modélisation par éléments finis de poutres en béton armées ......

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1 Modélisation par éléments finis de poutres en béton armées renforcées de tissus d’aramide Fabrice Conus et René Suter, Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg, Suisse Buquan Miao et Noyan Turkkan, Université de Moncton, NB, Canada RÉSUMÉ Dans certains pays d’Europe, spécialement en France et au Royaume-Uni, plusieurs accidents impliquant des véhicules lourds ont mis en évidence qu’un grand nombre de piles de ponts situées en bordure d’autoroute ne répondent plus aux exigences des normes actuelles. Il est donc impératif de trouver une méthode de renforcement simple, économique, rapide et efficace pour augmenter la résistance de ces colonnes face à un choc. Une des solutions consiste en un renforcement par des tissus collés en matériaux composites (FRP). Dans le but de quantifier l’augmentation de résistance apportée par ce renforcement, une étude a été entreprise à l’Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg (Suisse) à la fin de l’an 2000 avec des tissus d’aramide. Les performances de ce type de renforcement ont été très satisfaisantes, avec des augmentations significatives de la résistance et de la déformabilité des colonnes testées. Le sujet de cet article consiste plus particulièrement à présenter les résultats d’une modélisation par éléments finis (logiciel ADINA) obtenus à l’aide d’un modèle en deux dimensions. Ce modèle simplifié permet d’obtenir une bonne concordance avec le comportement observé en laboratoire. ABSTRACT In certain European countries, especially in France and in UK, several accidents implying heavy vehicles highlighted that a great number of bridge columns alongside highways do not fulfill requirements of current design codes. It is therefore necessary to propose a simple, economic, fast, and effective reinforcement method to improve the resistance of these columns to shock. One method consists of wrapping composite fabrics (FRP). In order to quantify strength improvement of this method, a study was undertaken at the University of Applied Sciences of Fribourg (Switzerland) with Aramid fabrics. Flexion test results indicate that the performance of this method was satisfactory, with significant improvement in both strength and deformability. This article proposes a 2D finite element model (software ADINA) to predict the behavior of structural elements reinforced. The numerical results from this model agree with the behavior observed in laboratory.

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Modélisation par éléments finis de poutres en béton arméesrenforcées de tissus d’aramide

Fabrice Conus et René Suter, Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg, SuisseBuquan Miao et Noyan Turkkan, Université de Moncton, NB, Canada

RÉSUMÉ

Dans certains pays d’Europe, spécialement en France et au Royaume-Uni, plusieurs accidentsimpliquant des véhicules lourds ont mis en évidence qu’un grand nombre de piles de pontssituées en bordure d’autoroute ne répondent plus aux exigences des normes actuelles. Il est doncimpératif de trouver une méthode de renforcement simple, économique, rapide et efficace pouraugmenter la résistance de ces colonnes face à un choc. Une des solutions consiste en unrenforcement par des tissus collés en matériaux composites (FRP). Dans le but de quantifierl’augmentation de résistance apportée par ce renforcement, une étude a été entreprise à l’Ecoled’ingénieurs et d’architectes de Fribourg (Suisse) à la fin de l’an 2000 avec des tissus d’aramide.Les performances de ce type de renforcement ont été très satisfaisantes, avec des augmentationssignificatives de la résistance et de la déformabilité des colonnes testées. Le sujet de cet articleconsiste plus particulièrement à présenter les résultats d’une modélisation par éléments finis(logiciel ADINA) obtenus à l’aide d’un modèle en deux dimensions. Ce modèle simplifié permetd’obtenir une bonne concordance avec le comportement observé en laboratoire.

ABSTRACT

In certain European countries, especially in France and in UK, several accidents implying heavyvehicles highlighted that a great number of bridge columns alongside highways do not fulfillrequirements of current design codes. It is therefore necessary to propose a simple, economic,fast, and effective reinforcement method to improve the resistance of these columns to shock.One method consists of wrapping composite fabrics (FRP). In order to quantify strengthimprovement of this method, a study was undertaken at the University of Applied Sciences ofFribourg (Switzerland) with Aramid fabrics. Flexion test results indicate that the performance ofthis method was satisfactory, with significant improvement in both strength and deformability.This article proposes a 2D finite element model (software ADINA) to predict the behavior ofstructural elements reinforced. The numerical results from this model agree with the behaviorobserved in laboratory.

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1. INTRODUCTION

Suite à l’écroulement accidentel de plusieurs piles de ponts en France et au Royaume-Uni, lesinstances concernées ont procédé à une analyse de la résistance à l’impact de ces piles [1]. Il enrésulte qu’un grand nombre de colonnes, dimensionnées selon d’anciennes normes, ne supportentpas la sollicitation d’un impact défini par les normes en vigueur. Pour l’ensemble des routes dansces deux pays, on estime qu’il y a plus de 1000 piles de ponts qui n’ont pas une résistancesuffisante. Devant ce constat, il s’agit d’analyser l’intensité d’un choc produit par un véhiculelourd, d’une part, et la résistance d’une pile en béton armé envers un tel choc, d’autre part. Enoutre, les différentes possibilités de renforcement doivent être évaluées. Parmi les solutionsconventionnelles, on peut citer le renforcement par l’augmentation de la section de béton etd’armature, le confinement par un tube en acier ou la protection des piles par des butées ou desglissières.On dispose depuis quelques années de nouvelles techniques qui font appel à des matériauxcomposites de très hautes performances. L’augmentation de la résistance aux chocs peut en effetse réaliser par un confinement au moyen de tissus en fibres synthétiques (fibres de verre, decarbone ou d’aramide).

Le but de l’étude consiste à déterminer l’augmentation de la capacité portante et de ladéformabilité des poutres renforcées en fonction du nombre de couches d’aramide appliquées.Ces deux caractéristiques, la capacité portante et la déformabilité, permettent d’évaluer la facultéd’une pile de pont à absorber l’énergie cinétique produite par l’impact d’un véhicule lourdroulant à grande vitesse. Ensuite, il est nécessaire de pouvoir prédire le comportement et larésistance d’une poutre renforcée. C’est dans ce but qu’une modélisation par éléments finis a étéréalisée, et c’est sur ce sujet que cet article a été particulièrement orienté.

2. ETAT DES CONNAISSANCE

Depuis plusieurs années, la réfection et le renforcement d’ouvrages en béton armé prennent deplus en plus d’importance dans la construction. Plusieurs facteurs font qu’il peut être nécessairede renforcer ou de réparer un ouvrage : la corrosion des aciers d’armature, la fissuration du béton,des changements d’affectation qui imposent de nouvelles charges, un mauvais dimensionnement,l’évolution des normes, des accidents (choc contre un élément de structure), l’endommagementpar un tremblement de terre, la prolongation de la durée de vie d’un ouvrage, etc.Les méthodes de renforcement classiques, par exemple l’augmentation de section par l’ajout denouvelles barres d’armature et d’un nouveau béton lié à l’ancienne structure, sont souvent trèscomplexes à réaliser, très onéreuses, et nécessitent une intervention lourde sur la structure.Grâce aux progrès effectués dans le domaine des adhésifs au milieu du siècle passé, une nouvelleoption se présentait aux ingénieurs : le renforcement de structure par collage externe. Dès lemilieu des années soixante, on a commencé à appliquer des lames d’acier sur des structures enbéton. Ces lames étaient collées à la surface du béton à l’aide d’une résine époxy. Cette méthodeconstituait une avancée majeure dans le domaine de la réfection car elle simplifie grandement letravail par rapport aux méthodes traditionnelles. Toutefois, des problèmes de corrosions de l’aciermettaient en péril la sécurité de ce type de renforcement [2].

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Dès lors, les chercheurs ont tentés de trouver des matériaux de substitution qui règleraient ceproblème, et se sont tournés vers les matériaux non métalliques, en particulier les FRP (FiberReinforced Polymer). Ceux-ci ont de nombreuses qualités : un poids propre très faible, unerésistance à la traction élevé, une souplesse leur permettant de prendre n’importe quelle forme,aucune corrosion, une bonne durabilité et une faible épaisseur.Vers 1990, on commence à utiliser des FRP dans le domaine de la construction au Japon, auxUSA et en Europe [3,4]. Les fibres généralement utilisées sont en verre, en carbone ou enaramide, sous forme de tissus unidirectionnels ou bidirectionnels, de lamelles ou de barres.De nombreuses études ont déjà été menées sur l’utilisation des FRP pour le confinement decolonnes [5], le renforcement en flexion de poutres ou de dalles, ou le renforcement à l’efforttranchant de poutres.Pour le renforcement à la flexion, ce sont en général des lamelles qui sont utilisées [2,6,7]. Ils’agit de bandes préfabriquées d’une épaisseur de 2 à 5 mm pour une largeur allant jusqu’à 120mm. Les fibres de carbone, grâce à leur haut module d’élasticité, sont en général utilisées pour cecas. Le renforcement a pour but d’augmenter la résistance en flexion, de limiter les déformationsou la fissuration [8].

De nos jours, la volonté grandissante de maîtriser notre environnement mène un grand nombred’hommes de sciences, et les ingénieurs en particulier, à se tourner vers des outils sophistiquésqui permettent d’analyser dans le détail les comportements physiques des matériaux. Leséléments finis sont à même de répondre à ces attentes et sont actuellement communément utilisésdans de nombreux domaines.Les débuts des méthodes de calcul par éléments finis remontent aux années 1950 [9] avecl’apparition de l’ordinateur, outil indispensable pour effectuer la résolution des équations, et desbesoins de l’aéronautique d’optimiser le calcul des structures dans un souci de légèreté. C’est en1956 que Turner et al. [10] introduisent le concept d’éléments finis. Dès lors, cette technique decalcul ne cessera de se perfectionner, aidée par l’évolution fulgurante de l’informatique.Actuellement, des programmes de calcul extrêmement puissants, tels ANSYS, ADINA et biend’autres, nous permettent de modéliser précisément le comportement de structures complexes.Dans le domaine du génie civil, le calcul par éléments finis est également entré dans les mœurs.Avec l’avènement des méthodes de calculs non linéaires, il est devenu possible de modéliserfidèlement le comportement d’une structure en béton armé.De par son comportement très inhomogène, le béton est un matériau très difficile à modéliser,spécialement son comportement en traction. Il existe deux façons de modéliser le béton entraction : la méthode discrète qui tente de reproduire la propagation des fissures individuellementles unes des autres, et la méthode « étalée » qui simule un comportement global du béton entraction, sans prendre en compte l’ouverture des fissures [11,12]. On nomme également cettedernière « Modèle d’endommagement du béton ». La grande complexité de la méthode discrèteamène la plupart des logiciels de calculs à utiliser le deuxième procédé.Mis à part le problème du béton, d’autres difficultés entrent en ligne de compte lorsque l’onmodélise un élément de structure en béton armé, de surcroît s’il est renforcé par des matériauxcomposites collés. Les différents paramètres de liaisons, d’adhérences et d’interfaces entre lesmatériaux sont en effet complexes à modéliser ou sont encore mal connus. Là encore, la plupartdes études déjà réalisées font des simplifications [13,14,15]. Les armatures sont représentées parune ligne sans prendre en compte l’adhérence au béton (considérée comme parfaitement liée) etla couche d’adhésif entre le béton et le FRP est généralement négligée.

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Certaines études, qui désiraient comprendre un phénomène bien particulier comme ladélamination [16] ou les concentrations de contraintes dans la couche d’adhésif [17], ontdéveloppé des méthodes particulières qui modélisent plus fidèlement la structure.

3. METHODOLOGIE

Pour analyser plus en détail ces nouvelles techniques de renforcement, l’EIAF a entrepris, depuisoctobre 2000, une étude expérimentale sur des poutres de section carrée (400 X 400 mm) enbéton armé renforcées par des tissus en aramide (Kevlar®) appliqués en différentes couches dansles directions longitudinale et transversale. Des essais similaires, mais sur des colonnes rondes deplus petites dimensions, ont été effectués par la UK Highways Agency en 1999 [4,18].

Les poutres d’essais se distinguent essentiellement par la quantité de tissu appliqué dans ladirection longitudinale (tableau 1). La poutre PK1 constitue l’élément de référence, non renforcé.Les poutres PK2, PK3, PK4, sont renforcées par 2, 3, 4 couches de tissus en aramide (KevlarAK-60) dans la direction longitudinale, et de 2 couches de tissus dans la direction transversale.

Tableau 1 : Renforcement des poutres d’essaiPK1 PK2 PK3 PK4

Armature 8 Ø 20 8 Ø 20 8 Ø 20 8 Ø 20Etriers Ø 8 Ø 8 Ø 8 Ø 8

espacement [mm] s = 300 s = 300 s = 300 s = 300

Renforcement - Kevlar®

type AK-60Kevlar®

type AK-60Kevlar®

type AK-60

longitudinal - 2 couches 3 couches 4 couches

transversal - 2 couches 2 couches 2 couches

Les poutres d’essais ont été fabriqués par l’entreprise Rampini SA à Genève. Les confinementsont été appliqués dans les laboratoires de l’EIAF par Rampini SA, sous la surveillance de DuPontde Nemours International SA. Les matériaux utilisés (béton, aciers d’armature) correspondentaux normes suisses. Les tissus unidirectionnels en Kevlar AK-60 ont une épaisseur théorique de0,29 mm ; la résistance garantie des fibres est de 2100 N/mm2 et le module d’élasticité de 120kN/mm2.

Les poutres d’une longueur de 5.20 m sont sollicitées par deux charges concentrées aux tiers de laportée (figure 1). Ce dispositif permet d’analyser une partie centrale soumise à la flexion pure,sans l’influence d’un effort tranchant.

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Figure 1 : Essais de flexion

A la suite de ces essais, une modélisation numérique en 2D a été effectuée à l’aide du logicield’éléments finis ADINA (Automatic Dynamic Incremental Nonlinear Analysis, version 8.0.5).La poutre étant symétrique, seule une moitié a été modélisée (figure 3).Le modèle est composé de 24 éléments plans à 8 nœuds représentant la béton, 18 éléments debarre à 3 nœuds représentant l’acier d’armature et 6 éléments de barre représentants le tissud’aramide. Leurs comportements sont illustrés aux figures 3, 4 et 5.Les liaisons entre les différents éléments sont considérées comme rigides.Le mode de chargement choisi est d’imposer un déplacement vertical à l’endroit du point d’appuidu vérin. Le déplacement imposé est divisé en pas de 1 mm jusqu’à la plastification de l’acier,puis de 0.2 mm jusqu’à ce que le programme détecte la rupture de l’élément.

Figure 2 : Modélisation numérique

Le comportement des différents matériaux a été modélisé à partir des résultats expérimentauxobtenus sur des échantillons.

Barres d’acierTissus d’aramide

Déplacement imposéBéton

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Le modèle du béton utilisé dans cette étude est un modèle élasto-plastique avec prise en comptede la résistance à la traction. La figure 4 montre le comportement contrainte-déformation dubéton utilisé dans la modélisation.

Diagramme contrainte-déformation du béton

c

σ σσσ c

fc'

fcu

c2 cu

0

0ctctu

fct

fctf

Figure 3 : Modèle du béton utilisé

Les caractéristiques principales du béton ont été ajustées pour chaque poutre afin de tenir comptede l’âge du béton au moment de l’essai et du confinement transversal par les tissus d’aramidedisposés perpendiculairement à l’axe de la poutre. Ces caractéristiques sont présentées dans letableau 3.

Tableau 2 : Caractéristiques du béton

PK1 PK2 PK3 PK4fc’ [N/mm2] 25 30 38 38fcu [N/mm2] 20 22 28 28εc2 [‰] 2.0 2.8 3.0 3.0εcu [‰] 3.5 5.0 5.0 5.0Ec [N/mm2] 30’000 30’000 32’000 32’000fct [N/mm2] 4.0 4.0 6.0 6.0fctf [N/mm2] 2.0 2.0 3.0 3.0εct [‰] 0.13 0.13 0.20 0.20εctu [‰] 8.00 8.00 8.00 8.00

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Le modèle de l’acier utilisé dans cette étude est un modèle élasto-plastique bilinéaire. Lescaractéristiques principales, basées sur des essais de traction sur les barres d’armature, sont lessuivantes :

• fy = 550 [N/mm2]• fu = 650 [N/mm2]• Es = 205’000 [N/mm2]

• εy = 2.68 [‰]• εu = 10.00 [‰]

Diagramme contrainte-déformation de l'acier

0

100

200

300

400

500

600

700

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11s [‰]

σ σσσ s

[N/m

m 2

] .

Figure 4 : Modèle de l’acier utilisé

Le comportement de l’aramide est parfaitement linéaire avec rupture sans aucun palierd’écoulement. La contrainte de rupture garantie par le fabricant est de 2’100 N/mm2, le moduleélastique est de 120’000 N/mm2. La figure 6 montre le modèle de l’aramide utilisé.

Diagramme contrainte-déformation de l'aramide

0

500

1000

1500

2000

2500

0 5 10 15 20

f [‰]

σ σσσ f

[N/m

m 2

] .

Figure 5 : Modèle de l’aramide utilisé

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4. ETUDES EXPÉRIMENTALES ET NUMÉRIQUES

Les résultats des essais de flexion sont présentés sur la figure 2 et dans le tableau 2.

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 20 40 60 80 100 120 140 160Flèche [mm]

Cha

rge

par v

érin

[kN]

PK1

PK2

PK3

PK4

Figure 6 : Evolution des flèches à mi-portée

Les charges de ruine atteintes par les poutres PK2 et PK3 augmentent considérablement parrapport à la poutre de référence. Par contre, la quatrième couche de tissus n’apporte plus unegrande contribution par rapport à l’élément PK3. La résistance du béton en compression ne peuten effet plus subir d’accroissement notable, malgré l’effet de confinement provoqué par les tissustransversaux.

Tableau 3 : Moments et flèches ultimes

Moment de ruine

MR

[kN] [%] [kNm] [mm] [%]

PK 1 147 100.0 245 85 100.0

PK 2 255 173.5 418 115 135.3

PK 3 349 237.4 568 137 161.2

PK 4 379 257.8 616 148 174.1

Charge de ruine Flèche ultime

P w

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En ce qui concerne les flèches, on observe également une augmentation considérable en fonctiondes couches de tissus en Kevlar appliquées, jusqu’à 74 % pour la poutre PK4.

Le mode de ruine des poutres renforcées diffère de celui de la poutre en béton armé nonrenforcée. L’élément de référence PK1 subit une rupture classique d’un élément sollicité à laflexion avec un écoulement des aciers d’armature suivi par l’épuisement de la résistance à lacompression du béton. Pour les poutres renforcées par des tissus en aramide, la rupture se produitbrusquement par un déchirement des fibres en traction.

Pour ce qui est de la modélisation numérique, les graphiques de la figure 7 comparent lesrésultats numériques et expérimentaux. On remarque que le comportement global de lamodélisation numérique est proche de celui des essais en laboratoire, et ce pour les différentsstades du chargement des poutres. Par contre, le calcul numérique détecte une rupture bien endeçà des valeurs trouvées lors des essais des poutres renforcées. Des études sont en cours pourtrouver une explication à cette différence.

Evolution des flèches, PK1

0

20

40

60

80

100

120

140

160

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

Flèche [mm]

Cha

rge

[kN

] .

Essai

ADINA

Evolution des flèches, PK2

0

50

100

150

200

250

300

0 20 40 60 80 100 120

Flèche [mm]

Cha

rge

[kN

] .

Essai

ADINA

Evolution des flèches, PK3

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 20 40 60 80 100 120 140

Flèche [mm]

Cha

rge

[kN

] .

Essai

ADINA

Evolution des flèches, PK4

0

50

100

150

200

250

300

350

400

0 20 40 60 80 100 120 140 160

Flèche [mm]

Cha

rge

[kN

] .

Essai

ADINA

Figures 7 : Comparaison entre les essais et le calcul numérique

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5. DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS

Le but de cette étude était de mesurer les améliorations de la résistance et du comportement descolonnes en béton armé renforcées par des tissus en fibre de hautes performances, ainsi que desimuler le comportement d’une structure renforcée à l’aide d’un modèle d’éléments finisbidimensionnel. Les constatations suivantes ont pu être tirées :

- La charge de ruine augmente considérablement, jusqu’à plus de 150% pour unrenforcement à l’aide de 4 couches de tissus longitudinaux.

- La déformabilité augmente également significativement (jusqu’à près de 75%).- Un modèle numérique simple permet de simuler fidèlement le comportement global des

éléments renforcés pour des charges de services.- Ce modèle numérique ne permet par contre pas de prédire une charge de ruine de manière

fiable pour l’instant. Le calcul s’arrête bien en deçà des valeurs réelles de rupture.

Ces constations démontrent que ce système de renforcement est très efficace, tant au niveau de laperformance que de la rapidité de mise en oeuvre. D’un point de vue économique, il ne fait aucundoute qu’il sera concurrentiel face aux méthodes traditionnelles de renforcement qui demandentdes interventions beaucoup plus longues et complexes.La modélisation bidimensionnelle donne pleine satisfaction pour ce qui est de la simulation ducomportement des éléments sous charges de service. Si l’on devait réaliser dans une prochaineétude une simulation d’un choc de véhicule, ce modèle devrait être développé d’avantage afin depouvoir observer le comportement de la colonne jusqu’à ruine.Ce projet fait encore l’objet de développement dans le cadre d’une thèse de maîtrise àl’Université de Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada), notamment dans le domaine dudimensionnement. Cela devrait permettre de prédire plus précisément les charges de ruine.

6. REMERCIEMENTS

L’auteur principal tient à remercier l’Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg (Suisse), oùont été réalisés les essais en laboratoire, l’Université de Moncton (Canada), où est rédigé la thèsede maîtrise d’où est extrait le présent article et les professeurs Suter, Miao et Turkkan pour leurssupervisions de ce travail. Les remerciements vont aussi aux entreprises Dupont de NemoursInternational SA et Rampini SA, toutes deux basées à Genève, pour leur soutien technique etfinancier à cette étude, ainsi qu’à l’Office Fédérale des Routes (Suisse) pour leur importanteparticipation au financement du projet.

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7. RÉFÉRENCES

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