negociación de los conflictos del cambio climatico en campesinos agropastoriles

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1 1 LASDEL Laboratoire d’études et recherches sur les dynamiques sociales et le développement local _________ BP 12901, Niamey, Niger – tél. (227) 72 37 80 BP 1383, Parakou, Bénin – tél. (229) 61 16 58 Foncier agro–pastoral, conflits et gestion des aléas climatiques au Niger Cas de Dakoro et Abalak A. Mohamadou Assistant de recherche : Oumarou Hamani Enquêteurs : Abdoulaye Mounsouroune et Mohamed Watakane Etudes et Travaux n° 26 Avril 04 Financement : FAO

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Negociación de los conflictos del cambio Climatico en campesinos agropastoriles en Africa (francés)

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    LASDEL Laboratoire dtudes et recherches sur

    les dynamiques sociales et le dveloppement local _________

    BP 12901, Niamey, Niger tl. (227) 72 37 80 BP 1383, Parakou, Bnin tl. (229) 61 16 58

    Foncier agropastoral, conflits et gestion des alas climatiques au Niger Cas de Dakoro et Abalak

    A. Mohamadou

    Assistant de recherche : Oumarou Hamani

    Enquteurs : Abdoulaye Mounsouroune et Mohamed Watakane

    Etudes et Travaux n 26

    Avril 04 Financement : FAO

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    Sommaire

    Introduction ............................................................................................................................ 3 1. Les mcanismes de gestion des catastrophes naturelles ..................................................... 5

    1.1. Le mcanisme officiel de gestion des catastrophes ..................................................... 5 1.2. Les stratgies des agriculteurs face aux dficits alimentaires ..................................... 7 1.3. Les stratgies des leveurs face la scheresse .......................................................... 8 1.4. Laction des associations ............................................................................................. 9

    2. Ressources naturelles, enjeux et pratiques dans les deux zones....................................... 13 2.1. Dans la zone de Dakoro ............................................................................................ 13 2.2. Dans la zone dAbalak .............................................................................................. 14

    3. Les conflits fonciers ......................................................................................................... 16 3.1. Quatre sites ................................................................................................................ 17 3.2. Typologie des conflits ............................................................................................... 22

    4. Les instances de prvention et de gestion des conflits ..................................................... 24 4.1. Les chefferies traditionnelles..................................................................................... 24 4.2. Ladministration locale ............................................................................................. 25 4.3. La dlgation judiciaire ............................................................................................. 26 4.4. Les projets de dveloppement ................................................................................... 26 4.5. Les associations pastorales ........................................................................................ 27 4.6. Gestion, ngociations et conflits autour des ressources naturelles travers quatre tudes de cas. .................................................................................................................... 30

    Conclusion ............................................................................................................................ 37 Bibliographie ........................................................................................................................ 39

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    Introduction

    Conformment aux termes de rfrence le LASDEL devait raliser une tude sur le foncier et la gestion des alas climatiques dans les zones de Dakoro et dAbalak. Ce travail se justifie par linsuffisance de recherches empiriques dans le domaine, mais aussi par la volont de mettre un accent particulier sur les modes de gouvernance locale en matire de gestion du foncier et des catastrophes naturelles. Les deux thmes sont effet troitement lis, les catastrophes naturelles influenant les pratiques et les politiques foncires.

    Les objectifs de ltude sont : - identifier les diffrents mcanismes de gestion des catastrophes naturelles et des

    conflits fonciers ; - dcrire les stratgies des acteurs locaux face aux catastrophes naturelles ; - tablir les liens entre les catastrophes naturelles et les pratiques foncires actuelles en

    insistant sur le rle des institutions locales Lenqute a t conduite selon lapproche mthodologique socio-anthropologique ou

    enqute qualitative utilise par lquipe du LASDEL . Elle privilgie comme outils de collecte de donnes, les entretiens, lobservation participante et les tudes de cas.

    Une premire mission a t effectue du 14 au 26 avril 2003 pour le lancement de ltude. Une quipe constitue dun chercheur, dun assistant de recherche et de deux enquteurs ont particip cette premire phase de lenqute. Lobjectif tait daffiner le canevas dentretien, didentifier les groupes stratgiques enquter, et de dgager les pistes de recherche qui seront approfondies par les enquteurs.

    Les entretiens avec les diffrents acteurs des arnes locales lors de ce premier contact avec le terrain ont permis didentifier les diffrentes instances de gestion des conflits et des catastrophes naturelles, de choisir les sites de recherche et de baliser le travail des enquteurs. Au niveau de chaque arrondissement, un enquteur a t charg de la collecte des donnes pour une dure dun mois.

    Une seconde mission de supervision a t conduite du 9 au 18 mai 2003 par le chercheur et un stagiaire pour senqurir de ltat davancement de la collecte des donnes et conduire des entretiens complmentaires.

    Lenqute a t mene un moment favorable. En effet, lanne a t dficitaire en pturage, et il y a eu beaucoup de mouvements des populations du nord vers le sud. Nous avons ainsi rencontr dans la zone de Dakoro des leveurs en dplacement bien au del de leurs parcours habituels. Le sjour des enquteurs au niveau des villages leur a permis dobserver les transactions autour de la gestion des points deau.

    A Abalak, nous tions prsents quand les aliments pour le btail commands par le gouvernement au Burkina Faso et destins aux leveurs ont t rceptionns ; nous avons donc suivi comment le stock a t gr.

    La visite du ministre de lintrieur et de la dcentralisation dans la zone pendant notre sjour a permis galement dvaluer limportance des enjeux autour des questions foncires.

    Le choix des sites sest fait en concertation avec les responsables administratifs et coutumiers, les services techniques et les associations. Au niveau de Dakoro, le premier site, celui de Gougou, est reprsentatif des villages sans encadrement, loigns de

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    ladministration ; le second site, Dan Binta a au contraire une forte prsence extrieure et des ressortissants actifs.

    Au niveau dAbalak, le premier site, Inafessawa, a t retenu cause de la proximit de la ville et de la prsence dun pouvoir local fort. Il est situ sur la ligne relle de dmarcation entre zone agricole et zone pastorale. Le second site, Tihirit, est situ dans une zone enclave. La faible profondeur de la nappe en fait une des zones de refuge des leveurs en cas de mauvaise pluviomtrie.

    Le rapport est structur en quatre parties. Dans la premire partie, nous parlerons de laction gouvernementale et des stratgies des acteurs locaux en matire de gestion des catastrophes naturelles, dans la deuxime partie, nous voquerons assez brivement les problmatiques particulires en matire de gestion des ressources naturelles dans les deux zones ; dans la troisime partie, nous nous intresserons la typologie des conflits au niveau des quatre sites en mettant laccent sur leurs causes, les acteurs concerns, les lieux et les priodes de leur manifestation ; dans la quatrime partie, seront identifies et analyses les instances de gestion des conflits, autour dtudes de cas.

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    1. Les mcanismes de gestion des catastrophes naturelles Le Niger appartient lensemble sahlien, une des zones les plus arides au monde et

    o les conditions climatiques sont trs svres. Les 2/3 du pays sont situs en zones saharienne et sahlo-saharienne. Les scheresses et les famines ont jalonn la vie des populations au cours du sicle dernier. Parmi les plus rcentes et les plus marquantes, on notera celles de 1973-1974 et 1984-1985 qui ont eu des rpercutions importantes sur la vie conomique et sociale du pays. Celle de 1973-74 a mme provoqu un changement de rgime politique, lancien pouvoir ayant t accus davoir mal gr le secours aux populations.

    A ct de ces grandes scheresses cycliques, il y a des scheresses localises et permanentes. Elles touchent particulirement les zones qui sont sujettes aux alas climatiques, en dessous de lisote 300 mm. Dakoro et Abalak sont situs dans cette zone et sont classs comme des arrondissements vulnrables du fait de cette situation mais aussi de la pauvret de la grande majorit des mnages. Lconomie de cette zone repose exclusivement sur lagriculture pluviale et llevage, trs tributaires de la pluviomtrie.

    Au cours de lanne 2002, un important dficit fourrager a t enregistr dans notre zone dtude. Lenqute sest droule pendant la priode de soudure, le moment le plus critique de lanne. Nous avons donc pu vivre chaud la ralit de la scheresse. Nous avons ainsi t sollicits plusieurs reprises pour transporter des tiges de sorgho et des sacs de graines de coton dans notre vhicule de mission.

    Les scheresses et les crises alimentaires constituent les principales catastrophes naturelles auxquelles est confront le Niger. Depuis celles du dbut des annes 70, plusieurs initiatives ont t engages par lEtat pour attnuer leurs effets. Elles ont revtu plusieurs formes. Sans entrer dans un long dbat, on peut dire quon est pass de laide alimentaire comme outil principal daide aux sinistrs une politique plus oriente vers la prvention et la gestion des crises alimentaires. Les scheresses et les famines ont eu galement un rle important dans les choix politiques en matire de politique agro-pastorale au Niger. A titre dexemple, la politique dauto-suffisance alimentaire et la cration sur lensemble du pays de centres de multiplication de btail ont t inspires par la scheresse de 1973-74.

    Au niveau institutionnel, la distribution de laide alimentaire aux populations tait gre par les militaires avant dtre confies aux institutions civiles de lEtat.

    Nous nallons pas nous apsantir sur le bilan de ces actions. Retenons quaprs avoir t fortement centralise, la gestion des catastrophes naturelles tend de plus en plus, mais timidement tre dconcentre.

    1.1. Le mcanisme officiel de gestion des catastrophes Au Niger, il existe un dispositif institutionnel pour la gestion des catastrophes

    naturelles. Depuis 1998, il a t redfini et sarticule dsormais autour de quatre organes principaux :

    - Une commission mixte de concertation (CMC) qui runit le gouvernement nigrien et les principaux donateurs daide alimentaire. Elle a pour mission le suivi de la situation alimentaire et les rponses adquates entreprendre.

    - Une cellule de crises alimentaires (CCA) rattache au cabinet du premier ministre dont la mission est de veiller lexcution des dcisions prises par la commission mixte des donateurs. Son ancrage institutionnel montre laccent particulier port aux catastrophes naturelles.

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    - Un organe de collecte dinformations, le Systme dalerte prcoce et de gestion des catastrophes naturelles (SAP/GC). Il dispose de structures dconcentres charges de la collecte dinformations sur les risques de crises alimentaires, de la formulation dactions entreprendre et de leurs ventuelles excutions.

    - Loffice des produits vivriers du Niger (OPVN), en tant quorganisme dEtat a pour mission la maintenance de stocks physiques et la participation la mise en uvre des aides alimentaires. Il a t cr depuis le milieu des annes 70. De ces quatre structures, cest le SAP/GC, avec ses structures dconcentres qui

    intervient au niveau local. Dans chaque arrondissement, il y a une cellule locale du SAP/GC. Elle a comme membres le sous-prfet, qui en est le prsident, le chef du service

    agricole, qui assure le secrtariat, certains services darrondissement, les chefs traditionnels, et les associations locales.

    La cellule locale du SAP/GC est charge du suivi des zones vulnrables. Le suivi commence ds les semis en vue didentifier, la fin de lhivernage, les villages dficitaires susceptibles de recevoir une aide du gouvernement ou dautres acteurs du dveloppement.

    La cellule locale labore aussi des dossiers lorsque surviennent dautres catastrophes naturelles comme les inondations ou les incendies.

    Cest sur la base des informations collectes par les cellules locales du SAP/GC que des dossiers de projets sont labors.

    A ct de lvaluation faite sur la base dun questionnaire distribu par le SAP/GC sa cellule locale et administr au niveau des villages dficitaires, il y a une valuation faite par les chefs traditionnels. Cest ce quexplique le chef de canton de Birnin Lall (Dakoro) :

    Le chef de canton se dplace de village en village au moment de la rcolte pour faire la situation. Les chefs de villages mapportent aussi la situation concernant leurs villages. Je prsente cette situation au service de lagriculture. Je conseille pendant mes visites aux populations dviter le gaspillage .

    La liste des villages retenus est donc une liste ngocie entre ladministration et les chefs traditionnels. Une fois que la liste est arrte, elle est envoye au niveau rgional qui la transmet aprs avis la cellule nationale. Les actions en direction des populations et des villages dficitaires peuvent revtir plusieurs formes :

    Le gouvernement peut accorder une aide alimentaire. Depuis deux ans, il a opt pour la vente prix modr des crales. Au lieu dune distribution gratuite, il subventionne les produits alimentaires de base.

    Dans les rgions isoles des banques cralires sont cres, en gnral avec laide des projets. Des actions de haute intensit en main duvre sont souvent proposes pour viter les dplacements des populations tout en leur assurant un appoint alimentaire grce au systme food for work . Dans la zone pastorale, des banques aliments btail sont mises en place pour la complmentation animale.

    Mais ces actions censes avoir un caractre durgence tombent trs souvent dans la lourdeur et la routine administratives. Cest lavis unanime des responsables des services techniques qui se plaignent des retards dans le dblocage des fonds. A titre dillustration, lors de notre enqute (avril-mai), aucune action ntait en cours dexcution dans larrondissement de Dakoro, malgr limportance des dficits en pturages et en complmentation animale .

    Les cellules locales du SAP/GC se sont ouvertes aux associations qui en sont devenues des membres part entire.

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    Le choix des sites dintervention, la ngociation avec la cellule crises alimentaires et la mise en uvre des actions sont ngocis entre les diffrentes institutions membres et ce dautant plus que la gnralisation des dficits donne de larges marges de manuvre. Les arbitrages faire entre les diffrentes institutions et la confection des dossiers de projets prennent un temps assez long, ce qui explique le peu defficacit du mcanisme officiel de gestion des catastrophes naturelles.

    1.2. Les stratgies des agriculteurs face aux dficits alimentaires La zone de Dakoro fait partie des zones haut risque climatique. Les dficits

    alimentaires y sont chroniques et les populations sont obliges de rechercher des complments alimentaires.

    1.2.1. Lexode rural La principale stratgie pour faire face aux pnuries alimentaires est lexode rural. Les

    jeunes entre 18 et 40 ans quittent leurs villages ds la fin de la saison des pluies pour chercher du travail dans les grandes villes du Niger ou ltranger.

    Pour les jeunes de Dan Binta, les trajectoires migratoires comprennent la ville de Maradi, lAfrique centrale (Tchad, Cameroun, Gabon) et lAfrique de lOuest (Nigeria, Cte dIvoire).

    Ce dpart en exode permet non seulement de rduire le nombre de bouches nourrir par famille mais aussi, pour certains, de diffrer la consommation de la production agricole. On rservera le contenu du grenier la priode de soudure, au moment des sarclages. Laction des pouvoirs publics a t de trouver des solutions pour freiner lexode rural par la promotion des cultures de saison sche, des travaux de haute intensit en main duvre et la cration de banques cralires. Mais ces actions restent de peu deffets, parce que dune part, le potentiel en terres cultivables en saison sche est faible et, dautre part, parce que les oprations ponctuelles et urgentes en faveur des zones sinistres sont tributaires de financements extrieurs dont les procdures sont assez longues pour tre efficaces dans les situations durgence.

    Au niveau de Dakoro, le projet Care a entrepris des actions de warrentage qui visent scuriser la production alimentaire des paysans. Le constat de dpart tait que les candidats lexode bradent leur production la rcolte pour se procurer les frais de transport. Le migrant vend par exemple un sac de mil 5.000FCFA en octobre ; son retour dexode en Juin, il achte sur le march le mme sac 15.000FCFA. Le projet a initi cette action pour mettre les paysans labri des fluctuations des prix sur le march. Dans chaque village dintervention, un comit est mis en place qui achte le mil que les migrants veulent vendre. Ces derniers rachtent la mme quantit leur retour dexode un prix nettement infrieur celui du march.

    Le projet a galement innov en matire de gestion de lexode. Alors que les stratgies gouvernementales visent lempcher, le projet Care a estim que lexode tant une importante source de revenus, de toute faon difficile de lendiguer, il tait plutt prfrable daider les candidats lexode. Ces derniers sont souvent confronts des tracasseries administratives dans les pays daccueil, parce quils manquent de pices administratives. Le projet a donc entrepris une action daide aux exodants pour leur permettre de disposer de pices administratives ncessaires pour voyager ltranger.

    1.2.2. La vente des rsidus des cultures Les tiges de mil et de sorgho, les fanes darachide et de nib sont aujourdhui

    systmatiquement rcolts et stocks par les agriculteurs et agro-pasteurs. Limportance du

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    cheptel dans la rgion, la tendance lintensification de llevage, et les dficits fourragers frquents ont fait exploser le march des fourrages. Cette anne, des camions chargs de tiges de sorgho ont quitt le Nigeria pour la zone pastorale du Niger. Pour donner un ordre de grandeur, le fagot de tiges de sorgho vendu Dakoro 2.000 FCFA est revendu Abalak 5.000 FCFA.

    Selon les agriculteurs de Tihirit, cette anne, dfaut dune bonne rcolte de mil et de sorgho, ce sont les tiges qui les ont sauves. Certains leveurs ne se sont pas dplacs parce quils avaient la capacit financire pour acheter les rsidus des cultures. Il est fort probable quavec lamenuisement progressif de lespace pastoral et lmergence dun levage commercial, le march des fourrages se dveloppera davantage encore au cours des prochaines annes.

    1.3. Les stratgies des leveurs face la scheresse Le dveloppement de lagriculture de subsistance dans la zone pastorale est la

    consquence des scheresses des trois dernires dcennies. Cette anne de scheresse en zone pastorale rvle la complmentarit entre zone agricole et zone pastorale et les stratgies quutilisent les leveurs pour faire face la scheresse.

    De lavis de la plupart des enquts de la zone dAbalak, les scheresses de 1985 et de 1998 ont fait volu les pratiques. Plusieurs stratgies sont utilises par les leveurs. 1.3.1. La dispersion et la rduction de la taille du troupeau

    Le comportement des leveurs renseigne sur la situation du disponible fourrager. Quand il y a dficit fourrager, on remarque une forte prsentation danimaux sur le march et ce, ds la fin de la saison des pluies. Ce sont gnralement les animaux gs et faibles qui sont vendus. Le prix de la vente servira lentretien du troupeau. On estime quun leveur qui a 10 bovins peut en sauver 7 en vendant 3. Selon le chef du service de llevage dAbalak, les pertes importantes pendant les scheresses de 1974 et 1984 ont modifi les comportements des leveurs. En effet, on a remarqu que, cette anne, les leveurs dans leur grande majorit ont procd un dstockage rapide. Les leveurs qui disposent de troupeaux importants les dispersent pour minimiser les pertes. Ainsi, trs souvent les laitires et les individus fragiles sont gards la maison et le reste du troupeau est conduit au sud. Cette stratgie oblige aussi la famille se repartir les tches pendant la priode de soudure. Ce sont en gnral, les jeunes qui partent pour la transhumance.

    La principale catgorie dleveurs qui font la transhumance sont les propritaires de bovins. Cest cette espce animale qui est la plus fragilise en cas de dficit fourrager. Ces leveurs sont considrs comme tant relativement riches. Dans beaucoup de cas, la transhumance aurait pu tre vite sil y avait une disponibilit en aliments btail et en fourrages sur les marchs locaux. Ni lEtat, ni les associations nont vu venir la crise a fortiori prendre les mesures adquates. 1.3.2. La transhumance vers le sud

    Lune des stratgies classiques utilises par les leveurs est la transhumance vers la zone agricole pour exploiter la biomasse disponible (rsidus des cultures, jachres, ligneux, etc.). Les axes de migration sont connus. Certaines zones agricoles daujourdhui faisaient partie de lespace politique touareg avant la colonisation. Pour certains, ce sont les dplacements dj effectus pendant les prcdentes scheresses qui ont permis la connaissance des itinraires. Il y a certaines familles dont une partie des membres sest installe dans la zone agricole.

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    Nous avons rencontr Alambatok, un campement au nord dAbalak, un transhumant qui tait de retour pour voir sa famille. Il nous a retrac le parcours de son groupe de la zone pastorale la zone agricole sur une centaine de kilomtres:

    Dabord, nous avons envoy des claireurs qui ont fait le dplacement jusque dans la zone o on devait rester. Lobjectif est de voir l o il y a de leau et du pturage. Il faut aussi prendre des contacts avec les sdentaires, on doit avoir quelquun qui peut ngocier pour nous laccs aux puits villageois pour abreuver les animaux. Nous payons leau .

    Il arrive aussi que les chefs traditionnels dont relvent les populations en transhumance fassent le dplacement pour rencontrer leurs collgues des zones daccueil.

    Selon le chef du groupement touareg dAzagor (Dakoro), la stratgie de gestion et de prvention des scheresses et des conflits repose sur les principes de rciprocit entre les leveurs en priode difficile. Il existe des accords tacites bass sur des liens historiques ou matrimoniaux entre certaines chefferies. Cest le cas de son groupement avec le deuxime groupement dAbalak.

    La transhumance en zone agricole a favoris ltablissement de relations entre transhumants et agriculteurs autochtones. Certains leveurs disent avoir leurs Hausa et vice versa. Ceux qui nen ont pas trouvent des arrangements sur place. La complmentarit entre agriculteurs et leveurs a volu. On assiste aujourdhui lapparition de nouveaux rapports de type marchand autour des rsidus des cultures. Les secteurs traditionnels dintgration agriculture-levage (contrats de parcage, jachres) sont en recul.

    Les chefs traditionnels profitent des runions de leur association nationale pour changer des informations sur les mouvements des populations et les stratgies mettre en uvre.

    La prsence de deux centres de multiplication de btail, lun Dakoro (Fako) et lautre Abalak (Ibceten) avec respectivement 28.000 et 42.000 ha de superficie rend disponible une rserve importante en pturage. Laccs aux centres est en principe interdit mais pendant les annes dficitaires, les leveurs bravent linterdiction. Quand les animaux sont saisis par les forces de police du centre, les leveurs paient des amendes. Ces centres ont t crs aux lendemains de la scheresse de 1974 pour aider la reconstitution du cheptel. Mais ils nont jamais su tablir des relations de confiance avec les leveurs. Ladministration a privilgi la rpression. Depuis quelques annes, ces espaces sont devenus la chasse garde des gros leveurs et ladministration ferme alors les yeux. Il y a donc un systme double vitesse : la rpression pour les petits leveurs et la collaboration avec les grands leveurs. Ces centres sont administrs depuis Niamey et constituent une importante source dargent aux collectivits locales. Les rapports de plus en plus conflictuels entre les centres et les leveurs posent le problme du devenir des espaces protgs et, ce dautant plus que la communalisation sera bientt effective.

    Dune manire gnrale, il ny a pas de cadres officiels de gestion des dplacements des populations. Il ny a pas non plus dactions spcifiques en leur direction.

    1.4. Laction des associations Les associations sont un acteur mergent au niveau des arnes locales. Depuis la

    libralisation politique du dbut des annes 90, on observe un boom associatif. Au niveau des arrondissements de Dakoro et Abalak, ce sont les associations dleveurs qui sont les plus actives. Deux raisons principales peuvent expliquer cette dynamique : leffet des projets intervenant dans ces zones pour la plupart vocation pastorale et la faible reprsentation des leveurs dans les structures officielles.

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    A Dakoro, un collectif des associations pastorales a t mis en place en Juin 2001. Il a pour objectifs :

    la reprsentation des leveurs au niveau des instances de dcision lintermdiation entre les leveurs et les intervenants (services techniques et

    projets) la lutte contre linscurit alimentaire la prservation de la sant animale la gestion des ressources naturelles la gestion du foncier.

    Le collectif est compos dune dizaine dassociations qui sont : Association pour la re-dynamisation de llevage au Niger (AREN) Fdration nationale des leveurs du Niger (FNEN DADO) Lawool Bali

    Timidria-Fraternit Anmudhal Ndem Afatan

    Association pour la promotion de llevage au Niger (APEN); Association nationale pour la promotion et la modernisation de llevage

    (ANPME). Le collectif a t mis en place pour coordonner les activits des diffrentes

    associations. La plupart des dirigeants des associations sont des ressortissants de larrondissement avec divers profils (leveurs, diplms, fonctionnaires, leaders politiques, etc.). Le collectif est devenu un acteur important au niveau local en termes de mobilisation de fonds et de reprsentation dans les diffrentes instances de dcision

    Les associations dagriculteurs sont peu actives. On recense deux associations : la plate forme paysanne qui est la section locale de la coordination nationale de linitiative Sahel 21 qui se propose de crer un cadre de concertation et dexpression pour les paysanneries sahliennes. La section de Dakoro est peu fonctionnelle. La seconde association a t cre en 2002. Lassociation pour la lutte pour lautosuffisance et le dveloppement (ALLAD) intervient dans le domaine de lenvironnement, de lagriculture et de la gestion des conflits.

    On recense un nombre important dassociations Abalak. Mais peu sont actives. Parmi celles-ci, on peut citer :

    Agence Nourrithre

    APEL-ZP (Appui pour la promotion de llevage en zone pastorale PDR (promotion du dveloppement rural) Association Aharog

    Association AKH- Fraternit

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    Les associations se sont mobilises cette anne pour venir en aide aux leveurs. A Dakoro, elles ont mis en place des aliments btail bien avant les services officiels. Mais selon le prsident du collectif des associations pastorales dAbalak, elles ont une faible capacit daction. Elles ne peuvent pas mobiliser des ressources importantes. Pour ce leader local, lEtat et les projets ignorent que la scurit alimentaire passe chez lleveur par la scurit de son troupeau. Les associations dAbalak ont milit pour participer la gestion et la vente des graines de coton et du son mis la disposition de larrondissement par le ministre de llevage. Mais elles ont t par la suite jectes par les acteurs qui sen occupaient auparavant savoir les chefs traditionnels et les dputs. Ces derniers ont dtourn leur profit et celui de leur clientle le tonnage qui a t rceptionn.

    Cet pisode est significatif de la comptition entre acteurs officiels et acteurs mergents au niveau des arnes locales. La confrontation telle quelle se donne voir se droule au niveau de la reconnaissance institutionnelle. Les associations militent pour tre intgres dans diffrents comits chargs de grer les affaires politiques et de dveloppement de larrondissement. Elles cherchent aussi prendre une part active la ralisation des activits mises en uvre par les projets de dveloppement. Elles sont fortement soutenues par les projets et ONG du nord qui ne veulent plus collaborer avec les autorits administratives et les services techniques. Ils financent des formations au profit des dirigeants des associations dans le cadre du renforcement de leurs capacits et soutiennent leurs actions sur le terrain.

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    Tableau rcapitulatif : stratgies des diffrents acteurs face aux catastrophes naturelles

    Acteurs Stratgies Points forts Limites Etat Vente de mil et daliments

    btail prix modr, projets haute intensit de main duvre

    Accs pour les sinistrs laliment de base, Protection contre la fluctuation des prix sur le march

    Lourdeur bureaucratique, Centralisme administratif

    Clientlisme politique

    Agriculteurs Exode Vente des rsidus des cultures et de la paille

    Sources de revenus Dpeuplement des campagnes

    Rduction de la biomasse fourragre pour lalimentation animale

    Eleveurs Dispersion et rduction de la taille du troupeau, transhumance en zone agricole

    Diminution de la charge animale

    Accs aux rsidus des cultures

    Perte de capital btail

    Conflits avec les agriculteurs

    Associations Lobbying auprs de ladministration et des projets , sensibilisation des leveurs

    Mobilisation des ressources

    conscientisation des leveurs

    Actions ponctuelles

    Faibles capacits

    Projets Warrentage, banques cralires et banques aliments btail

    Scurisation de la production,

    Disponibilit et proximit des produits de premire ncessit

    Prennisation aprs la fin du projet

    Les scheresses et les famines ont eu un rle dterminant dans les pratiques et les stratgies foncires. Cest ainsi que comme nous le verrons, la cration de tous nos sites a t leffet des scheresses et de la pression foncire qui en rsulte. Les scheresses sont aussi lorigine des mouvements des populations dune rgion une autre, posant ainsi de nouveaux dfis en matire dadministration des populations.

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    2. Ressources naturelles, enjeux et pratiques dans les deux zones Les scheresses des trente dernires annes ont considrablement modifi les

    quilibres cologiques et les systmes de production au Sahel. La dgradation du potentiel productif conjugue la pression dmographique et labsence de rponses techniques appropries ont conduit agriculteurs et leveurs de nouvelles pratiques dans lexploitation et la gestion des ressources naturelles. Les politiques agricoles qui ont t mises en uvre nont pas donn les rsultats escompts. Les relations entre agriculteurs et leveurs nagure complmentaires sont devenus de plus en plus conflictuelles. De nouvelles dynamiques sociales apparaissent dans le domaine de la gestion du foncier agro-pastoral. Dans les lignes qui vont suivre, nous allons voir comment se dclinent les enjeux autour des ressources naturelles dans notre zone dtude.

    Les ressources naturelles dont il sera question ici sont les ressources naturelles non renouvelables. Il sagit principalement de la terre, de leau, des ressources forestires, des pturages, etc. Mais nous parlerons aussi des espaces et des ouvrages partags par les agriculteurs et les leveurs (couloirs de passage, puits villageois et pastoraux, aires de repos et de transit.

    Lemploi de la notion de foncier agro-pastoral permet de dpasser la distinction faite souvent entre le foncier (qui se limite la terre) et les ressources naturelles qui englobent les autres ressources. Les rsultats de lenqute permettent de voir les perceptions que les diffrents utilisateurs se font des ressources. La relation lespace est diffrente selon quon a affaire un agriculteur ou un leveur.

    2.1. Dans la zone de Dakoro La zone de notre tude au niveau de Dakoro correspond la partie agro-pastorale et

    pastorale de larrondissement. Trois enjeux majeurs structurent les pratiques et les stratgies des acteurs en matire de

    foncier agro-pastoral dans cette zone : le problme de la limite nord des cultures, le contrle de la zone pastorale, et la question de la transhumance.

    La zone se caractrise par une forte pression foncire lie une dmographie galopante et une agriculture extensive, ce qui a provoqu lavance du front cultural vers la zone pastorale au del de la limite nord des cultures. Cette colonisation agricole est le fait des agriculteurs Hausa venus du sud qui dfrichent les espaces pastoraux mais aussi le fait des leveurs convertis lagriculture. Dans la zone de Dakoro, les chefs traditionnels touareg ont contribu cette avance en encourageant les agriculteurs se sdentariser. A lpoque, lenjeu tait plutt dmographique. Il fallait avoir un nombre important dadministrs pour prtendre passer la catgorie suprieure dans la hirarchie de la chefferie traditionnelle.

    La limite nord des cultures est matrialise par la valle de la Tarka qui traverse larrondissement dest en ouest. Cest une loi de 1961 qui a fix cette dlimitation entre zone agricole et zone pastorale ; lobjectif tait de prserver un espace pour le dveloppement de llevage. Cette limite est aujourdhui largement dpasse. Mme si lavance du front cultural n est pas linaire, les champs de cultures se rencontrent au nord de la valle de la Tarka. A titre dexemple, notre site de Gougou est situ 40 km au del de la valle. Cette valle fait aujourdhui lobjet dune vive comptition entre leveurs et agriculteurs.

    Dans la pratique, la limite nord des cultures nest pas respecte parce que les pouvoirs publics ont opt pour le laisser faire.

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    Pour les leveurs, ce vide juridique symbolis par labsence dun code pastoral favorise les agriculteurs. En effet, la terre pastorale nayant pas de statut juridique clair, il est loisible aux agriculteurs de coloniser les espaces pastoraux. La mise en culture est considre comme une mise en valeur alors que llevage ne lest pas.

    Dans la zone pastorale de larrondissement, le fait majeur reste la course lappropriation privative des points deau. Les puits publics et communautaires sont systmatiquement privatiss. Cette stratgie sinscrit dans une logique dappropriation de lespace. En effet, en zone pastorale, qui contrle leau contrle lespace.

    On note la prsence dun centre de multiplication de btail dans la zone la frontire avec larrondissement dAbalak qui a contribu son rtrcissement. Ce centre constitue une grande rserve de pturage et il est trs convoit en anne dficitaire par tous les leveurs des rgions voisines. Les rapports quentretiennent les leveurs riverains et transhumants avec ladministration du centre restent domins par linformel et le politique. Il ny a pas de rgles claires daccs ; il faut ngocier avec ladministration du centre. Les grands leveurs, gnralement des politiciens locaux y ont plus facilement accs cause de leurs relations avec le pouvoir politique.

    Larrondissement de Dakoro est une zone de transit entre la zone agricole au sud et la zone pastorale au Nord. Ce sont donc des milliers de ttes de btail qui traversent larrondissement au dbut et la fin de la saison des pluies. Cette prsence massive de transhumants provoque une grande tension avec les agriculteurs et leveurs locaux et, est la source de la plupart des rixes enregistres. La gestion de la transhumance constitue une des proccupations des autorits et des projets de la rgion.

    2.2. Dans la zone dAbalak Larrondissement dAbalak se trouve en pleine zone pastorale au del de la limite nord

    des cultures. Les scheresses des annes 70 et 80 ont provoqu la sdentarisation et la conversion

    lagriculture de plusieurs groupes. La partie sud de larrondissement est pratiquement devenue agricole. Pour le service de lagriculture de larrondissement, cest plutt la voie bitume Tahoua-Arlit, qui divise la ville en deux, qui constitue la limite entre zone agricole et zone pastorale. Les agriculteurs sont essentiellement danciens dpendants touareg et des migrants hausa qui ont quitt le sud la recherche des terres. Il faut dire que lagriculture est pratique dans les autres parties de larrondissement, principalement dans les bas-fonds. Le dveloppement de lagriculture a entran des modifications dans la gestion de lespace et les rapports entre les nouveaux agriculteurs et les leveurs.

    Lun des faits marquants au niveau dAbalak, cest aussi lmergence de gros leveurs. Commerants ou hommes politiques, ils ont investi dans le capital btail et leurs troupeaux se comptent en milliers de ttes. Leur cohabitation avec les petits leveurs devient de plus en plus conflictuelle autour de laccs aux points deau et aux pturages.

    Ici aussi, la marchandisation des ressources naturelles avec notamment lachat des puits est devenue une ralit quotidienne. La commission foncire a ainsi enregistr des dizaines de demandes de fonage de puits.

    Dakoro et Abalak partagent une longue frontire commune. Ils sont dans ce quon appelle la zone de transition faible pluviomtrie o les dficits pluviomtriques et alimentaires sont frquents. Il y a une longue tradition de dchanges et de complmentarit entre les deux zones. Les scheresses et les pnuries alimentaires sont des ralits permanentes avec lesquelles les populations ont appris vivre.

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    Dans les deux zones, le processus de communalisation en cours (les lections locales sont prvues en mars 2004) ont exacerb les tensions autour du choix des chef lieux des communes, du rattachement des populations aux nouvelles entits administratives et la dlimitation de ces dernires. Ces nouveaux enjeux sajoutent aux conflits rcurrents lis la gestion au quotidien des ressources.

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    3. Les conflits fonciers Lenqute rvle que la question foncire est dune brlante actualit dans la zone en

    raison non seulement de la rarfaction des ressources naturelles mais aussi cause de lmergence de nouveaux comportements lis aux pratiques et stratgies des diffrents acteurs. Avec la promulgation de la loi sur la communalisation, la question foncire a pris une place de choix dans les espaces disputs entre les diffrentes communes rurales mettre en place. Il apparat vident aussi que la gestion du foncier et des ressources naturelles sera un objet de dispute entre autorits traditionnelles actuelles qui en dtiennent la gestion et les futurs conseils municipaux. La nouvelle loi prvot en effet, la communalisation des cantons et des groupements. Il faut rappeler que les cantons et les groupements sont des entits administratives et gographiques qui ont t cres par ladministration coloniale aux fins de contrle et dadministration des populations. Leurs limites ne sont pas prcises et il y a plusieurs espaces intercommunautaires cheval entre plusieurs cantons et groupements.

    Cette situation favorise lmergence de stratgies de positionnement et danticipation autour de la gestion du pouvoir local et des ressources naturelles. Celle-ci prend de nouvelles configurations dont le contenu est en permanente ngociation entre les diffrents acteurs des arnes locales. Dans le domaine du foncier, la course vers lappropriation des ressources naturelles provoque le dveloppement des conflits individuels, intra et intercommunautaires. Nous ne nous intresserons pas dans le cadre de cette tude aux conflits agriculteurs/agriculteurs trs frquents en zone agricole et dj largement documents. Nous allons plutt nous focaliser sur les conflits agriculteurs/leveurs et les conflits pasteurs/pasteurs.

    On peut distinguer les conflits lis lappropriation de lespace et ceux lis la gestion au quotidien des ressources naturelles.

    1) Dans le premier cas, il y a les conflits opposant agriculteurs et leveurs. Ils sont principalement lis lavance du front cultural en zone pastorale. Chaque fois quun espace pastoral est dfrich, il devient espace agricole. Ici, les conflits se cristallisent autour de la valle de la Tarka qui est une zone pastorale, trs convoite par les agriculteurs en qute de nouvelles terres. Contre les agriculteurs, les leveurs peul et touareg font front commun pour prserver la valle de la Tarka. Les leveurs accusent le pouvoir de laisser et mme dencourager la colonisation de la zone pastorale. Fait significatif de cette comptition : les responsables des associations pastorales rcusent le secrtaire permanent de la commission foncire darrondissement (COFO) quils accusent dtre partial parce quil est agriculteur. Il est vrai que le secrtaire permanent prend quelques liberts avec les textes puisquil a affirm lors de notre entretien avec lui que la limite nord des cultures a t prolonge de 25 km par un texte dont lui seul daprs nos investigations a connaissance.

    Ces conflits autour de lespace opposent des communauts dont les modes de vie et de gestion des ressources naturelles sont diffrencis.

    Il y a toujours des conflits opposant pasteurs entre eux pour le contrle des points deau et des parcours pastoraux. Cest le cas dans la zone pastorale de Dakoro entre leveurs peul et leveurs touareg. Cest ce qui explique la course effrne vers lappropriation privative des points deau qui constitue la marque premire doccupation de lespace. Ce type de conflits opposent grands et petits leveurs dans la zone dAbalak.

    2) Concernant les conflits lis la gestion au quotidien des ressources naturelles, on les rencontre surtout dans la zone agro-pastorale et ils opposent essentiellement agriculteurs et leveurs des moments donns de lanne. On observe ainsi quil y a des priodes de pointe lies principalement au cycle des pluies. Ds les premires pluies, au moment des semis (fin

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    mai- dbut juin), les leveurs quittent la zone agricole pour gagner la zone pastorale. En principe, ils doivent emprunter les couloirs de passage, aires de transit et de repos qui relvent du domaine public de lEtat. Ces couloirs quittent pour certains le nord Nigria, traversent la zone agricole du Niger jusqu la Tarka considre comme la fin de la zone agricole. Mais ces couloirs sont par endroits rtrcis ou occups par les champs de culture. Il arrive ainsi que les animaux pntrent dans les champs causant des dgts. Ces situations engendrent des rixes parfois violentes entre agriculteurs et leveurs.

    A la fin de la saison des pluies, au moment o tarissent les mares de la zone pastorale, les leveurs regagnent la zone agricole. Laccs aux rsidus des cultures et aux puits villageois devient alors source de conflits avec les agriculteurs.

    Les conflits peuvent tre ouverts ou latents, et on considre quil y a conflit quand il y a une contestation entre deux ou plusieurs protagonistes autour dune ressource naturelle.

    Les conflits concernent plusieurs acteurs individuels et collectifs. Nous verrons par exemple pour chaque site quels sont les acteurs protagonistes des conflits.

    Tous les acteurs sont unanimes considrer que grce laction de balisage des couloirs et la sensibilisation menes par le projet suisse PASEL (programme dappui au secteur de llevage) et le projet Care-Dakoro, les conflits agriculteurs/ leveurs ont significativement diminu dans larrondissement de Dakoro.

    Dans la zone pastorale, les conflits sont plus frquents en saison sche. Le problme daccs aux puits en constitue la principale cause. En raison de la prsence de deux centres de multiplication (dont lun Abalak et lautre Dakoro) , qui sont des zones protges, il y a des conflits entre ladministration de ces centres et les leveurs.

    Pour observer de plus prs les conflits et les stratgies des diffrents acteurs et les enjeux locaux, nous avons conduit des enqutes approfondies au niveau de quatre sites.

    3.1. Quatre sites 3.1.1. Le site de Gougou

    Gougou est situ la pointe nord de larrondissement de Dakoro. Cest un village de cration rcente en pleine zone pastorale au del de la limite nord des cultures telle que dfinie par les textes en vigueur. Gougou est le dernier village agricole de larrondissement en allant vers le nord, la lisire du centre de multiplication de btail de Fako.

    Le village na pas connu dintervention de projets ou dONG, et lencadrement par les services techniques de lEtat est pisodique. Plusieurs groupes sociaux cohabitent dans la zone notamment des agriculteurs hausa, des agro-pasteurs touareg et des leveurs peul et touareg. Ces diffrentes communauts dveloppent des stratgies diffrentes pour le contrle et laccs aux ressources naturelles.

    Dans les annes 1970, lorganisation sociale du village a connu un bouleversement la suite de la cration du ranch de Fako. Gougou sagrandit avec larrive des habitants du village de Fako, dont le ranch porte actuellement le nom. Expropris pour cause dutilit publique, ces derniers se replient sur Gougou dont ils accroissent la population.

    Aujourd'hui, le village qui compte environ 300 habitants est compos de deux blocs : le village Hausa et le Zangon Gougou des Touareg Kel Gress. Chacune des composantes ethniques est administre par un chef de village. Au plan administratif, le village de Gougou est rattach au canton de Birnin Lall tandis que le Zango relve du groupement touareg dAzagor.

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    A ces deux groupes qui se considrent comme tant les autochtones sajoutent dautres groupes ethniques allochtones, composs des Peul -Farfaru et Rahazaa- et des Touareg Kel Temerkest dissmins sur le terroir.

    Trois groupes ethniques se retrouvent donc sur le site :les Hausa, les Touareg et les Peul.

    - Les Hausa sont des sdentaires. Ils pratiquent principalement lagriculture. Leur installation sur le site sest faite aprs celle des Touaregs Kel Gress devenus agro-pasteurs. Des relations matrimoniales lient les uns aux autres. Les Hausa ont rachet les terres des Touareg.

    - Les Touareg Kel Gress sont les premiers occupants de la zone. A lorigine ils ne pratiquaient que llevage. Mais les catastrophes naturelles ont dcim leur cheptel. Ils se sont sdentariss et sont devenus agro-pasteurs.

    - Les Peul et les Touareg Kel Temerkess sont perus comme des allochtones qui viennent du nord pendant la saison sche. En gnral ils ne pratiquent pas lagriculture. Mais depuis quelques annes et la faveur des actions du projet PASEL et des associations dleveurs, on note une tendance la sdentarisation des Peul qui a mme conduit la cration du village de Toumboudij.

    Les ressources en eau de surface sur le site se limitent deux mares temporaires :les mares de Gougou et de Toumboudij. Ces mares ne suffisent pas couvrir les besoins annuels des populations de la zone.

    Pour amliorer laccs leau, deux puits ont t foncs. Lun dans le village de Gougou ralis au dbut des annes 1980 par les services techniques du Ministre de lHydraulique et la communaut villageoise, et le second dans le village de Toumboudij en 1999 la suite dun accord de partenariat entre la communaut peul, le Programme dAppui au Secteur de lElevage (PASEL) et lONG FNEN-DADDO.

    Malgr ces ralisations, leau demeure encore une ressource stratgique dont laccs est soumis des rgles strictes comme nous le verrons travers ltude de cas ralise sur la gestion du puits.

    Les conflits entre agriculteurs et leveurs se rsument aux dgts champtres et laccs au puits du village. Ils sont plus frquents entre agriculteurs et leveurs transhumants. Quant aux conflits pasteurs/ pasteurs, ils opposent les Peul et les Touareg.

    3.1..2. Le site de Dan Binta Le village de Dan Binta a plus dun sicle dexistence. Il est situ 18 km de piste au

    sud-ouest de Dakoro. Ses habitants seraient venus de du village de Koutitia, situ louest de Kornaka plus au sud. La population estime plus de 400 habitants est compose exclusivement de Hausa mais dorigines diffrentes. Il sagit de Gobirawa, dAdarawa et de Sorkawa. Il sagit donc dune population homogne.

    Lagriculture et llevage y sont associs mais cest aussi un point de passage pour les leveurs qui transhument du sud au nord en dbut des saisons des pluies et du nord au sud la fin de lhivernage. On note la prsence dune aire de pturage avec une gestion de type communautaire (cf.infra). Cette anne, le village a accueilli dans sa priphrie quelques familles touareg venues de la rgion dAbalak la recherche de moyens de subsistance pour elles-mmes et pour leurs animaux.

    Bien que les dplacements des populations obissent une orientation rgulire nord-sud, il nexiste, a priori, pas de choix port sur une zone prcise de destination, comme

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    lillustrent les propos de Mohamidin, un chef de famille du groupe : cette anne nous sommes ici, nous ne savons pas o nous irons lanne prochaine . Les destinations sont choisies en fonction de deux facteurs: lespoir dune disponibilit en ressources fourragres et en eau mais aussi des possibilits demploi temporaire.

    En effet, linstallation prs du village de Dan Binta a permis aux pasteurs touareg la pratique de micro-activits non-agricoles gnratrices de revenus (cordonnerie, rparation dobjets mtalliques, confection et vente de tamis, etc.). Les femmes se font employer dans les mnages comme aide-domestiques. Elles reoivent une demi-mesure de mil pour une botte de mil pile.

    Ces petites activits permettent dassurer la famille le repas quotidien. Elles permettent galement, grce au mil obtenu, de rduire au minimum les dpenses lies lachat de vivres durant le sjour et de constituer des stocks de rserve pour le retour.

    Ainsi, le dplacement pour les Touareg agro-pasteurs vise minimiser les risques lis aux situations conjoncturelles. La rcolte agricole est mise en rserve et ne sera consomme que pendant la priode de soudure.

    Linstallation des leveurs et leurs troupeaux en zone agricole ne fait lobjet daucune restriction en saison sche. Ces derniers sont accepts parce que, dune part, leurs pouses reprsentent une main-duvre bon march pour lexcution de certaines tches domestiques, dautre part les djections des animaux constituent pour les champs un apport en fumure organique.

    Le balisage du couloir de passage proche du village de Dan Binta a permis de rsoudre le problme des conflits entre agriculteurs et leveurs transhumants.

    Dan Binta partage avec 6 autres villages une aire de pturage commune. Il y a quatre ans un conflit a oppos deux des sept villages riverains. Nous verrons (voir infra) comment le conflit a t gr.

    3.1.3. Le site dInafessawa Inafessawa est situ une dizaine de kilomtres louest dAbalak Il est habit

    exclusivement par des Touareg. Mme si la prsence des populations remonte plus dun sicle dans la zone, le village est de cration rcente. Il est le rsultat de la sdentarisation des leveurs la suite de la scheresse de 1984. Ce passage dun habitat dispers un habitat group sest accompagn dune reconversion lagriculture pour une bonne partie de la population. Nous avons donc affaire aujourdhui des agro-pasteurs avec pour certains une prdominance pastorale et pour les autres, une prdominance agricole.

    Les premires populations qui se sont installes dans le terroir dInafessawa parmi celles encore prsentes seraient venues vers 1280 de l'hgire, ce qui correspond l'an 1860 de l're chrtienne. La classification par ordre d'arrive place les Kel Aghlal Abdoul Fatah en premire position, suivis des Kel Agala, des Idirfans, des Imalalan et enfin des Ikadaman.

    Le pouvoir politique local est dtenu par les premiers occupants, les Kel Aghlal Abdoul Fatah. Le chef de village est en mme temps un chef religieux trs respect.

    Le dernier groupe qui sest install dans le terroir est celui des Ikadaman. Ils sont arrivs en 1984 la suite dune pnurie deau dans leur zone dorigine. Ils sont spcialiss dans lexode.

    Bien que la population soit exclusivement touareg, larrive des diffrents groupes sest tale dans le temps et ces groupes ont des statuts sociaux diffrents. On a des nobles, des marabouts , des groupes casts, des anciens esclaves, etc. Ces diffrents groupes

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    appartiennent trois chefferies diffrentes. Certains se considrent comme les autochtones et taxent les autres dtrangers. Ces diffrences jouent un rle important dans laccs et le contrle des ressources naturelles mais aussi au niveau de la gestion des conflits.

    A cette complexit sociale sajoute la possibilit de faire recours auprs des instances coutumires et administratives suprieures en raison de la proximit du chef lieu de larrondissement. Cest ainsi quon constate que les acteurs jouent avec cette pluralit pour tirer le meilleur profit de la situation.

    Les agriculteurs considrent par exemple que le chef de village est trop conciliant avec les leveurs parce quil est lui-mme un leveur. Ce qui les pousse aller se plaindre auprs des autorits administratives juges plus svres. De mme, alors que, dans le cas des conflits entre agriculteurs et leveurs autochtones, la conciliation est privilgie au niveau du village, on prfrera se plaindre auprs des autorits de larrondissement en cas de litiges avec des transhumants. Les amendes sont plus leves au niveau de ladministration.

    Lenjeu principal au niveau dInafessawa est la nouvelle configuration de lespace avec le dveloppement de lagriculture. Les diffrents acteurs en ont conscience et des ngociations ont t inities pour repartir lespace du terroir entre les deux activits. Les conflits les plus visibles opposent surtout les agriculteurs et les leveurs transhumants. Il y a deux lieux de rglements de conflits sur lesquels les personnes interroges ont des discours contrastes. Le chef du village applique la loi islamique. Il est considr comme un homme sage et intgre. Les autorits de la ville sont plus fermes et appliquent des amendes leves mais elles prlvent des faux frais au dtriment des plaignants.

    3.1.4. Le site de Tihirit Le second site de larrondissement dAbalak, Tihirit, est plus considr comme un

    point deau quun village. En effet, dans cette valle, la nappe phratique est peu profonde et en anne de mauvaise pluviomtrie, comme en 2002, tous les leveurs dont les campements sont situs dans un rayon de 10 km sapprovisionnent en eau et abreuvent leurs animaux Tihirit. Cest une zone enclave distante de 25 km du chef lieu darrondissement.

    La population est essentiellement touareg. Cette anne, du fait du dficit fourrager enregistr, les Peul qui passent traditionnellement la saison sche dans la zone ont migr trs tt vers le sud.

    La cration du village de Tihirit sinscrit aussi dans le processus de sdentarisation conscutif aux scheresses des annes 70 et 80 qui a pouss la plupart des leveurs qui ont perdu leur btail pratiquer une agriculture de subsistance.

    Les premiers occupants, (les Kel Tatoghast, les Idirfan et les Kel Adghagh) seraient venus au dbut du XX sicle. Dautres groupes se sont par la suite installs (les Ibarogan, les Kel Issouk et les Peul Gojawa).

    La population de Tihirit est estime 2000 mes. Mais ce chiffre est prendre avec beaucoup de prcaution.

    Cette population se repartit entre cinq chefferies relevant elles-mmes de deux arrondissements.

    Les relations entre ces diffrents groupes, malgr des statuts sociaux et des chefferies diffrents, ne sont pas conflictuelles.

    On peut cependant noter que les Idirfan se considrent comme les propritaires du terroir. Les alliances entre les diffrents groupes se lisent travers la disposition des puisards dans la valle. Les groupes allis ont tendance foncer les puisards sur une mme bande de

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    terre les uns ct des autres. Cest aussi une forme de mise en commun des ressources puisquon peut aller dun puisard un autre selon les besoins en eau de chacun des acteurs.

    Les conflits rencontrs concernent essentiellement les dgts champtres. Ils opposent agriculteurs et leveurs transhumants. En raison de la distance qui spare le village du chef lieu darrondissement, les diffrents sont rgls lamiable sur place. Lagriculteur et lleveur ngocient. Souvent, ils peuvent recourir au chef de village comme arbitre. Alors que les amendes sont en gnral chiffres en termes montaires, ici elles peuvent se payer en nature (une chvre, un taurillon, etc.).

    Lors de notre enqute, une partie des agro-pasteurs de Tihirit avaient transhum vers le sud au niveau du centre de multiplication dIbceten.

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    Tableau 2 : Acteurs et types de conflits au niveau des 4 sites

    Sites Acteurs Types de conflits Groupes ethniques Gougou Agriculteurs/leveurs Dgts champtres

    Accs aux puits villageois

    -Hausa/Touareg sdentaires autochtones

    -Hausa/Touareg transhumants dAbalak

    -Hausa/Peul autochtones

    -Hausa/Peul transhumants du Nigria

    Pasteurs/pasteurs Pturage, puits pastoraux

    Peul/Touareg

    Touareg/Touareg

    Autochtones/allognes Terres, points deau, pturage

    Hausa, Peul, Touareg de Dakoro contre touareg dAbalak et Peul trangers

    Dan Binta Agriculteurs/agriculteurs Agriculteurs/ transhumants

    Aire de pturage

    Dgts champtre, rsidus des cultures, couloirs de passage

    Hausa/ Hausa

    Hausa/ Peul

    Inafessawa Agriculteurs/leveurs autochtones Agriculteurs/leveurs transhumants

    Pasteurs/pasteurs

    Dgts champtres, rsidus des cultures

    Pturage, eau

    Touareg/Touareg

    Touareg/Peul

    Touareg/Peul

    Tihirit Agro-pasteurs/leveurs locaux Agro-pasteurs/leveurs transhumants

    Dgts champtres

    Dgts champtres, rsidus des cultures

    Touareg/Touareg

    Touareg/Peul

    3.2. Typologie des conflits Nous pouvons classer les conflits identifis selon plusieurs variables : les causes, les

    lieux, la priode. On se focalisera sur les acteurs impliqus.

    3.2.1. Les conflits agriculteurs/leveurs Ils sont lis aux dgts champtres et laccs aux rsidus des cultures. Ils sont les

    plus nombreux et se rencontrent sur lensemble des sites. Chaque catgorie dacteurs accuse lautre dtre responsable des conflits.

    Les agriculteurs se plaignent de ce que les leveurs ne respectent pas les couloirs de passage et redescendent trs tt du nord avant la libration des champs. Il faut rappeler quau niveau de chaque arrondissement une date est arrte au del de laquelle, les agriculteurs doivent librer les champs et permettre ainsi laccs des leveurs aux rsidus des cultures. Dans la pratique, la date de libration des champs est variable au niveau de chaque chelon administratif. Ainsi le chef de canton et les chefs de village respectifs peuvent prolonger de

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    quelques jours le temps de la rcolte et de loccupation des champs. Il y a quelques annes, les rsidus des cultures ntaient pas utiliss par les agriculteurs. Mais, avec le dveloppement du march de fourrage, les rsidus des cultures sont devenus une importante source de revenus, ce qui accrot la comptition entre agriculteurs et leveurs.

    Les leveurs accusent les agriculteurs de semer sur les couloirs de passage et de retarder les rcoltes. Ils favoriseraient ainsi de faon dlibre les dgts dans lespoir de bnficier dune grosse somme dargent comme amende, qui serait sans commune mesure avec la valeur relle du prjudice caus.

    Les agriculteurs considrent les leveurs transhumants comme responsables de la plupart des dgts et des rixes. Il y a une forte stigmatisation de ltranger, peu soucieux du respect des normes.

    Au Niger, la saison des pluies dure de Juin Septembre et cest pendant cette priode que la tension est plus vive entre agriculteurs et leveurs.

    Dans la zone pastorale, en plus des dgts champtres, cest la cohabitation entre agriculture et levage qui cause problme. Ce sont les membres dune mme communaut ou des voisins qui sont la fois agriculteurs et leveurs.

    3.2.2. Les conflits pasteurs/pasteurs En gnral, les rapports entre pasteurs se fondent sur des accords tacites et historiques

    pour laccs aux ressources naturelles. Il y a une vision partage de lespace commun. Mais le rtrcissement de la zone pastorale et lavance du front cultural ont donn naissance de nouveaux types de comportements. On assiste de plus en plus une volont dappropriation de lespace et des ressources hydrauliques. On constate que sur les trois sites (Gougou, Inafessawa et Tihirit), les pasteurs autochtones sont de moins en moins enclins partager les pturages et leau avec les pasteurs transhumants. Au niveau de Gougou, les pasteurs peul voient dun mauvais il larrive de pasteurs touareg et les empchent systmatiquement de foncer des puits. A Inafessawa et Tihirit, les pasteurs touareg accusent les transhumants peul de dgrader les ressources naturelles.

    Une des difficults souleves par les pasteurs, cest linsuffisante prise en compte de la gestion de lespace pastoral par la loi dorientation sur le code rural. Des droits prioritaires sont reconnus aux pasteurs autochtones mais la loi ne prcise pas le contenu de ces droits.

    Il existe plusieurs mcanismes de prvention et de gestion des conflits. Ils vont de la sensibilisation aux procs en passant par la conciliation.

    Les conflits pasteurs/pasteurs opposent de plus en plus les gros leveurs et les autres leveurs. Les premiers veulent quon volue vers une appropriation privative de lespace limage de ce qui se passe en zone agricole. Lobjectif est de parvenir un systme de ranching. La plupart de ces grands leveurs privilgie un levage commercial. Pour linstant, ils utilisent les ranch mis en place par lEtat et les zones intertribales dans lesquelles ils font foncer des forages. Dans la zone dAbalak, ces leveurs sont des grands commerants arabes, donc considrs comme des trangers. Ils sont trs souvent en conflit avec les chefferies touareg locales qui voient dun mauvais il lmiettement de leur espace.

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    4. Les instances de prvention et de gestion des conflits La prvention et la gestion des conflits au Niger sont apparues trs tt comme une

    proccupation majeure et un important dispositif institutionnel et juridique a t mis en place. La procdure de prvention et de gestion des conflits se fonde sur le principe de subsidiarit, autrement dit le primat de lchelon infrieur sur lchelon suprieur.

    La prvention et la gestion des conflits sont prises en charge par des institutions tatiques et des institutions non tatiques, des mcanismes formels et des mcanismes informels. Nous allons les passer en revue en partant des chelons infrieurs vers les chelons suprieurs et en essayant de montrer, la lumire de notre enqute, les carts entre principes et pratiques, les conflits entre les diffrentes instances, et les stratgies des acteurs ruraux.

    4.1. Les chefferies traditionnelles Le Niger est lun des rares pays africains o la chefferie traditionnelle occupe une

    place importante dans la gestion des affaires publiques et ce, depuis la priode coloniale. Les chefs traditionnels sont des auxiliaires de ladministration, dsigns sous ses auspices et rmunrs par elle. Ils sont par ailleurs organiss en une association de chefs traditionnels qui est un acteur politique important au niveau national et local. La chefferie traditionnelle dispose dun statut particulier (ordonnance n 93-28 du 30 mars 1993) qui lui confre un pouvoir de conciliation, mais aussi de rgler selon la coutume, lutilisation par les familles et les individus des terres des cultures et des espaces pastoraux.

    La chefferie traditionnelle comprend plusieurs niveaux. On a, dabord, les chefs de villages (pour les sdentaires) et les chefs de tribus (pour les leveurs), ensuite les chefs de cantons (pour les sdentaires) et les chefs de groupements (pour les leveurs) et enfin les chefs de province et les sultans.

    En cas de litige, les protagonistes recherchent une solution entre eux. Sils ne sentendent pas ils sadressent au chef qui a comptence sur le territoire o le diffrent a t enregistr. Chaque fois que de besoin, ils peuvent tre renvoys lchelon suprieur. En principe, chaque conciliation doit faire lobjet dun procs verbal adress lchelon suprieur. Par exemple, le chef de canton doit transmettre le procs verbal de conciliation au juge qui appose le sceau de lEtat, ce qui confre un caractre lgal.

    Dans la pratique, les chefs traditionnels ne se limitent pas leur pouvoir de conciliation. Ils rendent des jugements.

    Cest ce qui explique, selon le juge dlgu dAbalak, leur faible empressement envoyer la justice les procs verbaux des conciliations. Cette situation explique aussi en partie les nombreuses dnonciations des jugements rendus par les chefs traditionnels et les sous-prfets. Chaque fois quun chef de canton est remplac ou quun sous-prfet est affect ailleurs, les dossiers sont re-introduits devant les nouvelles autorits.

    Le phnomne de la corruption trs gnralis et lesprit partisan accentu par les partis politiques ont contribu dlgitimer les autorits coutumires et administratives. Leur rle de mdiateur est remis en cause par le paysan (Blundo, cit par Gado, 2002). Le cas du rglement du diffrend autour de laire de pturage (cf.infra) illustre cette situation

    Jusquau dbut des annes 90, les chefs traditionnels avaient le quasi monopole de la gestion des questions foncires. Mais, depuis le dclenchement du processus dmocratique, de nouveaux acteurs ont font leur apparition dans les arnes locales, notamment les partis politiques, les associations, et les justices de paix. Tous ces acteurs leur font concurrence en matire de gestion des conflits.

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    4.2. Ladministration locale LEtat intervient dans la gestion du foncier travers ses services dconcentrs

    notamment le sous-prfet, les services techniques en charge du dveloppement rural, et les commissions foncires.

    Le sous-prfet est la figure centrale de ladministration locale. Il est le reprsentant du gouvernement. La loi lui reconnat des pouvoirs de conciliation en matire de litiges fonciers. Il nest en principe saisi que lorsque les chefs traditionnels narrivent pas concilier des parties en conflit.

    Il dispose aussi de forces de scurit, qui sont appeles dans le cadre de la prvention des conflits, et de services techniques spcialiss pour lvaluation des dgts champtres. Mais ces derniers disent quils sont de moins en moins sollicits en raison de la politisation des questions foncires. A Dakoro, selon le chef de district agricole, il existait un comit local de gestion des conflits mais depuis quelques annes, il nest plus fonctionnel. A Abalak, ce comit fonctionne tant bien que mal. Les sous-prfets ont une marge de manuvre de plus en plus limite. Ils sont dsigns par des partis politiques et doivent tenir compte des sollicitations des leaders politiques locaux de leurs partis et de leurs militants. Les dputs et les responsables des sections locales des partis au pouvoir interviennent dans le rglement des conflits fonciers.

    Les commissions foncires sont des structures dcentralises de gestion du foncier. La commission foncire darrondissement est une manation du Code rural. Elles ont t prvues dans le cadre de la loi du 2 mars 1993 portant principes dorientation du code rural. Selon le secrtaire permanent de la commission foncire de Dakoro, celle-ci a pour mission la vulgarisation du code rural et de ses textes complmentaires. Elle dispose dun pouvoir consultatif et dun pouvoir de dcision. Elle a pour objectifs la prvention des conflits par la reconnaissance des droits travers leur inscription au dossier rural.

    La composition de la commission foncire montre quelle englobe toutes les instances en charge de la conciliation dans le domaine des conflits fonciers.

    Le sous- prfet, prsident de la commission foncire Le secrtaire permanent dsign parmi le personnel des services techniques Les services techniques ( levage, agriculture, environnement, dveloppement

    social, alphabtisation, hydraulique, plan, domaine et cadastre) Les chefs traditionnels de larrondissement Le reprsentant des associations des leveurs Le reprsentant des agriculteurs Le reprsentant des jeunes La reprsentante des femmes

    La mise en place des commissions foncires est rcente. Dans notre zone dtude, elles sont oprationnelles depuis moins dun an. Elles ont t installes avec lappui des projets de dveloppement, le Projet promotion des exportations agro-pastorales (PPEAP) pour Dakoro et le Projet pour le dveloppement de la zone pastorale (PROZOPAS) pour Abalak.

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    La mise en place des commissions foncires est considre comme une avance significative dans la dcentralisation et la dmocratisation, la base des institutions locales de gestion des ressources naturelles(Gado,2000)

    Les comptences relles et les pouvoirs de dcisions des COFO paraissent limits. Elles nont pas pour comptence darbitrer les conflits. La commission foncire peut en fait dlivrer des titres de proprit ou enregistrer une proprit et donner une attestation condition quil ny ait pas de contestation pendant lenqute. Dans ce cas, seule la justice peut trancher.

    Au niveau du terroir, des commissions foncires de base sont progressivement mises en place. Elles constituent des relais pour les commissions darrondissement.

    On peut considrer que les commissions foncires darrondissement de Dakoro et dAbalak sont jeunes et manquent cruellement de moyens. Il faut dire aussi, que de par leurs attributions, elles deviennent concurrentes des autres instances bien quelles les englobent. La commission foncire par sa prsence a rduit considrablement la marge de manuvre dont disposaient les chefs traditionnels et les autorits administratives. Celles-ci faisaient de lattribution des autorisations de fonage des puits un fonds de commerce politique et conomique.

    Les autorits coutumires et administratives sont des instances non juridictionnelles, elles nont pas de pouvoir de rglement. Ce pouvoir est dvolu aux justices de paix prsentes dans les deux arrondissements.

    4.3. La dlgation judiciaire Selon le principe de subsidiarit qui prside au rglement des conflits fonciers au

    Niger, la justice est considre comme le dernier recours. Elle nest saisie en premier recours que lorsqu il y a violence. Cependant, mme dans les autres cas, les protagonistes peuvent la saisir directement. Les juges sont assists dassesseurs locaux, spcialistes des coutumes locales.

    Selon le juge dlgu dAbalak, la justice est de plus en plus sollicite dans le domaine des questions foncires. Cest ainsi, dit-il, que je me suis retrouv lanne dernire en face de deux avocats venus de Niamey pour plaider dans une affaire de puits pastoral. Ctait pour moi laffaire du sicle .

    A ct des mcanismes officiels de prvention et de gestion des conflits, dautres modes de rglement existent. Ils sont ports par des acteurs qui prennent une place de plus en plus importante dans les arnes locales.

    4.4. Les projets de dveloppement Pendant longtemps, les projets de dveloppement ont t interdits d intervenir dans les

    problmes fonciers. Ils faisaient de labsence des conflits un critre dans le choix de leurs sites. Mais leurs actions ont t rvlatrices de certains enjeux fonciers. Cest ainsi, que trs souvent, les terres agricoles rcupres et les espaces pastoraux amnags par les projets, une fois viabiliss, sont systmatiquement revendiqus par des prtendus ayant droit.

    Depuis quelques annes, avec la promotion de lapproche participative, certains projets ont orient leurs actions vers la gestion et la prvention des conflits.

    A Dakoro, on peut citer le programme dappui au secteur de llevage (PASEL) et Care- Dakoro.

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    Le PASEL axe son action vers le balisage et la matrialisation des couloirs de passage, dans une approche participative avec les communauts, les chefferies et ladministration locale. Un comit local composs de tous les acteurs concerns par les conflits (autorits coutumires, autorits administratives, services techniques, agriculteurs, leveurs) a t mis en place pour superviser les actions didentification, de matrialisation et de balisage des couloirs. Au niveau village aussi des comits sont mis en place pour la surveillance du trac des couloirs.

    Le PASEL appuie galement les associations pastorales en vue du renforcement de leurs capacits travers des formations et le financement dactivits sur le terrain.

    Quant au projet Care, la stratgie adopte en matire de prvention et de rsolution des conflits sappuie sur la promotion du dialogue inter communautaire et le renforcement des capacits des leaders traditionnels. A ce titre, des forums sont organiss pour amener les diffrents usagers reconnatre les ressources communes quils doivent protger.

    Ces projets de dveloppement ont mis en place des comits locaux de gestion des conflits. Si ces comits disposent dune certaine lgitimit locale, lEtat ne leur reconnat cependant pas de pouvoir de dcision dans la gestion du foncier. Un des enjeux du rattachement de ces comits de base la commission foncire darrondissement est dassurer la complmentarit entre la lgitimit populaire des premiers et la lgalit de la seconde.

    La commission foncire de Dakoro tait en ngociation avec le projet Care-Dakoro pour tudier les modalits de transformation des comits locaux mis en place par le projet en commissions foncires de base.

    Dans larrondissement dAbalak, une exprience pilote de gestion concerte des ressources naturelles initie par la Banque mondiale a tourn court cause des conflits communautaires quelle a engendrs. En effet, faute dune gestion rigoureuse du projet, une partie des bnficiaires sest approprie le site du projet tout en linterdisant aux autres leveurs. Un dput appartenant au parti au pouvoir sest alin le soutien de certains responsables en sappropriant le site, ce qui a suscit la protestation de la chefferie locale. Le projet avait un bon protocole technique pour une gestion holistique des ressources naturelles mais du point de vue de la dmarche, ses responsables nont pas t assez vigilants . Il ny a pas eu une implication de tous les acteurs politiques et utilisateurs des ressources du terroir. A cela sajoutent les ruptures frquents de financement, ce qui a limit la prsence des responsables sur le terrain. Le dput a utilis ses propres moyens pour grer le site et a, ce fait voulu avoir tout contrler. Il a fallu lintervention du Prsident de la Rpublique pour mettre fin au litige entre le dput et la chefferie locale.

    4.5. Les associations pastorales Les associations dleveurs en tant quacteur dans les arnes locales ont merg aux

    lendemains de la confrence nationale souveraine de 1991. Il existe au niveau des deux arrondissements des collectifs dassociations pastorales. Elles sont trs critiques vis vis de ladministration et des diffrentes instances de gestion des conflits qui, selon elles, font le jeu des agriculteurs.

    A Dakoro, le collectif est domin par des associations dleveurs peul qui sont les plus impliqus dans les conflits avec les agriculteurs. Elles sont aussi actives dans la zone pastorale de larrondissement o elles disputent aux leveurs touareg le contrle de lespace et des puits. Leur objectif, selon le prsident du collectif, est de sauvegarder une zone pastorale entre Dakoro et Abalak en stoppant lavance du front cultural au sud et en repoussant les leveurs au nord :

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    Notre ONG lutte contre lavance des agriculteurs vers le nord. Nous avons dlimit au nord des pturages afin que les animaux puissent patre. Vous voyez au nord les Touareg rclament des droits sur les terres, au sud les Hausa en font autant. Nous luttons parce que les agriculteurs ont le soutien des autorits .

    Plusieurs stratgies sont utilises. La pratique de lagriculture dite de subsistance est un moyen pour certains leveurs aussi bien Dakoro qu Abalak de protger leurs terroirs contre les dfrichements des agriculteurs. Cette volont de marquage et dappropriation de lespace se traduit par la cration de petits villages et le fonage des puits. Les associations des leveurs ont jou dans ce domaine un rle important avec lappui de certains projets pour la ralisation dinfrastructures socio-conomiques (coles, banques cralires, puits, etc.).

    A Dakoro, les associations des leveurs sont actives dans le lobbying politique et dans le courtage en dveloppement. Elles soutiennent la mise en place de la communalisation, qui leurs yeux donnera plus de pouvoir aux leveurs sur leurs terroirs. Cest ainsi que lors de la runion organise par le ministre de lintrieur Dakoro, un leader leveur a dclar que lincivisme fiscal observ chez les leveurs cesserait ds quils auront leurs propres communes.

    A Abalak, les associations se sont fortement impliques cette anne dans la recherche et la distribution des aliments pour le btail. Mais elles reconnaissent avoir t incapables de prvenir la scheresse faute de capacits et de moyens.

    Pour les leaders des associations dleveurs, les lois votes sont soient contournes, soient favorables aux agriculteurs. A Dakoro, les associations pastorales contestent la nomination du secrtaire permanent de la commission foncire dont la neutralit est nie parce que ntant pas un agent technique de lEtat mais plutt un agriculteur, de surcrot ressortissant de Dakoro.

    A Abalak, les discours sont encore plus virulents au sujet du code rural : Dans les zones des cultures, mme si cest hier que tu es venu, tu dfriches un terrain,

    dvastes une valle, cet espace tappartient. Mais toi leveur qui est l depuis la nuit des temps jusquaujourdhui, tu es considr comme quelquun de passage, tu flottes, tu nas pas de droit de proprit. Prenons, par exemple, les chefs sdentaires, ils ont des territoires sur lesquels ils prennent des dcisions mais les chefs des nomades nont que la population, ils ne disposent pas de territoires un leader local

    La gestion des conflits est rendue complexe par le contexte politique, les insuffisances en matire de lgislation et les dysfonctionnements dans ladministration.

    Prenons quelques exemples pour illustrer notre propos : Il y a une loi qui fixe la limite nord des cultures. Au del de cette ligne, il nest autoris

    quune agriculture de subsistance et lagriculteur ne peut prtendre des ddommagements en cas de dgts. Or, Abalak, en pleine zone pastorale, il y a un comit charg des litiges fonciers et des ddommagements.

    La loi dit que les chefs de villages ne peuvent conduire les animaux des leveurs la fourrire, laquelle ne peut exister quau niveau du chef lieu darrondissement. Pour les agriculteurs, conduire les animaux sur une quarantaine de kilomtres, si on prend le cas de Gougou, est trs fatiguant et coteux ; ils prfrent alors sarranger sur place avec les leveurs. Pour ces derniers, cest dautant plus avantageux que a vite des dplacements aux animaux.

    Le problme de lcriture : les procs verbaux des conciliations ne sont pas dresss, ce qui favorise les remises en causes des arrangements consensuels. Avec cette pluralit de

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    recours, lobjectif de lEtat de favoriser la conciliation au niveau local est dtourn au profit dun renforcement des chelons suprieurs.

    Le problme de la taxation : il ny a pas de disposition officielle en la matire. Chaque instance fixe son propre barme. Pour un bovin, on peut payer du simple au quintuple selon le lieu o le dgt a t commis et linstance qui arbitre. Ainsi Abalak, selon le chef de village, les montants pays sont respectivement de 2.000F la nuit et 1000F le jour pour un bovin et de 1000F la nuit et 500F le jour pour un ovin. Pour les forces de scurit qui font partie de lquipe administrative, ces montants sont respectivement de 10.000F la nuit et 5000F le jour pour un bovin et de 2000F la nuit et 5000F le jour pour un ovin. Cest ce qui explique que les leveurs sadressent prioritairement aux chefs coutumiers alors que les agriculteurs sorientent vers ladministration.

    Lvaluation des dgts se fait aussi selon plusieurs procds. En gnral, les agriculteurs prfrent une valuation par tte danimaux alors que les leveurs militent pour une valuation sur la base du prjudice caus en termes de volume de la production. Cest souvent linstance qui arbitre qui dcide mais le rapport de force peut jouer. Un transhumant qui se trouve deux cent kilomtres de sa rgion dorigine na souvent dautre choix, que daccepter la forme dvaluation quon lui propose.

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    Tableau 3 : Instances de gestion des conflits : analyse comparative

    Instances Actions Points forts Points faibles Chefferies coutumires

    Conciliation Lgitimit fonde sur des solidarits historiques et sociales

    Remise en cause des conciliations, clientlisme social

    Sous-prfet Conciliation, rpression Lgitimit administrative Clientlisme politique, corruption

    Commissions foncires

    Prvention, vulgarisation des textes, enregistrement des droits

    Composition et objectifs Jeunes, faible ancrage

    justice Conciliation et rglement Rglement durable Impact ngatif sur la cohsion sociale, corruption

    Projet CARE Prvention, ngociation sociale, forums communautaires

    Balisage des couloirs de passage,

    Initiative aux communauts, ngociation sociale

    Absence de lgalit, prennisation

    Projet PASEL Balisage des couloirs de passage, amnagement des aires de transit et de repos

    Implication de tous les acteurs institutionnels

    Diminution des conflits prennisation

    Associations leveurs Lobbying, actions de proximit

    Ancrage local Capacits limites Qualit des dirigeants

    4.6. Gestion, ngociations et conflits autour des ressources naturelles travers quatre tudes de cas.

    A travers les tudes de cas qui vont suivre, nous essayons de faire un zoom sur lensemble des questions que nous avons souleves dans les pages qui prcdent. Le premier cas (la gestion du puits de Gougou) montre comment est gre une ressource rare grce des rgles consensuelles acceptes par tous les acteurs . Le second cas (litige autour dune aire de pturage) est illustratif de limplication dune pluralit dinstances avec des lgitimits diffrentes dans la gestion des conflits. Le troisime cas (le puits de A.H) pose le problme de lautochtonie et de lallochtonie dans laccs aux ressources naturelles. Enfin le quatrime cas symbolise la transversalit entre arnes locales et rgionales et nationale dans la gestion des ressources naturelles.

    Cas n1 : La gestion du puits de Gougou Dans le cas qui va suivre, nous allons voir comment les habitants se sont appropris un

    puits la suite du dsengagement de lEtat et comment des rgles particulires qui sinscrivent dans la nature des relations entre les diffrents groupes en prsence ont t dictes.

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    Dun statut public un statut priv Au dbut des annes 1980, dans le cadre dun programme gouvernemental dhydraulique

    villageoise, le village de Gougou a t retenu comme site de fonage dun puits au profit des populations du village et des environs. A cette occasion, les habitants ont t sollicits pour apporter leur contribution au fonage du puits. Trs enthousiastes au dbut des travaux, les habitants fournissent la main-duvre ncessaire. Ces derniers sont dautant plus motivs que ce puits mettra fin la corve deau pour leurs femmes. Quelques mois plus tard, les travaux sont suspendus avant la mise en eau. Raison avance par lentreprise : le matriel utilis ne peut forer au del dune certaine profondeur ! Nous navons pu vrifier si cela est vrai ou pas.

    Aprs le dpart de lentreprise charge des travaux et devant lespoir suscit par le fonage du puits, un conseil de sages du village sest runi pour rflchir sur les possibilits de continuer les travaux. A lissue de la runion, il a t dcid que chaque mnage contribuerait hauteur de 15000Fcfa. Mais la somme collecte ne suffisait pas pour couvrir les travaux effectuer et ce dautant plus que lanne avait t dficitaire, ce qui a limit les possibilits de mobilisation des fonds au niveaux des mnages vulnrables.

    Cest alors que M.H. le boucher du village, un nanti local, dcide de complter la somme ncessaire. Les travaux reprennent. En 1984, le puits est enfin oprationnel. Les habitants de Gougou ont russi se doter de lunique puits de la zone. Le puits perd de fait son statut de puits public et devient un puits priv appartenant au village de Gougou. La mise en eau est llment qui lgitime cette appropriation, nonobstant les sommes engages par lEtat, de loin plus importantes que celles mobilises par les populations. Dans ces conditions, laccs leau pour des tiers ne peut tre rgi par la rglementation propre aux puits publics. Leau est une ressource rare dans la zone et trs rapidement, les habitants des villages environnants et les leveurs de la zone ont commenc affluer vers le puits.

    Devant la forte demande, les responsables dcident de la mise en place dun comit de gestion charg de rguler laccs au puits et de grer les fonds collects auprs des utilisateurs. Des rgles daccs au puits selon les usagers ont t mises en place.

    Le comit de gestion du puits Dans un premier temps, les villageois ont demand au chef du village dorganiser la

    gestion des fonds. Ce dernier se chargera seul de cette gestion. Mais en 2000, certains habitants dnoncent la gestion patrimoniale du chef du village, souponn de ne pas appliquer les rgles consensuelles tous les usagers et de pratiquer une gestion opaque. Les contestateurs sont dirigs par M.H, celui-l mme qui a donn la plus grosse contribution pour lachvement des travaux de fonage. Il est exig du chef du village une plus grande transparence dans la gestion des fonds gnrs par la vente de leau. Finalement, un nouveau comit compos de 4 membres est mis en place en 2002. Les membres sont choisis par les habitants du village mais on remarque quils sont des proches parents du chef du village qui reste la tte du nouveau comit. Des tches spcifiques ont t confies chacun des membres :

    Le chef de village reoit et analyse les demandes daccs au puits. Il consulte ensuite le commissaire aux comptes pour statuer sur le montant verser par lleveur. Dun commun accord, ils fixent le montant, qui peut toujours tre ngoci individuellement par lleveur.

    M.H., le boucher et oncle du chef de village fait office de commissaire aux comptes. Il participe la fixation des prix que doivent verser les leveurs pour avoir accs au puits. Son statut conomique lui a permis dtre intgr dans le comit. Il jouit dune relative prosprit grce au commerce de btail. Il est responsable du march de Gougou, prsident des jeunes de Gougou et chef des bouchers de la localit. Cest donc un personnage central au niveau du village.

    B. K, le trsorier du comit, cousin du chef de village tient la boutique du village. Cest auprs de lui que viennent sapprovisionner les habitants. Son statut de commerant lui a valu dtre choisi au poste de trsorier. Dans son cahier de comptes, la date du 20 avril 2003, les fonds disponibles slvent 80.000F CFA!

    A.B, neveu du chef de village est charg de dresser la liste des leveurs ayant droit au puits. Il tient un registre sur lequel sont inscrits les noms des leveurs. Il joue aussi le rle de flic charg de veiller ce que les leveurs non autoriss ou nayant pas pay naient pas accs au puits. Malheureusement nous navons pas pu consulter son registre ce qui aurait permis dune part de connatre avec prcision leffectif des leveurs autoriss exploiter le puits, et

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    dautre part de procder une valuation financire des ressources tires de la vente de leau. Il prtend que le cahier a t endommag la suite dune pluie (difficile vrifier !).

    De par sa composition, le comit est donc domin par la famille du chef de village.

    Organisation de laccs au puits Aprs son installation, le comit de gestion a fix des horaires daccs au puits pour

    viter les engorgements. Ainsi, pour les habitants de Gougou laccs au puits est fix de 6 heures 10 heures du matin. Ce temps a t jug suffisant pour puiser leau ncessaire aux besoins domestiques. A partir de 10 heures, lexploitation du puits est ouverte aux leveurs pour la