n° 282 juillet 1999 fédération internationale des ligues ... · plaidoyer pour une paix durable...

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Cour pénale internationale : il y a un an déjà ... p. 2 L’Afrique et la Cour pénale internationale : plaidoyer pour une paix durable par la jutice p. 4 Enjeux de la Commission préparatoire pour la CPI et bilan de sa première session p. 5 Les victimes au coeur des débats sur la Cour pénale internationale p.12 L’indépendance et l’universalité de la future Cour pénale internationale restent menacées p.18 Justice pénale internationale : tous les espoirs sont permis p.20 Rapport de position Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme Rapport Cour pénale internationale : les nouveaux défis Hors série de la Lettre bimensuelle de la FIDH n° 282 Juillet 1999 Ont par ticipé à la rédaction de ce rappor t : Sidiki Kaba, Président de l’ONDH (Sénégal) et Vice-président de la FIDH William Bourdon, Secrétaire général de la FIDH Jean-Pierre Getti, chargé de mission auprès du Bureau exécutif de la FIDH et coordinateur du “Groupe d’action judiciaire” de la FIDH Jeanne Sulzer, chargée de programme “Cour pénale internationale” Emmanuelle Duverger, responsable Afrique et Justice internationale

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Page 1: n° 282 Juillet 1999 Fédération Internationale des Ligues ... · plaidoyer pour une paix durable par la jutice p. 4 Enjeux de la Commission préparatoire pour la CPI et bilan de

Cour pénale internationale : il y a un an déjà ...p. 2

L’Afrique et la Cour pénale internationale :plaidoyer pour une paix durable par la jutice

p. 4Enjeux de la Commission préparatoire pour la CPI

et bilan de sa première sessionp. 5

Les victimes au coeur des débats sur la Courpénale internationale

p.12L’indépendance et l’universalité de la future Cour

pénale internationale restent menacées p.18

Justice pénale internationale : tous les espoirssont permis

p.20

Rapport deposition

Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme

Rapport

Cour pénale internationale : les nouveaux défis

H o r s s é r i e d e l a L e t t r e b i m e n s u e l l e d e l a F I D H

n° 282Juillet 1999

Ont participé à la rédaction de ce rapport :

Sidiki Kaba, Président de l’ONDH (Sénégal) etVice-président de la FIDHWilliam Bourdon, Secrétaire général de laFIDHJean-Pierre Getti, chargé de mission auprèsdu Bureau exécutif de la FIDH et coordinateurdu “Groupe d’action judiciaire” de la FIDH

Jeanne Sulzer, chargée de programme “Courpénale internationale”Emmanuelle Duverger, responsable Afrique etJustice internationale

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Cour pénale internationale : il y a un andéjà ...

Le 10 juin 1998, plus de 140 délégationsgouvernementales, des centaines d’organisations non-gouvernementales et des représentants d’organisationsinter-gouvernementales se sont réunis pour tenter,ensemble, d’achever l’un des plus ambitieux projet dusiècle : la création d’une Cour pénale internationale (CPI).

Tous s’accordent à dire que la Conférence de Rome n’étaitpas une conférence comme les autres. L’enjeu historiqueque représentait l’adoption du Statut de la premièrejuridiction pénale inter-nationale permanentechargée de poursuivre lespersonnes physiques, aconduit les Etats à faire denombreux compromispolitiques afin d’aboutir àun texte acceptable parune minorité d’Etats dontla place, dans le concer tdes nations, étaitconsidérée commedécisive. De plus, jamaisla présence desorganisations non gouver-nementales (ONG) n’a euautant d’influence surl’issue finale d’unenégociation internationale.

Difficiles défis à surmonteren ef fet, que celuid’harmoniser lesimpératifs des deuxprincipaux systèmes dedroit que sont le droitcontinental et la commonlaw, que celui de remettreen cause la souverainetétraditionnelle des Etats surleurs ressor tissants quereprésente par définition une juridiction pénalesupranationale, que celui de tenter de trouver dessolutions juridiques à la situation d’impunité dontjouissaient jusqu’alors les auteurs des crimes les plusabominables.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la découvertede l’inexplicable, de l’abominable réalité de la Shoah a

été le détonateur du bouleversement de l’ordre établi. Dela politique des œillères au « plus jamais ça », les Etatset la société civile internationale ont, à partir de 1948,mis en œuvre un chantier gigantesque qui a aboutit àl’adoption du Statut de la CPI.

La principale caractéristique des tribunaux pénaux pourl’ex-Yougoslavie et le Rwanda, respectivement mis enplace pour poursuivre les auteurs de crimes commisantérieurement à leur création, est la répression et nonla prévention des conflits. La compétence de la Cour nesera pas rétroactive, en ce qu’elle ne pourra connaîtreque des crimes commis après son entrée en vigueur.Ainsi, son effectivité et sa mise en place doivent donc

être les plus rapidespossibles, sans quoi,d’une par t, les ef fetsdissuasifs et préventifsde la justice auront peineà s’appliquer et d’autrepar t les criminelsresteront impunis.

La lourdeur desprocédures de révisionconstitutionnellequ'implique par fois laratification du Statut dela CPI, ne peut expliquerà elle seule la lenteurmise par ces mêmesEtats à déposer lesinstruments de cetteratification.

On observera toutd'abord qu'il y auraitquelque inconvenance dela part de ces Etats à nepas mettre le mêmedynamisme à ratifier leStatut que celui déployéà en célébrer l'adoption.Cer tains d’entre euxn'ont pas manqué dejustifier l'intervention

militaire au Kosovo par l'obligation impérieuse d'agir pourprotéger un peuple en danger de mor t. En d'autrestermes, il est et il sera évidemment contradictoire, d'agirmilitairement d’une main au nom des valeurs universelleset, de l'autre, de refuser que ces mêmes valeursuniverselles dictent le choix d'une ratification rapide par

Rapport de position

Etat des signatures et ratifications (*)du Statut de la Cour pénale internationale

au 23 juillet 1999 : 83 signatures et 4 ratifications

Afrique duSudAlbanieAllemagneAndorreAngolaAntigua etBarbudaArgentineAustralieAutricheBelgiqueBolivieBulgarieBurkina FasoBurundiCamerounCanadaChiliColombieCongo-Brazzaville

Costa RicaCote d'ivoireCroatieChypreRépubliqueTchèqueDanemarkDjiboutiEquateurErythréeeEspagneFinlandeFrance GabonGambieGéorgieGhanaGrande-BretagneGrèceHaïtiHonduras

HongrieIslandeIrlande*ItalieJordanieKyrgyztanLettonieLesothoLiberiaLiechtensteinLituanieLuxembourgMacédoineMadagascarMalawiMaliMalteMauriceMonacoNamibieNigerNouvelle-Zélande

NorvègeOugandaPanamaParaguayPays BasPolognePortugalRoumanieSamoa*San Marin*SénégalSierra LéoneSlovaquieSlovénieIles SalomonSuèdeSuisseTadjikistan*Trinidad etTobagoVenezuelaZambieZimbabwe

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le plus grand nombre d’Etats.

Nous savons également que les conditions danslesquelles se tiendra le procès pénal international devantla CPI ne sont pas complètement définies.

Le projet de règlement de procédure et de preuve doitêtre adopté avant le 30 juin 2000. Ce texte définiranotamment si la Chambre préliminaire sera une véritablejuridiction d'instruction, de sorte que le procès puisse setenir dans les meilleurs délais et de façon efficace ou sielle ne sera, comme le souhaite un certain nombre depays de tradition juridique dite du common law, qu'unesimple étape processuelle qui laissera le champ libre auxparties, et particulièrement à la défense, d'engager desempiternelles discussions sur la preuve, sa validité,comme elle l'a fait abondamment devant le Tribunal pénalinternational de La Haye pour l’ex-Yougoslavie.

Il est clair enfin que l'entrée en vigueur de la CPI ne suffirapas pour garantir un haut niveau d'efficacité dans la luttecontre l'impunité.

En effet, cette Cour ne fonctionnera pleinement que si,simultanément - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - lagrande majorité des Etats adopte et incorpore dans leurordre public interne, les dispositions relatives à lacompétence universelle résultant par exemple des quatreConventions de Genève du 12 août 1949 ou de laConvention contre la tor ture et autres peines outraitements cruels, inhumains ou dégradants du 10décembre 1984

Au terme de ces dispositions, les Etats sont dansl’obligation d'arrêter toute personne suspectée d’avoircommis l’un des crimes visés par ces Conventions et setrouvant sur leur territoire. Ainsi, ce sera le respect decette obligation, aux delà des injonctions de la CPI, quifavorisera le niveau de coopération dont cette dernièreaura besoin pour garantir l'identification, l'arrestation, etle jugement des suspects.

Cela n'est pas tout.

Paradoxalement s'agissant des deux crimes les plusgraves, soit le crime contre l'humanité et le crimegénocide, il n'existe à leur égard aucun mécanismecaractéristique de la compétence universelle.

Il s'agit donc d'un autre chantier auquel doivent s'attelerles Etats : celui d'harmoniser à l'échelon national lesmécanismes de compétence universelle s'agissant desquatre crimes visés par l'article 5 du Statut de la CPI*.

Par ailleurs, le Statut de la CPI est évidemment

hypothéqué par l'article 124, introduit en dernière minutepar la France et qui permet à un Etat, au moment où ildépose son instrument de ratification, de décliner lacompétence de la Cour s'agissant des crimes de guerrequi ont été commis par ses nationaux et ce, pendant unepériode dite transitoire de sept années.

Il y a eu et il y aura toujours un décalage difficile à comblerentre le caractère funeste de cette disposition et l'absencede débat public en France à ce sujet.

Au moment où chacun se félicite de la mise en accusationde Slobodan Milosevic par le Procureur du Tribunal pourl’ex-Yougoslavie, les militaires français n'ont rien à craindredu Statut, tant a été incorporé florilège de mécanismespermettant pour l'essentiel aux Etats d'avoir le derniermot.

La France, si elle agissait conformément aux déclarationsde ses représentants en déclinant la compétence de laCour pour les crimes de guerre, donnerait le mauvaisexemple et il importe qu'il ne soit pas suivi, à l’instar del'Italie qui vient de déposer son instrument de ratificationsans avoir opté pour l'article 124.

S'agissant de la lutte contre l'impunité, il ne faut passimplement se payer de mots, sauf à mépriser lesvictimes. La CPI peut être l'outil majeur qui leur manquaitpour peu que les Etats accélèrent le r ythme de laratification, incorporent et harmonisent les mécanismesde compétence universelle, jouent le jeu et désignent,quand il sera temps de le faire, des hommes et desfemmes pour animer la CPI, connus pour leurindépendance d'esprit et non pour leur docilité.

* L’article 5 prévoit que « la Cour a compétence à l’égard des crimes suivants :le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le crimed’agression ». S’agissant du crime d’agression, la Cour n’exercera sa compétenceque lorsqu’une définition de ce crime aura été adoptée par l’Assemblée des Etats

Parties.

William BourdonSecrétaire général de la FIDH

CPI : les nouveaux défis

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L’Afrique et la Cour pénaleinternationale : plaidoyer pour une paixdurable par la justice

L’adoption du Statut por tant création de la CPI, le 17juillet 1998 à Rome, constitue un moment historique dela conscience publique internationale dans sa longue ettumultueuse quête d’une justice universelle.

C’est une victoire incontestable des défenseurs des droitsde l’Homme. Leurs actions multiformes, durant cesnombreuses années, auprès de leurs opinions publiquesnationales, de leurs institutions étatiques et desmécanismes onusiens de protection des droits del’Homme ont por té leurs fruits, transformant ainsi unvieux rêve en une éclatante réalité dont les principalesétapes d’exécution ont été marquées par la création dutribunal militaire de Nuremberg et la mise en place desdeux tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.

La route de Rome avait, auparavant, fait une bifurcationpar Dakar où la conférence ministérielle régionaleafricaine, organisée sous l’égide des Nations Unies, avaitadopté par consensus, le 6 février 1998, les grandeslignes du projet de statut de la future Cour débattu etdéfinitivement retenu dans la capitale italienne.

Cette importante réunion avait été précédée, le 4 février1998 à Dakar, par le forum des ONG des droits humainsqui ont mis à profit ces assises pour harmoniser leurspositions et affiner leurs stratégies d’action dans l’optiqued’une participation plus efficace aux travaux de Rome.

Il faut retenir de l’étape de Dakar que l’Afrique avait donnédes signaux forts d’un réel engagement pour la créationd’une Cour pénale internationale.

Elle avait diagnostiqué que parmi les nombreuses causesde violences (extrême pauvreté, antagonismes ethniqueset religieux, déficit démocratique, malgouvernance...),l’impunité constituait la source principale des conflitssanglants qui endeuillent le continent.

Ses ravageuses conséquences ont installé plusieursrégions africaines dans une furie meurtrière qui trancheavec les valeurs traditionnelles d’humanité de l’Afrique.

Le choix d’une lutte résolue contre l’impunité était donccelui de l’espoir. L’espoir d’instaurer la paix par la justicequi passe par le jugement des criminels de guerre, desauteurs des crimes contre l’humanité, des génocidaireset de tous ceux qui ont inscrit leurs actions dans la

commission des crimes qui violent la conscience humaineuniverselle.

Or, ils sont légion dans notre continent. Ils doivent doncrendre compte à la justice.

Ne nous voilons pas la face. Une réconciliation entre lebourreau et sa victime n’a aucune chance de prospérersi elle repose sur un pardon arraché à celle-ci. Doit-onmettre au compte des pertes et profits du banquet de laréconciliation nationale la vie d’innocentes victimes ?Doit-on sacrifier sous l’autel de la paix les victimes de lacruauté mor telle des ninjas ou cobras du CongoBrazzaville qui tuent gratuitement, des extrémistes Hutusdu Rwanda qui ont froidement exécuté la minorité Tutsiet les hutus modérés, des rebelles du RUF qui ont infligéles pires atrocités sur les populations civiles sierraléonaises en les mutilant lors de leur retraite de Freetown?

Que non ! Le pardon n’est pas l’oubli. Ni l’un, ni l’autrene fonde la justice. Celle qui apaise la victime ou sesayants-droit en réparant le tort fait, celle qui extirpe ducoeur la haine ou la soif légitime de vengeance.

C’est pourquoi, l’Afrique doit résolument prendre la têtede l’universelle croisade pour la ratification massive dutraité de Rome d’autant plus que c’est un pays africain,le Sénégal, qui a été le premier Etat au monde à le faire.

Elle doit, en même temps, ratifier largement le Protocoleadditif portant création de la Cour Africaine des droits del’Homme et des Peuples du 9 juin 1998.

Mais elle doit sur tout, ici et maintenant, donner lesmanifestations concrètes de cette volonté de lutte contrel’impunité en déferrant devant les institutions judiciairesnationales les auteurs de tels crimes. Les juridictionsnationales doivent constituer les contre-pouvoirs essentielsdestinés à freiner les inacceptables dérives de l’Etat.Mais aussi elles doivent pouvoir, en toute indépendance,châtier les coupables, acquitter les innocents, laverl’honneur bafoué du citoyen...

C’est cette justice, au triple niveau, national, régional etinternational qui peut apporter une contribution décisiveà la paix. Celle qui garantit le droit au développement dechacune et chacun et celle qui of fre les meilleureschances d’un plein épanouissement individuel et collectif.

Sidiki KabaPrésident de l’ONDH (Sénégal)Vice-président de la FIDH

Rapport de position

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Enjeux de la Commission préparatoirepour la CPI et bilan de sa premièresession

Du 16 au 26 février 1999, s'est tenue la première sessionde la Commission préparatoire pour la Cour pénaleInternationale, première réunion de tous les Etatsmembres de l'ONU en application de l'Acte Final du Statutde la Cour Pénale Internationale (CPI), première juridictionpénale supranationale, permanente et universelle.

I - Mandat et portéepolitique de la Commissionpréparatoire pour la CourPénale Internationale(Résolution F de l'ActeFinal)

En application de laRésolution F, paragraphe5 de l'Acte Final, laCommission élabore despropositions concernantles dispositions pratiquesà prendre pour que la Courpuisse être instituée etcommencer à fonctionner.

La Commission élaboredes propositions en vue deleur adoption, in fine, parl'Assemblée des EtatsParties (AEP). En ef fet,lorsque le Statut de la CPIaura été ratifié par 60Etats (article 126.1 du Statut), la Cour entrera en vigueuret, consécutivement, l'AEP tiendra sa première session.L'AEP sera composée d'un représentant par Etat Partie.Elle aura au commencement mandat (article 112 2.a duStatut) d'examiner et d'adopter les recommandations dela Commission préparatoire. Selon le paragraphe 7 dumême article, les décisions sur les questions de fondseront prises à la majorité des deux tiers des présentset votants, alors que les décisions sur les questions deprocédure seront prises à la majorité simple des EtatsParties présents et votants.

En sus des négociations elles-mêmes, la réussite de laCommission préparatoire dépend, entre autres de la

rapidité de l'entrée en vigueur de la CPI (1) et, du refus,par les délégations, de renégocier la compétence de laCour (2).

1 - Lors de la première session de la Commission, on apu déceler une tendance de la par t de cer tainsgouvernements, s'apparentant à une volonté d'attendrela fin des travaux de la Commission avant de commencerleur processus interne de ratification. Ce fait ne sauraitvalablement servir de justification permettant de remettreà plus tard la ratification du Statut de la CPI.

Il est impor tant de rappeler aux délégationsgouvernementales, qu'il est au contraire dans leur intérêt

paradoxalement, d'êtredans les 60 premiers Etatsà ratifier le Statut de laCPI. En effet, en tant quefuturs membres de l'AEP,ils par ticiperontdirectement au "decision-making process".

Ainsi, seuls les Etats quiauront ratifié le Statutauront la possibilité dedécider ou non del'insertion des propositionsnégociées lors dessessions de laCommission préparatoire.Le Règlement deprocédure et de preuve,ainsi que les Elémentsconstitutifs des crimesseront adoptés par unemajorité des 2/3 de l'AEPlors de sa premièresession. De plus, si la CPI

entre en vigueur avant la fin des travaux de laCommission, les Etats Par ties à la CPI jouiront, audétriment de ceux n'ayant pas encore ratifié, d'une plusgrande autorité politique lors des négociations et pourrontplus facilement influencer l'agenda de travail.

2 - La Commission préparatoire a été convoquée à la suitede l’adoption de la Résolution 53/105 de l'AssembléeGénérale des Nations Unies du 8 décembre 1998 qui"reconnaît l'importance historique de l'adoption1 du Statutde Rome de la CPI" (paragraphe 1) et invite laCommission à rechercher "les moyens de rendre la Courplus efficace et mieux acceptée" (paragraphe 4).

CPI : les nouveaux défis

Lors des différentes sessions de la Commission préparatoire, lesEtats devront élaborer des propositions concernant :

- une projet de règlement de procédure et de preuve

- une définition des éléments constitutifs des crimes

- un projet d'accord appelé à régir les relations entre la Cour etl'ONU

- un projet de principes de base devant régir l'accord de siège quisera négocié entre la Cour et le pays hôte

- un projet de règlement financier et de règles de gestion financière

- un projet d'accord sur les privilèges et immunités de la Cour

- un projet de budget pour le premier exercice

- un projet de règlement intérieur de l'Assemblée des Etats Parties(AEP).

- des propositions en vue de l'adoption d'une disposition relative àl'agression, qui comprendra un définition et les éléments constitutifsde ce crime

Pourtant, seuls le projet de Règlement de procédure et de preuveet la définition des éléments constitutifs des crimes doivent êtremis au point avant le 30 juin 2000.

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Si les Etats-Unis ont accepté de se joindre au texte de larésolution, alors même qu’ils sont un des sept Etats aavoir refusé l’adoption du Statut, c’est grâce à l'insertion,in fine du paragraphe 4 susmentionné qui, selon eux,permet aux délégations d'engager de sérieusesdiscussions sur la manière d'accroître l'ef ficacité etl'acceptation de la Cour par tous2. Lors de la séance declôture de la session de février, le Président de laCommission, M. Philip Kirsch, a désigné M. CristianMaquiera3 du Chili comme «personne de contact»concernant «la demande figurant au paragraphe 4 de larésolution 53/105»4.

Cette prise en compte of ficielle des préoccupationsaméricaines par lePrésident de laCommission, alors que lereste des coordinateursnommés l’a étéuniquement sur desquestions relatives à larésolution F de l’Acte Finaldu Statut, illustre la placestratégique que les Etats-Unis continuent de jouer.

II - Etat des participations

Selon Philip Kirsch, plusde 120 Etats auraientparticipé à la session defévrier. Comme à Rome,on a pu assister à denombreuxrassemblements degroupes régionaux telsque les pays de laSADC5, présidée parl'Afrique du Sud ouencore les pays dugroupe arabe. Des tentatives de regroupement des paysafricains francophones ont été entreprises, souvent àl'initiative des ONG. On peut regretter cependant l'absencetotale de cohésion des pays de l'Union européenne etplus encore l’absence de position commune. Toutefoisune déclaration de la délégation allemande, alors à laprésidence de l'Union européenne a été présentée le jourde l'ouverture des négociations, le 16 février 1999. Cettedéclaration est restée très superficielle quant aux enjeux

des travaux de la Commission.

Enfin, il faut noter que deux Etats, pour des raisonsdiamétralement opposées, continuent de se distinguer.Les Etats-Unis, de par leur isolement à la suite de leurrefus de voter l’adoption du Statut à Rome, maiségalement en raison de leur politique d’obstruction menéeautour de la Cour ou de leurs propositions très restrictivessur les Eléments constitutifs des crimes. La France, quantà elle, joue un rôle unique à la table des négociations àplusieurs titres : son refus réaffirmé d’adhérer au groupedes Etats Pilotes, sa faculté à ne pas céder devant ladélégation américaine et, bien entendu, sa position cléau sein des pays francophones surtout africains. De plus,

la France est le por te-parole de la tradition diteciviliste, continentale.Cette positionrevendiquée, signifie enpratique que la France està l’origine de nombreusespropositions visant à unre-équilibrage des règlesde procédure vers desrègles mixtes, alliant lesimpératifs des deuxsystèmes de droit dans lemonde. Enfin, son combaten faveur de lapar ticipation et de laprotection des victimes, etl’initiative de l’organisationdu Colloque de Paris6, enfait un acteurincontournable desnégociations.

Le groupe des “Etats-pilotes” a continué à tenirdes réunions régulièresentre la fin de laConférence de Rome et

les débuts de la première session de la Commission. Ila cependant fallu, pour la cohésion et la lisibilité politiquedu groupe, que soient redéfinis de nouveaux principespermettant l'acceptation ou le refus de nouveauxmembres. A Rome, 6 piliers fondamentaux avaient étéadoptés illustrant six principes considérés commefondamentaux comme notamment l’indépendance duProcureur ou encore la compétence automatique de laCour pour les crimes du « noyau dur » (crime de génocide,crime de guerre, crime contre l’humanité et crime

Rapport de position

Afrique du Sud Allemagne Andorre Argentine Autriche Australie Belgique Bénin Bosnie Herzegovine Brésil BruneiBulgarie Burkina Faso Burundi Canada Chili Congo (Brazzaville) Costa Rica Côte d'Ivoire Croatie République Tchèque Danemark Egypte

Estonie Espagne Fiji Finlande Gabon Géorgie Ghana Grande Bretagne Grèce Hongrie Islande Irlande Italie Jordanie Lettonie Lesotho LituanieLiechtensteinLuxembourg Malawi Malta Namibie Pays Bas

New ZélandeNorvègePhilippines PolognePortugalRep. de CoréeRoumanie Samoa Sénégal Sierra LeoneSingapourSlovaquie Slovénie Salomon (Iles)Swaziland Suède Suisse Trinidad et TobagoVenezuela Zambie Zimbabwe

Le groupe des "Etats-pilotes", présidé par l'Australiecompte à ce jour plus de 60 pays :

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d’agression). Une fois le Statut adopté, ces principes ontperdu de leur sens. Le groupe des "Etats-pilotes" sereconnaît aujourd'hui comme un groupe d'Etats ayanttous la même volonté politique de signer et ratifier auplus vite le Statut de la CPI et reconnaissant la nécessitéd’achever dans les temps les tâches impar ties à laCommission telles que prévues par la résolution F del'Acte Final.

III - Bilan des négociations

La première session de la Commission a été ouverte parle Secrétaire général de l'ONU. Ainsi, M. Kofi Annan arappelé les enjeux de la Commission, ainsi que lanécessité de trouver un accord sur la définition du crimed'agression ("l'un des crimes qui menace le plus l'ordreinternational"). Il a ensuite insisté sur la nécessité derechercher "des moyens de rendre la Cour plus efficaceet mieux acceptée", faisant ainsi directement écho auxrevendications américaines. Cette dernière remarque estregrettable, d'autant qu'elle émane du plus hautfonctionnaire des Nations Unies.

A - Les Eléments constitutifs des crimes

Contexte

Les Eléments constitutifs des crimes sont le fruit descompromis politiques décidés à Rome dans les derniersjours des négociations destinés à permettre le ralliementde certains Etats et notamment des Etats-Unis. Déjà, le19 juin 19987, une proposition américaine relative aux"Eléments de la définition des crimes visés au ChapitreII" avait été faite. A l'époque, le texte était présentécomme devant constituer une Annexe au futur Statut dela CPI. De plus, il s'étendait à toute une série de crimesqui n'ont finalement pas été retenus comme crimes du"noyau dur" ressortissant de la compétence de la Cour.

Pour de nombreuses délégations, l'existence même dutexte a constitué un facteur de mécontentement.

Références aux Eléments des crimes dans le Statut

Les Eléments constitutifs des crimes sont mentionnés àl’ar ticle 9 du Statut comme pouvant aider la Cour "àinterpréter et appliquer les articles 6, 7 et 88 » du Statutet devront, une fois la Cour entrée en vigueur, êtreapprouvés à la majorité des deux tiers des membres del'Assemblée des Etats Parties. Le choix du verbe "aider"

est important. En effet, en théorie, le texte relatif auxEléments des crimes est indépendant au Statut. Ainsi,les juges peuvent y faire référence lors de la qualificationau fond des éléments de l'affaire, mais ils ne sont pasliés par le caractère cumulatif des éléments, ni même parle contenu de ces derniers.

L'applicabilité juridique des éléments par la Cour estprévue à l'ar ticle 21 du Statut qui dispose que la Courapplique "en premier lieu, le présent Statut, le Règlementde procédure et de preuve et les Eléments constitutifsdes crimes". En cas de conflit entre le Statut et lesEléments constitutifs des crimes, le Statut prévaut surles autres sources juridiques.

En outre, il est précisé que les éléments devront être entout point conformes au Statut9, et être compatibles avecles droits de l’Homme internationalement reconnus etexempts de toute discrimination.10

Analyse de la proposition américaine11

La structure du texte américain est intéressante :

1. Issues notamment des rencontres bilatérales entre lesEtats-Unis et la France, les "Observations générales"figurent en chapeau de la proposition américaine. Auparagraphe 1 des Observations, le document américainprécise que "concrètement [...] les éléments constitutifsproposés décrivent les faits qui, s'ils étaient établis,permettraient de conclure à la culpabilité de l'accusé etjustifieraient sa condamnation". Cette affirmation va audelà d’une simple "aide" proposée aux juges. Les termeschoisis sont directifs, et, appliqués à la lettre, ilsréduiraient singulièrement le pouvoir d'appréciation etd'interprétation des juges.

En théorie, les "Observations générales" précisent queles Eléments constitutifs "n'apportent aucun changementà la définition des crimes, ils ne modifient pas lacompétence de la Cour, ils sont conformes au Statut"12.Pour tant, l'observation n° 2 prévoit que pour êtrequalifiées, de nombreuses infractions, en sus de laconnaissance par l'accusé de l’acte répréhensible, doiventinclure un élément moral qui se caractérise par l'intentioncriminelle, le mens rea.13 Or le mens rea, n’est pas unecondition de l'élément psychologique du crime tel quedéfini dans le Statut en son article 30.

Ainsi, une lecture attentive du texte montre clairementqu’il existe de la part de la délégation américaine unetentative de redéfinition des crimes adoptés à Rome,directement orchestrée par le Pentagone.14

CPI : les nouveaux défis

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2. La section "Terminologie" dresse une liste dedéfinitions des termes employés dans le document. Lesdéfinitions reprennent des termes et des notions déjànégociées à Rome et donc portent atteinte à l’intégritédu Statut.

3. Le corps de la proposition américaine comprend pourchaque crime, une liste des éléments constitutifs.L’énumération ainsi faite équivaut à conditionner laqualification du crime à la preuve de l’existence de chaqueélément constitutif. Le danger tient précisément au faitque les éléments ont un caractère cumulatif et nonalternatif.

4. Enfin, la Partie VI de la proposition américaine15 estune innovation complète. Intitulée "Commencementd'exécution", elle regroupe des notions aussi diversesque la tentative de crime ou encore la question de laresponsabilité des supérieurs hiérarchiques et tente ainside remettre en cause des notions longuement négociéesà Rome.

Au cours des discussions, la France a proposé l'ajoutd’une section "Commentaires" sous chaque liste deséléments constitutifs contenant des référencesjurisprudentielles, prenant comme exemple lajurisprudence Akayesu16 du Tribunal pénal internationalpour le Rwanda (TPIR) pour illustrer le crime de génocide.

La seule alternative à la proposition américaine a été uneproposition conjointe de la Suisse et de la Hongrieconcernant l'article 8.2 a) relatif aux crimes de guerre.Enfin, à l'initiative de la Belgique, de la Finlande, del'Afrique du Sud, du Costa Rica, de la Suisse et de laHongrie, le document rédigé par le CICR17 a été présentécomme document of ficiel de travail. Ce document nes'attache qu’à la définition des violations graves auxConventions de Genève de 1949 et apporte une expertisethéorique et jurisprudentielle. Il faut noter qu'à cetteoccasion, le porte-parole du CICR s’est exprimé plusieursfois en séance plénière, apportant une contribution neutreet strictement juridique. Il faut se féliciter de l'évolutionpositive illustrée par le rôle de plus en plus indispensabledes organisations inter-gouvernementales et des ONGdepuis et après Rome.

Les pays du Groupe arabe ont déposé un documentanalytique sur l’usage de la section « terminologie » etles éléments du crime de génocide18. Ils rappellent lanécessaire indépendance entre le texte sur les Elémentsdes crimes et le Statut et reviennent sur l'article 9 quidispose qu’aucune modification ne peut être apportée àla définition des crimes telle qu'adoptée à Rome.

Etat des négociations

Le 17 février en session plénière, les Etats-Unis ontprésenté leur texte comme étant un assemblage depropositions reflétant l'état actuel du droit international.La question du statut juridique du texte n’a pas étéévoquée. Le débat de fond sur les "ObservationsGénérales" a été également rejeté et remis à l'ordre dujour de la session de juillet-août 1999 de la Commission.

Quasi-unanimement, les délégations ont exprimé leursvives inquiétudes et ont majoritairement refusé que lesdispositions du Statut puissent être de facto révisées.

La proposition américaine, en ce qu’elle établit une sortede « check-list » basée sur des critères cumulatifs etconstitutifs des crimes extrêmement restrictifs, peutapparaître comme une tentative tendant à réduire lepouvoir d’appréciation et d’interprétation des juges. Lerisque doit être pondéré dans la mesure où le Statutprévoit, a priori, des garanties suffisantes d’impartialitéet d’indépendance des magistrats. L’efficacité de la Courdépendra ainsi en grande partie de la volonté et de lapersonnalité des magistrats qui y siégeront.

1. Les travaux de la première session de la Commissionont débuté par l'étude du crime de génocide (article 6du Statut de Rome)

Le Statut définit le génocide comme "l'un des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou enpartie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux[...]19" puis liste les actes répréhensibles. Bien que cesoit l’intention caractérisée qui définisse le crimespécifique de génocide, cet élément intentionnel estextrêmement dif ficile à prouver en pratique. Il a étérappelé que, récemment et ce pour la première fois dansl’Histoire, les juges du TPIR ont dans l'arrêt Akayesu du3 septembre 1998, condamné une personne pour crimede génocide.

L'objectif des Etats-Unis est d’empêcher la connaissancepar la Cour d’un crime de génocide isolé. En théorie, siune personne commet un seul des crimes de la listeprévue à l’article 6 du Statut (« on entend par génocidel’un des actes ci-après commis... »), elle peut être inculpéepour génocide. En pratique, cependant, il est souventnécessaire de démontrer la pratique systématique de lacommission des actes afin de prouver l'intention dedétruire. Ce faisant, il est pratiquement inconcevabled'envisager la preuve d'un crime de génocide sauf siplusieurs actes ont été commis.

Le document de synthèse du coordinateur relatif au crime

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de génocide est le fruit d'un compromis20. Il faut lire :"L'accusé savait ou aurait dû savoir [que ses actes]détruiraient ledit groupe, totalement ou en partie, ou queses actes s'inscrivaient dans une série d'actes analoguesdirigés contre le groupe"21. L'élément intentionnel, lemens rea, demeure un élément constitutif, mais dansune mesure moindre que la proposition initiale.

2. Discussions relatives aux éléments constitutifs descrimes de guerre : article 8.2 a)

L'article 8.2 a) du Statut comprend "les infractions gravesaux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoirles actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou desbiens protégés par les dispositions des Conventions deGenève [...]"22

Des interventions relatives aux propositions américaine,suisse/hongroise et au document du CICR ont étéentendues. Plusieurs points contestés de la propositionaméricaine initiale ont été supprimés dans le texte ducoordinateur. Ainsi, l'élément n° 1 commun à tous lescrimes de guerre précisait que "l'acte a eu lieu au coursd'un conflit armé international". Cette vision restrictiveet contraire au Statut a été rejetée pour admettre laterminologie suivante : "l'acte a eu lieu au cours et dansle cadre [...]" ce qui reflète le droit internationalcontemporain tel qu'interprété par le Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans son arrêtTadic23.

Bien plus inquiétant fut l'insertion de la phrase : "l'actea été commis sans justification ni excuse légitime etl'accusé le savait". En effet, les motifs d'exonération dela responsabilité pénale individuelle sont prévus auxar ticles 31, 32 et 33 du Statut24. De plus, le droitinternational positif reconnaît désormais que l’excuse durespondeat superior est irrecevable.

Enfin, comme pour le crime de génocide, la propositionaméricaine tente d'introduire l’élément intentionnel, lemens rea, ce qui rend la charge de la preuve très difficile.

Le compromis transitoire présenté dans le document desynthèse du coordinateur25 distingue les erreurs de faitdes erreurs de droit. Il faut lire : "Lesdites personnesétaient protégées par une ou plusieurs des Conventionsde Genève et l'accusé avait conscience que lescirconstances justifiaient qu'elles bénéficient de ce statut[...] cet élément précise la connaissance factuellenécessaire tout en spécifiant que l'ignorance desConventions de Genève n'est pas une excuse."26

B - Le Règlement de procédure et de preuve (RPP)

Contexte et références au RPP dans le Statut

Les références au RPP dans le Statut sont nombreuses.Le groupe de travail sur les règles de procédure estcoordonné par Mme. Silvia Fernandez de Gurmendi,membre de la délégation argentine. Il a été décidé quela première session serait consacrée aux négociationssur la par tie V du Statut relative aux enquêtes etpoursuites. Ainsi, quatre stades de la procédure ont étéabordés :

- la phase préliminaire du procès et plus particulièrementavant l’ouverture de l’enquête par le Procureur (article53 du Statut)

- la décision du Procureur de ne pas ouvrir d’enquête oude ne pas lancer de poursuites, ainsi que la procédureen cas de demande de réexamen de la décision devantla Chambre préliminaire (ar ticle 53 et références auxarticles 13 et 14)

- la procédure de confirmation des charges (articles 58et 61)

- la divulgation et l’échange de preuves avant l’audiencede confirmation des charges (article 61)

Etat des négociations

Le document de travail de base est la propositionaustralienne27 dont le contenu reflète une propositionaustralo-hollandaise présentée lors du Comité préparatoirepour la CPI de 1996. Le document australien couvre latotalité du Statut, bien que cer taines règles soientl’énoncé de principes généraux. Le document reflète lavision strictement anglo-saxonne de la procédure pénale.La délégation française, cependant, a refusé que lesystème anglo-saxon soit le droit applicable par défautdu futur Règlement de procédure et de preuve. Dans cecombat, la France se trouve isolée. Afin d’éviter cet écueil,la délégation française a introduit des propositionspermettant un re-équilibrage des deux grands systèmesde droit.

Les propositions françaises font référence aux parties IIet V du Statut28 uniquement. Ces propositions concernentla phase préliminaire de la procédure. En ce sens, ellesse placent en amont des propositions australiennes etrappellent que la France a été à l’initiative de la créationde la Chambre préliminaire.

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Sur les modalités de l’ouverture d’une enquête par leProcureur

Les règles 5.1 à 5.4 du document de travail proposé parle coordonateur29 précisent les conditions de l’ouvertured’une enquête par le Procureur. Selon l’article 53.1 « leProcureur, après avoir évalué les renseignements portésà sa connaissance, ouvre une enquête, à moins qu’il neconclue qu’il n’y a pas de base raisonnable [...]».

Il faut distinguer qui de l’Etat Par tie ou du Conseil desécurité a saisi le Procureur, ou s’il s’agit d’une saisineproprio moto afin de déterminer quelles règless’appliquent en l’espèce. Les règles sur la déterminationde l’existence de « base raisonnable », ainsi quel’évaluation par le Procureur des renseignements portésà sa connaissance, sont des règles communes quelquesoit le type de saisine. Par contre les règles 5.3 à 5.8concernant les décisions de ne pas ouvrir une enquête,de ne pas engager de poursuites ou la demande deréexamen des décisions précitées distinguent clairemententre les affaires introduites par un Etat Partie, de cellesréférées par le Conseil de Sécurité et enfin de cellesintroduites à l’initiative des victimes.

Si la situation a été référée au terme des articles 13 ou14 (Etat partie ou Conseil de sécurité), la décision duProcureur peut être réexaminée par la Chambre préliminaireà la demande des victimes. Par contre, si les victimes ouleurs représentants sont à l’origine de la plainte, ils nepeuvent contraindre la Chambre à réexaminer la décision.

Sur la procédure de confirmation des charges

Les règles 5.9 et 5.10 concernent la procédure deconfirmation des charges. L’audience de confirmationdes charges est un moment essentiel du procès pénal.Dès que la Chambre préliminaire confirme les chargesapportées par le Procureur, la procédure suit son coursjusqu’au jugement et la décision de culpabilité oud’acquittement de l’inculpé.

Il s’agit donc d’une période charnière qui débute avec lemandat d’arrêt ou la citation à comparaître du suspect,suivie d’une audience fixée par la Chambre d’accusationà laquelle assistent le Procureur et l’inculpé accompagnéd’un avocat de son choix ou commis d’office. Au coursde cette audience, les charges reprochées à l’accusésont lues et ce dernier est informé de ses droits. LaChambre fixe ensuite une date pour l’audience deconfirmation des charges. Les propositions françaisesprévoient la participation des victimes lors de cette phasecruciale et renvoient au Colloque de Paris et à la sessiond’été de la Commission préparatoire.

L’article 61.7 du Statut prévoit qu’«à l’issue de l’audience,la Chambre préliminaire détermine s’il existe des preuvessuffisantes donnant des raisons sérieuses de croire quela personne a commis chacun des crimes qui lui sontimputés. » Ainsi, la Chambre peut confirmer les charges,ne pas les confirmer ou demander l’ajournement del’audience afin que le Procureur envisage soit l’apportd’éléments de preuves nouveaux, soit la modification descharges.

L’audience de confirmation est donc un moment privilégié,qui constitue à la fois un filtre des affaires pénalement« fondées » et une possibilité d’amener de nouveauxéléments afin de consolider la plainte.

Sur l’échange des éléments de preuve

Les règles 5.11 à 5.2130 précisent les modalités del’échange des éléments de preuve avant l’audience deconfirmation des charges (règles 5.11 à 5.14), puis lorsdu jugement (règles 5.16 à 5.21). Il est prévu, à la règle5.19, des cas de restriction à l’obligation decommunication des éléments de preuve. Ainsi cesrestrictions sont justifiées lorsque les éléments en causepeuvent constituer un préjudice à l’enquête en cours ouà sa poursuite, lorsqu’il s’agit de protéger la sécurité desvictimes et témoins directs et indirects ou encore lasécurité nationale d’un Etat partie.

C - Le crime d'agression

Peu de temps a été consacré à la discussion sur le crimed'agression. Aucune proposition n’a été remise ausecrétariat de l’ONU. Pourtant, il ressort des interventionsque cette question reste fondamentale pour un grandnombre de délégations. Il a donc été proposé qu'ungroupe de travail sur la définition et les élémentsconstitutifs du crime d’agression soit créé lors de lasession d’été de la Commission préparatoire.

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Notes :

1 Au cours des débats sur le contenu de cette résolution, Washington a refusél'insertion du terme "welcoming" pour se référer à l'adoption du Statut sur la CourPénale Internationale à Rome en déclarant qu'il n'existait pas d'accord unanimesur ce terme et que cela gênait un grand nombre d'autres délégations.2 Voir page 18.3 Membre de la délégation chilienne à la Conférence de Rome.4 PCNICC/1999/L.3/Rev.15 South African Developing Countries6 Colloque sur “l’Accès des victimes à la Cour pénale internationale” organisédu 27 au 29 avril 1999 au Centre international Kléber à Paris.7 A/CONF.183/C.1/L.108 cf. Articles relatifs à la définition des crimes de génocide (article 6), crimescontre l'humanité (article 7) et crimes de guerre (article 8)9 article 9 paragraphe 310 cf. article 21.3 du Statut sur la CPI11 PCNICC/1999/DP.4 et Add. 1, 2 et 312 paragraphe 3 du document PCNICC/1999/DP.4 du 4 février 199913 "il faut, par exemple, établir une distinction entre de simples meurtres et desmeurtres commis dans l'intention spécifique de détruire une population". cf.Observations générales, paragraphe 2 de la proposition présentée par les Etats-Unis d'Amérique PCNICC/1999/DP.414 La rédaction des « Eléments constitutifs des crimes » et la participation effectivesur ce sujet aux négociations à New york furent assurées par le Major WilliamLeitzan, représentant du secrétaire d’etat à la défense et nommément Deputygeneral Counsel et joint Chief General Staff.15 PCNICC/1999/DP.4/Add.316 Jugement rendu par la Chambre 1 le 2 septembre 1998.17 Comité International de la Croix Rouge18 PCNICC/1999/WGEC/DP.4. Les pays concernés sont : Algérie, Arabie Saoudite,Bahreïn, Comores, Djibouti, Egypte, Emirats arabes unis, Iraq, Jamahiriya arabelibyenne, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Mauritanie, Oman, Palestine, Qatar,République arabe syrienne, Soudan, Tunisie et Yémen.19 Chapeau de l'article 6 du Statut. Les actes visés sont : le meurtre de membresdu groupe, l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe,la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devantentraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraverles naissances au sein du groupe et le transfert forcé d'enfants du groupe à unautre.20 PCNICC/1999/WGEC/RT.1, voir Annexe Docs de synthèse21 ce langage est provisoire22 Les actes visés sont : l'homicide intentionnel, la torture ou les traitementsinhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causerintentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte àl'intégrité physique ou à la santé, la destruction et l'appropriation de biens, nonjustifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle defaçon illicite et arbitraire, le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou unepersonne protégée de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement, lesdéportations ou transferts illégaux ou les détentions illégales, les prises d'otages.23 Procureur contre Tadic “Dule”, 7 mai 1997 n° I.T-94-124 Il s’agit entre autres des cas de légitime défense, de contrainte (article 31)ou encore l’erreur de fait ou de droit (article 31). Enfin, les modalités du refus del’ordre hiérarchique ou de l’ordre de la loi (article 32).25 PCNICC/1999/WGEC/RT.226 A été introduit en tant que note de bas de page du document de synthèserelatif à l’article 8.2 a)27 PCNICC/1999/DP.128 Chapitre II « Compétence, recevabilité et droit applicable »; Chapitre V « Enquêteset poursuites »29 PCNICC/1999/WGRPE/RT.130 PCNICC/1999/WGRPE/RT.4

CPI : les nouveaux défis

La réunion de Syracuse

La dernière semaine de juin 1999, toutes les délégationsgouvernementales étaient conviées à une session de travail,dite inter-sessionnelle, sur le Règlement de procédure et depreuve. L’enjeu d’une telle réunion était avant tout de gagnerdu temps sur les négociations « officielles » relatives auxpoints du Règlement qui ne posent pas problème. Seule lapar tie VI du Statut sur le Procès a été abordée. A cetteoccasion, la France a proposé de nombreux documents detravail.

Les règles 6.1 à 6.9 concernent la preuve telle que définiepar l’article 69 du Statut. Les débats ont principalement portésur les modalités du principe de confidentialité entre lesuspect et une tierce personne. S’il est admis que lesrelations qui gouvernent le suspect et son représentant légalsont régies par le principe de la confidentialité, il est discutableque ce principe soit étendu à toute personne avec qui lesuspect entretient des relations privilégiées (pour des raisonsde confessions religieuses ou médicales par exemple). Cettequestion concerne plus particulièrement le problème de laconfidentialité et de la publicité de la preuve en matière decrimes sexuels.

Les règles 6.10 à 6.25 se réfèrent au déroulement du procès,les règles 6.26 à 6.36 concernent les atteintes àl’administration de la justice (article 70) et enfin, il est faitétat des sanctions en cas d’inconduite à l’audience (règles6.37 à 6.49).

Le document de synthèse sera proposé comme document detravail aux délégations pour la session juillet - août 1999 dela Commission.

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Les victimes au cœur des débats sur lacour pénale internationale

I - Avant-propos

Le Statut portant création de la Cour pénale internationale(CPI) marque une avancée historique dans lareconnaissance des droits des victimes. Jusqu’à présent,la justice pénale internationale, pour tant novatrices’agissant des mécanismes permettant la poursuite dela responsabilité pénale individuelle pour les crimes lesplus graves, avait négligé le rôle, la place et les droits dela victime.

De 1948 à 1998, de Nuremberg à la CPI, les impératifsde la justice pénale internationale n’ont jamais cessé deprogresser sans, jusqu’à présent, véritablement permettred’intégrer les intérêts et droits des victimes. Or, fin juillet1999, la seconde session de la Commission préparatoirepour la CPI donnera aux Etats une occasion uniqued’engager un véritable débat de fond. Une réflexion encoreinédite relative aux droits des victimes dans le procèspénal international aura lieu dans le cadre desnégociations relatives au Règlement de procédure et depreuve de la future Cour, qui devra être adopté au plustard le 30 juin 2000.

Dans un domaine où le droit positif est quasi-inexistant,il est utile de rappeler certains des enjeux fondamentauxqu’implique la reconnaissance des droits des victimesau procès pénal international :

Du témoin-victime à la victime acteur à part entièreLa première innovation du Statut de la CPI est deconsidérer la victime, non pas en tant que simple témoin,mais en sa qualité de personne ayant subi un préjudice.Cependant, cette caractérisation ne fait pas l’unanimitéau sein des gouvernements ni même des ONG. En effet,on a coutume de dire que l’action pénale portée devantun tribunal international a pour objectif premier de réprimerun acte attentatoire à l’ordre public international etconstitutif d’un crime. Cependant, cet objectif justifie-t-ilque la victime ne soit considérée qu’en sa qualité detémoin et non en sa qualité de personne ayant droit àréparation du préjudice qu’elle a subi ? L’enjeu résidedans la reconnaissance de la victime en ce qu’elle asouffert, alors que de façon concomitante, en sa qualitéde témoin, elle sera entendue pour ce qu’elle a vu.

Aboutir à une synthèse cohérente entre les traditionsjuridiques civilistes et anglo-saxonnes

La place qui est donnée à la victime dans le procès pénaldépend essentiellement du système de droit dans lequelelle se trouve. Dans le système de droit pénal français,système civiliste par excellence, la victime a la possibilitéde se constituer partie civile à titre principal (ce qui luipermet de déclencher à elle seule les poursuites pénales)ou à titre accessoire (lorsqu’elle intervient après que leMinistère public ait pris l’initiative de mettre enmouvement l’action publique).

L’une des conséquences de ce mécanisme estl’acquisition pour la victime de la qualité de par tie auprocès pénal. A partir de ce moment clé de la procédure,la victime se distingue du simple témoin. Elle ne doit pasprêter serment, elle se trouve associée au déroulementde la procédure et enfin elle peut obtenir des dommageset intérêts.

Le système anglo-saxon, en revanche, ne permet pas auxvictimes de se constituer par tie civile devant lesjuridictions pénales. Dans ce système, seule l’action civilepermettra à la victime d’obtenir un droit à réparation. Lesvictimes ayant subi des préjudices identiques ont lapossibilité de se regrouper en “ class action ” pour faireune plainte groupée en demande de dommages etintérêts.

La question du nombre de victimes

L'éventualité d'un très grand nombre de victimes devantla CPI incite à imaginer des mécanismes judiciairespermettant aux victimes d'être partie prenante au procèset d'obtenir réparation sans que cela remette en causel'efficacité de la Cour.

Si le principe de la participation des victimes devant laCPI est admis (aux ar ticles 68 et 75 du Statutprincipalement), les modalités de cette participation sontloin d’être résolues. L’une des principales dif ficultésréside dans le fait que la Cour aura à connaître de crimescommis sur une grande échelle. Pour des raisonsd’efficacité, il n’est pas concrètement envisageabled’imaginer une juridiction internationale devant laquellechacune des victimes aurait un accès direct à la justiceet aux mécanismes de demande en réparation.

L’une des options à envisager réside en la reconnaissancedes organisations et associations, ayant dans leur statutla lutte contre l’impunité et la protection des victimes,d’ester pour un groupe de victimes spécifiques. La Divisiond’aide aux victimes et aux témoins pourrait servir de relaisà ces organisations.

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L’organisation de la représentation des victimes surtoutlorsqu’elles seront en très grand nombre dépendra enamont, de l’efficacité des mécanismes de filtrage et derecevabilité des requêtes, ainsi que de la réception desrenseignements émanant des victimes au stadepréliminaire de la procédure.

Deux écueils sont principalement à éviter : il faut trouverun équilibre entre la possibilité d’une constitution de partiecivile pour chaque victime et la constitution de partie civilepour un million de victimes. Il faudra donc inventer denouveaux mécanismes en tenant compte du caractèrespécifique de la CPI.

De Nuremberg à la CPI : quelles avancées pour lesvictimes ?Si les procès du Tribunal militaire de Nuremberg chargéde juger les criminels nazis a posé la première pierre àl’édifice de la lutte contre l’impunité, il n’a cependant pasrépondu aux exigences de justice des millions de victimesdes crimes nazis.

Par la suite, la création des deux tribunaux pénauxinternationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, dontles règles ont été largement inspirées du droit anglo-saxon, n’ont pas apporté d’innovation majeure en matièrede participation et de protection des victimes. Bien quedes mesures spéciales de protection de l’anonymat destémoins et victimes aient été adoptées, elles apparaissentcependant insuffisantes. En effet, la sécurité des victimesn’est réellement garantie que pendant leur témoignageoral devant les tribunaux. Or, les victimes ont souvent debonnes raisons de se sentir menacées et par conséquentont un intérêt légitime à ce que leur soit accordée uneprotection supplémentaire à l’extérieur du tribunal ainsique lors de leur rapatriement ou de leur éventuelledélocalisation. Au TPIR, de multiples demandes en faveurd’une révision du règlement ont été faites afin d’y intégrerdes obligations nouvelles du tribunal envers les témoins.En particulier, on déplore la situation critique des femmestémoins qui, de par la nature des crimes dont elles ontété victimes, rencontrent des difficultés particulières desécurité et de réinsertion sociale.

Enfin, le système a souvent été critiqué en ce qu’il exposeles témoins et les victimes à des contre-interrogatoirespar fois éprouvants menés par la défense. Devant lestribunaux ad hoc, la victime n’est que témoin à la barre,elle n’est en aucun cas acteur à par t entière de laprocédure.

En vue de combler les lacunes des statuts des juridictionspénales déjà existantes et en réponse aux préoccupations

des ONG, le Statut de la CPI a pris soin d’intégrer desdispositions relatives aux droits des victimes. Il prévoitnotamment, et contrairement aux tribunaux ad hocprécités, le droit des victimes à être entendues, à êtreprotégées et à obtenir réparation.

II - “ L’accès des victimes à la CPI ”: quelaccès et pour quelles victimes ?

Afin de faciliter les négociations de la seconde sessionde la Commission préparatoire sur les règles de protectionet de par ticipation des victimes du Règlement deprocédure et de preuve de la CPI, la France a prisl’initiative de convoquer un Colloque international sur“l’Accès des victimes à la CPI ” du 27 au 29 avril dernierà Paris. Les délégués des gouvernements y ont côtoyépendant trois jours, des représentants des deux tribunauxad hoc, des universitaires, des avocats et autres expertsd’organisations non gouvernementales.

L’analyse qui suit prend en compte à la fois lesdispositions du Statut relatives aux droits des victimeset les conclusions du Colloque de Paris. Les dispositionsdu Colloque ne représentent pas les vues officielles desgouvernements ni celles des ONG. Il convient donc deprendre au conditionnel les articles issus du Colloque,sachant que ces derniers seront débattus lors de lasession d’été de la Commission préparatoire.

Remarques liminaires sur la définition de la victime

La définition de la victime qui sera adoptée par lesdélégations conditionnera l’étendue future de ses droits.

La définition de la victime telle qu’adoptée à l’unanimitélors du Colloque de Paris reprend en partie la définitionde la Résolution 40/34 de l’Assemblée Générale de l’ONUdu 19 novembre 1985 dite "Déclaration des principes

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Les experts et observateurs étaient divisés en quatregroupes de travail :

- Atelier n°1 : Les victimes devant la Cour : saisine,compétence et recevabilité- Atelier n°2 : La participation des victimes à la procédure- Atelier n°3 : La protection des victimes- Atelier n°4 : Les modalités du droit à réparation pour lesvictimesLes conclusions des rapporteurs seront présentées par ladélégation française comme document de travail à la sessionde juillet de la Commission.

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fondamentaux de justice relatifs aux victimes de lacriminalité et aux victimes d'abus de pouvoirs".

Ainsi, la victime a été définie comme "toute personne ougroupe de personnes qui, directement ou indirectement,individuellement ou collectivement, ont subi un préjudiceà raison de crimes relevant de la compétence de laCour"1. A cette fin, on entend par préjudice “ toute atteintephysique ou mentale, toute souffrance morale, toutdommage matériel ou atteinte substantielle aux droitsfondamentaux."2

La première innovation de la définition de la victime établieau Colloque de Paris tient à ce que la victime d'un crimene s’entend plus uniquement de la victime "directe" dela violation. La Résolution 40/34 dispose que la notionde victime peut comprendre "le cas échéant, la familleproche ou les personnes à charge de la victime directeet les personnes qui ont subi un préjudice en intervenantpour venir en aide aux victimes en détresse ou pourempêcher la victimisation".

Cependant, en adoptant la terminologie de victime“ indirecte ” et ainsi en refusant de dresser une liste dece que l’on pouvait entendre par cette appellation, ladéfinition adoptée lors du Colloque a marqué une avancéepositive. Ainsi, la référence à la notion de famille n’a pasété retenue considérant l’absence d’homogénéité de cettenotion dans le monde. Il faut noter cependant que lesconséquences pratiques découlant d'une définitionextensive de la notion de victime ont fait l'objet de débatset de vives préoccupations. Pour cette raison, lerapporteur de l'atelier n°1 a intégré dans son rapport finalune note précisant que "l'idée selon laquelle la mise enplace de mécanismes destinés à répondre aux difficultéspratiques soulevées par le champs de cette définitiondevrait être examinée. Il a été suggéré que cette définitionpourrait être trop large."

La seconde innovation de la définition réside en lareconnaissance du statut de victime aux “ organisationset institutions qui ont pâti directement du crime”. Cetteréférence n’apparaissait pas dans la résolution 40/34.

Si l'on synthétise les différentes propositions rédigéesdans les quatre ateliers on doit distinguer la victimeparticipante et partie au procès de la victime nécessitantune protection en raison du procès lui-même. On entendpar victime au procès “ la victime ou son représentantlégal ou un groupe de victimes ayant choisi un ouplusieurs représentants légaux communs". La notion devictime est plus large lorsqu'il s'agit d'assurer saprotection. Ainsi, il s’agit de "toutes les victimes, tous

les témoins et toutes les autres personnes qui courentdes risques en raison de la procédure devant la Cour".

L'idée d'inclure "toute autre personne qui cour t desrisques" est une innovation intéressante dont lesreprésentants des Tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavieet le Rwanda ont appuyé l'insertion, faisant écho à leurexpérience pratique.

La définition pour l'instant retenue, celle de l'atelier n°1,ne prend pas en compte "les personnes qui ont subi unpréjudice en venant en aide à une victime en détresse,ou pour prévenir sa victimisation". Cependant, il faudracompter sur l’interprétation de la notion de "victimeindirecte" pour peut être, in fine, prendre en compte cettedernière catégorie de victime.

1. La participation des victimes à la procédure

Les modalités de la par ticipation des victimes à laprocédure sont prévues à l’article 68 du Statut. L’article68.3 dispose que “ les victimes ont accès à la Cour, quelque soit le stade de la procédure. Cependant, parexception à ce principe, la Cour peut écarter l’interventiondes victimes, soit parce que leurs “ intérêts personnels ”ne sont pas concernés, soit parce que à tel ou tel stadede la procédure, il n’est pas oppor tun, il n’est pas“ approprié ” de leur donner accès à la procédure ”.

Concernant la participation des victimes à la procédurede la Cour il faut distinguer deux stades de la procédure :la phase préliminaire et le procès.

a. La participation des victimes lors de la phasepréliminaire

Les règles prévues à l’article 68 relatives à la participationde la victime pendant la phase préliminaire ne sont pasconditionnées à la caractérisation par la Cour du caractère“ approprié ” ou non du stade de la procédure.

Il faut tout d’abord souligner le droit exclusif de la victimeà fournir, directement ou indirectement, desrenseignements précis sur des agissements criminelsafin que le Procureur décide de l’oppor tunité despoursuites et de l’éventualité de l’ouver ture d’uneenquête. S’agissant donc de l’émission des plaintes etde la réception de celles-ci, en application des articles68.1 et 54.3 f), le Bureau du Procureur doit assurer laconfidentialité desdites informations. Il peut recourir à laDivision d’aide aux victimes et aux témoins afin de l’aiderdans sa tâche.

En second lieu, le Statut de la CPI prévoit que les victimes

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peuvent intervenir dès la phase préliminaire du procès,c’est à dire lors de la saisine de la Cour et la décision derecevabilité de l’affaire.

En effet, selon l’ar ticle 15.3 du Statut, si le Procureurconclut qu’il y a de bonnes raisons d’ouvrir une enquête,il présente à la Chambre préliminaire une demanded’autorisation en ce sens. Il en informe alors les victimesou leurs représentants afin de leur permettre d’adresserdes représentations, à moins que cette notification nemette en danger “ l’intégrité de l’enquête, ou la vie et lebien être d’autres victimes ou de témoins ”.3

La par ticipation des victimes avant le procès passenotamment par la possibilité d’adresser desreprésentations à la Chambre préliminaire. Lesconclusions du Colloque prévoient, à la règle B.3 a) del’atelier n° 1 que le Procureur peut remettre aux victimesun résumé de sa demande d’autorisation. Ces droits nepeuvent être limités qu’en fonction d’un risque pourl’efficacité de l’enquête ou de danger pour la sécurité dequelqu’un.

Lorsque les victimes ont fournis des élements auProcureur et que celui-ci décide qu’il n’y a pas de basesuffisante pour ouvrir une enquête (article 15.6), il lesinforme par une notification.4Le Colloque de Paris aprécisé qu’il était souhaitable que cette notification soitmotivée.

b. La participation des victimes lors du procès

Modalités de la participation de la victime au procès

Les conclusions du Colloque ne contiennent pas dedéfinition des intérêts personnels des victimes ni descritères permettant à la Cour de déterminer si le stadede la procédure est “ approprié ” ou non au regard del’éventuelle intervention des victimes.

La règle A prévoit pourtant que pour pouvoir participer àla procédure, les victimes “ doivent introduire unedemande écrite pour présenter leurs vues etpréoccupations à une Chambre de la Cour. ”. Cettedemande est notifiée et donne un droit de réplique auProcureur et à la défense sous réserve de l’article 68.1qui concerne les mesures générales à prendre en matièrede protection des victimes.

L’acceptation ou le rejet de la demande peut se faire dela propre initiative de la Chambre et sur la demande duProcureur ou de la défense s’il est confirmé que les

critères de l’article 68.3 sont ou non établis. Il faut noterque le rejet de la demande n’implique pas une réponsemotivée, ce qui est regrettable.

Selon la règle C de l’atelier n° 2, si la demande desvictimes est acceptée, leur représentant légal peut“ assister et par ticiper ”5 à toutes les audiences deschambres de la Cour. Cependant, par une décisionmotivée de la Chambre concernée, celle-ci peut limiterl’intervention du représentant légal au dépôtd’observations écrites.

La règle C.2 prévoit, en outre, la possibilité pour lereprésentant légal des victimes, avec l’autorisation duPrésident de la Chambre concernée, d’interroger l’accusé,les témoins et les experts ce qui renforce notablementla participation des victimes au procès.

Le choix du représentant légalIl a été proposé dans l’atelier n° 2 que la victime soit librede choisir son représentant légal.6 Ce dernier doit êtrehabilité à exercer le droit dans un Etat ou être professeurde droit à l’Université (règle B. 2). Cette disposition, dansla mesure où cela est pertinent, doit être conforme auxrègles relatives à la désignation du Conseil de la défense.Une discussion a par ailleurs été engagée, lors de laréunion de Syracuse, afin de déterminer si un conseilpouvait à la fois intervenir, bien evidemment dans deuxaffaires différentes, dans le premier cas comme conseilde la défense et dans le second comme conseil de lavictime.

Il faut noter la prise en considération par les experts del’atelier n° 2 de l’éventualité du trop grand nombre devictimes se présentant devant la Cour. Ainsi, il est prévuà la règle B 1.b. que, dans les cas où il y aurait denombreuses victimes, la Chambre pourrait inviter lesvictimes ou un groupe particulier de victimes à choisir unou plusieurs représentants légaux communs.

2. La protection des victimes et des témoins

Les exper ts de l’atelier n° 3 se sont penchés sur larédaction de règles précises concernant les mesures àprendre afin de protéger la sécurité des victimes avant,pendant et après le procès devant la CPI.

Ainsi, il a fallu définir les missions des divers organes dela Cour en matière de protection des victimes. Il s’agissaitdonc de prévoir les modalités d’action et la compositionde la Division d’aide aux victimes et aux témoins (DAVT)prévues aux articles 43.6 et 68.4 du Statut.

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a. La Division d’aide aux victimes et aux témoins (DAVT)

Le Statut prévoit, en effet que le Greffe doit prendre encharge la création de la DAVT.

En application de l’article 43.6, les conclusions de l’ateliern° 3 prévoient que la division devra comprendre un certainnombre d’experts dans les domaines touchant à la priseen charge des victimes tels que des psychologues, desexperts juridiques ou encore des experts spécialisés dansles violences à caractère sexuel et les violences surmineurs. Quant à sa composition, la Division doit tâcherd’assurer une représentation équitable entre les hommeset les femmes, entre les perspectives culturellesdif férentes sur la victimisation et entre les dif férentssystèmes juridiques.

Les activités de la division concernent principalement lesquestions de protection et de sécurité et l'assistance desvictimes lors de leur venue à la Cour.

Enfin, il a été noté que la victime devra être informée, auplus tôt, de l’existence des attributions et de ladisponibilité de la Division au moins avant touteintervention devant la Cour qui exige sa présencephysique.7

Quant aux mesures de protection devant être mises à ladisposition des victimes, l’atelier n° 3 a envisagé plusieurscas de figure.

Les conclusions de cet atelier rappellent toutes lesmesures de protection classiques vis à vis des victimes,des témoins et de tout autre personne qui cour t desrisques. De plus, il est envisagé une série de mesuresde protection spécifiques en vue de faciliter le témoignagede victimes traumatisées, enfants ou victimes deviolences, telles que la présence d’un psychologue lorsde la déposition. En outre, il a été rappelé que la Chambredoit toujours rester vigilante et contrôler attentivement lamanière dont est menée l’interrogation.

b. La question de la confidentialité et de l’anonymat del’identité de la victime

La question de l’éventualité de l’anonymat complet de lavictime vis à vis de l’accusé a fait l’objet de débatspassionnés.

La dernière phrase de l’ar ticle 68.1 prévoit que lesmesures de protection propres à protéger la sécurité, lebien-être physique et psychologique, la dignité et lerespect de la vie privée des victimes et des témoins “ nedoivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de

la défense et aux exigences d’un procès équitable etimpartial ”.

Lors de la déposition des témoins seuls l’audience à huisclos ou le recueil par des moyens électroniques ou autresmoyens spéciaux ont été retenus dans le Statut. Lesexper ts de l’atelier sur la protection des victimes ontnéanmoins tenu à insérer dans leurs conclusions unerègle E qui dispose que “ dans des circonstancesexceptionnelles, la Cour peut ordonner, à la demande despar ties, des victimes, des témoins ou de le leursreprésentants, des mesures spéciales dif férentes decelles qui sont énumérées plus haut. Ces mesures doiventêtre conformes au Statut. ”

L’inser tion de cet ar ticle a suscité de nombreusescontroverses, en particulier lors de la séance de clôturedu Colloque. En effet, il est sous-entendu par la règle Eque dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peutordonner l’anonymat complet du témoin vis à vis del’accusé. Pour certains experts, en particulier d’origineanglo-saxonne, cette exception à la publicité des débatset au principe de la connaissance de l’identité de lavictime pour toutes les parties au procès, constitue uneviolation des droits de l’accusé.

Ils craignent ainsi que cette règle porte atteinte au principed’égalité des droits entre la défense et l’accusation etpar conséquent aux dispositions du Statut.

Ce point sera vraisemblablement un des sujets decontroverse de la discussion des dispositions relativesà la protection des victimes lors de la prochaine sessionde la Commission préparatoire.

3. Réparations des victimes

L’article 75 consacre le droit à réparation des victimesdans le Statut de la CPI. Plus qu’une innovation juridique,l’article 75 représente une révolution en matière de luttecontre l’impunité et pose une nouvelle pierre à l’édificed’une justice pour les victimes.

Les Statuts des tribunaux ad hoc n’avaient pas prévu lapossibilité d’octroyer un droit à réparation aux victimes.Il s’agit donc pour les délégations réunies à New York deréfléchir à la mise en œuvre effective des principes prévusà l’article 75.

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a. La participation des victimes au stade de la demandeen réparation

L’article 75.1 du Statut permet à la Cour de déterminerdans sa décision “ l’ampleur du dommage, de la perteou du préjudice causé aux victimes ou à leurs ayantdroits ”. Les modalités du dépôt de la demande ont étéprévues dans les conclusions de l’atelier n° 4 sur laréparation. Ainsi, la règle A.3 impose que les demandesémanants des victimes contiennent des informationsprécises concernant notamment l’identité et l’adresse dudemandeur, la description du préjudice, la description desbiens meubles et immeubles, les demandes decompensation et toutes pièces utiles étayant la demande.

Les victimes peuvent aussi, conformément à la règle B.3,décider d’introduire une demande en réparation à la suitede la notification par la Cour de la décision prise sur sapropre initiative.

L’article 75.3 du Statut prévoit que la Cour peut, avantde rendre une ordonnance indiquant la réparation qu’ilconvient d’accorder aux victimes, solliciter les observationsdes victimes.

b. Evaluation de la réparation

Afin d’assister la Cour dans sa tâche de déterminationde l’ampleur du préjudice et de la forme appropriée deréparation, elle peut désigner des experts (règle D). Cesexerts joueront un rôle important, en particulier lorsquela Cour devra faire face à un nombre élevé de demandeursl’empêchant de déterminer individuellement lesdommages. Dans ce cas, et conformément à la règle Ede l’atelier n°4, les exper ts recommanderont lesréparations appropriées en se fondant sur “un groupereprésentatif de victimes, et sur les dommages, perteset préjudices subis en utilisant une méthode scientifiqueagréée”.

c. Le Fonds d’indemnisation des victimes

Il est créé un Fonds au profit des victimes en applicationde l’article 79 du Statut. La question des modalités dela mise en place du Fonds a été longuement discutée lorsdu Colloque de Paris sans pourtant permettre d’aboutirà un compromis. Le rappor teur de l’atelier n°4 acependant tenu à compléter les conclusions de l’atelieren faisant état des questions restées en suspend.

L’approvisionnement du Fonds constitue le principalproblème à sa mise en oeuvre ef fective. En ef fet leschances d’efficacité future de ce fonds sont à ce jourconditionnées au patrimoine des personnes qui serontcondamnées et à la volonté des Etats. Il est regrettableque les Etats à Rome aient refusé d’intégrer dans le Statutdes dispositions relatives à la responsabilité pénale despersonnes morales, qui auraient permis, le cas échéant,de prononcer des peines permettant d’alimenter le Fondsaux profits des victimes.

Notes :

1 Règle X de l’atelier n° 1 “ Les victimes dans le processus de saisine et derecevabilité ”

2 Groupe de travail sur la procédure de saisine et de recevabilité, adopté lors dela Conférence de Rome

3 Atelier n° 1, Règle B relative à l’article 15.3 du statut

4 Atelier n° 1 Règle C.1

5 Règle C 1 de l’atelier n°3

6 Règle B.1 de l’atelier n° 2

7 Règle F commune de l’atelier n° 1

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L’indépendance et l’universalité de lafuture Cour pénale internationale restentmenacées

A la veille de la seconde session de la Commissionpréparatoire sur la CPI il résulte simultanément desprogrés - qui devront être confirmés - s’agissant dufonctionnement de la Cour et de la place des victimesdans la procédure, mais aussi la confirmation de menacespesant sur l’indépendance et l’effectivité de la cour.

Une Cour "à la carte" ?La délégation américaine a manifesté son désir de rouvrirles négociations sur la question de la compétence de laCour en œuvrant en faveur de l'insertion d'une formulepermettant à la Commission de rechercher "les moyensde rendre la Cour plus efficace et mieux acceptée"12. Eneffet, les Etats-Unis craignent comme d'autres pays devoir leurs nationaux mis en cause devant la Cour, alorsmême qu’ils n'ont pas ratifié son Statut.

Cette situation est effectivement rendue possible en vertude l'ar ticle 12 du Statut, qui dispose que la Cour peutexercer sa compétence - hors le cas de la saisine de laCour par le Conseil de sécurité - si l’un des Etats suivantsou les deux ont reconnu sa compétence : « l’Etat sur leterritoire duquel le comportement en cause s'est produit »ou/et « l’Etat dont la personne accusée du crime est unnational ».

A l'occasion d'une réunion organisée à New York entre laCoalition Internationale des ONG pour la CPI et ladélégation américaine, l'ambassadeur David Shaeffer,chef de file de la délégation, a précisé qu'entre les deux

sessions de travail, les Etats-Unis organiseront desrencontres bilatérales en vue de trouver des optionscréatives permettant "d'embarquer les américains àbord"3. Pour illustrer son propos, l'ambassadeur Shaeffera déclaré qu'il pourrait s'agir d'un Protocole additionnel,de déclarations interprétatives ou encore d'amendements.Cette solution ferait encourir le risque majeur de voir créerune Cour "à la carte" en fonction de la volonté politiquede chaque Etat.

La délégation américaine continue à chercher, par desmoyens détournés de se mettre à l’abri d’une éventuellecomparution de ses nationaux devant la Cour. Ainsi, ellese fonde sur l’article 98.2 du Statut qui dispose que « laCour ne peut présenter une demande de remise quicontraindrait l’Etat requis à agir de façon incompatibleavec les obligations qui lui incombent en vertu d’accordsinternationaux selon lesquels le consentement de l’Etatd’envoi est nécessaire pour que soit remise à la cour unepersonne relevant de cet Etat, à moins que la Cour nepuisse au préalable obtenir la coopération de l’Etat d’envoipour qu’il consente à la remise». Dans le cadre de larenégociation ou de la ratification par le Parlementaméricain de ses conventions bilatérales d’extradition etde coopération judiciaire, le gouvernement américainprend dorénavant soin d’intégrer des déclarationsinterprétatives spécifiques à la non-remise de sesnationaux à la CPI. A ce jour, les Etats-Unis auraient passéde tels accords avec la Pologne et l’Afrique du sud.

La menace est réelle en ce qu’elle crée une Cour « à lacarte » où chaque Etat pourrait se prévaloir des obligationsqui lui incombent en droit international pour refuser lacoopération de ses autorités judiciaires avec la Cour.

Rapport de position

France : La Constitution de 1958 a été révisée afin de pouvoir ratifier le Statut de la Cour pénale internationale

Depuis le 28 juin dernier, la Constitution de la Ve République contient une disposition nouvelle (article 53-2), quidispose que «La République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditionsprévues par le traité le 18 juillet 1998».

Par cet ajout, l’Assemblée Nationale et le Sénat réunis en Congrès ont reconnu la compétence et l’exercice de lacompétence de la Cour pénale internationale telle que prévue par son Statut.

En France, la révision constitutionnelle était un préalable indispensable avant la ratification elle-même. En effet,selon l’avis du Conseil constitutionnel du 22 janvier 1999, le Statut de la CPI contenait trois points contraires à laConstitution française : l’article 27 sur l’applicabilité du Statut à tout individu quelle que soit sa qualité officielle,l’article 99.1 sur la possibilité pour les organes de la Cour d’effectuer des enquêtes sur le territoire français sansêtre assistés des autorités judiciaires françaises et enfin l’article 29 sur la non-applicabilité des lois d’amnistiesnationales. L’avis du Conseil constitutionnel ne visait aucune disposition particulière du Statut. C’est pour cetteraison que les obstacles constitutionnels ont été contournés par l’insertion d’une phrase générale.

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La France doit renoncer à se prévaloir de l'article 124

Les menaces qui pèsent sur l'universalité de la CPI nese trouvent pas uniquement dans les enceintes desgroupes de travail onusiens. Isolée, la France est, à cejour le seul Etat à avoir officiellement déclaré refuser lacompétence de la CPI pour les crimes de guerre commispar ses nationaux et ce, pendant une période de sept ansrenouvelable. Alors que le 28 juin 1999, le Congrèsfrançais a révisé la constitution de 1958 afin de permettrela ratification du statut de la CPI lors de la prochainesession parlementaire, il est fondamental qu'un vrai débatpublic s’organise. L'exception française est inacceptable.Alertée, la Commission Nationale Consultative des Droitsde l'Homme en France recommande aux pouvoirs publicsde "ratifier le Statut de la Cour pénale internationale, sansfaire jouer la clause transitoire de l'article 124".

La décision d'opter pour cette clause d'exception a étéprise au plus haut niveau. Issue d'un arbitrageinterministériel et de la cohabitation, la position officiellede la France est claire. Elle a été, en outre, confirméedans un courrier du Président de la République envoyé àla Coalition française des ONG pour la Cour PénaleInternationale qui "confirme que la France déclinera pourune période transitoire la compétence de la Cour pour lescrimes de guerre. En effet, la définition des crimes deguerre au sens du Statut est distincte de celles descrimes contre l'humanité ou du génocide en ce sensqu'elle peut recouvrir des actes isolés. Des plaintes sansfondement et teintées d'arrière-pensées politiquespourraient donc plus aisément être dirigées contre lespersonnels de pays qui, comme le nôtre, sont engagéssur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadred'opérations de maintien de la paix. L'expériencepermettra de vérifier l'efficacité des garanties intégréesau Statut afin d'éviter de tels dysfonctionnements"4. Lesrisques d'atteintes à l'effectivité de la Cour sont réels.

La FIDH se félicite des avancées initiées par la France enparticulier sur le rôle des victimes. Il n’en reste pas moinsque l'addition des limites posées par l'article 124 (clauseopt-out sur les crimes de guerre) et des tentativesd'obstructions américaines - alors même que lacompétence de la Cour prévue à l'article 12 du Statut estdéjà extrêmement restrictive - laissent planer des doutessur l'assurance d'une Cour efficace, indépendante etuniverselle.

Notes : 1 Paragraphe 4 de la Résolution 53/905 de l'Assemblée Générale de l'ONU2 en anglais dans le texte : "discuss ways to enhance the effectiveness andacceptance of the Court".3 Réunion organisée le 25 février 1999 au siège des Nations Unies à NY lors dela première session de la Commission préparatoire4 Lettre datée du 15 février 1999, du Président de la République, M. JacquesChirac, à l'attention de la Coalition française pour la Cour Pénale Internationale.La FIDH fait partie du Bureau de cette Coalition qui de par ses Statuts, œuvre enfaveur de la ratification par la France du Statut de la CPI sans utiliser la clausetransitoire de l'article 124.

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Justice pénale internationale : tous lesespoirs sont permis 1

Le vingtième siècle s’achève sur un paradoxe : il a étél’un des siècles les plus violents et sanglants de l’Histoiremais il apparaît également comme le siècle ayant poséles fondations de ce que l’on appelle aujourd’huicommunément la justice pénale internationale. Des procèsde Nuremberg à la première condamnation pour génocidepar une juridiction internationale, de l’arrestation d’unancien dictateur à la première mise en accusationpublique par une juridiction internationale d’un chef d’Etaten exercice2 : la gravité des crimes et l’ampleur de leurscommissions obligent dorénavant les Etats à prendre desmesures effectives afin de satisfaire aux impératifs dejustice.

L’adoption du Statut de la Cour pénale internationale aincontestablement suscité de nombreux espoirs et relancéla dynamique de la lutte contre l’impunité à un niveauinternational et ce en dépit de l’opposition virulente desEtats-Unis, de l’Inde ou encore de la Chine.

De plus, et contrairement aux deux juridictions pénalesad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, un principefondamental gouvernera les relations entre la CPI et lesjuridictions nationales : celui de la complémentarité prévuà l’article 19 du Statut.

Ainsi, les juridictions nationales garderont la primauté dejuridiction sur les crimes commis par leurs nationaux.

La CPI ne sera donc compétente que si la juridictionnationale de l’Etat ayant compétence en l’espèce n’a pasla volonté ou est dans l’incapacité de mener véritablementà bien l’enquête ou les poursuites.3

En matière de lutte contre l’impunité, les autoritésjudiciaires nationales doivent désormais prendre lamesure de leurs responsabilités.

L’idée que cer tains crimes constituent une atteinte àl’ordre public international dans son ensemble estdésormais acquise. Dans ce sens, le mécanisme de lacompétence universelle vient remplir le vide juridique quiexistait entre le refus ou l’impossibilité des Etats de jugereux-mêmes leurs natioanux et l’absence de juridictionsinternationales adéquates.

Dès novembre 1998, l’arrestation du Général AugustoPinochet a renforcé les mouvements d’opinion et lavolonté pour les victimes ou leurs familles de voirreconnue et sanctionnée la responsabilité pénale desauteurs des exactions commises à leur encontre. Toutcela constitue, à n’en pas douter, un formidable pas enavant, mais ne signifie pas, loin s’en faut, que les victimesont trouvé là une solution sûre de se voir rétablies dansleurs droits. En effet, et la FIDH l’a rappelé à plusieursreprises, pour entrer en vigueur, le Statut de la Courpénale internationale, devra être ratifié par au moins 60Etats et les lenteurs constatées dans les procédures de

Rapport de position

Chronologie non exhaustive des avancées juridiques en faveur de la lutte contre l’impunité depuis juin 1998

- 17 juillet 1998 : adoption du Statut de la Cour pénale internationale

- 3 septembre 1998 : condamnation à perpétuité de M. Akayesu, bourgmestre de Taba, pour crime de génocide par le tribunalpénal international pour le Rwanda

- 6 novembre 1998 :expulsion de Léo Mugesera suite à une décision de la section d’appel de la Commission de l’immigrationcanadienne en raison de sa participation au génocide rwandais

- 26 novembre 1998 : arrestation à Londres de l’ex-général Augusto Pinochet

- 9 décembre 1998 : décision d’extradition de Pinochet vers l’Espagne, reconfirmée le 24 mars 1999 mais seulement pour lescrimes commis après 1989.

- 30 avril 1999 : procès du rwandais Fulgence Niyonteze devant un tribunal militaire suisse accusé de violations graves desconventions de genève dans le cadre de conflits armés et du chef d’assassinat et condamné à perpétuité

- 22 avril 1999 : inculpation par le Procureur du tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie de M. Slobodan Milosevic

- 23 juin 1999 : arrêt de la Chambre d’accusation dans l’affaire du prêtre Wenceslas Munyeshaka

- 3 juillet 1999 : mise en examen par les autorités judiciaires françaises de l’officier mauritanien Ely Ould Dha sur le fondementde la Convention contre la torture de 1984.

- 22 juillet 1999 : arrêt de la Chambre d’accusation de Montpellier qui prononce le maintien en détention de M. Ely Ould Dha.

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ratification nationales hypothèquent d’autant plusl’effectivité d’une justice pour les exactions graves etmassives commises à l’heure actuelle dans le monde.

Il faut donc utiliser les possibilités offertes par le droitinternational d’agir au niveau national pour que soientmis en œuvre les principes de lutte contre l’impunité quidevront dorénavant accompagner toute velléitéd’intervention de la communauté internationale dans lessituations où des populations civiles sont en danger.

La lutte contre l’impunité constitue de longue date pourla FIDH une priorité dans la mise en œuvre de sesactivités, priorité qui a été rappelée lors de son derniercongrès à Dakar en novembre 1997. Les avancéesformidables de ces derniers mois l’ont conduite à mettresur pied un “Groupe d’action judiciaire” (GAJ) dont lesbuts et objectifs sont de mettre en œuvre tous les moyensà sa disposition pour que soient initiées des poursuitesà l’encontre des responsables de violations graves desdroits de l’Homme. Avec le GAJ, la FIDH, s’engage parconséquent sur le terrain judiciaire dans des affairesconcernant les crimes internationaux (crimes de guerre,crimes contre l’humanité et génocide), ainsi que sur lesgraves violations des droits de l’Homme qui ne recevraientpas la qualification de crimes internationaux.

C’est dans cette optique que la FIDH a décidé de saisir, àtrois reprises depuis le mois de novembre 1998, lesautorités judiciaires françaises de cas pour lesquels il étaitavéré et vérifié que des personnes auteurs d’actes detorture se trouvaient sur le territoire français. Cesprocédures ont été initiées dans le prolongement directdes tentatives précédentes de voir appliquer en France leprincipe de compétence universelle à l’encontre depersonnes présumées auteurs de crimes les plus graves.

En Europe, quelques procès se sont tenus et notammenten Suisse4 et, antérieurement, en Autriche, sur lefondement des mécanismes de la compétence universelle.Force est de reconnaître qu’aucune des procéduresengagées en Europe ne l’a été à initiative du Parquet. Ellesl’ont toujours été à l’initiative des victimes sans exception.C’est dire si la frilosité est toujours de mise du côté dupolitique.

Deux courants s’expriment aujourd’hui.

Le premier, incarné par le juge belge, applique le mécanismede compétence universelle pour l’ensemble des crimesinternationaux sans condition de territorialité, comme l’exige

la Convention internationale contre la torture et autrespeines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de1984 (“Convention de de New York”) . Autrement dit, lacondition tenant à la présence de l’auteur présumé decrimes internationaux sur le territoire belge n’a pas à êtreremplie.

Le second est incarné par les systèmes judiciaires quisubordonnent l’intervention du juge à la présence présuméede l’accusé sur son territoire.

La France continue de figurer parmi les tenants d’uneconception moins large de la compétence universelle. Onattend toujours qu’elle incorpore dans le Code de procédurepénale français, comme elle l’a fait pour la convention deNew York, les quatre conventions de Genève qui édictentun mécanisme de compétence universelle strict, a priorisans condition de territorialité (ce point est discuté).

En France, le premier précèdent date de juillet 1992lorsque des victimes bosniaques s’étaient constituéespartie civile sur le fondement de la Convention de NewYork, des Conventions de Genève du 12 août 1949 etpour crimes contre l’humanité et crime de génocide. Uneordonnance du 6 mai 1993 a reconnu la compétence dujuge français pour les Conventions de Genève et laConvention contre la tor ture, et s’est déclaréeincompétente sur le reste. Cette ordonnance a étéinfirmée par la Chambre d’accusation de Paris au motifque les Conventions de Genève n’étaient pas incorporéesdans le corpus juridique interne français et au motif del’absence de preuves de la présence des auteursprésumés sur le territoire français.

En juillet 1995, a l’initiative de plusieurs victimes, despoursuites ont été engagées contre l’Abbé WenceslasMunyeshyaka5, de nationalité rwandaise, du chef detortures sur le fondement de la Convention de New-York.

En application de l’ar ticle 6 de cette Convention6, laFrance a intégré dans son Code de procédure pénale lesdispositions de l’article 689-1 stipulant “en applicationdes conventions internationales visées aux ar ticlessuivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictionsfrançaises, si elle se trouve en France, toute personnequi s’est rendue coupable hors du territoire de laRépublique, de l’une des infractions énumérées par cesar ticles. Les dispositions du présent ar ticle sontapplicables à la tentative de ces infractions, chaque foisque celle-ci est punissable.”

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La Cour de cassation a confirmé la compétence du jugefrançais sur ce fondement, le 12 janvier 1998. Le champde compétence du juge français a été étendu par laChambre d’accusation de Paris le 23 juin 1999 augénocide et aux crimes contre l’humanité sur le fondementde l’intégration dans la loi françaisen° 96-432 du 22 mai1996 du statut du Tribunal pénal international pour leRwanda.

C’est dans le prolongement direct de ces plaintes, ainsique de l’affaire Pinochet, que le GAJ, pour la premièrefois, a décidé de saisir, en novembre 1998, le Procureurde la République de Paris aux fins d’entamer despoursuites à l’encontre de Monsieur Laurent Désiré Kabila,Président autoproclamé de la République Démocratiquedu Congo. Des procédures à son encontre ont été initiéesen Belgique et en France. En France, elles ont été initiéessur le fondement de la Convention de New York. EnBelgique, les procédures ont été initiées de façon pluslarge pour actes de torture, incitation à la haine racialeet crimes contre l’humanité. Si le Procureur de laRépublique en France a soulevé l’immunité dont bénéficieun chef d’Etat en exercice (d’autant plus lorsqu’il se trouvesur le territoire français à l’invitation officielle de la France)pour ne pas entamer de poursuites à l’encontre deMonsieur Kabila, il a également opposé le défautd’éléments démontrant l’imputabilité de Kabila dans lesactes de torture allégués.

En revanche, la Belgique a nommé un juge d’instructionpour examiner la responsabilité de Monsieur Kabila et deses proches collaborateurs dans les faits qui leur sontreprochés. S’il semble maintenant établi que MonsieurKabila ne pourra pas être poursuivi du fait de“ l’inviolabilité ” dont il bénéficie en tant que Chef de l’Etat,il n’en est pas de même notamment de son ministre del’Information, Monsieur Didier Mumengi, dont l’immunitépourrait être levée et qui pourrait être inculpé du chefd’incitation à la haine raciale pour les propos tenuspubliquement d’appel au meurtre des Tutsi en RDC, et parextension de crimes contre l’humanité.

D’autres procédures ont été initiées à l’encontre de deuxtortionnaires mauritaniens en mai et juin 1999 par la FIDHet la Ligue des droits de l’Homme et des Citoyens (France).Malgré l’ouverture d’une enquête, le Parquet de Paris n’apu donner suite à la première saisine de la FIDH et de laLDH, l’auteur présumé d’actes de torture ayant été informédes procédures engagées à son encontre et ayant pu quitterle territoire français. Le 4 juin suivant, la FIDH et la LDHont de nouveau saisi le Parquet de Montpellier, aux fins

d’entamer des poursuites contre Monsieur Ely Ould Dha,lieutenant de l’armée mauritanienne au moment des faits,et sur le fondement de la Convention contre la torture.

Les témoignages recueillis par la FIDH laissent largementprésumer la responsabilité personnelle de Monsieur ElyOuld Dha dans les actes de torture commis à l’encontrede nombreux militaires mauritaniens. Le 3 juillet, l’officiermauritanien a été mis en examen sur le fondement del’article 689 du code de procédure pénale et 212 du codepénal et écroué par un juge d’instruction de Montpellier.Le fait qu’une information ait été ouverte pour la secondefois (après l’affaire de l’abbé Wenceslas Munyeshyakaqui avait été mis en examen par un juge d’instruction dePrivas et écroué quelques jours), à l’initiative d’un Parquet,est à souligner et constitue un encouragement s’agissantde la volonté politique des Etats de trouver des solutionsjudiciaires pour rétablir les victimes dans leurs droits.

Ce pas supplémentaire dans la mise en œuvre en Francedu principe de compétence universelle est tout à faitencourageant et constitue un signe fort pour les victimes,et plus généralement pour les sociétés civiles du mondeentier. En effet, il faut y voir l’application effective duprincipe de complémentarité des juridictions quigouvernera la Cour pénale internationale et la possibilitépratique de poursuivre et juger, où qu’ils se trouvent, lesauteurs des infractions les plus graves et les plusattentatoires à l’essence même de l’humanité. Cela serarendu possible si les Etats font les efforts, non seulementde ratifier les instruments internationaux permettant delutter contre l’impunité, mais également de les transposersans délai dans leur législation nationale. C’est en effetà cette condition que la justice pourra mettre un terme àl’impunité et constituer un instrument à part entière deprévention et de résolution des conflits.

Rapport de position

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Notes :

1 Cet article contient des extraits de “La FIDH s’engage sur le terrain judiciaire”,La Lettre de la FIDH, n° 21 du 22 juillet 1999

2 Mandat d’arrêt international contre M.Slobodan Milosevic délivré par Mme.Louise Arbour, Procureur du tribunal pour l’ex-Yougoslavie le 22 avril 1999

3 article 17 du statut de la CPI

4 Le 30 avril 1999, le Tribunal militaire de Lausanne a condamné, sur la basedes Conventions de Genève, Monsieur Fulgence Nyonteze, ancien bourgmestrede la commune de Mushubati, à la réclusion à perpétuité pour sa participationau génocide de 1994.

5 Abbé rwandais soupçonné de participation au génocide de 1994 et réfugié enFrance.

6 -“1. S’il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné lesrenseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouveune personne soupçonnée d’avoir commis une infraction visée à l’article 4 assurela détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiquesnécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doiventêtre conformes à la législation dudit Etat; elles ne peuvent être maintenues quependant le délai nécessaire à l’engagement de poursuites pénales ou d’uneprocédure d’extradition.

- 2. Ledit Etat procède immédiatement à une enquête préliminaire en vue d’établirles faits”.

CPI : les nouveaux défis

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La Fédération Internationale des Liguesdes Droits de l'Homme (FIDH) est uneorganisation internationale non-gouvernementale attachée à la défensedes droits de l'Homme énoncés par laDéclaration universelle de 1948. Créée en1922, elle regroupe cent cinq affiliéesnationales dans le monde entier. À ce jour,la FIDH a mandaté plus d'un millier demissions internationales d'enquête,d'observation judiciaire, de médiation oude formation dans une centaine de pays.

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