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Mon fils, victimede Happy slapping

Groupe Eyrolles61, bd Saint-Germain75240 Paris cedex 05

www.editions-eyrolles.com

Également dans la collection « Histoires de vie » :Mary Genty, « Non, je ne suis pas à toi »Dany Salomé, « Je suis né ni fille ni garçon »Pauline Aymard, « Elle s’appelait Victoire »Les filles du calvaire, « Le ventre vide, le froid autour »Mathilde Cartel, Carole Richard et Amélie Rousset, « J’ai aimé unpervers »Philippe Cado, « Le jour où je me suis pris pour Stendhal »Karine Fleury, « Seule contre tous… »

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement oupartiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation del’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2015ISBN : 978-2-212-56242-2

Histoires de vie

Angèle Martin

Mon fils, victimede Happy slapping

À Romain,

Tous les noms des personnes et des lieux cités dans ce témoignage ont étémodifiés afin de respecter l ’anonymat de l ’auteur, des membres de safamille, et des personnes dont les agissements sont relatés.

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Remerciements

Merci à tous ceux qui nous ont tendu la main pendant ce tristeépisode. Rares ou fréquentes, grandes ou petites, ces mains ont toutesété fondamentales pour nous.

Merci aux éditions Eyrolles pour leur soutien, en particulier àStéphanie Ricordel et à Élodie Dusseaux pour leur patience et leurbienveillance.

Merci à Émilie Leibig pour son immersion rapide et efficace dansmon manuscrit.

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Introduction

Je vis avec Thierry, nous avons quatre enfants : Marine, 16 ans,Romain, 11 ans, Baptiste, 9 ans et Alice, 5 ans.

Nous habitons dans le nord de la Bretagne, un village tranquilledans les terres, à la campagne mais à proximité d’une grande ville ;nos enfants vont dans des écoles « ordinaires » et nous avons une viequi l’est tout autant. Une normalité que nous considérons commeune chance et dont nous prenons soin au quotidien, recherchantcomme nous le pouvons une qualité de vie qui nous corresponde aumieux. La famille de monsieur et de madame Tout le monde. Pour-tant, à cause des nouvelles technologies, des événements ont faitbasculer ce petit idéal simple vers le cauchemar. Nous avons, bienmalgré nous, découvert cette récente et triste mode du « happyslapping ». Vu comme ça, la phrase est courte et simple ; la suite,elle, a été bien différente.

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Une bagarre

Septembre, un de plus.

Comme tous les ans, nous traînons tous un peu les pieds. Alicerentre en moyenne section de maternelle et Baptiste en CE2 à l’écoledu village. C’est une école qui compte une centaine de familles,deux classes en maternelle, quatre à l’école primaire. Un petit établis-sement de campagne, où il fait bon vivre et où tout le monde seconnaît. La cuisinière fait mijoter du bio, les enfants jouent sansviolence, la boulangère apporte le pain à pied le matin, en déposantses enfants. Le cadre est magnifique, l’école est rassurante. Alice etBaptiste n’ont pas très envie de reprendre, mais qui est vraimentheureux à l’idée de retourner en classe après deux mois de vacances ?Heureusement ils retrouvent leurs copains, et ça, c’est chouette !

Alice et Baptiste sont les premiers de la famille à retourner à l’école,puisque pour Romain, qui rentre en 5e, la rentrée n’a lieu quel’après-midi, comme pour moi qui suis enseignante d’arts plastiques.Marine, elle, ne reprend le lycée que le lendemain matin. Le soleilde septembre est au rendez-vous, Alice disparaît avec ses copines :ça discute ferme comme des petites femmes ! Elle retrouve sa classeet la même institutrice que l’an passé, finalement ravie de reprendreson quotidien. Nouveau cartable sur le dos, fier de tous les gadgetsneufs qu’il a fourrés dedans, Baptiste disparaît à la cloche avecson nouvel instituteur. Romain et moi partons tous les deux aprèsle repas, vers notre établissement qui est en ville, à une dizaine de

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kilomètres. Bien sûr, ce n’est pas toujours facile d’être tous les deuxdans le même collège, mais il n’a jamais souhaité qu’il en soit autre-ment. De plus, Thierry, leur papa, a un travail qui l’oblige à partir tousles lundis matin et il ne rentre à la maison que le vendredi. Depuistoujours il travaille loin, change d’endroit souvent et nous passons lessemaines tous les cinq, sans lui. Cela complique l’organisation fami-liale, et explique en partie pourquoi nous avons fait le choix d’être,Romain et moi, dans le même établissement. De surcroît, c’est unexcellent collège, dont le niveau et la discipline n’ont, a priori, plus àfaire leurs preuves. Sitôt arrivé dans la cour, Romain se jette sur leslistes et constate avec plaisir qu’il retrouve une classe presque similaireà celle de l’an dernier, avec Monsieur Leroy en tant que professeurprincipal. C’est un homme rigoureux, juste, qui aime son métier et sesélèves. Tout s’annonce bien. Pour moi, c’est une rentrée sans surprisepuisque je connais déjà mon emploi du temps et les élèves. Il faut justesauter dans l’arène et affronter les premiers jours avec énergie. Jeconnais la chanson, cela fait de longues années que je fais ce métier ; sije n’aime guère cette période, je sais par contre qu’elle ne dure paslongtemps. Ces jours-là ne sont faciles ni pour les élèves, ni pour lesenseignants. Nous savons tous que les premières impressions sontensuite difficiles à éliminer et à changer.

Une fois les emplois du temps de chacun connus, nous organisons lesoir de la rentrée une réunion rapide avec les voisins afin d’organisernotre système de transport pour les enfants. Deux destinations :l’école du village et le collège. Plusieurs horaires : 8 ou 9 heures lematin, 16 ou 17 heures le soir. Nous avons mis en place ce systèmede covoiturage depuis plusieurs années et cela fonctionne très bien.Nous sommes trois adultes et sept enfants, nous n’avons donc guèrebesoin des transports en commun. Nous reprenons tous le rythmeaprès de longues semaines d’interruption.

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Depuis plusieurs années, Marine fait du tennis et du théâtre.Romain lui, n’a qu’une activité : le foot, beaucoup de foot. Il part aucollège avec un ballon pour la récréation, rentre du collège pourjouer au ballon dans le jardin et s’entraîne le mercredi dans l’équipedu village. Son rêve ? Devenir footballeur professionnel ! Baptisteétudie le piano et pratique le foot comme son grand frère, mais il estmoins acharné. Alice, quant à elle, prend tout simplement le tempsde jouer. Tous ont beaucoup d’amis, le jardin est d’ailleurs souventpris d’assaut par des courses de vélos, des tournois de foot, ou debasket jusqu’à l’heure fatidique de la douche ou du repas.

En quelques jours, nous sommes happés par le quotidien, le travaildes enfants, les levers plus ou moins matinaux, plus ou moins faciles,les repas souvent un peu expédiés. Vivre à la campagne implique queje conduise chaque enfant à ses activités le mercredi, et le week-endce sont les matchs de foot, les tournois de tennis et les répétitions dethéâtre. Une activité avec Baptiste, une autre avec Romain, une autreavec Marine ; nous veillons à répartir notre temps entre eux aussijustement que possible pour pouvoir profiter de chaque enfant. Lavie de famille ordinaire, d’une famille ordinaire.

Nous entrons dans l’automne, les jours raccourcissent et la cheminéereprend du service. Nous enchaînons les premières semaines, puis lesvacances approchent à grands pas : première halte de l’année bienméritée ! Le dernier jour de cours avant les vacances est enfin là etcomme tous les vendredis de cette année, les enfants finissent à16 heures, moi à 17. Ils jouent donc dans la cour en m’attendant etnous rentrons ensuite tous ensemble au village puisque c’est moi quisuis chargée du covoiturage ce soir-là. Ce vendredi, Marine, Romainet Théo, un copain de Romain qui habite près de chez nous, s’instal-lent sur la banquette arrière, bavardant comme un soir ordinaire dedépart en vacances.

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La semaine suivante, nous partons, les quatre enfants, leur grand-mère et moi-même, passer quelques jours dans le Morbihan, enbord de mer. Là-bas, comme chaque fois, c’est l’émerveillement.Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous aimons cette régionpresque davantage en hiver qu’en été. La plage pleine de touristesen maillot de bain et les commerces bondés n’ont rien à voir avec laBretagne que nous aimons le reste de l’année. Cela commence parl’émotion ressentie dès que l’on ouvre la portière de la voiture surle parking : là, une odeur profondément iodée nous remplit lespoumons ; un régal ! Nous vidons le coffre, puis les enfants partentgaloper sur la plage pendant que je fais les lits avec Marine. Nousenchaînons les ballades sur la côte : les rochers, le sable, le chemincôtier, les enfants aiment tout ! Des heures à jeter des cailloux dansl’eau, à fabriquer sur la plage le barrage, le seul, l’unique, celui quienfin, un jour, arrivera à bloquer la marée montante ! Nous passonsde longues heures à respirer cet air que nous aimons tant. Ces quel-ques jours s’écoulent paisiblement, dans la quiétude marine, pournotre plus grand bonheur à tous les six. Les enfants se régalent etprofitent de leur grand-mère qui les entraîne au Sudoku et leur faitdécouvrir mille et une petites merveilles du monde. En fin desemaine, salés et reposés, nous rentrons chez nous.

Pour la deuxième semaine de vacances, Thierry ne travaille pas etnous restons quelques jours en famille à la maison. Marine disparaîtsouvent chez ses copines, pendant que, côté garçons, les copains duquartier viennent jouer au foot dans le jardin. Les goûters repren-nent du service sur la table de la cuisine.C’est attablé là, au milieu de la semaine, que Romain et Théo semettent à discuter, pendant que je fais les tartines, écoutant d’uneoreille distraite. Au cours de leur conversation, j’entends Théoparler d’une bagarre qui aurait eu lieu dans la cour, le dernier jour de

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classe. Je m’intéresse alors de plus près à la discussion, pose quelquesquestions et là, que me disent-ils ? Romain a été mis à terre et a reçudes coups de pied, il y a donc seulement une dizaine de jours. Ildevait m’attendre une heure et avait comme toujours, un ballon aupied. La récréation était finie, la cour était peu fréquentée et il jouaitseul. Une bande de gamins de 6e lui a sauté dessus, il les a repoussésune première fois, mais ils sont revenus à la charge, l’ont jeté au sol,puis deux d’entre eux l’ont roué de coups de pied dans le ventre. Jetombe des nues ; comment a-t-il pu subir ça et ne rien me dire uneheure après ? Il a même plaisanté en montant dans la voiture…Nous sommes partis la semaine suivante sautiller dans les rochers ausoleil comme si de rien n’était… Pourquoi ? Pourquoi ce silence ?Moi qui pensais tout faire pour maintenir un dialogue franc etouvert entre nous. Ai-je raté une étape ? Ou plusieurs ? Est-ce autrechose ?J’avais bien constaté des bleus sur la hanche de Romain, mais sans yaccorder vraiment d’importance ; il a souvent beaucoup de bleus,passant une grande partie de son temps à faire du foot, du vélo,jouer à la bagarre avec son frère. J’ai eu tort de ne pas y prêterdavantage attention, de ne pas chercher tout de suite le pourquoi, dene pas enquêter sur la cause de ces marques, mais si je m’arrêtais àtous les bleus que les garçons ont en permanence, nous n’en sorti-rions pas. Bien sûr, sur les hanches, c’est inhabituel ; j’ai eu tort…Mais c’était il y a deux semaines maintenant et il n’y a plus aucunetrace à présent, bien évidemment.Les deux garçons me parlent alors de la bande de dix ouquinze gamins de 6e qui font la loi dans la cour. Ils citent des noms.J’ai du mal à y croire : une bande de gosses de 6e qui fait la loi dansune cour de plus de six cents enfants ? Cela dure depuis presquedeux mois et personne n’a rien vu ? Personne n’a rien fait ?

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Au retour de vacances, je raconte ce qu’il s’est passé à MadameMorel, la conseillère principale d’éducation et à Monsieur Girard, ledirecteur des études. Quelques jours plus tard, ils me disent avoirpuni les auteurs. Je n’enquête pas plus. De son côté, Romain n’ayantpas l’air d’y porter une attention particulière, nous passons donc àautre chose.

Pour nous, problème réglé.

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Sommaire

Remerciements............................................................................. IX

Introduction ................................................................................. XI

Une bagarre.................................................................................... 1

Les réseaux sociaux ........................................................................ 7

Les premiers symptômes .............................................................. 15

Des tentatives de conciliation....................................................... 23

En bref ......................................................................................... 29

Des conseils.................................................................................. 31

Janvier, la chute continue.............................................................. 43

Vous avez dit Happy slapping ? ..................................................... 49

Au Palais ...................................................................................... 57

Enfin l’été..................................................................................... 65

La rentrée suivante ....................................................................... 73

Un an déjà .................................................................................... 79

Complètement perdus.................................................................. 81

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Les courriers................................................................................ 89

Janvier, la chute libre .................................................................... 95

Les sables mouvants ................................................................... 103

Adieu Jules Verne....................................................................... 109

La renaissance ............................................................................ 115

La victoire .................................................................................. 123

Deux ans après ........................................................................... 129

Trois ans plus tard, mettre des mots sur notre histoire ............... 133

Épilogue..................................................................................... 147

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