moyen-Âge : triptyque de l'adoration des mages - 40 000 … · 2012-06-18 · a...

13
IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 1 MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 476 1492 1789 1900 De la Préhistoire à l’Antiquité gallo-romaine Le Moyen-Âge Les Temps Modernes Le XIX e siècle Du XX e siècle à nos jours 1. L'oeuvre Période : Moyen-Âge Titre : L'Adoration des Mages Auteur : attribué à Hans SCHÜECHLIN, sans certitude exacte Date : vers 1480 Origine : ateliers de Franconie, précisément Nuremberg Format : partie centrale : 97x96,5 cm; volets : 92x48,5 cm Forme : triptyque Techniques : peinture, sculpture; bois stuqué et polychromé Significations : scène biblique Usages : pratique religieuse Lieu d'exposition : Musées de la Cour d'Or de Metz Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite 1480

Upload: others

Post on 06-Aug-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 1

MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES

- 40 000 476 1492 1789 1900

De la Préhistoire à l’Antiquité gallo-romaine

Le Moyen-Âge

Les Temps Modernes

Le XIXe siècle

Du XXe siècle à nos jours

1. L'œuvre

Période : Moyen-Âge Titre : L'Adoration des Mages Auteur : attribué à Hans SCHÜECHLIN, sans certitude exacte Date : vers 1480 Origine : ateliers de Franconie, précisément Nuremberg Format : partie centrale : 97x96,5 cm; volets : 92x48,5 cm Forme : triptyque Techniques : peinture, sculpture; bois stuqué et polychromé Significations : scène biblique Usages : pratique religieuse Lieu d'exposition : Musées de la Cour d'Or de Metz

Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite

1480

Page 2: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 2

2. L'artiste

Nom et prénom : Hans SCHÜECHLIN, appelé aussi Maître du Retable Strache Date de naissance et de décès : né autour de 1430/ 1440 à Ulm (Bade-Wurtemberg, Allemagne) – décédé en 1505 à Ulm Nationalité : allemande Ecole : allemande XVe-XVI e siècles Autres œuvres : La décapitation de Sainte Barbe - Double Portrait - Portrait de Moritz Ensinger

3. Contexte artistique, historique et social

La fabrication d'un retable est une entreprise qui engage différents métiers : sculpteurs, peintres et doreurs sont réunis au sein d'un atelier dirigé par un Maître. Ce dernier se déplace en fonction des commandes qu'il reçoit, selon une pratique courante au XVe siècle. Le style de la sculpture et des panneaux peints du triptyque évoque le travail d'un Maître actif en Franconie (Nuremberg ou ses environs), et probablement itinérant en Souabe, autre région du sud de l'Allemagne, peut-être Hans Schüechlin, sans certitude exacte.

Hans Schüechlin se formait d'après les maîtres de Cologne et de l'école néerlandaise. Cologne, Nuremberg, la Bavière, l'Autriche sont les grands centres de la peinture allemande. La production est surtout celle de retables à volets sculptés et peints. Schüechlin est un représentant essentiel de l'école allemande d'Ulm. Il semblerait que l'artiste ait travaillé dans un atelier de Nuremberg avant de se fixer à Ulm. Il a tenu une position honorable dans l'histoire de l'art du Moyen-Âge, bien que le temps en ait laissé seulement peu d'ouvrages certifiés. Il est, après Bartolomäus Zeitblom (son gendre), le peintre le plus important de la ville d'Ulm. Bien que son nom figure à plusieurs reprises dans les archives de la ville et que de nombreuses quittances indiquent qu'il possédait un atelier des plus productifs, on ne dispose que d'un petit nombre de témoignages de ses travaux, dont la plupart furent anéantis par les iconoclastes. Les seules œuvres qu'on lui attribue en toute certitude sont les volets du maître-autel de Tiefenbronn, près de Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne) daté de 1469 et signé, souvent restauré à des périodes différentes, ainsi qu'un retable pour l'église de Munster. Ces panneaux sont influencés par l'art flamand, par Rogier Van der Weyden notamment. L'artiste est sans conteste également l'auteur d'un panneau qui se trouve à Prague et qui représente la Décapitation de Sainte Barbe. Deux portraits, celui de l'architecte de la cathédrale d'Ulm, Moritz Ensinger (musée de Mayence), et un Double Portrait daté de 1479 (Munich, Bayerisches Nationalmuseum), semblent être également de sa main.

4. La restauration

Le triptyque du musée de Metz a bénéficié, à partir de 2008 et pendant deux ans, d'une restauration qui a permis une nouvelle lecture des scènes représentées. Le retable est parti au Centre de restauration de Vesoul, où des spécialistes en bois polychromés, des menuisiers, des peintres, l'ont restauré. Des examens (réalisés au microscope et rayons ultraviolets) ont préalablement attesté le caractère original de la structure, volets et caisse. La peinture est également d'origine, même si des zones repeintes ultérieurement, sur les reliefs sculptés, ont été mises en évidence. Ces retouches restent toutefois assez fidèles à l'esprit de l'oeuvre originale. Elles ont peu nui à la beauté des couleurs et des ors. La beauté du Retable de l’Adoration des Mages, révélée par sa récente restauration, se laisse mieux apprécier avec la découverte du contexte de son élaboration et de sa fonction : comment peintres et sculpteurs, dans l’Allemagne du sud à la fin du Moyen-Âge, s’associaient pour créer une œuvre d’art total dédiée à la louange du Christ et de personnages saints, et pour le plaisir et le prestige du commanditaire.

Page 3: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 3

5. Qu'est-ce qu'un retable ?

Un retable est une construction verticale, destinée à orienter le regard des fidèles. Dans une église, le retable est placé en surélévation, à l'arrière de la table d'autel. Il est orné de peintures et de sculptures. Il est également très souvent sommé d'un couronnement sculpté, avec des tourelles et des pinacles sculptés grandeur nature, et d'énormes dimensions pour certains. Il est souvent composé de plusieurs volets, deux pour un diptyque, trois pour un triptyque, voire davantage pour un polyptyque. Ces volets peuvent être fixes ou mobiles. Ils étaient ouverts ou fermés selon l'importance de la liturgie du moment. Le retable repose sur un socle orné de scènes narratives complémentaires, appelé prédelle, qui permet la manipulation des volets. Ce type de mobilier liturgique était très répandu dans le monde germanique, à la fin du Moyen-Âge. Le triptyque de l'Adoration des Mages se compose d'une partie centrale fixe (la caisse), à laquelle sont attachés des volets rabattables, au nombre de deux. Il a été créé en Allemagne du sud vers 1480. A la fin du Moyen-Âge, se multipliaient les fondations de chapelles à l'intérieur des églises, avec comme conséquence la création de nombreux triptyques ou polyptyques pour les meubler. Les spécialistes pensent que celui-ci a été commandé par un personnage haut dignitaire de l'Eglise pour enrichir l'église de St Sébald à Nuremberg. Cependant, on n'a retrouvé aucun « contrat » (ou commande notifiée par écrit), comme cela se faisait traditionnellement à l'époque, et dans lequel sont expliqués les souhaits du commanditaire quant au choix des scènes représentées, des pigments à utiliser pour les couleurs, jusqu'à l'auteur souhaité pour l'exécution (le maître, les apprentis ou les compagnons). Auguste Migette, artiste peintre messin, en a fait don à la ville de Metz en 1884, en même temps que de l'ensemble de son oeuvre et de sa collection personnelle d'oeuvres d'art. Le retable était présent dans le salon de la villa qu'il occupait à Longeville-les-Metz. On ne connaît pas exactement les circonstances de son acquisition. Ce retable, auquel manquent le soubassement et le couronnement, est de dimensions modestes par rapport à d'autres retables à multi-transformations, et qui ont de nombreux compartiments et couronnements, tels ceux de Cracovie, de Notre Dame de Beaune (près de Dijon) ou de Saint Wolfgang am Abersee (Autriche).

6. Clés de lecture d'une œuvre médiévale

L'observation de ce retable va permettre d'aborder quelques notions simples régissant la peinture médiévale. De manière générale, le champ pictural est organisé comme une surface plane même lorsque l'espace est suggéré. Dès lors, les éléments présents peuvent être localisés selon les coordonnées planes (en haut, en bas, au centre, à gauche, à droite) et par les combinaisons de ces dernières (en bas à droite, en haut à gauche...). La position relative des éléments s'appuie sur ces mêmes coordonnées (au-dessus de, à droite de...).

Page 4: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 4

Lecture, analyse :

Ce retable est un triptyque composé de trois parties. Trois sont visibles quand il est ouvert, et une quand il est fermé. La partie centrale, qui représente le sujet de l'œuvre, est en bas relief avec des décors sculptés. Les deux volets adjacents sont peints à la détrempe (peinture à l'eau mélangée avec un liant, à base de colle de peau de lapin par exemple). Issue du concours de plusieurs mains, cette oeuvre frappe néanmoins par l'homogénéité entre parties peintes et sculptées, nées de sources d'inspiration communes à l'atelier. La face avant présente des épisodes liés à la naissance du Christ, et relatés dans l'Ancien Testament. C'est une histoire en images, à but pédagogique. Au Moyen-Âge, les représentations visuelles avaient une fonction éducative : en mettant en scène la vie de Jésus-Christ, on diffusait la culture chrétienne à des personnes ne sachant généralement pas lire, et n'ayant de toute façon pas accès aux livres, y compris aux livres saints tels que la Bible. Partie centrale (la caisse ; 97 x 96,5 cm)

Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite

Martin Schongauer, gravure sur cuivre, 3e quart du XVe siècle, Musée d'Unterlinden, Colmar Source : http://img266.imageshack.us/i/naissjescho1024ah9.jpg/

Page 5: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 5

C'est la partie la plus importante, le mystère que l'on souhaitait dévoiler lors des grandes fêtes liturgiques : la représentation de L'Adoration des Rois mages. C'est, d'après un épisode de l'Evangile selon Matthieu (2-1-12) un thème iconographique chrétien populaire d'un épisode de la vie du Christ : la visite des Rois mages lors de sa nativité. La caisse a été réalisée par un huchier en bois de résineux, sans doute du sapin. Les sculptures sont en bois de feuillus, probablement du tilleul. Elles ont été recouvertes d'un apprêt composé de blanc d'Espagne, mélangé à une solution de colle forte, destiné à recevoir la dorure. Et elles ont été repeintes plusieurs fois au goût du jour, au fil des siècles. Les sculptures polychromes se détachent sur un fond carmin. Au premier plan, dans la partie inférieure, l'artiste a peint quelques fleurs aujourd'hui pâlies. Deux des Rois mages sont revêtus d'amples manteaux aux plis bouillonnants. Seul le Roi noir est habillé d'un justaucorps, vêtement serré à la taille et muni de manches longues et larges. Orné de broderies et de couleurs chamarrées, ce justaucorps est passé sur un collant doré. Tous trois sont chaussés de poulaines, ces chaussures à l'extrémité allongée en pointe et relevée. Chacun des trois Rois offre le présent traditionnel : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Sur le retable du musée, comme dans toute l'iconographie consacrée à ce thème, ils sont représentés riches et puissants. La Vierge, qui reçoit leurs présents, est habillée d'un ample vêtement, aux couleurs chatoyantes or et grenat, qui s'étale en larges plis au sol. Son visage reflète la beauté idéalisée des belles madones. Elle porte sur la tête, en guise de coiffe, une pièce de tissu posée autour de son front, et glissant en écharpe autour de son épaule droite, très proche dans sa forme du couvre-chef du Roi noir. Ses cheveux restés libres retombent en ondulations sur ses épaules. Avec son visage rond, d'une douceur un peu molle, elle contraste avec les physionomies plus effilées des Rois mages. Son expression, de même que celle de l'Enfant Jésus, présenté sur ses genoux, tout en rondeurs lui aussi, présente un caractère impassible. A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à la naissance de l'Enfant-Dieu. Derrière le Roi noir, apparaissent dans une ouverture l'âne et le boeuf, dont les têtes se penchent au-dessus d'une mangeoire, en branchages tressés, et garnie de paille. Dans la partie supérieure gauche, le fond gris-bleu, mal venu, est un repeint postérieur, masquant le ciel étoilé qui illuminait sans doute la scène à l'origine. Cet ensemble de sculptures montre une contradiction entre la richesse de la polychromie, les attitudes des personnages, et l'expression plutôt neutre des visages. On a retrouvé ce modèle de composition dans une gravure de Martin Schongauer, artiste graveur rhénan réputé. A l'époque, on s'inspirait des gravures pour réaliser les retables, et il était courant de se passer des carnets de motifs d'un atelier à l'autre.

Page 6: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 6

Remarquer : - Le chatoiement des couleurs :

L'or, le rouge, le bleu lapis (pigment très cher à l'époque, et qui provenait d'Afghanistan), les verts, les tons chair délicats. La peinture originale du XVè siècle est encore visible sur les visages et dans les plis des vêtements. Un semis d'étoiles en papier, d'origine, a disparu dans le coin bleu du ciel.

- Les costumes des personnages : La Vierge porte un manteau ample formant de nombreux plis. L'Enfant Jésus est représenté nu. Les autres personnages du triptyque sont richement vêtus de costumes de l'époque. Ils sont dans le même esprit dans les trois parties du retable (chaussures pointues ; chèche ; beaux tissus précieux: riches brocarts de soie avec motif de grenade, fabriqués essentiellement en Italie).

- Les plantes : Elles sont peintes dans une veine naturaliste. On distingue : du muguet, une fraise des bois, du plantain, un chardon. Par contre, les feuilles sont stylisées, leur représentation est inexacte.

- L'Enfant Jésus : Il est bien proportionné, et sculpté avec un souci d'humanisation. Noter les détails du pli du bras, et avec quel geste de tendresse il tient la main de sa maman.

- La taille des personnages : Elle est traditionnellement conditionnée par leur statut. Les personnages d'importance égale (comme un pape, un saint, un apôtre ou un évangéliste, ici : les trois Rois mages), sont d'ordinaire tous de la même taille. Ici, le personnage le plus important, la Vierge, est plus grande que les Rois mages.

- La position spatiale : Le personnage le plus important est généralement au centre et dans la position la plus élevée (ici : la Vierge). La morale occidentale privilégie toujours le haut, espace noble, spirituel et divin, par rapport au bas, espace vil ou ordinaire, matériel et de l'enfer.

- La position relative : La position relative des éléments par rapport au personnage central a une importance. Les élus et le paradis se situent logiquement à la droite du personnage principal, c'est à dire dans la partie gauche de l'œuvre. Ici, les Rois mages encadrent la Vierge et sont à ses pieds. Il est à remarquer que le mage noir se trouve du côté gauche (« sinister »), de même que les animaux. On commence à trouver un Roi mage noir dans l'iconographie médiévale à partir de 1460, en peinture, chez les flamands. Auparavant, les trois Rois mages étaient blancs. Il faut noter que, dans la plupart des représentations du thème de L'Adoration des mages, le Roi noir, imberbe, est souvent le plus jeune, et celui, dont les attitudes et la richesse des atours sont les mieux traités.

- La place de l'artiste et du commanditaire : Jusqu'à la Renaissance, l'artiste est considéré comme un simple artisan. C'est pourquoi, au Moyen-Âge, il est assez rare, sauf pour les artistes les plus connus, que l'œuvre soit signée. Mais il arrive fréquemment qu'en guise de signature, ce dernier se représente parmi les figurants. De même, il est d'usage que les commanditaires soient présents au sein de la composition, rappelant par là leur générosité.

Page 7: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 7

Il a été possible de distinguer les dessins préparatoires des deux parties peintes grâce aux rayons ultraviolets.

Volet de gauche (92 x 48,5 cm) :

Représentation de L'Apparition de l'étoile aux Rois mages L'étoile guide les trois Rois, Melchior, Gaspard et Balthazar jusqu'au lieu de naissance de Jésus. C'est un tableau plein de fraîcheur. Les personnages représentés sont les Rois mages agenouillés, dans une attitude de dévotion. Les visages levés vers le ciel où l'étoile leur est apparue, ils portent la couronne, attribut de leur royauté. Leurs vêtements sont opulents. Le chatoiement des couleurs vives permet d'accentuer les reliefs, et de ne pas marquer trop de disproportion entre la peinture des volets et la sculpture du panneau central. Comme sur ce dernier, deux Rois sont vêtus d'une ample chape, alors que le mage noir est habillé d’une sorte de tunique, justaucorps. A l'instar des personnages de la sculpture centrale, l'expression des visages reste neutre et un peu figée. Le fond est très intéressant, et bien dans la manière des primitifs allemands. Dans le lointain, on distingue un paysage mis au goût de l'époque : des collines boisées, quelques arbres aux légers branchages, un petit château fort à colombages, peints avec le souci naturaliste de transposer une scène religieuse dans le contexte de l'époque. Dans le ciel apparaît l'Enfant–Dieu tenant une croix en forme de T. Cela correspond à une croix en tau (ou croix de St Antoine, qui prend la forme de la lettre grecque tau), et qui annonce la passion du Christ. L'Enfant s'inscrit dans une grande étoile d'or de forme bizarre. La composition d'un goût très sûr offre des couleurs plus délicates que les rois bariolés au premier plan. Les figures sont nobles et gracieuses, les formes représentées variées et, grâce à l'utilisation de couleurs tendres, ces images exercent un effet saisissant.

Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite

Page 8: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 8

Volet de droite (92 x 48,5 cm) :

Il représente un épisode dramatique : Le massacre des Innocents. Cette peinture est une très belle composition. On y voit le Roi Hérode, revêtu d'un manteau d'or à motifs rouges. La tête ceinte d'une couronne, il est assis sous un dais sculpté. Ses pieds reposent sur un tapis décoré de lions et d'aigles. Il ordonne le massacre des nourrissons de deux ans et moins. Deux pages font office de bourreaux. L'un, en habit rouge, est armé d'un cimeterre. L'autre, en costume de couleur vert pâle à rayures grises, noires et blanches, brandit un couteau effilé dans sa main droite. De la main gauche, chacun tient un jeune enfant aux cheveux d'or et bouclés. Un nouveau-né étendu à terre laisse son sang s'échapper par une large blessure. Une femme, la mère des enfants, ou de l'un d'entre eux, s'accroche, sans grande conviction, au bras d'un des bourreaux. Les coloris utilisés sont en parfaite adéquation avec la violence et la crudité de la scène évoquée. En dépit du tragique de cette scène, les personnages manquent de caractère et leurs visages demeurent sans émotion.

Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite

Page 9: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 9

La face arrière du retable relate des épisodes mettant en scène des personnages et des Saints souvent représentés en Allemagne du sud à la fin du Moyen-Âge, et en particulier à Nuremberg. Partie centrale :

Représentation de La messe de Saint Grégoire. Tandis que le Pape Grégoire le Grand (540-604) célèbre la messe, un des assistants doute de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin (mystère de l'Eucharistie). Le Christ montrant ses stigmates apparaît alors au-dessus de l'autel. On distingue également un chandelier, un écusson, un livre. Cette scène illustre un moment-clé de l'histoire chrétienne : en 1215, le concile de Latran (à Rome) introduit dans le dogme le concept de la transsubstantiation (passage du corps réel du Christ dans le pain et le vin consacrés), et crée le rite de l'élévation de l'hostie (le prêtre tournant le dos à l'assistance pour élever l'hostie, vers l'est).

Source : Photo J.Munin Copyright Musées de Metz Reproduction interdite

Volet de droite :

Portrait de Sainte Hélène : Sainte Hélène, impératrice et mère de l'Empereur Constantin (306-337), tient son attribut : la croix, ainsi que les trois clous de la crucifixion. Son nom est inscrit en lettres dorées en haut à droite. Elle découvrit la vraie croix du Christ lors de son pèlerinage en Terre Sainte.

Page 10: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 10

Volet de gauche :

Portrait de Saint Sébald : Saint Sébald, ermite du IXe siècle, serait venu d'Italie en Allemagne. Il vécut à l'époque de la fondation de Nuremberg, mourut aux environs de 1070 en odeur de sainteté et fut vénéré comme patron de la ville. Rapidement, on commença à faire des pèlerinages en son nom, et l'église principale fut édifiée sur son tombeau. En 1397, on enferma ses ossements dans un coffret d'argent. Sur le tableau, il porte la maquette de la l'église de Nuremberg qui lui est dédiée. Sa présence sur le triptyque laisse penser que le retable était destiné à une église de la ville ou de ses environs. Son nom est inscrit en haut à gauche. Remarquer les détails fins des peintures, notamment : - les mèches de cheveux du Saint, finement dessinées - il tient un bourdon, ou bâton de pèlerin - sur son chapeau sont accrochées des enseignes de pèlerinage (sortes de pin's ou broche en plomb ou autre métal, ou encore tissu, souvenirs ramenés

couramment de pèlerinage) : on distingue une enseigne en métal, ainsi qu'une enseigne en textile (le tout petit carré blanc) ; cette dernière est un petit carré de tissu représentant la Sainte Face de Véronique. L'enseigne ressemblant à trois points symbolise trois hosties. Ces enseignes étaient prisées dans le sud de l'Allemagne.

7. Pistes pédagogiques :

Propositions d'activités Les pistes proposées dans la fiche de La Nativité de Robert Campin (cf. fiche Histoire des Arts) pourront être transférées à L'Adoration des mages : - A partir de la partie supérieure (= le paysage du volet de gauche) : représenter de l’infiniment grand à l’infiniment petit - Créer un nouveau tableau respectant les mêmes principes de composition - Réaliser une production en volume en trois dimensions

Voir: http://www3.ac-nancy-metz.fr/iamoselle/artsvisuels/spip.php?article500

- Réaliser une maquette de retable afin de comprendre la manière dont il peut être replié :

Page 11: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 11

ORGANISATION OBJECTIFS MISE EN OEUVRE MATERIEL

Individuelle

- Découverte concrète du fonctionnement d'un retable à volets mobiles.

- Eveil de la curiosité des élèves qui vont rechercher les images manquantes situées à l'arrière des panneaux visibles (recherche sur Internet ou techniques d'arts plastiques).

- Récupérer une image de retable sur Internet via un moteur de recherche de type Google images. Choisir la résolution la plus élevée.

- Photocopier l'oeuvre sur du papier légèrement cartonné de format A4. - Découper en suivant le contour général de l'oeuvre. - Marquer les pliures à l'aide d'une règle. - Trouver le système de pliage qui permet de recouvrir entièrement les

panneaux. - Pour replier les volets, il est nécessaire d'inciser la base. - Une fois le retable replié, investir les six panneaux dont on voit la face

arrière avec une ou plusieurs techniques, selon un thème choisi.

- support : carton fin format A4

- photocopieuse, Internet, imprimante

- ciseaux, colle, règle - outils et matériaux

d'arts plastiques

Sources: «Histoire d'Arts en pratiques», Editions Accès.

Conformément à l'usage médiéval, dans l'exemple ci –dessus l'élève s'est représenté en commanditaire un peu mégalomane.

Page 12: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 12

8. Prolongements / variantes :

- Effectuer un portrait de groupe avec une fausse famille jouée par les élèves costumés et maquillés, la mettre en scène et la prendre en photo. Découper un paysage dans un magazine (Géo, catalogues de vacances…). Intégrer la photographie dans le paysage.

- Imaginer les dialogues entre les personnages du tableau. Les insérer dans des bulles. - Observer la représentation de l'enfant dans différentes œuvres : de la figure d'Eros chez les Grecs et les Romains, à l'image de l'enfant Jésus-Christ

au Moyen-Âge, la représentation de l'enfant est la majeure partie du temps symbolique. L'enfant était représenté comme un petit adulte, c'est-à-dire reconnaissable uniquement par sa petite taille. Ce n'est qu'à partir du XVIe siècle que l'art (la peinture et la sculpture) accorde une morphologie propre à l'enfant représenté. L'enfant devient alors sujet, l'artiste peint sa famille ou sa progéniture.

- Comparer l’œuvre avec d’autres retables :

Veit Stoss, Retable de l'église Notre-Dame de Cracovie, 1477-1489 bois polychrome, 13,1m de haut

cliquer ici

Michael Pacher, Retable de Saint Wolfgang, 1479-1481 am Abersee, Autriche, vue d’ensemble.

cliquer ici

Matthias Grünewald (partie peinte, 1512-1516), Niklaus von Haguenau (partie sculptée, vers 1490), Retable d'Issenheim, largeur ouvert : ≈ 585 cm ; hauteur avec prédelle : ≈ 322 cm chapelle du Musée Unterlinden, Colmar

cliquer ici

Page 13: MOYEN-ÂGE : TRIPTYQUE DE L'ADORATION DES MAGES - 40 000 … · 2012-06-18 · A l'arrière plan, on reconnaît la bergerie aux couleurs carmin et bistre, qui a servi de berceau à

IA 57 / Groupe Histoire des Arts / 2009-2011 / Josette TONIOLO CPAV 13

Rogier van der Weyden, Retable du Jugement dernier, intérieur, vers 1450 huile sur panneau, partiellement transféré sur toile Musée de l'Hôtel-Dieu, Beaune.

cliquer ici

Rogier van der Weyden, Retable du Jugement dernier, extérieur, vers 1450, huile sur panneau, partiellement transféré sur toile, Musée de l'Hôtel-Dieu, Beaune.

cliquer ici

9. Sitographie

- D'autres adorations des mages : http://www.abcgallery.com/religion/adorationmagi.html - Une liste d'artistes ayant réalisé une oeuvre sur le thème de l'adoration des mages : http://wapedia.mobi/fr/Adoration_des_mages_(homonymie) - Une production d'enseignes de pélerins au Mont Saint-Michel : http://www.inrap.fr/archeologie-

preventive/Decouvrir/Multimedias/Dossiers_thematiques/Une_production_d_enseignes_de_pelerins_au_Mont_Sai/p-1142-Une_production_d_enseignes_de_pelerins_au_Mont_Sai.htm

- Les métiers du retable au Musée des Arts décoratifs : http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/arts-decoratifs/collections-26/parcours-27/chronologique/moyen-age-renaissance/zoom-sur/les-metiers-du-retable/

- La galerie des retables au Musée des Arts décoratifs : http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/arts-decoratifs/collections-26/parcours-27/chronologique/moyen-age-renaissance/les-salles/la-galerie-des-retables/

- Les secrets de la fabrication des retables en Provence : http://www.culture.gouv.fr/culture/retables/ - Les techniques de la peinture et de la dorure au Moyen-Âge : http://www.riom-communaute.fr/documents/musees/moyenage9a10.pdf - La technique de la sculpture au Moyen-Âge : http://www.riom-communaute.fr/documents/musees/moyenage8.pdf - Retables sculptés de la fin du Moyen-Âge au Musée des Beaux-Arts de Dijon : http://mba.dijon.fr/data/pdf/retables.pdf