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Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1973 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 11 sep. 2020 19:47 Vie des Arts Fontainebleau Temple des arts Philippe Verdier Volume 17, numéro 70, printemps 1973 URI : https://id.erudit.org/iderudit/57833ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La Société La Vie des Arts ISSN 0042-5435 (imprimé) 1923-3183 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Verdier, P. (1973). Fontainebleau : temple des arts. Vie des Arts, 17 (70), 12–19.

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Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1973 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 11 sep. 2020 19:47

Vie des Arts

FontainebleauTemple des artsPhilippe Verdier

Volume 17, numéro 70, printemps 1973

URI : https://id.erudit.org/iderudit/57833ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)La Société La Vie des Arts

ISSN0042-5435 (imprimé)1923-3183 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleVerdier, P. (1973). Fontainebleau : temple des arts. Vie des Arts, 17 (70), 12–19.

Page 2: Fontainebleau : temple des arts - Érudit...Porte-Dorée, à Fontainebleau). Plume, lavis de bistre; 16 pces y3 x 8. (41 x 20 cm.) New-York, Coll Famill. e lan Woodner. Un is -^F^^^K

Fontainebleau temple des arts

Philippe VERDIER

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Événement

1. Le PRIMATICE Ulysse et Pénélope, vers 1560. Huile sur toile; 45 pces x 49. (114 x 124 cm.) Toledo, Museum of Art (don Edward Drummond Libbey). (Phot. Galerie Nationale du Canada)

2. Pierre MILAN, d'après le ROSSO Les Parques nues, vers 1 542-56. Burin; 9 pces y 2 x 6y 2 . (24 x 16 cm.) Londres, Coll. Trustees of the British Museum. (Phot. British Museum)

L'Exposition de l'Ecole de Fontaine­bleau a groupé à Paris, au Grand-Palais, du 18 octobre au 15 janvier dernier, 705 objets représentant les arts plastiques et décoratifs de la Re­naissance française, avec une concen­tration sur les dessins et les gravures, si précieux parce qu'i ls jalonnent la genèse des oeuvres et soulignent leur retentissement et, plus encore, parce qu'ils ressuscitent toutes celles qui ont disparu. Car, aujourd'hui, des program­mes de décoration imaginés au palais de Fontainebleau par le Rosso sur une période de dix ans — il mourut en 1540 — et par le Primatice, invité en 1532, puis par Niccolo dell 'Abbate, bras droit du Primatice depuis 1552 et pour vingt ans, les fresques du Pavil­lon de Pomone, de celui des Poêles, de la Galerie Basse, de l'Appartement des Bains, de la Grotte des Pins, de la Chambre et du Cabinet de François 1er, ont disparu et ne peuvent plus être évoquées qu'à travers les comptes, les descriptions et les documents graphi­ques. De la Chambre de la Reine, Éléo-nore d'Autriche, il ne reste que la cheminée. La perte la plus cruelle fut celle de la Galerie d'Ulysse, démolie en 1738-39, ainsi appelée parce que 58 sujets de l'histoire d'Ulysse occu­paient les entre-fenêtres; sur 150 mè­tres de longueur, la voûte était divisée en quinze travées, peintes, sur un fond de grotesques, de sujets mythologiques répartis symétriquement dans des car­touches. Nous n'avons plus pour nous en consoler que le Livre de Grotesques de Jacques Androuet du Cerceau, des aquarelles de Rubens, des dessins et gravures de Van Thulden et six pein­tures du Primatice ou de son atelier qui copient les thèmes de l'histoire d'Ulys­se. Deux de ces peintures, l'Enlève­ment d'Hélène (Bowes Museum, Bar­nard Castle) et Ulysse et Pénélope

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(Toledo Museum of Ar t ) , par le lyrisme mystérieux, vaporeux, font penser à une anticipation de Prud'hon. Les mor­ceaux de résistance, et qui ont résisté à Fontainebleau, sont la Galerie Fran­çois 1er — sauf le Cabinet, supprimé en 1785 — dont les treize fresques à l'iconographie abstruse entrelacent les heurs et malheurs du règne au plan initial de réforme culturelle, la Cham­bre de la Duchesse d'Étampes, maî­tresse de François 1er, qui , par une allusion transparente, est décorée de l'histoire des amours d'Alexandre, et la Salle de Bal, peinte sous Henri II de fresques mythologiques à la ligne si décorative que l'arabesque en de­vient musicale, avec le thème de la fête ou du divertissement revenant en leitmotiv. Les peintures de Niccolo dell 'Abbate dans la Salle de Bal, gâ­tées par des repeints à l'encaustique sous Louis-Philippe, ont été rendues à leur fraîcheur première par la volonté d'André Malraux. La récente restaura­tion a aussi débarrassé les nus féminins en stuc de la Chambre de la Duchesse d'Étampes des serviettes hygiéniques dont les avait affublés la pruderie d'un règne bourgeois.

La seconde École de Fontainebleau consacra le rétablissement de l'unité et des travaux de la paix après l'abju­ration d'Henri IV et la reconnaissance

de la liberté de conscience aux protes­tants français par l'Édit de Nantes (1598). Elle a été mieux respectée que la première dans la décoration du châ­teau. Il reste six des huit compositions de l'Anversois Dubois illustrant les amours de Tancrède et de Clorinde (vers 1605) et, dans le Cabinet de Théagène, devenu Salon Louis XIII, sont encore en place, avec quelques permutations, onze des quinze tableaux de Dubois retraçant les amours de Théagène et de Chariclée. Et surtout la Chapelle de la Trinité, que Philibert de l'Orme avait achevée en 1551 , pré­sente à peu près intact le grandiose programme de son autel à retable et de ses stucs encadrant à la voûte une vi­sion renouvelée de celle de la Chapelle Sixtine, que Martin Fréminet peignit à l'huile sur plâtre, de 1608 à 1619. Cet art est prébaroque. Sous Henri IV l'atmosphère a radicalement changé. Les sensibilités se polarisent vers le romanesque: les programmes sont ins­pirés dans le Cabinet de Clorinde par la Jérusalem délivrée du Tasse, et, dans celui de Théagène, par l 'Histoire Aethiopique (ou Amours de Théagène et de Chariclée, qu'Amyot avait tradui­te du grec en 1547). D'autre part, l'église catholique s'était ressaisie au Concile de Trente (1545-1563). La Chapelle de la Trinité témoigna de la

nouvelle mentalité, grave et forte jus­que dans les effets d'un mysticisme théâtral, imposée à l'art religieux par l'Église post-tridentine. Mais elle té­moigne aussi du triomphe de Michel-Ange, qui n'avait cessé d'envoûter dès le début l'école de Fontainebleau, par l'aimantation qu'i l exerçait de Florence et de Rome, renforcée par les oeuvres que l'on pouvait voir et toucher en France: les deux Esclaves de la tombe de Jules I I , les gravures de la fresque

1 . A N O N Y M E , Diane caressant un cerf. Bas-relief, marbre; 10 pces VA X 16 1 / 2 - (27 x 42 cm.) Paris, Musée de Cluny. (Phot. Réunion des Musées Nat ionaux)

2. Jacques ANDROUET DU CERCEAU Le Château de Fontainebleau (dessin prépa­ratoire pour les planches gravées des Plus excel lents Bast iments de France, 1 5 7 6 - 1 5 7 9 ) . Plume, lavis de bistre; 20 pces VA x 29V3- (51 x 74 cm.) Londres, Col l . Trustees of the Br i t ish Museum. (Phot. Br i t ish Museum)

3. A N O N Y M E , Diane de Poi t iers Médai l le , argent; d iam. : 2 pces V i - (5 cm.) Paris, Musée du Louvre. (Phot. Réunion des Musées Nat ionaux)

4 . Benvenuto CELLINI, Satyre, vers 1543 des satyres projetés pour le tympan de la Porte-Dorée, à Fontainebleau). Plume, lavis de b is t re; 16 pces y 3 x 8. (41 x 20 cm.) New-York, Col l . Famil le lan Woodner .

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du Jugement dernier, et, à Fontaine­bleau même, l'Hercule de marbre, oeuvre de jeunesse (vers 1492), monté sur une fontaine au bord de l'étang, disparu après 1714 et seulement con­nu par un dessin attribué à Rubens, et la Léda et le cygne, peinte en 1529-30, mais déjà gâtée « par la malice du temps » avant 1642 (Père Dan: Le Trésor des merveilles de la Maison royale de Fontainebleau). A l'exposi­tion du Grand-Palais, le grand carton de la Léda et le cygne, attribué au Rosso, était pendu à côté de la Pietà, peinte peu après par le Rosso pour le connétable Anne de Montmorency, cette confrontation n'ayant de sacri­lège que les dehors, car l'extase sen­suelle de Léda, investie d'une valeur cosmique, est voisine de la mort et de la douleur universelle.

L'École de Fontainebleau fut sous la coupe des Italiens, arrivés en deux vagues à la tête des chantiers — d'a­bord celle du Rosso, de Luca Penni et du Primatice, qui greffèrent sur souche française le maniérisme italien qui , dès la mort de Raphaël, se développe à Rome dans la suite des stanze du Vatican et dans les palais de Mantoue et de Gênes. Niccolo dell 'Abbate, un Bolonais comme le Primatice, qui dans la décoration des grandes machines alliait comme ses prédécesseurs à l' instinct du monumental le sens de l'écriture ornementale, était par sur­croît un paysagiste. Il arriva vingt ans après les pionniers, enrichi des caden­ces exquises du Parmesan. De Salviati

et de Ruggiero de'Ruggieri qui vinrent sur ses pas, on est réduit à induire les traces de leur passage en France. Le Maître de Flore, appellation protéenne, recouvre peut-être un peintre émil ien, le fils de Niccolo ou de Ruggiero. Après les deux vagues italiennes s'ouvrit le fossé des guerres de religion, creusé à Fon­tainebleau même autour du palais sous la forme de douves qui, sous Catherine de Médicis et Charles IX, transformè­rent le temple des arts de Fançois 1er en bastion. La deuxième École de Fon­tainebleau est franco-flamande. Entre les deux écoles de Fontainebleau s'in­tercalent des Français au talent très original: Etienne Delaune, un protes­tant, qui dut fuir la cour après la Saint-Barthélémy (1572) , dessinateur de la stature d'un Ingres, dont on a pu regretter la présentation un peu chiche à l'exposition du Grand-Palais, et An­toine Caron, prophète des surréalistes, dont l'art est le paradigme de cette promiscuité de raffinement et de cruau­té qui fut de mode sous les derniers Valois. Un tableau de Caron, repré­sentant l'Entrée de François 1er à Mi lan en 1515, récemment acquis par la Galerie Nationale du Canada, cons­tituera l'un des pôles d'attraction de l'exposition d'Ottawa, à côté du des­sin du même sujet prêté par le Louvre.

L'art italien transplanté à Fontaine­bleau y était devenu international, sous l'influence du milieu royal et aristocra­tique, et grâce à la transfusion de la tradition nordique, opérée par les Fran­çais et les Flamands qui collaborèrent

1. ANONYME Dame à sa toilette. Toile; 39 pces 1/2 x 30. (100 x 76 cm.) Dijon, Musée des Beaux-Arts. (Phot. Remy, Dijon)

2. Antoine CARON La Reddition de Milan, vers 1562-1574. Huile sur bois; 19 pces 3A x 261/3- (50 x 66 cm.) Ottawa, Galerie Nationale du Canada (Phot. Galerie Nationale du Canada)

3. Toussaint DUBREUIL Cybèle éveillant Morphée, vers 1600. Huile sur toile; 38 pces Va x 4 6 % . (97 x 117 cm.) Fontainebleau, Château.

avec les Transalpins dans un esprit d'équipe qui n'eut pas de second en France depuis l'édification communau­taire des cathédrales. Symbiose plus que métamorphose, qui s'inscrivit aussi bien dans la structure linéaire des oeuvres d'art, plus pure, plus astrin­gente que nulle part ailleurs en Europe, que dans la vitalité fantastique com­muniquée aux grotesques et aux em­blèmes. Les stucs inventés par le Rosso et par le Primatice prirent pres­que plus d'importance que les scènes qu'i ls encadrent. La décoration bell i-fontaine ne subordonne pas la marge au sujet, qu'elle mult ipl ie davantage qu'elle ne le centre. L'imagination de l'ornement est indissociable de l'ico-nologie allusive des thèmes à sous-entendus politiques. Les fantaisies végétales, zoologiques, caricaturales, abstraites, proliférèrent comme la bran­che cadette de ces marges à grotes­ques et moralités des manuscrits gothi­ques à peintures, passées de France, des Flandres et d'Angleterre, en Italie, dès le début du XVe siècle. L'élément de base du cartouche décoratif de Fontainebleau: le cuir découpé, reste une énigme. Il dérive peut-être de certaines gravures allemandes. Mais le facteur catalysant n'aurait-il pas été l ' importation de sculptures aztèques? L'Amérique, qui venait d'être décou­verte, n'est pas absente des grotes­ques. Les masques à plumes d'Indiens y voisinent avec le rictus des satyres et ils avaient d'ailleurs été déjà sculp­tés sur la tombe du cardinal Georges

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1. Entourage de Niccolo dell'ABBATE Rencontre de Charles Quint et du bey de Tunis. Huile sur toile; 27 pces V i x 3 2 % . (69 x 83 cm.) Londres, Courtauld Institute of Art.

2. Niccolo dell'ABBATE Moïse sauvé des eaux. Huile sur toile; 32 pces % x 323/à. (82 x 83 cm.) Paris, Coll. Musée du Louvre. (Phot. Réunion des Musées Nationaux)

d'Amboise, dans la cathédrale de Rouen, et sur les pilastres du palais du prince-évêque de Liège.

La décoration bellifontaine donna par une réaction en chaîne le ton à tous les arts décoratifs: tapisserie et orfèvrerie, armures ciselées, manus­crits enluminés, livres il lustrés, reliures et émaux. La gravure devait être l'agent de propagande par excellence de l' idio­me formel des maniéristes. Les gravures de Durer avaient introduit dans l'art de la haute Renaissance en Italie le c l i -namen fatidique qui le fit immédiate­ment dévier vers l' inquiétude d'une spiritualité insatisfaite d'une définition rationnelle de l'image de l'homme et de son environnement. Les émaux peints de Limoges dans lesquels, dès 1520, le sujet n'est presque jamais plus imaginé mais se cantonne dans l ' imitation d'un modèle gravé, copient non seulement Marc-Antoine et le Maître au Dé, prolongateurs de Ra­phaël et du raphaélisme nordique, mais les maîtres de la Renaissance du nord: Schongauer et Lucas de Leyde.

Près d'un tiers de l'exposition de l'École de Fontainebleau présentée à Paris va être en vue à la Galerie Na-

La Galerie Nationale du Canada, à Ottawa, a l 'honneur de présenter au publ ic canadien la fastueuse exposit ion Fontainebleau: l 'art en France, 1528-1610. du 2 mars au 15 avr i l 1973 . Cette exposi t ion, il convient de le soul igner, a été orga­nisée en vertu de l 'accord cul turel France-Canada, sous l 'égide du Ministère des Affaires Extérieures du Canada, avec la col laborat ion des Musées Na­tionaux de France et de la Galerie Nationale du Canada.

tionale du Canada du 2 mars au 15 avri l . Il faut se féliciter que cette expo­sit ion, qu'i l a fallu dix années d'efforts pour rassembler et pour étudier, pren­ne le chemin non des États-Unis sur le continent américain, suivant la voie de très nombreux précédents, mais de la capitale du Canada, dans l'esprit de l'accord culturel intervenu entre la France et le Canada. La première école de peinture qui se soit constituée en France, à l'époque même des premiè­res explorations de la Nouvelle-France, vient visiter après un long crochet historique la nation amie. Il était inévi­table et il fut heureux que l'École de Fontainebleau se soit cristallisée au­tour du génie ital ien. La vocation à l'universel, qui est la tradition fran­çaise la plus authentique, avait besoin dans les arts de l'apport italien, qui représentait une forme de civil isation supérieure, afin d'entrer plus complè­tement dans le courant de la renais­sance européenne au moment où les lettres, les études linguistiques et reli­gieuses avaient pris en France un essor sans précédent depuis le retour de François 1er de la captivité de Madrid.

Fontainebleau, relais de chasse royal au Moyen-âge, offrait son climat amè­ne, sa tabula rasa culturelle aux artistes et ses halliers aux dryades et aux nymphes de la mythologie. Un Olympe, d'une grâce et d'une fantaisie sans ancêtres connus et sans postérité, descendit animer les murailles neuves. Un idéal inédit de la beauté féminine s'incarna dans des corps nus de fem­

mes, chasseresses et nageuses, lon­gues et nacrées, aux chevelures lovées et orfévrées, trop déesses ou trop sportives pour tomber dans le piège banal de l'érotisme. Et, pourtant, c'est à Fontainebleau, plus encore que dans la gravure italienne et que chez Jules Romain, que l'érotisme reçut ses let­tres de crédit dans l'histoire de l'art, mais racheté par la candeur ou par une saine prestesse. Dans un art de cour les scandales de la cour bâtissent la trame. Les oeuvres qui vont être présentées à la Galerie Nationale du Canada sont en majorité graphiques. Elles font appel à la reconstitution ima­ginée de leur contexte. Mais leur origi­nalité technique et d'exécution est sur­prenante. Les Italiens apportèrent à Fontainebleau le dessin à la sanguine et au lavis de sanguine, à la plume et au lavis brun. L'eau-forte fut le médium par excellence des graveurs de Fontai­nebleau. Fantuzzi la manipula avec une verve extraordinaire, substituant sou­vent aux sujets mythologico-polit iques copiés des fresques de la Galerie de François 1er, des paysages cartogra­phiques immenses, à excroissances v i ­sionnaires, qui font un effet d'échappée irréelle, écrasés qu'i ls sont au mil ieu de caryatides géantes, de termes her­culéens, de lourdes guirlandes de fruits et d'enfants reproduisant les stucs d'encadrement. Delacroix se de­mandait avec nostalgie quel devait être l'effet de couleur des Titiens dans leur fraîcheur. Les fresques peintes par Nic­colo dans la Galerie d'Ulysse d'après les cartons du Primatice étaient-elles plus mystérieusement irradiantes que ces merveilleux festons de chairs com­me éclairées de l'intérieur par une veilleuse, des dessins du Primatice, au trait tremblé, vibration d'une corde frappée par une lumière divine? VCI

English Translation, p. 85

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