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N°4 - Avril 2020

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N°4 - Avril 2020

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MéditationN°4 - Avril 2020 - La Vie Diocésaine de Saint-Flour

l’amour de la vie

«…À aucun moment Jésus n’a recherché la mort. Pas plus que ses disciples, au long des siècles, n’ont cherché le martyre.

Lorsque Jésus apprend que Jean le Baptiste a été arrêté, il se retire en Gaulée (Matthieu 4, 12). Jésus n’est pas venu pour mourir. Pas plus que Martin Luther King ou Oscar Romero n’ont voulu la mort. ils ont été assassinés pour avoir assumé jusqu’au bout, envers et contre toutes les menaces, le risque de la fidélité. Christian de Chergé et ses frères moines trappistes de Notre-dame de l’atlas, à Tibbhirine, n’ont pas voulu la mort mais, parce que leur vie était donnée, ils l’ont lucidement « envisagée »…

la mort n’est pas le projet de Jésus. même si, après son exécution, ses disciples se sont in-terrogés sur le sens de sa mort en s’efforçant de comprendre pourquoi il est allé jusque-là.

Son projet est clair : c’est le projet du Père. il apparaît bien dans la prière qu’il nous a donnée, le « Notre Père » : que ton Nom de dieu soit connu et respecté, que soit instauré le règne d’amour et de paix pour lequel tu as créé l’humanité, et qu’ainsi ta volonté, ton désir le plus cher, soit enfin réalisée. La mission de Jésus, sa passion, ce qui le mobilise en permanence, tant dans ses actes et ses paroles que dans sa prière, c’est ce projet que lui confie le Père. Et, de toute évidence, pour le mettre en œuvre, cela suppose qu’il vive, et qu’il vive longtemps : la tâche est immense. Si vraiment Jésus n’était venu que pour mourir, imagine-t-on que sa mission aurait été accomplie si Hérode était parvenu à le sup-primer avec les « saints innocents » massacrés à l’époque de sa naissance ?

Rarement un homme a manifesté tant d’amour de la vie, ce don de Dieu. Jésus n’a pas passé son existence dans le désert. Il y a fait quelque temps retraite. Comme il aime aussi se retirer seul, souvent la nuit, dans la montagne, pour prier. On sait qu’à son époque des fidèles particulièrement religieux s’efforçaient de se tenir à l’écart du monde, comme Jean le Baptiste, dont l’excentricité vestimentaire et alimentaire — vêtu de peaux de bêtes et se contentant de miel sauvage et de sauterelles — confirmait la prédication virulente sur le monde en perdition. Ou comme la pieuse communauté de Qumran, exilée hors du monde, loin du temple jugé corrompu et des autres croyants trop tièdes, établie en plein désert : en recopiant et en méditant les Écritures, on y attend l’issue imminente de la guerre apo-calyptique menée par la lumière contre les puissances des ténèbres, tout en multipliant au long du jour les ablutions rituelles pour se purifier des miasmes de ce monde.

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Sommaire

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Nous connaissons bien cette constante tentation des croyants qui pensent grandir dieu en méprisant le monde.Ce n’est pas du tout le choix de Jésus, parce que ce n’est pas ainsi qu’il considère le monde, ce monde sur lequel il se sait appelé à incarner le regard de dieu : sans illusion ni naïveté, sans complaisance aucune avec les forces du mal qu’il a toujours combattues, c’est d’abord un regard de bienveillance, souvent de compassion, parfois aussi d’émerveillement. alors, ses journées, Jésus ne les passe pas au désert, loin du monde, mais dans les villes et les villages, sur les chemins fréquentés, au milieu des foules qui s’attroupent constamment autour de lui, aussi bien sur la grande esplanade du temple de Jérusalem que sur les pentes des collines de Galilée. Jésus aime la vie et les gens. il regarde, il observe. il s’intéresse au semeur, à la femme qui pétrit sa farine, à celui qui cultive son champ comme à celui qui taille sa vigne.

il remarque l’olivier qui dépérit. il sait voir déjà la moisson à venir dans le blé à peine sorti de terre. Il a un coup de cœur devant l’impressionnant édifice du temple, pourtant précaire. mais surtout il est touché de voir venir vers lui ces malades, ces estropiés, ces aveugles, que tout le monde semble laisser tomber. il croise le regard de la veuve, pas bien riche, qui vient au temple déposer son offrande, ou de celle qui va au cimetière enterrer son enfant.« L’incarnation » dont parle la tradition chrétienne au sujet de Jésus, c’est d’abord, avec une immense sympathie pour la vie qui vient de Dieu, cette immersion en ce monde. Non pas que Jésus soit aveugle sur les puissances de mort qui sont partout à l’œuvre elles vont, lui aussi, lui tomber sur le dos. « Mais rien ne saurait atteindre sa foi en Dieu ni éteindre son espérance dans la victoire de la vie…»

Jean-Noël Bezançon

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Sommaire

AGENDADE MGR BRuNO GRuA

Il n’est pas possible aujourd’hui d’indiquer un agenda fiable pour le mois qui vient.

Dernière minuteN°4 - Avril 2020 - La Vie Diocésaine de Saint-Flour

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daNS la PeiNeAvec respect et en toute amitié, nous rejoignons notre ami Claude Bouzou qui vient de perdre son frère Jean-Pierre dans sa 73e année. Ses obsèques ont été célébrées le mercredi 18 mars en l’église de Drugeac.Nous exprimons notre profonde sympathie à Claude et à Marthe sa belle-sœur…

QuÊTES IMPÉRÉESdeuXiÈme TrimeSTre

10 avril : Vendredi Saint — « Pour les lieux saints ». Cette quête est destinée en partie à l’entretien des édifices appartenant à la France mais aussi à améliorer la situation sociale et les conditions de vie de la popula-tion chrétienne de Terre Sainte.

3 mai : 4e dimanche de Pâques : Journée Mondiale des Vocations.

24 mai : 7e dimanche de Pâques : Journée Chrétienne de la Communi-cation.

Méditation

• L’amour de la vie

editorial

• Dans l’épreuve, espérance et soli-darité

eglise universelle

• Exhortation apostolique : « Querida Amazonia » au peuple de Dieu et à toutes les personnes de bonne volonté

• Dépassons nos frontières…

• Message du custode de Terre Sainte pour le Vendredi Saint 2020

• Archives apostoliques du Vatican

diocèse

• Jacques Virolleau

• Pélé VTT - route du Cantal

en direct des archives

• Les bannières de confréries, un patrimoine fragile

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Editorial

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DANS L’ÉPREuVE, ESPÉRANCE ET SOLIDARITÉ

Depuis quelques semaines nous vivons, avec la progression du COVID 19, une situation totalement imprévue et inédite qui nous déstabilise profondément. Nos agendas se sont subitement vidés. Nos rythmes de travail sont totalement perturbés. Nos vies de famille doivent être repensées, avec la fermeture des écoles et toutes leurs conséquences en cascade.

L’inquiétude est grande pour l’avenir de nos activités professionnelles, de nos ressources, de nos emplois. La vie sociale en est profondément impactée : des distances s’imposent entre les personnes, les occasions de convivialité qui habituellement nous réjouissent et font la joie de nos vies apparaissent soudain comme autant de dangers. Aucun secteur de nos vies personnelles et collectives n’échappe à la menace. Relations internationales, transports, activités économiques, vie culturelle et sportive, exercice du culte, échanges familiaux, santé…tout se fige, l’étau se resserre. L’incertitude engendre l’angoisse.

Nous pensons d’abord aux victimes atteintes par la maladie, à leur famille, à celles et ceux qui à l’hôpital luttent contre une agression sévère, à ceux qu’inquiète la découverte de leur situation après un dépistage positif. Nous pensons à tout le personnel de santé qui travaille pour nous au-delà du raisonnable. Nous pensons à nos gouvernants, à tous les échelons de la hiérarchie, qui doivent faire preuve de pondération dans leurs analyses, de détermination dans leurs décisions. Notre prière veut soutenir les uns et les autres.

Nos communautés chrétiennes sont elles aussi, comme telles, profondément affectées par la suspension de leurs activités pastorales et plus encore peut-être celle de leurs cé-lébrations liturgiques, en ce temps fort du Carême, à l’approche des fêtes pascales, alors même que la situation appellerait à la proximité, à l’échange, à la prière commune. Il n’est pas question de déroger aux décisions prises par les pouvoirs publics. Elles s’imposent absolument, sans discussion. Nous pouvons leur donner spirituellement du sens en les vivant non pas comme une simple contrainte mais comme un Sacrifice, au sens fort du terme, offert en union avec celui du Christ pour le salut de tous. Nous inventerons d’autres manières de faire communauté pour un temps, moins visibles, plus intérieures. Bien des moyens nous sont offerts pour communier avec l’Église en prière : lecture quotidienne des textes liturgiques, prière du chapelet ou des offices, proposée par KTO, messes télévisées ou radiodiffusée, visite régulière à l’église (elles restent ouvertes).

Nous ne pouvons plus vivre, comme nous le souhaiterions, la charité du Christ en visitant les malades et les personnes âgées. la prudence nous demande de nous en abstenir, pour eux et pour nous. Mais nous saurons continuer à nous montrer proches par un coup de fil, un mail, une aide pour les courses indispensables…Les plus jeunes d’entre nous seront particulièrement sollicités. Ne laissons pas le Coronavirus dissoudre les liens de nos com-munautés.

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EditorialN°4 - Avril 2020 - La Vie Diocésaine de Saint-Flour

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Nous ne sortirons pas de cette épreuve sans nous poser des questions fortes sur notre condition humaine et sur l’orientation de nos sociétés. Elles apparaîtront avec le temps. J’en pointe déjà deux qui s’imposent.

- Cette pandémie affecte la planète entière et vient ébranler toutes nos certitudes. Notre humanité avait acquis, du fait de la science et des technologies un sentiment de maitrise aux accents prométhéens. Déjà la crise écologique et climatique commençait de lézarder ce bel édifice. Par son caractère subit et universel, cette pandémie nous remet à notre place et nous contraint à prendre conscience de nos fragilités. Nous ne sommes pas les maîtres de la vie. elle nous dépasse, semble nous échapper par-fois. Cette prise de conscience, lorsque l’homme la vit seul, peut conduire au désespoir. Le croyant peut la vivre dans la confiance. La Vie est entre les mains du Père qui nous aime et nous conduit vers le Bien. il ne s’agit pas, en disant cela, de prôner un certain angélisme ou fatalisme mais d’entrer positivement dans le projet de Dieu. Notre prière ne consiste pas à lui demander un miracle pour pallier notre impuissance ou nos errements. elle consiste à lui demander de nous rendre capables de faire ce qu’Il veut faire pour ce monde. Dieu n’a pas d’autre intelligence et d’autre cœur que les nôtres. Il nous les donne par son Esprit.

- Cette pandémie manifeste également à quel point nous sommes solidaires et dépen-dants les uns des autres. Cette affirmation peut paraître paradoxale au moment où on nous demande de respecter une « distance sociale », où progressivement les frontières de nos états se ferment … Mais en même temps il apparait avec évidence que le salut est dans la solidarité, que la victoire pour tous est dans la discipline de chacun. Notre huma-nité est une. Nous ne pouvons pas jouer solitaire. C’est un discours auquel nous sommes habitués en Église, elle qui est comme le sacrement de l’unité de tout le genre humain. Cela nous crée présentement des obligations particulières et donne un visage concret à notre solidarité humaine.

Prions, Chers amis, les uns pour les autres. Soyons proches et solidaires les uns des autres. Traversons l’épreuve avec l’Espérance que nous donne la foi pascale.

Fraternellement.

+ Bruno Grua

PRIèRE AVEC LE SAINT PèREIntention universelle du mois d’avril 2020

Prions pour toutes les personnes sous l’emprise d’addictions, afin qu’elles soient soutenues sur leur chemin de libération.

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Eglise Universelle

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ExhORTATION APOSTOLIQuE: « QuERIDA AMAzONIA »au PeuPle de dieu eT À TouTeS leS PerSoNNeS

de BoNNe voloNTÉ TROISIèME ChAPITRE : uN RÊVE ÉCOLOGIQuE

41. Dans une réalité culturelle comme l’Amazonie, où existe une relation si étroite entre l’homme et la nature, l’existence quo-tidienne est toujours cosmique. Libérer les autres de leurs servitudes implique certai-nement de prendre soin de leur environne-ment et de le défendre [46] mais plus encore d’aider le cœur de l’homme à s’ouvrir avec confiance à ce Dieu qui, non seulement a créé tout ce qui existe, mais qui s’est aus-si donné lui-même à nous en Jésus-Christ. Le Seigneur, qui le premier prend soin de nous, nous enseigne à prendre soin de nos frères et sœurs et de l’environnement qu’il nous offre chaque jour. C’est la première écologie dont nous avons besoin. En Ama-zonie on comprend mieux les paroles de

Benoît XVI lorsqu’il disait : « En plus de l’écologie de la nature, il y a donc une écolo-gie que nous pourrions appeler “humaine”, qui requiert parfois une “écologie sociale”. Et cela implique pour l’humanité [...] d’avoir toujours plus présents à l’esprit les liens qui existent entre l’écologie naturelle, à savoir le respect de la nature, et l’écologie humaine ».[47] Cette insistance sur le fait que « tout est lié »[48] vaut spécialement pour un territoire comme l’Amazonie.

42. La protection des personnes et celle des écosystèmes sont inséparables. Cela signi-fie en particulier que là où « la forêt n’est pas une ressource à exploiter, elle est un être, ou plusieurs êtres avec qui entrer en relation ».[49] La sagesse des peuples au-tochtones d’Amazonie encourage « la pro-tection et le respect de la création, avec la conscience claire de ses limites, interdisant d’en abuser. Abuser de la nature c’est abu-ser des ancêtres, des frères et soeurs, de la création et du Créateur, en hypothéquant l’avenir ».[50] Les autochtones, « quand ils restent sur leurs territoires, ce sont préci-sément eux qui les préservent le mieux »,[51] tant qu’ils ne se laissent pas piéger par le chant des sirènes et par les offres intéres-sées des groupes de pouvoir. Les dommages faits à la nature les touchent de façon très directe et visible parce que — disent-ils — « Nous sommes eau, air, terre et vie du mi-lieu ambiant créé par Dieu. Par conséquent, nous demandons que cessent les mauvais traitements et les destructions de la Mère terre. La terre a du sang et elle saigne, les multinationales ont coupé les veines à notre Mère terre ».[52]

DéPassons nos frontIères…avec le PaPe françoIs,

Découvrons l’aMazonIe…

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Ce rêve fait d’eau43. L’eau est la reine en Amazonie, les ri-vières et les ruisseaux sont comme des veines, elle est déterminante pour toute forme de vie : « Là, en plein cœur des étés torrides, quand les dernières rafales du vent d’est se diluent dans l’air stagnant, l’hygro-mètre remplace le thermomètre pour définir le climat. Les êtres vivants sont soumis aux flux et reflux des grands fleuves : affligeante alternative. Les crues s’élèvent d’une façon effrayante. L’Amazone s’enfle, sort de son lit, hausse en quelques jours le niveau de ses eaux [...]. L’inondation est une pause dans la vie. Pris dans les mailles des igarapés, l’homme attend alors, avec un stoïcisme rare devant cette fatalité inéluctable, la fin de cet hiver paradoxal, aux températures élevées. Reflux et été sont synonymes. C’est la revivis-cence de l’activité rudimentaire des hommes de ces régions, qui se démènent comme ils le peuvent face à une nature qui abuse des manifestations contradictoires et rend impos-sible la continuité de tout effort ».[53]

44. L’eau est éblouissante dans le grand Amazone qui rassemble et vivifie tout alen-tour : « Amazone capitale des syllabes de l’eau, père patriarche, tu es la mystérieuse éternité des fécondations, les fleuves choient en toi comme des vols d’oiseaux... ».[54]

45. lI est également la colonne vertébrale qui harmonise et unit : « Le fleuve ne nous sépare pas, il nous unit, il nous aide à vivre ensemble avec des cultures et des langues différentes ».[55] Cela est si vrai qu’il y a beau-coup d’“Amazonies” sur ce territoire, son axe principal est le grand fleuve, enfant de nombreuses rivières : « De l’extrême hau-teur de la cordillère, où les neiges sont éter-nelles, l’eau se détache et trace un contour tremblant sur la peau ancienne de la pierre : l’Amazone vient de naître. Elle naît à chaque instant. Elle descend lentement, lumière un peu occultée, pour croître dans la terre. D’un vert saisissant, elle invente son chemin et se

développe. Les eaux souterraines affleurent pour accueillir l’eau qui descend des Andes. Du ventre des nuages très blancs, touchés par le vent, tombe l’eau céleste.Ensemble, ils avancent, multipliés selon des chemins infinis, baignant l’immense plaine [...] C’est la Grande Amazonie, tout entière sous l’humide tropique, avec sa forêt com-pacte et étourdissante, où palpite encore, intacte et en de vastes lieux, jamais surprise par l’homme, la vie qui s’est tissée dans les intimités de l’eau [...]. Depuis que l’homme l’habite, jaillit des profondeurs de ses eaux, et glisse des centres élevés de sa forêt une peur terrible : que cette vie, lentement, coure vers la fin ».[56]

46. Les poètes populaires, qui sont tombés amoureux de son immense beauté, ont essayé d’exprimer ce que ce fleuve leur fait ressentir, et la vie qu’il offre sur son passage dans une danse de dauphins, d’anacondas, d’arbres et de pirogues. Mais ils déplorent aussi des dangers qui le menacent. Ces poètes contemplatifs et prophétiques nous aident à nous libérer du paradigme techno-cratique et consumériste qui détruit la na-ture et qui nous laisse sans existence véri-tablement digne : « Le monde souffre de la transformation des pieds en caoutchouc, des jambes en cuir, du corps en tissu et de la tête en acier [...] Le monde souffre de la trans-formation de la bêche en fusil, de la charrue en char de guerre, de l’image du semeur qui sème en celle de l’automate avec son lance-flammes, dont le semis germe en désert. Seule la poésie, grâce à l’humilité de sa voix, pourra sauver ce monde ».[57}

le cri de l’amazonie47. La poésie aide à exprimer une doulou-reuse sensation que beaucoup aujourd’hui partagent. La vérité inéluctable est que, dans les conditions actuelles, avec cette fa-çon de traiter l’Amazonie, beaucoup de vie et de beauté sont en train de “courir vers

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la fin”, même si un grand nombre veulent continuer à croire que rien n’arrivera « Ceux qui pensaient que le fleuve était une corde à jouer se trompaient. Le fleuve est une veine très fine à la surface de la terre. [...] Le fleuve est une corde à laquelle s’attachent les ani-maux et les arbres. Si vous tiriez trop fort, le fleuve pourrait déborder. Il pourrait débor-der et nous laver le visage avec l’eau et le sang ».[58]

48. L’équilibre planétaire dépend aussi de la santé de l’Amazonie. Avec le biome du Congo et de Bornéo, elle éblouit par la diversité de ses forêts des-quelles dépendent aussi les cycles des pluies, l’équilibre du climat, et une grande variété d’êtres vivants.Elle fonctionne comme un grand filtre à dioxyde de carbone qui aide à éviter le ré-chauffement de la terre. Son sol est, en grande partie, pauvre en humus ; c’est pour-quoi la forêt « pousse, en réalité, sur le sol et non du sol ».[59] Lorsque l’on élimine la forêt, elle n’est pas remplacée car elle fait place à un terrain contenant peu de nutriments qui devient désertique ou pauvre en végétation. Cela est grave car, dans les entrailles de la forêt amazonienne, d’innombrables res-sources subsistent qui pourraient être indis-pensables à la guérison des maladies. Ses poissons, ses fruits, et autres dons surabon-dants, enrichissent l’alimentation humaine. De plus, dans un écosystème comme l’Ama-zonie, chaque partie, en raison de son im-portance, devient indispensable à la conser-vation de l’ensemble. Les basses terres et la végétation marine ont aussi besoin d’être fertilisées par ce que draine l’Amazone. Le cri de l’Amazonie parvient à tous car « la conquête et l’exploitation des ressources [...] menacent aujourd’hui la capacité même d’accueil de l’environnement l’environne-ment comme “ressource” met en danger l’environnement comme “maison” ».[60]

L’intérêt d’un petit nombre d’entreprises

puissantes ne devrait pas être mis au dessus du bien de l’Amazonie et de l’huma-nité entière.

49. Il ne suffit pas de prêter attention à la conservation des espèces les plus visibles en voie d’extinction. Il est crucial de prendre en compte le fait que « pour le bon fonctionne-ment des écosystèmes, les champignons, les algues, les vers, les insectes, les reptiles et l’innombrable variété de micro-organismes sont aussi nécessaires. Certaines espèces peu nombreuses, qui sont d’habitude imper-ceptibles, jouent un rôle fondamental pour établir l’équilibre d’un lieu ». [61] Cela est faci-lement ignoré dans l’évaluation de l’impact environnemental des projets économiques d’industries extractives, énergétiques, fores-tières et autres, qui détruisent et polluent. D’autre part, l’eau, abondante en Amazonie, est un bien essentiel pour la survie humaine, mais les sources de pollution sont toujours plus grandes. [62]

50. Il est vrai qu’en plus des intérêts éco-nomiques d’entrepreneurs et de politiciens locaux, il y a aussi « les énormes intérêts économiques internationaux ».[63] La solu-tion n’est donc pas dans une “internationa-lisation” de l’Amazonie,[64] mais la responsa-bilité des gouvernements nationaux devient plus lourde. Pour cette même raison, « elle est louable la tâche des organismes inter-nationaux et des organisations de la socié-té civile qui sensibilisent les populations et coopèrent de façon critique, en utilisant aus-si des systèmes de pression légitimes, pour que chaque gouvernement accomplisse son propre et intransférable devoir de préser-ver l’environnement ainsi que les ressources naturelles de son pays, sans se vendre à des intérêts illégitimes locaux ou internatio-naux ».[65]

51. Pour sauvegarder l’Amazonie, il est bon de conjuguer les savoirs ancestraux

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avec les connaissances techniques contemporaines, mais toujours en cherchant à intervenir sur le terrain de manière du-rable, en préservant en même temps le style de vie et les systèmes de valeurs des habi-tants.[66] À eux, et de manière spéciale aux peuples autochtones, il revient de recevoir — en plus de la formation de base — une in-formation complète et transparente sur les projets, leur étendue, leurs effets et risques, afin de pouvoir confronter cette information avec leurs intérêts et leur connaissance des lieux, et ainsi donner ou non leur consente-ment, ou bien proposer des alternatives.[67]

52. Les plus puissants ne se contentent ja-mais des gains qu’ils obtiennent, et les ressources du pouvoir économique s’ac-croissent beaucoup avec le développe-ment scientifique et technologique. C’est pourquoi nous devrions tous insister sur l’urgence de « créer un système normatif qui implique des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes, avant que les nouvelles formes de pouvoir dérivées du paradigme techno-économique ne fi-nissent par raser non seulement la politique mais aussi la liberté et la justice ».[68] Si l’ap-pel de Dieu exige une écoute attentive de la clameur des pauvres et de la terre [69] pour nous, « le cri que l’Amazonie fait monter vers le Créateur est semblable au cri du Peuple de Dieu en Egypte (cf. Ex 3, 7). C’est un cri d’esclavage et d’abandon, qui appelle la li-berté ».[70]

La prophétie de la contemplation53. Souvent nous laissons notre conscience devenir insensible, car la « distraction constante nous ôte le courage de nous rendre compte de la réalité d’un monde li-mité et fini ».[71] Si nous regardons les choses en surface, il semble peut-être « qu’elles ne soient pas si graves et que la planète pour-rait subsister longtemps dans les conditions actuelles.

Ce comportement évasif nous permet de continuer à maintenir nos styles de vie, de production et de consommation. C’est la manière dont l’être humain s’arrange pour alimenter tous les vices autodestructifs : en essayant de ne pas les voir, en luttant pour ne pas les reconnaître, en retardant les déci-sions importantes, en agissant comme si de rien n’était ».[72]

54. Au-delà de tout cela, je voudrais rappeler que chacune des différentes espèces a une valeur en elle-même, or « chaque année, disparaissent des milliers d’espèces végé-tales et animales que nous ne pourrons plus connaître, que nos enfants ne pourront pas voir, perdues pour toujours. L’immense ma-jorité disparaît pour des raisons qui tiennent à une action humaine. À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en n’avons pas le droit ».[73]

55. Apprenant des peuples autochtones, nous pouvons contempler l’Amazonie, et pas seulement l’étudier, pour reconnaître ce mystère qui nous dépasse. Nous pouvons l’aimer, et pas seulement l’utiliser, pour que l’amour réveille un intérêt profond et sin-cère. Qui plus est, nous pouvons nous sen-tir intimement unis à elle, et pas seulement la défendre, et alors l’Amazonie deviendra pour nous comme une mère. Car « le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens par les-quels le Père nous a unis à tous les êtres ». [74]

56. Réveillons le sens esthétique et contem-platif que Dieu a mis en nous et que parfois nous laissons atrophier. Rappelons-nous que « quand quelqu’un n’apprend pas à s’ar-rêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout de-vienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule ».[75]

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En revanche, si nous entrons en communion avec la forêt, notre voix s’unira facilement à la sienne et deviendra prière : « Couchés à l’ombre d’un vieil eucalyptus notre prière de lumière s’immerge dans le chant du feuil-lage éternel ».[76] Cette conversion intérieure est ce qui permettra de pleurer pour l’Ama-zonie et de crier avec elle devant le Seigneur.

57. Jésus disait : « Ne vend-on pas cinq pas-sereaux pour deux sous ? Et pas un d’entre eux n’est en oubli devant Dieu » (Lc 12, 6). Dieu le Père, qui a créé chaque être de l’uni-vers avec un amour infini, nous appelle à être ses instruments pour écouter le cri de l’Amazonie. Si nous nous rendons présents à cette clameur déchirante, il sera mani-feste que les créatures de l’Amazonie n’ont pas été oubliées par le Père du ciel. Pour les chrétiens, Jésus lui-même nous interpelle à partir d’elles « parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude. Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumi-neuse ».[77] C’est pourquoi les croyants trouvent dans l’Amazonie un lieu théo-logique, un espace où Dieu lui-même se montre et appelle ses enfants.

Éducation et habitudes écologiques58. Nous pouvons ainsi faire un pas de plus et rappeler qu’une écologie intégrale ne se contente pas de régler des questions tech-niques ou de prendre des décisions poli-tiques, juridiques et sociales. La grande éco-logie inclut un aspect éducatif qui provoque le développement de nouvelles habitudes chez les personnes et les groupes humains. Malheureusement, beaucoup d’habitants de l’Amazonie ont adopté des habitudes propres aux grandes villes où le consumé-risme et la culture du déchet sont très en-racinés. Il n’y aura pas d’écologie saine et durable, capable de transformer les choses, si les personnes ne changent pas, si on ne les

encourage pas à choisir un autre style de vie, moins avide, plus serein, plus respectueux, moins anxieux, plus fraternel.

59. En effet, « plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer. Dans ce contexte, il ne semble pas possible qu’une personne accepte que la réalité lui fixe des limites [...] Nous ne pensons pas seulement à l’éventua-lité de terribles phénomènes climatiques ou à de grands désastres naturels, mais aussi aux catastrophes dérivant de crises sociales, parce que l’obsession d’un style de vie consu-mériste ne pourra que provoquer violence et destruction réciproque, surtout quand seul un petit nombre peut se le permettre ».[78]

60. L’Église, avec sa grande expérience spi-rituelle, avec sa conscience renouvelée de la valeur de la création, avec son souci de la justice, avec son option pour les derniers, avec sa tradition éducative et avec son his-toire d’incarnation dans des cultures si di-verses dans le monde entier, veut à son tour contribuer à la sauvegarde et à la croissance de l’Amazonie. Cela donne lieu au rêve sui-vant que je désire partager plus directement avec les pasteurs et les fidèles catholiques.

QuATRIèME ChAPITRE : uN RÊVE ECCLÉSIAL61. L’Église est appelée à marcher avec les peuples de l’Amazonie. En Amérique Latine, cette marche a connu des expressions pri-vilegiées comme la Conférence des Evêques de Medellin (1968) et son application : à l’Amazonie à Santarem (1972)[79] ; puis à Pue-bla (1979), Santo Domingo (1992) et Apare-cida (2007).La marche se poursuit, et si l’on veut de-velopper une Eglise au visage amazonien le travail missionnaire a besoin de croître dans une culture de la rencontre visant une « harmonie multiforme ».[80] Mais pour que cette incarnation de l’Église et de l’Évangile

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soit possible, la grande annonce mission-naire doit résonner, encore et encore. L’an-nonce indispensable en Amazonie.

62. Face à tant de besoins et d’angoisses qui crient du cœur de l’Amazonie, nous pouvons répondre par des organisations sociales, des ressources techniques, des espaces de discussion, des programmes politiques, et tout cela peut faire partie de la solution. Mais nous ne renonçons pas, en tant que chrétiens, à la proposition de la foi que nous recevons de l’Évangile. Même si nous vou-lons lutter avec tous, coude à coude, nous n’avons pas honte de Jésus-Christ. Pour ceux qui l’ont rencontré, vivent dans son amitié et s’identifient à son message, il est impos-sible de ne pas parler de lui et de proposer aux autres sa proposition de vie nouvelle : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évan-gile » (1Co 9, 16).

63. L’option authentique pour les pauvres et les oubliés, en même temps qu’elle nous pousse à les libérer de la misère matérielle et à défendre leurs droits, implique que nous leur proposions l’amitié avec le Seigneur qui les promeut et leur donne dignité.Il serait triste qu’ils reçoivent de nous un code de doctrines ou une obligation morale, et non pas la grande annonce salvifique, ce cri missionnaire qui vise le cœur et donne sens à tout le reste. Nous ne pouvons pas non plus nous contenter d’un message so-cial. Si nous donnons notre vie pour eux, pour la justice et la dignité qu’ils méritent, nous ne pouvons pas leur cacher que nous le faisons parce que nous reconnaissons le Christ en eux et parce que nous découvrons l’immense dignité que leur donne le Père qui les aime infiniment.

64. lIs ont le droit à l’annonce de l’Évan-gile, surtout à cette première annonce qui s’appelle kérygme et qui est « l’annonce principale, celle que l’on doit toujours écou-ter de nouveau de différentes façons et que

l’on doit toujours annoncer de nouveau sous une forme ou une autre ».[81] C’est l’annonce d’un Dieu qui aime infiniment chaque être humain, qui a manifesté pleinement cet amour dans le Christ crucifié pour nous et ressuscité dans nos vies. Je propose de re-lire un bref résumé de ce contenu dans le Chapitre 4 de l’Exhortation Christus vivit. Cette annonce doit résonner constamment en Amazonie, exprimée de nombreuses manières différentes. Sans cette annonce passionnée, toute structure ecclésiale se transformera en une ONG de plus, et ainsi, nous ne répondrons pas à la demande de Jésus-Christ : « Allez dans le monde entier, et proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16, 15).

65. Toute proposition de mûrissement de la vie chrétienne a besoin d’avoir pour axe per-manent cette annonce, car « toute la forma-tion chrétienne est avant tout l’approfondis-sement du kérygme qui se fait chair toujours plus et toujours mieux ».[82]

La réponse fondamentale face à cette an-nonce, quand elle parvient à provoquer une rencontre personnelle avec le Seigneur, est la charité fraternelle, « ce commandement nouveau qui est le premier, le plus grand, celui qui nous identifie le mieux comme disciples ».[83] Ainsi, le kérygme et l’amour fraternel constituent la grande synthèse de tout le contenu de l’Évangile qui ne peut pas ne pas être proposé en Amazonie.C’est ce qu’ont vécu les grands évangélisa-teurs de l’Amérique Latine comme saint Tori-bio de Mogrovejo ou saint José de Anchieta.

L’inculturation66. L’Église, alors même qu’elle annonce en-core et encore le kérygme, doit se dévelop-per en Amazonie. Pour cela elle reconfigure toujours sa propre identité par l’écoute et le dialogue avec les personnes, les réalités et les histoires de leur terre. De cette façon, pourra se développer de plus en plus un

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processus nécessaire d’inculturation qui ne déprécie rien de ce qu’il y a de bon dans les cultures amazoniennes, mais qui le recueille et le porte à sa plénitude à la lumière de l’Évangile.[84] Il ne dépréciera pas non plus la richesse de la sagesse chrétienne transmise pendant des siècles, comme si l’on préten-dait ignorer l’histoire dans laquelle Dieu a oeuvré de multiples manières, car l’Église a un visage multiforme « non seulement dans une perspective spatiale [...] mais aussi dans sa réalité temporelle ».[85] Il s’agit de l’au-thentique Tradition de l’Église qui n’est pas un dépôt statique ni une pièce de musée, mais la racine d’un arbre qui grandit.[86] C’est la tradition millénaire qui témoigne de l’ac-tion de Dieu dans son Peuple et qui « a la mission d’entretenir vivant le feu plus que de conserver les cendres ». [87]

67. Saint Jean-Paul Il enseignait qu’en présentant la proposition évangélique « l’Église ne prétend pas nier l’autonomie de la culture. Au contraire, elle a envers elle le plus grand respect », car la culture « n’est pas seulement sujet de rédemption et d’élévation, mais elle peut aussi jouer un rôle de médiation et de collaboration ».[88] En s’adressant aux indigènes du continent américain, il a rappelé qu’« une foi qui ne se fait pas culture est une foi non pleinement accueillie, non pleinement pensée, non fidè-lement vécue ».[89] Les défis des cultures in-vitent l’Église à « un sens critique aigu mais aussi [à la] confiance ».[90]

68. Il convient de reprendre ici ce que j’ai déjà dit dans l’Exhortation “Evangelii gau-dium“ sur l’inculturation, qui a comme base la conviction que « la grâce suppose la culture, et le don de Dieu s’incarne dans la culture de la personne qui le reçoit ».[91] Nous percevons que cela implique un double mouvement. D’une part, une dyna-mique de fécondation qui permet d’expri-mer l’Évangile en un lieu, puisque « quand une communauté accueille l’annonce du

salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformatrice de l’Évangile ».[92] D’autre part, l’Église elle-même vit un che-min de réception qui l’enrichit de ce que l’Esprit a déjà semé mystérieusement dans cette culture. De cette manière, « L’Esprit Saint embellit l’Église, en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage ».[93] Il s’agit, en définitive, d’encourager et de permettre que l’annonce inlassable de l’Évangile, transmis avec « des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle syn-thèse avec cette culture ».[94]

69. C’est pourquoi, « comme nous pouvons le voir dans l’histoire de l’Église, le christia-nisme n’a pas un modèle culturel unique »[95] et « ce n’est pas faire justice à la logique de l’incarnation que de penser à un christia-nisme monoculturel et monocorde ».[96] Par conséquent, le risque pour les évangélisa-teurs qui arrivent en un lieu est de croire qu’ils doivent non seulement transmettre l’Évangile, mais aussi la culture dans laquelle ils ont grandi, oubliant qu’il ne s’agit pas d’ « imposer une forme culturelle particu-lière, aussi belle et antique qu’elle soit ».[97] Il faut accepter avec courage la nouveauté de l’Esprit qui est capable de créer toujours quelque chose de nouveau avec le trésor inépuisable de Jésus-Christ, car « l’incultura-tion engage l’Église sur un chemin difficile, mais nécessaire ».[98] Il est vrai que, « bien que ces processus soient toujours lents, par-fois la crainte nous paralyse trop » et nous fi-nissons comme « spectateurs d’une stagna-tion stérile de l’Église ».[99] Ne craignons pas, ne coupons pas les ailes à I’Esprit Saint ?

Chemins d’inculturation en Amazonie70. Pour réaliser une nouvelle incultura-tion de l’Évangile en Amazonie, l’Église doit écouter sa sagesse ancestrale, redonner la parole aux personnes âgées, reconnaître les valeurs présentes dans le style de vie des communautés autochtones, récupérer à

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temps les riches récits des peuples. En Ama-zonie, nous avons déjà reçu des richesses qui viennent des cultures précolombiennes, « comme l’ouverture à l’action de Dieu, le sens de la reconnaissance pour les fruits de la terre, le caractère sacré de la vie hu-maine et la valorisation de la famille, le sens de la solidarité et la coresponsabilité dans le travail commun, l’importance du cultuel, la croyance en une vie au-delà de la vie ter-restre, et beaucoup d’autres valeurs ».[100]

71. Dans ce contexte, les peuples autoch-tones amazoniens expriment la qualité au-thentique de la vie comme un “bien-vivre” qui implique une harmonie personnelle, familiale, communautaire et cosmique, et qui s’exprime dans leur manière commu-nautaire de concevoir l’existence, dans la capacité de trouver la joie et la plénitude au milieu d’une vie austère et simple, comme dans la protection responsable de la nature qui préserve les ressources pour les futures générations.Les peuples aborigènes pourraient nous aider à percevoir ce qu’est une heureuse sobriété et, dans ce sens, « ils ont beau-coup à nous enseigner ».[101] Ils savent être heureux avec peu, ils jouissent des petits dons de Dieu sans accumuler beaucoup de choses, ils ne détruisent pas sans nécessité, ils prennent soin des écosystèmes et recon-

naissent que la terre, en même temps qu’elle est offerte pour soutenir leur vie comme une source généreuse, a un sens maternel qui éveille à une tendresse respectueuse. Tout cela doit être valorisé et repris dans l’évan-gélisation.[102]

72. Pendant que nous luttons pour eux et avec eux, nous sommes appelés « à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à ac-cueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux ».[103] Les habitants des villes doivent valoriser cette sagesse et se laisser “rééduquer” face à la consommation effrénée et à l’isolement ur-bain. L’Église elle-même peut être un moyen qui aide à cette récupération culturelle dans une précieuse synthèse avec l’annonce de l’Évangile. Par ailleurs, elle devient un ins-trument de charité dans la mesure où les communautés urbaines sont non seulement missionnaires dans leur environnement, mais aussi accueillantes envers les pauvres qui arrivent de l’intérieur du pays poussés par la misère. Elle l’est également dans la mesure où les communautés sont proches des jeunes migrants pour les aider à s’inté-grer dans la ville sans tomber dans les ré-seaux de dégradation. Ces actions ecclésiales qui jaillissent de l’amour sont des voies précieuses à l’inté-rieur d’un processus d’inculturation.

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73. Mais l’inculturation élève et apporte plé-nitude. Certainement, il faut valoriser cette mystique autochtone de l’interconnexion et de l’interdépendance de toute la création, une mystique de gratuité qui aime la vie comme un don, une mystique d’admiration sacrée devant la nature qui déborde de tant de vie. Cependant, il s’agit aussi de faire en sorte que cette relation avec Dieu présent dans le cosmos se transforme toujours plus en une relation personnelle avec un Tu qui soutient sa réalité et qui veut lui donner un sens, un Tu qui nous connaît et qui nous aime

« Mon ombre flotte,

au milieu des bois morts.

Mais l’étoile est née sans reproche

sur les mains de cet enfant, expertes,

qui conquièrent les eaux et la nuit.

Il doit me suffire de savoir

que tu me connais

tout entier, bien avant ma naissance ».[104]

74. De même, la relation avec Jésus-Christ, Dieu et vrai homme, libérateur et rédemp-teur, n’est pas contraire à cette vision du monde fortement cosmique qui caractérise ces peuples, parce qu’il est aussi le Ressus-cité qui pénètre toute chose. [105] Pour l’ex-périence chrétienne, « toutes les créatures de l’univers matériel trouvent leur vrai sens dans le Verbe incarné, parce que le Fils de Dieu a intégré dans sa personne une par-tie de l’univers matériel, où il a introduit un germe de transformation définitive ».[106]

Il est glorieux et mystérieusement présent dans le fleuve, dans les arbres, dans les poissons, dans le vent, comme le Seigneur qui règne dans la création sans perdre ses plaies transfigurées, et dans I’Eucharistie. Il assume les éléments du monde en donnant à chacun le sens du don pascal.

Inculturation sociale et spirituelle75. Cette inculturation, étant donné la situa-tion de pauvreté et d’abandon de nombreux habitants de l’Amazonie, devra nécessaire-ment avoir une odeur fortement sociale et se caractériser par une défense ferme des droits humains, en faisant briller le visage du Christ qui « a voulu s’identifier par une tendresse spéciale avec les plus faibles et les plus pauvres ».[107] Parce qu’« à partir du coeur de l’Évangile, nous reconnaissons la connexion intime entre évangélisation et promotion humaine »,[108] et cela implique pour les communautés chré-tiennes un engagement clair pour le Règne de justice dans la promotion des exclus. C’est pourquoi une formation adéquate des agents pastoraux dans la Doctrine Sociale de l’Église est particulièrement importante.

76. En même temps, l’inculturation de l’Évangile en Amazonie doit mieux intégrer la dimension sociale à la dimension spirituelle, de sorte que les plus pauvres ne doivent pas aller chercher hors de l’Église une spiritua-lité qui réponde aux aspirations de leur di-mension transcendante. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une religiosité aliénante et individualiste qui évite les revendications sociales pour une vie plus digne, mais il ne s’agit pas non plus de mutiler la dimension transcendante et spirituelle comme si seul le développement matériel suffisait à l’être humain. Cela nous invite, non seulement à combiner les deux choses, mais aussi à les relier intimement. Ainsi resplendira la vraie beauté de l’Évangile qui est pleinement humanisant, qui honore intégralement les personnes et les peuples, qui comble le cœur et la vie entière.

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[45] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 144 : AAS 107 (2015), p. 906. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 51 : AAS 101 (2009), p. 687 : « À notre époque en particulier, la nature est tellement intégrée dans les dynamiques sociales et culturelles qu’elle ne constitue presque plus une donnée in-dépendante. La désertification et la baisse de la productivité de certaines régions agricoles sont aussi le fruit de l’appauvrisse-ment et du retard des populations qui y habitent ».[47] Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007, n. 8 ; Insegnamenti, 2, 2 (2006), p. 776.[48] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), nn. 16 ; 91; 117 ; 138 ; 240 : AAS 107 (2015), pp. 854; 884; 894; 903; 941.[49] Document Bolivia : informe pars, Consulta pre-sinodal (2019), n. 36 cf. Instrumentum Iaboris, n. 23.[50] Instrumentum laboris, n. 26.[51] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 146 : AAS 107 (2015), p. 906.[52] Documento con aportes al Sinodo de la Diôcesis de San José del Guaviare y de l’Arquidiôcesis de Villavicencio y Granada; cf. Instrumentum laboris, n. 17.[53] Euclides da Cunha, Los Sertones (Os Sertôes) Buenos Aires (1946), pp. 65-66: Trad. Française, Hautes Terres, La guerre de Canudos, ed. Métaillé, Paris (2012), p. 107.[54] Pablo Neruda, « Amazonas », in Canto General (1938), I, IV ; Trad. française, Chant général, Gallimard, Paris (1977), P. 23.[55] REPAM, Doc. Eje de Fronteras. Préparation pour le Synode de l’Amazonie, Tabatinga — Brésil (13 février 2019), p.3 ; cf. Instru-mentum laboris, n. 8.[56] Amadeu Thiago de Mello, Amazonas, patria de agua.[57] Vinicius de Moraes, Para vivir un gran amor, Buenos Aires (2013), p. 166.[58] Juan Carlos Galean, « Los que creyeron », in Amazonia y otros poemas, ed. Universidad Externado de Colombia, Bogota (2011), p. 44.[59] Harald Sioli, A Amazônia, Petropolis (1985), p. 60.[60] S. Jean-Paul II, Discours aux participants au Congrès Inter-national sur “Environnement et Santé” (24 mars 1997), n. 2: Insegnamenti 20, 1(1997), p. 521.[61] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 34 : AAS 107 (2015), p. 860.[62] Cf. Ibid., nn. 28-31 : AAS 107 (2015), pp. 858-859.[63] Ibid., n. 38 : AAS 107 (2015), p. 862.[64] Cf. Vème Conférence Générale des Episcopats Latino-améri-cains et des Caraïbes, Document d’Aparecida (29 juin 2017), n. 86.[65] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 38 : AAS 107 (2015), p. 862.[66] Cf. Ibid., nn. 144 ; 187 : AAS 107 (2015), pp. 905-906 ; 921.[67] Cf. Ibid., n. 183 : AAS 107 (2015), p. 920.[68] Ibid., n. 53 : AAS 107 (2015), p. 868.[69] Cf. Ibid., n. 49 : AAS 107 (2015), p. 866.[70] Document préparatoire à l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour la Région Panamazonienne, n. 8.[71] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 56 : AAS 107 (2015), P. 869.[72] Ibid., n. 59 : AAS 107 (2015), p. 870.[73] Ibid., n. 33 : AAS 107 (2015), p. 860.[74] Ibid., n. 220 : AAS 107 (2015), p. 934.[75] Ibid., n. 215 : AAS 107 (2015), p. 932.[76] Sui Yun, Cantos para el mendigo y el rey, Wiesbaden (2000).[77] Lett. enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 100 : AAS 107 (2015), p. 887.[78] Ibid., n. 204 : AAS 107 (2015), p. 928.[79] Cf. Documents de Santarem (1972) et de Manaos (1997) : in Conférence Nationale des Evêques du Brésil, Desafio missio-nério. Documentos da Igreja na Amazônia, Brasilia (2014), pp. 9-28; 67-84.[80] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 220 : AAS 105 (2013), p. 1110.[81] Ibid., n. 164 : AAS 105 (2013), pp. 1088-1089.[82] Ibid., n. 165 : AAS 105 (2013), p. 1089.

[83] Ibid., n. 161 : AAS 105 (2013), p. 1087.[84] Ainsi le présente le Concile Vatican II au n. 44 de la Consti-tution Gaudium et spes lorsqu’il dit : « Dès les débuts de son histoire, [l’Église] a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin d’adapter l’Évangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. À vrai dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation. C’est de cette façon, en effet, que l’on peut susciter en toute nation la possibilité d’exprimer le message chrétien selon le mode qui lui convient, et que l’on promeut en même temps un échange vivant entre l’Église et les diverses cultures ».[85] Lettre au Peuple de Dieu en marche en Allemagne (29 juin 2019), n. 9.[86] Cf. S. Vincent de Lérins, Commonitorium primum, chap. 23 : PL 50, P. 668 : « Ut annis scilicet consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate ».[87] Lettre au Peuple de Dieu en marche en Allemagne (29 juin 2019), n. 9 : cf. l’expression attribuée à Gustav Mahler : « La tradition est la garantie de l’avenir et non la conservation des cendres ».[88] Discours aux professeurs d’université et aux hommes de culture, Coimbra (15 mai 1982), n. 5: Insegnamenti 5, 2 (1982), pp. 1702-1703.[89] Message aux indigènes du Continent américain, Saint Do-mingue (12 octobre 1992), n. 6 : Insegnamenti, 15, 2 (1992), p. 346 ; cf. Discours aux participants au Congrès national du Mou-vement Ecclesial de l’engagement Culturel (16 janvier 1982), n. 2: Insegnamenti, 5, 1(1982), p. 131. [90] Exhort. ap. postsyn. Vita consacrata (25 mars 1996), n. 98 : AAS 88 (1996), pp. 474-475.[91] N. 115: AAS 105 (2013), p. 1068.[92] Ibid., n. 116: AAS 105 (2013), p. 1068.[93] Ibid.[94] Ibid., n. 129 : AAS 105 (2013), p. 1074.[95] Ibid., n. 116: AAS 105 (2013), p. 1068.[96] Ibid., n. 117: AAS 105 (2013), p. 1069.[97] Ibid.[98] S. Jean-Paul Il, Discours à Assemblée plénière du Conseil Pon-tifical pour la Culture (17 janvier 1987), n. 5 : Insegnamenti 10, 1 (1987), p. 125.[99] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 129 : AAS 105 (2013), p. 1074.[100] IVème Conférence générale de Episcopat latino-américain et des Caraïbes, Document de Saint Domingue, (12-28 octobre 1992), n. 17.[101] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 198 : AAS 105 (2013), p. 1103.[102] Cf. Vittorio Messori — Joseph Ratzinger, Informe sobrae la fe, ed. BAC, Madrid (2015), pp. 209-210.[103] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 198 : AAS 105 (2013), p. 1103.[104] Pedro Casaldâliga, « Carta de navegar (Por el Tocantins amazonico) », in El tiempo y la espera, Santander (1986).[105] Saint Thomas d’Aquin l’explique de cette manière : « La triple manière dont Dieu est dans les choses : l’une est commune, par essence, présence et puissance ; une autre par la grâce dans ses saints, la troisième, singulière dans le Christ, par l’union » (Ad Colossenses, c. Il, I. 2).[106] Lettre enc. Laudato si’ (24 mai 2015), n. 235 : AAS 107 (2015), p. 939.[107] IIIème Conférence générale de Episcopat latino-américain et des Caraïbes, Document de Puebla (23 mars 1979), n. 196.[108] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 178 : AAS 105 (2013), p. 1094.

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dÉPaSSoNS NoS FroNTiÈreS…

Mgr nicolas lhernoulD a été ordonné évêque pour le diocèse de constantine et annaba (algérie), le 8 février 2020, en la cathédrale saint vincent de Paul de tunis. Il est le plus jeune évêque français. origi-naire de courbevoie (son père est diacre dans ce diocèse des hauts-de-seine), po-lyglotte agrégé de sciences sociales, a découvert sa vocation en 1997 comme coopérant en tunisie. après ses années de formation au séminaire français de rome, il est ordonné prêtre en 2004, puis

nommé vicaire général en 2012. Marqué par son expérience pastorale en tunisie au sein d’une « eglise universelle en miniature », il devient l’évêque du diocèse de constantine et annaba, au nord-est de l’algérie, qui compte une dizaine de prêtres pour 1500 catho-liques… et 12 millions de musulmans.

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MESSAGE Du CuSTODE DE TERRE SAINTE Pour le veNdredi SaiNT 2020

En parcourant la via dolorosa dans les rues de la Vieille Ville à Jérusalem pour vivre le Chemin de Croix, nous sommes frappés par le fait que cette célébration soit constam-ment perturbée par les cris des vendeurs qui, impassibles, continuent leur activité ; par les haut-parleurs dont le volume élevé semble vouloir couvrir notre prière ; par les soldats armés qui patrouillent les lieux les plus sensibles. En cherchant à se recueillir afin de parcourir avec Jésus le chemin vers le Calvaire, une grande confusion nous en-toure, et nous sommes gagnés non seule-ment par le bruit mais aussi par les odeurs de la Vieille Ville, de celles caractéristiques des épices et de l’encens, à des odeurs moins agréables comme celles de la sueur et des ordures.Ce Chemin de Croix, qui scandalise certains pèlerins habitués à prier dans le silence sou-vent aseptisé de nombreuses églises, est en réalité le plus vrai et le plus authentique. Il peut nous faire comprendre le chemin de

Jésus dans ces mêmes rues, il y a deux mille ans. Alors qu’il passait par ces rues-là en portant sa croix et le poids de nos péchés sur les épaules, ce n’était sans doute pas la dévotion et le recueillement qui l’accompa-gnaient, mais bien les cris, les insultes, les crachats. Il y avait aussi bien sûr un petit groupe de femmes fidèles en pleurs, la Mère et le disciple bien-aimé, qui le suivaient, ain-si que de nombreuses personnes étonnées et curieuses.Ce Chemin de Croix est celui qui aujourd’hui encore, caractérise et décrit mieux que toute autre image, le chemin de la petite communauté vivant en Terre Sainte et dans tout le moyen-orient. C’est une petite communauté qui porte toujours la croix au milieu de situations de conflits d’un côté et d’indifférence de l’autre.Cependant, tout cela continue à être le sel évangélique, le levain et la lumière dans un contexte qui en a absolument besoin.

(Photo : Terre Sainte Magazine)

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ARChIVES APOSTOLIQuES Du VATICAN : OuVERTuRE DES ARChIVES,

COMMuNIQuÉ Du 29 fÉVRIER 2020À partir du lundi 2 mars 2020, les Archives apostoliques du Vatican et d’autres archives du Saint-Siège mettront à disposition des chercheurs les documents du pontificat de Pie XII (1939-1958). Annoncé par le Pape François le 4 mars 2019, l’ouverture a été préparée par un travail de plus de quatorze ans et, outre les archives du Vatican, il s’agit des archives historiques de la section des re-lations avec les États de la Secrétairie d’État, les Archives de la Congrégation pour la Doc-trine de la Foi, les Archives Historiques de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples (de Propaganda Fide), les Archives Historiques de la Congrégation pour les Églises orientales, les Archives du Péniten-cier apostolique et les archives historiques générales de la « Fabbrica di S. Pietro ».Toutes les archives impliquées dans l’ouver-ture ont présenté le sens de l’événement à la presse le 20 février, ainsi que le travail de préparation et ses ressources, au public des universitaires d’archivage et de recherche lors d’une journée d’étude le 21 février à

l’lnstitut patristique Augustinianum. Le 27 février, un certain nombre de chaînes de télévision ont pu reprendre les espaces de stockage des archives du Vatican et certains documents sélectionnés. Pour donner une idée de l’immensité de la documentation mise à disposition dans les archives du Va-tican, seront disponibles pour consultation sur le pontificat de Pacelli 73 archives de représentations pontificales, 15 séries du Secrétariat d’État, 21 fonds provenant des Congrégations romaines et des offices cu-riaux et palatins, 3 de l’État de la Cité du Vatican et 8 autres fonds d’archives. Au to-tal donc 120 fonds et séries, pour un com-plexe d’environ 20 000 unités d’archives. Une seule de ces séries, certainement la plus importante, celle des Affaires géné-rales de la Secrétairie d’État, comprend près de 5 000 boîtes qui ont été réorganisées, numérotées et décrites par un groupe de 15 archivistes qui ont réalisé un inventaire d’environ 15 000 pages, consultables en for-mat numérique, qui reflète une vie de vingt

la collecte du vendredi Saint est un pe-tit geste de solidarité auquel toute l’Église est appelée à participer pour soutenir, par le biais de la Custodie de Terre Sainte, les communautés chrétiennes qui sont en Terre Sainte, qui marchent encore aujourd’hui sur les pas de Jésus et vivent souvent un Chemin de Croix qui semble sans fin.Grâce aux dons généreux des chrétiens du monde entier, nous pouvons continuer à garder les Lieux Saints de la Chrétienté, du Saint-Sépulcre à la Basilique de Ia Nativi-té, en passant par des sanctuaires moins connus ; nous pouvons soutenir l’action pas-torale des paroisses qui nous sont confiées; assurer une instruction et une éducation de qualité à plus de 10000 étudiants fréquen-

tant nos écoles ; nous pouvons aider les jeunes foyers à trouver une maison ; aider les travailleurs chrétiens migrants à se sen-tir accueillis malgré l’éloignement de leur pays d’origine; nous pouvons soutenir les personnes touchées par la guerre en Syrie et les réfugiés aujourd’hui dispersés dans les différents pays où nous sommes en mission.Tel est ce que nous avons cherché à faire au cours d’une histoire qui compte désormais huit siècles grâce à l’aide des chrétiens du monde entier, et c’est ce que nous espérons pouvoir continuer à réaliser grâce à l’aide de chacun d’entre vous, lors du prochain Ven-dredi Saint.

Frère Francesco Patton OFMCustode de Terre Sainte

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ans de l’Église et de la société. À côté des archivistes, ont travaillé les technicîens des laboratoires de reliure et de restauration, de reproduction de photos, de préparation de boîtes en matériel conservateur et du Centre de Traitement des Données. Selon la coutume, c’est le pape qui décide d’ouvrir les documents d’un pontificat de son prédé-cesseur. Lorsque, en 1881, Léon XIII a pro-gressivement ouvert les archives du Vatican aux recherches des universitaires, les docu-ments étaient disponibles jusqu’en 1815. En 1921, Benoît XV a étendu la consulta-tion à 1830, tandis que, peu de temps après (1924), Pie XI a déplacé le terme à 1846 (fin du pontificat de Grégoire XVI). Paul VI, en 1966, a ouvert la consultation des docu-ments du pontificat de Pie IX (1846-1878). Jean-Paul Il, en 1978, a prolongé le mandat jusqu’à la fin de pontificat de Léon XIII (1878-1903) et, en 1984, a prolongé la consulta-tion des documents jusqu’en 1922, y com-pris les pontificats de Pie X (1903-1914) et Benoît XV (1914-1922). Le pape Wojtyta a de nouveau mis à la disposition des cher-cheures début 2003 les documents relatifs à l’Allemagne pour le pontificat de Pie Xl (1922-1939), conservés aux Archives du Vatican et dans les archives historiques de la Section des relations avec les États de la Secrétairie d’État. Dans le même temps, le Pape a décidé de publier rapidement les données relatives aux prisonniers de la der-nière guerre (1939-1945) conservées dans les documents du fonds “Bureau d’infor-mation” du Vatican (l’inventaire est né en 2004). En 2006, enfin, Benoît XVI a rendu accessibles tous les documents du pontificat de Pie XII, en permettant l’inventaire et la consultation anticipée des fonds de recense-ment des archives ecclésiastiques italiens de 1942 et la Commission centrale pontificale des arts sacrés en Italie (inventaires sortis respectivement en 2010-2011 et 2013).Les différentes archives du Saint-Siège pour-ront accueillir dans leur ensemble environ 120 chercheurs qui, dans certains cas, béné-

ficieront de la numérisation des documents et pourront souvent interroger numérique-ment les nouveaux inventaires. Dans les archives du Vatican (qui peuvent héberger quotidiennement 60 chercheurs), la consul-tation des documents du pontificat de Pie XII a commencé début octobre. Celles reçues jusqu’à présent ont été réparties sur plu-sieurs mois (jusqu’en mai-juin), en essayant de garantir un certain nombre de places réparties entre les érudits du pontificat du pape Pacelli et ceux des autres périodes.La période d’environ vingt ans du pontificat d’Eugenio Pacelli, complexe et dramatique, embrasse la seconde Guerre mondiale, reconstruction, opposition des blocs occi-dentaux et orientaux, mais aussi exemples et débordements nés à cette époque dans l’Église et dans la société et développés dans les années suivantes. L’importance de l’ou-verture réside dans la possibilité offerte aux chercheurs d’accéder à toutes les sources en étudiant ces problèmes ainsi que d’autres, d’un point de vue qui n’a pas été jusqu’à présent possible. Les années du pontificat pacellien sont également caractérisées par une mondialisation de la société et de l’ou-verture de l’Église à une dimension moins eurocentrique et plus universelle. Pie XII a rencontré une énorme quantité et variété de personnes, en particulier pendant l’An-née Sainte 1950. En 1952, près d’un de-mi-million de personnes ont été entendues:orphelins et mutilés de guerre, agriculteurs, mineurs, sportifs, journalistes et psycho-logues du sport, médecins, artistes, astro-nomes ... Pour offrir à chacun un message de compréhension et de stimulation, le Pape a préparé minutieusement ses discours qui frappent encore aujourd’hui par le très haut niveau éthique, technique et scientifique. Ainsi le message du Pape, par sa polyva-lence intellectuelle et sa sensibilité pasto-rale, pourra être étudié en détail dans les fonds d’archives désormais disponibles pour la consultation des chercheurs.

(traduction CEF)

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JACQuES VIROLLEAu

Chers Amis,C’est un enfant du pays que nous accompa-gnons aujourd’hui. Jacques Virolleau n’y a jamais exercé le ministère mais, même s’il est né à Paris en 1921 (presque cent ans !), c’est ici qu’il avait ses racines. Il y passait toutes ses vacances, dans une famille pro-fondément chrétienne et un cadre encore très marqué par l’influence de l’Église. Cette église paroissiale est celle de son baptême, de sa première communion, de son ordina-tion presbytérale. Il avait gardé une grande nostalgie de cette période avec ses proces-sions, ses fêtes, les églises pleines de son Au-vergne. Il aimait son pays. Il gardait le souci de son évolution humaine et spirituelle. A Paris où il vivait le reste de l’année il fut pro-fondément marqué par le scoutisme dont il apprit l’esprit de camaraderie, la rectitude dans l’engagement, la fidélité spirituelle. En 1940 il avait 19 ans, l’âge des grands engage-ments et des grandes passions. Il traversa la guerre avec force et courage.

Ordonné prêtre en 1945 il compléta sa for-mation à l’Institut Catholique de Paris se spécialisant dans les sciences de la pédago-gie et de la catéchèse.

Comme sa jeunesse, son ministère se par-tagea entre Saint-Flour et Paris, entre les-quels il ne voulait pas choisir. Parisien en Au-vergne, auvergnat à Paris comme il l’a écrit lui-même.

15 années d’abord au service du diocèse de Saint-Flour, à la paroisse Saint Géraud d’Au-rillac, au grand Séminaire, comme directeur diocésain de l’enseignement religieux. Puis 18 ans au service de diverses paroisses pa-

risiennes, avant d’assurer la direction de l’œuvre d’Orient, ce service dont on parle fréquemment aujourd’hui parce que la pré-sence des chrétiens en Orient est si grave-ment menacée. Il revint dans le diocèse en 1984, chargé de l’information religieuse, collaborateur à la Voix du Cantal, directeur de la Vie diocésaine. Depuis 1996 il était re-tiré à Mende. Depuis quelques semaines à Vic-sur-Cère.

Jacques Virolleau était un homme de rigueur et de fidélité parfois même jusqu’au scrupule et à l’intransigeance.

Un homme entier. Ce qu’il nous laisse de meilleur, comme une attitude à imiter, c’est sa réponse à l’appel du Christ, sa volonté dé-terminée de le suivre, son attachement filial et critique à l’Église, son refus de la médio-crité et de la compromission.

Avec ses proches, avec tous ses amis dont nous partageons la peine, nous nous nous tournons ensemble vers Dieu dans la prière. Prière d’action de grâces pour ce que fut Jacques Virolleau au service des commu-nautés chrétiennes.Prière aussi de supplication pour que Dieu achève de purifier son serviteur de toutes ses fautes. Comme chacun de nous, il a por-té l’évangile dans un vase d’argile imparfait et fragile pour manifester la puissance de Dieu. Dieu aujourd’hui accueille le meil-leur pour que cette vie, ressuscitée avec le Christ, continue de porter du fruit.

+ Bruno Grua

dans le numéro de mars de “la vie diocésaine“, était annoncé le décès du Père Jacques Virolleau. Ses obsèques ont été célébrées le samedi 29 février en l’église Saint Martin - Saint Blaise de Chaudes-Aigues. La célébration était présidée par notre évêque :

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OBSèQuES Du PèRE VIROLLEAu, ChAuDES-AIGuES 29 fÉVRIER 2020

• « Que la parole du christ habite en vous… »Cette parole de l’Apôtre saint Paul était un peu la devise de notre frère Jacques. Je me souviens de plusieurs rencontres, ici à Chaudes-Aigues, où il me rappelait cette pa-role. C’était une invitation fraternelle, mais aussi une exigence ! « Méditez, méditez la Parole de Dieu… Prenez du temps, gratui-tement, pour ce temps de méditation… » Il avait raison ; et pour moi, Jacques était un exemple, car je savais que la Parole de Dieu était sa nourriture quotidienne, avec la prière et la célébration de l’Eucharistie. « Cher ami, sois fidèle à la Parole de Dieu… et tu porteras du fruit dans ton ministère…“

• « venez à ma suite… »Cette parole du Seigneur, au lac de Tibériade nous invite chacune, chacun à répondre à son appel : prêtres, religieux, religieuses, laïcs. Appel à entendre chaque jour, et à y répondre, malgré nos pauvretés, nos fai-blesses, nos épreuves, nos échecs… Le Père Jacques m’écrivait : “… l’appel des apôtres m’a toujours marqué, et dit mon appel par le Seigneur“. “… et je crois vraiment qu’Il est avec nous sur notre route…“. Et la réponse à cet appel est dans notre fidélité, notre persévérance, notre témoignage… Bien

souvent, il faut se reprendre, se ressaisir et repartir “d’un bon pied !“ Pierre, Jacques et Jean, “laissant tout, il le suivirent…“

• “il les appela pour être ses compa-gnons…“ ses amis. Etre avec… cela évoque des relations, des amitiés, des soutiens dans les épreuves de la vie. Cela permet des échanges, parfois même des confronta-tions, mais aussi un enrichissement mutuel, un dialogue constructif, un approfondisse-ment de sa foi, une reprise dans sa prière… “Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux“, nous dit le Seigneur.Notre frère Jacques avait eu et avait de nombreux amis et compagnons de route. Aujourd’hui, certains d’entre vous le savent bien comme moi. Et d’autres, dont je me permets de citer quelques noms : le Père Marius Maziers, le Père René Mizoule, le Père François Bordes, le Père Bonhomme, le Père Witucki, prêtre polonais, Mgr Jean Cuminal, le Père Jean Andrieux (avec leurs films audio-visuels), les abbés Léon et Eu-gène Cornut, des prêtres de l’œuvre d’Orient “qui m’ont aidé à découvrir et à comprendre d’autres visages de l’Eglise“ (écrivait-il)… et bien d’autres de ce diocèse et de celui de Mende, mais aussi de Paris, dans les pa-roisses où il a exercé le ministère pastoral… Il faudrait aussi faire mention de nombreux laïcs avec lesquels il entretenait une corres-pondance, jamais banale, parfois fleurie, toujours riche où il révélait sa culture, sa foi, sa personnalité… comme aussi son amour de l’art, de la poésie, etc… Des amis des compagnons de route, comme laïcs, il en avait aussi à la P.C.I.F…

• “Mes yeux et mon cœur fixés sur de grands témoins…“ m’écrivait-il.De sa longue liste, je retiendrai quelques figures : celle du Père Magne, supérieur du

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Grand Séminaire “bon et massif qui me fit confiance et qui me montra, par sa présence si simple, le roc qu’est l’Eglise de Pierre…“Egalement le Père Doncœur, avec le scou-tisme, “qui m’a beaucoup marqué dans mon adolescence et ma jeunesse… Origine de ma vocation…“ Le Père Coutarel, curé-doyen de Chaudes-Aigues, mais aussi d’autres témoins comme le père Daniélou, le Père Martimort, le Père Osty, le Père de Montcheuil, ainsi que le Père Colomb, pionnier du renouveau de la catéchèse… Dans ces témoins, une reconnaissance toute spéciale à ses parents, à sa grand-mère maternelle, à sa famille…

Enfin, ces deux grands témoins qu’il affec-tionnait particulièrement : Péguy et Claudel.

• “… chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance“, “offrez par le seigneur Jé-sus-christ, votre action de grâce à Dieu le Père“. Reconnaissance, action de grâce…Merci, Père Jacques Virolleau, pour votre té-moignage de vie donnée, offerte, partagée, votre témoignage de foi, en Eglise… avec votre tempérament. Vous avez été un “bon compagnon de service dans le Seigneur“. Paix à vous.

J.-Cl. Marcenac

• “… c’est dans l’église Saint Martin de Chaudes-Aigues que je fus reçu solennelle-ment, en août 1923, ayant été ondoyé, selon l’habitude de l’époque, trois jours après ma naissance à la maison, le 31 octobre 1921, par un vénérable prêtre que j’ai connu, 1er vi-caire de Saint Médard, notre paroisse, dont j’ai appris, en lisant bien plus tard, le récit de la conversion de Paul Claudel, que celui-ci, rentrant à Saint Médard, se confessa pour la première fois à un jeune vicaire, l’abbé Sé-riès. J’en ai eu beaucoup de joie, moi qui a lu et aimé l’œuvre de Claudel.C’est aussi dans l’église de Chaudes-Aigues, à l’âge de 7 ans, que je fis ma 1ère commu-nion, en octobre 1928.Et que je fus ordonné prêtre, en cette même église par Mgr Henri Pinson, le dimanche de la Sainte Trinité, le 27 mai 1945, au milieu d’une grande foule, le chanoine Coutarel, étant curé-doyen, l’abbé François Bordes, vi-caire. Reçu à la porte de l’élise par le maire d’alors Jean Julien, qui fit à Mgr Pinson, un petit discours vibrant…“.• “Influences merveilleuses qui m’ont conduit au sacerdoce, et à une grande ri-chesse spirituelle…“• “L’atmosphère profondément religieuse

de ma proche famille à Chaudes-Aigues, ma grand-mère maternelle si fine qui avait beaucoup souffert, qui m’apprit dès 6-7 ans, les grandes belles prières : “Souve-nez-vous…“ “O bon et très doux Jésus…“, et qui nous racontait, à ses petits-enfants, tant d’histoires familiales, qui nous chantait de jolies chansons anciennes…… Merci à mes grands-parents très religieux, ma grand-mère paternelle, à mon père cha-rentais, qui avait été marqué par les prêtres du Petit Séminaire de Langres, alors que mon grand-père, commandant, y était en garnison.Je n’ai jamais vu mes parents, même diri-geant l’établissement Thermal, manquer la messe du dimanche, et pas davantage à Paris.… Et puis, toutes les influences des prêtres qui m’ont profondément marqué :• Indirectement, nos prêtres à Chaudes-Ai-gues, respectés, admirés, pas critiqués en famille, certains vicaire ardents, aimés.• Et à Paris, l’aumônerie de mon adolescence, notre aumônier scout, jeune de 32 ans, qui fut mon catéchiste en 7e, et pour ma communion solennelle… Ma promesse scoute, le 27 janvier 1935, m’a profondément marqué…

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Diocèse

EN COMPLÉMENT : QuELQuES NOTES PERSONNELLES Du PèRE JACQuES VIROLLEAu

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Puis, à l’âge de 18 ans, et ensuite, ce fut l’influence du Père Doncœur, que j’ai connu personnellement, qui m’a beaucoup marqué par ses articles pendant la guerre, dans “La Route“, puis ensuite dans les “Cahiers du Cercle Sainte Jehanne“ jusqu’à sa mort, à Troussures, en 1960 ou 1961…“…“Je dois mentionner aussi les auteurs qui m’ont le plus marqué dans ma vie spirituelle, Péguy et Claudel, que j’ai découverts par le scoutisme, par le Père Doncœur en particulier et lu avec avidité. Bernanos et Mauriac m’ont peu marqué, sinon “Le Journal d’un curé de campagne“.… Mais aussi l’art et la musique… qui en-traînent vers la Beauté… dilatent l’âme et le cœur… et aussi l’Histoire et la poésie, ainsi que la Bible, en particulier les psaumes.

“Quand nous aurons joué nos derniers personnages,

Quand nous aurons posé la cape et le manteau…

Quand nous retournerons en cette froide terreAinsi qu’il fut prescrit pour le premier Adam

… Quand on nous aura mis dans une étroite fosse,

Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe,

Veuillez vous rappeler, reine de la promesse,Le long cheminement

que nous faisons en Beauce.Quand nous aurons quitté

ce sac et cette corde,Quand nous aurons tremblé

nos derniers raclements,Veuillez vous rappeler votre miséricorde.

Nous ne demandons rien, refuge du pêcheur,

Que la dernière place en votre purgatoire,Pour pleurer longuement notre tragique histoire,Et contempler de loin

votre jeune splendeur.“ (Charles Péguy)

derNiÈre NoTe !

“… je dois dire qu’entré provisoirement au Grand Séminaire de Saint-Flour, en no-vembre 1940, attendant l’ouverture de la “ligne de démarcation“, je m’y suis si bien habitué que je suis devenu prêtre du dio-cèse de Saint-Flour. Je n’y aurais jamais pensé et même je pensais auparavant à un ordre religieux…“

“…Mon séjour à Paris, de septembre 1963 à mars 1984… a été un grand enrichis-sement pour moi, quoique “auvergnat à Paris“ (dont j’étais !) et “parisien en Au-vergne“.

“… j’ai passé 7 années à Saint Michel des Batignolles, dont je considère notre curé d’alors, décédé maintenant, ancien dé-porté à Mathausen, comme un saint que je prie.

… j’ai accompagné une équipe Notre Dame, très sérieuse, dont j’ai gardé des forts liens d’amitié.

… J’ai connu à Paris des prêtres de pro-fonde valeur spirituelle, qui m’ont entraî-né, et une lumineuse variété de brassage. Et puis, ces années à l’œuvre d’Orient où je découvris toutes ces antiques Eglises…“

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le Père virolleau est inhumé dans le caveau familial

au cimetière de Chaudes-Aigues.

Nous prions pour lui ; et nous redisons notre profonde sympathie à ses neveux et nièces

ainsi qu’à tous ses amis, particulièrement à ceux de Paris.

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Diocèse

PÉLÉ VTT - ROuTE Du CANTALDE QuÉzAC à ROCAMADOuR Du 18 Au 23 AOûT 2020

leS BLANCS 11-15 ANS “LES PÉDALANTS“Toute la vie du camp s’organise pour leur permettre de vivre ensemble et de mieux connaître Dieu. Chaque équipe de péda-lants est non-mixte et composée de douze jeunes, entourés par deux animateurs. Il s’engage à vivre une semaine hors du com-mun, sans téléphone, ni connexion internet. Sa joie est dans le partage de temps forts et d’amitiés.

leS JauNeS (16-18 ANS) “LES STAffS“Le Staff s’engage à donner son énergie, son temps, ses talents au service des autres.Son rôle : animer certains temps de la vie du camp. Installer les lieux de campement. Son pélé est ponctué de temps spirituels et de jeux.

leS BleuS (17 - 25 ANS) “LES ANIMS“L’anim est responsable des collégiens, c’est un bénévole au service des jeunes. Son rôle : pédaler avec les collégiens et assu-rer leur sécurité, animer une vie d’équipe et être à l’écoute de chaque pédalant.

leS ROuGES eT leS verTS (22-77 ANS) “TTv eT aBS“Il s’engage à être au service des jeunes et de la vie du camp.Son rôle : En fonction de son engagement, il préparera les repas ou les lieux de cam-pement, protègera le parcours, réparera les vélos, soignera les bobos, éveillera au ques-tionnement spirituel.

160 personnes, de tous les âges, se re-trouvent pour vivre un pèlerinage de Quézac à rocamadour.

Pour les staffs, anims, TTV et ABS, cette aventure le 16 août. Inscris-toi à partir du 1er avril 2020 sur le site [email protected] 42 26 02 52facebook : Pélé VTT CantalInstagram : pelevtt15

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Bannières de la confrérie du scapulaire dans l’église de Pierrefort.

Bannières de l’église de sainte-anastasie, vers 1820

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LES BANNIèRES DE CONfRÉRIES, uN PATRIMOINE fRAGILE

Le patrimoine des bannières de notre dio-cèse remonte rarement au-delà du XIXe siècle. Pourtant, leur usage est attesté dès le Moyen Âge. Ces objets, trop sou-vent considérés comme « insignifiants », en disent pourtant long sur l’histoire des paroisses : présence de confréries, impor-tance d’un culte, rôle des saints locaux et existence d’un pèlerinage local, les ban-nières gardent la mémoire éphémère de ces moments de la vie paroissiale.

Elles témoignent aussi de la vitalité du sentiment religieux tout au long du XIXe siècle, car les bannières étaient utilisées lors des pèlerinages et des processions, fort nombreux et très suivis par les po-pulations locales qui avait peu l’occasion de se « distraire ». Le Père Chabau, vers 1880, nous en donne un aperçu à propos du pèlerinage de Notre-Dame du Château à Saint-Christophe-les-Gorges : « Cette procession qui se faisait déjà longtemps avant la Révolution française, est des plus pittoresque : la longue file des pèlerins suivant lentement le sentier qui serpente sur les flancs du rocher ; les étendards qui flottent au vent, le chant des cantiques se perdant dans l’espace ; le son argentin des deux cloches de Notre-Dame répété par les échos des vallées profondes […] tout est fait pour charmer l’imagination, enchanter les sens, attendrir le cœur et jeter dans l’âme un sentiment vaguement mélangé de poésie, de religion et de pié-té ». Chaque paroisse arborait plusieurs

bannières, vantait ses saints, mais pour autant peu d’exemplaires ont été conser-vés. Techniquement, les bannières se ré-partissent en trois grandes catégories : des toiles peintes cousues sur une soie agrémentée de galons, de broderies et de franges (première moitié du XIXe siècle) ; les bannières en soie ou en velours sur lesquelles le personnage a été cousu en relief en utilisant des chromos pour la tête et les membres, et diverses étoffes pour composer le costume (seconde moitié du XIXe siècle) ; des soies brodées de motifs décoratifs. La plus ancienne bannière du Cantal est celle de l’abbatiale Saint-Gé-raud d’Aurillac, conservée au musée d’art et d’archéologie. Elle présente d’un côté la figure de saint Géraud, dans son icono-graphie de l’époque moderne, tenant la maquette de son église à la main, celle-ci étant la réplique de la véritable église telle qu’on pouvait la voir dans la seconde moi-tié du XVIIe siècle.

L’ancienne bannière du tiers ordre du Carmel de Pierrefort, dont il ne restait que quelques membres vers 1820, était peinte sur deux toiles cousues ensemble. Elles remontent peut-être à la fin du XVIIIe

siècle, mais à l’exception de quelques rares exemples, les bannières du Cantal relèvent du XIXe et du début du XXe siècle.

Elles accompagnent indéniablement la refonte des confréries amorcée par Mgr de Salamon et de Gualy et officialisée par Mgr de Marguerye entre 1840 et 1850.

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Pour en savoir plus : Pascale et Pierre Moulier, Trésors des églises du Cantal, comprendre le patrimoine mobilier de nos églises, éditions de la Flandonnière, 2016, p. 163-167.

Jean-Baptiste Chabau, Pèlerinages et sanctuaires de la sainte Vierge dans le diocèse de Saint-Flour, Paris-Aurillac, 1888, p. 160.

La Vierge est très largement représentée mais il faut préciser à quel type d’ico-nographie nous avons affaire car dans de nombreux cas, c’est la scène de l’As-somption ou de l’Immaculée Conception qui est représentée. Il faut en chercher l’origine dans la création, vers 1840, de nombreuses congrégations à destina-tion des jeunes filles, placées sous le titre de L’Assomption ou de l’Immaculée Conception.

À Sainte-Anastasie, on trouve une belle bannière qui montre sainte Agnès, pa-tronne des tertiaires aux côtés de saint Louis de Gonzague (sous le titre duquel on plaçait souvent les congrégations d’en-fants de Marie) et au verso, une Remise du Rosaire (scène fondatrice des confréries du Rosaire, très répandues). Cette ban-nière illustrait à elle seule la présence de deux, voire trois confréries. Plusieurs ban-nières représentent les saints patrons ou titulaires du lieu. Elles étaient arborées le jour de la fête patronale.

Pascale MoulierArchiviste diocésain

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Bannières dans l’église saint-Géraud vers 1900, cliché archives diocésaines.

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PRIER MARIE AVECLES ChRÉTIENS

d’orieNT

l’œuvre d’orient20 rue du Regard - 75006 Paris01 45 48 54 46 [email protected] : @OeuvredOrientTwitter : OeuvredOrientwww.oeuvre-orient.fr

Sous votre protection, ô très sainte Mère de Dieu, les chrétiens des Églises d’Orient ont toujours trou-vé refuge.

Rassemblez les chrétiens d’Orient et d’Occident dans l’amour de votre fils

afin que l’unité des Églises ressemble à celle de la Tri-nité Sainte du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Donnez-leur le courage dans les épreuves, la pa-tience dans la persécu-tion, l’espérance dans les conflits.

Ô Vous, vraie fille d’Abra-ham, faites que les fidèles des trois religions, juive, chrétienne et musulmane, se traitent fraternellement en fils et filles du même Père.

Qu’ils recherchent la paix en cette terre où parut le Prince de la Paix. Dans la fidélité à l’Église et à sa mission, inspirez aux frères d’occident la gra-titude envers leurs frères d’Orient et à tous la cha-rité qui fait vivre et croire au salut que le Père offre à tous les hommes.

Ô Vierge. comblée de grâce et de bénédiction. intercédez pour nous.

Prière de l’œuvre d’Orient