe sur les chaînes de France Télévisions, permet de marquer des programmes « à regarder

plus tard » d’un simple OK sur la télécommande, lorsque l’on zappe. Elle est disponible en TNT sur les téléviseurs connectés (au format Hbbtv) en attendant d’être reprise sur les box des opérateurs. Elle est née il y a un an, lors d’une journée de création, organisée à Startup42, l’accélérateur de start-up de l’école d’informatique Epita. Une centaine d’étudiants devaient plancher sur différents thèmes. C’est là qu’a émergé l’idée « regarder plus tard », retenue par France Télévisions, qui en a évalué la faisabilité, et lancé le projet. Le groupe public serait « le premier au monde à proposer ce service ». ■� I. R.

«O n ne fait pas assez de séries […]. On est tous frileux, parce qu’on cherche les fictions qui marchent tout le temps.

Or l’innovation, ça passe par des échecs, des erreurs », avait lancé Laurence Bachman, directrice générale adjointe de Telfrance,

société productrice de la série télé Plus belle la vie. Également vice-présidente de la commission « fiction » à l’Union syndi-cale de la production audiovisuelle (Upsa), elle s’exprimait ainsi le 10 sep-tembre dernier au Festival de la fiction TV de La Rochelle, soit quelques jours avant que Netflix ne débarque en France. Cette

arrivée du champion américain de la fic-tion en vidéo à la demande par abonne-ment (SVOD) a déclenché une vague d’autocritiques dans le milieu de la pro-duction audiovisuelle française : « Manque de diversité », « Absence d’audace des producteurs », « Pas de prise de risque éditorial », « Décalage par rapport à la société française », « Censure sur certains sujets tabous », etc. Or Netflix – qui détient les droits exclusifs de séries françaises telles que Hemlock Grove, Narcos et F is for Family de Gaumont, Taxi Brooklyn d’EuropaCorp, ou encore Marseille de Federation Entertainment – pourrait sor-tir la production française de fictions de sa torpeur. « Je veux faire de la France une championne de la fiction, afin de porter l’ambition du rayonnement de la création française dans le monde », a déclaré Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, lors de son audition à l’Assemblée natio-nale le 14 octobre, en citant comme exemple « la consécration des séries fran-çaises comme Les Revenants ou Braquo » (séries produites respectivement par Haut et Court, et Capa Drama). Car si la France tire son épingle du jeu dans les films d’animation, elle reste en revanche trop timorée dans les séries malgré quelques succès – comme actuellement Fais pas ci, fais pas ça d’Elephant – et le dispositif de crédit d’impôt mis en place il y a dix ans : selon nos calculs, les séries françaises ont touché 73,8 millions d’euros en 2013, répartis à quasi-parts égales entre crédit d’impôt « Cinéma » et crédit d’impôt « Audiovisuel ». ■�� C. DE L.

Les Français trop timorés avec les séries de fictionsLe crédit d’impôt dont bénéficient tant les créations audiovisuelles que le cinéma ne suffit pas à donner de l’audace aux producteurs de séries. L’arrivée de Netflix provoque une vague d’autocritiques… constructives ?

PRODUCTION

Plus belle la vie, ou la vie quotidienne du quartier marseillais du Mistral, s’approche de son 3 000e épisode… © FRANCE TÉLÉVISIONS

La saison 5de Fais pas ci, fais pas ça, du producteur français Elephant, enregistre un nouveau record d’audience : 4,7 millions de téléspectateurs. © FRANCE TÉLÉVISIONS

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LA TRIBUNE – Technicolor se relève, après plusieurs années de restructuration. C’est l’histoire d’une résurrection, comme l’a titré un journal ?FRÉDÉRIC ROSE – Technicolor est le fruit de la réunion de trois sociétés historiques : Thomson dans l’électronique, Technicolor dans les médias, et RCA, l’inventeur de la télévision couleur. L’histoire est importante, car elle explique d’où l’on vient, mais les tech-nologies et les marchés bougent tellement vite que cela ne peut suffire à comprendre où l’on va. Ce n’est pas parce que nous avons inventé avec RCA la télé couleur que nous pouvons vivre sur nos acquis. Dans les mar-chés, aujourd’hui, il faut sans cesse démontrer que l’on peut apporter quelque chose de nou-veau. Quand on dit réorganisation, on pense d’abord aux diminutions d’effectifs. Or, c’est aussi une période de grande transformation de l’entreprise, de ses outils et de ses effectifs.

On est dans une industrie où les cycles sont désormais de moins de dix-huit mois. Croire qu’on peut avoir une stabilité dans un monde qui change à toute vitesse, c’est impensable.

Où en est votre réorganisation ?On a connu une restructuration en 2009 et 2010, pour des raisons financières. Cette étape-là est désormais derrière nous. Nous sommes dans une transformation constante. Il faut être prêt à évoluer en réponse à l’évo-lution de notre environnement. Cela demande une vraie flexibilité de la part de l’entreprise et de ses salariés. Par exemple, nos équipes de R&D travaillent sur des projets à dix-huit ou vingt-quatre mois en moyenne, mais nous n’hésitons pas à changer de priorité et à lancer un nouveau projet pour anticiper une rupture technologique avant nos concur-rents, ou mieux servir nos clients dans un environnement en transformation. Nous devons avoir une vision, mais il faut aussi savoir s’adapter en temps réel.

Vous avez assigné votre actionnaire Vector Capital en justice pour mettre fin à l’accord de gouvernance qui vous lie. Pourquoi cette décision radicale ?Cette décision est motivée par un désaccord profond sur la stratégie du groupe, sur le modèle de Technicolor en fait. Alors que Vec-tor a soutenu à maintes reprises publique-ment cette stratégie, ils cherchent mainte-nant à imposer un démantèlement de l’entreprise. Nous souhaitons clarifier la situation et permettre au management et au conseil d’administration de se concentrer sur la prochaine phase de développement. C’est en gardant ce cap que le groupe a réussi son

redressement. D’ailleurs, c’est ce projet stra-tégique qui a été présenté à l’ensemble du marché et sur lequel les investisseurs se sont positionnés. Le management et tous les autres administrateurs ont la conviction que ce sont les technologies développées au tra-vers de ce modèle, alliant activités opération-nelles et expertise en recherche et propriété intellectuelle, qui permettront de maximiser la valeur de nos actifs. Vector n’a pas réussi à convaincre et ne peut pas forcer un chan-gement radical de stratégie par la voie de la déstabilisation.

Quelle est votre vision d’avenir ?Nous voulons rester un acteur clé dans les technologies de l’image et du son. C’est-à-dire être un leader des technologies d’immer-sion visuelles et auditives qui vont faire la prochaine révolution audiovisuelle. On est passé de la télévision noir et blanc à la télé couleur, puis de la SD à la HD. Demain, votre écran va énormément évoluer pour atteindre l’UHD (ultra haute définition), puis le HDR. Nous allons donc vivre des cycles successifs de renouvellement très rapide des matériels. Dans l’image, le pari que nous faisons, c’est qu’en 2018, l’expérience immersive à la mai-son sera plus riche encore que celle que l’on peut avoir au cinéma.Les premiers écrans 4K qui arrivent dans les magasins ne sont qu’une étape. 4K, cela veut dire quatre fois plus de pixels que la HD. La prochaine étape, c’est le HDR, le « High Dynamic Range », que l’on trouve déjà sur certains appareils photo. Le HDR augmente la luminosité et le contraste de l’image pour se rapprocher de la réalité. Ensuite ce sera le « wide color gamut », l’extension de la gamme

de couleurs. Les écrans actuels donnent 20 % des couleurs que votre cerveau sait distin-guer. L’objectif est de doubler la performance à 40 % des couleurs possibles. Enfin, l’immer-sif arrive aussi avec les nouveaux casques à réalité virtuelle. Nous travaillons avec Sam-sung sur la technologie immersive d’Oculus et les résultats sont vraiment extraordinaires.

Ça va être charmant les dîners en famille… Chacun son smartphone, sa tablette et son casque virtuel…D’ici à dix ans, les tablettes auront été rem-placées par les casques et les lunettes. On parle de marchés grand public. Qu’on le veuille ou non, cela va arriver. Après, ce sera à chacun de s’approprier ces nouveaux outils et d’apprendre à vivre avec ces progrès, en famille ou en collectivité.

L’image évolue, mais le son également…Oui, et là aussi on va vers une expérience aussi immersive, voire meilleure, qu’au cinéma, et nous consommerons sur ces nou-veaux outils de nouveaux types de contenu, plus courts, avec plus d’impact. Le nouveau standard de son immersif s’appelle le Mpeg H. L’objectif, c’est de faire coïncider les deux technologies : cela ne sert à rien d’avoir une image immersive de très haute qualité si le son ne suit pas. Pour sentir la différence, il faut combiner les deux sens.

Est-ce que les contenus vont suivre ces nouveaux standards ?Nous travaillons aussi sur les technologies de production. Nous intervenons déjà sur des films capturés en 4K mais nous savons éga-lement produire des films en HDR et

ENTRETIEN

Frédéric Rose, directeur général de Technicolor

« La télé immersive du futur : mieux qu’au cinéma ! » L’ex-Thomson qui valait 1 euro symbolique dans les années 1990 a bien changé. C’est aujourd’hui, au terme d’une lourde restructuration, un ensemble qui sous le nom de Technicolor veut inventer les écrans et le son de demain. Face à la fronde de son actionnaire Vector Capital, Frédéric Rose, explique sa stratégie de reconquête.

PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE MABILLE

Certaines poules pondent plus que d’autres, de même que certains porcs croissent davantage et plus vite que d’autres tout en consommant moins d’aliments. Grâce à sa technologie, le Groupe Grimaud repère ces individus recherchés par les fi lières de production animales, et les sélectionne. «Grâce à la mesure précise des performance de milliers d’animaux, nous choisissons des champions dans différentes lignées, puis nous les croisons. Les animaux reproducteurs que nous vendons ne sont en aucun cas issus de manipulation génétique, mais le résultat d’une sélection généalogique», souligne Frédéric Grimaud, le président de cette entreprise créée en 1966 à Roussay, dans les Pays-de-la-Loire, qui fabrique également des vaccins. «Au cours des dix dernières années, nous sommes passés d’une PME essentiellement française à une entreprise de taille intermédiaire présente dans plus de cent pays, et qui réalise 70% de son chiffre d’affaires à l’international.» Pour déployer rapidement

son activité à travers le monde, Frédéric Grimaud a réalisé une série d’acquisitions. Des opérations qu’il a choisi de fi nancer en levant notamment des fonds. Bpifrance participe à la consolidation des fonds propres du Groupe Grimaud, dont elle détient 15% du capital, depuis 2010. «Bpifrance est plus qu’un investisseur : un partenaire dans la durée, qui comprend qu’un projet industriel comme le nôtre implique une sortie à moyen terme.» Et non au bout de 4 à 5 ans seulement, comme l’exigent la plupart des fonds de private equity. «Un représentant de Bpifrance siège à notre conseil de surveillance aux côtés d’autres membres indépendants, challengeant nos décisions, tout en respectant notre liberté de décision.» En 2015, Grimaud restera à l’affût de toute opportunité de développement qu’il entend accélérer prioritairement par croissance organique. Cette année, le groupe aux 2000 salariés, dont la moitié en France, a réalisé 280 millions d’euros de chiffre d’affaires.

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Frédéric Grimaud, président du Groupe Grimaud © L

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convertir les contenus existants dans les nouvelles normes de qualité premium. Par exemple, nous lançons avec Samsung aux États-Unis un nouveau service de streaming vidéo 4K, avec des contenus HD convertis en 4K.

Ce marché de renouvellement va prendre du temps à s’imposer ?Pas tant que cela. Le premier marché du 4K aujourd’hui, c’est la Chine. D’ici à trois ans, toutes les télévisions vendues en France seront 4K et on proposera déjà du HDR sur le créneau premium. Le renouvellement d’une voiture, c’est sept ans, en moyenne. Pour les télévisions, c’est plus court. Le prix va baisser. En 2014 aux États-Unis, la télévi-sion 4K se vend autour de 2 000 dollars. En Chine, c’est déjà moins de 1 000 dollars. En France, c’est encore un peu cher, mais les prix devraient baisser rapidement sous l’effet conjugué du raccourcissement des cycles éco-nomiques et des volumes produits par les constructeurs. Les grandes compétitions sportives sont des événements moteurs en termes de renouvellement des équipements audiovisuels grand public et devraient accé-lérer l’adoption du 4K. La coupe du monde

de cricket en Inde sera diffusée en 4K. Et puis il y aura l’Euro 2016 et les JO.

Vous ne fabriquez pas d’appareils de télévision. Comment fonctionne votre modèle économique ?En tant que leader technologique du secteur du Media & Entertainment, notre objectif est de développer des technologies qui répondent aux grandes tendances de l’industrie pour le compte de nos clients, et qui seront par la suite utilisées par des tiers pour tous les futurs produits électroniques grand public. L’image et le son du futur, c’est de la haute technolo-gie. Nous travaillons en amont, en R&D, sur différentes technologies audiovisuelles comme notamment la compression de l’image et du son, ce qui permet de faire passer plus d’informations dans un « tuyau » de taille constante. Nous sommes l’un des plus grands acteurs mondiaux de la compression numé-rique. Ce travail de recherche nous permet de détenir des brevets, qui viennent renforcer les programmes de licences que nous signons avec les fabricants. Tous les appareils grand public utilisent nos standards.On est aussi l’un des plus grands créateurs d’effets visuels au monde : Godzilla, X-Men, les Gardiens de la galaxie ou encore Exodus, qui sera sur les écrans français le jour de Noël, ont des effets visuels produits par Technico-lor. En travaillant sur la production du contenu, nous favorisons ainsi l’adoption en amont de certaines de nos technologies. Nous collaborons avec des professionnels comme Samsung aux États-Unis, dans le streaming en 4K, mais aussi en aval, en faisant payer des redevances à tous les fabricants de télévisions, de smartphones ou de tablettes, lorsqu’ils utilisent nos brevets, ce qui est le cas pour la quasi-totalité des produits. Au total, sur un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros, nous en réalisons 1,6 milliard dans l’entertainment et 1,3 milliard dans la maison connectée.

Et sur le marché français ?On s’est refait une santé sur les marchés étrangers et on prépare notre retour, notam-ment dans la maison connectée, avec des

contrats qui seront annoncés une fois le pro-duit sur le marché. On se focalise sur la diffé-renciation, pour nos clients qui veulent faire des choses différentes des autres. L’arrivée de l’OTT (over-the-top) va changer les choses. Les opérateurs essaient de créer une muraille de Chine pour avoir des clients captifs : des box, plus des services de contenus. Mais ce n’est pas le sens de l’histoire. Aux États-Unis, on voit arriver de nouveaux services qui ne passent pas par les opérateurs : ce sont les OTT. Par exemple, Roku, une boîte connec-tée, qui utilise notre plate-forme vidéo, donne accès à 1 500 chaînes, à de la VOD et à des jeux vidéo… C’est une révolution.

Que pensez-vous de l’arrivée de Netflix en France, et plus généralement, de l’état de notre production audiovisuelle ?La stratégie de Netflix pour conserver ses abonnés, c’est de créer ses propres contenus. L’arrivée de Netflix est une bonne nouvelle pour la production audiovisuelle et le cinéma. La réglementation française, avec sa chrono-logie des médias, est désuète et anticoncur-rentielle. On a créé un système sans risques qui enrichit les riches et n’attire pas la pro-duction étrangère dont on ne peut plus se passer économiquement. On forme très bien les talents, comme on le voit dans l’animation ou les jeux vidéo, mais on ne les incite pas à rester en France. Cela dit, la prise de conscience est là. Les récentes décisions concrétisées par la représentation nationale en matière d’amélioration des crédits d’impôt pour le cinéma et l’animation, afin d’augmen-ter l’attractivité et la compétitivité internatio-nale française, vont dans le bon sens. Ces décisions sont une très bonne chose et une étape importante. Elles devraient contribuer à repositionner la France dans cette compé-tition à l’échelle mondiale, alors qu’elle a tous les atouts de créativité et de talents en main.

Qu’en est-il de votre retour dans la maison connectée ?Nous avons effectué un redressement specta-culaire de l’activité maison connectée qui offre des solutions aux opérateurs de TV payante

et aux opérateurs de réseau pour transmettre des contenus de vidéo numériques, de voix, de données et de services domestiques intel-ligents (décodeurs, box, tablettes sans fil). Nous sommes passés de pertes de 40 millions d’euros en 2011 à une marge de 5 % au 1er semestre 2014, et recommençons à générer de la trésorerie depuis l’année dernière. Aujourd’hui, nous sommes surtout présents en Amérique latine, en Amérique du Nord, au Moyen Orient, en Europe du Sud, et dans les pays scandinaves. Nous avons recommencé à gagner des parts de marché en Amérique du Nord en 2013 et nous avons gagné plusieurs contrats en Europe, qui vont se matérialiser dans nos chiffres dès l’année prochaine. Nous avons maintenu nos efforts de recherche et développement sur les dernières années. Cela nous confère une avance technologique qui devrait soutenir notre politique de montée en gamme. Enfin, c’est une activité qui génère beaucoup d’innovations et de brevets. Nous sommes aujourd’hui bien positionnés pour bénéficier du prochain cycle de renouvelle-ment. Nous sommes toujours intéressés de participer à une opération de consolidation, mais une telle opération ne peut se faire qu’avec un accord technologique solide, et si elle est créatrice de valeur.

La France est-elle un pays innovant ?Thomson a lancé le Lyra avant l’iPod, avec des fonctionnalités très similaires, mais c’est Apple qui l’a vraiment développé en lançant iTunes. Ce n’est pas facile d’être un disrup-teur. En France, on parle beaucoup, mais le pays est dans l’immobilisme. Il y a de nom-breux atouts, au premier rang desquels l’in-ventivité de ses chercheurs et le crédit d’im-pôt recherche. D’ailleurs, notre principal centre de recherche est en France, et c’est le principal générateur de brevets parmi nos différents centres de recherche. Malheureu-sement, la vision de la France est peu flat-teuse à l’étranger. La réalité c’est que le plus grand blocage de notre pays est la réglemen-tation du travail et sa rigidité, qui rendent la vie impossible aux dirigeants d’entreprise, dans un monde qui bouge sans arrêt. ■

La future TV immersive, ce sera comme si on y était… pour de vrai ! Ou presque…© TECHNICOLOR

VOS SÉMINAIRES AU COEUR DU GRAND OUEST

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LE TOUR DU MONDE DE L’INNOVATIONDe la ville futuriste immergée aux paiements mobiles sans contactChaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir.

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2 NEW YORK – États-UnisLes cabines téléphoniques transformées en bornes wi-fiInternet. Inutiles, les cabines téléphoniques ? Pas pour New York. Au lieu de les démanteler, la Grosse Pomme a décidé de réhabiliter ses 10 000 cabines en les transformant en bornes wi-fi d’ici à la fin de 2015. Elles permettront d’accéder à Internet, de passer des appels dans tout le pays et de recharger les smartphones et les tablettes.

Le tout gratuitement. La portée du wi-fi s’étendra sur 45 mètres et alimentera 250 appareils simultanément. Ceux qui habiteront à proximité pourront en bénéficier. Financé par la publicité, ce projet baptisé LinkNYC devrait générer 500 millions de dollars en douze ans.

4 MONTAUBAN – FrancePayer avec son mobile grâce aux ultrasonsM-commerce. Seule start-up française présente au G20 de Perth, début septembre, CopSonic ambitionne de révolutionner le paiement mobile. Sa technologie sans contact permet de réaliser des transactions financières sécurisées avec n’importe quel téléphone mobile, y compris les modèles les plus basiques. Le principe est simple : le commerçant indique le montant de l’achat sur son application CopSonic, puis le client doit inscrire son numéro de téléphone et son code pin. Un serveur sécurisé appelle alors le téléphone du client. En répondant, celui-ci déclenche la transaction, qui s’effectue via des sons

et des ultrasons. Car le serveur génère, en réalité, un message codé unique, encrypté dans le son. Le paiement s’effectue ainsi en quelques secondes.

1 SAN FRANCISCO – États-UnisTailio, la litière intelligente qui surveille la santé du chatAnimaux. Votre chat mange-t-il correctement ? Est-il en bonne santé ? Des questions auxquelles il était difficile de répondre au jour le jour… jusqu’à l’arrivée de Tailio. Créée par la start-up Pet Wireless, cette litière connectée est équipée de capteurs pour surveiller l’activité de votre matou et repérer en amont d’éventuels problèmes de santé. Car des changements dans sa physiologie ou dans son comportement peuvent révéler des signes précoces de maladies. Tailio analyse ainsi le poids de l’animal au jour le jour, calcule la fréquence des selles, compile et analyse quantité de données. Le propriétaire reçoit une alerte

sur son smartphone quand il faut nettoyer la litière et si le système détecte des signes révélateurs d’un problème de santé. Encore en développement, cette litière coûtera environ 120 euros et sera commercialisée courant 2015.

7 LE CAP – Afrique du SudDes cartables d’écoliers qui produisent de la lumièreSécurité. Chaque jour, 14 millions d’enfants parcourent à pied plusieurs kilomètres pour se rendre à l’école ou revenir chez eux. Mais trois d’entre eux, en moyenne, sont victimes d’accidents mortels. Pour améliorer leur sécurité, la start-up Rethaka a mis au point un cartable recyclé équipé de panneaux solaires baptisé Repurpose Schoolbags. Ce sac-à-dos emmagasine la lumière la journée et la restitue le soir.

Si l’enfant rentre de nuit, le cartable peut s’illuminer pour être visible sur la route. Destiné aux familles défavorisées, il peut aussi alimenter une lampe pendant douze heures, ce qui permet à l’écolier de lire ou de travailler le soir.

3 SAO PAULO – BrésilDes drones volants défilent pour le « Black Friday »Publicité. Les drones, le nouveau terrain de jeu des marques ? Après Amazon, qui les utilise pour livrer ses produits, la chaîne brésilienne de prêt-à-porter pour hommes, Camisaria Colombo, s’est à son tour lancée dans l’utilisation commerciale des drones. À l’occasion du « Black Friday », c’est-à-dire la journée de soldes exceptionnelle qui se tient chaque année à la fin novembre, la marque a fait voler des drones équipés de mannequins au-dessus du quartier d’affaires de la ville.

L’objectif : promouvoir les vêtements soldés de la marque auprès de ses clients, les hommes d’affaires. Un véritable défilé de mode en plein air.

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LE TOUR DU MONDE DE L’INNOVATION

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6 BERLIN – AllemagneDes frigos en libre-service dans les ruesSolidarité. Le site Web participatif lebensmittelretten.de vient de lancer une initiative originale pour venir en aide aux plus démunis et lutter contre le gaspillage. Plusieurs dizaines de réfrigérateurs ont été disséminées aux quatre coins de la ville, certains étant disponibles 24 h/24, d’autres gérés par des commerçants pendant leurs heures

d’ouverture. Chacun peut y déposer des aliments qu’il ne consommera pas. Et ceux qui ont faim peuvent se servir gratuitement. Seule règle : déposer des produits non périmés et en bon état.

5 AMSTERDAM – Pays-BasLe « fairphone », premier smartphone éthiqueTéléphonie. Désastres écologiques, conditions de travail indécentes, minerais provenant de pays en guerre… Comme l’a révélé l’enquête Cash investigation, diffusée récemment sur France 2, la fabrication des smartphones cache des secrets inavouables. Désormais, les consommateurs outrés par ces pratiques peuvent se rabattre sur le « Fairphone », le premier smartphone éthique. La start-up hollandaise qui le fabrique s’impose d’acheter les matières premières (étain, tantale…) à des mines qui ne financent pas des conflits armés. Elle fait appel à de petites usines, en Chine, où les conditions de travail des salariés sont meilleures. Le smarphone est également conçu pour être plus facilement réparé et recyclé, avec notamment une batterie amovible. Cette exigence a un coût : le Fairphone coûte 310 euros. Il comprend un écran tactile de 4,3 pouces, un capteur photo de 8 mégapixels, 16 Go de stockage, et pèse 164 grammes. Ses performances

techniques sont sensiblement inférieures à celles d’un smartphone classique du même prix. Mais les valeurs qu’il incarne ont séduit 50 000 consommateurs engagés, si bien qu’un second modèle sortira à la mi-2015.

10 SYDNEY – AustralieLe stylo électronique transcrit vos notes sur plusieurs supportsTech. Fini, le stylo-bille ! Des ingénieurs australiens ont inventé le stylo du xxie siècle, baptisé Neo smartpen N2. Sa particularité ? Il « mémorise » ce que vous écrivez, en fait une copie numérique et la transmet sur n’importe quel support (smartphone, ordinateur…). Un système très pratique pour utiliser les notes manuscrites, faire le compte rendu rapide d’une réunion, et ne plus jamais perdre ce que vous gribouillez à la va-vite. L’application, qui peut stocker jusqu’à 1 000 pages dans ses archives, est

compatible avec iOS, Androïd et Windows. Le projet a suscité l’engouement sur la plate-forme de financement participatif Kickstarter, en récoltant 359 000 dollars alors que l’objectif était d’obtenir 20 000 dollars. Le Neo smartpen N2 devrait être commercialisé en 2015 et coûter 99 dollars.

8 KUALA LUMPUR – MalaisieDes briques fabriquées à partir de déchets industrielsConstruction. Des chercheurs algériens et malaisiens de l’Université nationale Tenaga ont créé des briques en utilisant en grande partie des déchets issus des industries de la mine, du charbon et de l’acier. Ils ont notamment utilisé des poussières provenant des carrières, de la cendre issue des fourneaux, de l’oxyde de fer, du ciment et de l’eau. Après environ 750 tests en laboratoire, les chercheurs affirment que ces briques sont moins attaquées par la corrosion et la compression que

les briques classiques, plus résistantes au gel et au dégel, et moins chères à produire. Bref, une solution pour contribuer à résoudre le problème du stockage des déchets industriels.

9 TOKYO – Japon

Bientôt une ville sous-marine et autonomeEt si l’homme habitait le monde sous-marin ?

L’entreprise de construction japonaise Shimizy Corp, des chercheurs de l’université de Tokyo et de l’agence

japonaise pour les sciences et technologies maritimes (JAMSTEC), viennent de dévoiler, après deux ans de travail, leur projet de ville futuriste immergée. Baptisée Ocean Spiral, cette nouvelle Atlantide comprendrait une sphère de 500 mètres de diamètre et de 75 étages, et une usine située au fond de l’océan pour exploiter les richesses sous-marines. Cette cité pourrait accueillir 4 000 résidents et 1 000 visiteurs. Elle abriterait des hôtels, des résidences, des bureaux, des sites de recherche et des centres commerciaux. Les micro-organismes, les méthanogènes, seraient utilisés pour convertir en méthane le dioxyde de carbone capturé à la surface. L’énergie serait produite grâce au différentiel

thermique entre le fond et la surface de l’océan. Selon les experts de Shimizy Corp, toutes les technologies nécessaires à la réalisation de cette utopie devraient être disponibles d’ici à quinze ans.

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ENTREPRISESLA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

Àen croire une étude réalisée par le cabinet britannique Lavery Pennel pour le fabri-cant de revêtements de sols Interface, l’Europe récolte-rait 100 milliards d’euros

de revenus supplémentaires par an, 168 000emplois, 15 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins… si elle procédait à une mise en œuvre généralisée des prin-cipes de l’économie circulaire. La Commis-sion européenne évalue à 600  milliards d’euros, soit 8 % de leur chiffre d’affaires annuel, les économies qui en résulteraient pour les entreprises. La fondation Ellen MacArthur y décèle un potentiel de crois-sance du PIB européen de près de 4 %. De quoi séduire les entreprises qui ont rejoint le club des « 100 de l’économie circulaire »,

créé par l’ancienne navigatrice, dont les Français Michelin, Suez Environne-ment, Renault ou Veolia (lire page 21 l ’entretien avec Antoine Frérot), mais aussi Apple,

IBM, Ikea, Marks & Spencer, Philips, ou Uni-lever et même l’Écosse. Visant à transfor-mer les déchets des uns en ressources pour d’autres et à créer des circuits courts d’échanges de flux de matière ou d’énergie, l’économie circulaire implique aussi pour les entreprises de réinventer leur offre com-merciale, leurs relations avec leurs clients, et plus largement, leur modèle économique.

CONSOMMER MOINS D'ÉNERGIE ET DE MATIÈRE

Mais elles ont de bonnes motivations de s’y convertir. La plus répandue est la volonté de se prémunir contre la volatilité des prix de l’énergie et des matières premières, et leur tendance haussière à long terme.Bien qu’il ne soit pas lui-même fabricant de téléphones portables, l’activité du groupe Orange, avec 150 millions de clients et au moins autant d’appareils vendus chaque année, est directement dépendante de la raréfaction de matériaux tels que l’or, l’anti-moine, le tantale… qui entrent dans leur fabri-cation, et restent encore très peu valorisés.Depuis 2009, l’opérateur rachète les télé-

phones mobiles à ses clients, pour les revendre d’occasion ou pour les recycler. « La rémunération est un vrai levier car nous redonnons du pouvoir d’achat à nos clients », témoigne Denis Guibard, directeur du déve-loppement durable produits et services du groupe. Orange reprend ainsi près de 13 % de ses téléphones, et l’argent rendu au client pour le rachat de son mobile est réinvesti dans ses boutiques. Et sa marge de progres-sion reste importante : l’américain Sprint Extel atteint 50 %.L’opérateur travaille avec divers partenaires pour le reconditionnement ou le recyclage des appareils, tels que le français Recom-merce Solutions, qui opère la boutique espa-gnole de vente en ligne de mobiles d’occa-sion pour le compte de la marque Amena.com, ou l’américain eRecycling Group, lea-der mondial du « recommerce ».

CAPITALISER SUR DES ACTIFS EN LES PARTAGEANT

La Poste, qui envisage justement d’utiliser ses bureaux comme centres de collecte pour les téléphones usagés, explore éga-

Les industriels sont de plus en plus nombreux à miser sur cette nouvelle façon de fonctionner en circuits courts, en faisant la chasse au gaspillage et en réinjectant les matières et l’énergie dans des boucles vertueuses. Mais l’évolution des modèles économiques demeure un défi.

PAR DOMINIQUE PIALOT

lement d’autres voies de l’économie cir-culaire pour trouver des relais de crois-sance à ses activités historiques en perte de vitesse, à l’image du courrier physique qui décroît fortement  : de 18 milliards d’envois aujourd’hui, le chiffre d’affaires de cette activité pourrait être divisé par deux d’ici à 2020. Pour maintenir l’emploi et réduire ses coûts, le groupe entend capitaliser sur ses actifs, à commencer par sa flotte de véhicules et ses 17 000 bureaux répartis sur tout le territoire, en les par-tageant moyennant finances avec d’autres entreprises.La Poste utilise déjà son réseau de 90 000 facteurs pour collecter les déchets diffus, notamment sous la marque la marque Recy’go, les papiers, et bientôt les cartons dans l’ensemble des entreprises visitées. Les produits collectés sont remis à des entreprises de l’économie sociale et solidaire puis revendus à des papetiers français. En 2013, cette activité a généré 4 millions d’euros de revenus pour 10 mil-lions de tonnes collectées auprès de 2 500 clients. Ce montant reste anecdotique au regard de son chiffre d’affaires, mais le groupe réfléchit aussi à des formes de

L’économie circulaire en quête de nouveaux modèles

ÉCOSYSTÈME

600milliardsd'euros par an : les économies qui résulteraient de l'économie circulaire, pour les entreprises.

Recycler, Réutiliser, refabriquer…, l'économie circulaire a pour objectif de limiter la consommation et le gaspillage des matières premières et des sources d'énergies non renouvelables.© FOTOLIA

20 ILA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FRENTREPRISES

logistique inversée qui consisteraient à reprendre le matériel usagé lors de livrai-sons de matériel électronique.

LA TECHNO OPTIMISE « LA CHASSE AU GASPI »

L’économie circulaire ne concerne pas seu-lement les flux de matières physiques ou les actifs inutilisés, mais vise à éliminer le moindre gaspillage. C’est pourquoi les tech-nologies de récupération de la chaleur fatale, celle qui est de toute façon produite mais n’était jusqu’à récemment jamais uti-lisée, se multiplient.Qarnot Computing utilise la chaleur pro-duite par les serveurs informatiques pour

chauffer bureaux et appartements grâce à un radiateur numérique, le Q.rad. Les résis-tances y sont remplacées par des proces-seurs capables d’effectuer des calculs inten-sifs, une opération qui dégage de la chaleur. L’utilisateur branche le radiateur sur une prise Internet et règle le thermostat à la température souhaitée. La start-up vend de la puissance de traitement à des entreprises qui l’utilisent pour de l’animation en 3D, de la simulation scientifique, de l’analyse de risque bancaire, de la recherche pétrolière, etc. La technologie a également séduit la ville de Paris qui l’utilise depuis janvier der-nier pour chauffer une centaine de loge-ments sociaux.Autre start-up, Enogia. Cette société est spécialisée dans les micro-turbines à cycle

organique de Rankine (ORC) qui transfor-ment la chaleur perdue en électricité. Elle intervient sur des installations stationnaires (groupes électrogènes, installations de cogé-nération) mais aussi dans les transports, notamment ferroviaires et maritimes, où elle a noué plusieurs partenariats. « Quant au transport routier, un tiers du carburant mis dans les réservoirs est gaspillé sous forme de chaleur », précise Arthur Leroux, l’un des fondateurs. Autre piste examinée, la valorisation de la chaleur fatale dans les centres d’enfouisse-ment de déchets. Enogia vend sa technolo-gie en assurant au client un retour sur inves-tissement, selon un « business case » (dossier de décision), qui varie avec les applications et le tarif d’achat de l’électricité appliqué.

VERDIR LA PRODUCTION D’ÉNERGIE

Dans le secteur de l’énergie, GrDF peaufine son rôle de maillon de l’économie circulaire. En guerre contre la baisse de la consomma-tion de gaz en France et une image d’énergie fossile importée peu compatible avec la tran-sition énergétique, le distributeur mise sur le biogaz, une énergie renouvelable et produite localement. Encore peu développée en France, la méthanisation de déchets agri-coles, d’industries agro-alimentaires ou ménagers, ou encore de boues de stations d’épuration, se prête à de nombreuses appli-cations : électricité et chaleur via la co-géné-ration, biométhane utilisé comme carburant pour véhicules, digestats remplaçant les engrais chimiques et biogaz injecté dans le réseau pour les usages traditionnels du gaz.En y ajoutant demain la gazéification de bois et après-demain la production des micro-algues, GrDF vise 75 % de gaz d’origine renouvelable à l’horizon 2050.Aux économies de matière ou d’énergie géné-rées par l’économie circulaire s’ajoutent par-fois les bénéfices nés d’une offre commer-ciale innovante. C’est ce qu’ont réussi à réaliser l’américain Interface ou le néerlan-dais Desso, dont les actions vont du recyclage de leurs produits jusqu’à la commercialisa-tion du service de revêtement de sol, en application de l’économie de fonctionnalité.

DES RETOURS SUR INVESTISSEMENTS FLOUS

Mais une telle évolution du modèle écono-mique n’est pas chose facile.Elle implique souvent des investissements importants en R&D, dans de nouveaux outils de production ou de recyclage ou des changements de process, qui présentent des temps de retour sur investissements incer-tains. En effet, sur le plan réglementaire, ni la nomenclature ni le statut des déchets ne favorisent aujourd’hui les matières pre-mières secondaires. Or, la comparaison entre les caractéristiques techniques et le coût des matières biosourcées ou recyclées, et ceux des matières vierges, n’est pas tou-jours en faveur des premières. L’offre de matière recyclée estencore trop faible pour garantir aux entreprises un gisement régu-lier et suffisant. C’est le cas sur les plas-tiques, où la France accuse un certain retard dans le recyclage et la valorisation. En outre, une perception négative des maté-riaux recyclés persiste encore au sein de certaines entreprises, notamment dans les services marketing. Quant aux fournisseurs, ils rechignent parfois à préciser la compo-sition de leurs matériaux, le taux de pro-duits recyclés étant considéré comme une information stratégique qui reflète la pro-duction et les ventes de l’entreprise.

UN CADRE RÉGLEMENTAIRE À AMÉLIORER

« La question des modèles économiques se pose dans un cadre compliqué, reconnaît Hélène Valade, directrice du développement durable de Suez Environnement. Nous tes-tons des modèles qui rémunèrent l’opérateur en fonction de son impact environnemental, mais aujourd’hui le prix de la matière première ne prend pas en compte tous les risques liés à la sécurité de l’approvisionnement, et celui du produit de sortie ne prend pas en compte les externalités positives », déplore-t-elle.La Poste, de son côté, a dû abandonner la collecte des cartouches usagées, faute d’être parvenue à identifier les partenariats avec l’ensemble de la filière pour le recyclage du produit.Face à ces freins, les entreprises attendent des aides à l’investissement mais aussi des évolutions réglementaires concernant les appels d’offres, le droit à l’expérimentation, le statut de déchet, et tout ce qui peut favo-riser la collaboration entre les acteurs. ■

L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE INSCRITE DANS LA LOI FRANÇAISE La loi sur la transition énergétique fixe des objectifs en matière de déchets, mais d’autres pays vont au-delà pour favoriser le développement de l’économie circulaire.

«La France est le premier pays en Europe, et peut-être même au monde, à avoir inscrit l’économie

circulaire dans son droit positif », aime à répéter Ségolène Royal, en référence à la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale mi-octobre, qui prévoit une définition de l’économie circulaire et son inscription dans le code de l’environnement. Son article 4 fixe des objectifs en matière de réduction des déchets à la source, de valorisation et de recyclage, prévoit la prochaine interdiction des sacs plastiques, l’extension des consignes de tri à l’ensemble des plastiques, l’instauration d’un délit d’obsolescence programmée des produits et celui de l’égalité de traitement entre matières vierges et recyclées. Lors des deuxièmes rencontres parlementaires de l’économie circulaire de novembre dernier, la ministre de l’Écologie a également rappelé les plans de lutte contre le gaspillage alimentaire, le principe de proximité, l’exemplarité de l’État au travers de la commande publique et l’appel à projets de l’Ademe pour des territoires « zéro gaspillage, zéro déchet ». Des pistes à creuser parmi les démarches d’autres pays.

Par ailleurs, le Commissariat général au développement durable (CGDD), a passé au crible les démarches de quatre pays qui nous ont précédés sur cette voie, détaillées dans une note, parue en janvier dernier.L’Allemagne, les Pays-Bas, le Japon et la Chine, qui tous y voient un levier de croissance pour leur économie, ont déjà voté des lois dédiées. Dans le cas de la Chine

et du Japon, ce sont des lois cadres qui inscrivent le sujet dans la durée avec révision tous les cinq ans.

Si toutes ces lois encadrent la gestion des matières et des déchets, certaines vont au-delà. En Chine, le sujet englobe également d’autres ressources telles que l’eau, le foncier ou l’énergie. Les Pays-Bas, eux, ont adopté une approche « chaîne de matière », qui prévoit la substitution de matières moins polluantes, la mise en œuvre de process de fabrication ayant moins d’impacts sur l’environnement, voire la limitation de ces impacts lors des phases d’utilisation des produits.Au Japon et aux Pays-Bas, le rôle de multiples parties prenantes est pris en compte, et la coopération entre les différents acteurs, facilitée par les services de l’État.

Le programme « Green Deal », fer de lance de la croissance verte aux Pays-Bas, fait de l’État un facilitateur d’initiatives innovantes portées par la société. Plutôt que des aides financières, il prévoit des coopérations public-privé pour lesquelles l’État s’engage à lever les freins réglementaires et législatifs.Autant de pistes à creuser pour répondre aux attentes des acteurs français qui plaident notamment pour un encouragement à l’expérimentation, des politiques de défiscalisation en faveur des entreprises les plus vertueuses, l’exemplarité de l’État et de la commande publique en faveur de matières recyclées et la simplification du processus de sortie du statut de déchets — qui permet à un déchet destiné à être recyclé de devenir une matière valorisable et d’échapper aux contraintes associées à ce statut. ■ D.P.

Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, a ouvert, jeudi 27 novembre, les débats de la troisième Conférence environnementale, à l'Élysée. © REUTERS/MICHEL EULER/POOL

L'idée originale de la start-up Qarnot Computing : utiliser la chaleur produite par les serveurs informatiques pour chauffer les bureaux, grâce à un radiateur numérique, le Q.rad. © FOTOLIA - QARNOT

La société néerlandaise Desso garantit désormais le recyclage des moquettes, en toute sécurité.© DESSO

I 21LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

LA TRIBUNE – De quelle façon Veolia est-elle concernée par l’émergence de l’économie circulaire ?ANTOINE FRÉROT – L’économie circulaire, qui est au cœur même de l’évolution des métiers liés à la protection de l’environne-ment, donc ceux de Veolia, va se développer pour plusieurs raisons. La tension sur les ressources naturelles va s’accroître, notam-ment sous l’effet de la demande des popu-lations de pays émergents, qui aspirent à un mode de vie occidental. Les prix de ces res-sources ne vont cesser d’augmenter. Or, la première mine de matières, au xxie siècle, ce sont les déchets des pays développés. Et nous avons, chez nous, des solutions pour exploiter cette mine.

Quelles évolutions technologiques favorisent l’avènement de cette économie circulaire ?Sur le plan technologique, l’innovation se situe à plusieurs niveaux. D’abord, en matière de tri. C’est une opération qui reste encore aujourd’hui largement manuelle. À Veolia, nous ouvrons chaque année un nou-veau centre de tri plus automatisé et plus performant. Par exemple, à Amiens, nous avons mis en œuvre une solution qui utilise des écrans tactiles et évite tout contact phy-sique avec les déchets. C’est surtout beau-coup plus rapide, ce qui accroît nettement la productivité du tri. D’autres techniques innovantes, mécaniques, optiques, par souf-flerie, avec reconnaissance de couleurs, etc., permettent d’obtenir de très bons résultats.

Au-delà de cette amélioration de la productivité, quels sont les enjeux pour que les matières triées entrent dans un véritable processus circulaire ?Une fois triée, il faut que cette ressource se matérialise en une nouvelle ressource, la plus semblable possible à celle qu’utilisent déjà les industries de transformation. Il faut qu’elle se présente sous la même forme pour qu’ils puissent continuer d’utiliser les mêmes machines ; qu’elle puisse offrir la même régularité d’approvisionnement que la matière première vierge ; qu’elle présente la même qualité et les mêmes caractéris-tiques, notamment en termes de traçabilité. Et, bien entendu, qu’elle leur soit proposée à un prix compétitif.

Sur quels types de produits est-ce le plus compliqué de satisfaire à tous ces critères ?Les plastiques souillés sont particulière-ment délicats à recycler. Pour y parvenir, il faut d’abord les dépolymériser, c’est-à-dire les rendre liquides pour séparer le plastique des matières qui le souillent. Puis on poly-mérise à nouveau, autrement dit on solidifie les plastiques, selon des techniques de la chimie fine. Cela reste une opération coû-teuse et le bon modèle économique n’est pas simple à trouver. Cela explique que seu-lement 20 % des plastiques soient aujourd’hui recyclés en France.Mais on y parviendra. Regardez le papier :

aux débuts du recyclage en 1992, personne ne voulait de papier recyclé. Des subven-tions ont permis d’amorcer le processus, et grâce aux économies d’échelle et aux pro-grès technologiques, aujourd’hui la moitié du papier fabriqué dans le monde est issu de papier recyclé. La même chose est pos-sible sur les huiles de garage, à partir d’une certaine échelle. C’est donc aussi au stade du traitement et de la reconversion que se situe l’innovation.Dans certains secteurs, nos métiers évoluent avec ceux de nos clients. Par exemple, nous travaillons pour un fabricant de moquette qui ne vend plus ses produits, mais loue une prestation. Nous récupérons, trions et trans-formons la moquette usagée avant de la leur livrer pour qu’ils en refabriquent. De plus en plus, notre métier consiste aussi à récu-pérer des matériaux sur lesquels nous opé-rons une transformation plus ou moins importante, et que nous revendons aux fabricants.

Et au niveau commercial, qu’implique l’économie circulaire ?L’enjeu consiste à convaincre les utilisateurs que les matières recyclées, les « matières premières secondaires », sont d’aussi bonne qualité que les matières vierges. Pour y par-venir, souvent, nous nous associons à la marque qui les commercialise auprès de l’acheteur final. C’est par exemple ce que nous faisons sur les huiles avec Total, qui les vend à côté de ses huiles standard. À terme, on peut même imaginer que ces pro-duits issus de matières recyclées deviennent des arguments commerciaux.

L’économie circulaire modifie-t-elle vos relations avec les autres entreprises, grands groupes ou start-up ?Nous nouons de nouvelles formes de parte-nariat, comme avec le CEA et Renault sur le lithium, ou avec Total pour les huiles de

vidange. Ces collaborations, y compris avec des start-up, peuvent être engagées à diffé-rents niveaux dans l’entreprise. Nous tra-vaillons ainsi avec des fabricants de mem-branes en nanomatériaux indispensables au traitement de l’eau, ou encore avec un fabri-cant de céramique utilisée pour les eaux

usées industrielles chaudes, que nous avons fini par racheter.Nos équipes de recherche et d’innovation repèrent les meilleurs partenaires, mais cela peut également être à l’initiative des équipes opérationnelles, voire à la suite de contacts personnels comme dans le cas de Desso, le fabricant de moquette néerlandais, dont j’ai rencontré le président à Davos.

Les subventions sont-elles indispensables pour atteindre un modèle économique viable ?Tout l’enjeu consiste à donner de la valeur à quelque chose qui n’en avait pas à l’origine. Au début d’une boucle, la matière n’a jamais de valeur. In fine, et c’est ce que l’on constate sur le papier ou l’huile, le producteur de la matière première secondaire peut être payé pour la reprendre. Selon les matières, il n’est pas toujours nécessaire d’être subventionné pour atteindre la rentabilité. Ainsi, pour le

lithium, sur lequel nous venons de déposer un brevet, l’aide à l’amorçage n’est pas indis-pensable, car la pression sur la ressource est suffisamment forte. Pour l’huile de moteur usagée, notre usine Osilub, située à Gonfre-ville près du Havre, a atteint le point d’équi-libre en deux ans. Le coût du produit fini peut aussi varier en fonction de la fiscalité qui lui est appliquée. Ainsi, les plastiques recyclés devraient être exonérés de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, puisqu’ils n’utilisent pas de pétrole.Dans certains cas, la question dépasse celle de la seule rentabilité. C’est parfois une question de souveraineté pour les pays qui ne possèdent pas certains matériaux rares. Par exemple, les réserves mondiales de lithium sont concentrées dans deux pays, dont la Chine. C’est une situation que l’on rencontre souvent dans notre activité « eau ». Certains pays soumis au stress hydrique et éloignés des côtes n’ont d’autre choix que de recourir à la réutilisation de l’eau usée après traitement. Cette technique, qui exige de recueillir et recycler des eaux usées, a un coût inférieur à celui du dessa-lement, et ce marché se développe deux fois plus rapidement.

Sur le plan des soutiens publics et de la réglementation, quels sont les points qui bloquent l’avènement d’une réelle économie circulaire ?La valorisation énergétique des déchets, si ce n’est pas la forme la plus noble, doit être élargie. La fabrication de CSR – les com-bustibles solides de récupération – au fort pouvoir calorifique, très développée en Allemagne, n’en est qu’à ses prémices en France. Or c’est une forme d’énergie renou-velable qui, à ce titre, pourrait bénéficier d’aides publiques.Sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), nous saluons l’extension de l’obligation de reprise gra-tuite par les distributeurs dans les points de vente, qui devrait contribuer à pallier l’absence de déchetterie en milieu urbain.

En effet, cela limite fortement le taux de récupération, sans compter les problèmes d’exportation illégale de déchets dangereux dans des pays en développement.Le projet de loi ne prévoit que très peu de mesures fiscales, compliquées à envisager dans le contexte économique actuel. Il n’en reste pas moins nécessaire d’amorcer de nouvelles filières, même si à terme l’objectif est de s’abstraire des aides. Ainsi, l’État devrait financer des projets de recherche, par exemple sur le recyclage des fibres de carbone utilisées pour les avions. La récupération des terres rares est égale-ment un sujet sur lequel il reste une forte marge de progression. Cela fait partie des projets prioritaires identifiés par le groupe de travail « Recyclage et matériaux verts » que j’ai coordonné dans le cadre des « 34 plans de la nouvelle France industrielle » et dont la feuille de route a été validée par Arnaud Montebourg, en juillet 2014. ■

ENTRETIEN

Antoine Frérot, PDG DE VEOLIA

« Donner de la valeur à quelque chose qui n’en avait pas à l’origine »Les professionnels du recyclage sont au cœur de l’économie circulaire, où les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Comme tous les acteurs économiques, il leur faut trouver le modèle pour financer leurs innovations et faire évoluer leurs métiers. Antoine Frérot détaille ici les enjeux de cette économie.

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE PIALOT

© AFP PHOTO ERIC PIERMONT

LES « MATIÈRES PREMIÈRES SECONDAIRES », SONT D’AUSSI BONNE QUALITÉ QUE LES MATIÈRES VIERGES

22 ILA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FRENTREPRISES

PAR ISABELLE BOUCQ

Les Satt, pépinières de start-up technologiquesEn juin, les Sociétés d’accélération du transfert de technologies (Satt) annonçaient la création de 22 start-up depuis leur démarrage en 2012. En octobre, leur nombre avait bondi à 40. Le mouvement continuera à s’accélérer. Tour de France de ces jeunes pousses nées sous les auspices de la valorisation systématique.

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STIMULER

Les Sociétés d’accélération du transfert de technolo-gies (Satt), dispositif issu du programme des Investissements d’avenir et doté de 900 millions d’euros, ont reçu la mis-sion de créer de l’emploi

et de la croissance économique à partir des travaux de la recherche publique. Avec deux grandes voies de valorisation à leur disposi-tion : la licence d’exploitation de brevets avec des entreprises (140 signatures à ce jour) et la création de start-up.Pour sa première convention, fin novembre, le réseau Satt avait invité sur scène trois de ces jeunes entreprises, dont NFC-Interactive. En exploitant la technologie NFC présente dans tous les téléphones, cette start-up développe des visites enrichies pour des villes et des musées, ou bien des cartes d’accès pour des concerts et des salons. Serge Chaumette, pro-fesseur au Laboratoire bordelais de recherche en informatique et cofondateur de NFC-Inte-ractive, avait une furieuse envie de créer une entreprise. Grâce à la Satt Aquitaine Science Transfert, il a reçu 90 000 euros pour « matu-rer » le projet et il a rencontré son cofonda-

teur, Nicolas Bournet. Approchés par Orange pour l’authentification de produits de luxe et par GDF Suez pour des applications liées aux smart cities, les deux cofondateurs s’attaquent déjà à l’international avec, entre autres, un projet pour les parcs nationaux américains et canadiens séduits par leur solution qui fonc-tionne même sans connexion à Internet.« Si Google était né dans une université française, le projet n’aurait jamais vu le jour », constate Patrick Rein, président d’Activis et de la nou-velle start-up BeamPulse, elle aussi présentée à la convention. Depuis deux ans, il essayait de sortir une technologie du laboratoire MIPS à Mulhouse, une solution de marketing com-portemental qui permet d’observer les inter-nautes sur un site marchand et de les pousser à l’achat avec des offres ciblées. « Ça n’aurait pas été possible sans l’aide de la Satt Conectus. Avec 130 000 euros de la Satt et autant de l’uni-versité, on a pu apporter la preuve de concept », explique-t-il. Plusieurs sites d’e-commerce français, dont Cdiscount et Rue du Com-merce, ont adopté les solutions de BeamPulse qui vise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici à cinq ans.Le troisième exemple présenté vient de Bre-tagne, où la Satt Ouest Valorisation reven-

dique à elle seule la création de 13 start-up qui ont bénéficié de son aide sous forme de maturation, d’ingénierie ou d’accès au por-tefeuille de propriété intellectuelle. En l’oc-currence, Bateleccir est un projet de batteries de grande capacité, capables de stocker des énergies renouvelables, un marché qui se chiffre en milliards de dollars. Didier Floner et Florence Geneste, de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, voyaient bien le potentiel de leurs recherches, mais ils avaient besoin de passer le bâton à un por-teur de projet. Ils l’ont trouvé, grâce à la Satt Ouest Valorisation, en la personne de Fran-çois Huber qui a pris la présidence d’Ionwatt, la jeune entreprise qui va valoriser la techno-logie. La Satt a également géré le dépôt de quatre brevets et financé à deux reprises la maturation du projet pour lui permettre de passer d’un technology readiness level (niveau de maturité technologique) 4 à 7.

« GRÂCE À LA SATT, ON A GAGNÉ DEUX ANS »

À Marseille, Sam Dukan est chercheur CNRS au Laboratoire de chimie bactérienne de l’Institut de microbiologie de la Méditerra-née. Avec Boris Vauzeilles, un collègue dans un laboratoire francilien, il est également cofondateur de Click4tag dont la technologie, à la croisée de la chimie et de la biologie, per-met de détecter la légionellose. Ayant protégé leur technologie par des brevets avant de publier, les deux chercheurs se sont tournés en juillet 2012 vers la Satt Sud-Est nouvelle-ment créée. « Ils nous ont challengés sur l’inté-rêt de notre technologie, mais ils ont financé une étude de marché, puis une première maturation pour 120 000 euros et enfin une seconde matu-ration pour 220 000 euros, des sommes que nous rembourserons », récapitule le chercheur et entrepreneur. « Grâce à la Satt, on a gagné deux ans. En échange, elle a pris 10 % du capi-tal. » Il fait remarquer qu’il a harcelé la struc-ture de valorisation du CNRS pendant des mois sans résultat. Avec la Satt, il estime avoir trouvé un interlocuteur plus réactif.Détour à Paris avec Ramy Iskander qui est chercheur au Laboratoire d’informatique de Paris  VI (CNRS/UPMC). Lauréat du concours création entreprise innovante cat-Pgorie émergence, le projet Chams, du nom

du logiciel, permet d’accélérer la conception de puces électroniques en automatisant une étape du processus jusque-là ignorée. Sujet de sa thèse soutenue en 2008 et raffiné depuis avec des doctorants, Chams connaît un coup d’accélérateur lorsque la Satt Lutech repère le projet et lui apporte 400 000 euros. Résultat, un prototype fonctionnel qui est aujourd’hui testé au CEA DAM à Bruyères-le-Châtel. La création de l’entreprise est pré-vue pour début 2015. « Ce n’était pas dans notre esprit de licencier la technologie et la Satt nous a aussi poussés à la création », résume le futur entrepreneur.Chercheur au sein du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères à Saint-Étienne, Frédéric Prochazka a été sollicité pour valo-riser les caséines, protéines contenues dans le lait. Avec ses collègues, il a développé un plastique fabriqué à partir de caséines qui peut souvent remplacer le plastique tradi-tionnel. Avec quelques caractéristiques en plus, comme la solubilité dans l’eau, la comestibilité ou la possibilité d'ajouter des goûts et des odeurs. Une société a été créée, Lactips, et un contrat de licence exclusive signé avec la Satt. Depuis, Lactips a noué des contrats, confidentiels, avec des géants de l’agroalimentaire et du phytosanitaire.Chez Kodex Lab, c’est la rencontre de cher-cheurs issus de trois laboratoires d’infor-matique et de linguistique qui a mené à la création de cette jeune entreprise il y a quelques semaines. « Ça fait un moment qu’on a l’idée de valoriser. J’avais envie d’avoir un impact dans la vie des gens », explique Emma-nuel Navarro, l’un des fondateurs, issu de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit). Le premier produit sera un kit pour aider les orthophonistes et les psy-chologues à diagnostiquer les troubles du langage chez les enfants ou les personnes âgées. La Satt Toulouse Tech Transfer a apporté 30 000 euros et une aide adminis-trative indispensable. Que les chercheurs s’attellent seuls à la création de leur start-up ou qu’ils trouvent un porteur de projet, l’entreprise leur fait de moins en moins peur. « Avec la collaboration industrielle qui entre dans les mœurs, je vois de plus en plus de mes doctorants travailler dans le privé », constate Serge Chaumette. Alors tant qu’à rejoindre le monde industriel, pourquoi ne pas créer sa propre entreprise ? ■

L'équipe de BeamPulse, présentée à la convention Satt. Patrick Rein (à g.), président ; Pierre Alain Muller, professeur et coconcepteur du logiciel BeamPulse ;Adrien de Turckheim, directeur associé.© MICHEL CAUMES

29 JANVIER 2015

ÉDITION 2015 - PARIS

L’INTERNETMOBILE

LE RENDEZ-VOUS

DE L’INNOVATION NUMÉRIQUE

DANS LA BANQUE

www.inbanque.com

I 23LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

La ministre, qui a rencontré lundi 8 décembre les grands noms du capital-risque américain à la journée de pitchs Paris Demo Day, appelle les investisseurs étrangers à venir voir la

richesse de nos écosystèmes en région. Elle invite aussi les grands groupes français à travailler davantage avec les start-up dans une démarche d’innovation ouverte et confie sa vision du numérique, une révolution devant bénéficier à tous.

Après la labellisation des neuf premières métropoles le 12 novembre, vous engagez l’initiative French Tech dans une nouvelle étape ?Nous entrons effectivement dans une nouvelle phase, celle du concret. Nous lançons aujourd’hui un appel à manifesta-tions d’intérêt afin d’identifier les accélé-rateurs privés français les plus à même de développer le potentiel des start-up pour les faire croître et devenir des PME, puis des ETI et des scale-up [entreprises de croissance passant à l’échelle mondiale] et peut-être les champions numériques de demain. Nous avons créé le fonds French Tech Accélération, qui est doté de 200 millions d’euros provenant du pro-gramme des investissements d’avenir et géré par Bpifrance, pour qu’il investisse dans ces accélérateurs qui seront soit des sociétés privées, soit des fonds d’inves-tissement, des FCPI par exemple, ayant une offre d’accélération importante. Ces investissements sont bien orientés vers les besoins des start-up, à savoir le finance-ment et l’accompagnement, qu’il s’agisse de mentorat, de conseil juridique, fiscal ou RH.Les premiers euros pourraient être déboursés dès janvier 2015. Les investis-sements auront lieu au fil de l’eau, sur une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. L’idée est d’investir des tickets de 1 million d’euros au minimum, pouvant atteindre plus de 10 millions d’euros, voire 20 mil-lions, afin de faire émerger des projets ambitieux. L’État co-investira, à hauteur de 50 % du tour de table au maximum : il vient en garant du sérieux des projets, mais il n’a pas vocation à investir directe-ment dans les start-up accélérées.

Y a-t-il assez d’accélérateurs privés en France ?Les structures publiques sont plutôt dans l’amorçage, l’incubation, les accélérateurs sont plutôt privés en général. J’invite les grands groupes français à créer des incu-bateurs et des accélérateurs et à investir dans les start-up, pourquoi pas en partena-riat avec Bpifrance. J’ai défendu vendredi [5 décembre] à l’Assemblée nationale un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014 sur le corporate venture [le capital-investissement d’entreprises] qui permettra d’amortir fiscalement sur cinq ans des investissements opérés par des fonds de capital-investissement d’entreprises. L’objec-tif est de favoriser les pratiques de finance-ment des start-up par les grands groupes et de mobiliser ainsi 1 milliard d’euros pour le financement des jeunes pousses, d’ici à 2017. Cet amendement a été adopté par l’Assem-blée, il devra être examiné par le Sénat et le décret est prêt : le dispositif pourra entrer en vigueur très rapidement.Nous entrons dans l’an II de la French Tech, celui de l’innovation ouverte, de l’alliance des grandes entreprises avec les PME et les start-up. Les grands groupes ont tout à gagner à s’ouvrir aux start-up. Le niveau de maturité ou d’agilité numérique des grands groupes français varie beaucoup, beaucoup trop, et il demeure chez certains le senti-ment que les grandes entreprises historiques ne seront pas touchées par les disruptions numériques. Je vais rencontrer tous les patrons du CAC 40 dans les trois mois à venir afin de construire une charte d’enga-gement de l’innovation ouverte, pour que l’ensemble de notre économie soit en mesure de répondre aux enjeux de la trans-formation numérique.

Que vous ont dit les investisseurs américains que vous avez rencontrés le 8 décembre ?La Silicon Valley est pour eux le centre du monde. Je leur réponds qu’à l’heure du numérique, il n’y a plus de centre du monde ! Le numérique est partout, tout le monde peut se l’approprier. On fait de la technolo-gie pour le progrès, pas au nom de la tech-nologie elle-même ! Je ne suis pas sûre que la Silicon Valley soit le modèle social dont il faille s’inspirer, et que l’affolement autour des valorisations de start-up d’applications

de service qui seront peut-être oubliées dans douze mois, soit très sain pour l’économie américaine. Je ne suis pas sûre non plus que la Silicon Valley joue un rôle exemplaire dans la transformation numérique plus globale de toute l’économie et la société au bénéfice de tous, en embarquant tout le monde, y com-pris les ouvriers. Nous n’avons donc pas de leçons à recevoir de la Silicon Valley.La Silicon Valley risque de rater le train du développement numérique raisonné, éthique, en croyant être le centre du monde. Je m’intéresse beaucoup au boom des usages mobiles en Afrique, continent grâce auquel le Français sera la première langue parlée au monde en 2050, ce qui représente un énorme potentiel en termes d’e-éducation, d’e-santé, de chantiers d’infrastructures. Là sont les vrais enjeux : le rôle de l’État n’est pas de permettre à un individu de devenir milliardaire ! Ce n’est pas un discours contre

la richesse ou l’innovation, je pense au contraire que la France constitue un terreau très attractif et très favorable à l’entrepre-neuriat. Nous devons mener une contre-offensive qui ne sera pas seulement fran-çaise, mais européenne.De façon plus positive, je leur dis : venez voir les écosystèmes labellisés French Tech, qui recèlent de richesses extraordinaires trop méconnues. Vous connaissez sans doute Bordeaux et la Provence, mais peut-être pas leurs entreprises et leurs start-up ! Nous sommes bons en savoir-faire mais pas tou-jours en faire savoir. Une partie de la mission de la French Tech est d’organiser des visites de VC, de capital-risqueurs. Je leur dis qu’ils sont bienvenus, que les mots clés sont sta-bilité, prévisibilité, accompagnement. J’es-père que mon invitation va être entendue. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CUNY

Axelle Lemaire, secrétaire d’État au Numérique

« L’an II de la French Tech, c’est celui de l’innovation ouverte »À la suite de la conférence LeWeb qui a attiré à Paris le gratin des investisseurs, startuppers et influenceurs de la Silicon Valley, Axelle Lemaire explique comment l’initiative French Tech va entrer dans le concret, avec l’investissement dans des accélérateurs privés, via le fonds French Tech Accélération, doté de 200 M€.

« Venez voir les écosystèmes labellisés French

Tech, qui recèlent de richesses

extraordinaires, trop méconnues »

lance Axelle Lemaire aux

investisseurs américains.

© BENOIT TESSIER / REUTERS

ENTRETIEN

Par décisions de l’assemblée du 22 juillet 2014 et du président des 24 juillet 2014 et 31 octobre 2014, le capital social a été augmenté de 3 852 € par apports en numéraire.Ancienne mentionCapital social : 68 119 eurosNouvelle mentionCapital social : 71 971 euros

Les articles 6.1 et 6.2 des statuts ont été modifiés.

AVISBLARD MEDIA SAS

Société par actions simplifiée au capital de 68 119 euros - Siège social : 33 rue des Jeûneurs, 75002 Paris495 010 837 RCS Paris

PARTECH SHAKER, UN CAMPUS POUR « MIXER » START-UP ET GRANDS GROUPES

En attendant l’ouverture, fin 2016, du « plus grand incubateur du monde » de Xavier Niel à la Halle Freyssinet,

Paris voit se multiplier les lieux consacrés aux start-up. Non loin du Numa, le point de ralliement de l’écosystème numérique parisien, dans le Sentier, vient d’ouvrir « Partech Shaker », dans le siège historique du Figaro. Le fonds de capital-risque français Partech Ventures présente ce lieu, qui sera inauguré le 17 décembre, comme « le premier campus mondial dédié à l’open innovation ». Entre incubateur, accélérateur,

showroom et espace de travail collaboratif, c’est un immeuble entier de neuf étages où cohabiteront des start-up – dont une quinzaine du portefeuille de Partech, telles que Phonotonic, PriceMatch et Sigfox – et des grands groupes (bancaires, industriels, etc.), « six leaders internationaux dans leurs secteurs d’activité, investissant dans l’open innovation » qui seront dévoilés mercredi. Ces partenaires paieront 60 000 € par an pour accéder aux installations, et les jeunes pousses seulement 350 à 400 € par mois et par poste de travail. ■�� D. C.

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LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

GRAND PARIS

Dès 2011, Pascal Madry alertait sur le risque d’une bulle commerciale. Dans un article publié dans la revue Études fon-cières, il expliquait ce phénomène par la

volonté conjointe des acteurs du dossier. D’une part, les élus locaux veulent des implantations ; d’autre part, les investisseurs y voient une source de revenus. Enfin, les enseignes espèrent y gagner des parts de marché. Cet appétit pour l’immobilier com-

mercial a culminé en 2005 avec 250 dossiers autorisés par les Commissions départemen-tales d’aménagement commercial (CDAC), pour un total avoisinant les 600 000 m2.En 2013, 356 172 m2 de nouveaux centres com-merciaux ont été inaugurés en Île-de-France, un volume important dû pour l’essentiel à l’inauguration de projets de plus de 20 000 m2 comme Aéroville, plus grand centre commercial construit depuis dix ans dans la région (84 000 m2, 200 boutiques). Carole Delaporte-Bollerot, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région

Île-de-France (IAU), décrypte ce décalage : « En grande couronne, notamment en Seine-et-Marne, les projets sont rapides à réaliser, deman-dant environ deux ans. Mais en zone dense, il faut en général huit ans entre le projet et son ouverture. Celles d’aujourd’hui correspondent donc le plus souvent à des créations décidées avant la crise ».

« UN BESOIN PLUS RAPIDE DE RENOUVELLEMENT »

Mais depuis 2008, l’appétence pour la créa-tion de nouvelles surfaces commerciales n’a pas disparu. Avec presque 5 millions de mètres carrés autorisés sur la période 2000-2012, la région francilienne compte déjà 170 centres commerciaux. Pourtant, en 2014, l’IAU pointe 58 projets représentant un peu plus de 1,5 million mètres carrés, dont un peu moins de la moitié déjà autorisée par la CDAC. Une analyse plus fine montre qu’entre 2009 et 2012, les opérations les plus nombreuses concernaient des surfaces allant de 1 000 à 5 000 m2, mais que 30 % des opé-rations étaient supérieures à 10 000 m2. Comme le souligne l’IAU : « En relevant de 300 à 1 000 m2 le seuil d’autorisation, la régle-mentation a favorisé un développement non contrôlé des surfaces commerciales ».Un avis que partage le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) qui rend les magasins solos d’entrées de villes respon-

sables de l’offre pléthorique. Selon Cushman & Wakefield, spécialiste en immobilier d’en-treprise, « cette évolution paraît d’autant plus préoccupante que le rythme des ouvertures reste soutenu. L’afflux de nouveaux ensembles com-merciaux, alimenté par la propension croissante des opérateurs à étendre leurs sites pour les dyna-miser ou capitaliser sur leur notoriété, accentue dès lors la dilution des chiffres d’affaires des enseignes ».Le commerce évolue fortement et les enseignes doivent s’adapter et créer sans cesse un nouvel engouement. Aujourd’hui, les foules ne rêvent plus de passer leurs week-ends à pousser leurs caddies dans les allées de centres sans âme. « Mais, souligne Carole Delaporte-Bollerot, nouveaux concepts et nouveaux services provoquent moins une régé-nération de l’existant qu’une offre incessante d’espaces supplémentaires, laissant planer l’ombre d’une bulle ». Pour Christian Dubois, directeur général de Cushman & Wakefield France, « beaucoup de centres ont vieilli et cer-tains vont devoir se réinventer. Le marché a besoin d’un renouvellement de plus en plus rapide ». Si certains des nouveaux centres sont tout simplement des drives et des supé-rettes, beaucoup s’avèrent « sustainable, design et fashion », démodant leurs voisins avec un risque de cannibalisation.Depuis dix ans, la manière de consommer a évolué, notamment sous l’impulsion du e-commerce. En 2013, les ventes sur Internet ont franchi la barre des

Vers une bulle des centres commerciaux en Île-de-France ?Malgré la crise, Aéroville, Qwartz, l’Ilo, One nation ont ouvert ces derniers mois à côté de dizaines de drive et supérettes... Ces ouvertures massives font craindre une surproduction de surfaces commerciales et l’aggravation de la dichotomie entre artères prime et secondaires.

PAR JEAN-PIERRE REYMOND

LE LUXE A TOUJOURS LE VENT EN POUPE

C ertes, la croissance dans le luxe a ralenti, passant de plus de

15 % à environ 5 %, mais les Champs-Élysées demeurent la troisième artère la plus chère au monde, derrière Causeway Bay à Hong Kong et la 5e Avenue à New York. Avec l’ouverture des 460 chambres du Mandarin Oriental, Shangri La et

Peninsula, et une hausse annuelle de 5,2 % des touristes étrangers qui réalisent 60 % des ventes du secteur, le luxe est en forme. Et « l’intérêt du consommateur pour les marques s’amplifie » précise Carole Delaporte-Bollerot. Dans ce contexte, le manque d’emplacements et la demande soutenue

poussent à la hausse l’avenue Montaigne et la rue Saint-Honoré où se sont installés Valentino, Berluti, et Fendi. Du coup, les marques investissent d’autres quartiers touristiques jusque-là délaissés, notamment Saint-Germain-des-Prés et le Marais, où ont atterri Caudalie, Pierre Hermé et Karl Lagerfeld. Ainsi, Cushman & Wakefield note que l’on assiste à une « gentrification galopante de l’Est de la capitale ». ■

À Roissy-en-France, Aéroville, centre commercial et de services sur un seul niveau,est devenu un véritable lieu de vie de la plate-forme aéroportuaire. L’évasion est le maître-mot de son attractivité.© LIONEL LOURDEL

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EDF ET SES FILIALES CONÇOIVENT LE FUTUR RÉSEAU DE RECHARGE AUTOMOBILE Nous déployons des réseaux de bornes de recharge et nous concevons des batteries plus performantes pour circuler autrement. D’ici 2015, 5 000 bornes de recharge électrique seront installées partout en France. En partenariat avec les constructeurs automobiles, nous faisons entrer le véhicule électrique dans la ville.

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L’énergie est notre avenir, économisons-la !

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50 milliards, soit une progression de 14 % sur un an. Aujourd’hui, la France se situe au 6e rang mondial pour les ventes en ligne, et au 3e rang européen après le Royaume-Uni et l’Allemagne. L’étude de Cushman & Wake-field précise : « L’e-commerce continuera de gagner du terrain, accentuant la dilution des chiffres d’affaires de la grande distribution. Aujourd’hui, l’e-commerce représente entre 3,5 % et 5 % du chiffre d’affaires du commerce de détail, mais son poids devrait atteindre 20 % à 25 % d’ici à 2030 ». « Dans ce contexte de concurrence accrue, analyse Carole Delaporte-Bollerot, les distributeurs se positionnent de plus en plus entre deux extrêmes : le prix et la différenciation, se désintéressant des centres commerciaux moyens ».

LA NOUVELLE ÈRE DU « RETAILTAINMENT »

Différents concepts président à ces ouver-tures. Le premier, et sans doute le plus important, est ce que les spécialistes appellent le retailtainment, contraction de retail (commerce) et entertainment (divertis-sement). Même si l’IAU demeure sceptique sur la capacité des Franciliens à associer loi-sirs et commerce, Immochan est prêt à parier deux milliards d’euros sur ce concept. Pour Christophe Dalstein, directeur général d’Eu-ropaCity, « notre ambition est de développer un lieu de destination avec des commerces d’un nou-veau style, mais aussi avec une offre très consé-quente de loisirs. Si le commerce est vital pour l’équilibre économique, l’offre culturelle et de loisirs sera l’élément déclencheur de la visite ».À ce titre, le nouveau centre de 24 000 m2, Vill’up, qui va ouvrir à Paris au cœur de la Cité des sciences et de l’industrie, est emblé-matique. Cet investissement de 110 millions d’euros témoigne de l’appétence des inves-tisseurs pour les sites accueillant un impor-tant flux de visiteurs. Avec seulement 25 boutiques, Vill’up proposera un multiplex de 16 salles et 2 900 fauteuils, une dizaine d’en-seignes de restauration et un simulateur de chute libre IFLy, le premier en France. Phi-lippe Catteau, président de la foncière Catin-vest qui a lancé One nation (voir encadré), croit en ce modèle : « Les propriétaires des centres existants ont besoin de ce vecteur loisirs pour défendre leurs positions. Mais attention, certains auront du mal à s’adapter, ne serait-ce qu’à cause de leur configuration ou de leur emplacement ». En effet, cette production incessante de nou-veaux mètres carrés entraîne des dommages collatéraux. Et le grand perdant est connu. Pour Jean-Michel Silberstein, délégué général du CNCC, « le format le plus en difficulté est celui de la petite galerie marchande autour d’un hyper. Car beaucoup d’hypers se sont dotés d’un drive, faisant automatiquement baisser leur fré-quentation ». De fait, si l’Île-de-France avait un gros retard dans ce domaine, elle le comble rapidement, comptant fin 2013 envi-ron 254 drive. L’enquête globale transport de l’IAU confirme qu’il y a une diminution des

déplacements pour achats vers les hypers. Mais il y a d’autres perdants, comme le Mil-lénaire, dont les 56 000 m2 de commerces ont ouvert en 2011 à Aubervilliers. Jean-Michel Silberstein l’affirme : « Le Millénaire est clai-rement en difficulté ». Pour Christian Dubois, le constat est simple : « Visibilité, accessibilité, convivialité sont les trois clés du succès. Or, le Millénaire se voit du côté d’Aubervilliers, mais pas du péri-phérique. Son accessibilité est horriblement compliquée. De plus, il a été conçu à une époque où les moyennes surfaces étaient la norme. Aujourd’hui, les marques veulent des formats plus réduits ». « De plus, précise Carole Dela-porte-Bollerot, il souffre du retrait de la Fnac et d’une mauvaise évaluation de sa zone de chalandise ». Pourtant, ce centre est aux portes de Paris, ce qui est loin d’être le cas de très nombreuses créations.Comme le souligne Carole Delaporte-Bolle-rot, « plus de la moitié des surfaces autorisées sont localisées entre 10 et 30 km de Paris, témoi-gnant d’un décalage avec la répartition de la population ». Pour elle, ces implantations sont purement opportunistes, les investisseurs profitant d’un foncier disponible, jugé peu onéreux.

Mais cet effet d’opportunité provoque un grignotage des terres, préjudiciable au déve-loppement durable. Il va aussi à contre-cou-rant de l’une des grandes tendances obser-vées, la proximité. Carole Delaporte-Bollerot souligne : « Tous les groupes alimentaires, y compris ceux dont la culture de base était l’hy-permarché, ont développé des formats adaptés à ces chalandises de plus petite taille, notamment à Paris ».

LE FORT DÉVELOPPEMENT DU « TRAVEL RETAIL »

Et quand le consommateur ne va pas au com-merce, le commerce va jusqu’à lui comme le prouve le fort développement du « travel retail ». Pour Christian Dubois, « il y a une appétence permanente et renouvelée des enseignes pour le travel retail ». Après la gare Saint-Lazare, Rachel Picard, DG de Gares & Connexions, a obtenu en juin 2014 l’accord du conseil d’administration de la SNCF pour transformer la gare Montparnasse : « Notre but est de faire de la gare un espace innovant de commerces et de loisirs ». De fait, le marché se polarise : d’un côté les centres régionaux attractifs, les rues prime et les lieux à fort passage ; de l’autre, les centres de taille moyenne.Ce que confirme un rapport de Cushman & Wakefield : « Les enseignes sont pour la plu-part attentistes et, quand elles poursuivent leur développement, concentrent leurs efforts sur les meilleurs sites tout en se défaisant de leurs points de vente les moins performants. Les mar-chés secondaires ne jouissant pas d’une confi-guration optimale ont logiquement pâti de ces arbitrages ». Le premier à en profiter est bien évidemment le Triangle d’or dont les prix atteignent un plafond (voir encadré). Mais cette artère où les loyers s’élèvent à 18 000 euros le m2/an n’est pas symbolique de la tendance générale. Selon le PROCOS, Fédération pour l’urba-nisme et le développement du commerce spécialisé, le taux de vacance augmente.Si l’Ile-de-France résiste mieux que l’en-semble du pays, ce taux s’établissait à 7,1 % pour l’ensemble des centres-villes français en 2012, contre 6,3 % en 2001. Pour les

centres comptant de 80 à 120 boutiques, il est passé de 3,8 % à 5,5 %. Si ces chiffres ne sont pas encore alarmants, le PROCOS sou-ligne la dichotomie croissante entre les artères prime et secondaires, et entre les dif-férents formats de centres – dichotomie qui devrait encore s’accentuer. Signe de cette tension, Cushman & Wakefield souligne : « Le durcissement des conditions de négociation traduit la détermination des enseignes à dimi-nuer leurs coûts d’occupation. Ainsi, les bailleurs ont consenti davantage de mesures d’accompa-gnement, sous forme notamment de contribu-tions aux travaux, ou de franchises de loyers ». Pour Christian Dubois, « s’il y a davantage de mètres carrés, une consommation stable et un commerce électronique en hausse, le CA par mètre carré baissera et les propriétaires devront ajuster leurs loyers. Ou bien il y aura un risque de vacance ».Les plus alarmistes, comme Booz & Com-pany, estiment qu’1,7 million de mètres car-rés pourraient disparaître d’ici à 2020, à la suite de la fermeture de banques, agences de voyage, boutiques de téléphonie… Pourtant, l’extension du Forum des Halles, la restruc-turation de la Samaritaine, l’ouverture de commerces dans la Poste de la rue du Louvre et les espaces commerciaux de la gare Mont-parnasse sont déjà au programme. Selon l’IAU, « l’abondance de capitaux et le recours plus fréquent à l’endettement se traduisent par un engouement pour l’immobilier commercial, jugé moins risqué. Jusqu’à quand ? Car l’en-semble des indicateurs de performance de la distribution sont dans le rouge, le chiffre d’af-faires baisse depuis 2008, la vacance augmente et les rendements diminuent, quel que soit le type d’immobilier commercial. Les prix, qu’il s’agisse des valeurs locatives, des valeurs d’actifs et des valeurs foncières, sont de plus en plus déconnec-tés de leur valeur économique ». L’investisse-ment devient donc moins rentable et plus risqué. Curieusement, alors que dans son document « Île-de-France 2030 » la Région préconisait la création d’une commission régionale d’aménagement commercial et voulait confier aux Régions une compétence en matière de planification commerciale, rien n’a vu le jour. D’ailleurs, aucun élu n’a sou-haité répondre à nos questions... ■

One Nation est le nouveau temple du déstockage haut de gamme. Il accueille notamment le premier outlet des Galeries Lafayette.© ONE NATION

ENTRETIEN PHILIPPE CATTEAU, PRÉSIDENT DE LA FONCIÈRE CATINVEST

ONE NATION, UN MODÈLE À PART En décembre 2013, Catinvest a ouvert son outlet One Nation à dix minutes du Château de Versailles. Ce bâtiment de 70 000 mètres carrés, dont 24 000 mètres d’espace commercial, propose des rabais de 30 % à 70 % sur des grandes marques. Rencontre avec Philippe Catteau, président de la foncière Catinvest, qui y a investi près de 110 millions d’euros

LA TRIBUNE – Après neuf mois d’ouverture, quel est votre bilan ?Notre fréquentation est environ 20 % au-dessus de nos prévisions. Aujourd’hui, nous sommes sur 2 millions de clients annuels, avec l’objectif de doubler ce chiffre d’ici à 2016. Pour l’ouverture d’un outlet, c’est la meilleure

fréquentation enregistrée avec 35 000 clients par week-end et 210 000 pièces de prêt-à-porter et chaussures vendus lors des soldes.

Les Galeries Lafayette ont ouvert le 13 septembre leur outlet. Pourquoi ?C’est la première fois qu’un grand magasin ouvre un outlet. À mon avis, les créneaux de distribution changent et ils ont vu que ceux-ci se développaient. Comme tous les commerçants, ils ont des problèmes de stocks. À partir de là, ils ont sélectionné notre site pour son emplacement et son architecture.

Quel est votre cœur de cible ?D’abord, les onze millions d’habitants de Paris et de l’Ouest francilien. À terme, quand nous aurons fait notre travail de référencement auprès des voyagistes chinois, russes

et autres, cette clientèle prendra une place de plus en plus importante. À ce titre, la notoriété des Galeries Lafayette va nous faire gagner du temps. Dans dix ans, nous espérons que cette clientèle représentera de 30 à 40 % du CA.

Comptez-vous ouvrir d’autres centres ?Nous avons deux projets, mais pas en IDF. Nous considérons qu’avec deux outlets de qualité à l’Est et à l’Ouest francilien, l’offre est équilibrée.

Qu’espérez-vous du Grand Paris ?Pour un centre commercial dont la zone de chalandise se situe à moins de 15 minutes, l’impact ne sera pas considérable. À l’inverse, notre zone est plus étendue et l’arrivée du Grand Paris aura un impact avec la ligne 18 qui reliera Orly à Versailles. Le développement

de Saclay pourrait aussi générer de nouvelles clientèles.

On parle de bulle commerciale. Qu’en pensez-vous ?Nous n’investissons qu’exceptionnellement dans des centres commerciaux classiques, car nous estimons que nous sommes proches de la cannibalisation. Entre la conjoncture économique et l’essor d’Internet, des zones sinistrées vont apparaître, avec des bâtiments difficiles à commercialiser. Mais la région parisienne fait toujours rêver les investisseurs et il y a encore des candidats pour les pousser. Pourtant, les dernières ouvertures, d’Aéroville et du Millénium, devraient sérieusement calmer les ardeurs. C’est pour cela que nous sommes partis dans les outlets, où la France est très en retard par rapport à l’Italie ou à l’Angleterre. ■� J.-P. R.

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MÉTROPOLES28 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

LA TRIBUNE – Il n’y a pas de définition unique de la ville intelligente. Quelle serait-elle, selon vous ?JEAN-LUC MOUDENC - C’est une ville plus facile à vivre, plus collaborative et moins chère. Une ville qui prend le parti des tech-nologies les plus performantes pour faciliter la vie des citoyens et rendre l’action publique plus efficace. Les investissements engagés dans la ville intelligente doivent pouvoir per-mettre de faire des économies de fonction-

nement, ce qui est un impératif pour les col-lectivités territoriales du fait de la conjoncture et de la baisse des dotations de l’État. Les citoyens nous demandent de pérenniser et de développer les services publics. Mais aussi de les rendre plus performants et moins coû-teux. Pour moi, c’est cela la ville intelligente.

La ville de Toulouse est-elle engagée dans une démarche smart city ?Il y a des initiatives, mais elles sont ponc-tuelles. Je veux que nous ayons une ambition générale, ainsi qu’une approche globale et systématique. Pour cela, nous devons chan-ger de culture, acquérir de nouveaux réflexes et construire différemment nos projets.

Toulouse est-elle en retard par rapport à des villes comme Paris ou Lyon ?Je n’ai pas fait de benchmarking pour savoir si nous étions en avance ou en retard. J’ob-serve que, souvent, les grandes villes ont choisi d’appliquer les principes de la smart city à tel ou tel domaine, les transports ou l’énergie, par exemple. J’aimerais que Tou-louse se distingue par un caractère général et systématique : « Toulouse, global smart city », en quelque sorte. Les métropoles sont en concurrence entre elles, et Toulouse n’a pas intérêt à être timorée et attentiste, ou à faire comme les autres.

Quels sont les atouts de Toulouse ?Une quarantaine de projets innovants public-privé sont menés avec des start-up, des TPE-

PME et des grands groupes. Nous avons à Toulouse des entreprises et des acteurs très mobilisés sur les questions de mobilité, d’énergie ou de numérique. De plus, nous faisons désormais partie des neuf villes label-lisées French Tech.

Quel est le plan d’action ?Je veux que, d’ici à la fin 2020, Toulouse soit reconnue comme l’une des villes les plus en pointe en France et que les services publics – et nos 13000 agents – soient totalement imprégnés de la culture ville intelligente. Une délibération a été votée en septembre et Tou-louse a décidé de lancer une démarche smart city à grande échelle, en tenant compte de la logique de « spécialisation intelligente » impulsée au niveau européen. Toulouse Métropole répondra à l’appel à projets Hori-zon 2020 de l’Union européenne et le label French Tech aidera notre candidature.

Quels sont les besoins des Toulousains ?Dans les mois qui viennent, nous allons définir les besoins autour de quatre théma-tiques clés : mobilité, énergie, e-services et autonomie, économie des services aux seniors. L’ensemble de la relation entre la collectivité et les citoyens peut être concer-née. Je souhaite que les responsables des services de la ville et de la communauté urbaine – de la métropole à partir du 1er jan-vier 2015 – étudient comment avoir recours aux technologies les plus performantes, comment optimiser la qualité du service,

comment en simplifier l’accès, de quelle manière rendre plus simples les modes de paiement et comment améliorer la réacti-vité. Il faut que chacun revisite ses process à l’aune de la ville intelligente. Nous devons être volontaristes.

Y aura-t-il des résistances au sein de l’administration ?Oui, je pense qu’il peut y en avoir. La métro-pole compte 13 000 agents, et nous allons devoir les mobiliser. Mais c’est un projet qui arrive au bon moment. Après l’alternance municipale, c’est l’occasion de modifier nos habitudes de travail. Je veux installer un nou-vel état d’esprit dans la culture administra-tive, et cela passe par davantage d’échanges avec l’univers privé.

Le projet de ville intelligente vient-il de la nécessité de faire des économies ?Pas seulement, mais il est vrai que le contexte de baisse des dotations de l’État nous oblige à revisiter nos habitudes. Nous étions sur le mode « on a toujours fait comme ça », mais chacun doit maintenant se demander comment faire mieux et moins cher. Depuis le mois d’avril, j’ai beaucoup communiqué en interne et en externe sur les difficultés financières auxquelles nous allions être confrontés pendant tout le man-dat, avec une force et une violence inédites. Mais j’essaie aussi de positiver tout cela. Au lieu de nous lamenter, remettons-nous en cause, innovons. Investir sur la ville intelli-

ENTRETIEN

« La recherche de la performance technologique ne doit pas être synonyme d’exclusion », affirme Jean-Luc Moudenc.© DR

Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole

« Toulouse veut devenirune ville intelligente globale »

AVEC SES START-UP ET PME INNOVANTES, TOULOUSE LANCE SA STRATÉGIE POUR LA VILLE CONNECTÉEMobilité, énergie, réseaux, e-services, économie des services aux seniors : la métropole toulousaine lance officiellement sa stratégie smart city. Ou comment le numérique peut améliorer la vie des citoyens. Une démarche qui prendra directement en compte les initiatives innovantes des start-up et PME locales et qui s’appuiera sur la quarantaine d’expérimentations déjà menée dans le territoire.

E n amorçant une démarche globale en matière de smart city, Toulouse entend rattraper l’avance prise depuis

quelques années par d’autres grandes métropoles françaises, comme le Grand Lyon, Nice Côte-d’Azur, la Communauté urbaine de Bordeaux et même Grenoble, Montpellier et La Rochelle. Sans compter le Grand Paris, qui déploie actuellement une stratégie ambitieuse en la matière. Pour Toulouse et sa métropole, l’objectif est double. Il s’agit à la fois de s’offrir une visibilité plus forte à l’échelle nationale et internationale, et d’apporter aux habitants de nouveaux services. La collectivité va ainsi lancer au début de 2015 un plan d’action visant à « faire remonter les besoins exprimés par nos services et ceux des citoyens », explique Caroline Lapelerie, directrice Recherche, innovation et filières à Toulouse Métropole. Mais la ville intelligente — qui, grâce au numérique, devrait être « plus facile à vivre, plus collaborative et moins chère », selon Jean-Luc Moudenc, maire

UMP de Toulouse et président de Toulouse Métropole — s’appuiera également sur la quarantaine d’expérimentations menée récemment dans le territoire toulousain.Ces expérimentations permettent à des PME, des start-up et des laboratoires de recherche de Midi-Pyrénées, en collaboration avec des acteurs nationaux, de tester en conditions réelles leurs prototypes ou leurs services innovants. C’est notamment le cas de l’initiative SoGrid, portée par un consortium de dix partenaires réunis autour d’ERDF, du Laas-CNRS Toulouse, de Capgemini et de STMicroelectronics. Dans un test grandeur nature prévu pour 2015, un millier de foyers toulousains pourront expérimenter un nouveau réseau électrique intelligent. Un projet qui mobilise un budget global de 27 millions d’euros.

Des bornes de charge innovantes. Autre initiative, cette fois-ci dans le domaine des transports : le projet Électromobilité. Un partenariat que Toulouse Métropole

a conduit notamment avec EDF-ERDF, Sodetrel, Citiz et une entreprise régionale, le Groupe Cahors. « Nous avons mené une expérimentation durant plus d’un an, explique Caroline Lapelerie. Nous avons déployé sept bornes de charge de véhicules électriques, dont trois proposant une charge rapide innovante permettant d’effectuer une charge complète en trente minutes, contre six à huit heures habituellement,

et ce, sans impacter le réseau ». Ce projet a d’ores et déjà permis au Groupe Cahors de lancer l’industrialisation et la commercialisation de ses solutions.

Des succès… et des échecs. Applications mobiles pour les musées ou les transports en commun, optimisation énergétique des bâtiments, compteurs électriques communicants, services de paiement sans

I 29LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

CES START-UP TOULOUSAINES QUI MISENT SUR LA SMART CITY WATTLET, LES CÂBLES INTELLIGENTS POUR LE BÂTIMENT« Nous mettons de l’intelligence dans les câbles électriques », se félicite Luc Wathelet, fondateur de la jeune société Wattlet, implantée à Auterive, en Haute-Garonne. L’entreprise, créée en 2011, a développé le Wattcub un système innovant, qui permet à de simples interrupteurs de communiquer avec l’ensemble des objets connectés de l’habitat, mais aussi des bâtiments tertiaires et des unités de production industrielle, dans un souci d’économie d’énergie. « Le marché de la domotique n’est pas encore mature, constate Luc Wathelet. Car les prix des équipements sont souvent trop élevés. Et d’autre part, la communication au sein de l’habitat doit passer par des technologies les plus standard possible ».

COOVIA, LA MOBILITÉ MULTIMODALEFondée en 2012 par David Larcher, un ancien salarié d’Airbus, la start-up Coovia, située à Sainte-Foy-de-Pey-rolières, en Haute-Garonne, développe une solution innovante de transport urbain multimodal. « Nous prenons pour base que

le covoiturage peut être considéré comme un transport en commun à part entière, explique le jeune dirigeant. Nous souhaitons ainsi transformer les places vides des automobiles de la métropole toulousaine… en bus ! L’idée est de combiner de façon fine et en temps réel les véhicules privés et publics, en proposant des trajets multimodaux, débutant par exemple en métro pour se poursuivre en covoiturage et se terminer en bus. » Coovia, qui devrait atteindre les 10 000 inscrits à la fin de l’année, voit dans Toulouse un « laboratoire ».

TELEGRAFIK, LES CAPTEURS POUR LES SENIORS À DOMICILELa start-up toulousaine Telegrafik a été fondée fin 2013 par Carole Zisa-Garat, qui, après avoir occupé durant dix ans des postes d’encadrement et de direction au sein du groupe Renault, a décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. La jeune société débute actuellement la commercialisation d’Otono-me, son système d’alerte et de monitoring destiné aux personnes fragilisées à domicile. « Nous répondons aux problèmes des médaillons que portent certaines personnes âgées et qui ne

fonctionnent que dans 20 % à 30 % des cas, parce qu’ils ne sont pas portés ou parce qu’en cas de chute, les utilisateurs ne parviennent pas à les atteindre ». Avec son système basé sur des capteurs posés au domicile des seniors, la start-up mise sur un chiffre d’affaires de 200 K€ en 2015.

SIGFOX, LA RÉVOLUTION BAS DÉBIT POUR LES OBJETS CONNECTÉS« Dans cinq ans, cette boîte peut être plus grosse qu’Airbus ! », s’enthousiasme Ludovic Le Moan, président de la société Sigfox, basée à Labège, en Haute-Garonne. Et si l’homme affiche de telles ambitions, c’est parce que son entreprise, premier opérateur de réseau cellulaire bas débit destiné aux objets connectés, vise « un marché au potentiel gigantesque ». Actuellement en phase de déploiement mondial de sa technologie, la société compte depuis avril dernier une recrue de choix. Anne Lauvergeon, ancienne présidente d’Areva, en a en effet pris la tête aux côtés de Ludovic Le Moan. Un duo complémentaire : « Je gère l’opérationnel, elle gère le board », résume-t-il. Sigfox devrait lever « au moins 50 M€ » au début de 2015 et entrer au Nasdaq en 2016. ■

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gente, faire le pari des nouvelles technologies, c’est construire un nouveau modèle écono-mique pour les services publics.

La smart city repose sur de nouveaux modes de gouvernance. Lequel choisirez-vous ?Il nous faudra mettre en place une organisation transversale et une gouvernance dédiée, en association avec des partenaires et des entre-prises. J’ai demandé à deux personnes de pilo-ter ce grand projet : le directeur général des services, Xavier Patier, et le no 2 de l’adminis-tration, André Thomas, qui est le délégué géné-ral à la modernisation, un titre qui n’existait pas jusqu’à présent et qui a du sens. Tous les deux devront conduire concrètement cette adaptation de la collectivité.

Êtes-vous prêts à signer des partenariats public-privé (PPP) ?Sur ce point, je suis toujours très réservé car les PPP renvoient à un modèle économique précis, adapté à certaines réalisations et pas à d’autres. C’est un dispositif très contraint et certains PPP ont coûté cher à la collectivité. Ce

n’est pas un passage obligé. Pour ma part, je préfère parler de coopération. Il y a de mul-tiples outils de partenariat avec le privé, et je ne veux pas enfermer la coopération au seul modèle du PPP.

Les groupes proposent aux collectivités des bouquets de solutions pour les smart city. Êtes-vous très sollicité ?Oui, j’ai déjà reçu beaucoup d’entreprises. Nous allons voir si nous prenons un opéra-teur, un groupement d’opérateurs, ou si nous choisissons une autre solution. Il est trop tôt pour le dire aujourd’hui. Certaines majors sont très avancées et actives pour proposer des services à la collectivité. Parallèlement, il y a un foisonnement de start-up qu’il faut

encourager. Je pense que la bonne formule pourrait être de créer des groupements com-posés de gros opérateurs et de PME porteuses d’innovations.

Les jeunes pousses et PME régionales bénéficieront-elles du projet ?Oui, nous voulons construire la smart city avec les PME et les start-up locales. Le Small Busi-ness Act a vocation, et c’est une première en France, à faciliter l’accès des PME à la com-mande publique. À partir du 1er janvier 2015, cette charte nous accompagnera pour la rédaction de tous les cahiers des charges et tous les appels d’offres de la collectivité.

Dans la smart city, la technologie prend une part grandissante. Y a-t-il encore une place pour le politique ?Notre volonté politique est de permettre au plus grand nombre de bénéficier des nou-veaux services et d’accéder aux technologies. Nous ne voulons pas que l’appel à la techno-logie se traduise par la mise à l’écart d’une partie importante ou croissante de la popu-lation. La smart city à la toulousaine ne doit pas rester dans un cercle d’initiés, ni être l’apanage de la seule jeune génération. C’est à nous d’y veiller. La recherche de la perfor-mance technologique ne doit pas être syno-nyme d’exclusion. C’est un sujet politique, et nous passerions à côté de notre rôle si nous n’y prêtions pas attention.

L’architecture et l’urbanisme de Toulouse va-t-il changer ?La conception des nouveaux quartiers doit s’imprégner des préceptes de la smart city. Autour de la gare Matabiau qui accueillera la future gare LGV, un nouveau quartier va sor-tir de terre progressivement au fil des vingt-cinq prochaines années. Toulouse Euro Sud Ouest, qui sera le futur plus grand projet urbain de Toulouse, doit être le premier quar-tier smart city. L’État nous annonce l’arrivée de la LGV pour 2024, il doit y avoir un début de nouveau quartier à cette date. C’est un très beau projet dont les contours doivent être précisés au deuxième semestre de 2015. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE DURAND-RODRIGUEZ

« NOUS DEVONS ÊTRE VOLONTARISTES »

contact pour les piscines municipales… : les domaines concernés par les expérimentations de terrain sont multiples. Ainsi, le projet Binaur, mené avec la PME toulousaine Navocap, mais aussi Rockwell Collins France, Eurisco, Medes et le Laas-CNRS, a permis de développer un système d’aide au déplacement des malvoyants en milieu urbain, désormais déployé par

la société Angeo. Côté culture, le projet TONICité, développé à la Cité de l’Espace, a amené les sociétés toulousaines Pole Star et Ergospace, à imaginer des guides électroniques multimédias permettant une visite plus interactive. Certaines expérimentations, n’ont cependant pas rencontré le succès escompté, à l’image du trottoir producteur d’énergie, Trotelec.

Les start-up au centre du dispositif.Si elle ne ferme pas la porte aux grands acteurs présents sur le marché de la smart city, la métropole toulousaine mise sur son écosystème local, et notamment sur les start-up. « Les petits peuvent faire aussi bien que les grands », estime Bertrand Serp, vice-président de Toulouse Métropole en charge de l’Économie numérique, et par ailleurs président de l’association Open Data France. Pour l’élu, « les grands groupes peuvent agir en complémentarité avec des start-up ». Un avis partagé par Maud Franca, directrice adjointe Économie numérique-Mission programme investissements d’avenir à la Caisse des dépôts, et membre de la cellule nationale French Tech. « S’associer à un grand groupe peut être très bénéfique pour les jeunes pousses, estime-t-elle. Mais elles peuvent aussi répondre à des sous-marchés dans le cadre d’appels à projets, ou directement à des appels à projets qui leur seraient spécifiquement dédiés ». Toulouse Métropole souhaite accompagner chaque année au moins dix expérimentations associant de jeunes pousses locales. ■� ALEXANDRE LÉOTY

Le pont Saint-Pierre enjambant la Garonne et, en arrière-plan, le dôme de la chapelle Saint-Joseph de la Grave.© JULIEN BOYER-MALZAC

Jean-Pierre Remy, directeur général de Solocal Group (Pages-Jaunes, Mappy, ComprendreChoisir, A Vendre A Louer, etc.) nous parle de la transformation du groupe, dont les revenus sont désormais générés à près de 70% par Internet.

l’expertla tribune - VeNDreDI 6 Décembre 2013 - No 70 - www.latribune.fr

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Vous êtes arrivé à la tête du groupe au printemps 2009. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

A mon arrivée, il m’a été confié comme mission de conduire la digitalisation de l’entreprise. C’est-à-dire transformer son organisation, sa culture et son fonctionnement pour assurer son avenir et réussir le développe-ment de son activité sur Internet. La transformation digitale était impérative et urgente face à la menace qui pesait, à brève échéance, sur la traditionnelle activité d’éditeur d’annuaires, et à une concurrence très offensive sur le digital. J’avais la conviction que l’entreprise disposait de toutes les forces nécessaires, au premier rang desquelles se trouvaient ses équipes et la puissance de ses audiences. A cette époque, nous réalisions 70% de notre chiffre d’affaires avec le papier et seulement 30% avec le numérique. Aujourd’hui, ces ratios sont totalement inversés : sur 1 milliard d’eurosde revenus, 650 millions d’euros viennent de nos activités digitales !

Comment s’est opérée cette mutation vers le numérique ?

Nous avons tout d’abord défini le cap à atteindre : être le n°1 européen de la communication locale sur Internet et réaliser 75% de notre chiffre d’affaires sur le digital. Pour y parvenir, nous avons alors entrepris de transfor-mer le cœur de nos activités, sur le plan humain, commercial et technologique. Nous nous sommes appuyés sur le dévelop-pement de nos trois actifs clés : les compétences, les contenus et les audiences. Le résultat est là : nous figurons aujourd’hui dans le Top 5 des audiences mobiles et fixes grâce à trois de nos marques phares que sont PagesJaunes, Mappy, et Com-prendreChoisir !

Des géants comme Google ou Facebook sont devenus des partenaires et non plus des concurrents…

Nous n’avons pas peur de Google, c’est notre partenaire ! Google est une société de technologie, Solocal Group une société de services. Nous avons

besoin l’une de l’autre. Nous avons donc réfléchi à la façon de développer des relations privilégiées avec Google comme avec Microsoft ou Facebook. Ce virage que j’ai conduit avec mes équipes est clé pour comprendre le groupe que nous sommes en train de construire avec Solocal. Je m’explique : notre mission est de connecter simplement les consommateurs avec les entreprises locales. Ce rôle d’intermédiaire nous le concréti-sons en concevant pour nos clients annonceurs des plans de communication locale avec des contenus que nous produisons et que nous diffusons sur nos propres médias qui sont des sites de référence sur Internet (pagesjaunes.fr, mappy.com, comprendrechoisir.com, avendrealouer.com, etc.) et sur les grandes plateformes mondiales, avec justement, Google, Microsoft, Facebook, etc.

Quels sont ces contenus ?

La création de contenus pour les entreprises est l’axe clé de notre stratégie digitale. Par contenu, nous entendons tout ce qui permet à un professionnel d’être trouvé et choisi par le consom-mateur sur le web. A notre actif, nous comptabilisons 250 000 sites web de professionnels, 17 000 bons plans actifs, 900 000 avis de consommateurs, etc. En parallèle, nous nous dévelop-pons sur les services transaction-nels avec, par exemple, 8 000 restaurants avec option de réservation ou de livraison à domicile. Ces contenus sont une proposition de valeur inédite ! D’ailleurs, lorsque les grands acteurs du web cherchent des partenaires pour leurs activités sur le marché de la recherche locale, c’est à Solocal Group qu’ils s’adressent. C’est ce qui s’est passé lorsque Microsoft a lancé Bing en France en 2011. Quand un internaute saisit une requête de type « restaurant Paris », Bing propose d’obtenir, en plus des données cartographiques, des résultats fournis par notre filiale PagesJaunes.

Vous enregistrez une très forte croissance de votre audience mobile. Quelle est votre stratégie en la matière ?

Tout notre groupe est tourné vers le mobile car le local est par définition une activité très mobile, tant dans le commerce que les services à la personne, par exemple. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons changé le nom du groupe en 2013. Solocal exprime à la fois l’atout différen-ciateur par excellence de notre entreprise et l’un des enjeux clés du marché de la communication digitale : le local ! La puissance du savoir-faire de nos filiales et la

force de nos marques (Pages-Jaunes, Mappy, Comprendre-Choisir, A Vendre A Louer, etc.) sont désormais mieux expri-mées.Nous venons de réaliser une croissance de 17% de visites des sites de Solocal Group dont 34% sur le mobile, soit la plus forte croissance jamais enregistrée par Solocal Group ! Notre activité mobile représente environ 35% des visites totales et une centaine de millions d’euros de chiffre d’affaires. Et parmi les leviers de notre développement sur le mobile, notre filiale Mappy joue un rôle clé. MappyShopping permet ainsi aux internautes de repérer les produits disponibles dans les commerces autour de lui, via le mobile ou internet fixe. Notre rôle est d’amener le consommateur dans un magasin et de lui donner la meilleure expérience avant, pendant et après sa visite.

Combien de clients le groupe gère-t-il aujourd’hui ?

Le client est la 1ère de nos valeurs. Nous avons beaucoup investi dans le numérique pour nos clients. Ils sont 650 000, de l’artisan à la TPE/PME aux grands réseaux, à nous faire confiance. Pour aller chercher la croissance et accompagner notre ambition digitale, nous avons réinventé notre modèle et fait évoluer notre organisation en l’adaptant précisément aux besoins différenciés de nos clients, tant sur le plan de la démarche commerciale que des offres

apportées, d’où la création de 6 Business Units (Commerce, Services, Santé & Public, Habitat, BtoB, et les grands comptes). Du métier de commercial, notre force de vente est passée à celui de conseiller en communication locale digitale. Ils sont 2 200 et accomplissent un travail remar-quable car cette évolution s’est faite à un rythme accéléré et en profondeur. En tant qu’ambassa-deurs de Solocal Group, ils commercialisent une offre de communication qui se nourrit des solutions de nos différentes filiales (PagesJaunes, Mappy, etc.). Nous avons ainsi repris une croissance de 7% sur les trois premiers mois suivant cette réorganisation, avec 18% de croissance sur Internet.

Comment envisagez-vous la suite, notamment à l’international ?

L’essentiel de notre activité se répartit aujourd’hui entre la France et l’Espagne, et un peu l’Angleterre. Notre objectif, à l’horizon 2016, est d’étendre notre croissance en Europe, notamment sur les métiers où nous pouvons apporter un vrai avantage concurrentiel. Je pense, par exemple, à notre plateforme Internet dédiée à la prise de rendez-vous médical que nous lançons actuellement. Nous avons encore beaucoup de marge de progression en France, quand on sait qu’une entreprise sur trois est cliente de Solocal Group, mais l’international est porteur d’opportunités de croissance du chiffre d’affaires.

Dans l’hexagone, le marché croit d’environ 3 à 4% par an, contre 10 à 12% en Allemagne ou 15% en Angleterre. Comment le groupe a-t-il géré cette mutation sur le plan humain ?

Notre priorité a été d’adapter l’entreprise à ses enjeux de compétitivité, tout en préservant l’emploi de nos 5 000 collabora-teurs et en les accompagnant du mieux possible dans l’évolution de leur métier. Rendez-vous compte : avec la nouvelle organisation commerciale, l’entreprise a accompagné plus de 650 mouvements en interne, dont 60 mobilités géogra-phiques, et a déjà embauché depuis le début de l’année en France plus de 800 collabora-teurs en CDI, soit trois fois plus qu’en 2013 ! La formation – dont le budget chez PagesJaunes est 4 fois supérieur à l’obligation légale – tout comme la conduite du changement, la communica-tion et la qualité du dialogue social ont été des leviers clés.Nous avons également fait le choix de développer une culture d’entreprise plus participative et agile, dans les codes des grands groupes Internet. A titre d’exemple, nos valeurs (Client, Equipe, Intégrité, Innovation et Agilité) ont été définies à partir d’une consultation digitale interne à laquelle près de 2 000 de nos salariés ont participé.

Entretien exclusif avec Jean-Pierre Remy, Directeur Général de Solocal Group

Jean-Pierre Remy, Directeur Général de Solocal Group

© Jean Chiscano – janvier 2014

« Mobile : nouvel eldorado du marketing local ? »

COMMUNIQUéla tribune - VENDREDI 12 DECEMBRE 2014 - No 112 - www.latribune.fr

Tout Solocal Group est tourné vers le mobile car le local est par définition une activité très

mobile !

VISIONS I 31

LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

L’Europe risque de s’enfermer dans le piège de la stagna-tion. La croissance est à peine percep-tible ; une inflation dangereusement

faible entraîne la hausse des taux d’in-térêt réels ; les dettes publiques et pri-vées s’alourdissent, la crainte d’une nouvelle décennie perdue s’installe. Et bien que le risque de fragmentation au sein de la zone euro ait reculé, il n’a pas disparu. Aussi l’Europe convainc-t-elle de moins en moins, que ce soit à l’inté-rieur ou à l’extérieur.La France et l’Allemagne – les princi-paux moteurs de l’intégration euro-péenne depuis plus de soixante ans – ne doivent pas se résigner à cette situation. Les querelles entre les partisans fran-çais de la demande et les partisans alle-mands de l’offre doivent céder la place à un plan d’action commun. Ces contro-verses n’ont pas de sens à nos yeux. La faible croissance de la productivité at-teste de la carence de l’offre. La combi-naison d’un taux de chômage élevé et d’une baisse de l’inflation atteste de l’insuffisance de la demande. Les écarts de taux d’intérêt au sein d’une zone monétaire commune attestent de la fragmentation. La vérité est que l’Eu-rope souffre de plusieurs maux.

L’OBSTACLE DU MANQUE DE RESSOURCES PROPRES

L’action est donc nécessaire sur ces trois fronts à la fois. La question est de savoir comment. Si l’Europe était un seul pays avec un seul gouvernement crédible, la réponse serait simple : elle appliquerait une action duale combi-nant d’ambitieuses réformes pro-crois-sance avec un soutien budgétaire. La Banque centrale européenne, quant à elle, indiquerait clairement que sous réserve de réformes concrètes, et d’un engagement crédible en termes de consolidation budgétaire future, elle se tiendrait prête à servir de « dernière ligne de défense pour le financement du gouvernement » – pour citer le récent discours du président de la BCE, Mario Draghi. Mais nous ne sommes pas dans cette situation, et une telle solution n’est pas à notre portée. Certains, alors, proposent que l’Allemagne stimule sa demande pendant que d’autres pays, dont la France, se réforment. Le pro-blème de cette approche est qu’un en-dettement supérieur à ce qui est justifié

d’un point de vue national ne peut pas être échangé contre des réformes dans d’autres pays.Une autre solution serait de mettre en place une capacité budgétaire au niveau de la zone euro, soit en termes simples, un budget, doté d’une capacité d’em-prunt. Même si cette solution est pro-bablement la plus simple et la plus sou-haitable à long terme, elle n’est pas vraiment une réponse adaptée à la si-tuation actuelle. Le principal obstacle est le manque de ressources propres. Un dispositif commun d’emprunt n’a pas de sens sans un mécanisme de fi-nancement associé.

MANQUE D’AUDACE ET EXCÈS DE CONTENTEMENT

Dans ce contexte, l’investissement s’est imposé comme une réponse consen-suelle. La Commission européenne a proposé un plan d’investissement doté d’un nouveau système de financement dont on espère qu’il réussira. Mais pour résoudre le problème de croissance de l’Europe, il ne faut pas se limiter au vo-let financier de ce qui doit être un pro-gramme de revitalisation économique. Dans un récent rapport destiné aux ministres français et allemand de l’Éco-nomie, nous proposons une façon prag-matique de sortir de cette impasse. Les réformes nécessaires à la France et à l’Allemagne ne sont pas les mêmes, car les deux pays ne sont pas confrontés aux mêmes défis.En France, les incertitudes à court terme réduisent la confiance, mais les perspectives à plus long terme semblent meilleures. En Allemagne, les incertitudes à long terme réduisent la confiance, mais la situation à court terme semble relativement bonne. En France, nous craignons un manque d’audace. En Allemagne, nous crai-gnons un excès de contentement.La France devrait donner la priorité à un nouveau modèle de croissance basé sur un système combinant plus de flexibili-té avec de la sécurité pour les employés, à la construction d’un socle solide pour la compétitivité, et à la mise en place d’un État moins lourd et plus efficace. De son côté, l’Allemagne doit affronter ses défis démographiques, notamment en préparant la société allemande à une immigration supérieure, et promouvoir la transition vers un modèle de crois-sance plus inclusif, fondé sur l’améliora-tion de la demande et un meilleur équi-libre entre épargne et investissement.

Nous proposons également un envi-ronnement réglementaire clarifié. L’in-vestissement privé est un jugement sur l’avenir. Dans l’énergie, les transports et le secteur du numérique, pour ne ci-ter qu’eux, les régulateurs doivent bien choisir les règles et en assurer la prévi-sibilité. Les investisseurs ont besoin d’être assurés que l’Europe s’engage à accélérer sa transition vers une écono-mie numérique et peu consommatrice en carbone. Cela suppose de lever les incertitudes concernant le prix futur du carbone et le futur régime de protec-tion des données.

« L’EUROPE A BESOIN D’ACTES ! »

La France et l’Allemagne devraient pro-mouvoir une intégration plus poussée dans certains secteurs d’importance stratégique, impliquant d’aller jusqu’à une législation commune, une régle-mentation commune et même une au-torité de contrôle commune. Nous pensons que l’énergie et l’économie numérique font partie de ces secteurs ; nous proposons également une initia-tive similaire pour assurer la pleine transférabilité des compétences, des droits sociaux et des prestations so-ciales. Par ailleurs, comme la Commis-sion européenne, nous estimons que l’augmentation des investissements constitue une part essentielle de la so-lution au problème de croissance de l’Europe. L’Allemagne s’est dotée d’un cadre budgétaire incomplet qui attri-bue à juste titre un statut constitution-nel au maintien de l’endettement sous

contrôle, mais néglige la promotion des investissements dans l’espace budgé-taire existant. Léguer une maison usée aux générations futures n’est pas une façon responsable de gérer son patri-moine. Le gouvernement allemand peut et doit augmenter les investisse-ments publics. Nous proposons aussi de créer un fonds européen de dons pour soutenir dans la zone euro des in-vestissements publics qui répondraient à des objectifs communs, renforce-raient la solidarité et contribueraient à promouvoir l’excellence. Alors que les autorités demandent aux banques de prendre moins de risques, il est de leur responsabilité d’éviter une aversion au risque généralisée du secteur financier. Nous proposons enfin d’injecter des fonds publics européens dans le déve-loppement d’instruments de partage du risque et d’outils de soutien à l’in-vestissement en capital.L’Europe est bien plus qu’un marché, une monnaie ou un budget. Elle a été construite autour d’un ensemble de valeurs partagées. Pour porter ces va-leurs, la France et l’Allemagne doivent s’unir pour redécouvrir et réinventer un modèle social européen, en com-mençant par des initiatives concrètes sur le salaire minimum, les politiques de l’emploi, de retraite et d’éducation. Pendant des décennies, l’alliance fran-co-allemande a assuré la cohésion de l’Europe et l’a fait avancer. Aujourd’hui les responsables français et allemands consacrent beaucoup de temps à des déclarations communes et à s’accuser mutuellement. Mais le moment n’est plus aux disputes. L’Europe a besoin d’actes ! ■

Un nécessaire programme européen pour la France et l’Allemagne

REFONDER

PAR HENRIK ENDERLEIN ET JEAN PISANI-FERRY

HENRIK ENDERLEIN EST PROFESSEUR À LA HERTIE SCHOOL OF GOVERNANCE ET DIRECTEUR DE L’INSTITUT JACQUES DELORS, À BERLIN.

JEAN PISANI-FERRY EST COMMISSAIRE GÉNÉRAL À LA STRATÉGIE ET À LA PROSPECTIVE, ATTACHÉ AU PREMIER MINISTRE FRANÇAIS. IL EST ÉGALEMENT PROFESSEUR À LA HERTIE SCHOOL OF GOVERNANCE.

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Selon les auteurs, « La France et l’Allemagne doivent s’unir pour redécouvrir et réinventer un modèle social européen ».© FOTOMEK - FOTOLIA

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VISIONS LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

32 I

JEAN-CHARLES SIMON, ÉCONOMISTERETROUVEZ SON BLOG SUR WWW.LATRIBUNE.FR/BLOGS/LE-BLOG-DU-CONTRARIAN/ JEAN-CHARLES SIMON EST ÉGALEMENT LE FONDATEUR DU SITE DE FACT-CHECKING FACTA MEDIA QUI DEVIENDRA FACTA EN 2015.RETROUVEZ SUR LATRIBUNE.FR LE BLOG LE COIN DE LA DATA◊

DR

Si l’on en croit le bruit médiatique, l’innova-tion se trouve partout autour de nous, pro-gressant à un rythme rarement égalé dans l’Histoire. La succes-

sion frénétique de nouveaux produits de l’informatique ou des télécommu-nications, la puissance des marques de nouvelles technologies, les itéra-tions de leurs gammes à un tempo effréné, le battage autour des flots fi-nanciers qui semblent se diriger vers la technologie...  : tout nous porte à croire que la période actuelle est celle d’une accélération régulière de l’in-novation. Que celle-ci est la reine de l’économie contemporaine, avec son cortège de ruptures qui fragilisent des secteurs traditionnels et des mé-tiers jusqu’alors sans concurrence. Des économistes prédisent même une robotisation accrue des activités économiques qui mettrait en cause le rôle et le travail d’une grande partie d’entre nous, avec tous les défis so-ciaux qui en découleraient.Face à ce tourbillon d’« iMachines » version X ou encore d’applications qui court-circuiteraient des pans en-tiers d’activités jusqu’alors plus ou moins protégées, on s’attendrait à voir les chiffres de la productivité de l’économie gonflés aux stéroïdes. Une technologie « vibrionnante » de-vrait en effet booster les statistiques de la production par tête, stimuler comme jamais notre appareil produc-tif.

DES « NOUVEAUTÉS » EN TROMPE-L’ŒIL

Or, il n’en est rien. Non seulement l’après-crise est dans bien des régions du monde, mais la tendance est plu-tôt à réviser à la baisse les croissances potentielles de la plupart des écono-

mies. Notamment si l’on observe les gains de productivité  : loin d’explo-ser, ils sont davantage sur une pente déclinante. C’est le cas, par exemple, aux États-Unis, de la productivité globale des facteurs, qui a décru à partir du milieu des années 1970 et n’a jamais retrouvé son niveau d’après-guerre depuis. Comment ex-pliquer un tel décalage entre prophé-ties technophiles séduisantes et mornes réalités statistiques ? Proba-blement parce que l’innovation que nous observons n’en est souvent pas une. En tout cas, pas une innovation susceptible de changer notre manière de produire de la richesse écono-mique. Une sorte d’illusion d’innova-tion, au marketing parfait mais à l’uti-lité plus discutable.

DES RUPTURES SANS VALEUR AJOUTÉE

Il est ainsi souvent question d’inno-vation incrémentale, mais pas d’inno-vation de rupture. Le téléphone por-table est une rupture ; le smartphone peut l’être également, mais c’est moins clair. La version 6 d’un smart-phone est généralement une amélio-ration de la version 5, avec plus de fonctionnalités, de confort pour l’uti-lisateur, etc. Mais ces appareils rem-plissent pour l’essentiel des fonctions identiques pour un usage équivalent. Nous sommes ici au cœur de l’inno-vation incrémentale.Il arrive même que ce qui nous appa-raît comme une rupture ne soit pas une innovation intégrant une nou-velle valeur ajoutée ou des externali-tés positives significatives sur les agents économiques. Ainsi l’e-com-merce délivre exactement le même service que la distribution physique classique. Il déplace simplement de l’activité des métiers de vente en ma-gasins vers des centres d’appels et de

la logistique de livraison. On peut bien sûr considérer qu’Amazon offre un meilleur service, des prix moins chers, plus de choix et des délais plus courts comparés aux librairies phy-siques. Mais celles-ci permettent in fine d’accéder à peu près aux mêmes produits, bien que le service de com-mandes puisse être plus long ou les prix plus élevés.

« ON VOULAIT DES VOITURES VOLANTES… »

Fondamentalement, il n’existe pas de rupture dans l’offre ni dans la va-leur ajoutée dégagée. De même, si les réseaux sociaux apportent un service qui n’existait pas auparavant, au point de vue économique, ils fa-vorisent surtout le déplacement de la publicité des médias traditionnels vers leurs plates-formes, sans créer encore une fois une valeur nouvelle particulière. Et ce constat peut éga-lement être observé dans la plupart des « innovations » qui font l’actua-lité, depuis les VTC au covoiturage en passant par la myriade d’applica-tions diverses et variées que l’on re-trouve sur nos smartphones ou bien sur nos ordinateurs.Ce qui conduit nombre d’observa-teurs à s’interroger sur la matérialité de la vague d’innovations à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Des inventions qui n’auraient qu’un effet très limité sur la productivité globale du travail et du capital. C’est vrai par exemple pour l’économiste Robert Gordon, qui met en exergue la différence de nature entre les innova-tions majeures de la deuxième révo-lution industrielle, comme l’électrici-té, et celles de la phase actuelle, dans laquelle il voit surtout beaucoup de gadgets. Quand ils n’ont pas carré-ment des effets négatifs sur notre productivité… Au point de n’envisa-ger à l’avenir, dans cette analyse, qu’une stagnation « séculaire » qui nous guetterait, si encore nous arri-vions à faire face aux principaux défis comme la croissance des inégalités et

le réchauffement climatique.Ce constat est, en partie, partagé par des stars de la Silicon Valley, qui déplorent le faible rythme des inno-vations majeures. À l’instar de Peter Thiel, cofondateur de PayPal et pre-mier investisseur de Facebook, qui résume la situation d’une phrase  : « On voulait des voitures volantes, et au lieu de ça on a eu 140 caractères… » Pour signifier qu’un réseau comme Twitter est certes sympathique, mais qu’il est bien peu de choses en comparaison des révolutions dans les modes de transports , par exemple. Un Peter Thiel qui voit également en Apple une entreprise assurément innovante, mais essen-tiellement dans le design. Rien, au final, qui soit susceptible de faire des bonds à la richesse des nations et à leurs citoyens.S’il ne faut pas négliger les efforts de R&D et les avancées qui en résultent à notre époque, le danger est grand de s’extasier à tort sur des vaguelettes d’innovations plus cosmétiques que fondamentales. Car il se peut que l’allocation d’actifs ou encore les ef-forts de formation que nous effec-tuons soient alors sous-optimaux. Que nous privilégions par exemple des modes et du court terme à des investissements beaucoup plus pro-metteurs en matière de progrès tech-nologique. Est-il opportun d’entraî-ner tous les jeunes à faire du code si c’est au détriment de la formation d’ingénieurs ou de biologistes ? Faut-il tout miser sur les métiers du Net, au risque qu’ils deviennent une «  commodité  » concurrencée elle aussi par des pays à plus bas coûts ? Comment s’assurer du bon finance-ment de projets de grande ampleur si les flux financiers les jugent trop longs et trop risqués ? Mais pourquoi s’inquiéter finalement de tout cela ? Car la technologie est au cœur du progrès, l’un et l’autre sont indissociables. Et parce que le progrès décide de beaucoup de choses, y com-pris de notre capacité à faire face aux défis de notre temps et donc à faire avancer au mieux nos sociétés. ■

Où est l’innovation ?L’innovation que nous observons dans la révolution numérique et robotique ne se concrétise pas dans les statistiques de croissance ou de productivité. Et si tout cela n’était qu’une illusion, qui nous détourne par des effets de mode des vraies innovations de rupture ?

Entreprise d’e-commerce,

Amazon est surtout connue

pour la vente de ses livres.

Des commandes rapides,

des prix bas, de la diversité

et des délais de livraison

courts en font un concurrent

redoutable des librairies

physiques. Mais in fine, les produits

restent les mêmes, sur la Toile

comme en boutique.

© REUTERS/RALPH D.

FRESO

ANALYSE

Le téléphone portable fait partie des produits, de rupture. Une vraie innovation, créatrice de richesses.© REUTERS

VISIONSLA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

I 33

VU DE BRUXELLES

Poutine et les mirages de la « soft law »

Les accords successifs de cessez-le-feu, jamais respectés, en Ukraine, n’y changent rien. De même que l’annonce faite par Vladimir Poutine

de la suspension du projet de gazoduc South Stream par lequel Gazprom comptait renforcer son poids dans l’approvisionnement énergétique du sud européen. Il n’y a pas de « containment » de la pression russe. En réalité, la guerre d’influence entre Européens et Russes est bien en train de s’étendre et de s’intensifier le long d’un axe Nord-Sud allant de la Baltique à la Mer Noire en passant la Biélorussie, l’Ukraine, le Caucase et les Balkans occidentaux. Indécise sur ses frontières depuis toujours, avant même la chute du rideau de fer (voir la perspective d’adhésion accordée à la Turquie dès les années 1970), l’Europe est en train de s’en découvrir une, quelque part à l’Est, au prix d’une guerre qu’elle n’a pas les moyens de soutenir seule.À Bruxelles, le message reste, en substance : la stratégie de la soft law viendra à bout du hard power russe. « Nous avons montré notre pouvoir », expliquait récemment une source haut placée à la Commission, forte du résultat des élections ukrainiennes

qui venaient de confirmer le tandem pro-européen Poroshenko-Ianoukovitch à la tête de l’ancienne république soviétique. Avant de reconnaître que l’on avait bien à faire à « un conflit totalement asymétrique ».Mais à un conflit tout de même, en pleine escalade. Le revirement du président Juncker concernant la politique d’élargissement est révélateur. « Il n’y aura pas de nouvel élargissement dans les cinq prochaines années », avait-il assuré en juillet devant les députés. Il fallait « faire une pause, tout en continuant les négociations », selon lui. À présent, on assure à la Commission, off the record, qu’il y avait un « malentendu ».

La situation est « beaucoup moins stable que les gens ne le pensent même s’il n’y a pas de conflit » dans les Balkans occidentaux, où se trouvent les prochains candidats à l’adhésion. Autrement dit : ce n’est pas le moment de relâcher l’influence européenne dans la région. On veut même croire que la politique russe est en train de jeter la Biélorussie dans les bras de l’Union. « Je ne serais pas surpris que Loukachenko (le président biélorusse) nous demande de venir à Riga », au sommet européen qui se tiendra en 2015 sous la présidence lettone de l’Union.Le calme et la subtilité avec laquelle Jean-Claude Juncker a accueilli l’annonce de la suspension du projet South Stream ne doivent pas tromper. Il aurait pu crier victoire, dire que les Russes n’avaient pas les moyens de leur influence dans le sud de l’Europe. Au lieu de cela, il a expliqué que South Stream n’était pas mort, et que les Russes n’avaient qu’à respecter les règles européennes. C’était une manière de ne pas reconnaître que le cœur de l’Europe – la Bulgarie, membre plein et entier de l’Union, ou la Serbie, promise à l’adhésion, deux pays économiquement et politiquement fragiles, où des milliards sont en jeu dans cette affaire – est désormais potentiellement déstabilisé par ce Grand Jeu, où Poutine semble avoir toujours un coup d’avance. Sa récente visite à Ankara annonce une alliance inquiétante entre le nationalisme russe et celui du Premier ministre turc Recep Erdogan. Que cela arrive alors même que les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne sont censées se poursuivre, souligne également les ambivalences des Européens et leur impuissance à se forger une identité sinon nationale au moins géopolitique. Accessoirement, cela plante un coin dans l’Alliance atlantique, dont la Turquie est membre. N’en déplaise aux tenants de la soft law, les Européens payent plus que jamais cette « ambiguïté constructive » dont ils ont fait un mode de gouvernement et la poursuite de leurs intérêts économiques immédiats et divers. Leur dépendance à l’égard du seul pays capable de mettre dans la balance un hard power, les États-Unis, n’a jamais été aussi criante. ■

LA STRATÉGIE DE LA SOFT LAW VIENDRA À BOUT DU HARD POWER RUSSE

FLORENCE AUTRETCORRESPONDANTE À BRUXELLES

RETROUVEZ SUR LATRIBUNE. FR SON BLOG « VU DE BRUXELLES »

AU CŒUR DE L’INNOVATION

L’audace f inancière à réinventer

DR

Un bon banquier est un banquier qui sait faire la différence entre les emprunteurs

économiquement viables et ceux qui ne le sont pas. En France, il a la chance de pouvoir s’appuyer sur l’analyse de crédit réalisée par la Banque de France pour toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 000 euros par an. Cette base de données dite FIBEN, que de nombreux pays nous envient, est accessible à l’ensemble des établissements de crédits, des sociétés d’assurance-crédit et d’assurance-caution.Le projet de loi initial sur la simplification de la vie des entreprises contenait une disposition qui envisageait l’ouverture de FIBEN aux assureurs au titre de leur activité de crédit. On pouvait y voir de quoi faciliter l’émergence d’un marché secondaire des prêts et favoriser l’innovation sur ce marché. Hélas, pour des raisons obscures, le Sénat a décidé de supprimer cette disposition lors de l’examen de la loi, fermant la porte à la possibilité de développer de nouvelles relations de financement en dehors du secteur bancaire ! Nous pensons qu’il est nécessaire de ré-ouvrir ce dossier et d’offrir un accès beaucoup plus généralisé à la base FIBEN et au minimum à toute institution impliquée dans l’offre de financement aux entreprises. Une mesure qui ne coûte rien et dont les entreprises, les PME notamment, auraient toutes à y gagner.Pas plus d’ouverture concernant la mise en place d’un fichier positif tel que l’avait envisagé la loi relative à la consommation (loi Hamon). En mars 2014, le Conseil constitutionnel a rejeté le projet au motif qu’il portait « atteinte au droit au respect de la vie privée » et qu’il n’était pas proportionné au but poursuivi, à savoir la « lutte contre le surendettement ». Pourtant, là où ils existent, ces fichiers positifs n’ont pas pour seul motif de lutter contre le

surendettement. Il s’agit surtout de faciliter l’accès au crédit pour les personnes qui ne peuvent mettre en avant un collatéral ou des diplômes mais qui pourraient avoir un score positif au registre du crédit sur la base du comportement passé de paiement des factures et remboursements de prêts. C’est important pour les très petites entreprises qui ne figurent pas dans le fichier FIBEN et pour lesquelles l’octroi de crédit s’appuie moins sur l’analyse financière que sur une information fine relative au comportement du dirigeant. C’est pourquoi, nous plaidons pour le développement d’un fichier positif du crédit des individus (sur le modèle du FICO américain). Le motif ici – réduire les exclusions du marché du crédit – est bien plus large et plus universel que celui – lutter contre le surendettement – qui avait motivé le rejet du Conseil constitutionnel, en mars dernier.Outre l’élargissement de l’accès au fichier FIBEN et la mise en place d’un fichier positif, il nous semble crucial de mieux accompagner les emprunteurs, en renforçant les capacités d’anticipation des chefs d’entreprise via des outils souples de formation aux problématiques financières et comptables de base. Enfin, ce sont souvent les délais de paiement excessifs des grands donneurs d’ordre qui sont à l’origine des difficultés récurrentes des crédits de trésorerie des PME. Si une meilleure application de la loi sur les délais de paiements et le renforcement des sanctions en cas de retards peuvent contribuer à améliorer les choses, on peut également penser à des solutions contractuelles permettant d’assurer le risque de retard de paiement, comme l’affacturage inversé où le client de l’affactureur est le donneur d’ordres et non plus le fournisseur. ■

(*) Jacques Cailloux (Normura International), Augustin Landier (École d’économie de Toulouse) et Guillaume Plantin (Sciences Po Paris) sont les auteurs de la note du Conseil d’analyse économique « Crédit aux PME : des mesures ciblées pour des difficultés ciblées » (décembre 2014).

JACQUES CAILLOUX, AUGUSTIN LANDIER ET GUILLAUME PLANTIN *

La Tribune 2, rue de Châteaudun, 712009 ParisTéléphone : 01 76 21 73 00. Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres mentionnés entre parenthèses.

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RÉDACTION Directeur adjoint de la rédaction Philippe Mabille, éditeur de La Tribune Hebdo. Rédacteur en chef Robert Jules, éditeur de latribune. fr( Économie - Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin. Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.( Entreprise- Rédacteur en chef : Michel Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine Cuny, Fabrice Gliszczynski.

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GÉNÉRATION34 I

LA TRIBUNE - VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2014 - NO 112 - WWW.LATRIBUNE.FR

FRANÇOIS-JOSEPH VIALLON

Contrôleur d’applicationsÀ 34 ans, le fondateur de StarDust déploie à l’international son activité de test d’applications. Il s’apprête à lancer un label qualité dans ce domaine et à accueillir les premières start-up dans son incubateur.

Zone d’influence : #Applications, #Vente, #Canada, #Marseille

2017StarDust emploie 100 salariés pour

son activité de tests

TIME LINEFrançois-Joseph

Viallon

Novembre 1980 Naissance

à Saint-Étienne

2000-2004Missions

chez Capgemini, puis Legrand

Décembre 2005Trésorier

de l’association Paca Mobile Center

2009Administrateur

de Mobile Distillery

Février 2011Cofonde StarDust

Fin 2014Crée l’Appcubateur,

et participe au voyage présidentiel au Canada

PAR PERRINE CREQUY

@PerrineCrequy

© M

ARIE

-AMÉ

LIE

JOUR

NELLes nouveautés, c’est sa rou-

tine. Smartphone, tablette, ou encore montre connectée, François-Joseph Viallon achète un nouveau modèle chaque semaine. Non pas que le pré-

sident de StarDust soit un geek insatiable : il lutte contre l’obsolescence de son outil de production. Depuis quatre ans, la société qu’il a cofondée à Marseille avec Delphine Guyot-Giler et Guillaume Gimbert a ainsi accumulé plus de 1 800  écrans en tous genres pour tester les applications de ses clients. L’objectif  : identifier les bugs de compatibilité qui peuvent apparaître avec certains appareils. « Nous sommes le “Bureau Veritas” du numérique. Nos clients sont de grands noms du luxe, de la pharmacie, des mé-dias, de la finance, des jeux d’argent et de l’e-commerce, qui peuvent perdre jusqu’à des di-zaines de milliers d’euros par jour si leur application ne fonctionne pas sur un termi-nal particulier », souligne l’entrepreneur de 34  ans, qui prévoit de finir 2014 avec un chiffre d’affaires de 1,4  million d’euros. Cette année, son équipe a doublé de taille et compte désormais 34 salariés, dont cinq au Canada où il a ouvert sa première filiale, il y a un an. Et ce bon vivant au calme impertur-bable prévoit dès l’an prochain d’ouvrir d’autres bureaux à l’étranger : à Lausanne et à Londres. « Mais d’abord, nous nous implan-terons à Lille, où se trouvent les géants de la distribution. » Stéphanois de naissance, « en quête de soleil », il a mis les voiles pour le Sud en 1998, une fois son baccalauréat électrotechnique en poche. «  J’ai choisi de rejoindre l’IUT de So-phia-Antipolis, car à l’époque, c’était là où tout se

passait dans le numérique. » Ces deux années, passées en internat, lui laisseront surtout des souvenirs festifs entre camarades. Lors d’un stage chez Capgemini, il se découvre une fibre commerciale. « Cette expérience de la relation client a été une révélation. Jusqu’alors je me voyais passer ma vie à coder dans un sous-sol. » Il poursuit sa collaboration avec Capge-mini pendant trois ans, dans le cadre d’une formation en alternance à Marne-La-Vallée, pour devenir ingénieur réseaux diplômé de l’Esipe. « D’abord, j’ai travaillé pour TDF – qui était alors encore une filiale de France Telecom - à la création de flux pour remonter les informa-tions des journalistes en régions vers la rédaction parisienne. Ce qui m’a donné l’occasion d’assis-ter à l’inauguration de la ligne LGV Paris-Mar-seille par Jacques Chirac, chef de l’État à l’époque », souligne François-Joseph Viallon, qui aime truffer ses récits d’anecdotes et de détails. Mais l’appétit qui le tenaille alors, c’est de croquer les sciences du commerce et de la gestion. De retour de Croatie, il pose donc ses valises à Grenoble pour intégrer un mastère spécialisé de l’ESC, travaillant en alternance chez l’équipementier électrique Arnould, filiale de Legrand. « Nous réalisions toutes les séries de moins de 1 000 pièces, notam-ment pour l’hôtellerie de luxe. Je me suis aguerri à la stratégie et au business development. Et j’ai mené mon tout premier recrutement : celui du stagiaire qui allait me succéder.  » Bruno Debatisse, DRH France du groupe Legrand, l’encadrait alors  : «  François-Joseph se cher-chait à cette époque. Il avait le look d’un jeune de 24 ans, et beaucoup à apprendre sur la nature humaine. Et déjà l’envie d’entreprendre. Que de chemin parcouru depuis ! Mais malgré sa réus-site, il reste humble. »

Après un bref passage dans une start-up ni-çoise où «  ça n’a pas collé  », il est mis en contact avec les fondateurs d’une jeune en-treprise marseillaise, Mobile Distillery, par la professeure de l’ESC Grenoble qui encadre sa thèse de mastère et qui a investi dans cette société. Aujourd’hui PDG-fondatrice de Rondol Industrie et administratrice indé-pendante notamment chez Eurazeo et Arke-ma, Victoire de Margerie salue la stratégie d’internationalisation de François-Joseph Viallon : « En général, on s’implante d’abord à New  York et en Asie. Mais ne parlant pas le chinois, et ayant des concurrents bien installés sur ce marché, il a préféré s’implanter au Cana-da. Il a le goût du risque maîtrisé, il est persévé-rant et il a l’instinct des opportunités : il a vu le potentiel d’une activité à laquelle les autres ne croyaient pas. »Chez Mobile Distillery, qu’il a rejointe en 2004, François-Joseph Viallon a gravi les échelons, de chef de projet à business déve-loppeur, jusqu’à en devenir l’administrateur. En parallèle, il était le trésorier de Paca Mo-bile Center, une association créée par un consortium d’entreprises du numérique, avec le soutien de la Région Paca, pour mu-tualiser les coûts d’achats de terminaux mobiles destinés à valider leurs services.« Mobile Distillery n’a pas su prendre le virage impulsé par l’arrivée de l’iPhone. Et quand la crise est arrivée en septembre 2009, avec 70 % des budgets coupés du jour au lendemain, la so-ciété s’est trouvée en difficulté. Il aurait fallu sus-pendre nos activités commerciales pendant six mois pour repenser notre offre mais des fonds venaient d’être levés et il était compliqué d’expli-quer aux actionnaires un tel changement d’orientation. Et en tant qu’administrateur, j’ai dû virer mes deux anciens patrons de l’époque, se souvient François-Joseph Viallon. Une alerte a été lancée par le commissaire aux comptes de Mobile Distillery en août 2010. J’ai alors fait une proposition de rachat de l’activité de tests, qui a été rejetée. » Ce fils d’entrepre-neur et petit-fils d’artisan persévère, et ac-

quiert les actifs de Paca Mobile Center fin 2010. Deux mois plus tard, il cofonde Star-Dust avec d’anciens collègues de Mobile Dis-tillery. « François-Joseph porte StarDust depuis quatre ans, avec optimisme et un management collégial apprécié. Comme il est insomniaque, nous continuons d’échanger beaucoup malgré le décalage horaire », confie son associée Del-phine Guyot-Giler, qui dirige le bureau de StarDust à Montréal. Père de deux garçons, il veut aider d’autres start-up à grandir, en les accueillant dès juin prochain dans son Appcubateur, un espace où StarDust met à disposition ses terminaux pour leurs tests. François-Joseph Viallon prépare aussi le lan-cement d’un label international pour certi-fier les applications. Tout en soignant son réseau. Fin novembre, il a pris part au voyage présidentiel au Canada aux côtés de capi-taines d’industrie dont Jean-Yves Le Gall (Cnes), Guillaume Pépy (SNCF), Frédéric Vincent (Nexans) et Yves Guillemot (Ubi-soft). De nouvelles connexions à son actif. e

MODE D’EMPLOI• Où le rencontrer ? Autour d’une table. « J’apprécie les rencontres autour d’un repas, fast-food ou gastronomique. Vous pourrez aussi me rencontrer dans le TGV Marseille-Paris, trajet que j’effectue au minimum une fois par semaine. »

• Comment l’aborder ? Parlez usages plutôt que technique. « Rien ne me fait plus vibrer que la conquête du client. Et si vous aimez Marseille, nous aurons un point commun : c’est ma ville de cœur ! »

• À éviter ! S’emporter. « Celui qui s’énerve à toujours perdu. Je reste calme en toutes circonstances, et je n’apprécie guère ceux qui s’emportent à tout va. »

Créée par HEC Paris et le cabinet de conseil AXESSIO, la première édition des « Blue Awards » vient de récompenser neuf entreprises françaises qui ont réussi à créer leur propre marché. Eclairage sur un modèle d’Innovation initié par la valeur de l’offre.

Communiqué

Basés sur la stratégie Océan Bleu dé� nie par deux chercheurs du Blue Ocean Stra-tegy Institute à l’IN-SEAD en 2005, les Blue Awards mettent

à l’honneur les PME françaises, qui innovent sur la valeur de leur offre pro-duit ou service. Le raisonnement vise à démontrer que les PME peuvent connaître une forte croissance dès lors qu’elles s’intéressent à leurs non clients et aux enjeux de leurs clients, pour ainsi créer de nouveaux marchés vierges de toute concurrence. C’est la métaphore de l’Océan Bleu, par op-position à l’Océan Rouge, où les en-treprises s’affrontent sur un marché concurrentiel à la taille limitée. «  En créant les Blue Awards, nous avions la ferme volonté de démontrer com-ment l’Innovation sur l’offre, peut être source de croissance pour les PME françaises, au point, qu’elles peuvent se créer leur propre marché ! explique Alban Eral, Directeur du pôle Straté-gies d’Innovation d’AXESSIO. Lors de cette première édition, nous avons mis en avant des startups et des en-treprises françaises, qui ont su créer leur marché Océan Bleu ». Elles sont à l’origine de territoires qui, sans elles, n’existeraient pas  : Withings avec la balance connectée, Leetchi et son offre de cagnotte électronique ou encore Criteo et le reciblage publici-taire en ligne. Ces trois entreprises, élues Mentors par le Jury des Blue Awards 2014, ont passé le relais, le 24 novembre dernier lors de la céré-monie de remise des prix. « Il est fon-damental de transmettre les expé-riences et les messages auprès des entreprises en devenir, poursuit Al-ban Eral. Les Mentors ouvrent la voie et témoignent auprès des « Babies ». Ces jeunes � eurons de l’économie française se réjouissent de trans-mettre leur relais de créateurs de nouveaux marchés ».

> Valoriser les PME qui innoventAutre point capital des Blue Awards, la simplicité avec laquelle les entreprises peuvent s’inscrire. « Nous ne souhai-tions pas imposer de contraintes aux candidats, qui en tant qu’entrepre-neurs, ont autre chose à faire que rem-plir des dossiers... Nous ne voulions surtout pas mettre de barrières ni de freins au concours. De fait, les candi-datures sont exemptes de tout dossier d’inscription. Il suf� t de s’inscrire sur www.blue-awards.com en indiquant le nom de sa société et son site Web ». Ajou-ter à cela que tout un chacun peut faire candidater toute PME française qu’il pense instigatrice d’un nouveau mar-ché, et il s’agit bien là d’un des concours les plus participatifs qui soit. «  Ce message d’ouverture à tous est fondamental ; il s’accorde avec l’idée que l’Innovation nous concerne tous directement, en tant qu’entrepre-neurs mais aussi comme consomma-teurs de ces nouvelles offres, ajoute Al-ban Eral. Par ailleurs, nous avons un jury exceptionnel, qui fort de son expertise en Innovation, est à même d’opérer une sélection des plus pertinentes ».

> Passer le relais de l’expérienceParmi la centaine de candidats, neufs (résultats détaillés dans l’encadré ci-contre) ont été primés par les 24 jurés, tous dirigeants dans l’Innovation : insti-tutionnels (Bpifrance, Direction Géné-rale des Entreprises, Cap Digital, ONE-RA, Blue Ocean Strategy Network), entreprises (AXESSIO, HP, ERDF, Orange, J & J, HM Conseil, Suez Envi-ronnement, Jacquet-Brossard, Sunt-seu), écoles (HEC, Mines) et média (Carat, La Revue du Digital). «  Nous

sommes enchantés de cette première édition qui a réuni des centaines d’en-trepreneurs. Et � ers d’avoir ouvert un territoire assez inattendu à considérer que, au vu de notre système de candi-dature, certains gagnants n’avaient pas postulé. Cela laisse ouvert le champ des possibles ». Avec de belles rencontres aussi  ! Comme celle de boco, Baby Blue Award 2014, qui a reçu son relais des mains de Withings. « Ce genre de ren-contre entre deux sociétés qui tra-vaillent sur des secteurs totalement différents, fait la richesse des Blue

Awards. boco dé-montre que l’Inno-vation ne se limite pas à l’outil numé-rique. Car il fallait penser à ce concept de proposer chaque jour des recettes de chefs étoilés en bo-

caux à des prix fast food. C’est l’exemple type de la création d’un nou-veau marché, car répondant à un be-soin jamais satisfait jusqu’alors », conclut Alban Eral. Toutes symboliques et reines sur leurs nouveaux marchés, les Baby Blue Awards sont en passe de devenir ra-pidement les ETI et grandes entre-prises dont la France a besoin. Peut-être élues Mentors aux Blue Awards 2015 ou 2016, elles sont la preuve que l’Innovation est à la portée de nos entreprises. Gérald Karsenti, PDG de HP France en est convaincu  :  « En étant partenaire des Blue Awards, HP réitère son engagement auprès des PME qui constituent le poumon de l’économie française. Ces entreprises sont la preuve que la France est tou-jours une terre d’Innovation dotée de nombreux talents ».

+ d’infos sur blue-awards.com

BLUE AWARDSles relais de l’Innovation

LAURÉATS BLUE AWARDS 2014 Les Blue Awards passent le relais aux Baby Blue Awards 

CATÉGORIE PRODUITS GRAND PUBLICWithings passe le relais à :> boco pour son offre de recettes de chefs étoilés en bocaux> Sen.se pour son offre de capteurs polyvalents pour toute la famille

CATÉGORIE SERVICES AUX PARTICULIERSLeetchi.com passe le relais à :> Microdon pour son offre L’ARRONDI de microdon au quotidien à la caisse des supermarchés

CATÉGORIE PRODUITS ET SERVICES PROFESSIONNELSCritéo passe le relais à :> Unilend pour son offre de service de prêt des particuliers à destination des PME> MyMeetings pour son offre de service de réunions 2.0 collaboratives> Agorize pour son offre Studyka de plateforme de challenges « Innovation » proposés par les entreprises aux étudiants du monde entier

« Les PME françaises créent de nouveaux marchés »

FOTOLIA

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