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Les grandes vacances. Mon hébergement à Comblain-au-Pont. Les quatre photos qui suivent datent d’avant mes cinq ans, j’avais en effet déjà fait plusieurs petits séjours à Comblain. Photo 1: Visite du parc Saint Martin avec mes parents. Ce que je tiens dans les mains est ma petite voiture de course Dinky-toys, de couleur rouge, c’est une Ferrari ou Alpha Roméo. Plus tard, lorsque je serai en première ou deuxième primaire, un vilain me la volera. Photo 2: Dans la grande allée.

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Les grandes vacances.

Mon hébergement à Comblain-au-Pont.

Les quatre photos qui suivent datent d’avant mes cinq ans, j’avais en effetdéjà fait plusieurs petits séjours à Comblain.

Photo 1:

Visite du parc Saint Martin avec mesparents.

Ce que je tiens dans les mains est ma petitevoiture de course Dinky-toys, de couleurrouge, c’est une Ferrari ou Alpha Roméo.Plus tard, lorsque je serai en première oudeuxième primaire, un vilain me la volera.

Photo 2:

Dans la grande allée.

Et ci-dessus le panorama d’ une carte postale

Photo 3:

Un rocher au parc Saint Martin, au début de la grande allée, côté cimetière.

À l’arrière-plan on distingue les Roches Blanches.

Prise en charge.

Après mon passage si funeste pour ma santé à Cortil-Noirmont j’étais dansune condition physique épouvantable. La maladie qui m’accablait n’a sansdoute pas de nom, mais, et même si cela ne se voit pas sur la photo, jesouffrais d’une grande faiblesse générale, et cette anémie, accompagnée denombreux troubles, me sera préjudiciable jusqu’à l’adolescence.Une personne eut pitié de moi, décida qu’elle me guérirait par ses soinsattentionnés et généreux. Je lui dois plus que la vie, je lui dois d’avoir reçuune éducation peu commune, je lui dois aussi les plus belles années de monenfance, et surtout, d’avoir été l’objet de tant d’amour que je lui en garde unereconnaissance éternelle.Cette personne est ma grand-mère maternelle, que j’appelais « mamanLaure » et qui fut, et sera pour toujours ma véritable maman de fait. Cetteassertion peut vous paraître étrange, mais si j’ai l’occasion de compléter mabiographie dans le futur, vous comprendrez ces dures paroles à l’égard dema mère biologique.Maman Laure (Laure Dehossay Julémont), était née en 1894, ses idées,comme son mode de vie, venaient d’une autre époque, et cela aura plus tardune répercussion sur mes relations vis-à-vis de la société et encore plus dansma vie professionnelle.Me voilà donc à Comblain-au-Pont, pour plusieurs années, au départ d’unenouvelle vie.

Photo 4:

Devant le jardin, avec maman Laure et Maria Bidonnet (qui porte des lunettes).

Je montre la langue pour la photo.Une date au dos de celle-ci:

31 août 1950.

Le petit Prou.

L’air de la campagne, une nourriture saine, comme je l’expliquerai plus tard,les tisanes et tous les soins dont maman Laure avait le secret, j’en reparleraiaussi, firent que ma santé, sans devenir excellente, s’améliora suffisammentpour pouvoir bientôt sortir et faire des promenades, elles aussi bénéfiques àmon rétablissement.Par beau temps, je fus bientôt autorisé à marcher jusqu’au bout de la rue,tout seul, mais je devais revenir aussitôt me montrer avant de repartir, et ainsije faisais de la marche tout en restant sous la surveillance de maman Laure.Quelque temps après, l’autorisation s’étendit: je faisais le tour du pâté desquatorze maisons, ensuite j’ai commencé à faire « le grand tour », c’est-à-dire par la rue Neuve, et je revenais par le halage (quai de la Cité).Il y eut donc « le petit tour » et « le grand tour », mais pour chaque tour jedevais demander l’autorisation. Lors de mon « petit tour » il arrivait quemonsieur Félicien Foccroule se trouve sur le pas de sa porte. Il demeuraitdans la dernière des quatorze maisons, côté Ourthe. Comme je simulais laconduite d’une voiture, tournant un volant imaginaire et émettant un son dugenre « vroum vroum » ou « vroup vroup » ou encore « proup proup », ilm’appelait « le petit Prou ».

Petite anecdote: vingt-sept ans plus tard, je rencontrai monsieur Foccrouleplace Leblanc, et je le reconnus tout de suite. Je lui demandai s’il sesouvenait de moi. Sa réponse fut négative, je lui dis alors: «je suis le petitProu», et il se rappela instantanément de moi.

L’escapade.

Que s’est-il passé ce jour-là? Alors que j’entrepris le grand tour, au lieu deprendre à droite au bout de la rue Neuve, je tournai à gauche, vers le pont.En continuant toujours tout droit, j’atteignis le bout du quai Kepenne. Là, justeen face de la place Neuforge, se trouvait, à cette époque, un très grandarbre. Il n’existe plus aujourd’hui, et la grange, qui était le dernier bâtiment,au pied du rocher de la croix du Thier Pirard, a fait place à une belle maisonornée d’une tourelle.Fatigué de cette longue errance inhabituelle, je m’étais couché au pied de cetarbre, et je m’endormis à même le sol. Fort longtemps, car maman Laure,inquiète de ne plus me voir, me cherchait partout, heureusement elle eut laprésence d’esprit de suivre le chemin le plus plausible pour mon escapade, etfinit par me retrouver.Des années plus tard, elle parlera encore de mon exploit et de ce tableau du«petit» retrouvé dans un sommeil profond au pied du grand arbre. Le plusextraordinaire à ses yeux, était que rien ne m’avait incommodé dans mon

repos, et surtout, qu’aucune fourmi ne m’avait piqué. Elle prétendait mêmeque je devais avoir un très bon ange gardien, pour m’avoir ainsi procuré unedouce litière de feuilles, si paisible et confortable.

Au centre de la photo :Le grand arbre au pied duquel je m’étais endormi (est-ce un hêtre?)

Le jardin.

Chacune des quatorze maisons avait son jardin, celui-ci, assez grand, étaitséparé du bloc des maisons, et dans notre cas il fallait parcourir une distanceimportante pour y parvenir.Les parcelles s’alignaient le long du quai de la cité, depuis le pâté de maisonsjusqu’à la demeure Adam-Bosard, sans aucune discontinuité. Ces jardins sesont à présent effacés devant les nouvelles constructions qui les occupent,mais, et c’est le modernisme, les légumes poussent de nos jours dans descongélateurs ou dans des boites.

Les jardins rue de la Cité,celui de maman Laure était orné de la plus belle barrière.

à l’arrière-plan la maison Adam-Bosard,

Deux photos, deux styles, mais toutes deux dans le jardin.

Maman Laure vivait de son jardin, de chèvres, de brebis, d’un cochon, delapins, de poules et d’une très maigre pension. Elle achetait notamment lepain, un peu de viande, surtout du lard, et du malt torréfié qui était son caféhabituel.Sa principale ressource était donc son jardin, celui-ci, en plus de lui apporterles fruits et les légumes pour subvenir à ses besoins, lui procurait un surplusdont la vente améliorait un peu son ordinaire, encore que les prix qu’ellepratiquait étaient ridiculement bas.Lors des inondations, fréquentes en ce temps, c’était avant la construction dubarrage de Nisramont, un généreux dépôt d’alluvions venait nourrir la terre,favorisant la croissance des nombreux légumes par son apport desubstances nutritives.Autour d’un sentier central, et suivant les saisons, poireaux, carottes,pommes de terre, haricots, choux, oignons et échalotes étalaient leur rivièrevivante de verdure dans une santé débordante.Les fruits aussi y prodiguaient une richesse généreuse, presque voluptueuse,au sol d’abord, où plusieurs rangées de fraisiers s’offraient avec lanonchalance de leur nature modeste, mais surtout les arbres fruitiers:plusieurs pommiers donnaient la promesse d’une belle récolte, mais l’arbremaître du jardin, avec ses longues branches protectrices, était un grandprunier, robuste et fécond, dont les fruits savoureux et sucrés fondaient dansla bouche. Les prunes qu’il offrait à profusion étaient l’orgueil de mamanLaure, elle les appelait « les prunes à monsieur » et en effet leur forme et leurgrosseur étaient incomparables, jamais depuis je n’ai pu en trouver depareilles. Sans compter que sur les marchés, de nos jours, on ne trouve plusque des fruits cueillis avant leur maturité, transport oblige.C’est donc à ce grand jardin, immense à mes yeux d’enfant, que je devraimes journées les plus heureuses. Quelle félicité lorsque je disposais lesfèves, trois par trois, dans les lignes apprêtées à l’avance par maman Laure.Quel bonheur de goûter aux délices des framboises bien mûres quis’écrasaient sous les doigts en les cueillant. Les rouges, au goût puissant etenivrant, mais plus encore, et c’étaient mes préférées, les rose pâle, auparfum subtil et délicat.