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JACKIEKENNEDYPouvoir et Fortune

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DU MÊME AUTEUR

AlbumsNadar, EncreLes Chirac : Un Album de Famille, Éditions de l’ArchipelMarilyn Monroe : de l’autre côté du miroir, Timée Éditions

BiographiesGrace, Librairie Académique PerrinBuckingham Story, Librairie Académique PerrinLes Dames de l’Élysée, Librairie Académique PerrinLes Monaco, PlonLa Vie quotidienne à Buckingham Palace, HachetteCharles, portrait d’un prince, HachetteJuan Carlos, roi d’Espagne, Hachette (Prix des Trois-Couronnes)La Princesse Margaret, Librairie Académique PerrinCaroline de Monaco, Librairie Académique PerrinEdwina Mountbatten, BartillatLa Véritable Jackie Kennedy, PygmalionBernadette Chirac, Librairie Académique PerrinLa Véritable Grace de Monaco, PygmalionLa Véritable Audrey Hepburn, PygmalionLa Véritable Margaret d’Angleterre, PygmalionLa Véritable Melina Mercouri, PygmalionLa Véritable Duchesse de Windsor, PygmalionLa Véritable Ingrid Bergman, PygmalionLa Véritable Princesse Soraya, PygmalionNoureev, PayotLa Véritable Sophia Loren, PygmalionLa Véritable Marilyn Monroe, PygmalionLa Véritable Élizabeth Taylor, PygmalionJuan Carlos et Sophie, PayotLa Véritable Greta Garbo, PygmalionJames Dean, PayotJohn John, le roman de JFK Junior, PygmalionLa Véritable Gala Dali, PygmalionSir Elton John, Payot

(Suite en fin d’ouvrage)

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BERTRAND MEYER-STABLEY

JACKIEKENNEDYPouvoir et Fortune

Pygmalion

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Sur simple demande àPygmalion, 87 quai Panhard-et-Levassor 75647 Paris Cedex 13

vous recevrez gratuitement notre cataloguequi vous tiendra au courant de nos dernières publications.

© 1999, Éditions Pygmalion / Gérard Watelet, à Paris – paru sous letitre La Véritable Jackie© 2006, Pygmalion, département des éditions Flammarion – paru sousle titre La Véritable Jackie© 2013, Pygmalion, département de Flammarion, pour la présente éditionISBN 978-2-7564-1082-1

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes del’article L. 122-5 (2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductionsstrictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisa-tion collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dansun but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction inté-grale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droitou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti-tuerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivantsdu Code de la propriété intellectuelle.

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« La gloire est la somme des malentendusqui se créent autour d’un nom. »

Rainer Maria RILKE

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PROLOGUE

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L E DESTIN NE LA LAISSA JAMAIS TRANQUILLE.

En janvier 1994, lorsqu’elle prend la décisiond’annoncer son cancer, la même réflexion par-

court le monde entier : Jackie Kennedy Onassisrenoue avec le drame. Alors qu’elle a réussi à recon-quérir un bonheur serein auprès de ses enfants, Caro-line et John John, et d’un homme qui l’entoure d’uneaffection discrète, Maurice Tempelsman, sa vie bas-cule à nouveau.

Bien sûr, Jackie relève la tête. Comme toujours, elleva se battre. Les épreuves, les méchants coups du sort,elle connaît. Elle rend même public son traitement dechimiothérapie, pour que les choses soient claires. Lesmédecins semblent optimistes. Décelé suffisammenttôt, le cancer du système lymphatique peut êtreenrayé. Et elle ne veut rien modifier à sa vie quoti-dienne, continuant de se rendre à son bureau deDoubleday, la maison d’édition où elle travaille depuis1978, et flâne toujours dans Central Park avec sesenfants.

Celle qui donna son style à l’Amérique des années1960 n’est pas femme à renoncer. Trois jours par

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Jackie Kennedy

semaine, Jacqueline Bouvier-Kennedy Onassis conti-nue de quitter vers 9 h 30 son luxueux appartementnew-yorkais, au 1040 de la 5e Avenue, pour gagner entaxi le siège des éditions Doubleday « Senior Editor »de cette importante maison, l’ex-Première Dame desÉtats-Unis occupe un confortable bureau au ving-tième étage d’un gratte-ciel. De nombreux entretiensavec des auteurs, des directeurs de collections, desconservateurs de musées et des agents littérairesfigurent au programme de ses journées. Elle accueilleelle-même ses visiteurs au seuil de son bureau quiporte comme simple inscription : Jacqueline Onassis.Là, attentive, le regard parfois chargé d’une certainedureté, la conseillère littéraire tente de justifier sonsalaire annuel exorbitant.

Elle exprime souvent des remarques pertinentesd’une voix douce, assez sensuelle, bien timbrée, avecun rien de sophistication, un accent vaguement euro-péen qui fait très « high society ». Dans le feu de laconversation, son visage peu maquillé, marqué defines rides autour des yeux, s’anime enfin. Des yeuxassez écartés bordés de cils épais. Le nez est court,rond et les pommettes très larges. La bouche, grande.Ce qui frappe le plus, ce sont ses longues mains.Quelque chose de hautain dans ses gestes mais aussid’indéniablement gracieux. Jackie continue de vivrecomme si la maladie n’existait pas.

Mais les séances de chimiothérapie finissent par lafatiguer. Le traitement fait enfler son visage et elle doitse résoudre à porter une perruque. « On croyait qu’elleaffrontait bien la maladie, mais on se trompait, recon-naît un proche. En surface, elle paraissait un iceberg,mais dessous, elle était en train de fondre. Elle étaittrès abattue. »

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Le 15 avril 1994, Jackie doit être admise d’urgenceau Cornell Medical Center de New York, après avoirperdu connaissance dans son appartement de la5e Avenue. Sa forme rare de cancer du système lym-phatique finit par prendre le dessus. Admise à l’hôpitalCornell de New York le 16 mai, pour la troisième foisen moins d’un mois, elle décide alors de rentrer chezelle et de mourir parmi les siens, lorsque le corpsmédical se fut déclaré impuissant à enrayer le cancerqui se propageait à une vitesse fulgurante. À la grandesurprise des médecins, qui s’inclinent néanmoins, ellerefuse également de continuer à se faire soigner et àprendre les antibiotiques désormais inutiles.

Consciente d’entrer dans la mort, cette vieille com-pagne des Kennedy, mais sereine au milieu des siens,de ses livres et de ses objets familiers, Jackie fait alorsmander Mgr George Bardes, prélat catholique, qui luiadministre les derniers sacrements. À son fils, elleconfie : « J’aurais tant aimé que l’Amérique me par-donne. » L’Amérique qui l’a adorée et haïe. Jackie nesait pas encore combien sa mort va la bouleverser.

Dans la soirée du 19 mai, elle sombre dans le coma.Trois quarts d’heure après, Jackie Kennedy Onassissuccombe, veillée par son fils John Jr., sa fille CarolineKennedy-Schlossberg et le dernier compagnon de savie, le diamantaire milliardaire Maurice Tempelsman.

Dès l’annonce de sa mort, une vague d’émotionsubmerge Manhattan et gagne le pays. Sur les bâti-ments publics et dans les ambassades américaines auxquatre coins du monde, le drapeau est mis en berne,tandis qu’au pied de sa prestigieuse résidence de la5e Avenue, face à Central Park, la foule des curieuxgonfle.

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Jackie Kennedy

Enfin, le 23 mai 1994, c’est le dernier acte dans leslarmes : l’Amérique se réconcilie avec Jackie. Lesobsèques commencent à 10 h 30 par la levée du corps,devant son domicile de la 5e Avenue. Le cortège estcomposé de quatre limousines, dans lesquelles ont prisplace les membres de la famille Kennedy. Il suit, àdiscrète allure, le corbillard emportant le cercueild’acajou recouvert de fougères vertes et d’une croixde roses blanches vers Saint-Ignace-de-Loyola et ParkAvenue. Au fil du parcours, une foule émue accom-pagne du regard sa plus célèbre concitoyenne, tandisque, tout au long de cette journée, les chaînes de radioet de télévision multiplient les programmes spéciauxavec la lancinante succession d’images d’archives, oùla tragédie de Dallas tient la place d’honneur.

Pas une seule fois, au cours de l’office religieux, quidure une heure et demie, célébré par MonseigneurGeorge Bardes (lequel a administré à Jackie les der-niers sacrements et recueilli son ultime confession), lenom d’Onassis n’est prononcé. Comme si l’Amérique,qui autrefois l’avait rejetée, après son mariage avecl’armateur grec, n’avait voulu rendre hommage, en cedernier instant, qu’à une Kennedy.

Fait exceptionnel dans un pays aux médias omni-présents : la messe n’est pas retransmise par la télévi-sion, qui n’en diffuse que le son. En prélude à lacérémonie religieuse, John Kennedy Jr. lit des passagesdu livre d’Esaïe, du Livre des Révélations, et terminepar un paragraphe de l’Évangile selon saint Jean,censé le mieux symboliser les qualités profondes de ladéfunte : l’amour des mots, celui de son foyer et de safamille. Puis, c’est au tour de sa sœur, CarolineKennedy-Schlossberg, de monter en chaire pourdéclamer un poème et lire Mémoire de Cape Cod

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d’Eda Millay, qui célèbre une île, au large de la Nou-velle-Angleterre, où la famille Kennedy a coutume dese retrouver. Mais, ironie du destin, l’ombre d’AristoteOnassis, que l’on avait si diligemment voulu effacer,plane un instant sur l’assistance en la personne deMaurice Tempelsman, dernier compagnon etconfident discret de Jackie Kennedy. Par la lectured’Ithaca, un poème du célèbre poète grec Cavafy, c’estun peu du parfum de Skorpios et de l’âme grecque quientre clandestinement dans cette église de Manhattan.« Et maintenant, le voyage s’achève. Trop court, hélas,trop court, murmure Maurice Tempelsman. Il futplein d’aventures et de sagesse, de rires et d’amour, devaillance et de grâce. Alors, adieu, adieu. » Sur cettedernière envolée, de sa voix profonde et majestueuse,la cantatrice Jessye Norman entonne l’Ave Maria.

Dès la fin de l’office, la dépouille de JacquelineKennedy-Onassis part en direction de l’aéroport deNew York où un avion privé la prend en charge àdestination de Washington. Là, le cercueil est salué auNational Airport par le président Bill Clinton, qui asouhaité rendre solennellement hommage à « l’élé-gance et au courage » de Jackie, une femme « admiréeà travers le monde ».

Enfin, le cercueil est conduit au cimetière d’Arlington,où Jacqueline Kennedy est inhumée dans la plusstricte intimité au côté de son premier époux assassinéet de leurs deux enfants morts en bas âge. Le présidentClinton est encore parmi les intimes pour lancer un« adieu » à son « amie ».

Partout, aux États-Unis, sa mort suscite une viveémotion, tout à la fois moment de recueillement et denostalgie. Quotidiens, magazines, télévisions multi-plient les reportages. Sur fond de films et de photos

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Jackie Kennedy

en noir et blanc, ils évoquent ce tout début des années1960 qui vit un couple digne de Gatsby le Magnifique– il avait quarante-trois ans, elle trente et un – à laMaison-Blanche, incarner une Amérique débordantede confiance et de puissance.

Pour autant, celle qui n’a jamais parlé à la presseintrigue plus que jamais. « Cette femme élégante, indé-pendante, qui savait ce qu’elle voulait, reste unefemme mystérieuse », avoue le Washington Post.« Nous vous connaissions à peine », écrit alors Today,qui s’interroge sur ce que « cachaient ces yeux inou-bliables ». Son biographe, Stephen Birmingham, a dit :« Quand on est seul avec elle, elle est plutôt timide,elle paraît effrayée, un peu rêveuse, hésitante, lançantdes coups d’œil de toutes parts. Mais lors de ses appa-ritions publiques, ajoute-t-il, elle est radieuse. »D’autres ont affirmé que c’était juste le contraire :qu’elle était angoissée et timide en public, alors quedans l’intimité, elle rayonnait. Elle était une énigme.Elle pouvait être légèrement masculine, d’un air sexy,délicate, à la limite de la circonspection ; circonspecteà la limite de la distance ; distante jusqu’au mystère.

A-t-elle jamais livré ses secrets, elle dont la vie futun roman ? Dont le destin oscilla entre une scène deSophocle et le roman-photo, entre une héroïne del’Antiquité et « Dallas ». Elle, dont la vie mélangea sisouvent les ingrédients les plus romanesques : pouvoir,fortune, tragédie et love stories sur fond de jet-set, futquasiment un personnage de films muets, une légendesilencieuse se nourrissant de son propre silence.

Mais le plus romanesque est sans doute sa person-nalité mystérieuse et secrète, presque aussi énigma-tique que celle de Greta Garbo. Car le biographe quicherche à déceler le sens d’une vie – assurément le but

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de toute biographie – doit faire face pour Jackie à uncaractère complexe. Elle souhaita toujours que rien netransparaisse de ses émotions ni de l’insécurité qui latroublaient. Une fois pour toutes, elle avait tiré uninvisible rideau sur son visage, se condamnant ainsi àdevenir une légende, un mythe, fidèle en cela auprécepte de son père adoré : « Ne pas trop donner desoi-même, retenir un peu de soi et laisser les autresdeviner… »

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LES BOUVIER,« UNE DYNASTIE À LA FRANÇAISE »

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N UL N’IGNORE LES RACINES IRLANDAISES duclan Kennedy : comment, dans l’ouest decette île sainte, la vie était rude et l’héroïsme

quotidien nécessaire. Comment, dans les années 1845,la famine, fidèle compagne du paysan gaélique, revinttragiquement. Fuite devant la faim, la maladie, lamort lente, l’émigration apparaissait comme l’uniquesalut. Avec l’adieu déchirant à la terre natale commen-çait la saga d’un Nouveau Monde.

Les racines françaises de Jacqueline Bouvier sontmoins connues. Elle est également issue d’une grandefamille, dont l’histoire ressemble un peu à celle desKennedy. Mais les Kennedy sont originaires d’Irlandeet les Bouvier du sud de la France. L’ancêtre desBouvier qui émigra aux États-Unis à l’âge de vingt-trois ans, était un simple fantassin de l’armée vaincuede Napoléon et apprenti ébéniste à Pont-Saint-Esprit,village du Languedoc.

Les natifs d’Irlande sont ardents et chaleureux,comme le sont également les méridionaux. MichelBouvier était aussi impulsif et avide d’aventure quePatrick Joseph Kennedy, lorsqu’il émigra, à peu près

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Jackie Kennedy

à la même époque d’ailleurs : l’Irlandais en 1849, leFrançais en 1815.

John et Jacqueline sont donc issus tous deux – dansla meilleure tradition américaine – d’une famille àl’origine modeste qui s’est hissée à la force du poignetjusqu’à une sorte d’aristocratie. Mais les Kennedy etles Bouvier ont gardé quelque chose de leurs originespaysannes, qu’une réussite trop rapide n’a pas eu letemps d’effacer. Les deux arbres familiaux sont res-pectivement issus d’un tronc solide et unique : PatrickJoseph pour les Kennedy et Michel pour les Bouvier.

Mais une différence essentielle sépare les deuxfamilles. Les Kennedy sont une grande famille, maispas les Bouvier. Les Kennedy sont restés groupés enun clan solide, alors que les Bouvier sont éparpillés etvivent chacun de leur côté. Si l’on en croit son grand-père, John Vernou Bouvier Jr. (auteur d’un très imagi-natif ouvrage intitulé Mes Ancêtres), sa famille estissue d’une haute lignée de nobles du Dauphiné et duPoitou. Leur nom est connu depuis 1086 et Williamde Vernou fut même le secrétaire du roi Charles V.Deux décrets royaux auraient reconnu les titres de lafamille.

C’est dire si, pendant son enfance, l’on entretintJackie de ses nobles origines et de son lointain héritagearistocratique. La vérité est évidemment différente. Enfait, c’est la Savoie et non le Dauphiné qui est le ber-ceau de la famille. Petits propriétaires terriens, sous-hobereaux montagnards, le clan comprend un forge-ron (François Bouvier) qui vécut dans un hameau dit« Les Mazures de Champlaurent », un charbonnier(Georges Bouvier) qui habita à Grenoble, quelquesagriculteurs, un ébéniste et plusieurs artisans.

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Les Bouvier, « une dynastie à la française »

Certes, l’un des membres les plus téméraires,Eustache, prit le chemin des futurs États-Unis en par-ticipant en 1781 à la guerre d’Indépendance améri-caine dans les rangs victorieux de Rochambeau et deLa Fayette. Son fils, Michel, fondateur de la dynastieaméricaine, connut quant à lui la défaite de Waterloodans les armées de Napoléon. Il regagna la petitemaison de Pont-Saint-Esprit où sa famille tenait unmodeste commerce. Son père, Eustache, était menui-sier-ébéniste et ses trois fils ses apprentis. Au jeuneMichel, désorienté par la défaite de Napoléon et avided’une vie exaltante, son père parla d’Amérique, paysde liberté et d’avenir. Le 10 juillet 1815, MichelBouvier embarque à bord d’un « cercueil flottant »,à destination de New York. La saga américaine desBouvier commence.

Arrivé sain et sauf sur la côte Est des États-Unis, cejeune Français de vingt-trois ans n’a pour seuls biensqu’une redingote élimée, un costume de cheviotte et,dans un balluchon, une paire de chaussures. Il gagnePhiladelphie où la colonie française est déjà impor-tante et travaille comme charpentier sur divers chan-tiers. Avec une âme de pionnier et une vigoureuseénergie, il incarne bientôt le symbole du « Rêve améri-cain » et part à la conquête financière de la côte Est.

Dès 1817, il dépose sur son compte à la banqueGirard de Philadelphie l’équivalent de 7 000 dollars.L’arrivée de Joseph Bonaparte, venu se réfugier danssa ville, change sa destinée. Il s’occupe de l’aménage-ment de la maison de l’ex-roi de Naples et fabriquedes meubles. Il s’enrichit également dans l’importationd’acajou et de marbre et devient un propriétaire ter-rien prospère. Son premier mariage, avec une jeuneAméricaine qui meurt précocement, lui donne deux

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Jackie Kennedy

enfants ; le second, pas moins de sept filles et troisgarçons. Néanmoins, malgré sa fortune, ce self-made-man ne peut entrer dans la haute société de Philadel-phie. D’autant que, dans cet État fondé en 1682 parWilliam Penn et les quakers, les catholiques repré-sentent une minorité.

Si l’une de ses filles fait un beau mariage avec le filsd’un banquier de la ville, toute la famille préfère partirpour New York, en train de devenir la ville la plusprospère de la côte Est. Michel Bouvier y crée unecharge d’agent de change et continue à s’enrichir dansle développement de la Bourse au New York StockExchange. Il disparaît en 1874, en laissant à ses héri-tiers une fortune immobilière considérable.

Lors de ses funérailles à l’église Sainte-Marie, l’unde ses dix enfants évoque sa mémoire par ces vers deLamartine :

« Ces contemporains de nos âmesCes mains qu’enchaînait notre mainCes frères, ces amis, ces femmesNous abandonnent en chemin. »

Pour sa postérité, la seconde et la troisième généra-tion des Bouvier, la disparition de Michel marque lafin de l’ère philadelphienne. Délaissant la cité bour-geoise où ils n’ont jamais vraiment été acceptés par lahaute société de la quatrième ville des États-Unis, lesBouvier parviennent à s’imposer à New York et àconnaître, dès 1889, la consécration sociale en figurantdans le bottin mondain de la ville.

Chacun des enfants de Michel contribue au déve-loppement des affaires familiales. L’un de ses petits-enfants, John Jr. (le grand-père de Jackie), choisit une

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Les Bouvier, « une dynastie à la française »

voie originale après ses études à Columbia. Il devientun avocat de bonne réputation et son cabinet de Man-hattan marque l’essor de son prestige social. Johnsiège dans une importante commission militaire aumoment de l’entrée en guerre des États-Unis, en 1914.Il aime à se faire appeler « Major Bouvier ». C’est aveclui que le vernis social des Bouvier se consolide. Lesportes de plusieurs clubs chics s’ouvrent à lui. Inscritau Racquet Club à New York, au Maidstone Club àLong Island, au Jupiter en Floride et au HavannaCountry Club de Cuba, John Bouvier Jr. sait resterélégant même en costume de sport, une flanelle bou-tonnée haut par-dessus son gilet. Il porte des completsparfaitement coupés, d’une élégance toute britan-nique ; « ses valets prennent grand soin à l’entretiende ses costumes… ».

Ce ténor du barreau surveille avec attention sonimage sociale. En 1914, il s’installe sur Park Avenue.Dans les années 1920, il achète dans le très chic EastHampton une résidence estivale (la famille garderacette demeure baptisée « Lasata » jusqu’en 1948 oùJackie passera maints étés). Son épouse est d’originebritannique. Maude Sergeant, fortunée et dotée d’unebeauté remarquée, profite des vacances pour partir enFloride avec ses cinq enfants. Une armée de domes-tiques et une procession de malles les accompagnent.On joue au golf, lézarde près de la piscine ; les soiréesse terminent avec « des seaux en argent, remplis deglace, des sandwichs que l’on mange avec appétit, desplateaux en argent qui vont et viennent avec descoupes de champagne bien frais ». Rien d’extravagant,ni de vulgaire. Une touche fitzgéraldienne pour unegénération gagnante.

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Jackie Kennedy

Pourtant, selon Truman Capote, « les Bouvier, quise disaient aristocrates, n’en étaient pas moins déca-dents. Les Bouvier étaient poseurs. Ils se donnaientdes allures d’aristocrates fortunés et influents, sansl’être le moins du monde. Le grand-père de Jackie, lemajor, s’était fabriqué une généalogie fantaisiste, rat-tachant la famille à l’aristocratie française, lui inven-tant des armoiries et des parentés illustres. Ce fauxachevé renforça l’assurance des Bouvier et les aida àréaliser leurs ambitions sociales. Persuadés de leuraristocratie, ils se comportaient comme des aristo-crates. Jackie et sa famille adoptèrent les principesaristocratiques les plus élevés, “noblesse oblige”, etessayèrent de s’y tenir ».

L’aîné des cinq enfants, John Bouvier III, que toutle monde appelle bien sûr Jack, connaît donc dès sanaissance, en 1891, l’enfance heureuse d’un golden-boy. Après des études médiocres à Yale, il prend toutnaturellement le chemin de Wall Street afin de devenir,à l’instar de ses oncles, un apprenti sorcier de la spécu-lation. Il s’initie pendant trois ans chez Hentzel etCompagnie et semble très vulnérable à la fièvre et àl’excitation quotidienne de la profession. Mais lesjours se suivent et ne se ressemblent jamais dans lemonde de la finance. L’Amérique du Jazz Âge sembleeuphorique. Jack multiplie les profits et en quelquesannées parvient à accroître son capital personnel d’unmillion de dollars. À lui et à sa jeune épouse, les dieuxde la finance semblent sourire. Et quand naît leur pre-mier enfant, Jackie, rares sont les traders pessimistes.On est seulement en 1929…

Jackie n’est qu’un bébé lorsque, le jeudi 24 octobre,une véritable panique s’empare de l’Amérique à lasuite du krach boursier. Les Bouvier perdent une

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Les Bouvier, « une dynastie à la française »

partie de leur fortune. Mais dans le nouveau paysageaméricain où nombreuses sont les banques acculées àla faillite, où toutes les catégories sociales sont tou-chées, les Bouvier continuent à vivre comme si de rienn’était. Ils veulent garder le même train de vie luxueux.Pourtant, la brillante façade ne tarde pas à se lézarderlorsque la situation financière finit par imposer sa dureloi. Et, parallèlement, les liens du couple se détériorent.Face à l’immixtion d’une insécurité en deux domainesessentiels, les premières années de Jackie composent untrompe-l’œil. Comme une comédie où affleure la tragé-die, où l’orage gronde…

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DU MÊME AUTEUR

(suite)

La Véritable Diana, PygmalionLa Véritable Maria Callas, PygmalionPremière Dame, éditions BartillatL’impératrice Indomptée : Sissi, PygmalionLa véritable Ava Gardner, PygmalionCocteau-Marais : les amants terribles, PygmalionLa Comtesse Tolstoï, PayotOona Chaplin, PygmalionMarie Laurencin, PygmalionMajesté, Pygmalion12 couturières qui ont changé l’histoire, Pygmalion

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Mise en pages par Meta-systems59100 Roubaix

No d’édition : L.01EUCN000597.N001Dépôt légal : septembre 2013

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