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UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES, SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION Modalités et processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises : une étude multi-méthodes Thèse pour le Doctorat ès Sciences de Gestion présentée par Valérie BARBAT et soutenue publiquement le 17 novembre 2004 TOME 1 MEMBRES DU JURY Monsieur François BLANC Professeur à l’Université Auvergne Clermont-Ferrand I, rapporteur. Monsieur Hervé FENNETEAU Professeur à l’Université Montpellier III, rapporteur. Monsieur Gilles PACHE Professeur à l’Université Montpellier I, suffragant. Monsieur Bertrand SAPORTA Professeur Emérite à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de thèse. Monsieur Jean-François TRINQUECOSTE Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV, suffragant.

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UNIVERSITE MONTESQUIEU - BORDEAUX IV DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES,

SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

Modalités et processus d’internationalisation des PMI

sous-traitantes françaises : une étude multi-méthodes

Thèse pour le Doctorat ès Sciences de Gestion

présentée par

Valérie BARBAT et soutenue publiquement

le 17 novembre 2004

TOME 1

MEMBRES DU JURY

Monsieur François BLANC Professeur à l’Université Auvergne Clermont-Ferrand I, rapporteur. Monsieur Hervé FENNETEAU Professeur à l’Université Montpellier III, rapporteur. Monsieur Gilles PACHE Professeur à l’Université Montpellier I, suffragant. Monsieur Bertrand SAPORTA Professeur Emérite à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de thèse. Monsieur Jean-François TRINQUECOSTE Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV, suffragant.

L’Université Montesquieu - Bordeaux IV n’entend donner aucune

approbation ni improbation aux opinions émises dans la thèse ; ces

opinions devront être considérées comme propres à leur auteur.

2

A François et Antoine

3

REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Monsieur le Professeur Emérite Bertrand Saporta

pour ses précieux conseils, sa patience et les encouragements qu’il m’a prodigués tout au long

de cette recherche. Je lui sais gré d’avoir accepté de diriger ce travail jusqu’à son terme. Sans

lui, cette thèse ne serait pas…

Je souhaite également remercier :

- Messieurs les Professeurs François Blanc, Hervé Fenneteau et Gilles Paché d’avoir

accepté de participer à mon jury de thèse ;

- Monsieur le Professeur Jean-François Trinquecoste pour son soutien constant, son écoute

chaleureuse et ses nombreuses remarques constructives ;

- Martine Hlady-Rispal, Maître de Conférences à l’Université Montesquieu–Bordeaux IV et

Stéphanie Dumeynieux-Petzold, Docteur ès Sciences de Gestion, pour les discussions

ouvertes et fructueuses que nous avons eues et leur soutien amical sans faille tout au long

de la thèse ;

- François Durrieu, Docteur ès Sciences de Gestion, pour son optimisme, sa disponibilité et

ses recommandations précieuses en analyse de données ;

- Monsieur Georges Viala, Directeur de Bordeaux Ecole de Management, pour avoir facilité

les conditions matérielles de ce travail de recherche ainsi que mes collègues qui m’ont

soutenue avec beaucoup de sympathie ;

- les membres du CREGE-IFREGE pour leur écoute et leurs conseils lors des nombreuses

réunions qui ont jalonné ce travail ;

- les experts rencontrés ainsi que tous les dirigeants de PMI sous-traitantes sollicités pour le

temps qu’ils ont bien voulu m’accorder.

Un grand merci à mes proches pour leur patience, leur confiance inébranlable et leur affection

sans cesse renouvelée.

4

SOMMAIRE

TOME 1

INTRODUCTION GENERALE

0.1. L’intérêt du thème de recherche

0.2. Le processus de construction de l’objet de recherche

0.3. Un choix méthodologique privilégiant l’exploration d’un phénomène nouveau

0.4. La construction et la restitution de la recherche

CHAPITRE 1

SOUS-TRAITANCE INDUSTRIELLE ET INTERNATIONALISATION

SECTION 1 – DE LA PME SOUS-TRAITANTE INDUSTRIELLE A LA PME

SOUS-TRAITANTE INTERNATIONALE

1. Une réflexion conceptuelle préliminaire

2. Une clarification de la relation de sous-traitance industrielle

3. Vers une définition partielle de la sous-traitance internationale

SECTION 2 – L’INTERNATIONALISATION DES PMI SOUS-TRAITANTES :

DEUX SOUBASSEMENTS THEORIQUES POSSIBLES

1. La théorie de l’internationalisation de la PME/PMI

2. La théorie des réseaux

CHAPITRE 2

CONTRIBUTION D’UNE ETUDE EXPLORATOIRE A LA FORMULATION

DE QUESTIONS DE RECHERCHE

9

12

21

24

28

34

36

36

55

69

80

80

89

100

5

SECTION 1 – NECESSITE ET MODALITE D’UNE ETUDE EXPLORATOIRE

PREALABLE

1. Les raisons de ce choix

2. Le déroulement de l’étude exploratoire

SECTION 2 – LES IMPLICATIONS DE L’ETUDE EXPLORATOIRE

1. Le positionnement du concept de sous-traitance internationale

2. La précision de l’objet de recherche

CHAPITRE 3

L’ACCES AU TERRAIN : CHOIX ET MISE EN OEUVRE

SECTION 1 – LES OPTIONS METHODOLOGIQUES

1. L’adhésion au mode de raisonnement abductif

2. Le recours à une méthode mixte et séquentielle

SECTION 2 – LA MISE EN OEUVRE

1. Le cadre d’investigation de l’étude quantitative

2. Le cadre d’investigation de l’étude qualitative

CHAPITRE 4

L’IDENTIFICATION DES MODALITES D’EXPORTATION DES PMI

SOUS-TRAITANTES

SECTION 1 – LA DESCRIPTION DES REPONDANTS

102

102

106

112

112

131

153

155

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162

183

183

208

224

226

6

1. Des sous-traitants de petite taille spécialisés

2. Des dirigeants au profil « exportateur »

3. Un développement international prudent

SECTION 2 – UNE TYPOLOGIE DES PMI SOUS-TRAITANTES SELON LES

DES MODALITES D’EXPORTATION EMPRUNTEES

1. La méthode d’analyse typologique

2. La description des groupes

3. Les premières réponses aux questions de recherche

CHAPITRE 5

LA DYNAMIQUE DU PROCESSUS D’INTERNATIONALISATION DES

PMI SOUS-TRAITANTES

SECTION 1 – L’ANALYSE COMPARATIVE DE HUIT CAS EXEMPLAIRES

1. Les suiveurs de clients domestiques

2. Les plus soutenus

3. Les solliciteurs du réseau institutionnel

4. Les moins soutenus

SECTION 2 – LES PROPOSITIONS FINALES

1. La décision d’exporter

2. Le déploiement de l’exportation

3. Le processus d’internationalisation

CONCLUSION GENERALE

BIBLIOGRAPHIE

226

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239

239

251

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281

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300

311

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334

334

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359

365

375

7

TABLE DES MATIERES

TABLE DES TABLEAUX

TABLE DES ENCADRES ET DES FIGURES

TOME 2

ANNEXES

Annexe 1 : Le questionnaire

Annexe 2 : Les principaux résultats de l’analyse de données sur SPSS

Annexe 3 : La retranscription des entretiens semi-directifs

407

415

420

425

426

437

502

8

INTRODUCTION GENERALE

9

Longtemps, la recherche de débouchés extérieurs au marché domestique ne constituait

qu’une préoccupation marginale1 des sous-traitants français (Altersohn, 1992, 1997). C’est au

cours des années quatre-vingt dix que l’affirmation de cette vocation internationale a suscité

un réel intérêt des experts pour le phénomène d’internationalisation des entreprises sous-

traitantes.

Ainsi, en 1992, C. Altersohn dressait, dans son ouvrage intitulé « De la sous-traitance au

partenariat industriel », un bilan de l’activité exportatrice des entreprises sous-traitantes

françaises à partir de son expérience d’Inspecteur Général et de Secrétaire de la Commission

Technique de la Sous-traitance.

En novembre 1996, L’Usine Nouvelle, sous la direction de D. Coué, publiait un dossier spécial

de trente deux pages sur le nouveau défi de l’internationalisation pour la sous-traitance

industrielle française. Depuis ce dossier, l’Usine Nouvelle continue d’intégrer des données,

certes plus partielles, sur l’exportation des entreprises sous-traitantes françaises dans son

dossier annuel « Spécial MIDEST », mais qui s’avèrent utiles pour apprécier l’évolution du

phénomène.

En plus de ces publications, des réunions d’information sur le thème de l’enjeu international

ont vu le jour lors de salons professionnels consacrés à la sous-traitance, tels que le MIDEST2

ou encore Alliance3.

Cet intérêt récent ne se limite pas aux frontières nationales mais s’inscrit dans la lignée de

réflexions et programmes entamés quelques années plus tôt au niveau européen par la

Direction Générale (DG) n°23, en charge des PME au sein de la Commission des

Communautés Européennes. Ainsi, en 1989, la DG 23 initiait un rapport de recherche, intitulé

« Sous-traitance et intégration des processus productifs dans l’industrie européenne » (Ravix,

1 A l’exception de l’industrie de décolletage de Haute Savoie, « (…) parce qu’elle s’était en quelque sorte greffée sur l’industrie horlogère qui était elle-même une industrie transfrontalière. » (Altersohn, 1997 : 155). 2 Le MIDEST est le « Salon international du sur-mesure industriel ». En 2002, son programme comportait une table ronde sur l’internationalisation au cours de laquelle trois thèmes étaient abordés : les délocalisations – menaces et opportunités ; l’analyse des conditions de réussite au travers de cas exemplaires ; les stratégies possibles et les moyens à mobiliser. 3 Salon national qui se déroule en alternance à Lyon et à Bordeaux.

10

Charbit et Romani, 1989), consacré aux résultats d’une étude quantitative des flux de sous-

traitance internationale en Europe réalisée en 1988.

En 1990, était créé en France le RIOST, Réseau International des Organismes de Sous-

traitance, Coopération et Partenariat Industriel, dont l’objectif général était de favoriser

l’interpénétration des marchés en prenant des initiatives qui permettent à ses adhérents de

mieux se connaître et, le cas échéant, de s’associer pour gérer des programmes d’intérêt

commun. A ce jour, il regroupe une quarantaine d’organismes de nationalités différentes,

plusieurs organismes adhérents étant situés, soit en Europe de l’Est, soit dans des pays non

européens.

En 1992, à quelques semaines de l’achèvement du marché intérieur, se déroulait à Madrid le

premier « Forum européen » dédié exclusivement à la question de la sous-traitance

européenne et aux conséquences de l’ouverture des frontières sur sa mutation. Presque six ans

plus tard, en 1998, avait lieu à Graz, la seconde édition de ce forum dont l’objectif était triple :

améliorer l’image de la sous-traitance vis-à-vis des milieux politiques et des médias ; poser

les jalons de la nouvelle politique de l’Union Européenne en matière de sous-traitance ;

réfléchir à une approche permettant d’améliorer la représentation des intérêts des sous-

traitants à l’échelle communautaire.

Enfin, à la demande des représentants de l’industrie et des instituts nationaux de statistiques,

a été menée une étude pilote sur la nouvelle sous-traitance en Europe dont les résultats ont fait

l’objet d’une publication en 1997.

A l’instar de ces publications et initiatives, notre recherche se focalise sur

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

L’introduction générale a pour objectif d’expliquer les raisons de notre intérêt pour cette

pratique et d’exposer les grandes étapes de l’architecture de la recherche.

Elle s’articule autour de quatre paragraphes, comme suit : dans un premier temps, notre intérêt

pour le thème de recherche est souligné (0.1) ; cet intérêt oriente ensuite la formulation de

notre problématique (0.2.) ; l’objet de recherche, une fois défini, guide alors le choix de notre

démarche méthodologique (0.3) ; enfin, les étapes de la construction de la recherche et la

logique de restitution retenue sont exposées (0.4.).

11

0.1. L’intérêt du thème de recherche

Trois raisons principales concourent à notre choix d’étudier l’internationalisation des PMI

sous-traitantes : le poids économique de la sous-traitance industrielle en France mais aussi en

Europe (0.1.1), l’enjeu managérial induit par la tendance profonde au développement

international des PMI sous-traitantes (0.1.2) et, le fait qu’il s’agisse d’un champ d’étude

nouveau (0.1.3).

0.1.1. L’importance économique de la sous-traitance industrielle

Le phénomène d’internationalisation qui intéresse la présente recherche ne concerne pas la

totalité des activités de sous-traitance, mais exclusivement la sous-traitance industrielle.

Cette précision préalable est particulièrement importante dans la mesure où il existe, en

France, trois modes d’application distincts de la sous-traitance couramment admis – la sous-

traitance de marché, la sous-traitance industrielle et la sous-traitance générale – dont les

définitions usuelles respectives s’excluent mutuellement.

Seule la sous-traitance de marché est définie par une loi votée au Parlement, la Loi n° 13-

1334 du 31 décembre 19754. Dans son article premier, la loi définit la sous-traitance comme

suit : « Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur

confie sous sa responsabilité, à une autre personne, appelée sous-traitant, tout ou partie de

l’exécution du contrat d'entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

Cette définition, conforme au sens littéral de la sous-traitance, c’est-à-dire l’opération faisant

l’objet d’un sous-traité5, se caractérise par l’existence de trois acteurs identifiables, unis deux

à deux par des liens juridiques précis. En conséquence, son usage reste aujourd’hui limité aux

seuls secteurs du bâtiment et des travaux publics et son internationalisation constitue un tout

autre sujet que le nôtre, abordé essentiellement sous l’angle juridique (O’Donnell, 1990 ;

Ritter, 1995).

4 Cette loi est parue au Journal Officiel du 3 janvier 1976 et a été modifiée à la marge par la Loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 (Journal Officiel du 9 juillet 1996). 5 Le sous-traité est une forme de sous-contrat qui permet à l’entrepreneur titulaire d’un contrat principal passé avec un destinataire final dénommé « maître d’ouvrage » de faire exécuter par un tiers tout ou partie de ce qu’il s’est engagé à réaliser.

12

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les usages industriels ont peu à peu abandonné

l’exigence d’un marché initial pour définir la notion de sous-traitance. Ils ne considèrent plus

que deux acteurs, le donneur d’ordres et le sous-traitant. Les définitions de la sous-traitance

industrielle ne se fondent donc plus sur des critères juridiques mais sur des critères

relationnels. Parce que la sous-traitance industrielle se définit par l’existence d’un lien de

subordination obligeant le sous-traitant à respecter les prescriptions du donneur d’ordres dans

l’exécution de la tâche qui lui est confiée, elle se distingue radicalement de la sous-traitance

de marché.

La perspective relationnelle est également présente dans la définition de la sous-traitance

générale. La principale différence avec la sous-traitance industrielle concerne alors la nature

des opérations confiées au sous-traitant qui portent nécessairement, dans le cas de la sous-

traitance générale, sur « des produits ou des prestations qui ne peuvent pas être incorporés

directement aux ouvrages, travaux et produits à la réalisation desquels elles concourent. »

(Fascicule X 50-300 publié par l’AFNOR)6.

Dans la pratique, la sous-traitance générale comprend, pour l’essentiel, des prestations de

service sous-traitées à des tiers, telles que le gardiennage, la restauration du personnel, la

maintenance de l’outil de production, etc.. Ces prestations ne sont donc pas comptabilisables

dans les coûts directs de production mais dans les frais généraux du donneur d’ordres (Peyret,

1988), contrairement aux prestations de sous-traitance industrielle. Ces dernières peuvent être

de nature très diverse. Il peut s’agir de la fabrication d’un composant (ou d’une pièce) destiné

à être incorporé dans la production finale du donneur d’ordres, de la réalisation d’un sous-

ensemble assumant une fonction opérationnelle dans un système complexe, d’une opération

de valorisation, de traitement thermique, de revêtement de surface, de la fabrication d’un

outillage spécifique ou de tâches particulières telles que le bobinage ou l’assemblage.

Quoiqu’il en soit, elles sont toutes directement incorporées au produit commercialisé sur le

marché final par le donneur d’ordres et relèvent toutes des cinq activités suivantes : les

industries du travail des métaux et de la fonderie ; la transformation des matières plastiques et

ouvrages en élastomères ; l’électronique ; le textile et l’habillement, auxquels s’ajoutent dans

une rubrique « divers » la chimie fine, l’imprimerie, etc.

6 Dans Altersohn, C., (1992), pp 27-28.

13

Cette distinction quant à la nature des activités entre sous-traitance industrielle et sous-traitance

générale s’avère primordiale dans le cas qui nous intéresse. En effet, les prestations de sous-

traitance générale ne sont que rarement concernées par l’internationalisation en raison de la

proximité physique avec le donneur d’ordres qu’elles nécessitent. Le développement

international de ces prestations reste alors limité car il suppose le recours à une approche

directe du marché étranger via l’implantation de l’entreprise. Seules les grandes entreprises et,

éventuellement, des groupements de PMI peuvent alors être concernés, ce qui n’est pas le cas

de l’internationalisation de la sous-traitance industrielle.

Or le développement international de la sous-traitance industrielle revêt d’autant plus

d’importance que la sous-traitance confiée représente en France environ 12 % du chiffre

d’affaires annuel de l’ensemble de l’industrie manufacturière. En 2001, le SESSI7 (2003)

observait que plus de 7200 entreprises de plus de vingt salariés appartenant aux secteurs

spécialisés dans la sous-traitance industrielle avaient réalisé 72 milliards d’euros de

facturation8. Parmi ces secteurs, ceux des métaux et des plastiques – qualifiés par le SESSI

« d’activités de pure sous-traitance » car ils réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires dans ce

domaine – concentraient près de la moitié de l’activité de la sous-traitance industrielle avec 32

milliards d’euros. Ces sous-traitants sont à 95 % des PMI de moins de 500 salariés.

Au niveau communautaire, le Président du RIOST – se référant, en l’absence de statistiques

officielles, à l’enquête réalisée par le journaliste D. Coué – estimait, dans son allocution au

Forum européen de la sous-traitance en 1998, le chiffre d’affaires de la sous-traitance

industrielle européenne à 274 milliards d’euros environ, soit presque le montant du produit

intérieur brut des Pays-Bas, et le nombre des entreprises de plus de 20 salariés concernées à

43 000, employant près de trois millions de salariés. Enfin, l’expansion graduelle de ce secteur

en Europe, peut être appréciée grâce à l’examen de certaines données concernant l’industrie

automobile. Entre les années soixante et 1997, la proportion de la sous-traitance industrielle a

ainsi progressé :

- de 53 à 64 % en France ;

- de 60 à 75 % en Allemagne ;

- de 40 à 75 % en Suède. 7 Service des Etudes et des Statistiques Industrielles, publications du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. 8 La sous-traitance industrielle française représente 18,5 % de la sous-traitance européenne et se situe au deuxième rang derrière l’Allemagne.

14

Dans ces conditions, les experts reconnaissent unanimement l’importance économique des

entreprises de sous-traitance industrielle tant pour l’innovation et l’emploi que pour les recettes

fiscales qu’elles engendrent : « Sans industrie de la sous-traitance compétitive, il n’y a pas

d’économies nationales compétitives et donc pas d’Europe compétitive. » (Annales du Forum

européen de la sous-traitance, 1998 : 13).

0.1.2. L’enjeu managérial de l’internationalisation des PMI sous-traitantes

L’internationalisation de la sous-traitance industrielle dans les pays industrialisés est un

phénomène récent qui a vu son rythme s’intensifier au cours des années quatre-vingt dix.

Toujours d’après les évaluations de D. Coué, au moins un quart de la production sous-traitée au

sein de la Communauté était destiné, en 1997, à l’exportation.

En France, le chiffre d’affaires réalisé à l’étranger par les sous-traitants a plus que doublé entre

1990 et 1995 pour atteindre 18,7% contre 8,3%. Depuis, l’internationalisation se poursuit mais

plus lentement : la part moyenne des exportations dans le chiffre d’affaires des entreprises de

sous-traitance industrielle a atteint 20,8 % en 2002 et 2001, contre 20,1 % en 2000, 19,5 % en

1999 et 19 % en 1998 (L’Usine Nouvelle, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002). Ces

exportations sont orientées en majorité vers le marché européen. La part des sous-traitants

possédant des implantations industrielles hors de nos frontières est de 13 %. En outre, les

études annuelles du SESSI révèlent que l’internationalisation concerne significativement des

activités de sous-traitance où les entreprises de moins de 500 salariés sont largement

prédominantes. Bien que ce soit majoritairement des entreprises de plus de 250 salariés qui

réalisent la plus grande part des exportations de leur secteur respectif, il existe des activités,

comme le traitement et revêtement des métaux, où plus de 50% des exportations sont réalisées

par des sous-traitants de moins de 250 salariés. Ce phénomène touche donc les entreprises de

sous-traitance industrielle de taille restreinte.

Ce constat a suscité notre curiosité et le choix de centrer notre recherche sur le thème de

l’engagement de ces entreprises dans un courant d’affaires régulier à l’étranger ; entreprises

qui, jusqu’alors, étaient traditionnellement non exportatrices en raison de contraintes

spécifiques liées à leur taille et à leur qualité de sous-traitant.

15

Nous définissons la PMI sous-traitante comme une entreprise de taille restreinte

commercialisant un savoir faire de compétences (Bréchet, 1990) adapté à chacun de ses clients

selon des directives imposées par ces derniers dans un cahier des charges. Elle se distingue, par

conséquent, d’un fournisseur stricto sensu de taille équivalente caractérisé, quant à lui, par la

vente de produits propres.

Pour cette population d’entreprises, le processus d’adoption et de développement de

l’exportation est doublement contraint par la nature et les caractéristiques du produit fourni,

d’une part, et la taille de l’entreprise, d’autre part.

Selon F. Wiederseheim-Paul, HC. Olson et LS. Welch (1978), plus la vente du produit doit être

accompagnée d’une prestation de services à l’étranger, moins l’entreprise est apte à exporter.

Or l’offre de la PMI sous-traitante correspond, comme l’indique la définition retenue, à des

opérations techniques incorporant une part importante de services à rendre au client avant,

pendant et après la livraison. En outre, contrainte par des ressources internes limitées, cette

entreprise est fortement dépendante de son environnement et de l’accès aux ressources externes

utiles à son développement international.

En raison de sa nature particulière, la relation de sous-traitance se trouve au centre de notre

réflexion. Fondée sur un lien de substitution et de subordination économique – et non juridique

– du sous-traitant au donneur d’ordres, elle est un mode de gouvernance hybride entre le

marché et la hiérarchie. Dans ce cadre relationnel, les principaux donneurs d’ordres

domestiques du portefeuille de la PMI sous-traitante – clients avec lesquels elle entretient des

relations de proximité sociale et géographique – sont fortement susceptibles d’initier son

processus d’internationalisation.

En effet, le principal facteur explicatif de l’accroissement de l’internationalisation des

entreprises de sous-traitance industrielle demeure l’évolution des stratégies d’achat des grands

donneurs d’ordres. Sous l’impulsion de la mondialisation, les grandes entreprises ont dû se

résoudre à abandonner, depuis le début des années soixante-dix, la concentration technique et

économique au profit d’une désintégration verticale de leurs processus productifs, d’un recours

accrû à l’externalisation et d’un recentrage de leurs ressources financières et organisationnelles

vers les fonctions considérées comme stratégiques, telles que la conception, l’assemblage et la

commercialisation (de Montmorillon, 1985 ; Ravix et al., 1989 ; Paché, 1991 et 1996 ; Cova et

Wickham, 1996).

16

Dans ce contexte de mondialisation, les stratégies des donneurs d’ordres manifestent une

volonté de présence à l’échelle planétaire. Ces stratégies consistent soit à concevoir un bien

destiné à être produit à l’échelle mondiale avec éventuellement des adaptations aux

caractéristiques de certains marchés, soit à réaliser des biens conçus en fonction des demandes

propres à des zones déterminées.

La première stratégie conduit à la mondialisation des achats ou « global sourcing »9, c’est-à-

dire la recherche à l’échelle planétaire d’un petit nombre de sources d’approvisionnement afin

surtout d’améliorer les niveaux de rentabilité et, accessoirement, d’harmoniser le niveau de

qualité d’un site à l’autre de l’industriel. Actuellement, cette pratique d’achat ne cesse de se

développer au détriment de l’approvisionnement domestique : en 1995, sur 2 300 donneurs

d’ordres étudiés, 60% déclaraient acheter de la sous-traitance à l’international (L’Usine

Nouvelle, 1996). Ce constat concerne l’ensemble des principaux pays industrialisés.

La seconde stratégie, bien que favorisant les achats de proximité, exerce également de fortes

pressions sur les sous-traitants domestiques afin qu’ils s’impliquent dans les grands projets

entrepris à l’étranger par leurs donneurs d’ordres. L’exemple de PSA est à ce titre exemplaire.

« En Chine, 85 fournisseurs français de la SOGEDAC10 ont déjà conclu 105 accords avec des

partenaires locaux. En Inde, une centaine de fournisseurs au total devraient se trouver

impliqués. » (Atlersohn, 1997 : 168). Cette stratégie, qui débouche sur une forme de portage à

l’export, induit généralement l’implantation du fournisseur à l’étranger.

9 Deux exemples peuvent illustrer cette stratégie : - Dans l’automobile, celui de FORD : « Pour rester le premier constructeur mondial tant pour la qualité que pour

les autres motifs de satisfaction de la clientèle, Ford s’est donné pour objectif d’aboutir d’ici l’an 2000 à une réduction totale du coût d’acquisition de ses véhicules, par la globalisation des achats, la simplification des procédures et la diminution des frais de mise à utilisation.(…) Ne pourront rester ou devenir fournisseurs de Ford que les entreprises ayant atteint, six mois au plus tard après l’audit d’agrément, la note la plus élevée de la norme qualité, le Q1, ou l’ayant conservée. Dans le cas de l’usine de Bordeaux (Division mécanique européenne), la proximité n’est pas privilégiée et les origines géographiques de Ford sont déjà largement diversifiées à l’échelle européenne. » (Altersohn, 1997 : 167) ;

- Dans l’aéronautique, celui d’EADS AIRBUS : « Dans le passé, les relations inter-firmes dans l’industrie aéronautique civile française (…) obéissaient à une logique dite d’arsenal soulignant à travers cette terminologie le rôle central joué par l’Etat dans cette industrie. En particulier, ce dernier imposait aux industriels de soutenir les sous-traitants situés autour de leurs implantations, induisant par là même une proximité géographique entre donneurs et preneurs d’ordres. Cependant, depuis une quinzaine d’années, le désengagement de l’Etat de l’industrie aéronautique autorise une transformation fondamentale des repères et des modes de coordination mobilisés par les industriels (…) Au total, il s’avère que le donneur d’ordres ne privilégie plus systématiquement la proximité géographique dans la sélection de ses preneurs d’ordres, tout en faisant appel à des modes de coordination décentralisés. » (Talbot, 2001 : 153). « Suite à un Appel d’Offres lancé par Airbus, la proximité géographique du sous-traitant et de son donneur d’ordres ne peut jouer que dans le seul cas où la réponse à l’Appel d’Offres est au coût le plus bas ! Ainsi s’est exprimé Noël Forgeard, Président d’Airbus, devant le 48ème congrès des économies régionales qui se déroulait les 20 et 21 septembre 2001. » (JITEC – Journal technologique – en ligne, 2002, http :// www.thesame-innovation.com).

10 Filiale d’approvisionnement de PSA.

17

L’évolution des stratégies d’approvisionnement des donneurs d’ordres place alors la PMI sous-

traitante face à un arbitrage stratégique entre :

- D’une part, privilégier son adaptation aux exigences d’approvisionnement des donneurs

d’ordres clés de son portefeuille et, par conséquent, s’internationaliser au risque, parfois, de

fragiliser la structure financière de l’entreprise ou de renforcer sa dépendance économique

auprès d’un petit nombre de grands donneurs d’ordres ;

- D’autre part, privilégier l’équilibre de ses activités commerciales en refusant

l’internationalisation induite par un donneur d’ordres clé de son portefeuille au risque d’être

déréférencée à terme, y compris au niveau domestique, au profit de concurrents étrangers11.

Toutefois, l’adoption de l’internationalisation par la PMI sous-traitante n’est pas

systématiquement induite par ses donneurs d’ordres. La décision d’élargir son marché à des

clients potentiels localisés à l’étranger peut également procéder d’une intention émanant de la

direction de l’entreprise, généralement, face à la stagnation de son ou ses secteur(s) d’activité

domestique(s) : « Les sous-traitants s’interrogent sur leur avenir. ‘‘Les capacités de la forge

française sont très supérieures à ce que les donneurs d’ordres nationaux peuvent absorber’’

observe Roland Dubosq, PDG de MSI12. ‘‘Le marché français n’est plus assez vaste, constate

Yvan Poirot, PDG de Lormédo13 (en parlant du secteur découpage-emboutissage). Si nous

n’exportions pas, nous serions déjà morts’’ »14. Les donneurs d’ordres domestiques, ont,

cependant, tout intérêt – dans un contexte de récession de l’activité de sous-traitance

industrielle – à soutenir activement la stratégie de diversification de clientèle à l’étranger mise

en œuvre par ces derniers : l’objectif étant d’éviter de se retrouver en situation de client quasi-

exclusif ou de voir disparaître un sous-traitant avec lequel ils souhaitent maintenir une relation

stable.

11 Dans le contexte de la mondialisation, la concurrence provient non seulement des voisins européens – allemands, italiens, belges, britanniques ou néerlandais – traditionnellement plus exportateurs que les français, mais également des pays à plus bas salaires – parmi lesquels se trouvent les pays de l’Europe de l’Est – auxquels il n’est pas toujours possible de résister par un surcroît de productivité, de qualité ou de proximité. Par ailleurs, il serait illusoire de croire que la sous-traitance industrielle des pays anciennement industrialisés est la seule à pouvoir effectuer des opérations techniques exigeant une très grande compétence technique et une main d’œuvre extrêmement qualifiée. « Les pays nouvellement industrialisés et ceux qui mériteront bientôt cette appellation ne se contenteront nullement du bas de gamme. Ils disposent déjà ou disposeront rapidement de cadres et de techniciens tout aussi bien formés qu’en Occident. » (Altersohn, 1997 : 168). 12 Méca Stamp International est une grosse PMI de 420 personnes, localisée dans le Pas-de-Calais et spécialisée dans la forge et le traitement thermique. Elle réalisait 80 % de son chiffre d’affaires à l’exportation en 1995. 13 Lormedo est une PMI vosgienne de 24 salariés réalisant, en 1995, plus de 70 % de son chiffre d’affaires à l’exportation. 14 Extraits d’entretiens publiés par L’Usine Nouvelle, n°2572 (1996: 53).

18

Finalement, l’internationalisation de la PMI sous-traitante n’est jamais complètement isolée de

la stratégie des donneurs d’ordres de son portefeuille : ces derniers pouvant servir de force

initiatrice de son processus d’internationalisation mais également de rampe d’accès à toutes

sortes de ressources externes pour compenser son manque de ressources de base. Dans cette

perspective, chaque relation de sous-traitance est alors susceptible de devenir un outil

privilégié du développement international du sous-traitant.

Volonté de croissance pour certains, condition de survie pour d’autres, l’internationalisation

tend à devenir une contrainte pour tous. Dans cet environnement concurrentiel âpre, les sous-

traitants français les moins performants sont alors amenés à disparaître.

0.1.3. Un champ d’étude nouveau

En dépit de l’importance, tant économique que managériale, de l’internationalisation des PMI

sous-traitantes françaises, nous observons un déficit de traitement du sujet sur un plan

académique.

L’internationalisation des PMI sous-traitantes est devenue, au cours de la dernière décennie,

une tendance lourde de l’évolution de la sous-traitance industrielle tant à l’échelle nationale

qu’européenne. Son écho politique et économique n’a cessé de s’amplifier depuis la fin du

vingtième siècle. En conséquence, l’attention que lui consacrent les chercheurs en sciences de

gestion est récente (Hovi, 1992 et 1994 ; Andersen, Blenker et Christensen, 1995 ; Thérin,

199515).

A l’absence d’un champ théorique constitué, s’ajoutent d’autres difficultés au traitement

théorique de notre sujet de recherche. Ainsi, les données chiffrées relatives à l’activité

internationale des sous-traitants sont défaillantes et partielles. Au niveau européen, c’est la

fiabilité des statistiques qui est dénoncée. En France, nous ne recensons que peu d’études,

souvent incomplètes dans la mesure où elles ne portent pas sur l’ensemble des secteurs

d’activité concernés par les industries de sous-traitance. Par ailleurs, nous avons pu noter un

manque d’harmonisation des critères descriptifs pris en compte dans les différents annuaires de

la sous-traitance réalisés par les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Bourses de la sous-

15 Ces publications seront détaillées ultérieurement dans la section 2 de notre chapitre 1.

19

traitance ou les organismes privés. Le taux d’exportation de ces entreprises n’est que rarement

recensé.

Par ailleurs, l’évolution de la relation de sous-traitance observée depuis les années quatre-vingt

a conduit à la multiplication des formes de sous-traitance et à la porosité des frontières entre

sous-traitance et fourniture. La sous-traitance industrielle est donc devenue un concept difficile

à circonscrire. Aucun pays de l’Union Européenne ne dispose d’une définition légale de la

sous-traitance industrielle. Seule la France dispose d’une loi définissant la sous-traitance de

marché mais qui n’est pas conforme aux usages industriels, comme nous l’avons signifié

précédemment. De ce fait, plusieurs définitions « officielles », plus ou moins extensives et

distinctes de la sous-traitance industrielle, proposées par différents organismes institutionnels,

coexistent sans qu’aucune d’elles ne fasse l’objet d’un consensus. L’usage courant du terme de

sous-traitance dans l’industrie est donc controversé (Peyret, 1988 ; Altersohn, 1997) en raison

de la position d’infériorité sous-entendue par le préfixe « sous » et des deux acceptions

possibles et réversibles du verbe « traiter ».

Dès le début de la recherche, nous avons observé que le terme de « sous-traitant » était

fréquemment et indifféremment remplacé, dans le discours, mais aussi dans certaines

publications de vulgarisation, par « preneur d’ordres », « partenaire », ou encore

« fournisseur », des termes plus ou moins vagues, mais somme toute, sans connotation

dépréciative. Sans prendre partie dans ce débat sémantique, il convient de constater que ce

problème de dénomination tend à renforcer la confusion. Or, intrinsèquement, le concept de

sous-traitance comporte déjà une ambiguïté. En effet, le verbe « traiter » signifie, d’une part,

l’action de négocier le règlement d’une affaire et, d’autre part, celle d’exécuter le traitement de

l’opération technique à laquelle elle a trait (Peyret, 1988). Sous-traiter peut alors

indifféremment signifier le mouvement par lequel le donneur d’ordres recourt à un sous-

traitant ou l’activité du sous-traitant pour le compte du donneur d’ordres. Le premier cas

correspond à la sous-traitance confiée et relève du choix de la politique d’impartition au sens

de P-Y. Barreyre (1982), tandis que le second renvoie à la sous-traitance reçue et signifie que

le travail en sous-traitance est effectué par l’entreprise sous-traitante.

En définitive, cette approche liminaire du thème de recherche, ainsi que les difficultés qu’il

soulève, ont suscité notre curiosité et motivé la présente recherche.

Deux principales réalités ont éveillé notre intérêt.

20

- L’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises est une pratique récente qui

prend une ampleur croissante. Elle tend à bouleverser le paysage de la sous-traitance

industrielle française en favorisant la sous-traitance de spécialité au détriment de la sous-

traitance de capacité. Par ailleurs, l’engagement ou non des sous-traitants à l’international a des

conséquences sur l’emploi et le dynamisme économique tant au plan national que local.

- Sur un plan théorique, l’étude de l’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises exige un traitement distinct de l’internationalisation des PME non sous-traitantes en

raison de la nature spécifique de la relation de sous-traitance industrielle et de l’influence du

rôle des donneurs d’ordres.

Néanmoins, nous sommes conscients de la prudence à adopter pour appréhender la réalité et la

complexité constatée dans la mesure où le sujet reste à défricher.

0.2. Le processus de construction de l’objet de recherche

En l’absence d’un corpus théorique constitué, l’élaboration de notre problématique a été le

résultat d’une phase exploratoire – théorique et empirique – longue et difficile.

Au commencement de la thèse, nous avons très vite ressenti le besoin d’investiguer le terrain

afin de mieux appréhender la réalité du phénomène étudié. Parallèlement, nous avons mené

une exploration théorique visant à opérer un lien entre les théories de la sous-traitance

industrielle et celles de l’internationalisation des entreprises.

L’enchevêtrement de ces investigations liminaires a participé à l’émergence des modalités

d’exportation effectivement mises en œuvre par les PMI sous-traitantes françaises et le double

constat que la plupart d’entre elles faisaient intervenir des acteurs organisationnels externes

parmi lesquels les donneurs d’ordres domestiques jouaient un rôle prépondérant.

Nous en avons conclu que le phénomène d’internationalisation16 des PMI sous-traitantes

pouvait être appréhendé comme un processus de mobilisation de ressources internes et externes

16 Nous définissons l’internationalisation comme le processus suivant lequel la part des exportations, entendues comme les transactions réalisées avec des donneurs étrangers, s’accroît dans le chiffre d’affaires de la PMI sous-

21

utiles à leur développement international depuis la phase de pré-exportation jusqu’à

l’établissement d’une relation de sous-traitance avec un donneur d’ordres étranger. Son

caractère étant suffisamment typique, il peut, en outre, faire l’objet d’une analyse spécifique.

Dans ces conditions, nous avons décidé de développer une grille de lecture adaptée au

phénomène étudié qui combine deux analyses théoriques possibles de l’internationalisation des

entreprises : l’approche béhavioriste et l’approche réseau.

En effet, les modèles béhavioristes (Johanson et Wiedersheim-Paul, 1975 ; Johanson et

Vahlne, 1977 ; Bilkey et Tesar, 1977, Czinkota 1982 ; Barret et Wilkinson, 1986 ; Roux,

1991 ; Rao et Naidu, 1992 ; Crick, 1995 ; etc.) ne peuvent suffire à appréhender le phénomène

étudié dans sa globalité dans la mesure où ils se concentrent sur l’étude de l’influence des

ressources internes, c’est-à-dire des caractéristiques organisationnelles et personnelles du

dirigeant, sur l’orientation à l’exportation de l’entreprise. Toutefois, parce que l’approche

béhavioriste s’attache à montrer que les PME/PMI ne peuvent étendre leurs activités sur le

plan international de la même manière que les grandes entreprises, elle demeure indispensable

à notre recherche.

Finalement, il convient de la compléter par l’approche réseau qui privilégie, quant à elle,

l’acquisition externe des ressources, permettant ainsi d’étudier l’influence des acteurs du

réseau de la PMI sous-traitante sur son processus d’internationalisation, parmi lesquels les

donneurs d’ordres domestiques semblent jouer un rôle crucial.

Aux termes des allers-retours menés entre l’exploration conceptuelle et l’étude exploratoire

réalisée en début de recherche, nous avons choisi de centrer notre problématique générale de

recherche sur la question du « comment » se construit le processus d’internationalisation des

PMI sous-traitantes françaises.

Cette orientation nous a conduit à formuler quatre questions de recherche centrées sur les

modalités d’exportation qui structurent le processus d’internationalisation de cette population

d’entreprises spécifique : Quelles sont les modalités d’exportation mises en œuvre par les PMI

sous-traitantes françaises ? Comment s’agencent-elles au cours du processus

traitante. Modalité marginale de l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises, l’investissement international direct n’est pas pris en compte.

22

d’internationalisation ? Quelles sont les variables qui influencent le choix d’une modalité ?

Quel est le rôle joué par les différents acteurs intervenus lors du processus

d’internationalisation des PMI sous-traitantes ?

Ainsi définie, nous constatons que notre problématique retient une double perspective, au

demeurant inhérente au concept d’internationalisation17. La première, éminemment

dynamique, s’intéresse à la découverte et à la compréhension du déroulement du processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante dans le temps. Toutefois, si l’objet étudié est

appréhendé dans sa dimension de processus, la dimension contenu, seconde perspective du

phénomène, n’en n’est pas pour autant exclue. S’agissant de comprendre un phénomène

nouveau, et par conséquent mal connu, il convient préalablement de décrire les états qui le

composent. Cette décomposition correspond à une réflexion sur le contenu (Grenier et

Josserand, 1999). Ainsi dans notre recherche, il s’avère nécessaire de connaître les différentes

modalités d’exportation qui constituent le processus d’internationalisation avant d’étudier leurs

enchaînements suivant un axe temporel ; certaines de ces modalités étant spécifiques à la

population d’entreprises que nous étudions.

Notre recherche s’attache alors à comprendre et à saisir la réalité de l’internationalisation des

PMI sous-traitantes françaises en privilégiant l’imbrication des approches sur le processus et

sur le contenu. Son objectif est d’explorer un champ nouveau en vue de produire des

propositions théoriques. En conséquence, notre démarche méthodologique se situe dans ce que

G. Koenig (1993 : 5) appelle la « zone de découverte de la réalité » où les méthodes et les

outils utilisés relèvent d’un « réalisme épistémologique compréhensif ». Cette ambition se prête

alors à l’adoption d’un travail multi-méthodes.

0.3. Un choix méthodologique privilégiant l’exploration d’un phénomène nouveau

La démarche méthodologique est guidée par l’objet de recherche et par le type de contribution

souhaité par le chercheur. Or notre travail a pour visée l’exploration d’un phénomène 17 En effet, l’internationalisation peut être appréhendée selon deux facettes : soit comme un processus suivant lequel la part des exportations s’accroît dans le chiffre d’affaires de l’entreprise, soit comme un état mesuré par le taux d’exportation. Toutefois, cet indicateur ne permet pas d’apprécier la capacité de l’entreprise à mener des opérations internationales. Par conséquent, il est fréquent d’adopter une démarche multidimensionnelle consistant par exemple à s’interroger sur les modalités d’internationalisation mises en œuvre, le nombre de pays couverts géographiquement, la structure organisationnelle privilégiée, etc.

23

nouveau. Latente en début de recherche, la formulation de notre démarche méthodologique

résulte de deux choix ; celui d’une position et celui d’une stratégie de recherche. Elle s’est

imposée à nous au fur et à mesure des allers-retours auxquels nous avons procédé entre

l’exploration théorique et le terrain exploratoire menée auprès d’acteurs clés. Au terme d’une

présentation générale de notre stratégie de recherche (0.3.1.), nous décrirons les séquences de

notre dispositif d’investigation empirique (0.3.2.).

0.3.1. Une stratégie de recherche mixte et séquentielle

La construction de notre objet de recherche débouche sur une position épistémologique en

concordance avec le paradigme constructiviste et l’abduction, développée par CS. Peirce18,

qui consiste « (…) à élaborer une observation empirique qui relie une règle générale à une

conséquence. » (David, 2000 : 85). Cette forme de raisonnement, de facto utilisée dans toute

formation d’hypothèse explicative, constitue ainsi la première étape de la production de

connaissances scientifiques.

Notre objet de recherche conduit également à l’adoption d’une stratégie de recherche

combinant séquentiellement méthode quantitative et méthode qualitative. La justification de

ce choix s’appuie sur les travaux, de plus en plus nombreux, de chercheurs en sciences

sociales, mais également en sciences de gestion, qui conçoivent qu’approches qualitative et

quantitative doivent se concevoir non plus en termes d’opposition mais de complémentarité

(Jick, 1979 ; Brabet, Deshpande, 1983 ; 1988 ; Huberman et Miles, 1991 et 2003 ; Bergadaa

et Nyeck, 1992 ; Usunier et al., 1993 ; Allix-Desfautaux, 1995 ; Tashakkori et Teddlie, 1998 ;

Thiétart et al., 1999 ; Deschamps, 2000 ; Wührer et Werani, 2000 ; David et al., 2001 ; Hlady-

Rispal, 2002).

« En fait, il devient de plus en plus difficile de trouver un quelconque méthodologue

solidement installé dans une épistémologie particulière. De plus en plus de méthodologues

‘’quantitatifs’’, partisans du positivisme logique, utilisent des approches naturalistes et

phénoménologiques pour compléter tests, enquêtes et interviews structurés. A l’opposé, un

nombre croissant d’ethnographes et de chercheurs qualitatifs se base sur des cadres

18 L’abduction, comme troisième mode de conclusion à côté de la déduction et de l’induction, a été découverte par le logicien et philosophe Charles Sanders Peirce (1839-1914), également fondateur du pragmatisme, mouvement philosophique qui s’est développé en Amérique du Nord à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle (Encyclopédia Universalis, 1999).

24

conceptuels pré-établis et une instrumentation pré-structurée, particulièrement quand ils

étudient plus d’une institution ou communauté. » (Huberman et Miles, 1991 : 32).

« Nous croyons que le débat qualitatif-quantitatif est essentiellement stérile. » (Huberman et

Miles, 2003 : 82).

« (…) en pratique, les chercheurs ne se tiennent pas de façon scrupuleuse à une approche ou

à l’autre. Alors que la distinction entre les deux paradigmes est très claire au plan

conceptuel, (…) quand on en vient aux questions liées aux plans de recherche et à l’utilisation

de méthodes quantitatives ou de méthodes qualitatives, la distinction s’estompe quelque peu

(…). De façon croissante, des auteurs se font l’avocat de méthodes mélangées, car cela

fournit des perspectives élargies sur les phénomènes étudiés. » (Usunier, et al., 1993 : 42).

« Il faut dépasser l’opposition entre positivisme et constructivisme et dissiper certaines

confusions, par exemple celles résultant d’associations trompeuses entre positivisme et

méthodes quantitatives ou, de manière symétrique, entre constructivisme et méthodes

qualitatives, pour explorer les différentes implications d’une conception constructiviste en

sciences de gestion. » (David et al., 2000 : 5).

Ainsi, notre démarche méthodologique prône, dans une optique pragmatique, la combinaison

séquentielle des méthodes d’investigation empirique qualitative et quantitative au delà des

convictions paradigmatiques (positivisme versus constructivisme). Or, c’est cette

combinaison qui engendre l’efficacité de notre stratégie de recherche et offre l’architecture la

mieux appropriée à notre objectif de compréhension de la dynamique de construction du

processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises en vue de concevoir des

propositions théoriques.

0.3.2. L’ordonnancement des séquences d’investigation empirique

La figure 0.1 (p 26) présente les trois séquences d’investigation empirique qui composent

notre stratégie de recherche, numérotées selon leur ordre chronologique de réalisation.

25

Figure 0.1. Une stratégie de recherche mixte et séquentielle.

MODE DE RAISONNEMENT ABDUCTIF =

Rechercher des régularités permettant d’asseoir le raisonnement

+ +

METHODE QUALITATIVE

ENTRETIENS EN PROFONDEUR

METHODE QUANTITATIVE

ENQUETE PAR QUESTIONNAIRE

METHODE QUALITATIVE

ENTRETIENS EXPLORATOIRES

Identifier et décrire les différentes modalités

d’exportation qui composent le

processus d’internationalisation

des PMI sous-traitantes françaises

2001 - 2003 1999-2000

Formulation d’hypothèses

Décoder, approfondir les spécificités de chaque

modalité identifiée +

Comprendre la dynamique de

construction du processus

d’internationalisation

Explorer le phénomène étudié

+ Préparer l’enquête

terrain +

Formuler les questions de

recherche

Automne 1998

Automne 1996

Notre plan d’étude alterne deux types de collecte de données, en commençant par un travail

de terrain exploratoire qui conclut au développement d’une instrumentation quantitative, le

questionnaire . Les résultats du questionnaire sont ultérieurement approfondis et complétés

lors de l’ultime phase de nature qualitative .

Etant donné l’intérêt récent des chercheurs pour le phénomène étudié dans la recherche

engagée, une étude exploratoire s’est rapidement avérée indispensable afin d’acquérir « une

26

vision aussi complète que possible du problème. » (Evrard et col., 1997). Compte tenu de son

ampleur, elle nous a permis de nous familiariser avec le phénomène étudié, de délimiter notre

champ d’étude, de faire émerger les questions de recherche et, enfin, de préparer notre

investigation terrain suivante en termes d’élaboration des modalités de l’enquête et du

questionnaire : la recherche quantitative ne doit pas oublier que le quantitatif est obtenu à

partir du qualitatif (Grawitz, 1990).

L’enquête par questionnaire a pour vocation de décrire les modalités d’exportation

effectivement mises en œuvre par les PMI sous-traitantes françaises (dimension contenu de la

recherche). Elle permet de repérer les modalités d’exportation auprès d’un échantillon

d’entreprises à un moment déterminé dans le temps et, par conséquent, d’apprécier

précisément l’étendue du rôle d’initiateur et/ou d’accompagnateur des donneurs d’ordres

domestiques au cours du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes. Elle offre

également un premier niveau de décryptage de ces modalités à l’aide principalement des

caractéristiques internes de l’entreprise et de son dirigeant.

Toutefois, en raison de sa nature éminemment synchronique, cette méthode d’analyse nous

empêche d’introduire une dimension temporelle dynamique dans l’étude du processus

d’internationalisation.

Pour remédier à cet inconvénient, nous choisissons de compléter notre enquête par une

recherche qualitative sur un petit nombre de cas exemplaires déterminés statistiquement parmi

les différentes configurations de modalités d’exportation identifiées lors de l’enquête par

questionnaire. Les entretiens semi-directifs permettent de rendre compte de l’évolution de la

PMI sous-traitante face au fait international et ainsi de mener une étude d’ordre processuel.

En outre, elle nous offre la possibilité de mieux comprendre le rôle joué par les acteurs du

réseau de la PMI sous-traitante intervenus dans son processus d’internationalisation ainsi que

la nature des liens qui existent entre le sous-traitant et les acteurs de son réseau.

Finalement, trois principales raisons concourent au choix de relier ainsi méthodes qualitatives

et quantitatives :

- approfondir et développer l’analyse pour fournir plus de détails ;

- développer une vision à la fois transversale et historique de l’internationalisation des

PMI sous-traitantes ;

- compenser les faiblesses inhérentes à chaque méthode : ainsi « Firestone suggère que,

d’une part, les études quantitatives persuadent le lecteur en refusant de mettre l’accent sur le

27

28

jugement individuel tout en insistant sur l’utilisation de procédures établies, ce qui conduit à

des résultats plus précis et généralisables. D’autre part, la recherche qualitative convainc

par ses riches descriptions et ses comparaisons stratégiques inter-cas, dépassant alors

l’abstraction qui est inhérente aux études quantitatives. » (Huberman et Miles, 2003 : 83).

0.4. La construction et la restitution de la recherche

La construction de la recherche progresse en effets bouclés entre les analyses issues de notre

terrain et de la littérature académique. Le déroulement chronologique de notre travail nous

invite à arbitrer régulièrement entre théories et résultats empiriques. Toutefois, la restitution de

la thèse choisie reflète un cheminement progressif dans la poursuite de la recherche et ne

traduit pas exactement les boucles de rétroaction fréquemment intervenues entre les différentes

étapes de la recherche.

La figure 0.219 (p 29) offre une synthèse chronologique de la démarche suivie. Les lettres entre

parenthèses indiquent la séquence des étapes de la réalisation de la thèse, les flèches bilatérales

traduisent les effets de rétroaction et les encadrés grisés correspondent aux étapes de notre

exploration empirique.

19 inspirée de la figure 1 synthétisant la construction de la recherche dans le temps de M. Rispal (1993 : 10).

(m)

29

(n)

(o)

1996 1997 1998 1999 2000 2001-2002 2004

Figure 0.2. La construction chronologique de la recherche.

Cadre conceptuel

+ Questions de

recherche

Publications spécialisées sur la sous-

traitance industrielle

Phase n°1

1996

Phase n°2

1998

Méthodologie

Collecte des données par

questionnaire

Sélection et réalisation des études de cas

Analyse des entretiens

Introduction générale

Conclusion générale

Propositions théoriques

Questionnaire

(a)

(b)

Analyse des

données

(l)

Etude exploratoire

Guide d’entretien

(j)

Les théories de l’internationalisation de l’entreprise selon les approches « béhavioriste » et « réseau »

Les théories de la sous-traitance +

Les théories marketing sur la relation client-fournisseur

Exploration théorique

(k)

(i)

(h) (g)

(f) (e)

(c)

(d)

La lecture de publications spécialisées sur l’internationalisation des entreprises de sous-

traitance industrielle françaises et européennes (a) est à l’origine de notre intérêt pour le sujet

étudié. Elle a précédé notre revue de la littérature consacrée aux théories de la sous-traitance

industrielle et aux théories d’internationalisation des entreprises. Ayant rapidement constaté le

déficit de matériau théorique sur notre sujet, nous avons choisi de mener une exploration entre

ces deux champs théoriques non liés dans des travaux antérieurs (b). Cette voie d’exploration a

permis de souligner leur complémentarité pour comprendre le phénomène

d’internationalisation des PMI sous-traitantes.

La séquence (a) a également servi de point de départ à notre étude exploratoire (c) dans la

mesure où elle a orienté le choix des experts à interroger ainsi que les thématiques abordées

lors des entretiens conduits en 1996. La seconde vague d’entretiens exploratoires conduits en

novembre 1998 découle des allers-retours entre l’analyse des résultats de la première vague

d’entretiens et l’exploration théorique réalisée jusqu’alors. C’est de la confrontation entre (b) et

(c) que naît, en 1997, la délimitation du cadre conceptuel de la recherche ainsi que la

formulation précise de notre objet de recherche (d). Elle contribue également à l’amorce de

notre réflexion sur la démarche méthodologique (e) à adopter ainsi qu’à la réalisation du

questionnaire (f) et du guide d’entretien (j), dispositifs de collecte de données utiles aux deux

séquences ultérieures de notre investigation empirique : l’enquête par questionnaire qui a eu

lieu au cours de l’été 1999 (g) et l’étude de cas menée durant le premier semestre de l’année

2001 (i). Précisons que la seconde phase de l’étude exploratoire (c) a permis de repérer et de

surmonter les difficultés empiriques liées à la collecte des données par questionnaire (f).

En phase d’analyse des données et de formulation des résultats de l’enquête par questionnaire

(h), la sélection des cas exemplaires étudiés en profondeur et les entretiens semi-directifs ont

été réalisés (i). Puis les conclusions de l’analyse de contenu des études de cas (k) viennent

enrichir les résultats de l’enquête par questionnaire (h). Des deux méthodes (l) d’investigation

empirique (h et k) découle la formulation de propositions théoriques (m). A ce stade, les

travaux académiques examinés précédemment (c) permettent d’apprécier les hypothèses

théoriques proposées. Enfin, la conclusion générale (n) puis l’introduction (o) sont rédigées au

terme de la rédaction finale de la thèse.

30

Le déroulement de la recherche synthétisé dans la Figure 0.2. ne correspond pas au plan de la

thèse. En effet, l’exposé écrit n’étant pas en mesure de restituer la construction temporelle de

notre recherche, nous optons pour une présentation claire et logique de la thèse défendue

construite autour de cinq chapitres.

La mise en relation entre sous-traitance industrielle et internationalisation est discutée dans le

chapitre 1. Encore mal connu, le phénomène d’internationalisation des PMI sous-traitantes est

toujours assimilé au champ de recherche sur l’internationalisation des PMI. C’est faire peu de

cas de la nature spécifique de la relation de sous-traitance industrielle (STi) : parce que la

responsabilité de la conception de la chose sous-traitée n’incombe jamais à la PMI sous-

traitante, la sous-traitance industrielle est une relation distincte des autres formes de relations

contractuelles et la stratégie du sous-traitant ne peut être étudiée indépendamment de celle de

ses donneurs d’ordres. Explorer le processus d’internationalisation des entreprises sous-

traitantes requiert alors que nous opérions un lien entre deux champs théoriques : les théories

de la sous-traitance et celles de l’internationalisation des entreprises de taille restreinte. Par

conséquent, nous nous appuyons sur cette connaissance pour donner du sens à nos

observations empiriques.

Cependant, l’exploration théorique laisse de nombreux questionnements en suspens à propos

de la délimitation du champ de la sous-traitance internationale (STI) dans les pays

industrialisés, du rôle joué par le dirigeant ou encore les donneurs d’ordres domestiques dans

le processus d’internationalisation de ces entreprises, des différentes modalités d’exportation

effectivement mises en œuvre. Dans ces conditions, le chapitre 2 montre que notre étude

exploratoire est un complément de l’exploration théorique indispensable à la délimitation du

cadre conceptuel de la recherche, ce dernier s’enrichissant de deux approches théoriques de

l’internationalisation des entreprises distinctes : l’approche béhavioriste et l’approche réseau.

En outre, les allers-retours entre l’exploration théorique et l’étude exploratoire permettent de

préciser notre problématique grâce à la formulation de nos questions de recherche.

Nos choix méthodologiques sont exposés dans le chapitre 3. Chapitre décisif de la thèse, il

révèle l’architecture de notre recherche et établit ainsi le lien entre les deux premiers

chapitres, dont les développements concomitants permettent de préciser l’objet de recherche,

et les deux derniers chapitres consacrés, quant à eux, aux phases d’analyse des données

collectées. Dans ce chapitre, sont décrites, d’une part, la démarche méthodologique motivée

31

par le choix d’un mode de raisonnement abductif et d’une méthode d’investigation mixte –

combinant enquête par questionnaire et étude de cas – et, d’autre part, la mise en œuvre de la

recherche présentant les différentes étapes de l’étude empirique. Son principal objectif est, par

conséquent, de convaincre le lecteur que cette démarche méthodologique est la mieux adaptée

à notre objet de recherche.

Le chapitre 4 présente les principaux résultats de notre enquête par questionnaire, à savoir la

photographie des PMI sous-traitantes françaises engagées à l’international et leur

classification selon les différentes modalités d’exportation qu’elles mettent en œuvre.

La dimension temporelle dynamique du développement international de la population

d’entreprises étudiées est introduite grâce à notre analyse qualitative de huit cas, présentée au

début de notre cinquième et dernier chapitre. Les résultats de cette analyse enrichissent ceux

de notre enquête par questionnaire. L’ensemble des données ainsi produites, complété d’une

discussion théorique, aboutit à l’énonciation de propositions théoriques sur la structuration du

processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises dans le second volet de ce

chapitre.

Enfin, la conclusion générale de la thèse s’attache à souligner les contributions théoriques,

méthodologiques et pratiques de l’étude et à suggérer des pistes de recherche pour l’avenir.

La figure 0.3. (p 33) présente le plan de la thèse et les contributions de chaque chapitre.

32

Figure 0.3. Le plan de la thèse. Les concepts de base

Les PMI sous-traitantes à étudier

Les grilles de lecture théoriques du phénomène

Une définition de la STI Une préfiguration des modalités d’exportation Les questions de recherche

La justification de la méthodologie de recherche

La présentation des deux cadres d’investigation empirique

L’analyse des résultats de l’enquête par questionnaire : un traitement statique des questions de recherche

L’analyse transversale de huit cas : un traitement dynamique des questions de recherche

La formulation de propositions théoriques

Chapitre 5

La dynamique du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes

Chapitre 4

L’identification des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes

Chapitre 3

L’accès au terrain : choix et mise en œuvre

Chapitre 2

Contribution d’une étude exploratoire à la formulation de questions de recherche

Chapitre 1

Sous-traitance industrielle et internationalisation

33

CHAPITRE 1

SOUS-TRAITANCE INDUSTRIELLE ET INTERNATIONALISATION

34

INTRODUCTION DU CHAPITRE 1

Notre travail s’intéresse à l’internationalisation des petites et moyennes entreprises de sous-

traitance industrielle (STi) à travers l’exemple français. Il s’agit d’un phénomène récent

concernant une population spécifique. Dans ces conditions, il n’existe pas de champ théorique

consolidé.

En revanche, la littérature économique offre de nombreuses recherches sur la sous-traitance

internationale (STI) s’instaurant entre donneurs d’ordres localisés dans les pays industrialisés

et sous-traitants situés dans les pays en voie de développement. En gestion, une littérature

relative à l’internationalisation des industries de taille restreinte ne cesse de se développer

depuis les années soixante dix. Désormais riche, elle se compose de différents courants

théoriques issus du marketing international. Bien que partant de perspectives différentes, ces

théories ont en commun d’étudier la population des PMI sans se soucier de distinguer les

entreprises de sous-traitance de celles de fourniture. Or, la sous-traitance industrielle est une

relation inter-entreprises particulière aux contours mal dessinés.

En conséquence, l’objectif du présent chapitre est de montrer les apports et les limites des

théories de la STI et de l’internationalisation des PMI au traitement de notre problématique

axée sur les modalités d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. Pour ce faire,

il nous faut commencer par explorer le concept de sous-traitance industrielle. Une fois les

caractéristiques de la relation de sous-traitance industrielle et de la population d’entreprises

étudiée définies (Section 1), nous serons alors en mesure de proposer une grille de lecture

pertinente pour notre objet de recherche (Section 2).

35

SECTION 1 – DE LA PME SOUS-TRAITANTE INDUSTRIELLE A LA PME

SOUS-TRAITANTE INTERNATIONALE

Il existe une littérature abondante sur la définition de la sous-traitance industrielle (STi) et une

diversité observable si riche qu’il convient de s’interroger sur les analogies entre les

entreprises sous-traitantes. Qu’y a-t-il de commun entre un sous-traitant de capacité et un

sous-traitant de spécialité ? Entre un sous-traitant dont l’activité se limite à la fabrication

d’éléments et un sous-traitant qui intervient dès la phase de conception de la chose à réaliser ?

Entre un sous-traitant de vingt salariés et Solectron ? Autrement dit, quels critères retenir afin

de distinguer un sous-traitant, d’un équipementier et d’un fournisseur ?

L’objet de cette section est, par conséquent, d’analyser la littérature existante consacrée à la

sous-traitance industrielle (STi) afin d’identifier les caractéristiques de la population étudiée

dans notre recherche et d’essayer de formuler une définition de la sous-traitance internationale

(STI) dans les pays industrialisés. Aux difficultés conceptuelles de la sous-traitance s’ajoutent

alors celles qui relèvent plus spécifiquement de la dimension internationale.

Une fois le concept de STi éclairci (1), nous insisterons sur la nature spécifique de la relation

de sous-traitance (2). De cette réflexion conceptuelle et théorique ne découle qu’une

définition partielle de la STI étudiée (3).

1. UNE REFLEXION CONCEPTUELLE PRELIMINAIRE

Réalité économique complexe, la STi soulève des difficultés terminologiques (1.1) empêchant

la formulation d’une définition communément admise par l’ensemble des organismes d’étude

de la sous-traitance. Toutefois, l’étude approfondie des différentes conceptions, plus ou moins

stricte, de la STi montre l’existence de traits communs (1.2) permettant de discriminer la

sous-traitance des autres formes de coopération inter-entreprises, telles que la fourniture de

produits standards.

36

1.1. Au delà des terminologies diverses

S’agissant de décrire et de comprendre la complexité des formes de sous-traitance industrielle

(STi), les chercheurs et les experts ont largement recours à une démarche taxonomique. Ils

retiennent alors différents critères de classification – économiques, techniques, relationnels –

susceptibles de rendre compte de la diversité des cas de STi (1.1.1). L’examen de la littérature

permet alors de mieux appréhender l’évolution des définitions institutionnelles et les

divergences qui en résultent (1.1.2).

1.1.1. La diversité des situations

Les critères de classification des formes de STi les plus fréquemment utilisés peuvent être

regroupés en trois grandes catégories : les motivations économiques des donneurs d’ordres

(a), la répartition des tâches entre sous-traitants et donneurs d’ordres (b), la taille et les savoir-

faire industriels des sous-traitants (c).

Selon que l’on mette l’accent sur la complémentarité ou la similarité des activités de

production du sous-traitant par rapport à celles du donneur d’ordres et sur l’horizon temporel

de la commande, on oppose traditionnellement la sous-traitance de capacité – dite

conjoncturelle1 ou encore concurrente2 – à la sous-traitance de spécialité, dite également

structurelle ou complémentaire (Capet et Hoflack, 1978 ; Chaillou, 1978 ; Barreyre, 1991 ;

AFNOR, 20003). Ces deux formes de sous-traitance sont le résultat des motivations

économiques des donneurs d’ordres (a). La sous-traitance de capacité y est présentée comme

un moyen pour le donneur d’ordres d’optimiser sa capacité de production sans investissement

complémentaire de main d’œuvre ou de matériel, face aux fluctuations erratiques ou

1 J.J. Stefanelly, Les problèmes posés par la sous-traitance, Avis et Rapport du Conseil Economique et Social, Journal Officiel, 1973, dans Altersohn, C., 1992 : 26. 2 B. Baudry, 1993 : 41. 3 Pour l’AFNOR (Association Française de Normalisation), « la sous-traitance est dite de capacité dès lors que l’entreprise donneuse d’ordres, équipée elle-même pour exécuter un produit, a recours à une autre entreprise soit occasionnellement, en raison d’une pointe momentanée dans sa production ou d’un incident technique, soit de façon plus ou moins habituelle parce que, désireuse de conserver une capacité propre dans une fabrication déterminée, elle entend utiliser des capacités de production disponibles à l’extérieur. » tandis que « la sous-traitance est dite de spécialité dès lors que l’entreprise donneuse d’ordres décide de faire appel à un spécialiste disposant des équipements et de la compétence adaptés à ses besoins, parce qu’elle ne peut pas ou ne souhaite pas, pour des raisons relevant de sa stratégie propre, notamment des considérations d’ordre économique, se doter des moyens nécessaires au lancement ou au développement d’une fabrication, ou encore parce qu’elle estime ses installations insuffisantes ou insuffisamment compétitives pour cette fabrication. » (Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, La sous-traitance en chiffres, 2000 : 3).

37

saisonnières de la demande. De même, le recours à la sous-traitance de spécialité éviterait,

pour la firme qui y a recours, d’investir dans des activités ou des équipements dont le coût ou

les compétences en termes de qualité et d’efficacité requises pour assurer l’exécution du

travail s’avèrent incompatibles avec ses objectifs stratégiques ou disproportionnés avec ses

besoins courants.

Cependant, cette opposition est perçue, par certains auteurs, comme étant réductrice et donc

peu opératoire. Ces deux catégories de sous-traitance industrielle, définies du seul point de

vue des motivations qui président le choix entre faire et faire-faire et des avantages qui en

découlent pour le donneur d’ordres, sont jugées impropres à traduire la diversité du

phénomène : « la frontière entre ces deux formes de sous-traitance, déjà floue à la fin des

années soixante-dix, est encore moins significative actuellement. » (Gorgeu et

Matthieu,1987 : 48-49).

Trois principales limites à cette dichotomie sont généralement identifiées.

Tout d’abord, le choix des termes ‘‘spécialité’’ et ‘‘capacité’’ est trompeur (Baudry, 1993) :

« En effet, cette distinction semble indiquer que la sous-traitance de spécialité s’apparente à

la sous-traitance spécialisée, et correspondrait dès lors à une ‘‘bonne’’ sous-traitance, (…)

en revanche, la sous-traitance de capacité serait une ‘‘mauvaise’’ sous-traitance (…). » (41-

42).

En outre, la spécialisation est un élément subjectif, relatif aux propres possibilités techniques

des donneurs d’ordres (Chaillou, 1978) : « Celui qui sait faire mieux qu’eux est considéré

comme un spécialiste. Celui qui sait faire aussi bien qu’eux, dans les techniques difficiles à

mettre en œuvre et sur un travail donné, est aussi considéré comme un spécialiste. Dans les

autres cas, il s’agira d’une sous-traitance de capacité ». (p 13).

Enfin, un problème se pose quant au lien entre le type de sous-traitance et le temps. Si les

auteurs s'accordent sur le caractère structurel de la sous-traitance de spécialité (Chaillou,

1978 ; Altersohn, 1992), la sous-traitance de capacité peut être de nature aussi bien

conjoncturelle que structurelle. Il est difficile de distinguer précisément la sous-traitance

conjoncturelle de la sous-traitance structurelle dans la mesure où les critères, permettant de

savoir à partir de quel moment et dans quelles circonstances des relations de sous-traitance

cessent d'être conjoncturelles pour devenir structurelles, ne peuvent être clairement définis.

A partir du critère de répartition des tâches entre sous-traitant et donneur d’ordres (b),

qualifié également « d’étendue de la délégation » par P-Y. Barreyre (1991), les typologies

38

montrent que les figures de la STi varient au fur et à mesure que la complexité de la tâche

s’accroît, comme l’illustre la Figure 1.1.

Figure 1.1. Typologie fonctionnelle des formes de la sous-traitance industrielle.

Types d’opérations Formes de la sous-traitance

Conception

Approvision-

nements

Fabrication d’éléments

Montage

Finition

Commer-cialisation

Travail à façon

Montage

Sous-

traitance de

façonnage Finition

Production d’éléments

Sous-

traitance de

production Production complète

Ce que conserve le donneur d’ordres Ce que le sous-traitant réalise

Source : C. Berthomieu, C. Charbit, A. Hanaut et J.T. Ravix, (1989 : 32).

Le critère de répartition des tâches entre sous-traitant et donneur d’ordres permet la réalisation

de typologies particulièrement opérationnelles. En 1996, c’est ce dernier qui sera retenu par le

SESSI4 pour proposer une définition renouvelée de la sous-traitance industrielle5. Par ailleurs,

nous remarquons que l’étendue de la délégation est fréquemment associée à des critères

relationnels, tels que la durée de la relation de sous-traitance (Barreyre, 1991) ou le degré de

coordination de l’interface donneur d’ordres/sous-traitant (Blenker et Christensen, 19956).

Les auteurs utilisent alors la corrélation positive entre la complexité des opérations techniques

réalisées par le sous-traitant et la nature de la relation de sous-traitance à des fins

taxonomiques.

4 Le SESSI élabore et diffuse les statistiques industrielles et les études qui en découlent. Il exerce au sein du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie les attributions dévolues aux services enquêteurs par la loi n°57-711 du 7 juin 1951. 5 Cette définition sera présentée et analysée dans le paragraphe 1.1.2. 6 P. Blenker et P.R. Christensen, (1995), Interactive Strategies in Supply Chains – A Double-edged Portfolio, Approach to SME Subcontractors Position Analysis, Forthcoming in Entrepreneurship and Regional Development, dans P.H. Andersen, P. Blenker et P.R. Christensen, (1995 : 5).

39

Enfin, la STi regroupe un ensemble extrêmement hétérogène d’entreprises de toutes tailles

mettant en œuvre des procédés industriels d’une très grande variété (c).

A propos de la taille, l’enquête annuelle d’entreprise sur la sous-traitance industrielle

française (SESSI, 2001) souligne la prédominance des entreprises de moins de 500 salariés,

sachant que parmi les entreprises industrielles qui exercent en permanence une activité de

sous-traitance, plus des deux tiers, artisanat non compris, emploie moins de cent salariés

(Tableau 1.1.).

Tableau 1.1. Répartition du nombre d’entreprises sous-traitantes de l’industrie selon la taille de l’entreprise (secteur énergie non compris) en 1999.

Tranches d’effectifs7 Nombre de sous-traitants Sous-traitants en %

20 à 49 salariés 4 356 57,4 50 à 99 salariés 1 565 20,6 100 à 249 salariés 1 013 13,3 250 à 499 salariés 306 4,0 PMI 7 240 95,3 500 à 999 salariés 175 2,3 1 000 à 1 999 salariés 58 0,8 2 000 salariés et plus 48 0,7 Grandes entreprises 281 3,8 Hors tranche8 65 0,9 Ensemble 7 586 100

Source : SESSI, (2001 : 98).

Toutefois, la taille des entreprises sous-traitantes varie d’un secteur à l’autre comme

l’indiquent les enquêtes sur la sous-traitance, effectuées en Allemagne, en Belgique, en

Espagne, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni par la DG n°239 de la Commission des

Communautés Européennes (1997).

Ainsi, dans le secteur du textile-habillement, ce sont majoritairement des entreprises de très

petite taille – moins de vingt salariés – qui sont concernées par les relations de sous-traitance.

7 = effectif salarié moyen, corrigé des effectifs pris en location et donnés en location. 8 Il s’agit des donneurs d’ordres exclusifs ou quasi exclusifs qui organisent l’ensemble de leur activité autour de la sous-traitance. Parce qu’elles font faire au lieu de faire elles-mêmes, elles emploient moins de personnel que leurs homologues comparables en termes de chiffre d’affaires. Elles sont environ 700 et confient près d’un cinquième de leur production à des sous-traitants. Les trois quarts de ces entreprises appartiennent à la filière textile-habillement. Certaines d’entre elles interviennent comme sous-traitant, prestataire de conception, auprès de concurrents. 9 Direction Générale en charge de la politique d’entreprise, commerce, tourisme et économie sociale.

40

En revanche, dans le secteur automobile, comme dans le secteur aéronautique, sous-traitants

de moins de 500 salariés et grands groupes multinationaux se côtoient.

Organisés de façon pyramidale, ces secteurs comportent plusieurs rangs de sous-traitants. Au

sommet de la filière automobile se trouvent les constructeurs dont les activités sont centrées

sur la conception des nouveaux modèles et l’assemblage final des véhicules. Ils chapeautent

directement une série d’équipementiers10, dits de premier rang. Parce qu’ils réalisent des

systèmes de plus en plus complexes, ces derniers se trouvent également en situation de

donneur d’ordres par rapport à des sous-traitants de deuxième rang qui peuvent eux-mêmes

externaliser certaines tâches à des sous-traitants de troisième rang, etc. Or plus le rang de la

cascade est élevé et plus la taille moyenne des entreprises sous-traitantes est faible. Si la taille

moyenne des entreprises du secteur de fabrication d’équipements automobiles11 reste

sensiblement plus élevée que dans l’ensemble de l’industrie manufacturière12, l’équipement

automobile regroupe néanmoins un ensemble d’entreprises de tailles différentes parmi

lesquelles les grandes entreprises, notablement moins nombreuses, réalisent 81 % du chiffre

d’affaires du secteur (Tableau 1.2.).

Tableau 1.2. Répartition du nombre d’entreprises sous-traitantes du secteur de fabrication d’équipements automobiles (NAF 343 Z) selon la tranche d’effectif et le chiffre d’affaires en 1999.

Tranches d’effectifs Nombre de sous-traitants

Sous-traitants en %

Chiffre d’affaires M EURO

% du CA du secteur

20 à 49 salariés 13 18 44 0,6 50 à 99 salariés 7 10 32 0,4 100 à 249 salariés 17 24 498 7 250 à 499 salariés 19 26 731 11 PMI 56 78 1304 19 500 à 999 salariés 6 8 379 5,5 1 000 à 1 999 salariés 4 6 856 12,5 2 000 salariés et plus 5 7 4269 63 Grandes entreprises 15 21 5505 81 Hors tranche 1 1 NS NS Ensemble 72 100 6818 100

Source : SESSI, (2001 : 120). 10 Ils peuvent avoir des activités allant de la seule fabrication d’éléments simples à la conception et à la réalisation de systèmes complexes, tels que les boîtes de vitesses, les freinages ABS, etc. Outre ces secteurs spécialisés, la filière automobile au complet fait appel à d’autres industries qui vont fournir des pièces telles que les pneumatiques, les pare-brise, les sièges, les composants électroniques, etc. 11 Pour des raisons historiques sont exclus de ce groupe les pneumaticiens, les verriers et les premiers transformateurs de métaux. 12 T. Huon, Les équipementiers automobiles, Analyse financière, n°99, 1994 : 45-53.

41

Au delà de la taille, la nature de l’activité du sous-traitant peut être plus ou moins spécialisée

ou diversifiée. Les entreprises sous-traitantes se spécialisent non seulement d’après des

normes techniques mais également d’après des normes économiques. La spécialisation

technique (Capet et Hoflack, 1978 ; Baudry, 1993) est définie en fonction de plusieurs

éléments tels que la nature des opérations (taraudage, filetage, polissage, etc.), la nature des

supports (cuivre, laiton, etc.), la taille des pièces (millimètres, mètres, etc.). La spécialisation

économique permet, quant à elle, d’opposer les sous-traitants travaillant en petites séries à

ceux travaillant en grandes séries, l’importance des séries ayant des conséquences sur la

nature des matériels, les procédés de production et l’organisation de l’entreprise. En outre, la

production d’un atelier de sous-traitant tend à être beaucoup plus diversifiée que celle d’un

atelier intégré dans la mesure où le sous-traitant travaille pour des donneurs d’ordres ayant

des besoins différents.

Constatant cette diversité des situations et des rôles des PMI sous-traitantes au sein du

système productif, J-P. Bréchet (1990) propose de retenir une optique des PMI centrée sur

leurs savoir-faire. Selon lui, cette approche est mieux adaptée au repérage des activités de

sous-traitance qui relèvent plus de la vente d’une compétence technique que d’un produit fini.

En effet, l’approche produit-marché correspondant au recensement des activités des

entreprises suivant la nomenclature d’activités et de produits de l’INSEE (NAP) ne donne

aucune indication sur les savoir-faire détenus qui, la plupart du temps, conditionnent les

stratégies possibles. L’auteur établit donc une typologie des savoir-faire des PMI et de leurs

fonctions stratégiques à partir de laquelle il propose une grille de lecture concrète des

formules stratégiques et des compétences clés de ce type d’entreprises.

Une fois définie la notion de savoir-faire « (…) comme une compétence technique ou de

production qui fait ou pourrait faire l’objet d’un marché. » (Bréchet : 20), l’auteur en propose

une distinction fondée sur trois critères : l’activité de conception, le niveau technologique et

les capacités fonctionnelles que nécessite la mise en œuvre des savoir-faire (Tableau 1.3.).

42

Tableau 1.3. Typologie des savoir-faire (SF) de compétence13.

Les SF associés à une vente de technologie

Les SF associés à une vente de spécialité

Les SF associés à une vente d’heures

- Ils nécessitent la maîtrise de

technologies avancées. - Leur mise en œuvre intègre une

forte part de conception (intervention du bureau d’études-conception).

- Le SF est évolutif et concerné par l’innovation, de produit

notamment. Ces activités s’apparentent à une

vente de technologie.

- Ils se révèlent d’un bon niveau technologique sans intégrer une forte composante conceptuelle. - Le niveau d’investissement

requis dans le processus s’avère important.

- La force de telles activités provient de la maîtrise d’une

expertise particulière. Ces activités s’apparentent à une

vente de spécialité.

- Cette catégorie intègre les activités de compétence

traditionnelle, de faible niveau technologique.

- Le travail est effectué sur plan ou peut comporter une faible

composante conceptuelle. - Il peut s’agir de petites ou de

grandes séries. Ces activités s’apparentent à une

vente d’heures de travail.

Aux trois catégories de vente d’une compétence technique, il ajoute un quatrième type

d’activité : la vente de produit propre qui correspond « à une diffusion large de produits

standard, identifiables sur catalogue, vendus sous nom propre ; elle implique donc l’exercice

d’une fonction commerciale significative : promotion d’une marque, existence d’un personnel

de vente, très souvent d’un réseau de vente, gestion d’un stock de produits finis et des

réassortiments chez les clients. » (p 22). Il s’agit de la fourniture stricto sensu.

A chacun des types de savoir-faire ainsi identifiés correspond, en outre, une fonction

stratégique dominante : l’efficacité-organisation pour la vente de spécialité, les études et la

conception pour la vente de technologie, la fabrication pour la vente d’heures et la vente pour

la vente de produit propre. A partir de cette différenciation de l’univers des PMI au regard des

fonctions stratégiques, l’auteur présente un cadre général d’analyse adapté à la PMI

permettant à ses dirigeants d’opérer des choix stratégiques pertinents en termes d’avantages

concurrentiels.

Cette typologie intéresse la présente recherche à bien des égards.

Tout d’abord, elle distingue les savoir-faire de compétence qui correspondent à l’activité de

sous-traitance et la vente de produits propres (activité de fourniture stricto sensu).

Cependant, elle va plus loin en étudiant, non plus les seules activités/savoir-faire, mais aussi

les fonctions stratégiques que nécessitent leurs mises en œuvre. Les analyses statistiques

13 Tableau réalisé à partir de l’article de J-C. Bréchet, 1990.

43

réalisées sur un échantillon de 500 entreprises des secteurs des biens intermédiaires, des biens

d’équipement et de consommation courante, apportent des éléments de validation de la variété

des portefeuilles de fonctions détenues par les PMI : vente, études-conception, efficacité-

organisation, fabrication. L’auteur envisage les situations où les savoir-faire peuvent être

mobilisés soit dans une optique de produit propre, soit dans une optique compétence14 selon

la fonction stratégique dominante détenue. Il souligne également l’existence possible de

combinaisons de savoir-faire distincts au sein d’une même PMI, ce qui suppose la maîtrise

simultanée des fonctions stratégiques compatibles avec ses savoir-faire : « par exemple, on

présente souvent la fabrication d’un produit propre comme une solution aux problèmes de

dépendance des sous-traitants. Or (…) la vente d’un produit fini sous nom propre nécessite la

maîtrise d’une fonction commerciale. Nombre de vendeurs de compétence (sous-traitants) ne

disposent pas des moyens d’assurer cette fonction. Ceux qui réussissent dans ce domaine ont

résolu le problème d’une manière ou d’une autre (…) » (p 25). Ceux qui échouent n’ont pas

su prévoir les moyens commerciaux qu’exige la fabrication de produits propres. Il s’agit alors

d’une manifestation fréquemment observée d’inadéquation entre une décision stratégique et

ses répercussions commerciales (Saporta et Lapassouse Madrid, 1995).

Enfin, dans cette perspective, le travail de J-P. Bréchet montre, que la taille des entreprises

observées est un facteur déterminant :

- une petite taille (moins de 100 salariés) impose une spécialisation, et, pour la plupart

des entreprises, sur les secteurs industriels considérés, la vocation productrice ressort

nettement ;

- une taille plus importante (100 à 199 salariés) s’accompagne d’une différenciation

horizontale plus significative et, par conséquent, d’un choix fonctionnel plus important : ce

serait donc pour cette taille que le choix du portefeuille de fonctions se révèlerait le plus

marqué ;

- à partir de 200 salariés, les entreprises apparaissent peu spécialisées dans la mesure où

elles peuvent maîtriser simultanément plusieurs fonctions.

Face à cette grande variété de situations, la notion de sous-traitance industrielle a, par

conséquent, donné lieu à des définitions successives de plus en plus extensives, sans que

l’usage de l’une d’entre elles ne s’impose en France comme en Europe15.

14 Toutefois, certains savoir-faire relèvent, par nature, de la vente de compétence. Il s’agit des heures de machine, heures de travail, de la technologie et de la conception. 15 En effet, il n’existe pas en France, ni dans aucun autre pays de l’Union Européenne, de définition légale de la sous-traitance industrielle. Le seul pays de l’Union Européenne à avoir adopté une loi concernant spécifiquement la sous-traitance est la France, en 1975 (Annales du forum pan-européeen de la sous-traitance, 1992 ; Guide

44

1.1.2. L’absence d’une définition institutionnelle unitaire

Aux conceptions strictes de la sous-traitance industrielle proposées par le CENAST16 et

l’AFNOR (Tableau 1.4.), le SESSI a récemment adopté une conception de la sous-traitance

plus extensive : la « sous-traitance élargie ».

Tableau 1.4. Les définitions de la sous-traitance industrielle.

Organisme Date Définition

Charte de la

sous-traitance du CENAST

1972

Elle « (…) se définit comme l’activité qui consiste à fabriquer ou à façonner un produit ou plus généralement des composants dénommés ‘’pièces’’ pour le compte exclusif du donneur d’ordres et conformément aux spécifications techniques et aux modalités de réception qu’il arrête en dernier ressort en fonction du résultat industriel recherché .».

Fascicule de

documentation AFNOR X 50-300

1987

Il s’agit d’ « (…) une ou plusieurs opérations de conception, d’élaboration, de fabrication, de mise en œuvre ou de maintenance du produit, dont une entreprise dite donneur d’ordres confie la réalisation à une entreprise dite preneur d’ordres, tenue de se conformer exactement aux directives ou spécifications techniques que ce donneur d’ordres arrête en dernier ressort. Ces spécifications techniques (…) peuvent tenir compte des avis ou propositions formulés par le sous-traitant (…), dès lors que le donneur d’ordres assume seul les responsabilités de la conception finale du produit. ».

En effet, l’enquête « Liaisons Industrielles » du SESSI a proposé (note N° 65 de mai 1996)

une approche renouvelée de la coopération inter-entreprises. Cette enquête a concerné un

échantillon d’environ 6 000 entreprises de plus de 20 salariés (hors IAA et énergie). Le taux

de réponses final a été de 80 %. Retenant la distribution des tâches entre l’entreprise sous-

traitante et ses clients comme critère de classification, cette typologie englobe les formes de

coopération pouvant aller de la sous-traitance façonnage à la simple fourniture, entendue au

sens strict, de produits standards proposés sur catalogue.

Entre ces deux extrêmes apparaît une multitude de relations regroupées en huit grandes

catégories (Tableau 1.5.).

pratique des régimes juridiques de la sous-traitance industrielle dans la communauté européenne, 1998). Mais la loi de 1975, comme nous l’avons signalé dans l’introduction générale de la thèse, n’adopte pas une définition conforme aux usages industriels. 16 Centre National de la Sous-Traitance.

45

Tableau 1.5. Les différentes formes de la coopération interentreprises selon le SESSI.

Qui assure l’étape de :

Nature des opérations réalisées par l’entreprise enquêtée ou ses clients Conception Approvisionne-

ment Fabrication Montage Finition

Commercialisa-tion

(1). Travail à façon client client entreprise pour au moins une phase

client

(2). Production sur spécifications

client entreprise entreprise au moins pour la

fabrication

client

(3). Prestation de conception et de production

entreprise et client

entreprise entreprise au moins pour la

fabrication

client

(4). Prestation de conception

entreprise et client

client client client

(5). Production sous licence

client titulaire de la licence

entreprise entreprise client

(6). Production de la demande sous la marque d’un distributeur

entreprise entreprise client client

(7). Production autonome entreprise entreprise entreprise client (8). Prestation de service entreprise entreprise entreprise entreprise

Source : C. Altersohn, (1997 : 32).

Le SESSI considère que les formes (1) à (4)17 délimitent le contour du concept de « sous-

traitance élargie » : la sous-traitance au sens strict du terme se limitant aux formes (1) et (2).

En intégrant les formes (3) et (4), on parvient, selon les auteurs de la note, à délimiter les

contours du ‘’partenariat industriel’’.

Le travail à façon (1) constitue la première de ces formes. Dans ce cas, le sous-traitant

effectue des travaux de transformation (montage, finition) sur un support (pièces ou produits)

qui lui est confié par le donneur d’ordres, sans intervenir au niveau de la conception.

Dans la production sur spécifications (2), le sous-traitant approvisionne lui-même les

matières premières et les composants dont il a besoin (contrairement à la sous-traitance de

façonnage). Il gère et réalise une partie du cycle de la production, en assure le contrôle.

Parfois même, il se charge de l’expédition des produits finis aux clients désignés par son

donneur d’ordres.

17 Ces cases ont été grisées par nos soins dans le tableau 1.5. Elles correspondent aux formes de la sous-traitance élargie.

46

Mais il ne prend aucune part à la conception des produits qu’il fabrique, ni à la définition de

leurs spécifications, et il ne joue aucun rôle dans leur mise sur le marché18.

Dans le cas de la prestation de conception et de production (3), le sous-traitant participe à la

conception, au développement et à l’industrialisation du composant ou du système dont il est

chargé, et qui peut aller jusqu’à constituer l’ensemble d’une fonction (comme le freinage, la

signalisation, l’électronique de contrôle dans l’industrie automobile). Il en assure tout ou

partie de la fabrication, seul ou avec le concours de sous-traitants de deuxième ou de

troisième rang. Mais le donneur d’ordres reste seul maître de la définition et de la conception

générale du produit final auquel les fournitures et/ou prestations du sous-traitant sont

destinées. Il assume seul la responsabilité et le contrôle de sa mise sur le marché. Il conserve

l’exclusivité de sa commercialisation.

Lorsque le sous-traitant assume la réalisation d’un sous-ensemble remplissant une fonction

autonome à l’intérieur du cycle de production du bien considéré, il est qualifié de sous-traitant

de fonction19 ou encore d’équipementier dans les secteurs automobile et aéronautique. Dans

ce cas, le cahier des charges n’est plus qualifié de « technique » mais de « fonctionnel » :

« Le cahier des charges technique est l’expression de la volonté du donneur d’ordres sur

‘’l’objet’’ qu’il assigne au contrat et qui est fonction du résultat industriel qu’il recherche. »

(Commission Européenne, 1992a : 7) tandis que le cahier des charges dit fonctionnel « (…)

comporte des spécifications d’objectifs ou de performances mais rend l’exécutant responsable

du choix des caractéristiques du produit sous réserve du respect de certaines contraintes liées

à des conditions d’utilisation et de fonctionnement. » (Altersohn, 1992 : 27).

Enfin, dans la prestation de conception (4), le sous-traitant n’intervient qu’au niveau de la

phase de conception du composant, du produit ou de l’équipement envisagé par le donneur

d’ordres, pour participer à sa mise au point ou, le cas échéant, pour assumer en totalité la

18 Ces sous-traitants stricto sensu sont qualifiés de « DS Suppliers » par B. Asanuma (1989) dans la mesure où ils fournissent des « Drawing Supplied parts », c’est-à-dire des dessins imposés par le donneur d’ordres. M. Cusumano et A. Takeishi (1991) parlent, quant à eux, de « detailed-controlled parts »., de spécifications détaillées par le donneur d’ordres. 19 B. Asanuma (1989) les nomme « DA Suppliers » dans la mesure où ils fournissent principalement des « Drawing Approved parts », des dessins approuvés. M. Cusumano et A. Takeishi (1991) qualifient, quant à eux, de « black-box parts » les spécifications fonctionnelles données par les constructeurs. B. Baudry (1993) parle de « sous-traitants fournisseurs », notion hybride qui n’a pas été retenue dans les documents établis par le Groupement pour l’Amélioration des Liaisons de l’Industrie Automobile (GALIA), le concept de « fabricants concepteurs » lui ayant été préféré (Altersohn, 1992).

47

charge des études et maquettes requises à cet effet. Dans ces conditions, le cahier des charges

est toujours fonctionnel. Pratiquée de longue date en électronique et en informatique où, en

raison de leur degré de spécialisation technologique, il est rare que les donneurs d’ordres

puissent définir leurs exigences au delà des spécifications fonctionnelles très générales. Cette

forme de sous-traitance tend à se développer dans tous les secteurs industriels.

Cette conception permet une meilleure connaissance de l’état actuel des relations de sous-

traitance industrielle dont l’application des critères employés pour définir la sous-traitance au

sens strict ne donne pas une vue satisfaisante. En outre, elle s’apparente à celle retenue dans

les travaux engagés par EUROSTAT20, telle que l’étude sur « La nouvelle sous-traitance en

Europe », réalisée en 1997. Au niveau européen, un long travail d’harmonisation

conceptuelle, réalisé à l’initiative de la DG n°2321 de la Commission des Communautés

Européennes par des statisticiens et des représentants du monde industriel, a abouti à une

définition également large de la sous-traitance industrielle. Selon Eurostat, un rapport de

sous-traitance existe chaque fois que : « a) Le donneur d’ordres participe à la conception du

produit en fournissant une partie des spécifications au producteur ; b) Le donneur d’ordres est

responsable de la commercialisation du produit. ».

La controverse entre conceptions strictes et larges de la sous-traitance industrielle porte

principalement sur l’intégration ou non des sous-traitants soumis à un cahier des charges

fonctionnel. Par conséquent, la notion de sous-traitance élargie amène à reconsidérer les

distinctions faites habituellement entre les sous-traitants et les équipementiers. Détenant la

propriété intellectuelle et industrielle des produits qu’ils fabriquent, les équipementiers

doivent, par conséquent, en assumer la responsabilité en cas de défaillance. Ils sont donc, à ce

titre, responsables de la conception du produit ou de la prestation externalisée, contrairement

aux sous-traitants stricto sensu qui ne peuvent être tenus responsables d’un défaut de

conception, même s’ils ont participé à la conception du produit sous-traité. Alors que le

SESSI et EUROSTAT incluent les équipementiers dans le champ de la sous-traitance

industrielle, le document AFNOR les excluent lorsqu’il précise (3.1. note 2) « (…) qu’un

preneur d’ordres qui assume la responsabilité technique d’un produit spécifique est considéré

comme un fournisseur et non plus comme un sous-traitant industriel, même si certaines

performances et/ou contraintes lui ont été fixées par le donneur d’ordres. ».

20 L’Office Statistique des Communautés Européennes. 21 Direction Générale en charge de la politique d’entreprise, commerce, tourisme et économie sociale.

48

Cette divergence s’observe, en outre, dans la pratique : le traitement des sous-traitants de

fonction variant d’un secteur d’activité à l’autre. Si les donneurs d’ordres de l’aéronautique

classent leurs achats aux équipementiers dans les postes comptables de la sous-traitance (604,

605 et 611), pour leur part, les constructeurs automobiles ne les distinguent pas de l’ensemble

de leurs achats de matières premières et fournitures et les classent dans les postes 601 et 602 –

situés hors sous-traitance – du plan comptable (Altersohn, 1997). Le secteur de la construction

automobile sépare donc clairement sous-traitants et équipementiers22.

L’absence d’une définition de la sous-traitance industrielle communément admise par les

experts et les professionnels a pour conséquences, aujourd’hui encore, de donner un contenu

différent au même concept mais également d’engendrer des difficultés de qualification

juridique des contrats de sous-traitance. Pour les juristes, c’est essentiellement la définition du

travail réalisé par le sous-traitant qui permet la qualification du contrat. En effet, en cas de

litige entre acheteurs et vendeurs, la qualification du contrat23 – de vente ou de sous-traitance

– est indispensable. Si le contrat porte sur un produit normalisé – proposé sur catalogue –, il

s’agit incontestablement d’un contrat de vente classique. C’est dans le cas contraire que la

qualification du contrat pose problème car elle peut ressortir, soit d’un contrat de vente, soit

d’un contrat d’entreprise :

22 Ainsi, le Guide des relations contractuelles entre la régie nationale des usines Renault et les organismes professionnels de sous-traitance mécanique et fonderie souligne que : « La concertation technique bilatérale doit être permanente entre Renault et ses sous-traitants. Son degré est variable selon les trois cas suivants : (1) Le sous-traitant agit dans les conditions strictes de la sous-traitance, c’est-à-dire qu’il se conforme exactement, sous réserve de son obligation de conseil, aux spécifications techniques de Renault. (2) Le sous-traitant peut aller au delà de ce stade. Il peut intervenir, dès la conception de la pièce. Toutefois, du fait que Renault, par les calculs qu’il a faits, les appareils spécialisés qu’il possède, les essais auxquels il procède, l’expérience qu’il détient, est, en définitive, seul à pouvoir juger du bien fondé des propositions qui lui sont faites par le sous-traitant, celui-ci ne peut lui être substitué dans la responsabilité de la conception et de l’homologation finales de la pièce. En revanche, la responsabilité de la fabrication et de la qualité reste imputable au sous-traitant. (3) Le sous-traitant peut être appelé par Renault à concevoir un sous-ensemble ou un ensemble pour une fonction déterminée. Ayant ainsi initiative et autonomie d’action, il passe du statut de sous-traitant à celui de fournisseur. » (Commission technique de la sous-traitance, Livre Blanc sur le partenariat, 1986 : 165-166). 23 N’étant pas réglementé par la loi, le contrat de sous-traitance industrielle est un contrat innomé ou sui generis. Est qualifié ainsi, tout contrat qui, fruit de l’imagination de la pratique est soumis, à défaut de dénomination propre et de réglementation particulière, au droit commun des obligations contractuelles (Guide pratique des régimes juridiques de la sous-traitance industrielle dans la communauté européenne, 1998 : 427). Les juristes sont alors confrontés au problème de la qualification des contrats : un jugement ne peut être prononcé que si le magistrat a qualifié de vente ou d’entreprise le contrat en cause afin de déterminer les lois qui s’y appliquent (Juan-Bonhomme, 1993).

49

« La sous-traitance industrielle est donc une opération originale, qui n’est pas régie par

des dispositions spécifiques, mais qui emprunte nécessairement la voie juridique d’un

contrat nommé :

- elle prend normalement la forme d’un contrat d’entreprise, dans la mesure où le sous-

traitant fournit une tâche ou réalise un produit spécialement commandé et payé par le

donneur d’ordres, selon le critère jurisprudentiel du ‘‘travail spécifique’’, exécuté selon les

besoins exprimés par le donneur d’ordres24 et dont celui-ci détermine les

caractéristiques ;

- la sous-traitance industrielle ne peut donc, a priori, être considérée comme une vente,

qui supposerait la fourniture de produits finis offerts dans le commerce (y compris sur

catalogue).

Cependant, si le sous-traitant, sans accomplir de travail particulier, dispose lui-même du

produit demandé par le donneur d’ordres, il s’agira éventuellement d’une vente. » (Lapoyade

Deschamps, 1998 : 23). Ainsi, en 1991, la cour de cassation a refusé à un fabricant la qualité

de sous-traitant « (…) au motif que la commande exécutée par lui ne présentait ‘‘aucune

particularité’’ (…) ; dès lors, le lien contractuel unissant le client au fournisseur devait

‘‘s’analyser en un marché de fourniture et non de sous-traitance’’ ». (Cass. Com., 1er oct. 1991,

n° 90-10 : 455)25.

1.2. Deux traits communs discriminants

Au delà du différend sémantique constaté, l’examen approfondi des définitions de la sous-

traitance industrielle fait émerger deux composantes communes aux formes de sous-

traitance industrielle: la substitution (1.2.1) et la subordination (1.2.2).

1.2.1. La substitution

Explicitement signifiée dans les définitions les plus anciennes, telles qu’elles sont proposées

par le CENAST et l’AFNOR, la notion de substitution est sous-entendue dans les conceptions

plus récentes (EUROSTAT, SESSI) : en précisant que le donneur d’ordres est responsable de

la commercialisation du produit final, ces dernières indiquent implicitement que la réalisation

24 Extrait mis en relief par nos soins. 25 Dans l’article 5139 du Lamy Droit Economique 2000 : 1834.

50

d’une tâche du processus de production, autre que la commercialisation, a été externalisée

(Tableau 1.6.).

Tableau 1.6. Le critère de substitution dans les définitions « officielles » de la sous-traitance industrielle.

Critères

Sources

Substitution

CENAST « (…) fabriquer et façonner un produit (…) pour le compte exclusif du donneur d’ordres (…) »

AFNOR « (…) dont une entreprise dite donneur d’ordres confie la réalisation à une entreprise dite preneur d’ordres (…) »

EUROSTAT Sous-entendue : «(…) le donneur d’ordres est responsable de commercialisation du produit »

SESSI Sous-entendue

En définitive, on ne saurait parler de sous-traitance si le sous-traitant ne se substituait pas au

donneur d’ordres dans le déroulement d’un travail en supportant une partie des risques

industriels engendrés par son travail. Le critère de substitution renvoie alors au choix originel

– faire ou faire-faire – du donneur d’ordres. Il y a donc sous-traitance lorsqu’une entreprise

placée devant l’alternative faire ou faire-faire choisit librement la deuxième option.

En sciences de gestion, la problématique du faire ou faire-faire est au cœur de l’impartition

qui se nourrit principalement des travaux de P-Y. Barreyre (1968, 1982, 1988, 1992) et dont

le système de références remonte aux deux articles de J. Houssiaux parus en 1957.

A partir d’une analyse critique de la notion d’intégration, J. Houssiaux a jeté les bases du

concept de quasi-intégration, défini comme «(…) les relations suivies de marché entre des

entreprises indépendantes situées à des stades de production différents. » (1957a : 222). Pour

l’auteur, la grande entreprise a le choix entre fabriquer elle-même les fournitures dont elle a

besoin ou recourir au marché en fonction de ses motivations26. La quasi-intégration repose

alors sur deux éléments structurants – la substitution et les liens durables27 – et est

essentiellement le cas de « (….) l’utilisation habituelle de sous-traitance par les grandes

firmes. » (1957b : 385). En conséquence, la relation de sous-traitance s’avère être plus

26 A cet égard, O. Badot (1997) observe que J. Houssiaux pose comme premier facteur de décision d’externalisation ou d’internalisation, un facteur d’essence psychologique et non économique. 27 Ce concept est alors à rapprocher de celui de “quasi-firme”, défini par RG. Eccles comme « (…) une forme organisationnelle fondée sur un ensemble de relations stables entre un donneur d’ordres et des sous-traitants spécialisés. » (1981 : 336).

51

étroite28, plus stable qu’une relation d’affaires normale. Bien que le sous-traitant soit plus

qu’un partenaire occasionnel de la firme quasi-intégrée, il n’en demeure pas moins

indépendant juridiquement29.

La relation de quasi-intégration est alors entendue dans un sens proche de celui d’impartition.

Inventé par P.Y. Barreyre, dans son ouvrage de 1968, le concept d’impartition désigne à la

fois le choix économique de faire-faire et un état d’esprit qui inscrit ce choix dans une

perspective stratégique considérant « l’autre comme un partenaire avec lequel il faut

s’attacher à développer une collaboration susceptible de produire des effets de synergie et où

chacun trouve son avantage. » (Barreyre et Bouche, 1982 : 9).

Comportement stratégique opposé à l’intégration verticale, l’impartition recouvre différentes

formes de coopération, dont la sous-traitance est une des applications, mais pas la seule.

Ainsi, dans son ouvrage de référence de 1968, P-Y. Barreyre a construit une typologie des

différentes formes d’impartition, en distinguant par degré de coopération croissante, la sous-

traitance, la fourniture, la co-traitance, la commission et enfin la concession, le franchisage et

la licence.

Afin d’affiner cette classification, il a par la suite proposé, dans un article de 1982 co-écrit

avec M. Bouche, deux autres critères de typologie : la durée et la compétence relative du

partenaire. Dans des publications plus récentes (1988, 1992), il a enrichi sa conviction que

l’impartition était supérieure à l’intégration et encouragé le développement du partenariat

qu’il définit comme « un état d’esprit devant présider dans une liaison caractérisée par des

intérêts communs et par la répartition de contributions à une œuvre collective. » (1992 : 769).

Finalement, les travaux de P-Y. Barreyre sur l’impartition montre que la substitution, qui n’a

ici aucune signification juridique, ne permet pas de discriminer, à elle seule, la sous-traitance

de la fourniture ou d’autres formes de quasi-intégration. C’est pourquoi, elle est

28 J. Houssiaux (1957 a) ne détaille pas la notion de « relation plus étroite ». Toutefois, cette notion implique que la pérennité des relations inter-entreprises n’est pas uniquement fonction d’une interdépendance économique ou juridique mais relève également de liens psychologiques. 29 K. Blois (1972) va plus loin lorsqu’il affirme que l’intégration quasi-verticale est une forme d’administration dans laquelle une société peut bénéficier des « (…) avantages de l’intégration verticale sans assumer les risques ou la rigidité liés au statut de propriétaire. » (p 253), dans la mesure où elle ne peut être mise en oeuvre que par une entreprise cliente qui représente une part importante du chiffre d’affaires du fournisseur et créer ainsi un lien de dépendance de ce dernier à son égard. Pour lui, la quasi-intégration est alors préférable à l’intégration.

52

systématiquement associée dans les définitions de la sous-traitance industrielle au critère de

subordination30, dite professionnelle (Baudry, 1995) ou économique (Peyret, 1988, 2000).

1.2.2. La subordination

Selon que l’on retienne l’approche stricte ou l’approche large de la sous-traitance industrielle,

la subordination ne concerne pas les mêmes spécifications (Tableau 1.7.). Dans les définitions

strictes de la sous-traitance industrielle, le sous-traitant est soumis à un cahier des charges

technique, tandis que dans les formes les plus élargies de la sous-traitance industrielle (formes

(3) et (4) dans la typologie du SESSI), le sous-traitant est soumis à un cahier des charges

fonctionnel.

Tableau 1.7. Le critère de subordination dans les définitions « officielles » de la sous-traitance industrielle.

Critères

Sources

Subordination

CENAST « (…) conformément aux spécifications techniques et aux modalités de réception qu’il arrête (…) »

AFNOR « (…) tenue de se conformer exactement aux directives ou spécifications techniques arrêtées en dernier ressort par le donneur d’ordres »

EUROSTAT « Le donneur d’ordres participe à la conception du produit en fournissant une partie des spécifications au producteur. »

SESSI31 Dans la forme (2), le sous-traitant ne prend aucune part à la conception des produits qu’il fabrique, ni à la définition de leurs spécifications, contrairement aux formes (3) et (4). Toutefois, le donneur d’ordres reste seul maître de la définition et de la conception du produit final qu’il commercialise.

Une relation de subordination entre sous-traitant et donneur d’ordres est donc nécessaire pour

qu’apparaisse une spécificité propre à la chose sous-traitée. Elle naît de l’existence d’un

cahier des charges – technique ou fonctionnel – préétabli par le donneur d’ordres et auquel le

sous-traitant doit se conformer. Le transfert du pouvoir de décision du sous-traitant vers le

donneur d’ordres est donc explicitement reconnu par les définitions de la sous-traitance

industrielle. L’autonomie technique du sous-traitant peut varier d’une situation à l’autre, il

peut ou non intervenir lors de la phase de conception et l’ingérence du donneur d’ordres peut

30 Le terme sous-traitance, et plus particulièrement le préfixe « sous », « sub » en anglais (subcontracting) et en espagnol (subcontractacion), traduit explicitement cette situation de sujétion : le sous-traitant travaille sous les ordres d’un donneur d’ordres, seul capable de définir les caractéristiques des biens qu’il produit et commercialise. Il est alors en situation d’infériorité. 31 Cf. Le tableau 1.5. des différentes formes de la coopération inter-entreprises correspondant à la définition de la sous-traitance selon le SESSI.

53

être plus ou moins forte32, le client assume toujours, en dernier ressort, la responsabilité de la

conception du produit final – contrairement à la conception de la chose sous-traitée dans le

cas de la sous-traitance fonctionnelle –, et les possibilités de sa commercialisation. Ce constat

appelle deux remarques.

Adapté parfaitement aux besoins de chaque client, le produit sous-traité n’est pas

commercialisé au sens « mis sur le marché ». Plus qu’une entité physique dotée d’utilités

fonctionnelles (Tarondeau, 1982), il inclut également la capacité du vendeur à livrer en temps

et lieu un produit parfaitement adapté au client, mais aussi sa capacité à flexibiliser l’offre à

des demandes futures, à suggérer des innovations. Il n’est donc pas identifiable sur catalogue,

contrairement aux fournitures (Capet et Hoflack, 1978 ; Charbit et col., 1989 ; Bréchet, 1990;

Baudry, 1993).

Dans ces conditions, les acteurs de la relation se trouvent placés dans une situation d’échange

relationnel (Dwyer, Schurr et Oh, 1987), orientée vers une coopération mutuelle et

caractérisée par l’indépendance des parties sur le long terme (Sheth et Parvatiyar, 1995). Or,

la distinction entre sous-traitant et fournisseur tend à s’estomper lorsque les fournisseurs

agissent sur la flexibilité de leur processus de conception et de production pour faire du « sur-

mesure » (Tarondeau, 1998)33 : leur objectif étant de s’adapter davantage aux besoins de

certains de leurs clients comptes clés dans une démarche de marketing relationnel. Dans ces

conditions, les relations de fourniture tendent à dépasser également le cadre des simples

rapports commerciaux donnant lieu à des échanges techniques nombreux de personnes et

d’informations entre acheteur et vendeur.

En outre, il existe un lien de dépendance économique, et non juridique, du sous-traitant vis-à-

vis du donneur d’ordres qui résulte en partie de la nature même de l’objet sous-traité.

32 L’ingérence du donneur d’ordres peut porter sur la gestion des ressources humaines du sous-traitant. Pour en savoir plus ce thème, voir F. Laval, (1994), La gestion des ressources humaines des entreprises fournisseurs - partenaires : l'impact de la politique d'achat d'un grand groupe industriel, Thèse de Doctorat es sciences de gestion, Université Montpellier 2. 33 J-C. Tarondeau donne l’exemple de la Peerless Saw Company, fondée en 1931 pour fournir la Ford Motor Company en scies à ruban. En 1981, les dirigeants investissent dans des équipements (machines et logiciel de pilotage) de découpe par lasers pilotés par ordinateurs. Peerless a alors pu introduire plusieurs milliers de plans d’outils de sciage dans son système de pilotage. Son offre de produits s’est sensiblement étendue vers des outils plus complexes et de plus grande dimension. Les clients de Peerless ont vite su tirer profit de ses nouvelles capacités pour commander des produits spécifiques. Le nouveau système industriel a ainsi permis à l’entreprise d’établir des relations étroites avec chacun de ses clients, d’apprendre sur l’évolution de leurs besoins et de leur servir de laboratoire d’expérimentation.

54

Fabricant des produits, selon les directives, techniques ou fonctionnelles, d’un client, le sous-

traitant peut difficilement – voire ne peut pas – redéployer ses actifs sans délai et sans coût

vers un autre client, contrairement à un fournisseur de produits standards. En se fondant sur

l’analyse théorique de la dépendance effectuée par M. Marschesnay en 1979, B. Baudry

(1993) observe, à partir des résultats de l’enquête réalisée en région Lorraine en 1990 par

l’INSEE34, que c’est la conjonction des trois critères suivants qui permet de conclure à la

dépendance du sous-traitant : le défaut de redéployabilité des actifs sous-traités, la

concentration des flux d’échange35 et la petite taille du sous-traitant36.

Finalement, l’ensemble des relations interentreprises où se reconnaît l’existence d’une

situation de sous-traitance présente la double caractéristique de constituer une substitution du

sous-traitant à son client donneur d’ordres et d’impliquer sa subordination économique aux

exigences commerciales de ce dernier. Cependant, ces traits communs n’empêchent pas la

relation de sous-traitance de recouvrir des formes contractuelles éminemment distinctes.

2. UNE CLARIFICATION DE LA RELATION DE SOUS-TRAITANCE INDUSTRIELLE

Depuis les années quatre-vingt, la plupart des industries manufacturières ont connu une

évolution radicale. Sous la pression de la concurrence mondiale, les critères classiques de

performance industrielle – les coûts, la qualité et les délais de livraison – sont devenus des

armes stratégiques de succès ou de survie pour les entreprises en présence. Cette évolution a

conduit les donneurs d’ordres industriels à changer profondément l’organisation de leur filière

de production et à accentuer la mise en place d’échanges reposant sur des relations plus

stables et coopératives. Dans ce contexte, la relation de sous-traitance industrielle (STi),

autrefois assimilée à une transaction commerciale, est appréhendée par les économistes

comme un mode de gestion hybride entre le marché et la hiérarchie. Face aux incertitudes

inhérentes à la relation de STi, les donneurs d’ordres tentent à l’aide de mécanismes de

coordination différents de limiter les risques liés à l’achat industriel, renforçant ainsi la variété

34 L’enquête concernait l’ensemble des établissements industriels lorrains de plus de 10 salariés. 35 C’est le cas lorsque le sous-traitant réalise une part importante de son chiffre d’affaires avec un seul client. 36 Signalons, toutefois, que la petite taille ne peut être un critère suffisant pour juger de la dépendance économique d’une entreprise. En effet, un petit sous-traitant peut très bien disposer d’une forte compétence spécifique. Dans ce cas, la taille ne saurait être un critère de dépendance.

55

des relations de sous-traitance. La nature de la relation de STi est alors clarifiée. Il s’agit

d’une relation contractuelle hybride (2.1), risquée (2.2) et à géométrie variable (2.3).

2.1. Une relation contractuelle hybride

L’économie des coûts de transaction permet de comprendre les différentes structures de

gouvernance37 (Walker et Weber, 1987 ; Heide et John, 1990 et 1992). Parmi les auteurs

emblématiques des théories appliquées aux coopérations interentreprises, O.E. Williamson

joue un rôle prééminent38. Son modèle est par excellence le cadre théorique dédié aux

questions d’arbitrage entre l’intégration et l’externalisation. C’est dans ce cadre que les

coopérations verticales se sont progressivement développées en réponse aux limites des

modes de gouvernance traditionnels que sont le marché et l’intégration verticale.

L’exemple de la relation de sous-traitance est à ce titre significatif : en raison de la

transformation du lien de subordination économique entre sous-traitant et donneur d’ordres

vers plus de coopération, la STi, longtemps considérée comme une transaction de marché

pure, est actuellement étudiée comme une relation contractuelle hybride. L’intérêt porté par la

théorie des coûts de transaction aux formes hybrides s’est par conséquent transformé. Ainsi,

deux phases dans les travaux de O.E. Williamson peuvent être distinguées : avant et après la

publication de « Markets and Hierarchies » en 1975.

Dans la phase de développement théorique du modèle transactionnel, qui a abouti en 1975 à la

publication d’une de ses contributions majeures, « Markets and Hierarchies », O.E.

Williamson n’a pas considéré les formes institutionnelles hybrides – telles que la sous-

traitance, la franchise ou les alliances – comme une catégorie d’analyse pertinente. Dans cet

ouvrage, la théorie des coûts de transaction prenait son essor, dans la lignée des travaux de R.

Coase (1957), autour du choix binaire entre marché et hiérarchie pour organiser les relations

économiques. Son ambition d’origine – à la fois implicite et largement intuitive – était de

37 Pour le concept central de governance, la traduction de Williamson (1985), parue en 1994, garde l’anglicisme « gouvernance ». En effet, les termes français « gestion », « régulation », « gouvernement », que l’on peut parfois trouver, n’offrent pas un sens équivalent. Il s’agit des structures de maîtrise, de pilotage et de contrôle des transactions. La gouvernance est définie précisément par l’auteur comme « le cadre contractuel explicite ou implicite dans lequel se situe une transaction (marchés, firmes et modes intermédiaires – comme, par exemple, le franchisage. » O.E. Williamson, (1981 : 1544). 38 Dans sa thèse en Sciences de Gestion consacrée au management des coopérations inter-entreprises, T. Froehlicher (1996) a analysé les bibliographies de 150 articles consacrés à ce thème et parus entre 1990 et 1995. Son analyse révèle que O.E. Williamson est l’auteur le plus cité (105 citations) devant M. Porter (76 citations).

56

légitimer la supériorité des grandes entreprises intégrées par rapport aux marchés externalisés

(Fréry, 1994). Dans ce cadre théorique, O.E. Williamson considérait que les relations hybrides

ne méritaient pas que l’on s’y attarde en raison de leur faiblesse numérique et de leur

instabilité.

Or, justement, l’une des critiques les plus importantes de la théorie des coûts de transaction

porte sur la nature binaire du choix organisationnel de la firme (Coeurderoy et Quélin, 1994,

Papillon, 2001). Elle va de pair avec le nouvel intérêt, observé depuis une trentaine d’années,

pour les nouvelles formes hybrides de gestion et d’administration se trouvant au sein de toute

la gamme de marchés et de hiérarchies existantes (Blois, 2001).

Ainsi, K. Imai et H. Itami (1984)39, soutenant que les principes du marché sont utilisés au sein

de la firme, et que réciproquement les principes d’organisation sont utilisés au sein du

marché, considéraient qu’il était illusoire de se focaliser sur les structures organisationnelles

polaires.

Face aux critiques, l’ouvrage intitulé « The Economic Institutions of Capital »40, paru en

1985, a marqué un tournant dans la réflexion de O.E. Williamson41. Insistant sur l’existence

de relations contractuelles allant au-delà des transactions normales de marché sans aboutir

pour autant à l’intégration totale, il a intégré à son analyse des structures de gouvernance la

quasi-intégration, dont la sous-traitance est un exemple. En tant que formes hybrides, ces

coopérations verticales réduisent les coûts de transaction du marché et diminuent les coûts

39 Les contributions de K. Imai et H. Itami, ainsi que celles de M. Aoki, s’inscrivent alors dans la lignée des travaux de G.B. Richardson qui, dès 1972, dans un article fondateur de la théorie de la coopération « The Organisation of Industry », remettait en cause la dichotomie firme-marché tracée par R. Coase qui ignorait l’existence d’une catégorie entière de relations industrielles participant pourtant de manière significative à la coordination des activités industrielles : le réseau des coopérations dont la relation de sous-traitance est un type d’application. J.L. Ravix (1990) montre, qu’au delà de la volonté de dépasser le clivage marché–hiérarchie, la coopération inter-firmes est un phénomène pertinent et distinct du marché et de l’entreprise, pour G.B. Richardson, tandis que pour K. Imai et H. Itami, et plus tard pour M. Aoki, la coopération inter-entreprises est assimilée à une forme d’organisation hybride combinant les avantages de la hiérarchie et du marché. 40 Ce livre est une compilation d’articles publiés par O.E. Williamson, entre 1976 et 1985, pour répondre aux critiques adressées à l’encontre de « Markets and Hierarchies ». 41 Dans leurs « survey » des études empiriques issues de l’économie des coûts de transaction, R. Coeurderoy et B. Quélin (1994, 1997) dédient un paragraphe aux travaux concernant spécifiquement la gestion des projets industriels faisant appel à de nombreux sous-traitants. Qu’il s’agisse de programmes de construction immobilière (Eccles, 1981) ou de projets de construction navale (Masten, Meehan et Snyder, 1991), ces travaux montrent que la meilleure forme d’organisation est une structure intermédiaire entre le marché et la firme et font émerger la figure centrale du donneur d’ordres qui centralise l’organisation des différentes transactions nécessaires à l’aboutissement de la réalisation du projet et qui choisit pour chaque transaction la forme organisationnelle la plus efficace entre l’internalisation (faire) et l’externalisation (faire-faire).

57

d’organisation de l’intégration verticale. M. Aoki45 (1986) dans son étude des kyoryoku-kai,

lui en sera d’ailleurs reconnaissant. Selon ce dernier, la sous-traitance constitue une forme

d’organisation stable et plus efficace que le recours au marché et/ou à la firme. Une telle

relation permet, en effet, de dégager une « quasi-rente relationnelle », c’est-à-dire un système

d’information efficient entre la firme parent et le sous-traitant (M. Aoki, 1988).

Cependant, à l’instar des autres relations contractuelles hybrides, la sous-traitance est une

relation, certes de plus en plus stable et coopérative, mais aussi plus risquée que l’intégration

car autorisant des comportements opportunistes de la part des deux protagonistes de la

relation.

2.2. Une relation risquée

Trois éléments descriptifs de la relation de sous-traitance sont à l’origine de l’incertitude

qu’elle génère. Il s’agit de la nature de l’objet de transaction42, l’inexistence matérielle de la

marchandise lors des premiers échanges entre donneur d’ordres et sous-traitant43 et la non-

instantanéité de l’échange44. L’incertitude est à la fois interne (1) et externe (2) : la première

résulte de l’asymétrie informationnelle entre le donneur d’ordres et le sous-traitant et la

seconde des aléas externes susceptibles de modifier les conditions du pacte initial.

L’asymétrie informationnelle (1) découle des hypothèses comportementales réalistes –

retenues par le modèle transactionnel de O.E. Williamson – de rationalité limitée45 et

d’opportunisme46 des agents en présence. Deux concepts clés définissent le rapport

42 Dans la relation de sous-traitance, celui-ci est adapté aux besoins précis du client. Dès lors, sa nature implique qu’un investissement (matériel ou immatériel) durable soit réalisé en vue de chaque transaction. 43 La définition précise de l’objet de transaction intervient après le premier contact entre le sous-traitant et le donneur d’ordres. L’objet de transaction étant spécifié ex ante, rien ne garantit ex post une parfaite exécution de la transaction. Le sous-traitant se révèlera-t-il capable d’effectuer l’opération technique selon les spécifications définies par le donneur d’ordres et de réaliser les adaptations en cours de contrat ? 44 Le délai qui s’écoule entre le moment où la prise de contact s’effectue (t0) et le moment de l’échange de l’objet de transaction (t1) est alors synonyme de risque et d’incertitude pour les contractants. En effet, entre t0 et t1 peuvent survenir des évènements exogènes – variations de la demande finale – ou endogènes – incapacité du sous-traitant à satisfaire les attentes de son client – non prévus en t0, susceptibles de modifier les conditions du contrat initial. 45 Concept emprunté par O.E. Williamson (1975) au prix Nobel de sciences économiques H. Simon, la rationalité limitée s’oppose à la « rationalité maximisatrice » de l’analyse néoclassique standard. Elle concerne, d’une part, les limites neurophysiologiques, c’est-à-dire les difficultés qu’éprouve un individu pour recevoir, stocker, trier et traiter l’information de manière fiable, et, d’autre part, les limites relevant du langage, à savoir les difficultés qu’a un individu à communiquer ses savoirs et ses sentiments aux autres. 46 L’hypothèse d’opportunisme, initialement formulée par A. Alchian et H. Demsetz (1972), s’inscrit dans une approche réaliste des comportements individuels où les hommes sont considérés tels qu’ils sont dans un contexte

58

d’asymétrie informationnelle entre deux agents et peuvent être fructueusement appliqués à

l’analyse de la relation de sous-traitance. Il s’agit, d’une part, de la sélection adverse ou de

l’antisélection (Akerlof, 1970) et, d’autre part, du hasard moral ou du risque moral (Arrow,

1984).

Les incertitudes issues des problèmes de sélection adverse peuvent intervenir soit en amont de

la transaction, soit au cours de la relation de sous-traitance. Une première incertitude apparaît

lors de la phase de choix du sous-traitant. Elle résulte du fait que le donneur d’ordres n’est pas

sûr de trouver une solution adéquate à son besoin. Il existe donc une incertitude quant au

degré de compétence du sous-traitant. Or, ce dernier est susceptible de tricher sur sa capacité

technologique à exécuter correctement l’opération technique de manière à se voir attribuer

l’offre. D’autres incertitudes peuvent apparaître dans le cours du contrat. Elles concernent les

délais de livraison et la qualité de l’objet de transaction. Le donneur d’ordres ne peut pas être

sûr que le sous-traitant livrera à temps et avec la qualité exigée. Il existe ex ante une

incertitude concernant l’aptitude du sous-traitant à satisfaire les exigences du donneur

d’ordres pendant toute la durée de la transaction.

Dans ces conditions, l’acte d’achat engendre un risque-produit élevé (Valla, 1978). Certains

attributs du produits industriels achetés – caractéristiques, accessibilité, disponibilité – sont,

selon J-P. Valla des indicateurs de risque pour le client. Ainsi, les produits sur-mesure

peuvent se révéler fortement risqués au regard de l’importance stratégique qu’ils revêtent pour

le client tandis qu’avec les produits normés – pour lesquels il existe généralement de

nombreux fournisseurs substituables – le client encoure un risque très faible, voire nul. Cet

auteur constate également que le risque perçu par le client augmente lorsque les besoins en

maintenance et en assistance ainsi que la fréquence des améliorations susceptibles d’être

réalisées par le sous-traitant pour le produit concerné augmentent. Plus récemment, R. Salle

et H. Sylvestre (1992) posent comme principe à leur analyse du fonctionnement du client en

interaction avec le fournisseur que, plus que les risques effectivement encourus, ce sont les

risques perçus par le client à court, moyen et long terme qui sont le moteur de son

comportement. Selon eux, ces risques ne se limitent pas aux attributs du produit échangé. Ils

sont, plus largement, liés aux caractéristiques de la transaction, aux caractéristiques de la d’information imparfaite (« Information impactedness »). Pour O.E. Williamson, un comportement opportuniste consiste alors à s’enrichir aux dépens les uns des autres en recourant à la tricherie, telle que la déformation ou la falsification d’information. Il peut s’exercer ex ante en cachant des informations ou des intentions et ex post en tirant avantage d’évènements exogènes.

59

relation entre le client et le fournisseur et, enfin, aux caractéristiques de la position du client

face au marché amont. La réduction du risques est un impératif qui doit être pris en compte

dès la négociation entre sous-traitants et donneurs d’ordres (Blanc et Chassagne, 2001).

L’asymétrie informationnelle est également génératrice de risque moral. Ce dernier apparaît

lorsque l’échange n’est pas instantané, que la fréquence des transactions est récurrente et que

la durée du contrat s’allonge. Le risque moral a alors trait à la difficulté pour le donneur

d’ordres de connaître précisément l’évolution du coût de production total au moment de la

renégociation du prix. Autrement dit, il n’est pas en mesure de distinguer, chez le sous-

traitant, la hausse du coût liée aux salaires et matières premières et la baisse issue de l’effort

d’innovation du sous-traitant et, par conséquent, de connaître précisément les gains de

productivité obtenus grâce à cet effort. Là, surgit le risque moral. Le parallèle avec l’exemple

de K. Arrow (1984), issu du domaine de l’assurance47, est alors possible : la procédure de

renégociation du prix (qui suppose un allongement de la durée du contrat de sous-traitance)

diminue les incitations aux efforts d’innovation, et peut même initier une absence d’efforts

d’innovation volontaire de la part du sous-traitant. Cette fois, le donneur d’ordres est

confronté à un problème d’observabilité de l’action ex post du sous-traitant.

A l’incertitude interne s’ajoute l’incertitude externe (2). Elle découle d’aléas exogènes au

comportement des deux acteurs de la relation de sous-traitance, susceptibles d’intervenir dans

le déroulement de la relation, et donc de modifier les conditions du pacte initial entre le

donneur d’ordres et le sous-traitant. C’est le cas lorsqu’une diminution au niveau de la

demande finale se produit : le prix fixé en t0 entre le sous-traitant et le donneur d’ordres sera-

t-il suffisant pour rentabiliser les investissements réalisés par le sous-traitant ? Supposons, en

effet, qu’une entreprise sous-traitante investisse dans une machine pour fabriquer un produit

spécifique aux attentes de l’entreprise donneuse d’ordres. En cours de transaction, ce dernier

décide d’interrompre le contrat en raison d’une baisse de la demande finale. Comment régler

cette situation ? Si les deux parties agissent de bonne foi, et en particulier le donneur d’ordres,

elles peuvent s’informer mutuellement des coûts de continuation et de l’arrêt du contrat et

choisir la stratégie optimale ; les bénéfices ou les coûts issus de la solution optimale pourront

alors être divisés entre le sous-traitant et le donneur d’ordres. Cependant, le donneur d’ordres

47 « L’assurance incendie diminue les incitations aux précautions nécessaires pour prévenir ce genre d’incidents et peut même créer des incitations à l’incendie volontaire ; c’est l’origine du terme risque moral. » (Arrow, 1984 : 38), cité par B. Baudry (1993).

60

pourra chercher à rompre le contrat sans accorder aucun dédommagement au sous-traitant. Par

ailleurs, en cas d’apparition de nouveaux produits ou de nouvelles techniques, la relation de

sous-traitance peut devenir moins intéressante que celle fixée au départ. A tout moment, le

pacte conclu en t0 risque alors d’être dénoncé.

En adoptant les hypothèses comportementales réalistes d’opportunisme et de rationalité

limitée des agents, nous constatons l’impossibilité d’établir des « contrats contingents

complets »48, c’est-à-dire des contrats établis pour la fourniture d’un produit dont les

caractéristiques pourront varier en fonction d’évènements futurs, ces évènements et les

adaptations contractuelles étant spécifiés ex ante. L’incomplétude des contrats (Incomplete

long-term contract49) caractérise la relation de sous-traitance. La probabilité d’apparition de

litiges étant élevée – retards de livraison, désaccord sur la qualité de l’objet livré, apparition

d’évènements non prévus au départ de la relation, etc. –, il est alors très coûteux, voire

impossible, pour les agents, d’identifier les contingences futures et de spécifier ex ante les

adaptations appropriées aux états futurs du monde. Face à ce constat, nous nous proposons

d’approfondir le lien institutionnel qui s’instaure entre donneurs d’ordres et sous-traitants, son

évolution récente et les mécanismes de coordination – complémentaires au contrat – de la

relation de sous-traitance.

2.3. Une relation à géométrie variable

Le réaménagement significatif de la nature des relations de sous-traitance industrielle à partir

des années quatre-vingt, tendant à rapprocher les modèles d’organisation inter-firmes

occidentaux et japonais, a conduit à l’émergence du partenariat au détriment de la « mise en

concurrence », pratique d’achat largement dominante jusque là. Or, ces deux politiques

d’achat industriel reposent, théoriquement, sur des dispositifs de coordination distincts :

l’autorité pour la mise en concurrence et l’incitation et la confiance pour le partenariat.

Parce que la mise en concurrence est une politique d’achat qui consiste à stimuler la rivalité

entre les fournisseurs et à reporter continuellement les commandes du donneur d’ordres vers 48 Signalons que si des auteurs néo-institutionnalistes, tels que B. Klein, R.G. Crawford et A. Alchian (1978) et S. Klein (1989), reconnaissent, à l’instar de O.E. Williamson, l’impossibilité de conclure des contrats explicites complets, ils considèrent que la solution de l’intégration verticale n’est pas pour autant la seule possible afin de protéger contre les risques d’opportunisme et tentent de démontrer que certains mécanismes de marché, tels que la réputation, garantissent le respect du contrat malgré son incomplétude. 49 O.E. Williamson, (1975 : 91).

61

la source d’approvisionnement la plus compétitive (Fenneteau, 1990) – l’objectif principal

étant d’obtenir les prix les plus bas –, elle repose sur le court terme et intègre principalement

des dispositifs autoritaires de coordination. L’utilisation de la commande répétitive – ou

ouverte – en est une illustration50.

Par ce procédé contractuel, le donneur d’ordres s’engage sur des commandes de un à trois

mois51. La commande initiale étant, ou non, répétée à l’initiative du donneur d’ordres, un tel

mécanisme contractuel n’offre aucune garantie au sous-traitant et permet au donneur d’ordres

de diversifier ses risques grâce à la pratique de la source multiple52.

Un autre moyen de l’autorité réside dans l’appropriation des actifs physiques spécifiques par

le donneur d’ordres. C’est le cas lorsque le donneur d’ordres finance lui-même les outillages

nécessaires à la production des pièces fabriquées par le sous-traitant. La propriété des

outillages procure plusieurs avantages au donneur d’ordres : il peut les récupérer en fin de

contrat, il peut insérer au contrat des clauses d’exclusivité d’emploi en cours de contrat, il

peut les transférer, en cas de difficulté, dans les ateliers d’un autre sous-traitant et, enfin, la

possession de l’outillage permet d’éliminer tout comportement opportuniste post-contractuel

du sous-traitant. Cette pratique est courante dans le cas de la sous-traitance à façon53.

Enfin, le donneur d’ordres peut effectuer des contrôles à différents niveaux de la transaction :

lors de la prospection et de la sélection du sous-traitant en phase pré-relationnelle afin de

réduire l’asymétrie informationnelle dont souffre ex ante le donneur d’ordres ; lors de la

réalisation, une fois le marché obtenu, d’une pièce test exécutée par le sous-traitant et soumise

à l’agrément ; en cours de contrat sur le respect des directives et la qualité du travail ; et,

finalement, au niveau de la conformité du produit réalisé par le sous-traitant.

50 Dans l’utilisation de la commande répétitive, la commande initiale est répétée à l’initiative du donneur d’ordres. Il s’agit d’un bon de commande sur lequel figure au verso les obligations des contractants, la spécification du travail, les quantités, le délai de livraison et le prix. 51 Ce système rappelle alors les contrats ponctuels, périodiquement renouvelés dans le cas de relations récurrentes, que OE. Williamson (1975) nomme « sequential spot contracts ». 52 Il s’agit pour le donneur d’ordres d’avoir au moins deux sous-traitants pour la réalisation d’une même opération technique. 53 Cf. la définition de ce type de sous-traitance proposée par la Fédération des Industries Mécaniques et Transformatrices de Métaux « (…) le sous-traitant est approvisionné en matière et pièces par le donneur d’ordres ou avec son accord. Il peut en être de même pour les outillages et les moyens de contrôle, surtout si ceux-ci sont spéciaux (…) ».

62

Toutefois, l’usage systématique de dispositifs de coordination autoritaires dans la relation de

sous-traitance engendrent des effets pervers : d’une part, l’augmentation des coûts de

surveillance qui pèsent sur la performance du donneur d’ordres tout en n’assurant qu’une

coordination partielle dans la mesure où le donneur d’ordres ne peut se substituer totalement

au sous-traitant, d’autre part, la non efficience du sous-traitant. En effet, la courte durée des

contrats empêche le sous-traitant de planifier ses investissements, interdisant tout effet

d’expérience pour le sous-traitant et limitant les innovations.

Or, ces effets, qui constituent autant de limites significatives à la relation de sous-traitance

classique sont, de fait, sensiblement atténués dans les relations de sous-traitance basées sur le

partenariat.

Le partenariat est officiellement caractérisé par le Livre Blanc du partenariat (1986) comme

« (…) un état d’esprit rendant possible la création entre les partenaires de relations

privilégiées, fondé sur une recherche en commun d’objectifs à moyen ou long terme menée

dans des conditions permettant d’assurer la réciprocité des avantages. ». De cette définition

admise aussi bien par les chercheurs que les experts, émergent les deux principales

caractéristiques du partenariat : le long terme et la confiance54.

L’allongement de la durée de la relation entre les parties est un support de coordination

puissant du partenariat. Si dans la pratique de la mise en concurrence, le risque de déboucher

sur un échange ponctuel existe, le partenariat, quant à lui, se caractérise par un échange

relationnel. Ainsi, la grande majorité des travaux traitant des partenariats industriels

s’inscrivent de manière quasi-naturelle dans le champ du marketing relationnel (Jackson,

1986 ; Ford, 1990 et 1997 ; Cova et Salle, 1992 ; Perrien et Ricard, 1995 ; Wilson, 1995),

cadre théorique intégrateur se proposant de lier un comportement relationnel (fidélité,

coopération, communication) à des états psychologiques (confiance, dépendance et

engagement dans la relation).

Au delà de la fidélité des donneurs d’ordres à leurs fournisseurs, l’allongement de la durée de

l’engagement concerne aussi la nature du contrat conclu entre le donneur d’ordres et le sous-

54 Une troisième caractéristique qui, selon nous, découle des deux précédentes est la parité. Pour M-J. Leroux-Sostènes (1994), la parité doit être abordée comme une complémentarité mise au service d’un projet commun, et non dans le sens d’une égalité de taille, de moyens financiers ou de poids sur le marché entre les deux entreprises. Dans le partenariat, la relation doit déboucher sur des bénéfices mutuels. En effet, en l’absence d’une certaine équité, le partenariat ne peut exister (Wilson, 1995).

63

traitant, de type contrat-cadre55, et constitue ainsi un mécanisme d’incitation pour le sous-

traitant. Un contrat de plus long terme, renouvelable, permet aux acteurs de la relation de

surmonter la situation de non coopération, telle qu’elle est présentée dans le dilemme du

prisonnier (Axelrod, 1996). En effet, pour le sous-traitant, il représente l’espérance de gains

futurs sur une durée relativement importante.

Par ailleurs, la reconduction possible du contrat constitue une incitation à coopérer. Le sous-

traitant, ayant tout intérêt à faire reconduire le contrat – qui constitue pour lui une ressource –,

est alors incité à effectuer des efforts de modernisation, à améliorer la qualité de ses produits

et à se montrer loyal. La procédure de renégociation du prix, présente dans un contrat à

moyen/long terme, comporte, quant à elle, un double dispositif d’assurance et d’incitation :

sont inscrits, explicitement ou implicitement, les dispositifs de répercussion de la hausse de

coûts subie par le sous-traitant dans le prix de la transaction (dispositif d’assurance) et de

répartition des gains de productivité entre les contractants (dispositif d’incitation).

Enfin, ce type de contractualisation constitue une incitation à l’innovation pour le sous-traitant

en raison de la possibilité de renouveler le contrat, d’une part, et de conserver une fraction des

gains de productivité engendrés par la relation de sous-traitance, d’autre part.

Le long terme, forme concrète de l’incitation, est alors un support de coordination puissant et

efficace dans la mesure où il entraîne une diminution, d’une part, des coûts de production –

grâce, par exemple, à l’analyse de la valeur réalisée en commun lors de la phase de

conception et/ ou aux investissements du sous-traitant pour accroître ses gains de productivité

– et, d’autre part, des coûts de surveillance : la possibilité de reconduire ou non le contrat dont

dispose le donneur d’ordres contribuant à neutraliser les comportements opportunistes

potentiels du sous-traitant. En outre, l’allongement de la durée d’engagement est

indispensable pour que s’établissent des relations de confiance entre les partenaires.

55 Le contrat-cadre est conclu au minimum pour une durée supérieure ou égale à un an et fixe les modalités qui ont force obligatoire durant tout son déroulement : durée, prix et modalités de révision du prix, délais de livraison, mode de règlement des litiges, conditions de paiement, pénalités, éventuellement mention d’une clause d’arbitrage. Les quantités, quant à elles, ne sont pas fixées au départ. Elles sont déterminées par les commandes qui viennent se greffer sur le contrat-cadre, au moyen de contrat d’application (Baudry, 1991).

64

La nécessité d’établir des relations de confiance56 entre acheteurs et vendeurs est maintenant

bien reconnue dans la littérature en marketing industriel. Contrairement aux économistes qui

proposent une définition formelle de la confiance appréhendée comme une décision

rationnelle57, en marketing la confiance se comprend généralement comme une attitude

fondée sur la sincérité et la bienveillance du partenaire (Narus et Anderson, 199058 ; Guibert,

1996 ; Fenneteau et Guibert, 1997 ; Geykens et al., 1998 ; Usunier, 2000 a et b) ou encore une

disposition à coopérer (Valla, 1995).

Pour S. Ganesan (1994), la confiance et la dépendance jouent des rôles clés dans la

détermination de l’orientation des relations à long terme des entreprises. Dans le modèle

KMV (Key Mediating Variables) construit par RM. Morgan et SD. Hunt (1994), la confiance

– liée à l’engagement dans la relation – a ainsi acquis une place centrale dans l’explication de

la dynamique de la coopération inter-entreprises. I. Geyskens et al. (1996) ont identifié

l’engagement mutuel entre partenaires d’affaire comme primordial dans les bénéfices générés

par la relation. Or cet engagement va dépendre de manière significative de la confiance

accordée à l’autre partie. Selon S. Chow et R. Holden (1997), la confiance est un élément

important de par sa capacité à modérer le risque dans le processus d’achat. Elle permet à

l’acheteur de s’engager envers un nombre restreint de sources d’approvisionnement dont les

comportements antérieurs ont été satisfaisants. Finalement, une entreprise faisant confiance à

son fournisseur sera plus impliquée et voudra maintenir la relation (Morgan et Hunt, 1994).

Toutefois, il convient de noter l’existence d’études empiriques consacrées au partenariat

montrant que si la confiance est une condition du partenariat, elle n’évacue pas pour autant

complètement l’autorité et l’opportunisme au sein de la relation : « (…) le partenariat ne

remplace pas un mode de relation conflictuel par un mode de relation angélique. La

dépendance du client ou des fournisseurs, les risques et les incertitudes changent de nature 56 Dans le modèle transactionnel, l’hypothèse d’opportunisme implique que les agents sont résolument calculateurs. Par conséquent, l’existence de relations de confiance entre agents est évacuée. Seuls subsistent les calculs d’intérêt et, dans l’hypothèse de l’agent calculateur, « la confiance calculée est une contradiction criante. » (Williamson, 1993 : 463). L’impératif de garder l’hypothèse d’opportunisme des agents pour comprendre la formation et le fonctionnement des structures organisationnelles a fait l’objet de nombreuses critiques. Une des plus modérées a été formulée par J.B. Heide et G. John (1992). S’interrogeant sur les conditions qui permettent à une entreprise d’exercer un contrôle vertical des décisions dans les relations avec d’autres firmes indépendantes, ces auteurs estiment qu’il existe des normes sociales – « attentes sur les comportements qui sont au moins partiellement partagées par un groupe de décideurs » – qui constituent un aspect de ces conditions. 57 C’est le cas de la définition proposée par J. Cox (1999) : « Un agent A (trustor ou source de la confiance) fait un acte de confiance vis-à-vis d’un agent B (trustee ou cible de confiance), si l’action choisie (a) est à l’origine d’un gain partagé avec l’agent B ou (b) expose l’agent A à un risque de perte si l’agent B s’approprie une part importante du gain commun. », dans J-C. Usunier (2000a : 13). 58 Cités par N. Guibert, 1996 : 103.

65

mais ne disparaissent pas. » (Donada et Garette, 1995 : 32). Ainsi, même lorsque la confiance

soutient l’échange, l’autorité est susceptible à tout moment de se déployer et de renvoyer les

contractants à l’épreuve marchande ; un partenariat pouvant être rompu si, par exemple, le

sous-traitant manque à ses obligations contractuelles ou n’est plus compétitif.

En outre, J-P. Neuville (1997) montre, à l’aide d’une étude de cas consacrée au partenariat

entre un sous-traitant de premier rang et son client constructeur automobile, la coexistence

factuelle de la confiance et de l’opportunisme, notamment dans le cadre où la première est

instrumentalisée par le sous-traitant au service du second. Il propose alors une vision plus

réaliste de la confiance, celle-ci pouvant devenir, dans l’optique du sous-traitant, « (…) une

véritable stratégie en vue de masquer des défaillances et des réductions clandestines des

coûts de production. » (p 297). Dans ces conditions, il prône le retour à des mécanismes de

coordination, tels que l’autorité, qui permettent au donneur d’ordres de limiter les dérives

opportunistes du partenaire.

Concernant l’étude spécifique des supports de la confiance dans la relation de sous-traitance,

la thèse de B. Baudry (1993) – s’inscrivant dans le champ de l’économie industrielle –,

s’avère particulièrement intéressante. A partir d’une étude empirique59, il observe que les

systèmes d’assurance-qualité constituent la marque la plus visible de la confiance entre le

donneur d’ordres et son sous-traitant par l’intermédiaire du concept de réputation60. Viennent

ensuite des supports non visibles de la confiance que sont les recommandations personnelles

et les normes d’obligation et de coopération. Dans un contexte d’échanges domestiques de

proximité où l’ancienneté des relations crée une routinisation, les donneurs d’ordres ont

largement recours aux relations personnelles lors de la phase de sélection du sous-traitant ou

de reconduction du contrat.

En outre, l’étude empirique montre que ce n’est qu’après plusieurs défaillances contractuelles

du sous-traitant, que le donneur d’ordres met en œuvre les sanctions prévues. L’existence

d’un règlement à l’amiable des litiges souligne la présence de normes d’obligation et de

59 L’étude empirique de B. Baudry a été effectuée en 1990 par entretiens semi-directifs menés auprès des services achats de dix-sept donneurs d’ordres lorrains ayant formalisé leurs relations avec les sous-traitants par un contrat explicite signé 60 Dans le cas de la certification, qu’elle soit effectuée par le client ou par un organisme indépendant, la réputation s’appuie sur sa capacité à assurer un niveau de qualité reproductible. Parce qu’elle est reconnue et acceptée par l’ensemble des donneurs d’ordres d’une profession, la certification permet alors d’élargir les relations d’affaires potentielles du sous-traitant certifié. Par contre, un sous-traitant qui, délibérément, ne respecterait pas les procédures de l’assurance-qualité verrait sa réputation se détériorer instantanément auprès des acheteurs potentiels (Baudry, 1993).

66

coopération structurant les comportements et les stratégies des différents protagonistes de la

relation de sous-traitance.

En définitive, ces caractéristiques – long terme et confiance – ne peuvent être réunies que si la

relation de sous-traitance établit un contexte favorable au développement du partenariat. En

effet, il n’est pas toujours possible ou souhaitable pour le client de pratiquer ce mode de

gestion des achats. C’est le cas lorsque les fournisseurs sont nombreux et les marchés

transparents et que la mise en concurrence peut jouer pleinement. Trois conditions sont

généralement jugées indispensables à l’adoption du partenariat : le potentiel d’interaction et la

singularité de la demande (Hakansson, 1982), d’une part, et les risques liés à l’achat (Leroux-

Sostènes, 1994), d’autre part.

Pour conclure cette analyse de la nature de la relation de sous-traitance, nous souhaitons

formuler trois remarques utiles pour la suite de notre recherche :

• Le contrat, mode de coordination purement marchand, n’est pas en mesure de lever,

seul, l’incertitude inhérente à la relation de sous-traitance. Par conséquent, il doit être

complété par d’autres mécanismes de coordination non exclusifs : l’autorité, l’incitation et la

confiance. L’idée de complétude de ces mécanismes est partagée par de nombreux auteurs

(Baudry, 1993 ; Brousseau, 1996 ; Neuville, 1997). Entre les deux relations extrêmes que sont

la sous-traitance classique (suggérant la sujétion du sous-traitant et la pratique de la mise en

concurrence par le donneur d’ordres) et le partenariat, il existe alors un ensemble de relations

intermédiaires dont la nature varie selon les mécanismes en présence et leur degré d’intensité.

• La deuxième remarque concerne le concept de partenariat et son usage dans la thèse.

Le partenariat est un concept polymorphe. En effet, les relations de partenariat peuvent

prendre des formes diverses allant du partenariat faible, entendu comme une relation

d’échange entre un sous-traitant qui garantit qualité et délais de livraison et un client qui

assure des commandes à long terme (Leroux-Sostènes, 1994) – à une forme forte apparaissant

lorsque la conception est en grande partie assurée par le fournisseur (Pardoux et Kearney,

1990). Largement galvaudé, souvent employé à mauvais escient, le terme de partenariat a,

semble-t-il, perdu la plus grande partie de sa signification dans l’esprit de nombreux

industriels placés en position de sous-traitants. Ceux-ci perçoivent de manière négative

l’évolution des relations de sous-traitance vers plus de partenariat (Altersohn, 1997). C’est le

67

cas de ceux qui ont pu tant bien que mal rester au contact direct des grands donneurs d’ordres

et se plaignent d’être soumis à des contraintes de plus en plus lourdes ou de ceux qui n’ont pu

se maintenir au rang des partenaires directs et qui se retrouvent sous les ordres

d’équipementiers ou de sous-traitants de premier rang peu enclins à instaurer des relations

durables. En conséquence, l’usage de la notion de partenariat dans notre thèse se limitera aux

situations de partenariat fort. Dans les cas, plus fréquents, de partenariat faible, nous parlerons

plutôt de relations de type partenarial, en essayant de préciser au mieux le degré d’intensité de

l’interaction sous-traitant-donneur d’ordres.

• La troisième remarque porte sur l’accès de la PMI sous-traitante au rang de partenaire.

Les travaux en marketing industriel sur la relation acheteurs-fournisseurs appréhendent la

relation, caractérisée par la stabilité et la continuité en milieu industriel, comme un processus

en termes d’expériences accrues de chacune des parties, de réduction d’incertitude, de

croissance de leurs engagements réels ou perçus dans la relation. Dans ces conditions, la

nature de la relation est déterminée aussi bien par les actions des acheteurs que celles des

fournisseurs (Salle et Sylvestre, 1992). Or, la considération de variables significatives, telles

que le potentiel d’interaction ou encore les risques perçus par le client, nécessite un potentiel

d’information développé mais essentiel dont les PMI ne disposent pas toujours compte tenu

de leurs ressources limitées. Par ailleurs, les modifications qualitatives engendrées par le

partenariat conduisent à une réduction significative du nombre de sous-traitants de premier

rang61 (Donada et Garette, 1995 ; Tréhan, 2004), et en particulier ceux de moins de 200

salariés (Altersohn, 1997). Ces principales modifications concernent la division du travail

inter-firmes et les modes de livraison. Ainsi, l’implication accrue dès le début de la

conception du produit dans lequel s’intégrera le sous-traitant tend à devenir une règle du

partenariat. Il en est de même pour le juste à temps, dont la forme la plus tendue est la

livraison en flux synchrones permise grâce aux nouveaux moyens de transmission, tels que

l’Echange de Données Informatisées62 (EDI), et renforcée par les efforts constants de

rationalisation au niveau logistique63. Dans ce contexte, la plupart des sous-traitants

61 Ce constat peut être illustré à l’aide d’un article (Barbat, 1996), réalisé à partir d’une interview donnée par Monsieur Meziani, responsable achat Ford Blanquefort, décrivant le projet Ford 2000 et son incidence sur les sous-traitants de maintenance du site Ford Blanquefort. 62 A titre d’exemple, l’industrie automobile française dispose ainsi de GALIA, un système informatique de télétransmissions relié au système européen de télétransmissions ODETTE. 63 C’est ainsi, que l’on voit apparaître dans l’enceinte des usines d’assemblage des constructeurs automobiles des Parcs Industriels de Fournisseurs (P.I.F.). Pour en savoir plus, se référer aux deux articles de V. Barbat et F. Durrieu (1999 ; 2000) parus dans la revue interne de Bordeaux Ecole de Management.

68

deviennent des sous-traitants de deuxième et troisième rang travaillant sous les ordres de

quelques « chefs de files », fournisseurs de premier rang (Paché, 1996).

Au final, nous constatons que malgré une tendance récente à des relations de sous-traitance

plus partenariale en France demeure néanmoins toute une palette de modes de coordination de

la relation de sous-traitance industrielle allant de la mise en concurrence (politique

d’approvisionnement toujours d’actualité) au cas, plus rare, de partenariats forts. Ce constat

oriente notre choix d’une définition extensive de la PMI sous-traitante dans notre recherche.

3. VERS UNE DEFINITION PARTIELLE DE LA SOUS-TRAITANCE INTERNATIONALE

Forts des éléments proposés précédemment, il nous est alors possible de déterminer

clairement les caractéristiques de la PMI sous-traitante étudiée et d’argumenter notre choix

d’une conception extensive (3.1). Néanmoins, la qualité internationale de la sous-traitance

industrielle (STi) soulève des difficultés conceptuelles que la littérature économique sur la

sous-traitance internationale (STI) ne permet pas de résoudre (3.2) et empêche ainsi la

délimitation complète du champ de notre recherche.

3.1. Une définition extensive de la PMI sous-traitante

Cette dernière doit s’inscrire dans l’analyse des caractéristiques qui expliquent les

comportements de l’entreprise et conditionnent ses choix stratégiques, à savoir sa qualité

d’entreprise de sous-traitance (3.1.1) et sa taille restreinte (3.1.2). En outre, elle évolue dans

des secteurs d’activité industriels différenciés (3.1.3).

3.1.1. La qualité de sous-traitant

La PMI sous-traitante est une entité appartenant à une population d’entreprises distincte mais

non homogène commercialisant une compétence technique spécifique adaptée à chacun de ses

clients à partir des directives techniques ou fonctionnelles imposées par ces derniers dans un

cahier des charges.

De la typologie des formes de coopération interentreprises du SESSI, nous retenons donc les

quatre formes qui constituent, selon cet organisme, la sous-traitance élargie : les deux

69

premiers types qui correspondent à la relation de sous-traitance stricto sensu – la sous-

traitance à façon ainsi que la production sur spécifications – ainsi que les formes (3) et (4) – la

prestation de conception et/ou de production – qui constituent des relations de partenariat

industriel. Cette conception extensive de la sous-traitance industrielle est à bien des égards

intéressante eu égard à la problématique et aux objectifs de notre recherche.

Notre recherche s’attache en effet à étudier le processus d’internationalisation d’une

population d’entreprises spécifique, distincte de celle des entreprises de fourniture sur

catalogue ou bien des entreprises intégrées. L’impact de la spécificité de la relation de sous-

traitance industrielle sur les choix stratégiques de ces entreprises est alors au cœur de notre

réflexion. A ce titre, la typologie du SESSI permet de séparer nettement sous-traitant et

fournisseur sur catalogue, sans pour autant faire perdre – comme c’est le cas dans les

définitions plus anciennes de la sous-traitance stricto sensu – la qualité de sous-traitant au

producteur qui opère sur la base d’un cahier des charges fonctionnel lui laissant toute liberté

de concevoir le produit sous réserve du respect des contraintes et des obligations de résultat

contenues dans ce cahier des charges.

Le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises restant mal connu, il

nous paraît dangereux d’exclure a priori de notre champ d’investigation une ou plusieurs des

formes de sous-traitance industrielle. Une telle décision supposerait de disposer d’études

récentes et scientifiquement fiables sur les raisons qui conduisent un donneur d’ordres

étranger à s’approvisionner auprès d’un sous-traitant français. A notre connaissance, il n’en

existe aucune remplissant ces deux conditions. C’est pourquoi l’un des objectifs de notre

travail est justement de découvrir si les différentes figures de la sous-traitance industrielle sont

pareillement concernées ou non par l’internationalisation.

Par ailleurs, au sein d’une même entreprise sous-traitante, les tâches sous-traitées varient d’un

client à l’autre. Ainsi un sous-traitant peut très bien prendre part à la conception et à la

production d’un produit dans un cas et n’intervenir qu’en phase de fabrication dans un autre.

Dans ces conditions la frontière entre sous-traitant stricto sensu et sous-traitant de fonction est

particulièrement ténue, comme l’illustre parfaitement l’étude de la nouvelle sous-traitance

industrielle dans les secteurs aéronautique et automobile (Commission des Communautés

Européennes, 1997).

70

Enfin, comme nous avons pu le constater précédemment, un sous-traitant peut mobiliser un

même savoir-faire, soit dans une optique d’opération technique sous-traitée, soit dans une

optique de produit propre (Bréchet, 1990). Ainsi, certaines entreprises sous-traitantes

produisent et commercialisent aussi des produits propres. Autrement dit, elles ne réalisent pas

nécessairement 100 % de leur chiffre d’affaires avec des activités de sous-traitance. Se pose

alors la question de savoir à partir de quel pourcentage d’activité de sous-traitance,

l’entreprise cesse d’être sous-traitante pour devenir fournisseur.

Dans ces conditions, quels critères retenir pour distinguer de manière opérationnelle un sous-

traitant d’autres types d’entreprises ?

Concernant l’opposition entre sous-traitant et fournisseur sur catalogue, il semblerait que les

professionnels et les experts s’accordent à considérer que possède la qualité de sous-traitant

toute entreprise dont l’activité de sous-traitance assure plus de 80 % de son chiffre d’affaires

(SESSI, 2002).

L’indépendance juridique du sous-traitant par rapport au donneur d’ordres est, quant à elle,

indispensable à la différenciation entre entreprise sous-traitante et entreprise intégrée ; cette

dernière constituant avec le donneur d’ordres une seule et même entité juridique et

économique.

3.1.2. Une taille restreinte

Si les grands équipementiers – généralement de premier rang – sont largement, et depuis

longtemps, engagés à l’international, ce n’est pas le cas des entreprises de sous-traitance

industrielle plus petites, numériquement dominantes, pour lesquelles le phénomène

d’internationalisation est en développement et constitue notre objet de recherche. Par

conséquent, notre travail ne peut pas faire abstraction de l’influence de la taille de l’entreprise

sur ses objectifs et choix stratégiques et, plus généralement, sur sa relation avec son

environnement.

Dans ces conditions, l’entreprise sous-traitante étudiée est dotée de caractéristiques

spécifiques en termes de taille plus restreinte et de moyens d’action plus limités qui la

distinguent de la grande entreprise.

Faisant l’objet d’une littérature abondante, la PME reste un concept difficile à cerner de façon

claire et unanime (Rispal, 1993 ; Torrès, 1999). La PMI constituant pour nous essentiellement

71

un axe d’investigation, nous ne prendrons pas part au débat relatif à la définition de la PME. Il

convient, cependant, de préciser la mesure de la taille retenue.

La PME/PMI est au cœur de différends sémantiques. Une multitude de critères64 sont

susceptibles de la décrire et sont généralement regroupés en deux catégories : les variables

qualitatives et les variables quantitatives. La taille relève de la seconde catégorie. Elle peut

être mesurée par l’importance de l’effectif, le chiffre d’affaires, l’indépendance financière et

le mode de direction. En France et en Europe, les organismes de statistiques (INSEE et

EUROSTAT65) situent les petites et moyennes entreprises dans un intervalle de 10 à 499

salariés.

Le nombre de salariés est un critère de mesure sujet à controverse (Julien, 1990 ; Marchesnay,

1997), le caractère administratif du classement opéré ne prenant pas toujours en compte les

réalités économiques et sociales. Ainsi, les entreprises nouvellement créées dans des secteurs

d’activité de pointe, d’un effectif de moins de 10 salariés, ne peuvent pas être considérées

comme artisanales (Rispal, 1993). M. Marchesnay (1997) les qualifie de très petites

entreprises (TPE) et la DG n°23 de micro-entreprises. Par ailleurs les législateurs n’arrivent

pas à s’accorder pour définir le plafond, en termes d’effectif et de chiffre d’affaires, de la

petite et moyenne entreprise. Indépendamment de toutes ces nuances et difficultés, la taille

s’est imposée, au cours des années quatre-vingt dix, comme un facteur de découpage des

organisations et l’idée d’une spécificité des problèmes et des modes de gestion des PME est

désormais majoritairement admise par les chercheurs en PME.

Les problèmes ne se posent pas avec la même intensité dans les grandes entreprises et les

PME en raison de caractéristiques multiples que O. Torrès regroupe en trois catégories :

l’effet papillon, l’effet microcosme et l’effet égotrophie. L’effet papillon symbolise la forte

fragilité de la PME face aux aléas de l’environnement et s’apprécie généralement en termes

de dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de clients : une baisse mineure du

chiffre d’affaires d’un gros client peut s’accompagner d’une baisse disproportionnée de celui

de ses fournisseurs.

64 Une synthèse de l’ensemble de ces critères ainsi qu’un tableau comparatif des différentes définitions de la PME en Europe sont proposés par M. Rispal (1993) dans le chapitre liminaire de sa thèse de doctorat en Sciences de Gestion sur les modes de création et de fonctionnement des accords de coopération transnationaux entre dirigeants de PME-PMI européens et par B. Duchéneaut (1995) dans son enquête sur les PME françaises. 65 L’observatoire européen des PME (CEE).

72

Cette pression renforce alors une autre caractéristique de la PME : l’effet microcosme,

phénomène par lequel le dirigeant de PME tend à réduire son champ d’action et de réflexion à

un périmètre relativement restreint dans le temps (le court terme) et dans l’espace (le plus

proche physiquement et psychologiquement). En interne, cette spécificité se traduit par un fort

désir d’indépendance de la part du dirigeant. En externe, elle a des conséquences sur les

relations que la PME noue avec son environnement commercial et institutionnel. L’image

sociale de l’entreprise est largement affectée par la fonction relationnelle du dirigeant et sa

clientèle est généralement locale ou régionale. Cette proximité permet au dirigeant de PME de

tisser des relations privilégiées avec ses clients. L’expansion internationale des PME obéit

également à ce principe de proximité et suit un cheminement lent et progressif suivant le

modèle séquentialiste élaboré par les chercheurs suédois de l’Ecole d’Uppsala (Johanson et

Wiedersheim-Paul, 1975).

Enfin, la gestion d’une PME a tendance à être centrée sur le dirigeant, d’où l’effet

d’égotrophie. Or, du fait de cette personnalisation de la gestion, l’analyse du profil du

dirigeant est indispensable pour comprendre le fonctionnement et le mode de prise de décision

d’une PME : les valeurs du dirigeant, son profil psychosociologique, ses buts et aspirations

déterminent le fonctionnement de l’entreprise et, par conséquent, son expansion

internationale.

Finalement, les critères quantitatifs ne prennent pas en considération la réalité interne de

l’entité de petite taille et sa relation avec son environnement. Ainsi, outre sa taille réduite, elle

possède d’autres caractéristiques, telles qu’une gestion centralisée autour de la personne du

dirigeant-propriétaire, un espace marchand souvent restreint, la fabrication d’un seul produit,

une structure peu complexe – les gestionnaires assumant des rôles multi-fonctionnels –, un

système d’information interne peu organisé, une action intuitive et rarement formalisée, un

contrôle limité de l’environnement en raison des ressources minimes pour l’évaluer et une

forte insertion territoriale.

Ces critères s’avèrent, selon nous, décisifs pour la compréhension du comportement à

l’internationalisation de la PMI sous-traitante et seront pris en considération dans notre

analyse. En revanche, seul le critère de l’effectif employé (moins de 500 salariés) sera retenu,

en raison de sa disponibilité et de sa facilité d’exploitation, pour mesurer la taille des

entreprises sous-traitantes étudiées.

73

3.1.3. Le choix d’une approche sectorielle étendue

En France, les prestations de sous-traitance industrielle confiée66 sont estimées à quarante

milliards d’euros et sont émises par des donneurs d’ordres appartenant à des secteurs

d’activité aussi divers que la pharmacie, l’industrie textile, l’industrie navale ou encore la

métallurgie et transformation des métaux (SESSI, 2001). Quant aux sous-traitants, ils sont

classiquement regroupés au sein de cinq sous-ensembles : les industries du travail des métaux

et de la fonderie (1)67, la transformation des matières plastiques et ouvrages en caoutchouc

industriel – élastomères – (2), la sous-traitance électronique (3), les industries du textile et de

l’habillement (4) et les divers – chimie fine, imprimerie, bois, études sous contrat, etc. – (5).

Ils peuvent approvisionner un seul ou plusieurs secteurs selon leurs activités. Ainsi, la sous-

traitance dans le secteur aéronautique est composée de deux grands sous-ensembles : les sous-

traitants qui réalisent des produits et matériels entièrement destinés au secteur et ceux qui sont

spécialistes d’une technique dont l’aéronautique n’est qu’un des débouchés (les fabricants de

matériel électrique et électronique, les sous-traitants de la chimie pour les peintures et vernis,

de l’industrie du caoutchouc ou encore des plastiques). Ces derniers sont souvent les plus

nombreux. Il est alors délicat pour notre recherche de raisonner en termes de secteur d’activité

des donneurs d’ordres.

Par ailleurs, la lecture de l’étude de la Commission Européenne sur la nouvelle sous-traitance

industrielle (1997), nous informe sur la localisation des sous-traitants des quatre grands

secteurs d’activité de la sous-traitance confiée : l’automobile, l’aéronautique, l’électronique et

le textile-habillement. Globalement, la localisation des sous-traitants de ces secteurs reste très

nationale, en particulier pour le textile-habillement avec 98 % des achats de sous-traitance

effectués dans le pays, contre environ 75 % pour l’automobile, l’aéronautique, et

l’électronique. Dans ce contexte, le cas français ne fait pas exception. Ainsi, bien que le taux

d’exportation des sous-traitants français des industries du travail des métaux, de la fonderie et

66 Dans l’étude du SESSI de la sous-traitance industrielle confiée en 1999, il subsiste des difficultés d’interprétation sur la distinction entre sous-traitants stricto sensu et sous-traitants de fonction qui provoquent, semble-t-il, une sous-estimation importante de la sous-traitance confiée par secteur. Signalons également, qu’en raison de leurs modalités de réalisation, les enquêtes de production, dites enquêtes de branches, ne peuvent donner qu’une vue imparfaite de la sous-traitance reçue par les sous-traitants (Altersohn, 1997). 67 Elles comprennent la fonderie ; la mécanique générale ; le découpage-emboutissage ; les traitements de surface et thermiques ; la forge, l’estampage et le frittage ; Les moules modèles ; le décolletage ; la chaudronnerie, constructions métalliques ; le conditionnement à façon ; la fixation frappe à froid – visserie, boulonnerie, fixation – ; les outillages spéciaux ; les ressorts ; les engrenages, transmissions et la mécanique de précision.

74

de la transformation plastique progresse considérablement, il n’excède toujours pas les 20 %

et parmi ce sous-ensemble de la sous-traitance industrielle, tous les métiers sont à des degrés

divers, concernés par l’internationalisation (SESSI, 2002).

Face à ces constats, il nous paraît préférable de ne pas limiter à priori notre recherche à

l’étude d’un seul secteur d’activité. Parce que le choix de l’un d’eux ne permet pas

d’embrasser le phénomène d’internationalisation des PMI sous-traitantes dans sa globalité et

parce que les modalités d’internationalisation mises en œuvre sont susceptibles de pouvoir

varier selon l’activité des entreprises étudiées.

En conclusion, la PMI sous-traitante – juridiquement autonome et évoluant dans

différents secteurs d’activité industriels – est, dans le cadre de notre recherche, une entité

dotée de caractéristiques spécifiques en termes de compétence technique (au moins 80 % de

son chiffre d’affaires résulte d’activités de sous-traitance stricte et/ou de fonction) et de taille

plus restreinte (- de 500 salariés) et, par conséquent, de moyens d’action plus limités. Elle est

soumise à une relation de subordination professionnelle, d’intensité variable, qui, combinée

à sa taille restreinte, tend à renforcer sa dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre

de donneurs d’ordres.

3.2. Les difficultés soulevées par la dimension internationale de la sous-traitance

La théorie de la sous-traitance internationale (STI) s’est développée à la fin des années

soixante-dix à l’initiative du Centre de Développement de l’O.C.D.E.. Le programme de

recherche alors initié avait pour postulat de départ que « (…) les accords de sous-traitance

internationale permettent d’accélérer efficacement le développement industriel car ils

favorisent une certaine complémentarité des lignes de production fondée sur une

spécialisation reflétant des avantages comparatifs ; en outre, ils ont des effets positifs sur la

balance des paiements des pays moins développés, et surtout ils permettent une mobilisation

et une meilleure utilisation des ressources en main d’œuvre de ces pays. » (Germidis, 1980 :

10).

L’objectif de la recherche était triple : identifier les conditions pour que certains types et

modalités de sous-traitance conduisent à une réelle industrialisation des pays en voie de

développement, évaluer l’ampleur et la nature de la technologie transférée vers ces pays via la

75

sous-traitance internationale, et, enfin, explorer les voies ouvertes par la sous-traitance

‘‘régionale’’, notamment celle réalisée par les filiales des firmes multinationales (F.M.N.).

Comme nous pouvons le constater, cette théorie de la STI, certes datée, s’est focalisée sur

l’étude de la sous-traitance entre pays développés (pays des donneurs d’ordres) et pays en

voie de développement (pays des sous-traitants). Il existe donc un décalage entre cette forme

de STI, qualifiée de « pure », et la STI qui concerne des donneurs d’ordres et sous-traitants

localisés dans pays industrialisés.

En outre, la conférence d’évaluation organisée à Haïti68 a révélé de nombreuses divergences

entre les conceptions de la STI « pure ». Ainsi, D. Germidis (1980) remarque que, si la

définition de la STI ne semble pas poser, en première analyse, de difficulté (la STI se

distinguant de la sous-traitance nationale par le seul fait que les firmes contractantes

appartiennent à des pays différents), sa simplicité apparente masque néanmoins une multitude

d’interprétations divergentes. Sont classiquement opposées la contribution de CA. Michalet

(1980) et celle de S. Watanabe (1980) et de C. Berthomieu et A. Hanaut (1980, 1983).

Pour CA. Michalet (Tableau 1.8.), le champ de la STI pure se limite à la sous-traitance

industrielle ; l’opération sous-traitée consistant à fabriquer des éléments qui seront montés par

le donneur d’ordres.

68 Elle a eu lieu du 29 novembre au 1er décembre 1978.

76

Tableau 1.8. Les quatre archétypes de la sous-traitance internationale pure identifiés par CA. Michalet.

Intitulé

Descriptif

Type A La STI entre deux unités

indépendantes dans des pays se trouvant à des niveaux

différents de développement

Elle concerne des pièces ou des composants. Par ailleurs, elle implique l’exportation du produit vers le pays du donneur d’ordres ou vers un pays tiers. Enfin, sa finalité pour le donneur d’ordres peut être indifféremment la recherche d’économies, l’insuffisance des capacités de production et, beaucoup plus rarement, les compétences spécifiques du sous-traitant.

Type B La STI entre la filiale d’une

entreprise multinationale et une ou plusieurs entreprise(s)

locale(s)

Au plan technique, cette forme de sous-traitance porte généralement sur la livraison de produits intermédiaires et sur des composants. Contrairement au type A, elle n’implique pas l’exportation du produit sous-traité, celui-ci étant vendu sur le marché domestique à la filiale d’une entreprise multinationale. Cette filiale a recours à la sous-traitance locale principalement pour des raisons de capacité.

Type C La STI entre deux filiales

d’entreprises multinationales différentes établies dans le

même pays

C’est le cas lorsque la filiale d’une multinationale réalise un produit en sous-traitance pour la filiale d’une autre entreprise multinationale, la seconde filiale étant alors le donneur d’ordres de la première. Cette forme de STI entre deux filiales situées dans un même pays, et souvent de même nationalité, ne peut être confondue, selon l’auteur, avec une forme de sous-traitance purement domestique dans la mesure où donneur d’ordres et sous-traitant appartiennent à des multinationales.

Type D La STI entre les unités

productives d’une même entreprise multinationale se

trouvant dans des pays différents

Dans ce cas, « (…) le caractère international est indéniable. Mais la particularité de cette forme de STI repose sur le fait que le donneur d’ordres et le sous-traitant sont tous deux contrôlés par la même société. » (Michalet, 1980, p 56).

En revanche, S. Watanabe et C. Berthomieu et A. Hanaut (Tableau 1.9.) choisissent d’y

inclure une autre forme de sous-traitance qu’ils qualifient de « sous-traitance commerciale »

et qui correspond au cas où le sous-traitant réalise un produit fini que le donneur d’ordres n’a

plus qu’à commercialiser en l’état. Dans ce cas, la STI se confond avec l’activité d’import-

export, et donc de fourniture internationale. Selon C. Berthomieu et A. Hanaut (1983), le

choix de prendre en compte la sous-traitance commerciale dans leur typologie de la STI

trouve sa justification dans le contexte de la sous-traitance entre pays de différents niveaux de

développement, les auteurs ayant observé qu’il s’agissait d’une des formes dominantes de la

STI pure.

77

Tableau 1.9. Les quatre archétypes de la sous-traitance internationale pure identifiés par S. Watanabe69.

Intitulé

Descriptif

La sous-traitance commerciale hors

frontière70

Elle s’instaure entre des unités autonomes situées dans des pays différents et concerne la fabrication de produits finis exportés directement ou indirectement.

La sous-traitance industrielle hors

frontière

A la différence du cas précédent, elle concerne la fabrication de produits intermédiaires qui font l’objet d’un montage au sein de l’entreprise du donneur d’ordres. Les deux unités étant autonomes, cette forme de STI s’apparente au type A de CA. Michalet.

La sous-traitance commerciale intérieure71

Elle a lieu entre la filiale d’une multinationale et une entreprise sous-traitante locale. Les deux unités sont situées dans le même pays et concernent la fabrication de produits finis.

La sous-traitance industrielle intérieure

Elle diffère de la forme de STI précédente dans la mesure où les produits fabriqués par le sous-traitant sont des composants. Cette forme de STI s’apparente alors au type B de la classification de CA. Michalet.

Toutefois, c’est sur la nature des agents impliqués dans la relation de STI que se cristallisent

les débats entre les partisans de la définition de CA. Michalet et ceux de l’approche de S.

Watanabe (Germidis, 1980). Ainsi, la typologie de CA. Michalet prend en compte les cas où il

existe un lien d’association entre le donneur d’ordres et le sous-traitant, qu’il s’agisse d’une

participation minoritaire au capital de l’entreprise sous-traitante, d’une joint-venture ou d’une

détention à 100 % du capital. Il s’agit du type D72. Selon cet auteur, l’exclusion des firmes

multinationales des relations de sous-traitance internationale aurait pour conséquence de

réduire très sensiblement l’importance du phénomène. A l’opposé, S. Watanabe soutient que

la relation entre une société mère et ses filiales ou les filiales contrôlées par une même

multinationale, ainsi que tout accord passé entre un donneur d’ordres et un sous-traitant dont

une partie du capital détenue par le premier, sont à exclure de la STI.

69 La méthodologie de C. Berthomieu et A. Hanaut (1980, 1983) est largement inspirée de celle de S. Watanabe malgré les nuances apportées par les auteurs en raison des spécificités du cas marocain. Ainsi le cas de la STI intérieure, tel qu’il a été défini par S. Watanabe, n’ayant pas été rencontré au Maroc, les auteurs l’excluent de leur étude. Par ailleurs, ils proposent un élargissement du type B de CA. Michalet afin de prendre en considération le cas où le donneur n’est pas une filiale d’une multinationale, mais une entreprise étrangère indépendante installée au Maroc. Ils retiennent en définitive trois formes principales de STI : la STI commerciale hors frontière entre entreprises indépendantes à l’intérieur d’une firme multinationale ; la STI industrielle hors frontière entre entreprises indépendantes à l’intérieure d’une firme multinationale ; la STI industrielle intérieure. 70 La sous-traitance est qualifiée de « hors frontière » lorsque le matériel fabriqué en sous-traitance sort du pays. 71 La sous-traitance intérieure met toujours en relation des filiales de firmes multinationales et des entreprises locales situées dans un même pays. 72 La STI entre les unités productives d’une même entreprise multinationale se trouvant dans des pays différents.

78

Au final, les différends conceptuels opposant les typologies de CA. Michalet et S. Watanabe

ne parviennent pas à délimiter les contours de la STI. Toutefois, la revue de la littérature sur

la sous-traitance nous a permis de positionner le concept de PMI sous-traitante dans notre

recherche. L’étape suivante de notre réflexion consiste alors à s’interroger sur les modalités

d’internationalisation de cette unité d’analyse spécifique qu’est la PMI sous-traitante. Afin de

répondre à ce questionnement, il convient désormais de rechercher une grille de lecture

susceptible de nous aider à appréhender l’internationalisation d’une entreprise vendant des

savoir-faire et non des produits sur catalogue, et se trouvant, de facto, placée dans un échange

relationnel qui dépasse les frontières d’une simple transaction commerciale.

79

SECTION 2 – L’INTERNATIONALISATION DES PMI SOUS-TRAITANTES :

DEUX SOUBASSEMENTS THEORIQUES POSSIBLES

La sous-traitance internationale (STI) entre pays industrialisés ayant connu un développement

récent, nous sommes confrontés à l’absence d’un corpus théorique spécifique constitué. Par

ailleurs, l’internationalisation des PMI sous-traitantes est un phénomène complexe à étudier.

En effet, la section précédente a montré que la relation de sous-traitance, de plus en plus

partenariale, se différencie d’une pure transaction de marché. En raison du lien de coopération

étroit et de dépendance économique qui s’instaure entre donneurs d’ordres et sous-traitants,

l’internationalisation des PMI sous-traitantes ne peut pas être étudiée indépendamment de la

stratégie de ses donneurs d’ordres. En conséquence s’intéresser à l’internationalisation des

PMI sous-traitantes revient à s’interroger sur l’adéquation des modèles d’internationalisation

des PME/PMI au cas spécifique des entreprises sous-traitantes.

Autant de constats qui nous conduisent à essayer d’opérer un lien entre la nature singulière de

la sous-traitance industrielle (STi) et les théories relatives au développement international des

entreprises. L’analyse des apports et limites des théories de l’internationalisation de la

PME/PMI (1) et des réseaux (2) à notre sujet de recherche révèle alors qu’une approche

combinée de ces deux théories est seule en mesure de fournir une vision complète de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes73.

1. LA THEORIE DE L’INTERNATIONALISATION DE LA PME/PMI

La théorie de l’internationalisation de la PME/PMI s’attache à étudier le comportement

exportateur des entreprises de taille restreinte. Elle renvoie à deux principaux courants de

recherche proches bien qu’ayant des objectifs différents : le premier est caractérisé par les

73 Nous avons volontairement laissé de côté la théorie de l’investissement direct à l’étranger (Foreign Direct Investment Theory) qui s’intéresse aux modes d’investissement des firmes à l’international. Selon la nature de la transaction, la firme peut recourir à des solutions de marché (exportations de biens ou transferts de licence) ou à des solutions d’internalisation (investissements directs). De fait, les travaux issus de cette théorie se sont focalisés sur l’étude des multinationales (Williamson, 1975 ; Anderson et Gatignon, 1988 ; Dunning, 1988 ; Buckley et Casson, 1993). Cette problématique intéresse peu les PMI sous-traitantes dont le développement à l’international se limite dans presque 90 % des cas à l’exportation.

80

modèles issus de la théorie du cycle de vie et développés sur le processus

d’internationalisation de l’entreprise, tandis que le second englobe les modèles intégrés de la

décision d’exporter en PME. Ces derniers s’attachent à étudier les relations causales existant

entre le comportement exportateur d’une PME et un ensemble de variables managériales,

organisationnelles et décisionnelles. Si elle privilégie le rôle du dirigeant, mettant ainsi en

relief la personnalisation de la gestion des PME par rapport aux grandes entreprises, cette

théorie n’en demeure pas moins incomplète pour comprendre les modalités

d’internationalisation des entreprises de sous-traitance industrielle. Les raisons résident dans

sa conception déterministe (2.1) mais aussi décontextualisée (2.2) du processus

d’internationalisation.

1.1. Une approche déterministe du processus d’internationalisation

Une des principales critiques relatives à la dynamique du processus d’internationalisation,

classiquement formulées à l’encontre des modèles précurseurs dans des travaux plus récents

(Welch et Luostarinen, 1988 ; Andersen, 1993 ; Dalli,, 1994 ; Leonidou et Katsikeas, 1996 ;

Ageron, 1999 et 2001, etc.), porte sur leur approche mécaniste de l’internationalisation.

Les modèles précurseurs, issus de la théorie du cycle de vie, considèrent l’évolution de

l’internationalisation comme un processus d’apprentissage comportant des étapes que franchit

l’entreprise. Deux types de modèles sont classiquement distingués.

Le premier, appelé modèle « Uppsala », décline le développement à l’international de

l’entreprise selon des modes d’engagement successifs et incrémentaux à l’étranger. Initié par

J. Johanson et F. Wiedersheim-Paul, il distingue quatre stades successifs d’engagement sur les

marchés étrangers, chacun de ces stades représentant un degré supérieur d’engagement à

l’international74.

Dans ce modèle, la théorie de l’internationalisation des firmes repose essentiellement sur la

distance psychique75 entre les marchés. Pour expliquer le développement international

progressif, les auteurs font l’hypothèse que la préférence spatiale pour les marchés proches 74 Les quatre stades identifiés sont : (1) l’absence d’activité régulière à l’exportation ; (2) l’activité d’exportation par l’intermédiaire d’un réseau d’agents indépendants ; (3) l’établissement de filiales commerciales à l’étranger ; (4) l’implantation d’unités de production à l’étranger. 75 La distance psychique est généralement mesurée à partir d’indicateurs variés sur le degré d’éloignement ou de similitude des niveaux de développement économique, des canaux de distribution, de l’intensité des flux commerciaux antérieurs et des critères socioculturels (langues, système éducatif, etc.).

81

tendrait vraisemblablement à décliner au fur et à mesure de la réduction d’incertitude sur la

connaissance des marchés. Autrement dit, la distance psychique expliquerait à la fois la

préférence pour les marchés culturellement proches des entreprises nouvellement

exportatrices et la préférence pour l’exportation de produits ne nécessitant qu’un faible

transfert de connaissances au cours des premières années de présence internationale.

Le caractère incrémental du modèle « Uppsala » est particulièrement souligné par J. Johanson

et JE. Vahlne en 1977. Ces auteurs examinent, quant à eux, le processus d’internationalisation

de l’entreprise, mais en insistant cette fois-ci sur deux notions, autres que la distance

psychique : la connaissance des marchés et l’engagement de l’entreprise sur ces marchés.

Ainsi, la structure principale de la modélisation du processus d’internationalisation de la firme

qu’ils proposent fait la distinction entre l’aspect statique représenté par les ressources

engagées sur le marché et la connaissance des marchés et l’aspect dynamique renvoyant aux

décisions d’engager les ressources et la performance des activités présentes. Initialement

développé pour s’appliquer aux cas des grandes entreprises, ce modèle est, depuis une dizaine

d’années, utilisé dans de nombreux travaux sur le processus d’internationalisation des

PME/PMI (Bell, 1995 ; Laine et Kock, 2000).

Le second modèle, appelé modèle « Innovation » – par analogie au processus d’adoption de

l’innovation de EM. Rogers (1983)76 – considère quant à lui l’exportation comme une

innovation au sein de la PMI (Barkema, Bell et Pennings, 1996). Cette perspective a été

retenue par différents auteurs (Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1980 ; Czinkota, 1982 ; Rao

et Naidu, 1992 et Crick, 1995). L’engagement à l’étranger de l’entreprise y est analysé

comme un processus d’apprentissage séquentiel de décision. Ce qui signifie qu’il est pré-

déterminé dans le temps selon une séquence d’étapes77 au cours desquelles l’entreprise

76 Rogers, EM., (1983), Diffusion of Innovations, Free Press, New York, dans HG. Barkema, J. Bell et JM. Pennings, (1996),. 77 Bien qu’ils reprennent tous l’idée d’une courbe d’apprentissage s’inscrivant dans la durée – l’accomplissement d’une étape supposant que l’étape précédente ait été franchie complètement et avec un certain succès – les auteurs proposent différentes déclinaisons du processus d’internationalisation de l’entreprise. En effet, des différences existent au niveau du nombre de stades (Cf. la revue des modèles d’internationalisation réalisée par LC. Leonidou et CS. Katsikeas en 1996) – même si les modèles centrés sur l’étude des PME/PMI se limitent généralement à l’acte d’exportation – et de la description de chacun des stades et du mécanisme initiateur du comportement exportateur de la PMI. A propos de cette dernière différence, D. Dalli (1994) note toutefois, que les déterminants qui influencent le passage d’une étape à l’autre du processus relèvent quasiment toujours des compétences et caractéristiques de l’entreprise. Le développement international est initié par une accumulation des connaissances des marchés étrangers et/ou une capacité croissante de l’entreprise à gérer les affaires internationales.

82

procède à l’apprentissage de l’environnement international et adapte progressivement son

organisation à la dimension spatiale de son activité.

Finalement, dans les deux voies d’analyse du processus d’internationalisation de la firme

proposées par les modèles « Uppsala » et « Innovation », le principe sous-jacent reste

similaire : l’internationalisation est appréhendée linéairement selon un ordre séquentiel. Cette

conception laisse alors supposer que l’engagement à l’international est déterministe et

mécaniquement lié aux dotations de ressources croissantes pour l’exportation et aux

opportunités de marchés. En conséquence, ces modèles ignorent le raccourcissement des

étapes chez les entreprises présentant une forte maturité internationale.

Dès la fin des années quatre-vingt, cet édifice normatif est largement contesté à la lumière

d’une approche descriptive des pratiques d’internationalisation des entreprises (Joffre, 1994).

Ainsi, le franchissement brutal de certains stades du processus d’internationalisation a été

maintes fois constaté (Millington et Bayliss, 1990). Par ailleurs, PR. Christensen (1991)

souligne l’existence de PME/PMI exportatrices dès leur phase de création. A l’inverse,

l’inertie du processus d’internationalisation est fréquemment observée, tout comme les

désinvestissements à l’international (Ageron, 2001). En outre, rien n’empêche une PME,

lorsqu’elle commence à être expérimentée à l’international, d’adopter simultanément des

formes d’engagement à l’international différentes selon les pays où elle est présente (Saporta,

1993). B. Saporta remarque également «(…) que l’idée même d’un apprentissage progressif à

l’international chez le dirigeant de PME ne semble pas très compatible avec la conception

entrepreunariale que l’on peut avoir légitimement de cet agent économique. » (1993 : 7).

Par conséquent, les travaux récents s’accordent sur l’impossibilité de déterminer une

trajectoire unique pour l’internationalisation des PMI formée, en fait, d’un ensemble d’allers-

retours et de combinaisons au niveau des modes de présence.

La contribution de D. Dalli (1994) en est une parfaite illustration. L’auteur se propose de

décrire les modes d’internationalisation suivis par les PMI italiennes, d’identifier les

caractéristiques de ces entreprises selon le mode choisi ainsi que les effets de ce choix en

termes de performance à l’export. Le processus d’internationalisation est donc le point

d’ancrage de cette recherche. Toutefois, l’approche retenue diffère des modèles précurseurs

sur ce sujet dans la mesure où elle en rejette la dimension mécaniste : l’internationalisation

83

n’est pas nécessairement un processus séquentiel, ni un processus déterminé, ordonné et

irréversible. Les résultats d’une enquête par questionnaire, réalisée auprès de 171 PMI

italiennes conduisent D. Dalli à appréhender l’internationalisation comme un processus de

changement durant lequel les PMI peuvent opérer selon différents modes de présence sur les

marchés étrangers et changer de mode selon les caractéristiques de l’environnement mais

également les ressources organisationnelles de la firme. En outre, l’auteur estime qu’il est plus

approprié de penser le processus de changement de l’engagement international des PMI

comme un processus continu d’ajustements de la stratégie internationale poursuivie par

l’entreprise : les relations avec les intermédiaires étrangers, les modes d’entrée suivis, la

sélection du marché étranger et bien d’autres paramètres sont continuellement en jeu pour

définir la réalité du processus d’internationalisation.

Les récents travaux de la théorie d’internationalisation des PME/PMI ont en commun de

prolonger et d’enrichir la vision classique du processus d’internationalisation issue des

modèles précurseurs sans, toutefois, les remettre radicalement en cause (Welch et

Luostarinen, 1988 ; Dalli, 1994, Ageron, 1999). Ils offrent ainsi une approche plus réaliste,

plus souple mais aussi plus dynamique du développement international qui ne peut

s’appliquer de façon aussi tranché aux entreprises de taille restreinte engagées à

l’international.

1.2. Une approche décontextualisée du processus d’internationalisation

Le second point d’achoppement de la théorie d’internationalisation des PME/PMI concerne le

peu de cas porté, par les auteurs, à la contextualisation du développement international de la

petite entreprise (Bonaccorsi, 1992 ; Forsgren et Johanson, 1992 ; Joffre, 1994 ; Madsen,

1994 ; Andersen, Blenker et Christensen, 1995 ; Bell, 1995 ). Cette critique résulte de

l’ancrage des modèles d’internationalisation de l’entreprise dans la théorie béhavioriste

(2.2.1). Or, il semblerait que la contextualisation du processus d’internationalisation des

entreprises sous-traitantes soit particulièrement importante compte tenu de la spécificité de la

relation de sous-traitance (2.2.2)

84

1.2.1. Des modèles ancrés dans la théorie béhavioriste

Selon P. Joffre, « le choix des opérateurs, acteurs du développement international de

l’entreprise est certainement sous-estimé. » (p 37). En effet, les modèles séquentiels et

mécanistes d’internationalisation, qui appréhendent l’entreprise comme une entité aux

frontières clairement définies – une unité d’analyse isolée de son environnement –,

s’articulent principalement autour des trois questions suivantes : où ? (quel marché ? quel

pays ?), quoi ? (quels produits, services, savoir-faire ?) et comment ? (quels modes d’entrée

sur les marchés considérés ?). Aussi propose-t-il d’en ajouter une quatrième – avec qui ? –, la

pratique des affaires étant souvent un jeu d’acteurs.

Cet ancrage dans la théorie béhavioriste s’observe également de façon aiguë dans les modèles

intégrés de la décision d’exporter en PME/PMI qui se sont développés dans la lignée des

travaux sur le processus d’internationalisation et sont tous fondés sur une hypothèse forte : le

dirigeant est exposé à un certain nombre de stimuli susceptibles d’attirer son attention sur

l’existence d’opportunités à l’exportation. La perception ou non de ces stimuli par le dirigeant

découle de l’influence de variables exogènes. Celles-ci sont classées en trois catégories : les

caractéristiques de l’entreprise, celles de son environnement, et enfin celles du dirigeant lui-

même78. Les stimuli, filtrés par le dirigeant, seront donc perçus ou non et déclencheront ou

non, par l'intermédiaire d’un processus interne, un processus de décision séquentiel

aboutissant à la décision d'exporter ou de ne pas exporter (Roux, 1986 ; 1991).

Dans sa recherche doctorale, soutenue en 1991, E. Roux propose un test intégré prédictif des

variables qui pèsent le plus dans la décision d’exporter ou non en PMI et montre ainsi que les

variables individuelles ont un pouvoir prédictif meilleur que les variables d’environnement ou

d’entreprise. En conséquence, les modèles intégrés de la décision d’exporter en PME/PMI se

concentrent sur l’analyse du comportement exportateur de l’entreprise focale et, plus

spécifiquement, sur les caractéristiques du dirigeant mettant en évidence le rôle de ses

78 Dans sa revue de la littérature, KJ. Miesenbock (1988) étudie les nombreuses variables influençant la décision d’exporter en PME/PMI et distingue ainsi les variables clés (à forte relation causale) des variables accessoires (ayant une relation positive ou négative sans causalité explicite). Les premières correspondent au décideur (Roux, 1991), au produit (Cooper et Kleinschmidt, 1984), au pays d’origine (Tesar et Tarleton, 1982) et aux stimuli à l’export (O’Rourke, 1989), tandis que les secondes les plus fréquemment recensées sont les barrières à l’exportation (Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1982), les caractéristiques démographiques de la PMI (Yaprak, 1985), les caractéristiques managériales (Cooper et Kleinschmidt, 1984) et les variables marketing (Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1982).

85

ressources, de ses compétences et de ses attitudes comme variables clés susceptibles

d’influencer les premières étapes de l’engagement international.

Ils se préoccupent ainsi des comportements individuels et collectifs ainsi que de la genèse des

décisions au sein de l’organisation. Ces comportements sont marqués par une rationalité

limitée de l’individu incapable de stocker et de traiter toutes les informations disponibles

(Joffre, 1989). L’approche béhavioriste de l’internationalisation de l’entreprise trouve alors sa

justification conceptuelle dans la forte personnalisation – l’effet d’égotrophie ainsi qualifié

par O. Torrès (1999) – qui caractérise l’entreprise de taille restreinte.

Or, dès les années quatre-vingt dix, de nombreuses contributions sur l’internationalisation de

l’entreprise ont souligné que cette approche de l’échange international devenait incompatible

avec les changements structurels subis : la plupart des marchés nationaux étant devenus

internationaux, les relations entre les acteurs d’un même secteur industriel sont de plus en plus

transfrontalières. Ce constat concerne aussi bien la production que les fonctions marketing et

commerciale de l’entreprise. Il en résulte qu’au sein des réseaux de production ou d’échanges

commerciaux, le degré de spécialisation augmente, la concurrence devient de plus en plus

rude et l’interdépendance des entreprises entre elles augmente en termes de compétences et de

ressources.

Ainsi, J. Bell (1995) montre que l’étude de l’internationalisation des entreprises informatiques

de taille restreinte ne peut pas omettre le rôle joué par les acteurs connectés à la PMI : l’étude

des relations d’échange de l’entreprise focale offre une conception plus dynamique, moins

déterministe et plus complexe du processus d’internationalisation. Elle permet, en outre,

d’expliquer le lien de confiance qui s’instaure entre la PMI exportatrice et des acteurs

localisés sur les marchés étrangers. Le principal résultat de son étude empirique est alors

l’incomplétude du modèle « Uppsala » pour comprendre le processus d’internationalisation

des PMI du secteur informatique.

1.2.2. L’importance de la contextualisation dans le cas de l’internationalisation des entreprises

sous-traitantes

Cette critique des modèles du processus d’internationalisation est largement partagée par PH.

Andersen, P. Blenker et PR. Christensen (1995) dans leur communication présentée au

86

Congrès international RENT IX et consacrée à l’élaboration d’un modèle théorique

d’internationalisation spécifique aux entreprises sous-traitantes. En raison de la nature de la

relation de sous-traitance, les auteurs déduisent que l’internationalisation des sous-traitants est

souvent initiée et/ou accompagnée par les donneurs d’ordres domestiques. Se présentent alors

au sous-traitant des opportunités d’internationalisation spécifiques via ses donneurs d’ordres

domestiques.

Dans cette perspective, les auteurs distinguent trois modalités d’internationalisation

exemplaires des entreprises sous-traitantes qu’ils se proposent de conceptualiser :

- L’internationalisation des sous-traitants dans le sillage des donneurs d’ordres

domestiques79 (1). Le fait qu’un donneur d’ordres domestique renforce ses activités à

l’international a une influence sur la relation de sous-traitance qui peut se manifester ainsi :

soit le donneur d’ordres remplace un sous-traitant domestique par un de ses concurrents

étrangers plus performant en termes de coûts et/ou de savoir-faire, soit il continue à travailler

avec le sous-traitant domestique qui devient alors un exportateur indirect (l’opération

technique sous-traitée étant incorporée dans un produit fini commercialisé à l’étranger), soit le

donneurs d’ordres sollicite le sous-traitant domestique afin qu’il l’accompagne sur les

marchés étrangers. Cette dernière situation, exigeant l’implantation d’une unité de production

à l’étranger, concernerait exclusivement les sous-traitants ayant, à la fois, une forte valeur

stratégique pour le donneur d’ordres et les ressources suffisantes pour s’implanter dans un

pays étranger.

- L’internationalisation par coopération avec des sous-traitants domestiques ou

internationaux80 (2). La coopération horizontale avec d’autres sous-traitants domestiques ou

étrangers ayant des savoir-faire complémentaires favorise le développement international des

PMI sous-traitantes et est accessible à toutes les entreprises sous-traitantes ; particulièrement

celles disposant de peu de ressources et/ou de compétences.

- L’internationalisation indépendante81 (3) correspond quant à elle au mode

d’internationalisation analysé par les modèles managériaux d’internationalisation de la firme

79 Traduction libre de « Internationalization by following domestic customers to the international market place ». 80 Traduction libre de « Internationalization through cooperation with domestic or foreign systems suppliers ». 81 Traduction libre de « Independent internationalization ».

87

et peut concerner l’ensemble des sous-traitants à condition qu’ils disposent des ressources

nécessaires pour établir seuls une relation d’affaires avec un client localisé à l’étranger.

Au terme de cette analyse, les auteurs ont cherché à déterminer quels étaient les sous-traitants

susceptibles de recourir à chacune des modalités d’internationalisation identifiées. Pour cela,

ils ont distingué les sous-traitants au regard de deux variables : le degré de coordination de

l’interface entre donneur d’ordres et sous-traitant et la complexité des opérations effectuées

par le sous-traitant. Ainsi, les sous-traitants pour lesquels la coordination interentreprises est

faible – indépendamment de la complexité des opérations – auraient principalement recours

aux modalités d’internationalisation (2) et (3), avec une préférence pour la coopération avec

d’autres sous-traitants. La modalité d’internationalisation (1) initiée par l’intermédiaire d’un

donneur d’ordres domestique, semblerait, quant à elle, tout particulièrement adaptée aux sous-

traitants détenant une compétence spécifique et stratégique pour le donneur d’ordres et pour

lesquels la relation de sous-traitance est étroite et stable. Ces sous-traitants auraient également

accès à l’internationalisation par coopération horizontale, modalité toutefois moins

avantageuse. En revanche, le recours à l’internationalisation indépendante serait rendu

difficile compte tenu des relations étroites qu’ils chercheraient à entretenir avec leurs

donneurs d’ordres.

Finalement, les sous-traitants engagés dans des relations de sous-traitance de type partenarial

avec leurs donneurs d’ordres domestiques – et détenant une compétence spécifique – se

trouveraient face à un éventail de modalités d’internationalisation plus large que les autres

sous-traitants.

Bien que les conclusions de cette contribution soient de nature normative et n’aient pas fait

l’objet de vérifications empiriques, elles demeurent particulièrement intéressantes pour la

recherche engagée. En effet, cette étude intègre de manière significative l’influence de la

relation de sous-traitance sur les modalités d’internationalisation des entreprises sous-

traitantes.

Plus généralement, les développements récents des travaux sur l’internationalisation des

entreprises de taille restreinte intéresse tout particulièrement notre recherche. Face à la

complexité du phénomène que nous étudions, nous considérons que la théorie de

l’internationalisation ne peut constituer qu’une grille de lecture partielle de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. Le recours à une conception moins

88

déterministe du processus d’internationalisation – proche de celle de D. Dalli – et étendue à

l’ensemble des relations de l’entreprise focale semble mieux adapté. Face à ces conclusions, il

convient désormais d’approfondir la contribution de la théorie des réseaux à l’étude de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

2. LA THEORIE DES RESEAUX

La théorie des réseaux industriels, développée dans les années quatre-vingt par le Groupe

IMP, privilégie l’interdépendance de l’organisation et de son environnement. Elle propose une

vision de la stratégie fondée, non plus sur l’affrontement, mais sur les comportements

coopératifs en milieu industriel. Cette théorie, dont les fondements et principes résultent

essentiellement d’une conception élargie du modèle d’interaction, est largement mobilisée

dans des recherches sur le processus d’internationalisation des entreprises. Elle offre ainsi une

grille d’analyse de l’internationalisation qui rompt avec l’approche mécaniste de la théorie de

l’internationalisation de la PMI (3.1). Cependant, l’exploration de ces deux théories conduit à

nous interroger sur l’apport de leur complémentarité à l’étude du processus

d’internationalisation des PMI sous-traitantes (3.2).

2.1. Une approche distincte des modèles séquentiels et mécanistes

Avec les bouleversements des relations entre entreprises indépendantes, se sont multipliés les

travaux en marketing utilisant la notion de réseau82 (Paché et Paraponaris, 1993 ; Bourgne,

82 Le cadre théorique des réseaux tel qu’il est utilisé en marketing constitue une longue liste d’emprunts à diverses sciences. Selon l’Encyclopaedia Universalis, (1999), le terme réseau a pour origine étymologique le mot retis qui signifie filet. À travers une longue filiation composée de rets, de résel (XIIe s.), de réseuil (XVe s.) et de réseul (XVIe s.), on parvient à réseau (XVIIe siècle, dictionnaire de Furetière) sans que le sens n’ait été altéré. Si le filet de l’Antiquité, composé de fils régulièrement entrelacés, servait à capturer certains animaux, le résel, le réseuil et le réseul (celui-ci désignant... un soutien-gorge) restent des tissus à mailles larges, et le réseau du XVIIe siècle est toujours un maillage textile. À partir du XVIIIe siècle, progressivement, la médecine s’empare métaphoriquement du réseau, d’abord pour décrire puis pour rendre compte du fonctionnement de l’organisme humain. Mais c’est le XIXe siècle qui consacre l’usage du terme réseau à travers son opérationnalisation technico-économique ; la métaphore réticulaire est alors au cœur de la pensée de l’Ecole saint-simonienne qui soutient l’idée qu’a priori tout peut être mis en relation avec tout et engendrer un mouvement de circulation des personnes, des biens, des capitaux, des idées, du savoir. Hors des domaines de la médecine, de l’aménagement du territoire, de l’économie des transports et de l’urbanisme – champs historiques d’application du concept – la notion de réseau a intégré, au XXe siècle, de nombreuses sciences dont les sciences de l’information ou encore les sciences sociales et humaines.

89

1998 ; Leyronas, 1999). La théorie des réseaux, issue des travaux du groupe IMP, envisage le

modèle d’interaction dans une perspective plus large, constituée non plus par la relation

bilatérale client-fournisseur mais par le réseau industriel d’acteurs connectés au fournisseur et

au client (Johanson et Mattsson, 1986, 1988 ; Spencer et Valla, 1989). Ainsi, la structure

créée par le réseau est appréhendée comme un ensemble de liens dyadiques interreliés

(Johannisson, 1987). Dans ce contexte, la relation client-fournisseur est largement déterminée

par de nombreux facteurs résultant de son intégration au sein d’un réseau d’acteurs constituant

les marchés industriels. Les marchés industriels sont caractérisés par un niveau élevé de

division du travail sous forme d’activités industrielles menées par les entreprises, acteurs

supposés indépendants. Ces activités, définies comme des séquences d’actions poursuivant un

objectif (Hakansson et Snehota, 1995), sont plus ou moins interdépendantes les unes des

autres et composent des filières industrielles.

Pour mener à bien ces activités industrielles, les entreprises doivent disposer de ressources83

(matières premières, énergie, composants, biens d’équipements, prestations de services,

savoir-faire, ressources humaines, financières, etc.), soit en interne – via des activités

productrices au sein de l’entreprise –, soit se les procurer en externe via la relation avec

d’autres organisations (Cova et Salle, 1992).

Le concept de réseau est apparu dans le langage du marketing et du management pour tenter de représenter une réalité collective plus complexe, plus interactive que le marché ne pouvait le faire. Il a été précédé par le concept de filière ou de secteur, notamment développé par M. Porter. Les tenants du marketing interactif, se référant à la définition du réseau proposée par les sociologues Cook et Emerson en 1978, appréhendent le concept de réseau industriel comme un ensemble de deux ou plusieurs relations d’échanges concurrentiels et coopératifs entre acteurs permettant la mobilisation de ressources en vue de réaliser des opérations interdépendantes (Axelsson et Easton, 1992 ; Forsgren et Johanson, 1992 ; Hakansson et Johanson, 1992). Parce qu’ils intègrent des relations d’échanges commerciaux, les réseaux, ainsi définis, diffèrent également des réseaux sociaux entendus comme une forme d’ordre social construit et partagé, créant une identité (Granovetter, 1983). Enfin, les réseaux industriels ne doivent pas être confondus avec les réseaux stratégiques définis par HB. Thorelli (1986). Cet auteur analyse le réseau comme un système de positions, occupées par les acteurs, et de liens entre ces positions. La position d’un acteur dans un réseau dépend , selon lui, essentiellement du pouvoir qu’il exerce sur les autres acteurs grâce à son poids économique, à la technologie qu’il détient, à l’expertise qu’il peut mobiliser, à la confiance qu’il inspire et à la légitimité qu’on lui reconnaît. Il se concentre alors exclusivement sur des réseaux organisés autour d’un acteur central détenteur du pouvoir, comme la franchise ou la sous-traitance. Appréhendés en ces termes, les réseaux stratégiques ne constituent, selon M. Forsgren et J. Johanson, qu’une partie des réseaux industriels. 83 Bien que privilégiant l’interdépendance des firmes, la théorie des réseaux ne doit pas être assimilée à la théorie de la politique de dépendance des ressources développée par J. Pfeffer et GR. Salancik (1978). Cette dernière offre en effet une autre perspective des relations inter-organisationnelles : la pérennité des organisations dépend de leur aptitude à acquérir et à maintenir les ressources nécessaires à leur survie. La théorie de dépendance des ressources insiste sur l’interface organisation-environnement mais en privilégiant l’analyse des actions de l’organisation étudiée mises en œuvre afin d’interpréter, de canaliser et d’organiser les informations émanant de son environnement. La divergence entre ces deux théories porte sur l’unité d’analyse retenue : l’entreprise pour la théorie de dépendance des ressources et le réseau constitué d’un ensemble de relations directes et indirectes pour la théorie des réseaux.

90

Par conséquent, l’entreprise n’est plus considérée comme une île (Hakansson et Snehota,

1990). La représentation de l’existence de la firme ne passe pas par l’atomisation, ni

l’autonomisation mais plutôt par l’ensemble des relations qu’elle entretient avec une série de

partenaires directs : clients, fournisseurs, concurrents, pouvoirs publics, etc.. Ses relations

directes sont elles-mêmes influencées par des relations indirectes – les partenaires avec

lesquels les partenaires directs ont des relations (Mattsson, 1985) – importantes au sein de

systèmes d’influence pouvant atteindre une grande complexité (Mazet et Spencer, 1991).

L’ensemble des relations directes et indirectes dans lesquelles une entreprise donnée est

impliquée constitue alors un réseau.

Dans une finalité d’action, le réseau est appréhendé comme un instrument, une manne de

ressources à contrôler, à la disposition d’un acteur organisationnel pour faciliter son

positionnement et optimiser sa stratégie via l’acquisition et le renforcement de son avantage

concurrentiel par rapport aux autres acteurs du réseau. Dès lors, la relation client-fournisseur

est influencée par les stratégies mises en œuvre par le client et le fournisseur en présence pour

établir, maintenir ou faire évoluer leur position respective au sein de leur réseau.

Les notions d’acteurs, de ressources et d’activités sont au cœur de la théorie des réseaux

(Hakansson, 1987 ; Hakansson et Johanson, 1992). Elles constituent une grille d’analyse

mettant l’accent sur quatre éléments : l’interdépendance fonctionnelle des activités, acteurs et

ressources ; la répartition des pouvoirs ; la répartition des connaissances et des informations

sur le réseau et la dépendance intertemporelle, le réseau étant le produit de son histoire. Or,

cette grille sert de fondement aux travaux qui utilisent l’ « approche réseau » afin de mieux

étudier leur champ de recherche. C’est le cas des contributions qui se focalisent sur

l’internationalisation des entreprises. L’aspect international du marketing industriel vient

significativement compliquer le contexte de la relation client-fournisseur en introduisant de

nouveaux acteurs, de nouvelles activités et de nouvelles ressources, et, par conséquent, en

multipliant les réseaux d’appartenance. Cette vue résulte d’une série d’observations

empiriques, souvent menées à l’aide d’études de cas descriptives, montrant que

l’internationalisation par réseau, loin d’être l’exception, est plutôt la règle dans les entreprises

européennes (Axelsson et Johanson, 1992).

Le modèle fondateur de l’internationalisation des entreprises selon l’approche réseau a été

développé par J. Johanson et LG. Mattsson (1986, 1988). Il repose sur une vision du mode

d’internationalisation de l’entreprise, et notamment du choix du mode d’entrée dans un pays

91

étranger, comme un processus en réseau. Dans cette perspective, l’internationalisation signifie

que l’entreprise développe des relations avec des acteurs concernés par l’activité de

l’entreprise à l’étranger. Autrement dit, le mode d’internationalisation est un processus par

prise de position dans le réseau d’acteurs locaux, situés à l’étranger, plutôt qu’un processus

séquentiel de décision.

S’inscrivant dans l’approche réseau, ces auteurs emploient indifféremment les termes de

« marchés » et de « réseaux » industriels. Par ailleurs, ils précisent que les frontières qui

délimitent un réseau (marché) industriel peuvent être techniques (au sens de filières de

production) ou géographiques. Ainsi, un réseau industriel international est constitué de sous-

réseaux d’acteurs locaux, situés à l’étranger, qu’ils qualifient de « sections nationales »

(« national sections »84).

Le point de départ de leur raisonnement est de montrer qu’en appliquant l’approche réseau,

l’entreprise peut s’internationaliser en établissant ou en développant ses positions dans les

sections nationales de son réseau industriel et cela selon trois voies : l’extension

internationale85 ; la pénétration internationale86 ou l’intégration internationale87. L’option que

peut choisir l’entreprise dépend alors du degré d’internationalisation de la firme et de son

marché (réseau). Sur un marché industriel donné, les atouts de l’entreprise diffèrent selon que

l’entreprise est fortement internationalisée ou pas. De même, les opportunités d’un marché

sont liées à son degré d’internationalisation plus ou moins élevé, un réseau industriel

fortement internationalisé signifiant qu’il existe de nombreuses relations entre les sections

nationales du réseau, contrairement à un réseau industriel faiblement internationalisé. En

conséquence, pour une entreprise donnée, les modes d’internationalisation varient selon

qu’elle se trouve sur un marché fortement ou faiblement internationalisé.

Les auteurs distinguent ainsi quatre situations (Figure 1.2.).

84 Cf. J. Johanson et LG. Mattsson, (1988), dans D. Ford, (1997 : 201). 85 L’entreprise se positionne dans des sections nationales d’un pays étranger d’où elle est absente. 86 L’entreprise choisit de développer davantage sa position dans des sections nationales où elle est déjà présente. 87 L’entreprise augmente la coordination entre les différentes positions qu’elle occupe déjà dans différentes sections nationales de différents pays.

92

Figure 1.2. Internationalisation et approche réseau : quatre situations de marketing international.

Degré d’internationalisation du marché

(1) « Early Starter »

(3) « Late Starter »

(2) « The Lonely International »

(4) « The International Among

Others »

Source : J. Johanson et LG. Mattsson, (1986 : 63).

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La situation (1) concerne des entreprises ayant peu de relations avec des entreprises étrangères

et étant localisées sur un marché domestique où les concurrents, les fournisseurs et les autres

entreprises ont également peu de contact avec des acteurs étrangers. Dès lors, ces entreprises

ont une faible connaissance des marchés étrangers et ne peuvent pas compter sur leurs

relations « domestiques » pour en obtenir. Elles commencent donc traditionnellement par

exporter vers des marchés de proximité, via des agents commerciaux, en utilisant des réseaux

existants, établis par d’autres qu’elles. La voie choisie est alors celle de l’extension

internationale. Cette situation nécessite des ressources afin d’accroître la connaissance du

marché étranger et de permettre les ajustements quantitatifs et qualitatifs avec des clients qui

n’ont pas l’habitude de travailler avec des fournisseurs étrangers. Elle concerne, par

conséquent, des entreprises performantes sur leur marché domestique.

Avec l’accroissement de leur engagement international, elles deviennent des « Lonely

International ». Dans la situation (2), les entreprises sont fortement engagées à l’international

et situées sur des marchés dont le degré d’internationalisation est faible. Possédant déjà une

expérience internationale, elles sont aptes à pénétrer plus facilement de nouveaux marchés et

à s’adapter à leurs spécificités. L’exploitation de cet avantage nécessite la coordination des

activités dans le ou les réseaux internationaux. L’intégration internationale est alors un aspect

important pour le développement de l’entreprise fortement internationalisée.

Les entreprises « Late Starter », dans la situation (3), entretiennent donc essentiellement des

relations indirectes avec des réseaux étrangers. Elles sont donc amenées à s’internationaliser

93

suite à l’initiative de leurs clients ou fournisseurs. Toutefois, l’introduction tardive sur les

marchés étrangers peut se révéler être un handicap par rapport aux concurrents déjà présents

et nécessite une forte capacité d’adaptation aux attentes des clients.

Parce qu’elles sont présentes sur plusieurs marchés étrangers, grâce à la mise en place de

stratégies d’extension et de pénétration, les entreprises concernées par la situation (4),

« International Amongst Others », utilisent leur position dans chaque section nationale pour

s’établir dans de nouveaux réseaux, et ainsi développer leur internationalisation. La condition

de réussite de leur internationalisation réside dans l’intégration internationale, non seulement

verticale au sens hiérarchique, mais également latérale, c’est-à-dire décentralisée.

Dans la lignée de ces travaux, se développent des contributions mobilisant l’approche réseau

pour étudier spécifiquement les modalités d’internationalisation des PMI. Une présentation

synthétique de trois de ces travaux est proposée dans le tableau 1.10.

Tableau 1.10. Trois travaux récents sur l’internationalisation des PMI selon l’approche réseau.

Références Objectifs de l’étude Méthodologie utilisée

Nummela, (1997)

Déterminer le rôle du réseau dans le processus d’internationalisation des PMI.

Etudes de cas de deux petites entreprises finlandaises : une entreprise de production et de commercialisation de charbon de bois et un sous-traitant en métallurgie.

Hertz et Mattson, (1998)

Décrire et analyser les aspects réseau du processus et des stratégies d’internationalisation des PME à vocation technologique.

Etudes de cas menées auprès de onze PME suédoises.

Holmlund et Kock, (1998)

Comprendre et décrire le processus d’internationalisation des PME dans une approche réseau.

Enquête par questionnaires menée auprès de 128 PMI finlandaises de moins de 250 salariés.

Ces contributions soulignent unanimement l’importance de l’assistance externe apportée par

les acteurs du réseau au développement international de la PMI pour acquérir les ressources

nécessaires à son développement international. Elles appellent trois remarques : la première

concerne les ressources (a), la deuxième les acteurs du réseau de la PMI (b) et la troisième le

lien entre ressources et stades du processus d’internationalisation (c).

94

Il est, tout d’abord, possible de regrouper les ressources (a), décrites dans ces trois travaux, en

quatre catégories, telles qu’elles sont présentées dans le Tableau 1.11.

Tableau 1.11. Les quatre catégories de ressources88. Ressource Description

Les produits Tout objet échangé entre des entreprises. Dans le cas des PMI, il s’agit de

matières premières, de composants ou de biens intermédiaires entrant dans le processus de fabrication du produit vendu au client étranger.

Les équipements Biens d’équipement et technologie utilisés pour produire ou transformer les produits de la PMI au niveau de la recherche-développement, la production, la qualité, l’assistance technique et la distribution.

Les unités de gestion Il s’agit de ressources immatérielles comprenant les compétences, les savoir-faire et l’expérience de la structure organisationnelle ainsi que les ressources financières.

Les relations d’affaires Il s’agit des liens résultant de l’interaction entre les différentes unités de gestion (internes et externes à la PMI). Les relations d’affaires sont explicitement considérées comme des ressources dans la mesure où elles peuvent être utilisées comme des outils stratégiques à la disposition de la PMI lors de son internationalisation.

Par ailleurs, la facilitation à l’internationalisation varie selon le type d’acteurs concernés (b).

Deux catégories d’acteurs sont identifiés : les acteurs engagés et les acteurs non engagés dans

la transaction. Les premiers correspondent aux clients et aux fournisseurs mais aussi à des

tiers comme les banques ou les sociétés de conseil dont l’intervention est plus ou moins

périphérique. Il s’agit des réseaux d’affaires. La seconde catégorie d’acteurs comprend les

autorités locales, les syndicats professionnels, les associations, les universités, etc. (les

réseaux institutionnels) qui peuvent représenter un intérêt majeur pour l’activité de la PMI. A

ces deux grandes catégories d’acteurs, N. Nummela ajoute celle des PMI domestiques ou

étrangères dont les activités sont complémentaires, et plus rarement concurrentes, de celles de

la PMI étudiée. Si l’ensemble des auteurs s’intéresse aux relations inter-organisationnelles de

la PMI, S. Hertz et LG. Mattson ainsi que M. Holmlund et S. Kock sont également attentifs

88 Tableau adapté de la typologie présentée par F. Ciabuschi dans sa communication au Congrès de l’IMP (2002 : 5) portant sur le processus d’internationalisation de l’entreprise Ericsson.

95

aux relations personnelles entretenues par le dirigeant ou le responsable export de la PMI (les

réseaux sociaux)89.

De l’analyse de ces travaux émerge un type d’acteurs dont l’influence sur

l’internationalisation des PMI est particulièrement forte : les clients domestiques de

dimension internationale qui peuvent initier (Holmlund et Kock) et/ou renforcer

l’internationalisation (Hertz et Mattsson ; Nummela).

En définitive, le processus d’internationalisation des PMI serait conditionné par les clients

domestiques, et non par la distance géographique et culturelle comme le postule le modèle

d’apprentissage à l’internationalisation.

Nous remarquons également que l’influence des clients dans le processus

d’internationalisation est largement significative dans l’étude de M. Homlund et de S. Kock.

Or, les soixante-quatorze PMI ayant recours à ce mode d’internationalisation (soit environ 58

% de l’échantillon) sont toutes des entreprises sous-traitantes travaillant soit pour des grandes

entreprises finlandaises d’envergure internationale (quarante cinq d’entre elles), soit pour des

filiales de multinationales étrangères (dix huit d’entre elles), soit pour les deux (onze d’entre

elles). De même, une des deux entreprises étudiées en profondeur par N. Nummela est une

PMI sous-traitante – réalisant 40% de son chiffre d’affaires avec le secteur automobile –

engagée à l’international.

Ce constat soulève le questionnement suivant : compte tenu de la nature de la relation de

sous-traitance industrielle, l’internationalisation dans le sillage d’un client ne constituerait-elle

pas la modalité d’internationalisation principalement mise en œuvre par les entreprises sous-

traitantes, comme l’ont suggéré PH. Andersen, P. Blenker et PR. Christensen (1995) ?

Le mode d’internationalisation par coopération avec des PMI locales pour conquérir des

clients situés en dehors du territoire national est moins développé (Homlund et de Kock ;

Nummela). Il concerne 29 % des PMI observées par M. Homlund et S. Kock.

89 Signalons que B. Johannisson (1987) qui s’intéresse de manière plus exclusive à la petite entreprise naissante et en développement, adopte une conception élargie du réseau et étudie trois types de réseaux : les réseaux de production (équivalents aux réseaux d’affaires) qui ont pour unités d’analyse l’organisation, les transactions et les contrats intra et inter-firme ; les réseaux personnels, tissés sur l’amitié et la confiance que le dirigeant développe avec ses pairs, amis et connaissances et les réseaux sociaux fondés sur des liens informels, là encore établis par le dirigeant avec les institutionnels et les consultants.

96

Enfin, ces travaux montrent que les ressources varient selon le stade du processus

d’internationalisation considéré (c) et induisent le choix de la modalité d’internationalisation

mise en œuvre. Ainsi, en phase de pré-exportation, il semble que le réseau social (Holmlund

et Kock) et le réseau institutionnel (Nummela) soient tout particulièrement sollicités. En effet,

durant cette phase, les PMI cherchent avant tout à acquérir des informations sur les marchés

étrangers. En revanche, N. Nummela constate que les différents services et programmes

gouvernementaux d’aide à l’exportation sont faiblement utilisés par les PMI, les dirigeants

leur reprochant d’être mal coordonnés. En outre, les aides gouvernementales ne contribuent

pas à aider les PME exportatrices à trouver des partenaires pour faire face à la concurrence.

Finalement les résultats de ces contributions s’accordent sur la nature trop complexe,

dynamique, interactive et discontinue du processus d’internationalisation des PMI pour être

justement appréhendée par le modèle mécaniste tel qu’il a été décliné par W. Bilkey et G.

Tesar (1977), ST Cavusgil (1980) et MR. Czinkota (1982). Ils renforcent nos doutes sur la

portée analytique et opérationnelle des modèles du processus d’internationalisation séquentiel

et mécaniste pour étudier l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

2.2. La question de la complémentarité de l’approche réseau et des modèles séquentiels

du processus d’internationalisation

Les récents écrits sur l’internationalisation des entreprises tendent à privilégier la

complémentarité des deux approches plutôt que leur antagonisme.

Comparant leur propre modèle à celui d’Uppsala, J. Johanson et LG. Mattsson (1988)

considèrent que le second est mieux adapté aux situations où le marché est faiblement

internationalisé. En effet, les entreprises ayant servi de base empirique à l’élaboration du

modèle d’Uppsala (Johanson et Wiedersheim-Paul, 1975 ; Johanson et Vahlne, 1977) étaient

généralement en situation de « Early Starter ». Le modèle avait donc pour objectif de décrire

et expliquer cette situation d’internationalisation ainsi que le passage de la situation de « Early

Starter » à celle de «The Lonely International ».

Par contre, dans les situations où le degré d’internationalisation du marché est fort – « Late

Starter » et « International Amongst Others » –, l’approche réseau de l’internationalisation est

plus performante : dans le premier cas, en raison du rôle central des relations internationales

indirectes dans le processus d’internationalisation de l’entreprise faiblement engagée à

97

l’international, dans le second cas en raison du positionnement de l’entreprise, de ses

partenaires et de ses concurrents dans de nombreuses sections nationales.

Finalement, les deux approches – séquentielle (qui sous-tend le modèle d’apprentissage à

l’internationalisation) et réseau – de l’internationalisation des entreprises industrielles

insistent l’une et l’autre sur la nature cumulative des activités de la firme, la première étant

centrée sur le développement interne de la connaissance des marchés étrangers et des autres

ressources, tandis que la seconde se focalise sur les relations entre acteurs concernés par les

activités de l’entreprise à l’étranger ainsi que sur leurs positions relationnelles. En

conséquence, J. Johanson et LG. Mattsson estiment que les deux approches peuvent être

complémentaires dans les situations de faible internationalisation de l’entreprise et de son

marché. L’approche réseau, toutefois, reste supérieure dans les situations où le degré

d’internationalisation du marché est élevé, quel que soit le degré d’internationalisation de la

firme.

S’inscrivant dans cette perspective, J. Bell (1995), mais aussi NE. Coviello et HJ. Munro

(1997), préconisent la complémentarité des deux champs théoriques pour l’étude de

l’internationalisation des PMI informatiques. Plus récemment, A. Laine et S. Kock (2000)

proposent de tester simultanément, à partir d’une enquête par questionnaires auprès de

soixante cinq PME finlandaises, le modèle Uppsala et le modèle réseau développé par J.

Johanson et LG. Mattsson. Toutefois, ces auteurs regrettent de n’avoir pas pu examiner

suffisamment le réseau des entreprises observées et pensent qu’une étude qualitative

ultérieure serait en mesure de remédier à cette limite de leur contribution. Plus généralement,

TK. Madsen (1994) invite les chercheurs à revisiter le processus d’internationalisation de la

PMI en combinant l’analyse des caractéristiques managériales de l’entreprise issues de la

théorie de l’internationalisation aux résultats des travaux s’inscrivant dans la théorie des

réseaux.

98

L’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises reste un phénomène mal connu des

chercheurs en gestion. Dans ce contexte nous avons tenté d’opérer un lien entre la littérature

sur la sous-traitance industrielle et la théorie de l’internationalisation des PMI et la théorie des

réseaux. L’exploration théorique établit l’opportunité d’associer ces deux théories car,

seules, elles ne permettent pas d’analyser le phénomène d’internationalisation de la

PMI sous-traitante dans sa globalité.

L’approche béhavioriste de l’internationalisation des PMI constitue une grille d’analyse pour

décrire les séquences du processus d’internationalisation tout en privilégiant l’acquisition

interne des ressources nécessaires au développement international de la PMI. L’intérêt de

l’approche réseau réside dans le fait d’intégrer à l’analyse des modalités du développement

international de l’entreprise, l’influence des acteurs de son réseau et, plus particulièrement,

des donneurs d’ordres dans le cas qui nous intéresse. Dans la recherche, le réseau sera

appréhendé selon les deux cas de figure recensés par G. Paché (1991, 1996) : le réseau

« centré », représenté par une firme leader externalisant des opérations productives auprès de

partenaires, souvent des PME, et le réseau « fédéré » s’appuyant sur l’association de PME

complémentaires les unes des autres participant conjointement à l’élaboration d’un produit ou

d’une opération technique.

Finalement, le développement international de la PMI sous-traitante doit être appréhendé

comme un processus d’acquisition de ressources, en interne et en externe, à même de créer le

potentiel et les conditions nécessaires à la satisfaction d’un donneur d’ordres étranger et à la

mise en œuvre d’une relation de STI.

Au delà de ce résultat, la revue de la littérature laisse en suspens des questionnements. Le

premier concerne la définition de la qualité « internationale » de la sous-traitance dans les

pays industrialisés. Le second porte sur les modalités d’internationalisation effectivement

mises en œuvre par les PMI sous-traitantes françaises et plus spécifiquement sur l’influence

de l’intervention des donneurs d’ordres. Ce constat a guidé notre choix de réaliser une étude

exploratoire empirique afin d’approfondir notre connaissance du phénomène étudié. Les

enseignements de cette étude exploratoire sont présentés dans le chapitre suivant.

99

CHAPITRE 2

CONTRIBUTION D’UNE ETUDE EXPLORATOIRE A LA

FORMULATION DE QUESTIONS DE RECHERCHE

100

INTRODUCTION DU CHAPITRE 2

L’objet de notre recherche est la compréhension en profondeur de l’internationalisation des

PMI sous-traitantes françaises. Notre volonté est de comprendre, plus que ne le permet la

littérature, comment les entreprises étudiées, compte tenu de leur qualité de sous-traitants et de

leur taille restreinte, s’engagent à l’international. En effet, le cadre conceptuel de la recherche,

défini par la mise en relation entre les principales théories de la sous-traitance et celles de

l’internationalisation des entreprises, laisse de nombreuses questions en suspens.

Face à ce phénomène encore mal connu de la littérature en gestion, il nous est apparu

indispensable de conduire une étude exploratoire ; l’objectif étant d’acquérir une vision aussi

complète que possible des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes françaises, de

préfigurer le design de la recherche et de préparer la conduite de notre terrain d’investigation

ultérieur.

Le déroulement de notre étude exploratoire ainsi que des mobiles ayant présidé notre choix d’y

recourir (Section 1) seront suivis de la présentation des résultats obtenus (Section 2).

L’exploration conceptuelle et théorique enrichie des enseignements de notre étude exploratoire

conduit à la formulation d’un certain nombre de questions de recherche.

101

SECTION 1 – NECESSITE ET MODALITE D’UNE ETUDE EXPLORATOIRE

PREALABLE

Une fois les raisons ayant motivé notre choix de réaliser un travail exploratoire présentées (1),

la réalisation de cette pré-étude – première séquence d’investigation empirique de notre

stratégie de recherche – est décrite (2).

1. LES RAISONS DE CE CHOIX

L’objectif assigné à notre étude exploratoire est triple. Il s’agit d’améliorer notre connaissance

de l’univers complexe de la sous-traitance industrielle appréhendée dans un contexte

international (1.1), puis de repérer en quoi l’internationalisation des entreprises sous-traitantes

de petite et moyenne taille se distingue de celle des PMI non sous-traitantes (1.2). Enfin,

l’étude exploratoire doit aider au développement des instruments de mesure (1.3) qui seront

utilisés dans les phases ultérieures de notre stratégie de recherche.

1.1. Revisiter le concept de sous-traitance internationale

La sous-traitance internationale (STI) que nous étudions est celle qui s’instaure entre une

PMI sous-traitante et un donneur d’ordres, tous deux étant situés dans des pays industrialisés

différents. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les développements de la

théorie de la STI « pure » offrent des définitions dont l’adéquation au champ de la STI que

nous étudions mérite d’être approfondie.

En outre, la revue de la littérature sur la sous-traitance souligne l’absence de typologies

opérationnelles de la STI dans les pays industrialisés ; les chercheurs et les organismes

internationaux n’ont pas distingué fondamentalement cette forme de STI de la sous-traitance

nationale dans la mesure où elle s’établit dans des pays aux structures économiques et aux

cultures voisines. Contrairement à la STI « pure », la nature des relations, leurs causes, leur

typologie, les mobiles généraux des acteurs ne semblent pas présenter de différences majeures

avec la sous-traitance domestique pour les observateurs (Carle, 1981). Cependant, les

102

motivations qui sous-tendent le recours à la STI dans les pays occidentaux1, recensées par M.

Carle dans sa thèse de doctorat en sciences de gestion (consacrée à la dynamique de

l’impartition dans le développement international de la firme industrielle), n’ont de raison

d’être que dans un contexte international. Outre le dynamisme du sous-traitant étranger, ces

motivations peuvent être, soit l’existence d’une région présentant une tradition technique

particulière (mécanique de précision en Franche-Comté, décolletage en Savoie, injection de

plastique dans le Jura, techniques de l’aéronautique dans le Sud-Ouest, etc.), soit la recherche

d’avantages économiques découlant d’un coût plus bas des facteurs de production.

De même l’analogie entre STI et sous-traitance domestique fait abstraction de la distance

culturelle – et par conséquent du concept d’atmosphère de la relation tel qu’il est développé

par les chercheurs en marketing interactif – et de son incidence sur la naissance et le

développement de la relation dyadique entre le sous-traitant et le donneur d’ordres étranger.

Dans ces conditions, l’étude exploratoire vise deux sous-objectifs : positionner le concept de

STI au regard des définitions de la STI « pure » et définir les contours exacts de la qualité

« internationale » de la sous-traitance étudiée. La définition de la STI que nous retiendrons,

fondement indispensable à la compréhension de l’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises, s’articule autour des questionnements suivants :

- Quels sont les contours de la STI dans les pays industrialisés ?

- Quelle est la nature exacte des acteurs impliqués dans cette relation de STI ?

Autrement dit, dans quelle mesure existe-t-il une frontière étanche entre :

o STI et fourniture internationale ;

o STI et multinationalisation ?

- Quels sont les critères qui permettent de distinguer la STI de la sous-traitance

nationale ?

Autrement dit, faut-il retenir le critère de la nationalité et/ou celui de la localisation

géographique ? Ces deux critères concernent-ils le donneur d’ordres et/ou le client final

auquel est destiné le produit ?

1 Forme de sous-traitance qualifiée par M. Carle (1981) de STI « Ouest-Ouest » (STIO).

103

1.2. Repérer les caractéristiques de l’internationalisation des PMI sous-traitantes

Les quelques contributions portant exclusivement sur le développement international des

entreprises de sous-traitance retiennent différents angles d’approches.

Celles de N. Hovi (1992 et 1994) et de F. Thérin (1995) s’inscrivent dans une approche

stratégique de l’internationalisation des entreprises sans tenir compte de la nature spécifique

de la relation de sous-traitance telle que nous l’avons décrite dans le chapitre précédent. Ainsi,

ces auteurs appliquent aux PMI sous-traitantes étudiées des grilles de lecture destinées

initialement à l’étude de l’internationalisation des entreprises de taille restreinte.

La recherche de N. Hovi se focalise sur la coopération horizontale avec d’autres sous-traitants

pour conquérir des clients étrangers. Après une enquête par questionnaire décrivant

l’engagement international des sous-traitants finlandais, l’auteur se propose d’explorer en

profondeur, à partir d’une étude de cas monographique, les avantages et les inconvénients de

cette coopération à l’international. Considérant a priori des similitudes entre la coopération

horizontale des sous-traitants et la coopération verticale entre les acteurs d’un circuit de

distribution, elle emprunte le modèle de GL. Frazier (19832) qui appréhende la coopération

comme un processus d’échange comportant quatre phases : la phase d’initiation, la phase

contractuelle, la phase d’exécution et celle de bilan. Les résultats de son étude de cas d’une

coopération horizontale, visant à fournir à l’industrie européenne des sous-ensembles qui

résultent du développement d’un savoir-faire commun à quatre PMI sous-traitantes

finlandaises, soulignent les avantages de cette modalité d’internationalisation.

Sans nier l’intérêt des résultats ainsi obtenus, il convient toutefois de remarquer qu’ils sont

généralisables à l’ensemble des coopérations de PME/PMI, telles qu’elles sont décrites par

exemple dans l’article de D. Belet (1999) sur les démarches marketing collectives des PMI

sur les marchés industriels.

La contribution de F. Thérin s’intéresse, quant à elle, aux caractéristiques des PMI sous-

traitantes de l’industrie aéronautique en Midi-Pyrénées engagées à l’international. Son

objectif est de mettre en valeur les relations entre l’implication à l’exportation des entreprises

2 Frazier, GL., (1983), Interorganizational Exchange Behavior in Marketing Channels : a Broadened Perspective, Journal of Marketing, vol. 47, n°14, pp 68-78.

104

étudiées et cinq variables caractéristiques de leur structure : la taille, la performance

financière, la productivité, la diversification en termes de savoir-faire et de clientèle et

l’innovation. Les résultats de l’étude ont révélé l’existence d’une relation entre l’implication à

l’exportation et la taille mais également avec la diversification de la clientèle. Il semblerait

que les entreprises sous-traitantes étudiées qui réussissaient à s’internationaliser durablement

aient été plutôt des entreprises de taille moyenne dont les débouchés commerciaux se

limitaient à un nombre restreint de secteurs. Au regard des caractéristiques structurelles

retenues par l’auteur, les entreprises sous-traitantes ont été étudiées sans que soit mentionnée

leur spécificité.

Cette étude exploratoire offre un éclairage intéressant sur l’engagement international des

sous-traitants français de l’aéronautique. Elle s’apparente à l’ensemble des travaux, recensés

par K.J. Miesenbock (1988) et N.E. Aaby et S.F. Slater (1989), sur les facteurs explicatifs de

la performance à l’internationalisation de la PME. Toutefois, elle ne souligne pas la nature de

la relation de sous-traitance et l’influence éventuelle qu’elle peut avoir sur l’implication du

sous-traitant à l’exportation.

A notre connaissance, seule la recherche de PH. Andersen, P. Blenker et PR. Christensen

(1995), présentée dans le chapitre 1, propose une exploration théorique du champ de la sous-

traitance et de celui de l’internationalisation des entreprises. Elle met en exergue l’influence

des donneurs d’ordres sur la stratégie d’internationalisation des entreprises sous-traitantes.

Bien qu’étant particulièrement intéressante pour notre recherche, cette contribution reste de

nature normative.

Dans ces conditions, nous souhaitons explorer empiriquement les différentes modalités

d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises afin de déterminer plus

particulièrement l’influence des donneurs d’ordres et mettre ainsi en relief la spécificité du

phénomène étudié.

1.3. Préparer l’enquête par questionnaire

La construction de notre recherche procède par allers-retours entre le matériau empirique

recueilli et la théorie. C’est au cours de l’étude exploratoire que notre démarche

méthodologique a ainsi été élaborée. L’intérêt de repérer les différents types de modes

105

d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises à l’aide d’un questionnaire s’est peu

à peu imposé à nous. C’est pourquoi la préparation de l’enquête par questionnaire est devenue

un des objectifs de notre étude exploratoire ; l’idée selon laquelle les entretiens exploratoires

sont indiqués en début d’enquête pour préparer un questionnaire étant largement admise

(Blanchet et Gotman, 1992 ; Evrard et al., 1997).

Outre la réalisation du questionnaire, notre but était la recherche d’une base de données fiable

et l’identification des opportunités et contraintes du dispositif de collecte par questionnaire

auprès des PMI sous-traitantes françaises. En effet, nous avions dès le début de la recherche

constaté l’absence de fichiers répertoriant l’ensemble des PMI sous-traitantes françaises

engagées à l’international.

Face à ce constat, nous avons souhaité nous entretenir avec un expert de la sous-traitance

industrielle ayant l’expérience des enquêtes par questionnaire auprès de la population étudiée.

L’approche du terrain étant développée dans le contexte d’une exploration hybride, nous ne

sommes pas en mesure de restituer en l’état le cheminement chronologique de la recherche.

Ainsi, les principaux résultats de l’étude exploratoire qui débouchent sur la formulation

de nos questions de recherche sont présentés dans ce deuxième chapitre. En revanche,

ceux ayant trait spécifiquement à la réalisation de l’enquête par questionnaire seront

développés lors de la présentation du cadre d’investigation de notre étude quantitative

dans le chapitre 3 de la thèse.

2. LE DEROULEMENT DE L’ETUDE EXPLORATOIRE

L’étude exploratoire a été scindée en deux vagues : la première en 1996 (2.1) avait pour

vocation d’explorer l’univers de la sous-traitance industrielle domestique et internationale, la

seconde en 1998 lors du vingt-huitième Salon du MIDEST (2.2) a permis de préciser notre

compréhension des modalités d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises et de

préparer l’administration du questionnaire. Par ailleurs, elle repose sur la collecte et l’analyse

d’informations émanant de deux principales sources : des informations primaires obtenues

grâce à des entretiens auprès d’experts et d’informateurs clés et des informations secondaires

issues de deux rapports professionnels.

106

2.1. Une première phase : examiner l’univers de la sous-traitance internationale

En 1996, les entretiens se sont déroulés en deux étapes successives.

Au premier semestre, nous avions identifié un expert local. Après une prise de rendez-vous par

téléphone, Monsieur Muskens, alors Chargé de Mission « Mécanique Sous-traitance

Aéronautique » à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux (CCIB), nous a accordé

un entretien d’une durée approximative d’une heure et demi. Suite à cet entretien, nous avons

pu assister à une réunion qui réunissait, à la CCIB, la Direction de l’Usine FORD Blanquefort

et ses sous-traitants locaux pour la présentation du Projet FORD 2000. Dans la semaine qui a

suivi cette réunion, nous avons pris contact avec Monsieur Meziani, alors responsable achat du

site FORD Blanquefort qui nous a accordé un entretien téléphonique au cours duquel il nous a

expliqué les incidences du projet FORD 2000 sur les sous-traitants de la région. Cet entretien a

fait l’objet d’un article qui a été publié dans la Revue Internationale de l’Achat, revue interne

de Bordeaux Ecole de Management (Barbat, 1996).

En outre, l’entretien avec Monsieur Munskens a permis l’identification d’un expert de la sous-

traitance industrielle, de renommée nationale et européenne, Monsieur Germano, alors Délégué

Général du RIOST, qui suite à un premier contact téléphonique nous a accordé un entretien

d’environ une heure dans les locaux de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pau.

Ces trois entretiens non directifs, ayant lieu en début de recherche, avaient pour objectif

principal de mieux appréhender la réalité de la sous-traitance en France ainsi que son

développement international. En outre, ils nous ont permis d’être présent sur le Salon Alliance

Sud qui s’est déroulé du 24 au 27 septembre 1996 au Parc des Expositions de Bordeaux.

Un deuxième entretien, dont l’un des objectifs était d’affiner plus précisément la distinction

entre STI directe et STI indirecte, a été réalisé auprès de W. Muskens, lors du Salon Alliance

Sud.

La seconde étape était l’entretien avec des représentants de PMI sous-traitantes françaises

engagées à l’exportation, présentes sur le Salon Alliance Sud. Nous avons pu interroger neuf

représentants d’entreprises (dirigeants ou cadres commerciaux) pour lesquelles le guide de

l’acheteur du Salon indiquait une ouverture à l’export.

107

Parmi celles-ci, trois se sont révélées ne pas être directement exportatrices lors de l’entretien :

l’une ayant exporté mais n’exportant plus depuis 1995, l’autre n’exportant pas directement

mais indirectement en Espagne via un donneur d’ordres français et enfin la dernière

n’exportant pas et n’ayant jamais exporté directement ou indirectement !

Une quatrième entreprise, affichant un taux d’exportation de 5 % pour l’année 1995, s’est

avérée être une filiale d’un grand groupe français.

Les cinq dernières PMI sous-traitantes, autonomes juridiquement, affichaient en 1995 un

chiffre d’affaires à l’exportation relativement faible – situé entre 5 et 10 % – : le Salon

Alliance, de dimension nationale, n’ayant pas pour vocation d’attirer les sous-traitants les plus

engagés à l’international.

En raison de la diversité des cas rencontrés et de leur intérêt pour la délimitation exacte de

notre champ de recherche, les entretiens ont inévitablement pris une forme non directive.

Les apports de cette exploration liminaire ont été indéniables. Celle-ci a largement contribué à

la délimitation de notre univers de recherche grâce à l’acquisition du vocabulaire technique, à

la compréhension de la réalité des différents métiers de la sous-traitance industrielle française

ainsi que de son développement international. Autant d’informations qui ont permis une

meilleure compréhension des concepts de sous-traitance industrielle et sous-traitance

internationale, des caractéristiques de la relation de sous-traitance, des différences entre sous-

traitance et fourniture industrielle tant au plan domestique qu’international. Par ailleurs, cette

phase d’exploration a été l’occasion pour nous d’identifier les principaux acteurs institutionnels

de cet univers : RIOST, Chambres de Commerce et d’Industrie, Bourses de Sous-traitance,

Syndicats professionnels, Conseils régionaux et généraux.

2.2. Une seconde phase : préfigurer les modalités d’internationalisation des PMI sous-

traitantes françaises

En 1998, quatre entretiens semi-directifs, enregistrés sur bande audio après accord de

l’interviewé, ont eu lieu lors du Salon international du MIDEST qui s’est déroulé du 30

novembre au 4 décembre à Paris-Nord Villepinte.

Deux rendez-vous avaient été pris téléphoniquement un mois avant le Salon avec des experts

identifiés lors de notre entretien avec Monsieur Germano. Il s’agissait de Monsieur Delmotte,

108

Secrétaire Général du GIST3 , et de Monsieur Coué, journaliste spécialisé dans la sous-

traitance industrielle qui a publié de nombreux articles sur la sous-traitance dans la revue

« L’Usine Nouvelle ». Le guide d’entretien comportait trois thèmes majeurs : les

caractéristiques de la sous-traitance industrielle, les stratégies d’internationalisation des PMI

sous-traitantes françaises et, enfin, les modalités de mise en œuvre de l’enquête par

questionnaire.

Deux autres entretiens ont eu lieu, sans prise de rendez-vous préalable, avec les dirigeants de

deux PMI sous-traitantes exportatrices présentes sur le Salon qui ont pu nous accorder, pour

chacun une demi-heure de leur temps. L’entretien s’articulait autour de quatre thèmes

principaux : la présentation de l’entreprise, l’historique du développement international, les

acteurs éventuels intervenus dans le processus d’internationalisation et les difficultés

rencontrées.

Les cinq entretiens menés en 1998 ont été analysés selon les thèmes prédéfinis dans les guides

d’entretien ; nous avons réalisé ce que AM. Huberman et MB. Miles (1991, 2003) nomment

des « fiches de synthèse d’entretiens ».

Cette seconde phase a permis de repérer les principaux acteurs susceptibles d’influencer

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises et de préfigurer les modalités de leur

intervention mais aussi de préparer le questionnaire grâce à la collecte d’annuaires de sous-

traitance et l’identification des opportunités et des contraintes empiriques du dispositif de

collecte par questionnaire.

Les entreprises ayant participé à l’étude et leurs caractéristiques générales sont présentées dans

le tableau 2.1. Afin de garantir la confidentialité assurée lors des entretiens, les noms des

sociétés ont été remplacés par des lettres de l’alphabet suivis d’un chiffre, en indice,

correspondant à l’année de l’interview.

3 Groupement Intersyndical de la Sous-Traitance mécanique.

109

Tableau 2.1. Description des entreprises composant l’échantillon de l’étude exploratoire.

Société Effectif Chiffre d’affaires à l’export en

1995 ou 1997 (%)

Activités Fonction de la personne

interviewée

A96 35 5 Marquage laser de la pièce unitaire à la grande série quelle que soit la matière (bois, métaux, plastique)

Responsable export

BB96 13 5 Bureau d’étude, production, réalisation de pièces plastiques prototypes usinées. Moules d’injection, prototypes en aluminium.

Directeur général

C96 50 0 Etude et réalisation en tôlerie industrielle de précision. Racks, baies, coffrets, armoires, platines, châssis mécano-soudés du prototype à la série.

Directeur général

D96 36 10 Usinage, mécanique de précision. Fabrication d’outils complets pour forages pétroliers. Usinage, montage et essais.

Responsable commercial et

export

E96 35 10

Câblage filaire, électro-mécanique, électronique, études (CAO) électroniques et réalisations. Automate à programmation simplifiée.

Directeur général

F96 146 5 Produits et systèmes de transmission de la voix, des données et de l’image. Fabrication pour des besoins propres et pour des tiers de composants, cartes et sous-ensembles électroniques.

Responsable commercial et

export

G96 117 0 Traitements de surface, peintures liquides et poudres. Usinage chimique aluminium et acier. Polissage, sablage, microbillage, marquages, montages, contrôles.

Responsable commercial

H96 10 0 Reconstruction de machines outils à commandes numériques, robotique, automatisme, machines spéciales.

Responsable commercial

I96 23 2 Marquage et découpe . Directeur général

J98 50 15 Injection moulage, transfert moulage, Vulcanisation de caoutchoucs sur métaux.

Directeur général

K98 30 10 Usinage de pièces cylindriques longues Directeur général

110

Parallèlement aux entretiens, nous avons pris connaissance de deux rapports d’experts, l’un

sur le portage, l’autre sur les alliances entre PME :

- Le rapport intitulé « Le portage : une technique d’internationalisation »4, avait pour

objectif d’examiner « (…) les conditions dans lesquelles les grands groupes pourraient

s’associer aux efforts de la collectivité nationale, en facilitant l’essaimage des PME et le

portage de leur implantation à l’étranger, notamment dans les marchés de nouveaux pays

industrialisés. Les relations entre les grandes entreprises et les PME à l’exportation y sont

recensées et analysées, et ce à partir de la sous-traitance jusqu’aux différentes formes de

partenariats. »5.

- Le second rapport intitulé « L’alliance : un projet moteur – guide méthodologique des

entreprises de sous-traitances et PMI » (1995)6 a été réalisé dans le cadre d’une convention

entre le ministère de l’Industrie et l’Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et

d’Industrie. La maîtrise d’ouvrage de ce document, dont l’objectif initial était de proposer une

approche concrète des stratégies d’Alliance ainsi que des outils pratiques nécessaires à leur

réalisation, a été prise en charge par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon (CCIL)

et réalisée avec le concours du Cabinet de Conseil ERNST & YOUNG Entrepreneurs de

Lyon.

Cette étude exploratoire préalable s’est imposée à nous dans la mesure où la sous-traitance

industrielle internationale est une réalité difficile à cerner et encore mal connue. Outre la

clarification conceptuelle, elle avait aussi pour but de fixer les axes prioritaires à approfondir

dans la suite de notre travail de compréhension du processus d’internationalisation des PMI

sous-traitantes françaises7 et de nous guider dans la réalisation opérationnelle de notre

enquête par questionnaire8.

Les quinze entretiens et les deux rapports d’experts ont fait l’objet de fiches de synthèse selon

le modèle préconisé par AM. Huberman et MB. Miles (1984, 2003). Elles consistaient en une

feuille simple comportant une série de questions visant à résumer l’entretien ou le document.

4 Dassault, O., (1994), Le portage : une technique d’internationalisation des PME, Rapport de la Mission Parlementaire de M. Olivier Dassault, mars-octobre. 5 Lettre n° 677/94/SG du Premier Ministre E. Balladur au Député de l’Oise O. Dassault, dans Dassault, O., (1994), op. cite. 6 Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon, (1995), L’alliance : un projet moteur – guide méthodologique des entreprises de sous-traitances et PMI, 66 p. 7 dont les résultats sont restitués la section 2 du présent chapitre. 8 La partie des résultats ayant contribué à la réalisation empirique de l’enquête par questionnaire est exposée, quant à elle, dans le chapitre 3.

111

SECTION 2 – LES IMPLICATIONS DE L’ETUDE EXPLORATOIRE

Les résultats de l’étude exploratoire ont largement influencé nos décisions concernant le

positionnement du concept de sous-traitance internationale (STI) dans la recherche (1) et la

formulation de nos questions de recherche, expression plus précise et opératoire de notre objet

de recherche (2). Des extraits des entretiens réalisés auprès des experts et des cadre-dirigeants

ainsi que des exemples issus des rapports d’experts dont nous disposions viennent illustrer

chacun des résultats obtenus9.

1. LE POSITIONNEMENT DU CONCEPT DE SOUS-TRAITANCE INTERNATIONALE

Les informations collectées lors de l’étude exploratoire concourent à cerner la PMI engagée à

l’international. Il est alors possible de délimiter notre champ d’investigation (1.1) à l’étude

d’une seule forme de sous-traitance internationale (STI), celle où une PMI sous-traitante

localisée en France exécute une opération de sous-traitance pour le compte d’une entreprise

indépendante située dans un autre pays industrialisé. Elle s’inscrit dans une conception stricte

de la dimension internationale (1.2).

1.1. La délimitation du champ de la sous-traitance internationale

Les typologies de la STI pure soulèvent deux questionnements sur lesquels il convient de

prendre position afin de délimiter le champ de la STI étudiée : la distinction entre STI et

fourniture internationale (1.1.1), d’une part, et STI et multinationalisation (1.1.2), d’autre part.

1.1.1. La distinction entre sous-traitance internationale et fourniture internationale

Comme nous l’avons souligné dans le paragraphe précédent, S. Watanabe (1980), C.

Berthomieu et A. Hanaut (1980, 1983), contrairement à CA. Michalet (1980), ne tracent pas

de frontière précise entre STI et fourniture internationale dans la mesure où ils intègrent ce

9 Nous avons choisi de les distinguer visuellement du corps du texte à l’aide d’un double trait vertical apposé dans la marge gauche.

112

qu’ils appellent la sous-traitance commerciale10 dans leur typologie respective. Cette

conception extensive de la STI ignore l’opposition que nous avons observée dans les

définitions de la sous-traitance industrielle – dont celle de la sous-traitance élargie retenue par

le SESSI, entre sous-traitance et fourniture –, opposition qui participe pourtant à l’apparition

de la spécificité de la relation de sous-traitance. Dans ces conditions, nous choisissons

d’exclure de notre champ d’investigation les cas de STI commerciale.

Cependant, nous avons pris pleinement conscience de la difficulté de tracer une frontière

étanche entre STI industrielle et STI commerciale au cours de la première phase de notre

étude exploratoire réalisée en 1996. En effet, les entretiens que nous avons eus avec les

dirigeants de deux des PMI sous-traitantes présentes sur le Salon Alliance Sud ont révélé que

les relations s’instaurant entre une PMI sous-traitante française et ses donneurs d’ordres situés

à l’étranger peuvent être exclusivement des relations de fourniture, et non de sous-traitance

industrielle. Autrement dit, bien qu’ayant une activité majoritairement sous-traitante, les deux

PMI observées exportent uniquement certains de leurs produits propres qui constituent une

activité marginale de leur portefeuille respectif. Des extraits de ces deux entretiens permettent

d’illustrer notre propos.

Extrait de l’entretien (Entreprise E96, tableau 2.1., p 110) avec le dirigeant d’une petite

entreprise sous-traitante de 35 salariés, installée dans le département du Lot, exportatrice

depuis 5 ans (CA à l’export = 10 %) et ayant pour principales activités le câblage filaire,

l’étude et la réalisation électro-mécanique et électronique, l’intégration de sous-ensembles et

ensembles, la maintenance et la métrologie électronique. Son savoir-faire en matière de

câblage filaire a été mobilisé récemment pour la fabrication de distributeurs de boissons sur

catalogue. Cette activité de fourniture stricto sensu représente 20 % de son volume d’activité.

« Notre entreprise exporte 10 % de son chiffre d’affaires vers la République Tchèque,

l’Espagne et la Roumanie (…). Ah nous, c’est un peu différent car on exporte nos produits

propres qui sont des distributeurs de boissons (…). En fait, notre activité de sous-traitance

représente 80 % de notre chiffre d’affaires et, à côté, notre département NESTOR, qui

s’occupe des distributeurs de boissons réalise les 20 % qui restent (…). Cette activité est plus

10 Cas où le sous-traitant fournit au donneur d’ordres un produit fini que ce dernier n’a plus qu’à commercialiser en l’état.

113

récente mais elle est en relation avec notre activité de sous-traitance, puisque, vous ne le savez

peut-être pas, mais il y a beaucoup de câbles dans un distributeur de boissons ! ! ! (…). Oui, si

on veut résumer, notre activité de sous-traitance est uniquement domestique et c’est une partie

de nos produits propres que nous exportons car le marché français est saturé (…). ».

Extrait de l’entretien (Entreprise D96, tableau 2.1., p 110) avec le responsable commercial

et export d’une petite entreprise sous-traitante béarnaise de 36 salariés, réalisant 10 % de son

chiffre d’affaires à l’exportation. Elle possède deux types d’activité : la vente de savoir-faire

de compétence (l’usinage et la mécanique de précision pour les secteurs aéronautique,

ferroviaire et médical) qui représente 70 % de son CA et la vente de produits propres (outils

de forage pétroliers).

« L’entreprise réalise 70 % de son chiffre d’affaires grâce à son activité de sous-traitance. Les

30 % restant sont obtenus grâce à nos outils de forage pétrolier. Ils sont standardisés et on les

vend sur catalogue (…). L’exportation chez nous, ça correspond environ à 10 % du chiffre

d’affaires et ça concerne uniquement nos produits propres, (…) Oui, ce sont nos outils de

forages que l’on vend à l’étranger, au Nigeria, en Algérie et au Gabon.».

Lors de notre enquête par questionnaire, il conviendra donc de s’assurer que la transaction

internationale concerne bien la vente d’un savoir-faire de compétence de l’entreprise sous-

traitante interrogée et non celle de ses produits propres.

1.1.2. La distinction entre sous-traitance internationale et multinationalisation

La STI est une forme de délocalisation internationale distincte de la multinationalisation. Elle

obéit à une logique d’impartition internationale (Carle, 1981). Dans ce contexte, les prix de

cession entre contractants ne peuvent en aucun cas s’abstraire des conditions de marché et

s’effectuent selon les modalités d’une relation commerciale. Au contraire, les opérations de

segmentation internationale qui s’effectuent entre une maison mère et ses filiales ou entre les

filiales d’un même groupe multinational, obéissent à une logique d’intégration internationale.

Ainsi, la maison mère et ses filiales ne constituent qu’une seule et même entité économique ;

114

les transferts de produits entre maison mère et filiales, ou entre filiales d’un même groupe, ne

tiennent pas compte des conditions du marché. En outre, même si les transferts s’effectuent

selon les modalités d’une relation commerciale, c’est le résultat d’une décision interne,

édictée par la maison mère qui souhaite ainsi renforcer la compétitivité de ses filiales.

Dans notre recherche, l’autonomie juridique des deux contractants est alors un critère

indispensable pour différencier la STI des échanges commerciaux entre clients internes d’une

multinationale. Cette condition signifie concrètement que sont exclues de notre champ

d’investigation les filiales intégrées, clients internes de la multinationationale, situés dans un

autre pays que leurs acheteurs internes, mais également les petites et moyennes entités, filiales

d’un groupe français, qui vendent une partie de leur activité à des clients externes situés à

l’étranger.

Au cours de notre étude exploratoire, nous avons rencontré le cas d’une entreprise relevant de

ce second cas de figure. L’entretien que nous avons eu avec son directeur commercial et

export a révélé que son statut de filiale lui donnait accès plus rapidement à un volume

d’informations plus élevé et cela, à un coût peu élevé. L’appartenance partielle ou totale à un

grand groupe d’envergure internationale facilite, par conséquent, le développement

international par un accroissement de ressources auxquelles les PMI stricto sensu n’accèdent

pas.

Extrait de l’entretien (Entreprise F96, tableau 2.1., p 110) avec le responsable commercial

et export d’une des filiales11 d’un grand groupe français de haute technologie (MEGA12)

spécialisée dans les produits et systèmes de transmission de la voix, des données et de l’image

(composants, cartes et sous-ensembles électroniques). Employant 146 salariés, elle réalise 5%

de son chiffre d’affaires, principalement avec des clients allemands et états-uniens. Compte

tenu de sa qualité de filiale, son savoir-faire, exclusivement de sous-traitance, trouve des

débouchés auprès de clients internes et externes.

« Lorsque j’essaie de collecter des informations sur mes confrères allemands ou sur un autre

marché étranger, j’utilise différentes sources mais je passe toujours au moins un coup de

11 Cette filiale a fait l’objet d’une fusion/absorption par le groupe au cours du second semestre 1998. 12 Nom fictif issu de notre imagination (confidentialité).

115

téléphone ou un fax à mes collègues de MEGA en Allemagne, par exemple. La structure

commerciale en Allemagne est constituée de français, totalement bilingues qui sont, tous les

jours, acteurs sur ce marché. Alors forcément, ce qu’ils me disent est intéressant. ».

Ce résultat est conforté par les écrits sur l’internationalisation de la PME/PMI (Aaby et Slater,

1988 ; Miesenbock, 1988) qui soulignent l’existence d’une différence importante entre les

entreprises indépendantes et les entreprises filiales de grands groupes. Les secondes

bénéficient fréquemment des ressources, de l’expérience de la société mère pour s’engager sur

des marchés étrangers. Ce critère de dépendance s’avère alors déterminant dans le processus

d’internationalisation des entreprises de taille restreinte.

1.2. Une conception stricte de la dimension internationale

La dimension internationale de la sous-traitance soulève au moins trois grands

questionnements dont les réponses contribuent à préciser le type de STI retenu dans notre

recherche :

- Les données statistiques fournies par les études françaises et européennes s’accordant

pour souligner que la majorité des clients étrangers des sous-traitants français sont localisés

dans les pays de l’Union Européenne, la relation de sous-traitance entre des entreprises situées

dans deux pays distincts d’une même zone de libre échange peut-elle être qualifiée

d’internationale (1.2.1) ?

- Faut-il considérer, à l’instar de C.A. Michalet et de S. Watanabe, que la nationalité est

un critère suffisant, indépendamment de la localisation géographique, pour distinguer la STI

de la sous-traitance domestique (1.2.2) ?

- Enfin, faut-il considérer comme relevant de la STI le cas où l’opération technique

réalisée par le sous-traitant est indirectement exportée et, par conséquent, admettre avec C.A.

Michalet que la dimension internationale doit inclure à la fois le niveau de la production et

celui de la commercialisation (1.2.3) ?

1.2.1. La question des échanges au sein de l’espace européen

Peut-on qualifier d’ « internationale » la sous-traitance entre pays de la communauté

européenne ? Dans le contexte du Grand Marché Intérieur, la distinction entre sous-traitance

116

intra-communautaire et sous-traitance nationale a-t-elle une raison d'être ? Assistons-nous à

un élargissement du marché domestique des entreprises sous-traitantes des Etats Membres à

l'espace géographique de l’Union Européenne ?

C'est, en effet, dans cet objectif que s'inscrivent les mesures de l'Acte Unique visant à

supprimer nombre d’entraves techniques et à faciliter considérablement la circulation des

marchandises. Dès 1989, une résolution du Conseil, - celle du 26 septembre 1989 -, a mis

l’accent sur la création d’un environnement favorable à la sous-traitance, l’amélioration de

l’information et de la communication entre preneurs et donneurs d’ordres, la promotion de la

sous-traitance européenne auprès d’investisseurs étrangers. Ces orientations ont été

confirmées au cours d’un colloque organisé par la DG n°23 de la Commission des

Communautés Européennes en décembre 1992 à Madrid13, puis dans le cadre de la

communication de la Commission du 23 juin 1994 concernant un programme intégré en

faveur des PME et de l’Artisanat (Altersohn, 1997). Dans ce contexte, la DG n°23 a lancé

plusieurs programmes et études en faveur de la sous-traitance14. L’action des Pouvoirs

Publics communautaires s’oriente vers l'établissement progressif d'un droit européen de la

sous-traitance et l’augmentation des transactions de sous-traitance au sein de la Communauté

européenne.

Peut-on pour autant estimer, à l’instar de certains spécialistes, que les entreprises situées au

sein de l’espace européen devraient cesser de se considérer comme des entreprises nationales

situées au milieu de pays étrangers ? Les termes « exportation » et « importation » vers ou en

provenance d'autres Etats Membres ont-ils encore un sens ? Et ne doivent-ils pas être

délaissés au profit du terme « échange » ?

Comprendre comment s’internationalisent les PMI sous-traitantes françaises englobe

inévitablement, les enquêtes l’indiquent clairement, le cas des PMI sous-traitantes qui

travaillent pour des donneurs d’ordres localisés dans des pays de l’Union Européenne. Le flux

d’exportation qui en découle, au sens de l’Office Statistique des Communautés européennes

(EUROSTAT), constitue selon nous un premier argument pour considérer comme

« internationale » cette relation de sous-traitance.

13 Qui a donné lieu a une publication de la Commission des Communautés Européennes intitulée ‘‘Annales du forum pan-européen de la sous-traitance’’. 14 C’est le cas du projet SCAN (Subcontracting Assistance Network) d’interconnexion décentralisée et d’inter-opérabilité des bourses et banques de données de sous-traitance en Europe.

117

Mais surtout, et malgré les efforts menés vers un développement harmonieux des relations de

sous-traitance à l’échelle européenne, il n’en demeure pas moins une barrière essentielle : la

« distance psychologique »15, entendue comme les perturbations causées par des facteurs

affectant la circulation ou la perception des flux d’information entre l’entreprise et ses clients

actuels ou potentiels et pouvant se mesurer au niveau des différences de langage, de culture,

de système politique, d’éducation, de développement industriel, etc.

Ainsi, l’étude « Emergences-PME »16 (Duchéneaut, 1995) souligne que la perception de

l’Union Européenne par les dirigeants de PME est encore majoritairement celle d’un

« marché extérieur ». A la question, « Pour votre développement commercial, considérez-

vous l’Union Européenne plutôt comme un marché intérieur, au même titre que le marché

français, ou plutôt comme un marché extérieur ? », les réponses obtenues ont été les suivantes

(Tableau 2.2.) :

Tableau 2.2. La perception de l’Union Européenne par les dirigeants de PME.

Ensemble des PME Ensemble des PME exportatrices

Comme un marché intérieur 38 % 46 % Comme un marché extérieur 44 % 48 % Ne se prononcent pas 18 % 6 % Total 100 % 100 %

Source : B. Duchéneaut, (1995 : 456)

De nombreuses PME se refusent encore à toute ouverture européenne par méconnaissance des

débouchés qu’elles pourraient y trouver, par crainte des difficultés inconnues à affronter, par

ignorance de la langue, des usages en affaire, etc. Les échanges intra-communautaires, en

raison de cette diversité culturelle, sont alors appréhendés comme ‘‘internationaux’’, comme

l’indique la réponse du dirigeant d’une PMI sous-traitante - non exportatrice -, rencontrée sur

le Salon Alliance Sud, à la question : pourquoi n’avez-vous pas prospecté le marché

espagnol ?

15 On distingue classiquement la distance physique de la distance psychologique. Ainsi, un pays géographiquement plus éloigné que d’autres peut être culturellement plus proche et intéresser davantage l’exportateur qui n’aura pas à adapter son produit à des attentes différentes (Touimi Benjelloun, 1989). 16 ‘‘Emergence-PME’’, Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables, dans B. Duchéneaut, (1995 : 456).

118

Extrait de l’entretien (Entreprise H96, tableau 2.1., p 110) avec le responsable commercial

d’une petite entreprise (10 salariés) de la Vallée de l’Adour ayant pour activité principale

l’étude et la construction de machines outils à commandes numériques.

« Bien sûr, je me débrouille en espagnol et le transport n’est pas un problème, mais je ne sais

pas où chercher l’information en Espagne concernant la paperasse (…), je ne sais même pas

comment travaillent les espagnols et ce qu’ils font dans mon secteur d’activité, et comment le

savoir précisément ? ».

C. Altersohn remarque qu’en Suisse, « (…) les relations de sous-traitance17 les plus actives

sont surtout orientées vers des clients situés dans des régions francophones où les relations,

favorisées par l’effet de proximité, sont plus faciles à entretenir qu’avec les régions

alémaniques. » (1997 : 158).

1.2.2. La question de la nationalité

Le critère de la nationalité peut-il suffire, indépendamment de la localisation géographique, à

donner une dimension internationale à la sous-traitance ?

Comme l’indiquent implicitement les recherches économiques sur la STI (Michalet, 1980 ;

Watanabe, 1980 ; Berthomieu et Hanaut, 1980, 1983), la dimension internationale de la sous-

traitance peut être caractérisée, soit par la localisation géographique, soit par la nationalité des

cocontractants. Les trois principales formes de STI qui résultent de la combinaison de ces

deux caractéristiques peuvent être identifiées à l’aide d’une matrice (Figure 2.1.).

17 des sous-traitants français.

119

Figure 2.1. Les différentes formes de sous-traitance internationale.

La localisation du sous-traitant et de son donneur

d’ordres La nationalité du sous-traitant et de

son donneur d’ordres Dans le même pays Dans des pays différents

Identique

2

Différente

1

3

Si, comme le souligne D. Germidis (1980), il ne fait aucun doute que la STI se distingue de la

sous-traitance nationale par le seul fait que les entreprises contractantes sont localisées dans

des pays différents, le critère de la nationalité pour discriminer ces deux niveaux de sous-

traitance est, quant à lui, plus discutable.

Ainsi les recherches économiques sur la STI « pure » nous surprennent en ce qu’elles

considèrent que la situation où l’accord de sous-traitance qui s’instaure entre deux entreprises

de différentes nationalités, situées dans un même pays (forme 1) fait partie intégrante de la

STI. C’est le cas de la sous-traitance intérieure (Watanabe ; Berthomieu et Hanaut) ou encore

des types B et C de CA. Michalet, à savoir les cas où la STI s’instaure, soit entre la filiale

d’une multinationale et une ou plusieurs entreprise(s) locale(s), soit entre deux filiales de

multinationales différentes établies dans le même pays. Dans ces conditions, la dimension

internationale de la sous-traitance n’implique pas nécessairement l’existence d’un flux

d’exportation entre deux pays, d’où le qualificatif paradoxal de sous-traitance « intérieure »

pour une forme de STI.

A l’opposé, les études sur la STI dans les pays industrialisés estiment que seule l’existence

d’au moins un flux international18 entre le sous-traitant et son donneur d’ordres est

indispensable pour « internationaliser » la définition de la sous-traitance (formes 2 et 3). En

18 Si la sous-traitance de production ne nécessite qu’un seul flux international, C. Charbit, J-T. Ravix et P.M. Romani (1989) soulignent que la sous-traitance de façonnage (pour laquelle le donneur d’ordres fournit les éléments à transformer) se traduit, quant à elle, par un double flux international : un flux d’exportation des pièces pour ouvraison à l’étranger, puis une flux de réimportation des pièces après ouvraison.

120

conséquence, la relation de sous-traitance est internationale si, et seulement si, les

cocontractants sont établis dans des pays distincts. La nationalité de l’entreprise donneuse

d’ordres n’est pas prise en compte. Le donneur d’ordres situé à l’étranger est alors aussi bien

une entreprise locale (forme 3) que la filiale d’une multinationale française (forme 2) ou

étrangère (forme 3).

Dans la recherche, la relation de sous-traitance établie entre un sous-traitant et un donneur

d’ordres de nationalité différente, tous deux installés sur un même territoire national, n’est

donc pas considérée comme une forme de STI même si nous sommes conscients qu’elle

renvoie le sous-traitant face à certaines difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises

qui s’engagent à l’international, comme l’indique le propos de Monsieur Germano que nous

avons rencontré en 1996 durant la phase de repérage.

Extrait de l’entretien avec Monsieur Germano, Délégué général du RIOST.

« La France connaît depuis quelques années une hausse du nombre d’implantations

industrielles japonaises (…). Le RIOST a lancé un programme d’actions en faveur de la mise

en relation des donneurs d’ordres japonais implantés en Europe, et surtout en France, et des

sous-traitants français. Il s’agissait de faire en sorte que les donneurs d’ordres japonais

sachent qu’il y a en France une offre d’entreprises sous-traitantes structurées et capables de

les satisfaire dans l’immédiat de façon à éviter qu’ils disent : nous n’avons pas suffisamment

de partenaires valables, nous les faisons venir d’ailleurs et ils sont asiatiques (…). Ce

programme a pour objectif d’adapter l’offre française aux exigences internationales, et

notamment japonaise, et de permettre aux donneurs d’ordres japonais de sélectionner les

partenaires correspondant à leurs besoins parmi les entreprises françaises (…).

L’entreprise sous-traitante française, partenaire d’un donneur d’ordres japonais, en France,

devra s’adapter à la culture japonaise, bref, aux méthodes de travail et aux exigences en

matière de qualité des japonais. Et puis, il faut aussi apprendre à négocier avec des japonais

(…). Tout cela, c’est déjà se préparer à l’aventure internationale. ».

Ce propos illustre l’idée avancée par F. Wiedersheim-Paul, H.C. Olson et L.S.Welch (1978)

selon laquelle l’entreprise de taille restreinte peut, en fait, engager son processus

121

d’internationalisation sur le marché national. Une de ses caractéristiques de la PME/PMI étant

l’effet de microcosme (Torrès, 1999), son marché se limite souvent à un territoire local. Le

dirigeant connaît le potentiel de son produit dans la région où il est installé. Deux cas de

figure se présentent alors : soit ses ambitions personnelles peuvent se limiter au marché local

et il cherche alors à croître exclusivement dans sa région, soit il s’attaque progressivement au

marché national. Or, selon ces auteurs, c’est de la réussite de cette étape que dépend souvent

l’ouverture internationale de l’entreprise. Pour M. Thomas et L. Araujo (1985), il s’agit d’une

véritable « étape d’internationalisation domestique » (« domestic internationalisation step »)

qui trouve sa place dans les modèles19 de processus d’adoption de l’exportation (Johanson et

Wiedersheim-Paul, 1975 ; Johanson et Vahlne, 1977 ; Bilkey et Tesar, 1977).

Enfin, il convient de souligner que le critère de flux international, retenu pour

« internationaliser » la sous-traitance, limite l’internationalisation des sous-traitants de

façonnage. La sous-traitance de façonnage est en effet moins présente à l’international en

raison du double flux international qu’elle implique. Le coût supplémentaire lié au flux

international de réexportation de la pièce après ouvraison freine l’activité exportatrice des

PMI sous-traitantes spécialisées, par exemple dans le marquage des pièces, comme nous

avons pu l’observer lors de notre étude exploratoire. Si les entreprises de sous-traitance

spécialisées dans le marquage de petites pièces peuvent exporter leur activité de sous-

traitance, les coûts de transport des pièces étant restreints (Exemple de l’entreprise A96), ce

n’est pas le cas des sous-traitants spécialisés dans le marquage de grosses pièces (Exemple de

l’entreprise I96). Le double flux – importation de la pièce à marquer et réexportation après

traitement – a un coût pour le client largement supérieur à la plus value apportée par le sous-

traitant.

Extrait de l’entretien (Entreprise A96, tableau 2.1., p 110) avec le responsable export d’une

entreprise sous-traitante girondine spécialisée dans le marquage laser de la pièce unitaire à la

grande série, quelle que soit la matière (bois, métaux, plastique). PMI de 35 salariés, elle

exporte 5 % de son chiffre d’affaires au Danemark, en Angleterre, au Portugal et en

Allemagne.

19 Ces modèles analysent l’exportation comme un processus d’apprentissage dont les étapes doivent permettre à l’entreprise d’asseoir sa présence commerciale à l’étranger.

122

« Exporter c’est possible grâce à nos trois sites en France : le site d’Evreux qui est un site

administratif et un site de marquage où sortent 300 000 pièces par mois, le site de Colombey

qui est un centre de profit, d’essais et de traitement avec 600 000 pièces et 300 000 étiquettes

par mois et le site de Bordeaux qui est aussi en centre de profit et marque 300 000 pièces par

mois. On peut satisfaire les commandes par le site le plus proche géographiquement (…).

85% des pièces peuvent être traitées et transportées sous 48 heures, au maximum on compte 5

jours (…). Le projet c’est d’exporter vers l’Italie. Pour cela, il nous faut un site dans le Sud

Est de la France. ».

Extrait de l’entretien (Entreprise I96, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

PMI sous-traitante auvergnate de 23 salariés dont les principales activités sont la découpe et le

marquage. Elle réalise 2 % de son chiffre d’affaires à l’exportation.

« Il est pour moi impossible d’exporter l’activité de marquage, les pièces à marquer sont de

grandes armoires métalliques trop chères à transporter. Je travaille à proximité de mes clients

(…). Et bien si je veux travailler avec un client étranger, il faut que je m’installe à côté de lui

et ça ce n’est possible que s’il peut m’assurer un gros volume d’activité. ».

1.2.3. La question de l’exportation directe

Doit-on considérer comme relevant de la STI le cas où l’opération technique réalisée par le

sous-traitant est indirectement exportée ?

« Il y a moins de dix ans, les sous-traitants auxquels il était reproché de se contenter de leur

clientèle nationale avaient l’habitude de répondre : ″Nous exportons beaucoup mais par

l’intermédiaire de nos donneurs d’ordres′′. » (Altersohn, 1992 : 237).

Les types B20 et C21 (Michalet) et la sous-traitance intérieure (Watanabe ; Berthomieu et

Hanaut) représentent des formes de STI indirecte dans la mesure où le produit fabriqué en

sous-traitance est toujours destiné au marché local tandis que le produit final est toujours

exporté. A l’inverse, les types A22 et D23 (Michalet) et les cas de STI hors frontière

20 La STI entre la filiale d’une entreprise multinationale et une ou plusieurs entreprise(s) locale(s). 21 La STI entre deux filiales d’entreprises multinationales différentes établies dans le même pays. 22 La STI entre deux unités indépendantes dans des pays se trouvant à des niveaux différents de développement.

123

(Watanabe ; Berthomieu et Hanaut) sont des formes de STI directe. A l’opposé de C.A.

Michalet, qui soutient que la dimension internationale ne doit pas être saisie au seul niveau de

la production mais inclure également la commercialisation du produit final24, nous n’étudions

que la STI directe. Il s’agit alors de distinguer plus précisément ces formes de STI.

Une fois encore, l’étude exploratoire s’avère particulièrement utile dans la mesure où elle

contribue, à l’aide d’exemples concrets, à l’identification de différentes situations de STI

directe (Figure 2.2. : cas 1 et 2) et de STI indirecte (Figure 2.3. : cas 3 et 4).

Figure 2.2. Deux situations de sous-traitance internationale directe.

CAS 1

La STI entre un ST français de premier rang et un DO installé à

l’étranger

CAS 2 La STI entre un ST français et un équipementier localisé à l’étranger

ST

DO situé à l’étranger

ST

23 La STI entre les unités productives d’une même entreprise multinationale se trouvant dans des pays différents. 24 « Les différentes formes de STI revêtent automatiquement un caractère international dans la mesure où les biens fabriqués par le sous-traitant sont directement ou indirectement exportés. » (Michalet, 1980 : 50). A ce sujet, le propos de D. Germidis est plus nuancé : « (…) accessoirement on peut, dans certains cas, retenir la destination du produit fabriqué par le sous-traitant comme un élément capable de donner à la sous-traitance une dimension internationale. » (1980 : 13)..

Equipementier situé à

l’étranger

DO situé en France

livre un sous-

ensemble

paie

livre

livre un sous-ensemble

124

La compréhension des cas 1 et 2 ne pose pas de problème. L’internationalisation est directe

puisque la relation de sous-traitance s’établit directement entre le sous-traitant français et une

entreprise cliente localisée à l’étranger. Le cas 2 renvoie à une situation de demande dérivée

où l’internationalisation est directe même si le donneur d’ordres de notre client étranger est

situé en France. Le cas de l’entreprise BB96 illustre ce cas de figure.

Extrait de l’entretien (Entreprise B96, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

PMI sous-traitante de 13 salariés située en Haute Savoie et spécialisée dans le domaine du

prototypage rapide.

« Notre entreprise regroupe deux grandes activités complémentaires : un bureau d’études qui

réalise la pièce plastique prototype usinée et une unité de fabrication qui conçoit le moule

d’injection pour le prototype et duplique la pièce par coulée sous vide dans des moules

silicone (…). Nous travaillons avec environ 100 à 140 clients par an avec pour règle de ne

jamais dépasser 10 % de notre chiffre d’affaires avec l’un d’eux (…). Les secteurs d’activité

de nos clients sont principalement la téléphonie, le médical, l’automobile, les cosmétiques et

le jouet. (…). Nous exportons encore très peu, environ 10 % de notre chiffre d’affaires, vers

deux pays frontaliers, la Suisse et l’Italie. Nous avons d’ailleurs un bureau d’études en Italie,

à Torino. En Suisse, on a surtout des donneurs d’ordres dans le médical et la téléphonie (…).

En Italie, on travaille surtout pour des clients de l’automobile, pas des constructeurs mais des

équipementiers (…). Oui, parmi les clients de ces équipementiers, on trouve un des deux

grands constructeurs automobiles français. ».

125

Figure 2.3. Deux situations de sous-traitance internationale indirecte.

DO situé en France

Client indépendant ou client interne situé à l’étranger

ST

La STI entre un ST français et un

DO exportateur localisé en France

CAS 3 CAS 4

La STI entre un ST français et un équipementier localisé à l’étranger via un DO français dans une structure de ST en

réseau DO situé en

France Avionneur

Intégrateur du calculateur

ST français qui réalise le logiciel du calculateur

Equipementier situé à

l’étranger Intégrateur du système train d’atterrissage

ST français qui réalise le

boîtier électronique

du calculateur

livre

paie

livre un sous-ensemble

livre un système

126

Dans le cas 3, il s’agit d’entreprises sous-traitantes qui déclarent exporter par l’intermédiaire

de leurs donneurs d’ordres. Les pièces réalisées par le sous-traitant sont, soit intégrées dans le

produit final vendu par le donneur d’ordres français à des clients étrangers (Cas de

l’entreprise G96 ), soit, une fois livrées au client français, réexpédiées par ses soins vers une de

ses filiales de production étrangères25.

Extrait de l’entretien (Entreprise G96, tableau 2.1.,p 110) avec le responsable commercial

d’une entreprise sous-traitante, située en Haute Garonne, de moyenne taille (117 salariés) et

spécialisée dans les traitements de surface, les peintures liquides et poudres, l’usinage

chimique et le polissage. Bien qu’ayant indiqué sur le guide de l’acheteur du Salon Alliance

Sud 1996 une ouverture à l’exportation vers l’Espagne, l’entretien a révélé qu’elle n’exportait

pas directement.

« Je n’exporte pas vraiment mais j’ai un client français qui, lui, exporte en Espagne une partie

des pièces que j’ai traité pour lui. (…) C’est cela, il fournit un gros client espagnol et c’est

même un de ses fournisseurs de premier rang.».

Le cas 4, plus complexe et moins fréquent que le cas 3 a été évoqué lors de notre second

entretien avec W. Muskens

Extrait de l’entretien avec W. Muskens, alors Chargé de Mission « Mécanique Sous-

traitance Aéronautique » à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux.

« L’exportation indirecte peut prendre des formes plus complexes. Par exemple, dans le

secteur aéronautique, si on prend l’exemple de la fonction train d’atterrissage, il y a deux

sous-ensembles qui constituent le train d’atterrissage, la partie mécanique et la partie

calculateur, elle-même composée de deux éléments, le boîtier électronique et le logiciel. (…)

Plus précisément, le calculateur permet au commandant de bord d’actionner le train

d’atterrissage. C’est une SSII qui réalise le logiciel, un sous-traitant électronicien qui fabrique

le boîtier du calculateur et l’Aérospatial intègre ces deux éléments parce que le calculateur est

25 Dans ce cas, le flux d’exportation interne correspond à une cession interne et la relation entre le sous-traitant et son client est domestique.

127

une fonction stratégique et critique de l’avion que l’entreprise souhaite maîtriser. Une fois le

calculateur intégré, il est vendu à l’équipementier du système train d’atterrissage qui l’intègre

avec la partie mécanique (…). Effectivement, dans le cas où cet équipementier est étranger, il

n’y a pas d’exportation directe mais indirecte via l’Aérospatial pour les deux sous-traitants du

calculateur, à savoir la SSII et l’électronicien. ».

Dans cet exemple, la structure pyramidale de la sous-traitance est remplacée par une structure

en réseau dans la mesure où une des pièces de la fonction « train d’atterrissage », le

calculateur, reste entièrement sous le contrôle du donneur d’ordres, qui la fournit lui-même à

l’équipementier intégrateur.

Cette forme de STI indirecte se retrouve également dans le secteur de l’équipement

automobile26.

Le phénomène d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises étant l’objet de notre

travail doctoral, seules les situations de STI directe sont étudiées. Les entreprises qui nous

intéressent doivent, certes, répondre aux critères caractéristiques de la PMI sous-traitante

précitées, mais également réaliser une partie de leur chiffre d’affaires à l’exportation. Or

l’étude exploratoire a révélé que les PMI sous-traitantes affichant un taux à l’exportation

inférieur à 5 % se situaient au stade de « l’ouverture sporadique à l’exportation » au sens de

C. Croué (1999), plusieurs d’entre elles indiquant un taux d’exportation dans le guide du

salon Alliance Sud bien qu’elles aient cessé depuis quelques années toutes activités

exportatrices. Le cas d’une PMI sous-traitante montpelliéraine permet d’illustrer ce propos.

26 L’exemple des cartes électroniques pour les tableaux de bord des voitures offre une autre illustration de la STI indirecte. Ces cartes électroniques sont formées de deux composants : le circuit imprimé généralement réalisé par de petits sous-traitants français ou européens de second rang (R2) et les composants électroniques (partie à forte valeur ajoutée) réalisée par de grandes entreprises sous-traitantes mondiales d’électroniques de premier rang (R1). Ce sont ces grands sous-traitants qui fournissent les lots de cartes électroniques aux équipementiers – donneurs d’ordres – tels que Valéo (DO). Afin de contrôler la marge du sous-traitant électronique de premier rang (R1), Valéo (DO) lui impose des sous-traitants de second rang (R2). Ainsi le cahier des charges (coûts, volume, qualité, spécifications techniques, délais, etc.) sont négociés directement par DO avec R2. En conséquence, si un sous-traitant domestique de circuits imprimés (R2) livre un sous-traitant de premier rang (R1) de Valéo (DO), fabriquant d’électronique, situé à l’étranger, la STI est indirecte dans la mesure où aucune relation commerciale ne lie R1 et R2 situés à des rangs différents de la pyramide de sous-traitance.

128

Extrait de l’entretien (Entreprise C96, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

entreprise sous-traitante de 50 salariés, spécialisée dans l’étude et la réalisation en tôlerie

industrielle de précision.

« Au moment où nous parlons, nous n’exportons plus mais nous travaillons sur un projet de

sous-traitance avec l’Allemagne. (…) Ah, ce pourcentage d’export de 3 %. Oui, c’est-à-dire

qu’il correspond à ce que nous faisions aux Pays-Bas. En fait, on fournissait des armoires

électroniques à l’usine de production hollandaise d’un client (…) oui, c’est ça français. Cela a

duré deux ans et il y a un an la filiale a fermé, et c’était notre seul client à l’étranger mais on

prospecte en Allemagne ….».

Dans ces conditions, et afin de mieux comprendre le phénomène étudié, il est préférable de se

concentrer sur les PMI sous-traitantes engagées régulièrement à l’international, à savoir celles

qui réalisent au moins 5 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation (Croué, 1999).

Finalement, au regard des développements et des choix faits précédemment, la qualité

« internationale » peut être définie. Dans le cadre de notre recherche, la sous-traitance

internationale correspond à l’établissement d’une relation de sous-traitance industrielle – et

non de fourniture de produits propres – directe et régulière entre deux entreprises

juridiquement autonomes, une PMI sous-traitante française et un donneur d’ordres localisé

dans un autre espace géographique, y compris un pays membre de l’Union Européenne,

quelle que soit sa nationalité.

La population des PMI sous-traitantes étudiées présente alors six caractères (Figure 2.4.) : une

activité de sous-traitance – entendue au sens large – dominante ; une taille restreinte ; une

indépendance juridique ; l’établissement d’une relation directe avec au moins un client

localisé hors des frontières domestiques du sous-traitant ; l’internationalisation de l’activité de

sous-traitance et non de fourniture et une exportation régulière.

129

Figure 2.4. La définition de la population étudiée.

LA

PM

I SO

US-

TR

AIT

AN

TE

Une activité de sous-traitance ‘’élargie‘’ dominante

= >à 80 % du chiffre d’affaires du sous-traitant

Une indépendance juridique

Une taille restreinte =

moins de 500 salariés

L’établissement d’une relation directe avec au moins un client localisé à l’étranger

L’internationalisation de l’activité de sous-traitance et non de fourniture

Une exportation régulière =

≥ à 5 % du chiffre d’affaires

HORS

CHAMP

D’ETUDE

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Non

Non

Non

Non

LA PMI SOUS-TRAITANTE ENGAGEE A L’INTERNATIONAL

ETUDIEE

LA

DIM

EN

SIO

N IN

TE

RN

AT

ION

AL

E

130

2. LA PRECISION DE L’OBJET DE RECHERCHE

Notre étude empirique préliminaire des PMI sous-traitantes françaises engagées à

l’international a également permis de préciser notre problématique générale axée sur

« comment » s’internationalise cette population d’entreprises. Des résultats obtenus sur les

modalités d’internationalisation de cette population d’entreprises (2.1) émergent quatre

questions de recherche de nature exploratoire (2.2).

2.1. Les résultats du repérage des modalités d’internationalisation

Deux principales conclusions découlent de notre étude exploratoire : l’omniprésence des

principaux donneurs d’ordres (2.1.1) et l’hétérogénéité des modalités d’internationalisation

des PMI sous-traitantes (2.1.2).

2.1.1. L’omniprésence des principaux donneurs d’ordres

La piste de recherche, initiée par PH. Andersen, P. Blenker et PR. Christensen (1995), selon

laquelle les donneurs d’ordres concourent au développement international de leurs PMI sous-

traitantes est, selon nous, particulièrement intéressante dans la mesure où elle repose sur la

relation de sous-traitance et sa spécificité. Aussi avons-nous souhaité l’explorer plus en avant.

L’étude exploratoire a ainsi révélé trois modalités distinctes d’intervention des donneurs

d’ordres dans le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises que nous

qualifions de la manière suivante : l’internationalisation tirée par un donneur d’ordres

domestique (2.1.1.1), l’internationalisation par intégration du sous-traitant dans le réseau de

filiales d’une multinationale (2.1.1.2) et l’internationalisation portée par un donneur d’ordres

domestique (2.1.1.3).

2.1.1.1. L’internationalisation tirée par un donneur d’ordres domestique

Dans ce cas l’internationalisation du sous-traitant est initiée par un donneur d’ordres

domestique qui « tire » son partenaire à l’étranger : le sous-traitant suit un client domestique

dans son processus d’internationalisation par implantation. Le sous-traitant est alors introduit

par ce dernier au sein de ses filiales de production ou établissements situés à l’étranger. Les

131

deux entreprises rencontrées sur le Salon du MIDEST, en 1998, ont principalement recours à

ce mode d’internationalisation.

Extrait de l’entretien (Entreprise J98, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

entreprise sous-traitante lotoise de 50 salariés, spécialisée dans l’étude et la réalisation de

petites pièces en caoutchouc moulées avec ou sans adhérisation sur métal et autres supports.

Ses principaux donneurs d’ordres sont des équipementiers des secteurs automobile et

aéronautique. Elle travaille également en sous-traitance pour les secteurs électronique et

électroménager. Elle ne possède aucun produit propre et réalise 15 % de son chiffre d’affaires

à l’exportation. Elle exporte depuis 1993 (auprès d’une dizaine de clients localisés à

l’étranger) uniquement vers des pays proches géographiquement et/ou culturellement :

l’Angleterre, l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse.

« Nous, aujourd’hui, on n’a pas de démarche à l’export volontariste. Nous exportons en direct

par le biais de notre réputation auprès de deux grands donneurs d’ordres qui sont français et

qui ont des filiales à l’étranger. C’est ce qui se passe pour nous avec nos clients de

l’électronique ou de l’équipement industriel. Alors là, nous avons des donneurs d’ordres

français qui, étant satisfaits des services qu’on leur rend, donnent notre adresse à leurs filiales

étrangères qui nous consultent. Et je dis bien qu’ils sont contents de nos services, parce qu’il y

a la pièce qui doit être conforme et compétitive, et en plus il y a la notion de service. On

apporte … comment on appelle ça ? … Ah oui, de l’assistance technique, c’est ça. Parce que

dans son cahier des charges le client n’a pas tout prévu. Il bloque sur des compétences qu’il

n’a pas mais qui sont les nôtres. Alors on lui dit, mais attention là, vous voyez pour faire ça, il

faut que vous vous y preniez comme ça (…). Aujourd’hui, on intervient de plus en plus dès la

conception. On travaille, si vous voulez, en partenariat avec le donneur d’ordres sur le plan

technique dès le début. On travaille de plus en plus par rapport à une définition de fonction, la

définition du produit par rapport aux fonctions à assurer. D’où l’analyse de défaillances

techniques, si vous voulez, qui permet de définir les défaillances potentielles du produit

suivant comment il a été défini.».

132

Extrait de l’entretien (Entreprise K98, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

entreprise sous-traitante de mécanique générale de 30 salariés, située dans la Loire et

spécialisée dans l’usinage de pièces cylindriques longues de un à quatre mètres. Il s’agit

d’équipements de biens industriels, tels que des vérins hydrauliques pour les engins de levage,

des colonnes pour la construction de presse à injecter le plastique ou encore des rouleaux pour

des équipements sidérurgiques. Elle dispose d’une activité exclusivement de sous-traitance.

Son taux d’exportation est de 10 %. Ses clients étrangers sont répartis géographiquement de la

manière suivante : trois clients en Allemagne, deux clients en Suisse et un client dans chacun

des pays suivants : Canada, Belgique, Inde, Malaisie et Porto Rico.

« Il y a une dizaine d’années, nous avons fait une étude de marché pour voir quel était le

potentiel export en Europe et on s’est rendu compte que notre marché était essentiellement

concentré sur l’Allemagne et la Suisse parce que c’est là bas qu’on trouve les plus gros

constructeurs de machines d’Europe et où on passait en prix. Il y a aussi des constructeurs en

Espagne et en Italie mais leurs prix sont bien inférieurs aux nôtres. Au cours de cette étude,

on s’est posé la question de savoir comment on allait appréhender le marché. On a finalement

retenu la solution de passer par un cabinet d’export français basé à Grenoble qui met à notre

disposition des agents commerciaux qui nous représentent en Suisse et en Allemagne. Pour

les autres pays, nos clients sont des filiales, des unités de montage, d’un de nos clients

français. C’est aussi de l’export mais il n’y a aucune action commerciale de notre part, c’est le

client français qui nous dit que sa filiale étrangère va nous acheter des produits, mais on ne

sait pas si ça durera. Dans ce cas, c’est une activité assez ponctuelle qui représente 5 % de

notre chiffre d’affaires. (…) Pour la Malaisie et l’Inde, le client est presque captif car il doit

venir chercher les produits chez nous. On est assez exigeant sur les conditions de paiement.

Par exemple, on demande des garanties aux Malaisiens et même aux Indiens. S’ils veulent nos

produits, il nous faut des crédits documentaires.».

Dans ces deux exemples, nous remarquons que les donneurs d’ordres domestiques ayant

participé au développement international de la PMI sous-traitante sont, en fait, très peu

nombreux : deux dans le cas de l’entreprise J98 et un seul dans celui de l’entreprise K98.

Comme l’ont souligné les deux dirigeants, il s’agit de gros clients domestiques, avec lesquels

l’entreprise entretient des relations durables et pour lesquels elle réalise des opérations de

production mais aussi de prestation de conception selon la typologie des formes de sous-

133

traitance du SESSI. L’importance stratégique des compétences du sous-traitant pour ces

donneurs d’ordres est alors suffisamment élevée pour que ces derniers le considèrent comme

partie prenante de la réussite de sa stratégie de délocalisation. La relation entre sous-traitant et

donneur d’ordres est présumée étroite. En outre, les deux dirigeants insistent sur la facilitation

de l’accès aux clients étrangers procurée par ce mode d’internationalisation : accès plus

rapide au client étranger, absence de démarche active de prospection de la part de la PMI

sous-traitante et estompement des distances géographiques et culturelles.

2.1.1.2. L’internationalisation par intégration dans le réseau de filiales d’une multinationale

Cette modalité d’internationalisation apparaît lorsque la filiale française d’un groupe

multinational introduit le sous-traitant dans le réseau de fournisseurs de la multinationale. Le

sous-traitant travaille alors avec une ou plusieurs filiale(s) étrangère(s) de la multinationale

et/ou avec la maison-mère, comme l’illustre le cas de l’entreprise B96.

Extrait de l’entretien (Entreprise B96, tableau 2.1., p 110) avec le directeur général d’une

PMI sous-traitante savoyarde de 13 salariés spécialisée dans le domaine du prototypage

rapide27.

« En Suisse, on a surtout des donneurs d’ordres dans le médical et la téléphonie. Deux dans le

médical, un dans la téléphonie. Un de nos clients dans le médical nous a démarché sur le

Salon d’Hanovre puis recontacté pour travailler avec nous. Pour les deux autres clients suisses

ça a été différent. C’est le résultat de relations que nous avions déjà. (…) Je vais vous

expliquer car c’est un peu plus compliqué. Notre autre client dans le secteur médical est la

maison mère d’un groupe suisse, enfin un groupe important. Et on avait eu l’occasion de

travailler pour son bureau d’études parisien, c’est-à-dire notre bureau d’études a travaillé avec

le sien. Le résultat de ce travail de recherche-développement, parce que c’est de ça qu’il

s’agit, les a satisfait et ils nous ont introduit chez la maison mère avec laquelle on travaille

désormais en direct. (…) Oui c’est ça, c’est le bureau d’études qui nous a mis en relation avec

le groupe pour qu’on obtienne le marché. (…) Et ben, pour le troisième client, dans la

téléphonie, ça été à peu près la même chose. On travaillait avec la filiale française

électronique d’une grande société de téléphonie. (…) Si vous voulez, je peux vous dire que 27 Pour en savoir plus sur cette entreprise, se référer à l’extrait d’entretien p 125.

134

cette filiale est basée à Valence. Bref, c’est un grand groupe suisse avec lequel on ne

travaillait pas directement. Et puis un jour, l’entreprise française nous a contacté pour

développer un nouveau produit et au terme de la conception, elle a présenté les résultats à sa

maison mère, (…) Celle en Suisse, c’est ça. Notre prestation a plu et elle a décidé de travailler

avec nous. Enfin, ça s’est pas fait aussi vite. Il y a eu la procédure de sélection puis des visites

de sites chez nous et chez eux. (…) Oui, pour le client du secteur médical, il y a eu aussi

sélection, bien sûr et aussi des visites. Mais pour nous, aller en Suisse, c’est pas un problème.

Nous sommes voisins, alors que venir à Bordeaux c’est plus long… ».

2.1.1.3. L’internationalisation portée par un donneur d’ordres domestique

Cette modalité correspond au portage à l’export – piggy back en anglais28 – tel qu’il a été

décrit par M. Wissler dans sa communication au Colloque « PME/PMI, développement

international » organisé par l’Université d’Aix-Marseille, en 1993. Le portage à l’exportation

est un dispositif d’aide à l’internationalisation qui englobe toutes actions ou opérations d’une

entreprise qui connaît bien les marchés extérieurs, tendant à mettre à la disposition d’une

PME, ses connaissances, ses réseaux, ses pratiques pour que la PME puisse, aux moindres

coûts et risques, s’établir ou établir ses produits sur les marchés bien connus par le porteur. Il

permet également de faire bénéficier le porté de la notoriété et de l’image de marque du

porteur.

Le portage à l’exportation qui nous intéresse est avant tout commercial29. Il concerne

principalement l’exportation mais peut aussi s’intégrer dans un projet d’implantation à

l’étranger. Il recouvre une large palette de techniques relativement souples qui vont de

l’information et la formation sur les marchés ciblés jusqu’à la subrogation ou négoce

international (Figure 2.5., p 136)

28 Le mot portage trouve son origine dans le terme américain « piggy back ». Aux Etats-Unis le symbole de l’économie est le porc, de même que l’est, en France l’écureuil, pour d’autres raisons. « Monter à dos de cochon » (piggy back) symbolise la façon de réaliser, ou le moyen d’obtenir, de façon extrêmement efficace et économique, le résultat ou l’objectif que l’on voulait atteindre. 29 En effet, le portage financier concerne les capitaux et leurs mouvements. Il acquiert un sens très précis et renvoie à un domaine extérieur à la présente recherche.

135

Figure 2.5. Les différentes techniques de portage à l’exportation30.

Limite haute des techniques de portage

Information et formation sur les

marchés ciblés

C’est une aide permanente de longue durée qui dépasse le cadre de la première approche de marché

étranger.

Portage client/fournisseur

L’objectif est soit l’ouverture d’un marché, soit la

qualification d’un sous-traitant ou équipementier.

Support logistique

Le porteur met à la disposition du porté tout ou partie de ses

moyens de prospection sur un marché étranger : bureau, entrepôt,, secrétariat, etc.

Portage stricto sensu

Le porteur prend une part active à la

promotion des produits et de

l’entreprise portée. Il assure, avec la participation du

porté, la prospection, la

commercialisation et le suivi client.

Subrogation ou négoce

international

Le porteur prend toutes les

responsabilités et assume toutes les

charges, en commercialisant lui-même et en

reversant le produit des ventes.

Limite basse des techniques de portage

Ce montage prend la forme d’un contrat, d’une convention ou d’un protocole entre les deux

sociétés concernées (le porteur et le porté) qui spécifie le type de prestations fournies et le

mode de rémunération. La modularité des dispositions reflète les multiples possibilités et

facilités de ces techniques.

Enfin, quelle que soit la technique retenue, le portage se présente majoritairement comme une

consolidation des relations – de type sous-traitance ou fourniture – antérieures entre les deux

partenaires (Wissler, 1993). Dans ces conditions, le portage est une modalité

d’internationalisation qui permet de diminuer les coûts de transaction.

Parmi toutes les techniques de portage à l’international recensées par M. Wissler et le rapport

ministériel sur le portage publié en 199431 dont nous avons pris connaissance en 1998, nous

nous intéressons uniquement au portage sous forme de sous-traitance réalisée par la PMI pour

le compte d’un grand groupe.

Deux cas de figure se présentent alors.

30 Cette figure a été réalisée par nos soins à partir des techniques de portages recensées par M. Wissler (1993) et un rapport ministériel sur le portage publié en 1994. 31 Ce rapport a été réalisé sous la direction de O. Dassault (1994).

136

Premièrement, la PMI, déjà sous-traitante de la grande entreprise en France, intervient lors de

projets, souvent de type grands contrats, remportés par cette dernière à l’étranger. Dans cette

formule de portage, le recours à la PMI sous-traitante est inhérent à son savoir-faire mais

aussi au degré d’intégration locale exigé par le client étranger commanditaire du projet. Si la

chose sous-traitée est disponible dans le pays d’obtention du contrat, le donneur d’ordres

français est libre de faire appel à son sous-traitant domestique dans la limite du degré

d’intégration locale requis. Si ce n’est pas le cas et que le savoir-faire de la PMI sous-traitante

est incontournable, le recours devient indispensable. En outre, soit la chose sous-traitée est

produite en France, soit le degré d’intégration locale exigé rend sa production obligatoire dans

le pays client. Dans ce second cas, l’implantation de la PMI sous-traitante à l’étranger est

indispensable. M. Wissler constate qu’en France l’entraînement de la PMI par son donneur

d’ordres domestique est rarement spontané mais le plus souvent dicté par des impératifs

technologiques ou contractuels. Toutefois, l’aide a tendance à s’arrêter avec l’exécution du

contrat. Il n’y a que peu d’appui ultérieur, même lorsque le sous-traitant doit s’implanter

localement contrairement à ce que pratiquent les entreprises aux Etats-Unis ou même en

Allemagne. Cette forme de portage, la plus connue en France, tend à se développer.

Une deuxième formule de portage peut avoir lieu hors grands contrats remportés à l’étranger.

Plus rare et plus ponctuelle, elle répond à un souci de compenser des baisses d’activité dans

une région mais aussi des baisses ou des suppressions de commande par un grand donneur

d’ordres. Le soutien apporté à la PMI sous-traitante peut prendre la forme d’une mise à

disposition de réseaux d’information et logistique, d’une structure commerciale chargée de la

prospection et / ou des négociations à l’étranger. Il doit faciliter la pénétration d’un nouveau

marché aux moindres coûts et risques. La contrepartie du soutien fourni par le porteur est

généralement une commission variable selon les produits et les marchés considérés. Cette

forme de portage concerne plus l’exportation que l’implantation à l’étranger (Wissler, 1993).

Il s’agit de la technique de portage à l’exportation la plus simple. Elle marque la frontière

avec les organismes qui offrent des prestations ponctuelles de première information ou

d’assistance plus légère, tels que les Chambres de Commerce et d’Industrie en France ou les

Missions Economiques (anciennement les PEE32) à l’étranger.

32 Poste d’Expansion Economique.

137

Lors de la phase exploratoire, nous n’avons pas eu l’occasion de rencontrer des PMI sous-

traitantes ayant bénéficié d’une quelconque formule de portage.

Toutefois, au cours de notre entretien avec W. Muskens (CCIB), en 1996, l’exemple du

groupement des donneurs d’ordres aquitains du secteur aéronautique a été évoqué. Face à la

baisse de leur activité, ces donneurs d’ordres ont créé en 1992, avec le soutien de la Chambre

de Commerce et d’Industrie, une cellule marketing ayant pour mission de rechercher à

l’étranger des donneurs d’ordres susceptibles de devenir partenaires de leurs sous-traitants

aquitains. Malheureusement, cette initiative n’a pas connu les effets escomptés et la cellule

marketing a rapidement disparu. Bien qu’ayant avorté, cette initiative nous a néanmoins

révélé l’existence de situations d’internationalisation portée hors grands contrats (cas de

figure 2).

Quant au rapport ministériel sur le portage à l’exportation (1994), il fournit des illustrations

pratiques de portage de PMI sous-traitantes françaises dans le cadre de grands contrats (cas de

figure 1), dont celui du contrat TGV en Corée obtenu par GEC-Alsthom.

L’exemple du portage des équipementiers de GEC-Alsthom sur le contrat TGV Corée33

« Les Coréens ont exigé une intégration locale à hauteur de 50 %, d’où l’obligation pour les

équipementiers de s’implanter sur place car le savoir-faire en matière technologique sur de

tels équipements n’existe pas pour l’instant. GEC-Alsthom a donc poussé ses partenaires à le

faire alors qu’elle n’a pas pour stratégie habituelle d’entraîner ses fournisseurs sur les marchés

internationaux. Huit PMI sont désormais implantées et perçoivent les avantages qu’elles

peuvent tirer de ce portage en particulier sur les marchés des métros. Les deux principales

craintes de ces PMI étaient de perdre leur technologie et de ne pas pouvoir avoir le contrôle de

la co-entreprise (Joint-venture) créée avec le partenaire coréen. GEC-Alsthom est alors

intervenu dans la rédaction des contrats, la coordination du transfert de technologie et en

regroupant tous les participants au contrat dans un même immeuble. GEC-Alsthom n’assure

pas d’aide supplémentaire à ses équipementiers dans l’approche des autres marchés de la zone

à moyen et long terme. Cette attitude tend à rendre les équipementiers quelque peu méfiants à

33 O. Dassault, 1994, tome 2 : 2.

138

l’égard de l’ensemblier. A cet égard, on rappellera que GEC-Alsthom a choisi de ne pas

participer à l’exposition de Taiwan alors que l’ensemble de ses sous-traitants l’a fait. ».

La portée de cette formule de portage à l’international dans le cadre de grands projets mérite

toutefois d’être nuancée, comme l’indique la réaction d’un des deux experts rencontrés sur le

Salon du MIDEST à l’évocation de cette modalité d’internationalisation. Parce qu’elle

concerne quasi-exclusivement des équipementiers, cette forme de portage ne concerne

qu’exceptionnellement, selon lui, les PMI sous-traitantes du secteur de la mécanique.

Extrait de l’entretien avec T. Delmotte, Secrétaire Général du GIST (Groupement

Intersyndical de la Sous-Traitance mécanique).

« Oui, mais là on n’est pas vraiment au même niveau de sous-traitance. Quand Olivier

Dassault parle de sous-traitant, il s’agit bien souvent d’un de nos donneurs d’ordres, c’est-à-

dire les équipementiers des niveaux 2 et 3 de l’aéronautique par exemple. Mais nous au rang

4, on n’est pas concerné ou exceptionnellement. En tout cas pour les sous-traitants de la

mécanique que l’on connaît. Vous savez, ils sont souvent très petits et interviennent dans les

rangs plus bas. Et il est clair que la portance en haut peut se faire mais elle ne descend pas en

dessous du rang 4. Et puis même en haut, si je réfléchis, s’est souvent, comment dirais-je, un

effet d’annonce de la part des donneurs d’ordres. Nous on est pas très optimiste sur ce genre

d’initiative. Les donneurs d’ordres qui entraînent leurs sous-traitants dans les pays étrangers

et bien malheureusement ce sont des accords qui ne durent pas longtemps. ».

2.1.2. L’hétérogénéité des modalités d’internationalisation

Parallèlement à ces trois modalités d’internationalisation assistées par des donneurs d’ordres,

nous avons pu en identifier d’autres, traditionnellement mises en œuvre par les PME/PMI :

l’internationalisation soutenue par des acteurs institutionnels ou privés (2.1.2.1),

l’internationalisation par coopération entre sous-traitants (2.1.2.2) et l’internationalisation

autonome (2.1.2.3).

139

2.1.2.1. L’internationalisation soutenue par des acteurs institutionnels ou privés

Il existe de nombreuses structures de soutien – institutionnelles ou privées – à

l’internationalisation des PME/PMI auxquelles la PMI sous-traitante peut recourir.

Lors de notre entretien avec T. Delmotte (Secrétaire Général du GISTT

34) sur le Salon du

MIDEST en 1998, nous avons pu appréhender le rôle joué par les acteurs institutionnels et,

plus particulièrement, par les organisations professionnelles dans le développement

international de la PMI sous-traitante française. Organes fédérateurs et représentatifs des

entreprises d’une même profession, les organisations professionnelles mènent des actions

visant à soutenir leurs membres dans leur internationalisation. Elles prennent plusieurs

formes, nécessitant plus ou moins de ressources, parmi lesquelles : la participation aux

travaux de normalisation européenne et internationale ; la défense des intérêts de leurs

membres contre la concurrence étrangère déloyale ; l’organisation de missions réciproques de

visites d’industriels ; l’observation des marchés étrangers ; l’organisation de stands groupés

dans des expositions de dimension internationale dédiées à la sous-traitance, telles que le

MIDEST ou le Salon d’Hanovre ; le soutien aux sous-traitants adhérents confrontés aux

difficultés linguistiques et techniques qui peuvent apparaître lors de la réponse à un appel

d’offres émanant d’un donneur d’ordres étranger ; l’organisation de missions de prospection ;

le financement d’études de marché à l’étranger, etc.

Pour mener à bien leurs missions, certaines d’entre elles participent même activement à des

organisations internationales dont elles sont parfois à l’initiative. T. Delmotte nous a ainsi cité

l’exemple du GIMEF (Groupement Français des Industries Transformatrices des Métaux en

Feuilles) qui concourt simultanément à l’ICOSPA35 (International Council of Sheet Metal

Presswork Associations) pour le découpage-emboutissage et le repoussage et à l’ISTA36

(International Special Tooling Association) pour l’outillage de presse ; ces deux organisations

ayant pour objectifs de réunir leurs membres pour parler d’une seule voix dans le contexte

mondial, de permettre des échanges réguliers d’informations et de faciliter tout échange entre

les adhérents des différents pays.

34 Le groupement Intersyndical de la Sous-Traitance mécanique. Créé en 1982, il a pour mission d’assurer la défense d’intérêts communs de la sous-traitance et la promotion des professions qui le composent. 35 Créée en 1965, elle regroupe les organisations professionnelles représentatives des métiers du découpage-emboutissage et du repoussage de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, du Japon et du Portugal. 36 Créée en 1973, elle regroupe les organisations professionnelles des moules et outillages de presse de 16 pays.

140

Des organisations professionnelles, plus rares, ont fait le choix de développer des antennes sur

les marchés étrangers. C’est le cas de la FIM (Fédération des Industries Mécaniques) ou de la

Fédération de la Plasturgie. Ces antennes nous ont été décrites par T. Delmotte comme des

structures légères animées soit par un ingénieur, soit par un agent détaché par la DREE

(Direction des Relations Economiques Extérieures), soit par un CSN (Coopérant du Service

National) en entreprise. Dans un premier temps, elles se sont installées de façon indépendante

dans les pays étrangers. Puis, à la suite d’accords avec la DREE, elles sont de plus en plus

logées dans les Missions Economiques et participent aux frais de fonctionnement de la

mission au prorata du mètre carré occupé. Bien évidemment, cette présence à l’étranger

nécessite des investissements importants que ne peuvent assurer la plupart des organisations

professionnelles. Ainsi, en 1998, la FIM évaluait le coût d’une antenne en Chine à cinq

millions de francs.

D’autres structures institutionnelles mettent en place des actions destinées soit à préparer la

PME à l’exportation, soit à l’informer des opportunités d’un marché étranger. Elles peuvent

éditer des annuaires d’entreprises plus ou moins exhaustifs et constituer des banques de

données pays et marchés. Il s’agit du réseau des CCI (Chambres de Commerce et d’Industrie),

mais également de certains Conseils régionaux ou généraux, dont le soutien à l’exportation

varie selon les régions et les départements, ou encore des clubs d’exportateurs dont la

vocation régionale en fait de véritables interlocuteurs des CCI et des Conseils Généraux.

Enfin, le cas des CCEF37 (Conseillers du Commerce Extérieurs de la France) et des Bourses

de Sous-traitance a été évoqué par les deux experts, T. Delmotte et D. Coué, que nous avons

rencontrés. Ils ont insisté sur une limite qui leur est commune, à savoir la faible représentation

de ces structures sur l’ensemble du territoire national.

A ces organisations institutionnelles peuvent s’ajouter des structures privées, telles que les

SCI (Sociétés de Commerce International) ou les SGE (Sociétés de Gestion à l’exportation)38.

Il semblerait toutefois, de l’avis de nos deux experts, qu’elles soient peu ou pas sollicitées par 37 Le CCFE, installé en France ou à l’étranger, a pour mission de mettre bénévolement à la disposition des PME françaises ses compétences à l’international. Celle-ci prend souvent la forme d’une action de conseil. Les conseils offerts couvrent une large gamme de prestations allant du simple conseil permettant de mieux comprendre les modalités d’obtention d’aides et de garanties à l’export jusqu’à l’accueil des CSNE n’ayant pas de réseaux sur place. Ils sont gratuits et les frais occasionnés sont financés soit par les cotisations des membres, soit par l’entreprise du CCEF mais de manière anonyme et indirecte. 38 Pour en savoir plus sur les SCI, se référer à la thèse de T. Touimi Benjelloun sur le rôle des sociétés de commerce extérieur dans le processus d’adoption de l’exportation par la PMI.

141

les PMI sous-traitantes. En effet, des études comparatives établies entre les PMI de différents

pays39 soulignent l’extrême réticence des PMI françaises à recourir aux sociétés de conseil.

Cet état de fait tient surtout à la psychologie du dirigeant qui n’aspire pas à s’entourer de

compétences extérieures pour l’aider dans ses premiers pas à l’exportation, contrairement à

ses confrères allemands ou japonais qui sollicitent fréquemment leurs SCI et leurs shogo-

shoshas.

M. Wissler (1993) remarque que ces différentes structures de soutien entrent alors en

concurrence indirecte avec le portage à l’exportation hors grands contrats, tel qu’il a été décrit

précédemment.

2.1.2.2. L’internationalisation par coopération entre sous-traitants

Une autre modalité d’internationalisation des PME/PMI repose sur la conclusion d’accords de

coopération français ou européens – lorsqu’il concerne des PME/PMI de nationalité différente

– entre plusieurs entreprises. Cette forme de coopération suppose une forte complémentarité

d’activités et un fort recouvrement des marchés en termes des pays prioritaires.

Cette modalité doit permettre à des entreprises de taille restreinte, soit de répondre à un appel

d’offres – nécessitant la livraison de systèmes complets – émanant d’un client étranger, soit

de prendre pied sur un territoire étranger avec une grande autonomie de moyens par rapport

aux solutions d’implantation directe. Parce qu’ils sont conclus entre des entreprises de tailles

comparables et préservent ainsi l’indépendance des parties, ces accords sont particulièrement

adaptés au cas des PME de type familial (Saporta, 1992).

Néanmoins, les nombreuses recherches (Donckels et Aerts, 1992 ; Rispal, 1993 ; Hovi, 1994 ;

Belet, 1999 ; Grand, 1999) consacrées aux accords de coopération entre PME insistent sur la

difficulté de conclure ces accords et sur le risque permanent d’échecs dus aux conflits

engendrés par la coordination des activités entre partenaires plus ou moins opportunistes,

voire, dans certains cas, concurrents. Bien qu’un rapport sur les alliances de PMI sous-

traitantes, réalisé sous la direction de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon et

publié en 1995, recense plus d’une dizaine d’exemples d’entreprises sous-traitantes ayant eu

recours à l’internationalisation par coopération, les deux experts rencontrés sur le Salon du

39 Notamment « PMI 93 » réalisée par le Ministère de l’Industrie et de Commerce Extérieur avec le concours de la Deutsche Bank portant sur deux échantillons de PMI françaises et allemandes.

142

MIDEST sont, là encore, dubitatifs quant au succès de cette modalité, au moins lors de la

phase d’initiation à l’exportation40.

Extrait de l’entretien avec T. Delmotte, Secrétaire Général du GIST (Groupement

Intersyndical de la Sous-Traitance mécanique).

« Je connais beaucoup de tentatives, mais je n’en connais pas beaucoup qui aient fonctionné.

(…) Non, je ne souhaite pas vous donner d’exemples concrets d’échec parce que c’est un peu

délicat tout de même. Mais les raisons sont toujours les mêmes. Les entreprises ont trop de

recouvrements et puis, surtout, elles ont toutes le sentiment que la personne qui travaille à

compte commun pour l’alliance travaille toujours pour les autres et pas pour elle. Ces

alliances, ces regroupements, que j’appelle informels, malheureusement je n’en connais pas

qui fonctionnent. C’est différent pour les regroupements où on dépend d’un seul patron, où il

y a un réel patron. Mais les informels je n’ai pas de cas de réussite à vous donner en exemple.

Je ne dis pas que ça n’existe pas mais personnellement, je n’en connais pas. Je pense que, là

encore, ce sont des effets d’annonce faits par les donneurs d’ordres. Mais j’aimerais bien que

ça soit suivi de faits et que ça ne soit pas que des effets de manche. »

Extrait de l’entretien avec D. Coué, journaliste spécialisé dans la sous-traitance industrielle.

« L’alliance, j’ai pas le sentiment que ça marche au début. Par contre, dès que les affaires à

l’étranger deviennent beaucoup plus importantes, alors là l’entreprise peut créer une filiale ou

chercher une alliance avec un confrère domestique qui a des spécificités complémentaires et

on développe le business comme ça. C’est plutôt à ce moment là que je vois les alliances. Au

début, ça passe plutôt par des agents (…). ».

40 Au cours de notre étude exploratoire, nous n’avons pas rencontré de PMI sous-traitante ayant eu recours à cette modalité d’internationalisation.

143

2.1.2.3. L’internationalisation autonome

Enfin, des exemples d’internationalisation autonome ont pu être observés. Cette modalité

d’internationalisation, particulièrement risquée, peut résulter, soit d’une attitude passive, du

type réponse à une commande non sollicitée, soit d’une attitude active s’accompagnant d’une

démarche commerciale, auprès de clients potentiels situés à l’étranger. La prospection, quand

elle a lieu, puis la vente, peuvent être réalisées soit directement par le dirigeant, à condition

qu’il maîtrise une ou plusieurs langues étrangères, et/ou le responsable export de l’entreprise,

soit par un agent commissionné.

Extrait de l’entretien avec D. Coué, journaliste spécialisé dans la sous-traitance industrielle.

« Au début, ça passe plutôt par des agents qui sont rémunérés à la commission. Ce sont des

représentants locaux dans les pays étrangers qui connaissent bien l’industrie qui leur ramène

des contrats ou qui au moins initient la relation avec un client. Ils sont rémunérés en fonction

de ce qu’ils rapportent, au pourcentage, et ils sont multicartes. Cette solution est plus rentable

que de recruter un commercial bilingue qui va consacrer tout son temps à prospecter à

l’étranger, et donc que vous devez payer à plein temps. Et ça coûte cher, surtout au début car

il va mettre des mois avant de ramener un contrat. Et puis, y a une autre solution, plus

coûteuse en temps. C’est le petit patron qui prend sa voiture, qui fait 60 000 kilomètres par an

ou plus que ça, pour voir des directeurs d’achats de donneurs d’ordres étrangers. Ça existe,

c’est crevant et surtout faut être sacrément motivé car l’entreprise doit continuer de

fonctionner quand il est sur la route. Alors faut gérer la boîte, faire le commercial et

s’absenter et j’en connais qui souhaitent pas ou peuvent pas être trop souvent absents. Sans

compter qu’ils vont sur les salons à l’étranger. Et sur ces salons, vous allez voir y a beaucoup

de français maintenant. Au salon d’Hanovre, il y a un département sous-traitance qui est très

important, presque aussi gros que le MIDEST.».

Que la prospection à l’étranger soit déléguée ou non, nous avons constaté que dans les cas

d’internationalisation autonome active observés, l’expansion internationale de l’entreprise

était d’abord et avant tout l’affaire du dirigeant : c’est lui qui sait, qui décide, qui recrute, s’il

le juge nécessaire, la ou les personnes susceptibles de le seconder dans cette voie.

144

Extrait de l’entretien avec le dirigeant de l’entreprise J98 (Tableau 2.1., p 110) de 50

salariés, spécialisée dans l’étude et la réalisation de petites pièces en caoutchouc moulées avec

ou sans adhérisation sur métal et autres supports.

« Je n’ai pas recruté de commerciaux pour l’export, enfin que pour ça. J’ai choisi la

formation plutôt. J’ai fait de la promotion interne. Par exemple, y a un commercial qui a

trente cinq ans qui s’est mis à prendre des cours d’anglais tous les samedis matins alors qu’il

avait un anglais scolaire et trois enfants... Et puis, j’ai embauché des jeunes qui eux parlent

anglais. J’ai anticipé sur ce besoin. (…) non, je ne les recrute pas pour l’export mais parce que

je considère que l’anglais, si vous voulez, c’est comme la capacité d’adaptation de l’entreprise

à ses clients. Si aujourd’hui, personne ne parle l’anglais dans mon entreprise et qu’on me

consulte en anglais, comment je fais ? Parce que moi je n’ai pas appris cette langue, vous

comprenez. ».

L’internationalisation autonome, lorsqu’elle résulte d’une démarche active, traduit une forte

volonté d’indépendance de la part de la direction de l’entreprise : les ressources nécessaires au

développement international sont développées ou acquises sans que les acteurs les donneurs

d’ordres ou les acteurs externes à la relation de sous-traitance ne soient sollicités.

En définitive, l’étude exploratoire nous a permis d’identifier plusieurs modalités

d’internationalisation que nous regroupons en quatre catégories (Figure 2.6.) :

l’internationalisation autonome (a), l’internationalisation par coopération avec d’autres sous-

traitants (ST) (b), l’internationalisation dans le sillage des donneurs d’ordres (DO)

domestiques (c), l’internationalisation soutenue par d’autres acteurs privés et publics (d).

145

Figure 2.6. Les différentes modalités d’internationalisation de la PMI sous-traitante identifiées lors de l’étude exploratoire.

Par intégration dans le réseau de filiales de multinationales

(c) Dans le sillage des DO domestiques

Tirée par un DO domestique

Portée par un DO domestique

(d) Soutenue par des acteurs institutionnels ou privés

Organisations professionnelles

CCI

Conseils régionaux / généraux

CCEF

Bourses de ST

Clubs d’exportateurs

SCI SGE

(b) Par coopération entre ST

Accords de coopération

français

Accords de coopération européens

(a) Autonome

Passive

Active

Modalités d’internationalisation

de la PMI sous-traitante

146

2.2. La formulation de questions de recherche

Les principaux résultats de notre étude exploratoire débouchent sur l’expression plus précise

de notre problématique générale grâce à la formulation de quatre questions de recherche.

A l’instar du modèle théorique développé par PH. Andersen, P. Blenker et PR. Christensen

(1995), nos résultats soulignent l’influence des donneurs d’ordres dans le développement

international des entreprises de sous-traitance de taille restreinte. Toutefois, notre observation

empirique a contribué à enrichir ce modèle. Ainsi, les différentes formes que peut prendre

l’internationalisation des sous-traitants dans le sillage des donneurs d’ordres domestiques ont

été précisées et les autres structures de soutien d’origine privée ou publique ont pu être

appréhendées, en particulier grâce à notre entretien avec T. Delmotte.

En outre, les enseignements de notre étude exploratoire attestent l’hétérogénéité des modalités

d’internationalisation. En effet, ces dernières ne sont pas exclusives, comme le laissait

supposer le modèle danois. Au contraire, dans la plupart des cas que nous avons observés,

comme l’indique certains des extraits présentés plus en avant, la PMI sous-traitante a eu

recours simultanément et/ou successivement à différentes modalités au cours de son

expansion internationale.

Ainsi les entreprises K98 et B96 combinent les modalités (a)41 et (c)42. Toutefois, des

différences notables existent au niveau de leur développement international. Dans le premier

exemple, l’internationalisation est d’abord autonome et résulte d’une démarche active qui

perdure, puis elle s’accompagne de cas, plus rares, d’internationalisation tirée par des clients

domestiques. Dans le second exemple, l’entreprise a d’abord et surtout, bénéficié du soutien

des réseaux de filiales de multinationales et a eu recours, une fois seulement, à

l’internationalisation autonome suite au démarchage commercial d’un client étranger sur un

salon international. Les combinaisons possibles sont alors multiples. Et ce d’autant plus,

qu’elles peuvent concerner une entreprise sous-traitante aussi bien qu’un regroupement

d’entreprises sous-traitantes.

41 (a) = Internationalisation autonome 42 (c) = Internationalisation dans le sillage de donneurs d’ordres domestiques

147

Au delà de cette diversité, l’étude exploratoire ne nous permet par de découvrir le

déroulement de l’internationalisation des PMI sous-traitantes dans le temps. Autrement dit,

nous ne sommes pas en mesure de savoir si les différents intervalles de temps qui constituent

le processus s’articulent de manière séquentielle, anarchique ou itérative. Mais la question de

la nature de ce processus se pose avec d’autant plus d’acuité que les deux experts, interrogés

séparément sur le salon du MIDEST, s’accordent intuitivement sur le déroulement qu’ils

jugent être vraisemblablement le plus fréquent. Selon eux, la plupart des PMI sous-traitantes

bénéficierait d’abord du soutien des donneurs d’ordres (c)43 ou des institutionnels (d)44 lors

de la phase d’initiation à l’exportation, avant d’opter pour une démarche autonome (a)45 une

fois l’exportation engagée. Ce n’est qu’après que la coopération avec d’autres sous-traitants

pourra être envisagée en vue d’une implantation à l’étranger (b)46.

Enfin, nous constatons que la phase exploratoire n’a pas permis d’observer le cas de PMI

sous-traitantes françaises implantées à l’international. Une seule fois, la décision de

délocaliser une partie de sa production dans des pays où la main d’œuvre est peu coûteuse a

été évoquée par le dirigeant de l’entreprise J98 : la nécessité de réduire les coûts sur certains

produits banalisés le contraignant à envisager cette forme d’implantation, plus risquée selon

lui que l’exportation déjà pratiquée via certains de ses donneurs d’ordres domestiques.

Extrait de l’entretien avec le dirigeant de l’entreprise J98 (Tableau 2.1., p 110) de 50

salariés, spécialisée dans l’étude et la réalisation de petites pièces en caoutchouc moulées avec

ou sans adhérisation sur métal et autres supports.

« Aujourd’hui, je ressens l’international aussi comme une contrainte. Moi je ressens, si vous

voulez, que parmi les produits que nous fabriquons ici, il y en a à peu près 15 % qui sont

limites sur le plan de la rentabilité. Alors, ces produits là, si je veux les garder, il faut que je

les fabrique à l’étranger. Si je ne le fais pas je vais perdre les marchés, parce que je vais

travailler à perte. Ces marchés ne sont pas économiquement les plus rentables pour mon

entreprise mais ils font du volume. Et si je n’ai pas ce volume je vais descendre d’un rang

dans la cascade. C’est-à-dire que mes clients vont me déréférencer pour ces produits et s’ils 43 (c) = Internationalisation dans le sillage de donneurs d’ordres domestiques 44 (d) = Internationalisation soutenue par des acteurs institutionnels ou privés 45 (a) = Internationalisation autonome 46 (b) = Internationalisation par coopération entre sous-traitants

148

me sortent, je perds la possibilité de travailler avec eux sur des produits à forte valeur ajoutée.

Ils ne me consulteront plus pour ces produits et là ça devient très problématique. Donc je ne

peux pas me permettre d’arrêter les produits peu rentables, je dois les continuer mais en

baissant les coûts ... et donc délocaliser. Voilà c’est mon raisonnement, je n’ai pas le choix,

c’est une contrainte. (…). Notre choix s’est porté sur l’Afrique du Nord. Nous sommes allés

voir en Tunisie et au Maroc, pour commercer à travailler avec ces gens là sur des produits

dont ils ont besoin, et puis en sous-main, infiltrer les produits qui, chez nous, seront arrêtés à

terme. ».

D’après les experts, la délocalisation de l’activité des PMI sous-traitantes françaises à

l’étranger reste un fait exceptionnel. Ces témoignages corroborent la littérature sur

l’internationalisation des PME/PMI qui retient l’exportation comme modalité principale de

l’internationalisation de ces entreprises (Young, 1987). Dans ces conditions, notre champ

d’investigation empirique ultérieur se focalisera sur l’étude des modalités d’exportation

qui composent le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

La phase exploratoire a souligné l’intérêt, pour notre recherche, de recourir à l’approche

« réseau » de l’internationalisation des entreprises. En effet, nous avons pu constater

l’importance du rôle des réseaux, objectif majeur de notre étude exploratoire. La grande

majorité des modalités d’exportation observées est assistée, à des degrés divers, par des

acteurs du réseau de la PMI sous-traitante, parmi lesquels nous trouvons principalement les

donneurs d’ordres localisés en France et les organismes d’accompagnement à l’exportation

publics ou privés.

Cependant, il existe une modalité d’exportation autonome qui privilégie les ressources

internes à celles acquises via le réseau. De plus, le contenu des entretiens montre –

indépendamment des modalités d’exportation mises en œuvre – l’omniprésence des

caractéristiques individuelles du dirigeant dans le développement international de l’entreprise

(sa maîtrise des langues étrangères, sa perception du risque liée à la distance psychologique,

sa démarche volontariste ou non à l’exportation, sa volonté d’indépendance, etc.)

Au final, on retrouve les deux grandes catégories de variables – citées précédemment –

susceptibles d’influencer le processus d’exportation des PMI sous-traitantes : les variables

149

internes que sont les caractéristiques individuelles du dirigeant mais aussi les caractéristiques

organisationnelles de l’entreprise et les variables externes incluant les acteurs connectés au

réseau de la PMI sous-traitante ainsi que les caractéristiques du secteur d’activité

d’appartenance, telles que son degré d’internationalisation.

Dans ces conditions, le recours concomitant aux approches « béhavioriste » et « réseau » de

l’internationalisation de la firme est en mesure de nous fournir une grille de lecture globale de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

Ainsi, s’interroger sur le « comment » de l’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises revient à essayer de comprendre la dynamique de construction du processus

d’internationalisation de ces entreprises. Toutefois, il convient de ne pas tomber dans le

travers relevé par W. Bilkey et G. Tesar (1977), à savoir le nombre trop élevé de variables

susceptibles d’influencer le comportement exportateur de la PMI. Il est alors prudent

d’introduire un éclairage particulier qui nous permette de comprendre et d’analyser en

profondeur le processus dynamique et complexe d’exportation.

Les enseignements de notre revue de la littérature et de l’étude exploratoire, nous invitent

alors à considérer l’internationalisation comme un processus d’engagement de ressources afin

de créer les conditions nécessaires à la satisfaction d’un donneur d’ordres étranger et à

l’établissement d’une relation de sous-traitance internationale.

Selon cet éclairage, l’internationalisation est un processus formé d’une succession d’états, de

modalités d’exportation. Décrire ces modalités et mesurer l’étendue du recours à chacune

d’elles constitue la première étape vers la connaissance du processus d’internationalisation.

Dès lors, notre recherche s’efforcera d’identifier les modalités d’exportation mises en œuvre

par ces entreprises.

Toutefois, le processus d’internationalisation est doté d’une forte temporalité. Etudier le

développement de la succession des modalités d’exportation dans le temps doit permettre de

le caractériser.

Dans ce contexte, nous nous interrogerons sur l’agencement des modalités d’exportation

identifiées au cours du processus d’internationalisation.

150

Le processus d’internationalisation est également profondément dynamique. De ce fait,

comprendre sa dynamique suppose l’étude des caractéristiques – de l’environnement, de

l’entreprise et du dirigeant – qui affectent le choix d’une modalité d’exportation mais aussi le

passage d’une modalité à l’autre au cours de la trajectoire internationale de la PMI sous-

traitante.

Ainsi, nous chercherons à déterminer les variables qui influencent le choix d’une modalité

d’exportation.

Enfin, la plupart des modalités d’exportation impliquent une interaction de la PMI sous-

traitante avec un ou plusieurs acteurs de son réseau. Comprendre la nature de l’intervention de

ces acteurs revient à appréhender le lien entre les ressources – développées en interne ou

acquises en externe – requises à un moment donné par le développement international de la

PMI sous-traitante et la trajectoire de son processus d’internationalisation.

Le rôle joué par les différents acteurs intervenus lors du processus d’internationalisation de la

PMI sous-traitante sera, alors, approfondi.

Nos questions de recherche, récapitulées dans la figure 2.7., requièrent une description en

profondeur de notre objet d’étude, des états ou modalités d’exportation qui le composent. La

compréhension de la dynamique du processus d’internationalisation conduit également à

porter une attention particulière à l’enchaînement de ces modalités dans le temps. Une analyse

processuelle à visée descriptive est alors nécessaire (Grenier et Josserand, 1999). De même,

l’approche réseau du processus d’internationalisation impose de replacer l’information

recueillie dans son contexte et, par conséquent, d’accorder une importance toute particulière

aux relations qui s’instaurent entre la PMI sous-traitante et les acteurs de son réseau lors de

son développement international.

151

Figure 2.7. Les questions de recherche.

2. Comment s’agencent ces modalités d’exportation au cours du processus

d’internationalisation ?

3. Quelles sont les variables qui influencent le choix d’une modalité d’exportation ?

4. Quel rôle jouent les différents acteurs

intervenus au cours du processus d’internationalisation de la PMI

sous-traitante ?

1. Quelles sont les modalités d’exportation mises en œuvre par les PMI sous-traitantes ?

Finalement, à l’issue de l’étude exploratoire, le processus d’internationalisation des PMI sous-

traitantes françaises reste mal connu et la formulation d’hypothèses précises hasardeuses.

Aussi avons-nous développé quatre questions de recherche de nature profondément

exploratoire ; leur objectif étant d’approfondir notre compréhension du phénomène étudié.

Dans le chapitre suivant, nous exposons les choix méthodologiques que nous avons effectués

et les justifions par rapport à notre problématique de recherche.

152

CHAPITRE 3

L’ACCES AU TERRAIN : CHOIX ET MISE EN ŒUVRE

153

INTRODUCTION DU CHAPITRE 3

Au terme des deux chapitres précédents, notre objet de recherche, qui s’attache à comprendre

la dynamique de construction du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises, s’est précisé. Il convient désormais de s’interroger sur les choix méthodologiques à

opérer afin de situer notre travail au sein de la diversité des recherches en sciences de gestion.

Notre recherche, dont une des originalités repose sur un travail multi-méthodes, nous a

amenés à réfléchir très tôt à une position épistémologique « hybride ». Se positionner quant à

un paradigme épistémologique est en effet indispensable pour asseoir la validité et la

légitimité d’une recherche. Pour conduire sa réflexion, le chercheur en sciences de gestion

dispose traditionnellement de deux grands paradigmes épistémologiques : le positivisme et le

constructivisme. De nature normative, ces paradigmes orientent le chercheur dans un schéma

de pensée déterminé. Or, la réalité de notre recherche propose des aménagements entre ces

positions paradigmatiques, plus particulièrement, à propos des méthodes qui leur sont

respectivement associées. Ainsi, notre recherche privilégie un mode de raisonnement abductif

et investit le terrain de recherche de manière à la fois quantitative et qualitative.

L’objet de ce chapitre est de montrer comment nous avons construit notre stratégie de

recherche au regard de nos questions de recherche. Dans ces conditions, l’exposition de nos

choix méthodologiques (Section 1) précèdera la présentation détaillée de la réalisation de la

recherche (Section 2).

154

SECTION 1 – LES OPTIONS METHODOLOGIQUES

L’objet de cette section est de positionner notre recherche du point de vue épistémologique

afin de démontrer la cohérence entre notre objet de recherche et son traitement

méthodologique. Par conséquent, notre ambition n’est pas de dresser l’historique des

controverses épistémologiques qui prédominent depuis le milieu du dix-neuvième siècle, de

débattre sur la logique et le fondement des processus de la connaissance scientifique ou

encore de discuter de la remise en cause du paradigme positiviste, ni des raisons qui fondent

l’émergence d’un nouveau paradigme (le constructivisme). Nous présentons simplement ici

les éléments de discussion utiles à la construction de notre dispositif de recherche.

Notre démarche de recherche résulte de deux choix : le choix d’une position privilégiant

l’exploration et la compréhension d’un phénomène, et s’inscrivant dès lors dans un mode de

raisonnement abductif (1) et celui d’une méthode de recherche combinant méthodes

qualitatives et quantitatives (2).

1. L’ADHESION AU MODE DE RAISONNEMENT ABDUCTIF

En raison de son caractère profondément exploratoire, notre recherche est en adéquation avec

les principes fondamentaux du constructivisme concernant aussi bien la nature de la

connaissance produite (1.1) que le chemin de la connaissance emprunté (1.2).

1.1. La nature de la connaissance produite

Les sciences sociales connaissent un débat de longue date entre deux positions

philosophiques, considérées comme irréconciliables au plan conceptuel et devenues largement

des stéréotypes, à savoir le positivisme et la phénoménologie dont les différentes variantes

épistémologiques sont le naturalisme, le constructivisme, l’interprétativisme ou encore la

méthodologie qualitative.

Ces paradigmes correspondent respectivement à deux traditions de recherche dont il est

possible de lister les postulats et les implications méthodologiques qui en découlent à partir de

155

six différents présupposés retenus par J-C. Usunier et al. (1993) et A. Tashakkori et C.

Teddlie (1998) en vue de les comparer (Tableau 3.1.).

Tableau 3.1. Comparaison des fondements de base du positivisme et du constructivisme. Présupposés paradigmatiques Positivisme Constructivisme

1. Ontologie (nature de la

réalité) Il existe une réalité extérieure, possédant une essence propre.

L’essence de la réalité ne peut être atteinte ou n’existe pas.

2. Epistémologie (relation entre

le sujet et l’objet) L’observateur est indépendant de

ce qui est observé. L’objet (la réalité) est dépendant

du sujet (l’observateur).

3. Axiologie (rôle des valeurs) La connaissance est indépendante des valeurs, elle

est obtenue par des critères objectifs et n’est donc pas le

produit d’intérêts, de croyances humaines ou encore de jugements de valeurs.

La connaissance est mue par les intérêts humains, la

connaissance produite est alors subjective et contextuelle.

4. Généralisation La généralisation atemporelle et acontextuelle des régularités du

monde social est possible.

Le principal objectif n’est pas la généralisation mais la

description d’observations particulières incluant les aspects

historiques et contextuels.

5. Liens de causalité L’explication causale des régularités est privilégiée.

La compréhension de la réalité en interaction avec le sujet est

privilégiée.

6. Logique de recherche La logique hypothético-déductive consiste a formuler des hypothèses et à en déduire

des conséquences testables expérimentalement.

La logique inductive consiste à passer d’observations

particulières à des énoncés généraux.

Cette présentation synthétique et comparative des fondements qui régissent les deux repères

épistémologiques référents en sciences de gestion nous permet alors de préciser notre position

en faveur du constructivisme.

En effet, notre démarche de recherche s’accorde mal avec la conception positiviste de la

nature de la connaissance produite.

156

En postulant l’objectivité de la connaissance, les positivistes conçoivent l’existence de la

réalité indépendamment du chercheur (hypothèse ontologique). Or, les modalités

d’exportation mises en œuvre par les PMI sous-traitantes françaises constituent une réalité

difficilement repérable « objectivement » dans la mesure où elles n’ont pas fait l’objet, à ce

jour, d’études empiriques spécifiques. Par ailleurs, il n’existe pas de fichiers exhaustifs qui

répertorient les PMI sous-traitantes françaises effectivement engagées à l’international. En

conséquence, notre compréhension de la réalité du phénomène étudié se construit à partir de

notre interprétation a posteriori des informations recueillies auprès des dirigeants ou cadre-

dirigeants de PMI sous-traitantes qui ont conduit l’internationalisation de leur entreprise et

des experts, qu’il s’agisse de discours ou de réponses écrites à un questionnaire (hypothèse

phénoménologique).

Parce que notre objet de recherche concerne des entreprises de petite et moyenne taille dans

lesquelles la gestion et les choix stratégiques sont généralement centralisés autour de la

personne du dirigeant, il nous apparaît alors inconcevable d’étudier l’acte

d’internationalisation indépendamment du dirigeant et, inversement, l’acteur sans le processus

d’internationalisation. L’étude de l’interaction acte/acteur à travers la signification attribuée

par les acteurs aux différentes situations d’internationalisation de leur entreprise, qui s’impose

à nous pour rendre compte de la complexité du phénomène étudié, conduit à rejeter

l’hypothèse positiviste d’un « univers câblé » (Girod-Séville et Perret, 1999 : 18) où l’action

humaine est régie par des lois fondamentales déterminées, externes aux acteurs et immuables.

Notre vision du monde social est en revanche plus intentionnelle puisqu’elle considère que

« (…) les individus créent leur environnement par leur pensée et leurs actions, guidés par

leurs finalités. » (Girod-Séville et Perret : 20).

En outre, notre recherche s’inscrit dans un contexte culturel, politique et économique bien

précis. Notre investigation s’intéresse à des PMI sous-traitantes exclusivement françaises. A

la fin du vingtième siècle en France, l’internationalisation de ces entreprises est un

phénomène récent, en voie de développement, où le rôle des pouvoirs publics y est spécifique.

157

Dans ces conditions, les quatre hypothèses sous-jacentes à la nature de la connaissance

produite dans notre recherche sont les suivantes :

Subjective Contextuelle

Hypothèse phénoménologique

Nature de la connaissance

produite

Nature de la réalité

Nature du lien sujet/objet

Vision du monde social

Interdépendance Intentionnelle

1.2. Le chemin de la connaissance emprunté

Le chemin de la connaissance que nous empruntons passe par la compréhension de la réalité

du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. Notre démarche de

compréhension participe à la construction de la connaissance et est concernée par l’hypothèse

téléologique du paradigme constructiviste. « Sous cette hypothèse, le chemin de la

connaissance n’existe pas a priori, il se construit en marchant. (…) En outre, chez les

constructivistes, la démarche de compréhension est liée à la finalité du projet de

connaissance que le chercheur s’est donné. » (Girod-Séville et Perret, 1999 : 24).

Notre recherche d’une compréhension s’accompagne par ailleurs d’un processus de

construction de la connaissance de type « exploration ». Parce que l’internationalisation des

entreprises sous-traitantes françaises est une pratique récente, déficitaire sur un plan

académique et mal recensée, notre objectif n’est pas de mettre à l’épreuve de la réalité un

objet théorique mais de formuler des propositions théoriques novatrices. Le mode de

raisonnement déductif consistant à définir un modèle a priori à partir de la littérature existante

et à le tester ensuite pour être validé ou rejeté s’avère prématuré pour notre travail et risque

d’aboutir à une modélisation de la non connaissance.

Rapidement, la nécessité d’investir le terrain de manière qualitative s’est faite ressentir afin de

découvrir des régularités et d’aboutir grâce à ces observations à une meilleure compréhension

globale du phénomène. Dans ce cas, la littérature préexistante sert de support d’analyse des

éléments observés. Ainsi, lorsque la recherche s’inscrit dans un contexte de découverte visant

158

à explorer et à décrire un domaine neuf, la logique de l’induction s’avère particulièrement

appropriée (Evrard, Pras et Roux, 1993).

Toutefois, pour explorer, le chercheur peut adopter une démarche de type soit inductif, soit

abductif (ou adductif). C’est à CS. Pierce que l’on doit la découverte de l’abduction comme

troisième mode de conclusion décisive pour la logique de la science, à côté de la déduction et

de l’induction1 (Tableau 3.2.).

Tableau 3.2. Les trois formes de raisonnement – déduction, induction, abduction –, selon CS. Peirce2.

DEDUCTION

Règle Tous les haricots provenant de ce sac sont blancs.

Cas Ces haricots proviennent de ce sac.

Résultat (ou conséquence)

Ces haricots sont blancs.

INDUCTION

Cas Ces haricots proviennent de ce sac.

Résultat (ou conséquence)

Ces haricots sont blancs.

Règle Tous les haricots provenant de ce sac sont blancs.

ABDUCTION

Résultat (ou conséquence)

Ces haricots sont blancs.

Règle Tous les haricots provenant de ce sac sont blancs.

Cas Ces haricots proviennent de ce sac.

L’induction « (…) consiste à trouver une règle générale qui pourrait rendre compte de la

conséquence si l’observation empirique est vraie. L’abduction (…) consiste à élaborer une

observation empirique qui relie une règle générale à une conséquence, c’est-à-dire qui

permette de retrouver la conséquence si la règle générale est vraie. » (David, 2000 : 85).

Autrement dit, l’abduction conduit du résultat et de la règle au cas. Dans le raisonnement

déductif, c’est la prémisse qui est conjecturale. En revanche, dans l’induction et l’abduction,

la conclusion n’est que vraisemblable, mais « (…) elle élargit la connaissance en faisant 1 Selon A. David (2000 : 85), la distinction entre induction et abduction demeure souvent ignorée. Ainsi, l’induction, au sens de KR. Popper, correspond à l’abduction au sens de CS. Peirce. 2 Ce tableau d’exemples donnés par CS. Peirce est issu de l’encyclopédie de P. Kunzmann, F-P. Burkard et F. Wiedmann, (1991), Atlas de la philosophie, La Pochothèque, p 172. Ces exemples sont également repris par A. David (2001 : 85).

159

surgir une nouvelle idée dans la pensée, ce qui rend possible de nouvelles conceptions

scientifiques. »3.

Au final, A. David (2001) montre que c’est l’articulation de ces trois modes de raisonnement

en une boucle récursive qui permet la construction de la connaissance (Figure 3.1.).

Figure 3.1. La boucle récursive de construction de la connaissance selon CS. Peirce (David : 87).

abduction déduction induction

Il formalise cette boucle – abduction/déduction/induction – comme suit :

« - une hypothèse explicative est construite par abduction pour rendre compte de données

posant un problème (j’observe que la rue est mouillée et je cherche une explication : il pleut,

la balayeuse est passée, etc.) ;

- les conséquences possibles de cette hypothèse sont explorées par déduction (s’il pleut,

non seulement la rue est mouillée, mais aussi les trottoirs et les vitres de chez moi ; si la

balayeuse est passée, seule la rue est mouillée, mais alors nous sommes l’après-midi, etc.) ;

- l’induction permet une mise à jour (confirmation ou infirmation des règles ou théories

mobilisées (lorsqu’il pleut, la rue est mouillée, la balayeuse ne passe jamais le matin ou

encore, à un niveau de généralité supérieur : la pluie mouille ce qu’elle touche, etc.) ;

- si ces règles sont infirmées, alors il faut reformuler – par abduction – de nouvelles

hypothèses explicatives, et le cycle recommence. » (p 87).

Dans ces conditions, l’abduction constitue la première étape de toute production scientifique.

A ce titre, elle est fondamentale : « Une telle démarche scientifique, si elle ne correspond pas

aux critères de logique d’Aristote, est aujourd’hui reconnue comme scientifique par un

nombre significatif de chercheurs en sciences sociales. » (Hetzel, dans Market - Etudes et

recherches en marketing, 2003 : 59).

Par ailleurs, la distinction entre induction et abduction peut désormais être énoncée.

L’induction est une inférence logique qui confère à la découverte une constance a priori et

3 P. Kunzmann, F-P. Burkard et F. Wiedmann, (1991), Atlas de la philosophie, La Pochothèque, p 172, op. cite.

160

aboutit à la production d’une loi tandis que l’abduction confère à cette même découverte un

statut explicatif ou compréhensif qui, pour tendre vers la loi, nécessite d’être testé

ultérieurement (Blaug, 1982). « L’abduction est l’opération qui, n’appartenant pas à la

logique, permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde réel par un essai

de conjecture sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses (…) conjecture qu’il

convient ensuite de tester et de discuter. » (Koenig, 1993 : 7). « Elle est la seule forme de

raisonnement qui puisse générer des idées nouvelles, la seule qui soit, en ce sens

synthétique. » (Peirce, Collected Papers, 2, pp 776-7774, cité par David, 2001 : 87).

L’abduction est donc un processus d’interprétation qui implique nécessairement un choix de

la part du chercheur : « En effet, en raison du caractère créatif de l’activité interprétative sur

laquelle repose un certain nombre de travaux de recherche en général, en particulier en

marketing (…), d’aucuns pensent que le chercheur ne saurait se protéger derrière le simple

contenu de son travail de recherche en se contentant d’affirmer qu’il ne fait que mettre en

perspective et dévoiler de manière neutre et objective une réalité. » (Hetzel, dans Market -

Etudes et recherches en marketing, 2003 : 59).

Enfin, A. David précise qu’une recherche n’est pas tenue de parcourir en totalité la boucle de

la construction scientifique5 : « Cela a pour conséquence, entre autres, qu’il faut considérer

comme résultats scientifiques des conjectures obtenues par abduction, à la double condition

que certaines règles soient respectées et que l’abduction ne soit pas évidente a priori, soit

parce que le matériau empirique n’existait pas, soit parce que l’abduction suppose une réelle

innovation théorique ou paradigmatique. » (p 86).

Notre recherche procède par abduction. Son objectif est d’explorer un contexte complexe à

partir d’un système d’observations qu’il s’agit de structurer pour produire une explication

rationnelle. L’hypothèse explicative construite par abduction sera formée de différentes

propositions théoriques qu’il conviendra de tester ultérieurement. En outre, nous n’utilisons

pas l’exploration empirique au sens strict de la « tabula rasa », considérant à l’instar de AM.

4 A propos des publications de CS. Peirce, l’Encyclopedia Universalis (1999) indique qu’ « un seul livre de Peirce – un ouvrage d’astronomie – parut de son vivant. Sur la logique et la philosophie, il ne publia que des articles. (…) Ses principaux écrits ont été recueillis dans des Collected Papers dont six volumes parurent entre 1931 et 1935 et deux autres en 1957 et en 1958. ». 5 Il suffit que la boucle existe collectivement au sein de la communauté scientifique (David, 2001 : 86).

161

Huberman et MB. Miles (1991) que « tout chercheur si ouvert et inductif qu’il soit, arrive sur

le terrain avec un nombre d’idées directrices, de centres d’intérêt et d’outils. » (p 45).

En effet, malgré le caractère novateur de notre objet de recherche, nous disposions d’une

masse relativement importante d’informations provenant de la presse spécialisée et nous

avions repéré dans la littérature des concepts et des outils susceptibles de nous guider dans

notre processus de recherche. En conséquence, nous n’avions pas intérêt à opérer sur le terrain

de manière strictement inductive en faisant abstraction a priori des savoirs à notre disposition

au risque de « “réinventer la roue” et de passer beaucoup de temps à explorer des

phénomènes sur lesquels on sait déjà beaucoup. » (p 68). A ce propos, ces deux auteurs

évoquent leur adhésion, jusqu’à un certain point, au principe de l’induction pure : « Une

recherche plutôt inductive et peu structurée à l’avance est justifiée quand les chercheurs

disposent de beaucoup de temps et qu’ils explorent des cultures exotiques, des phénomènes

mal connus (…) Mais, lorsqu’on s’intéresse à certains phénomènes sociaux déjà explorés,

(…) des mois de terrain et des études de cas volumineuses ne produiront au bout du compte

que des banalités. » (p 46).

Après avoir étudié, dans le contexte de notre recherche, les différents fondements des deux

principales épistémologies (positiviste versus constructiviste), nous pouvons situer notre

travail dans le second paradigme. Toutefois, en pratique, ce mode de raisonnement n’est pas

systématiquement associé à une méthode d’investigation qualitative. Il convient alors de

dépasser la dichotomie souvent opérée en sciences de gestion entre qualitativisme et

quantitativisme. Notre choix se porte sur une méthode d’investigation combinant qualitatif et

quantitatif, et tout compte fait pour une position épistémologique quelque peu aménagée.

2. LE RECOURS A UNE METHODE MIXTE ET SEQUENTIELLE

De nombreux débats portent sur l’opposition entre les deux grands triptyques qui opposent

positivisme/déduction/quantitatif, d’une part, et constructivisme/induction/qualitatif, d’autre

part. Cependant, la réalité de notre recherche comprend de nombreux compromis entre les

deux positions épistémologiques « pures » décrites précédemment. Ainsi, nous avons adopté

un mode de raisonnement abductif tout en ayant recours à une stratégie d’investigation terrain

combinant méthode quantitative et méthode qualitative. Notre projet est alors de décrire le

162

rapprochement qui s’opère en sciences sociales entre quantitativisme et qualitativisme (2.1),

afin de pouvoir exposer nos arguments en faveur d’une méthode d’investigation empirique

mixte et séquentielle (2.2).

2.1. Le dépassement de la querelle quantitativisme/qualitativisme

Depuis les années quatre-vingt, on observe une évolution significative (2.1.1) de la querelle

entre approche quantitative ou qualitative en sciences sociales. De cette réconciliation en

cours émerge alors de nouvelles logiques de recherche qui prônent les recherches multi-

méthodes dans le cadre de la triangulation (2.1.2).

2.1.1. L’évolution du débat méthodologique

C’est en sciences sociales qu’apparaît une position épistémologique qui plaide en défaveur du

lien déterministe qui existerait entre le choix d’un paradigme et la méthode de recherche à

mettre en œuvre. En postulant que les approches qualitatives et quantitatives sont compatibles

et que les chercheurs peuvent utiliser les deux dans une même recherche, le « pragmatisme »,

ainsi qualifié par KR. Howe (1988)6, a permis à de nombreux chercheurs de dépasser le

clivage radical entre positivisme et constructivisme.

Les travaux utilisant des méthodes de recherche mixtes (Figure 3.2.) émergent alors aux

Etats-Unis dans les années soixante pour devenir courantes dans les années quatre-vingt

(Tashakkori et Teddlie, 1998). Ils combinent méthodes quantitatives et/ou qualitatives

simultanément ou séquentiellement au niveau des techniques d’investigation empirique et

donc indépendamment du positionnement paradigmatique dans lequel s’inscrit la recherche.

Emergent alors des « travaux multi-méthodes ». C’est ainsi que l’on trouve des auteurs

(Dalton, 1960 ; Hofstede, 1980 ; Pugh, 1988)7, qui bien qu’étant partisans d’un paradigme,

ont fait entorse à leurs convictions pour recourir au mélange des méthodes quantitatives et

qualitatives afin de mener à bien leur projet de recherche.

6 Dans A. Tashakkori et C. Teddlie (1998 : 12). 7 Les travaux de ces trois auteurs sont décrits dans l’ouvrage de J-C. Usunier et al., (1993 : 37-42).

163

Figure 3.2. L’évolution des approches méthodologiques en sciences sociales8.

I. L’époque « puriste » des mono méthodes de recherche

II. L’émergence des « travaux multi-

méthodes »

III. L’émergence des canevas de

recherche mélangés

Du 19ème siècle aux années 50 Des années 60 aux années 80

Années 90

Ce n’est que dans les années quatre-vingt dix que les travaux ayant recours à des canevas de

recherche ou méthodologies mélangés (Figure 3.2.) apparaissent clairement en sciences

sociales. Dans le cas de ces travaux, les deux approches sont alors combinées tout au long de

la trame qui permet d’articuler les différents éléments d’une recherche – problématique,

littérature, conceptualisation, questions de recherche, collecte des données, analyse et résultat

– et non plus, comme dans le cas des « travaux multi-méthodes » au niveau exclusif des

techniques de recueil des données. Cette position est ainsi revendiquée par des chercheurs en

sciences de l’organisation comme AM. Huberman et MB. Miles (1991, 2003) qui prônent une

conception positiviste aménagée ou encore par AS. Lee (1991) qui propose un modèle des

pratiques organisationnelles intégrant paradigme positiviste et paradigme interprétativiste.

En France, la question de l’alternative méthodes de recherche quantitative/qualitative9

préoccupe également les chercheurs en sciences de gestion (Brabet, 1988 ; Bergadaa et

Nyeck, 1992 ; Usunier et al., 1993 ; Allix-Desfautaux, 1995, Thiétart et al., 1999 ; Hlady-

Rispal, 200210). Pour de nombreux chercheurs cette opposition apparaît comme un faux

débat : « les deux approches viennent fréquemment à s’entrelacer et la réalité quotidienne du

chercheur atteste de la trop grande rigidité du cloisonnement entre méthodes quantitatives et

qualitatives. » (Allix-Desfautaux : 9).

8 Figure réalisée à partir de l’ouvrage de A. Tashakkori et C. Teddlie (1998). 9 A. Tashakkori et C.Teddlie (1998 : 12) remarquent que le pragmatisme, en tant que position épistémologique, est toujours dédaigné en Europe dans la mesure où il décrédibilise des concepts métaphysiques, tels que la vérité ou la réalité. 10 Lors de la Journée d’étude sur « La méthode des cas : une application à la recherche en gestion », réalisée par M. Hlady-Rispal et B. Saporta dans le cadre de l’IFREGE-CREGE le 5 décembre 2002 à l’Université Montesquieu Bordeaux IV, cette problématique, bien que connexe au sujet, a été abordée par plusieurs communicants – M. Bergadaa, A. David, P. Hetzel et P. Louart – qui s’accordent tous sur la complémentarité possible des méthodes qualitatives et quantitatives au sein d’une même recherche.

164

Ainsi, dès 1988, J. Brabet montrait, dans un article paru dans la revue « Recherche et

Applications en Marketing », que la frontière entre quantitatif et qualitatif s’avérait en réalité

difficile à opérer. Après avoir étudié une à une les sept oppositions11 classiquement décrites

dans les manuels de sciences humaines entre les deux approches, l’auteur affirmait sa

conviction que les « enseignants et chargés d’études gagneraient à se dégager des concepts

d’approche quantitative et d’approche qualitative pour mieux adapter leurs méthodes à leurs

objectifs (…). » (pp 75-76) dans la mesure où « le choix n’a pas à s’opérer entre des

méthodes qualitatives, exploratoires, non directives, intensives, globales sans mesures et sans

statistiques où l’intuition règnerait en maître et des méthodes quantitatives servant à la

vérification, directives, extensives mais parcellisantes, utilisant la mesure et la statistique

pour garantir l’objectivité. » (p 88).

Pour d’autres auteurs, dont M. Hlady-Rispal (2002), le débat quantitatif/qualitatif reste ouvert.

En effet, selon cet auteur, le problème est plus complexe qu’il n’y paraît en raison de la

confusion fréquente observée entre « méthodes » et « méthodologies », ces dernières étant

définies comme des « démarches générales structurées qui permettent d’étudier un thème de

recherche. Ainsi, les méthodologies établissent la façon dont on va analyser, découvrir,

décrypter un phénomène. » (p 26). Or, si la réalisation des travaux de recherche multi-

méthodes est réaliste tant sur l’aspect temporel qu’économique de la recherche, il semblerait

que cela ne soit pas le cas des travaux multi-méthodologies consistant à soumettre des

données à des méthodologies différentes. Pour ces derniers, « il est probable que des

perspectives de recherche opposées produiraient des résultats divergents… et le débat reste

ouvert. » (Deslaurier12).

La réflexion sur la réconciliation entre quantitativisme et qualitativisme aboutit, en sciences

de gestion, à l’acceptation d’un élargissement des logiques de recherche. Ainsi, M. Bergadaa

et S. Nyeck (1992) montrent, après une étude de la littérature en méthodologie de recherche,

qu’il n’existe plus d’association systématique entre un mode de raisonnement

(déductif/inductif) et une approche (quantitative/qualitative). Aux deux logiques habituelles –

quantitative déductive et qualitative inductive –, ils ajoutent les logiques qualitative

déductive, d’une part, et quantitative inductive, d’autre part (Tableau 3.3.). 11 (1) phase exploratoire/ phase de vérification ; (2) étude intensive ou extensive, (3) collecte de données directives ou non directives ; (4) construction de variables qualitatives ou quantitatives ; (5) traitement statistique ou non des données ; (6) méthodes globales ou parcellisantes ; (7) explication objective ou interprétation. 12 Cité par M. Hlady-Rispal (2002 : 37).

165

Tableau 3.3. Les quatre logiques de recherche selon M. Bergadaa et S. Nyeck.

MODE DE RAISONNEMENT

APPROCHE

Déductif Inductif Quantitative Il s’agit de déterminer si de nombreux

objets, représentatifs du monde de la recherche, possèdent bien les propriétés et vérifient les relations anticipées par le modèle.

L’objectif est de trouver des relations entre un grand nombre d’objets, de les décrire afin d’en induire un modèle qui soit généralisable au monde d’où ces objets sont issus.

Qualitative L’objectif est d’expliquer les qualités de quelques objets et comportements réels suivant les relations prédéfinies par le modèle théorique.

L’objectif est de comprendre à quel réseau de signification se rattachent les qualités essentielles d’un objet à partir du vécu des acteurs.

Source : adapté de M. Bergadaa et S. Nyeck (1992 : 35).

Le champ des logiques est encore élargi dans l’ouvrage collectif « Market » où six démarches

de recherche distinctes (notées de A à F) et classées selon deux critères – le processus

(inductif ou déductif) et l’unicité ou la multiplicité des objectifs et des méthodes – sont

exposées (Tableau 3.4.).

Tableau 3.4. Les six démarches de recherche identifiées dans l’ouvrage « Market : Etudes et recherches en marketing ».

CAS PROCESSUS OBJECTIFS DESCRIPTIFS

A Inductif Explorer On cherche, par exemple, à comprendre les déterminants d’un phénomène à l’aide de méthodes qualitatives.

B Inductif Explorer Maîtriser

On fait suivre le cas A d’un objectif praxéologique, tel que l’établissement d’un outil d’aide à la décision.

C Inductif Décrire Explorer Maîtriser

On mène une phase quantitative d’exploration du phénomène avant d’approfondir à l’aide de méthode(s) qualitative(s).

D Inductif/déductif Explorer Décrire

Soit on procède à plusieurs analyses exploratoires multi-méthodes, soit on examine les quelques relations qui paraissent importantes sur un échantillon plus large afin de gagner en capacité de généralisation statistique.

E Déductif Explorer Vérifier

On mène une étude exploratoire afin d’identifier les variables qui sont par la suite testées sur un échantillon plus large.

F Déductif Explorer Décrire Vérifier Maîtriser

On réalise une recherche hypothético-déductive réunissant les quatre phases du processus de recherche.

Source : adapté de Y. Evrard, B. Pras et E. Roux, (2003 : 51).

166

En dépit d’une acceptation, au moins théorique, de plus en plus grande pour l’utilisation de la

complémentarité de méthodes en sciences de gestion, il existe peu de recherches adoptant une

méthode d’investigation mixte séquentielle, si on exclut celles, largement utilisées, qui

consistent à mener une étude exploratoire qualitative préalablement à la réalisation d’une

étude quantitative dans une logique hypothético-déductive.

Ainsi dans les classifications répertoriant l’éventail des recherches françaises selon les

méthodologies mises en œuvre (Louart, 1998 ; Paturel, 1998), nous constatons le volume très

faible des recherches multi-méthodes. En effet, elles se situent loin derrière les recherches

empirico-formelles largement dominantes (39 % des thèses soutenues en France en 1998) et

les recherches empiriques qualitatives qui connaissent une progression de plus de 10 % depuis

quatre ans (soit 22 % des thèses en 1998). A l’instar de P. Louart, nous déplorons la faible

diffusion de ce type de recherches en sciences de gestion et posons la question de

l’acceptation académique d’une telle stratégie d’investigation. Néanmoins, il semblerait que

des disciplines, telles que le marketing, les ressources humaines ou encore les théories de

l’organisation, s’ouvrent plus largement à des utilisations combinées de méthode de recherche

et, dans une moindre mesure, des méthodologies.

La recherche en sciences de gestion fournit des exemples de thèses récentes dont les stratégies

de recherche marient méthodes quantitatives et qualitatives. Nous choisissons d’en présenter

trois récentes qui proposent des objectifs de recherche, et par conséquent des choix de

méthodes, distincts.

- La thèse de doctorat en sciences de gestion de S. Perez-Mignon, soutenue en 1998 et

dirigée par R. Teller.

La problématique de cette recherche s’articule autour de la notion de pérennité des

entreprises. La stratégie de recherche retenue est la suivante (Encadré 3.1.) : au terme d’une

étude quantitative visant à identifier les points communs et la diversité des entreprises

pérennes, l’auteur réalise une étude qualitative à l’aide d’une étude de cas en profondeur.

167

Encadré 3.1. La démarche méthodologique de la recherche de S. Perez-Mignon (1998). Le cheminement de cette recherche est structuré autour de deux logiques de recherche successives (déductive au départ puis inductive) et de trois grandes questions de recherche : - Qu’est-ce que la pérennité ? - Quelles sont les caractéristiques des entreprises pérennes ? - Quel est le processus de pérennité ?

Etape 1 : Eclaircir le débat autour du concept de pérennité en s’appuyant sur la littérature. Il s’agit de répondre à la première question de recherche. Etape 2 : Réalisation d’une enquête par questionnaire auprès de trente entreprises pérennes. En raison du nombre important de questions ouvertes, une « analyse de contenu à partir des éléments lexicaux des réponses-textes » (p 101) est réalisée. Cette étude quantitative permet de répondre à la deuxième question de recherche. Cette phase de la recherche est qualifiée de déductive par son auteur. Etape 3 : Réalisation d’une étude de cas en profondeur afin de tester la pertinence des analyses théoriques existantes sur le processus de pérennité organisationnelle. L’analyse des données comporte trois phases : la condensation des données, leur présentation et l’élaboration/vérification des conclusions. Cette étape permet de répondre à la troisième question de recherche. Elle a une portée inductive.

Méthode quantitative

+

Méthode qualitative

- La thèse de B. Deschamps, soutenue en décembre 2000 et dirigée par R. Paturel. Son

objet de recherche porte sur le processus de reprise d’entreprise par les entrepreneurs

personnes physiques. A propos des positionnements méthodologiques (Encadré 2), l’auteur

qualifie son travail de recherche en ces termes :

« La recherche est de nature inductive et associe des instruments qualitatifs et quantitatifs :

- qualitatif pour découvrir, préparer, confirmer et illustrer,

- quantitatif pour découvrir. » (Deschamps, 2000 : 56).

168

Encadré 3.2. La démarche méthodologique de la recherche de B. Deschamps (2000). L’objectif de cette recherche est de s’interroger sur l’intégration de la reprise dans le champ de l’entrepreneuriat : « comment peut-on caractériser la reprise d’entreprise par une personne physique ? et quelles réalités revêt ce type d’opération ? » (Deschamps, 2000 : 38). La recherche a donc un souci de compréhension du phénomène. La démarche méthodologique retenue par l’auteur s’articule autour de trois phases :

Etape 1 : Une phase exploratoire de nature qualitative permettant une réorientation de l’objet de recherche et autorisant la rédaction du questionnaire (5 entretiens auprès de repreneurs, personnes physiques) ; Etape 2 : Une phase de description grâce à une enquête par questionnaire dont l’analyse (analyses univariées, bivariées et multivariées de 75 questionnaires) a permis la modélisation du processus de reprise (dans l’introduction générale, l’auteur précise que cette phase de terrain est la plus importante de sa recherche, p 56) ; Etape 3 : Une phase qualitative dans le cadre de la triangulation : 6 entretiens au terme de l’analyse quantitative et deux rencontres réalisées lors de l’envoi des questionnaires ont donné lieu à la réalisation de mini-cas individuels.

Méthode qualitative

+

Méthode quantitative

+

Méthode

qualitative

- La thèse de C. Chauzal-Boutonnet, soutenue en 2002 sous la direction de F. Blanc.

Elle s’intéresse à la gestion du discours des dirigeants sur l’alliance stratégique. S’inscrivant

dans le paradigme constructiviste, elle repose sur « des choix méthodologiques particuliers.»

(p 4), et procède en deux temps (Encadré 3), « (…) adoptant tour à tour, une logique

abductive et une logique déductive. » (p 144).

Encadré 3.3. La démarche méthodologique de la recherche de C. Chauzal-Boutonnet (2002). L’objectif de cette recherche est de vérifier la pertinence de la proposition de recherche autour de laquelle s’articule la thèse : « le discours du dirigeant dans la presse portant sur l’alliance peut être un outil de marketing stratégique. » (p 4). Pour ce faire, la recherche se déroule selon deux phases successives mais complémentaires.

Etape 1 : Une analyse textuelle du discours des dirigeants portant sur l’alliance stratégique paru dans deux journaux économiques (Les Echos et La Tribune) pendant deux années consécutives. Le recours au logiciel Tropes permet d’effectuer des traitements statistiques à partir de données qualitatives. Cette phase aboutit à la formulation d’une esquisse d’aide à la décision. Etape 2 : Ce schéma d’aide à la décision est validé dans une seconde phase à l’aide de six études de cas de nature confirmatoire. La recherche entre alors dans une approche déductive.

Méthode quantitative

+

Méthode qualitative

169

L’existence de ces recherches doctorales nous a été profitable. En effet, elles nous ont

conforté quant à notre option méthodologique – ainsi que dans la réalisation de notre

investigation terrain – et à son acceptation au niveau académique. En outre, elles soulignent

l’intérêt que peut avoir un chercheur à l’utilisation combinée des méthodes quantitatives et

qualitatives.

2.1.2. L’efficacité des méthodes mixtes

L’efficacité des méthodes mixtes repose sur le principe que les faiblesses de chaque méthode

peuvent être contrebalancées par les atouts de l’autre. Or, toutes les méthodes possèdent des

forces et des faiblesses. Elles sont recensées dans le Tableau 5.3. réalisé à partir des analyses

comparatives de J-C. Usunier et al. (1993) et de C. Allix-Desfautaux (1995).

Tableau 3.5. La complémentarité des méthodes qualitatives et quantitatives.

FORCES FAIBLESSES

Méthodes QUANtitatives Méthodes QUALitatives

• Le contrôle par la fidélité et la validité offre une garantie sur le plan de l’exactitude des résultats et permet la reproductibilité et la généralisation.

• Elles fournissent une bonne couverture d’un vaste ensemble de thèmes.

• Elles offrent des résultats directement pertinents pour les décisions politiques.

• Elles peuvent s’avérer rapides et parfois économiques.

• La reproductibilité et la généralisation s’avèrent plus délicates : il est plus difficile d’établir une hiérarchie dans les informations obtenues.

• L’interprétation des données peut s’avérer discutable et par conséquent difficile à faire partager par une fraction significative de la communauté des chercheurs et par les décideurs.

• La collecte des données nécessite beaucoup de temps et de ressources.

Méthodes QUALitatives Méthodes QUANtitatives • Elles permettent d’obtenir une complétude,

un niveau de profondeur et une richesse des informations élevés et d’accéder aux réactions des individus et à leur contexte social.

• Elles peuvent faire apparaître une observation non prévue et révélatrice de phénomènes importants, mettre à jour une « observation surprenante »13.

• Elles ont la capacité de s’ajuster aux idées et théories nouvelles au fur et à mesure qu’elles se présentent et contribuent à la production de nouvelles théories.

• Elles ont du mal à capturer les processus ou le sens que les individus attribuent à leurs actions. La quantification réduit considérablement la complexité des phénomènes humains.

• Elles établissent une représentation élaborée à l’avance qui peut être un obstacle à la compréhension et tendent, en conséquence, à être d’une utilisation peu flexible et parfois artificielle.

• Elles ne permettent pas de produire des théories.

13 Selon l’expression de Lazerfeld citée par C. Allix-Desfautaux (1995 : 7).

170

En conséquence, les différentes méthodes de recherche se complètent dans le cadre de la

« triangulation14 », c’est-à-dire la combinaison de méthodes dans l’étude d’un même

phénomène (Denzin et Lincoln, 1994). Or, il existe différents modes de triangulation qui

constituent, selon TD. Jicks (1979), un continuum allant des plus simples aux plus complexes

(Figure 3.3.).

Figure 3.3. Le continuum de triangulation.

Triangulation « within method »

Triangulation « between method »

L’interprétation holistique

Triangulation primitive

Construction Validation Description holistique d’échelle ……………… Fiabilité …………… convergente …………… (ou contextuelle)

Configuration Configuration simple complexe

Source : adaptée de TD Jicks, (1979 : 603).

La triangulation « primitive » provient de la quantification de mesures qualitatives, de la

construction d’échelle. Elle apparaît à l’extrémité la plus simple du continuum puisqu’elle

« (…) ne constitue pas véritablement une union de méthodes indépendantes et ne reflète pas

fondamentalement des variétés de données combinées. » (Allix-Desfautaux, 1995 : 17).

La triangulation « within method » consiste à recourir, au sein d’une même méthode, à

différentes techniques de collecte et d’analyse des données. Visant à tester la validité interne

des résultats, cette forme de triangulation est guidée par deux principes : « une information

n’est prise en compte que si elle est confirmée par au moins une autre information émanant

d’une autre source ; lorsque deux informations issues de deux sources différentes ne

correspondent pas, il est nécessaire de recourir à une troisième source afin de résoudre le

problème. » (Allix-Desfautaux, 1995 : 18). Dans les méthodes qualitatives, le chercheur peut

ainsi recouper différentes informations, en utilisant l’interview, l’analyse documentaire et

14 Ce terme est emprunté à la navigation et à la topographie qui utilisent plusieurs points de repère pour définir, avec une plus grande précision, la localisation exacte d’un objet.

171

l’observation directe. Il peut en outre utiliser un système symbolique numérique pour traduire

la réalité observée, en complément du système symbolique verbal. A titre d’exemple, AM.

Huberman et MB. Miles (1991, 2003) préconisent, dans les deux éditions de leur manuel

d’analyse qualitative, le recours aux tactiques de « comptage » et de « factorisation » des

items, à l’aide de logiciels d’analyse de contenu, de façon complémentaire à d’autres

procédures plus traditionnellement qualitatives.

Selon TD. Jicks, la principale limite de cette forme de triangulation réside dans le fait qu’elle

utilise une seule méthode. De ce fait, certains auteurs estiment qu’elle « ne constitue pas en

soi une triangulation, mais un fait naturel propre à la plupart des recherches. » (Baumard et

Ibert, 1999 : 101). Selon eux, il convient de ne pas confondre la nature des données et celle

des méthodes. Ainsi M. Hlady-Rispal (2002 : 35 ) souligne que l’analyse des données

qualitatives ne saurait être exclusivement qualitative : elle « peut être quantitative, quasi-

quantitative ou qualitative. ».

L’archétype de la stratégie de triangulation consiste à réaliser un travail « multi-méthodes »,

une triangulation « between methods » (Jicks, 1979). Cette conjugaison des méthodes

quantitatives et qualitatives permet de profiter des atouts offerts par les deux approches en vue

de tester le degré de validité externe de la recherche. L’enquête par questionnaire peut

contribuer, par exemple, à tester les résultats de type qualitatif sur un plus grand échantillon et

fournir ainsi une plus grande confiance dans la généralisation des résultats obtenus en premier

lieu par une approche qualitative. Avec la triangulation « between methods », le chercheur est

en mesure de s’assurer que les résultats obtenus ne sont pas l’unique reflet de la méthodologie

qu’il emploie.

Enfin, la triangulation peut prendre la forme d’une « interprétation holistique » des unités de

l’étude (c’est-à-dire l’utilisation de variables contextuelles) et offre ainsi une analyse plus

complète et contextuelle que les précédentes. Les méthodes qualitatives peuvent jouer un rôle

déterminant dans la mise à jour de nouvelles données ou de nouvelles conclusions. Dans ce

contexte, le chercheur utilise la triangulation pour observer le même phénomène selon

différentes perspectives et enrichir sa compréhension (Jicks, 1979). Les trois principaux

arguments en faveur de l’interprétation holistique recensés par JC. Greene et al. (1989)15, à

15 Dans A. Tashakkori et C. Teddlie (1998 : 43).

172

partir de l’analyse de cinquante-sept études mixtes publiées dans les années quatre-vingt,

sont :

- l’initiation ou la découverte de paradoxes, de contradictions ou de nouvelles

perspectives ;

- le développement ou l’utilisation séquentielle des méthodes, de telle sorte que les

résultats de la première méthode permettent l’usage de la suivante ;

- l’expansion ou la compilation en vue d’un approfondissement des connaissances sur le

phénomène étudié.

En définitive, les opportunités et les limites de la triangulation, selon TD. Jicks (1979), sont

résumées dans le Tableau 3.6.

Tableau 3.6. Les principales opportunités et limites de la triangulation.

Opportunités

Limites

1. Une plus grande fiabilité dans les résultats.

2. La mise à jour de résultats inattendus.

Ainsi, d’anciennes théories peuvent être reformulées ou de nouvelles théories développées.

3. Une représentation plus riche et plus

explicative de l’objet d’étude.

4. La création de méthodes inventives, de nouvelles façons d’appréhender un problème.

1. Une reproduction rendue difficile en raison de la multiplicité des méthodes utilisées.

2. Une stratégie qui nécessite une

formulation précise de l’objet de recherche : « Si la recherche n’est pas clairement définie théoriquement et conceptuellement, aucune méthode au monde ne pourra produire un résultat satisfaisant. »16.

3. Le risque d’utiliser la triangulation pour

légitimer une méthode dominante, préférée par le chercheur : « Cela signifie que si l’une des méthodes quantitative ou qualitative devient une simple façade pour l’autre, l’objectif est biaisé. »17.

16 Traduction libre de : « If the research is not clearly focused theoretically and conceptually, all the methods in the world will not produce a satisfactory outcome. » (Jick, 1979 : 609). 17 Traduction libre de : « That is, if either quantitative or qualitative methods become mere window dressing for the other, then the design is inadequate or biased. » (Jick, 1979: 609).

173

2.2. La congruence entre l’objet de recherche et le dispositif de recherche multi-

méthodes

Notre recherche a pour objectif principal la description et la compréhension de la dynamique

de construction du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. L’objet

de recherche, ainsi que l’état de la littérature, orientent notre recherche vers l’étude combinée

du contenu et du processus de l’objet étudié. Il s’agit d’identifier les modalités d’exportation

spécifiques qui composent le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante avant

de mener une étude d’ordre processuel. Cette approche est rendue possible grâce à notre

stratégie de recherche qui se caractérise par la complémentarité (2.2.1) et l’utilisation

séquentielle (2.2.2) des méthodes d’investigation empirique qu’elle retient.

2.2.1. L’enrichissement mutuel des méthodes quantitatives et qualitatives

Notre préférence pour des méthodes complémentaires dans une démarche abductive se

concrétise à travers notre choix de privilégier l’interprétation holistique plutôt que la

validation convergente des résultats obtenue selon différentes méthodes (triangulation

« between method »). L’objectif général de la recherche est d’explorer le champ nouveau de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises en vue de formuler des propositions

théoriques. Pour ce faire, nous cherchons à comprendre et à saisir la réalité du phénomène

étudié en privilégiant l’imbrication des approches sur le contenu et sur le processus :

Ainsi, l’objectif principal de la recherche va au delà de la mise en évidence et de la

description des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes. Il vise également à étudier le

processus d’internationalisation de ces entreprises, à saisir son évolution dans le temps, à

comprendre les raisons du changement. Or, si l’enquête par questionnaire est mieux

appropriée que l’étude de cas pour décrire les modalités d’exportation effectivement mises en

œuvre par les PMI sous-traitantes et mesurer l’étendue du recours à chacune d’elles, en

revanche sa nature extensive et acontextuelle empêche d’appréhender la structuration de

l’internationalisation dans le temps et dans le cadre du réseau de la PMI sous-traitante. En

fait, les études de cas viennent consolider et compléter les résultats de l’enquête par

questionnaire. L’enrichissement mutuel des deux méthodes engendre l’efficacité de notre

stratégie de recherche et offre l’architecture la plus adaptée à notre problématique.

174

En définitif, nous cherchons à observer sur un grand échantillon (Phase 1), les types de PMI

sous-traitantes internationalisées selon les modalités d’exportation mises en œuvre. Une fois

les grandes catégories existantes identifiées, nous procédons à leur analyse en profondeur à

formuler des propositions théoriques (Phase 3). Notre méthodologie s’apparente alors à la

démarche de recherche notée C dans l’ouvrage collectif « Market : Etudes et recherches en

marketing » (Figure 3.4.).

Figure 3.4. La démarche de la recherche.

Maîtriser

Comprendre Explorer

Vérifier Décrire

1 2

3

Source : Y. Evrard et al., 1993 : 61.

A présent, il convient de détailler notre stratégie de recherche et les différentes étapes qui la

composent.

2.2.2. Le déroulement de la stratégie de recherche

Dans leur ouvrage consacré exclusivement aux méthodologies de recherche mixtes, A.

Tashakkori et C. Teddlie (1998) développent une taxonomie des multi-méthodes à partir de

deux critères de classification (Tableau 3.7.) : l’enchaînement des méthodes d’une part (les

symboles « // » et « + » signifiant respectivement « simultanéité » et « séquentialité ») et,

d’autre part, leur poids dans l’ensemble de la stratégie de recherche (les majuscules désignant

la méthode prépondérante).

175

Tableau 3.7. Une taxonomie des méthodes mixtes.

Traitement simultané

Traitement séquentiel

Préd

omin

ance

du

q

uant

itatif

QUAN // qual

qual + QUAN

QUAN + qual

Préd

omin

ance

d

u

qual

itatif

QUAL // quan

QUAL + quan

quan + QUAL

Poid

s éq

uiva

lent

QUAN // QUAL

QUAL + QUAN

QUAN + QUAL

ENCHAINEMENT DES METHODES

POID

SD

ES

ME

TH

OD

ES

Source : adapté de A. Tashakkori et C. Teddlie (1998 : 44-48).

Le dessein compréhensif des modalités et du processus d’internationalisation des PMI sous-

traitantes françaises implique une démarche méthodologique séquentielle dominée par la

méthode quantitative, notée « QUAN + qual » dans le tableau 3.7.. Cependant, notre terrain

d’investigation privilégie une méthode plutôt de type « qual + QUAN + qual ». En effet,

notre recherche se déroule, non pas en deux, mais en trois phases, comme l’illustre la figure

3.5. (p 177) : explorer ; décrire et approfondir.

176

Figure 3.5. Le déroulement de la stratégie de recherche.

EXPLORER

DECRIRE

=

Quatre questions de recherche de nature exploratoire

Exploration théorique Opérer le lien entre les théories de la sous-traitance et celles de l’internationalisation

des PME/PMI

Etude exploratoire Méthode qualitative

Entretiens exploratoires Analyse heuristique

+

Méthode QUANTITATIVE

Questionnaire Analyse typologique / Analyse discriminante / Analyse de variance / Tests d’association

= - Identifier, à partir d’un grand échantillon, les modalités d’exportation des PMI sous-traitantes françaises (Question de recherche 1) - Premier niveau d’appréhension des caractéristiques de ces modalités (Question de recherche 3) - Premier niveau d’appréhension du rôle joué par les acteurs du réseau de la PMI sous-traitante (Question de recherche 4)

RESULTATS

APPROFONDIR

Méthode qualitative Entretiens en profondeur

Analyse de processus =

- Approfondir les caractéristiques des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes françaises (Question de recherche 3) - Approfondir le rôle joué par les acteurs du réseau de la PMI sous-traitante (Question de recherche 4) - Décrire le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises (Question de recherche 2)

FORMULER DES PROPOSITIONS THEORIQUES

177

La phase exploratoire , menée à travers une approche qualitative constituée de deux vagues

d’entretiens successives – la première en 1996 et la seconde en 1998 –, est utilisée pour nous

permettre d’acquérir une vision aussi complète que possible de l’univers de la recherche – la

sous-traitance industrielle et sa dimension internationale –, mais aussi du phénomène

d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. Elle participe également à

l’élaboration du questionnaire et à la mise en œuvre de la phase quantitative : « (…)les

données qualitatives peuvent contribuer à phase quantitative d’une étude pendant la phase de

conception en participant au développement conceptuel et à l’instrumentation. Elles facilitent

également l’accès et le recueil des données. » (Huberman et Miles, 2003 : 83).

Si l’étude exploratoire enrichit notre réflexion conceptuelle et théorique, sa nature

exploratoire et qualitative constitue un frein à l’identification exhaustive des modalités

d’exportation des PMI sous-traitantes françaises. Elle constitue cependant une étape

préliminaire indispensable au développement de nos questions de recherche et à la réalisation

de notre étude quantitative ; phase de notre stratégie de recherche.

La phase descriptive passe par la mobilisation d’une enquête par questionnaire dont

l’objectif est de photographier, dans un contexte précis, les PMI sous-traitantes françaises

selon les modalités d’exportation identifiées.

L’utilisation d’une enquête par questionnaire résulte d’une réflexion sur la manière

d’effectuer la phase descriptive de notre recherche et, plus précisément, de la réponse à deux

niveaux de questionnements :

- S’agit-il de privilégier la décomposition ou l’identification des formes du processus

étudié ?

- Quelle approche – taxonomique ou typologique – choisir ?

Les réponses à ces deux questionnements apparaissent dans la figure 3.6. (p 179)

178

Figure 3.6. Les choix relatifs à l’enquête par questionnaire (phase de la stratégie de recherche).

(b)

Phase DECRIRE

les modalités d’exportation qui composent le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises

mobilisation d’une enquête par questionnaire

En vue d’une DESCRIPTION

IDENTIFICATION DES FORMES

Décomposition (a)

LA TAXONOMIE La typologie

(a’)

(b’)

En vue d’une EXPLICATION

Pour décrire le contenu d’un objet, C. Grenier et E. Josserand (1999) identifient deux

démarches : la première – notée (a) dans la Figure 3.6. – , correspond à l’« identification des

formes » et vise à mieux appréhender l’objet étudié dans son ensemble. Elle est par

conséquent plus globale que la seconde qui consiste à procéder par « décomposition » (a’) de

l’objet étudié en un certain nombre de caractéristiques. En pratique, un choix tranché entre ces

deux approches n’est pas vraiment possible. Toutefois nous choisissons d’adhérer à la

première approche (a). En effet, les modalités d’exportation des PMI sous-traitantes

constituent un phénomène jusqu’alors mal connu de la communauté scientifique et peu

présent dans les publications des organismes professionnels. En raison de ces contraintes,

l’identification de l’éventail des différentes modalités d’exportation et leur catégorisation

nous sont apparues comme une phase liminaire incontournable à leur description, à leur

comparaison et, tout compte fait, à leur compréhension. L’identification des formes est alors

prioritaire par rapport à la question de la composition.

179

Ensuite, notre recherche descriptive s’inscrit pour partie dans la logique de recherche des

formes dont « le principe général est l’étude d’un objet en regroupant les observations dans

des catégories, des groupes homogènes, qui permettent une appréhension plus facile de la

réalité. Chaque catégorie est généralement représentée dans son ensemble par ce que l’on

peut appeler une configuration ou un idéal type. » (Grenier et Josserand : 111). Pour ce faire,

deux approches distinctes s’offrent à nous (Figure 3.6.) : la taxonomie (b) et la typologie (b’).

Une fois encore, c’est la nouveauté de l’objet observé qui conditionne notre choix.

L’émergence d’une classification des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes

françaises ne peut être conçue par une approche purement théorique (approche typologique).

La connaissance accumulée lors de notre étude exploratoire ne peut suffire. Dès lors,

l’adoption d’une approche taxonomique (b) visant à l’émergence empirique des

configurations s’impose à nous.

« La constitution de taxonomies consiste en une démarche empirique et inductive de

classification. » (Grenier et Josserand : 112).

Cette approche fait appel à des techniques statistiques dites de classification et de

structuration, parmi lesquelles nous utiliserons l’analyse typologique18 afin de segmenter les

modalités d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

L’analyse typologique, obtenue à partir d’un grand nombre d’observations, doit alors

permettre d’aboutir à la systématisation des modalités mises en évidence, généralisables au

monde d’où ces observations sont issues. Le recueil des données peut être structuré et strict, et

une méthode quantitative par questionnaire convient parfaitement (Evrad et al., 1997).

L’étude quantitative a également pour dessein de donner du sens au phénomène étudié.

Chaque modalité d’exportation identifiée est appréhendée à l’aide de quatre facteurs clés : les

caractéristiques de l’entreprise et de son internationalisation, celles de son dirigeant et de son

environnement. Le décryptage des modalités d’exportation est alors possible.

L’étude quantitative, parce qu’elle vise tout à la fois à repérer et à décrire, au moins

partiellement, les modalités d’exportation des PMI sous-traitantes est une étape

incontournable de la modélisation de l’objet étudié. Il s’agit même de l’étape décisive de notre

18 Le dispositif de collecte des données par questionnaire et les outils d’analyse statistiques utilisés sont présentés en détail dans le chapitre IV.

180

investigation empirique dans la mesure où elle sert de clef de voûte aux deux études

qualitatives réalisées lors des phases et .

L’enquête quantitative fait apparaître les différentes configurations de modalités d’exportation

des PMI sous-traitantes. Celles-ci sont approfondies grâce à des entretiens complémentaires

auprès de deux cas exemplaires. Ces cas sont choisis parmi les différentes classes formées

l’analyse typologique. Leur objectif est double : décoder de façon plus détaillée et analytique,

approfondir les caractéristiques de chaque type de modalités d’exportation des PMI sous-

traitantes et comprendre la dynamique du processus d’internationalisation des PMI sous-

traitantes. Lors de cette phase, les données quantitatives appuient la partie qualitative de

l’étude pendant la phase de conception en contribuant à l’échantillonnage qualitatif

(Huberman et Miles, 2003).

En définitive, le caractère exploratoire de notre travail de recherche et sa vocation descriptive

légitiment l’adoption d’une stratégie de recherche qui combine méthodes qualitatives et

quantitatives. Les informations obtenues grâce à la mobilisation successive de ces différentes

méthodes doivent favoriser l’émergence de propositions théoriques.

Dans ce contexte, l’enquête par questionnaire et les entretiens semi-directifs se complètent et

se renforcent mutuellement. Cette stratégie de recherche permet l’utilisation séquentielle des

méthodes, de telle sorte que les résultats de la première méthode rendent possible l’usage de

la suivante. Elle facilite aussi la compilation des données en vue d’un approfondissement des

connaissances sur le phénomène étudié.

L’utilisation d’une méthode mixte séquentielle constitue de facto un aménagement du

paradigme constructiviste en ce qui concerne plus particulièrement les critères de validité de

la connaissance. Tout positionnement épistémologique et méthodologique, qu’il soit

quantitatif ou qualitatif, impose des critères de validité et de fiabilité à respecter pour que la

connaissance produite soit reconnue, même s’ils ne sont pas identiques. Les critères de

validité de la connaissance proposés par les positivistes (la vérifiabilité, la confirmabilité et la

réfutabilité) s’avèrent, dans une conception puriste, inadaptés à la conception constructiviste

de la nature de la connaissance produite. Pour les constructivistes, il n’y a pas réellement

d’accord quant aux critères de validité de la connaissance. Aussi ils se refusent à donner un

181

unique critère de validité ce qui « leur permet d’accepter et de défendre une pluralité de

méthodes (de la connaissance). » (Girod-Séville et Perret, 1999 : 30). Dans notre cas, la

question de la généralisation théorique de la recherche ne peut donc pas se poser dans les

mêmes termes que pour une recherche s’inscrivant dans une logique qualitative inductive et

s’appuyant sur l’étude de cas comme stratégie de recherche à part entière19. La prédominance

de notre enquête par questionnaire autorise en effet une généralisation de nature statistique.

Alors que la méthode statistique apporte la sécurité d’une généralisation, les études de cas

devraient apporter profondeur et clairvoyance (Allix-Desfautaux, 1995).

19 RK. Yin (1990) développe l’idée selon laquelle les études de cas autorisent, tout autant que les enquêtes et les expérimentations, un niveau de généralisation théorique de nature analytique ; les études de cas n’ayant pas pour vocation de produire une généralisation de nature statistique.

182

SECTION 2 – LA MISE EN OEUVRE

L’architecture de la recherche est la trame qui permet d’articuler les différents éléments de la

recherche. Le lien entre nos questions de recherche et le choix d’une stratégie de recherche

mixte ayant déjà été exposé, il nous faut désormais détailler les moyens nécessaires pour

répondre à la problématique : les méthodes d’analyse, l’échantillon et le recueil des données.

Compte tenu de la nature spécifique de notre dispositif de recherche, et pour des raisons

évidentes de clarté, nous sommes conduits à présenter séparément le cadre d’investigation de

l’étude quantitative (1) de celui de l’étude qualitative (2).

1. LE CADRE D’INVESTIGATION DE L’ETUDE QUANTITATIVE

Il s’agit ici de proposer une approche concrète de la conduite de notre étude quantitative.

Autrement dit de répondre aux questions du « quoi » et du « comment » observer. Dans cette

optique, nous traiterons successivement du choix et de la mesure des variables (1.1) puis du

recueil des données (1.2).

1.1. Le choix et la mesure des variables

L’objectif de l’enquête par questionnaire est double : il s’agit de présenter les caractéristiques

des entreprises de notre échantillon et de les classer à l’aide d’une analyse typologique suivant

leur modalité d’exportation. Les groupes ainsi obtenus sont ensuite décrits. En conséquence,

le questionnaire (Annexe 1) doit comporter deux catégories de variables : celles qui

permettent la classification des objets observés (1.1.1) et celles qui permettent la description

des groupes obtenus et des caractéristiques des répondants (1.2.1).

1.1.1. Les variables de classification

L’analyse typologique vise à construire des groupes d’individus à partir de variables choisies

a priori sur la base d’une contrainte simple : les individus doivent être les plus semblables

possibles à l’intérieur des groupes et les plus dissemblables possibles d’un groupe à l’autre.

183

Cette hypothèse d’hétérogénéité de la population étudiée est alors une question que le

chercheur doit se poser avant de mettre en œuvre une analyse typologique, au moment du

choix des critères de classification (Evrard et al., 2003).

Dans notre recherche, cette hypothèse a pu être vérifiée grâce aux observations réalisées dans

le cadre de l’étude exploratoire (première phase de notre stratégie de recherche) qui ont révélé

que les PMI sous-traitantes françaises recouraient à différentes modalités d’exportation. En

effet, pour être référencées chez des donneurs d’ordres situés à l’étranger, ces entreprises ont

pu être accompagnées, plus ou moins fréquemment, par différentes catégories d’acteurs, par

un seul acteur ou bien par aucun acteur.

L’analyse typologique est, par conséquent, réalisée à partir de l’attribut : la fréquence

d’intervention des acteurs externes dans le processus d’internationalisation de la PMI sous-

traitante.

Une liste de huit types d’acteurs organisationnels privés ou institutionnels susceptibles

d’intervenir dans le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante a pu être établie

au terme de la phase exploratoire. Elle comprend les donneurs d’ordres – parmi lesquels il

nous est apparu important de distinguer les donneurs d’ordres français localisés en France (1),

les donneurs d’ordres / filiales françaises de groupes étrangers (2) et les donneurs d’ordres

étrangers situés en dehors de la France (3), les sous-traitants français ou étrangers (4), les

Syndicats professionnels (5), les Bourses de Sous-Traitance (6), les Chambres de Commerce

et d’Industrie (7) et les Conseils Régionaux et/ou Généraux (8). Cette liste, ne pouvant être

par nature exhaustive, nous avons ajouté l’item « Autre(s) : à préciser ».

Afin de mesurer la fréquence d’intervention de chacun de ces acteurs dans le processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante, nous avons choisi une échelle d’intervalles à

supports sémantiques en six points :

Jamais Très rarement Rarement Souvent Très souvent Toujours

1 2 3 4 5 6

Le choix d’un nombre de points pair permet d’éviter que les répondants n’adoptent, par

facilité, la position médiane qui dans notre échelle correspondrait à « Parfois ». En outre, nous

184

nous sommes assurés que notre échelle d’évaluation soit balancée, c’est-à-dire qu’elle

comporte autant de réponses négatives que positives.

Finalement, c’est la combinaison des réponses à l’échelle d’évaluation pour chacun des

acteurs recensés qui permet de définir les classes correspondant aux modalités d’exportation

de chaque PMI sous-traitante française observée (question 13). Au total, la fréquence

d’intervention d’acteurs externes dans le processus d’internationalisation de la PMI sous-

traitante est appréhendée à travers une série de 9 critères.

1.1.2. Les variables descriptives

La description des groupes d’individus formés par l’analyse typologique ne doit pas se limiter

aux seuls critères qui ont été utilisés pour établir la classification. Selon Y. Evrard et al., « il

est fréquemment utile pour interpréter les types, de recourir à des variables n’ayant pas été

incluses dans la typologie, car moins directement liées au phénomène étudié, mais pouvant

contribuer à la compréhension (…). » (1993 : 396).

Les modèles d’internationalisation des PME/PMI s’appuient traditionnellement sur un cadre

intégrateur qui met en évidence trois groupes de variables clés ayant une influence sur le

comportement exportateur de ces entreprises (Roux, 1991 ; Gibiat, 1994) : les caractéristiques

du dirigeant (1.1.2.1), celles de l’entreprise (1.1.2.2) et celles de l’environnement (1.1.2.3).

Notre recherche ayant pour objectif de comprendre le processus d’exportation de la PMI sous-

traitante, ces variables servent à décrire les groupes issus de l’analyse typologique. En outre,

cette description est enrichie par une quatrième catégorie de variables évaluatives du

développement international des PMI sous-traitantes étudiées : les caractéristiques de

l’internationalisation de l’entreprise (1.1.2.4).

1.1.2.1. Les caractéristiques individuelles des dirigeants

Dans les modèles d’internationalisation des PMI, les variables socio-démographiques (a) et

psychographiques (b) du dirigeant sont classiquement reliées au fait d’exporter.

Les variables socio-démographiques (a) correspondent à une définition élargie au domaine de

l’exportation. Sont traditionnellement classées dans cette catégorie l’origine du dirigeant, le

185

fait qu’il ait vécu à l’étranger, son niveau et type de formation et sa maîtrise des langues

étrangères.

Selon S. Reid (1983), l’origine étrangère du dirigeant, ou de sa famille, ou encore le fait qu’il

ait séjourné une longue période à l’étranger apparaissent comme autant de facteurs

influençant le comportement à l’exportation. Notre objectif est différent puisqu’il vise à

observer si ces variables sont susceptibles de spécifier la modalité d’exportation retenue.

Nous avons saisi les facteurs suivants pour l’individu lui-même et pour son entourage proche

(question 30) :

- le fait d’avoir fait des études à l’étranger ;

- d’avoir vécu plus de six mois à l’étranger ;

- le fait d’être d’origine étrangère.

Au total, nous avons donc six facteurs possibles d’exposition à des cultures ou

environnements étrangers comme l’illustre le Tableau 3.8.

Tableau 3.8. Mesure du taux d’exposition à des cultures ou environnements étrangers.

Occasions

Dirigeant Entourage du dirigeant

- Etudes ou stages à l’étranger - Vie plus de six mois à l’étranger - Origine étrangère

oui non

oui non

oui non

oui non

oui non

oui non

Concernant la formation individuelle du dirigeant, nous avons retenu huit facteurs de mesure

du niveau d’études atteint (question 31) : autodidacte, certificat d’étude, CAP, BEP,

baccalauréat, bac +2, bac + 4 et au delà. Par ailleurs, nous avons souhaité apprécier la nature

de la formation reçue afin de savoir si elle était plutôt générale, technique ou commerciale

(question 32).

Enfin, le niveau de maîtrise des langues étrangères a été mesuré de façon classique (questions

33 et 34). S’agissant de la possibilité de communiquer avec d’éventuels donneurs d’ordres

étrangers, nous nous sommes intéressés aux langues « parlées », et non aux langues « lues » et

186

« écrites ». Pour les cinq principales langues européennes20 autres que le Français (Anglais,

Allemand, Espagnol, Italien, Portugais), le dirigeant devait indiquer son degré de pratique :

« courant », « moyen », « faible » ou « ne parle pas du tout ». A l’instar d’E. Roux (1991),

nous partons du principe que même un niveau minimum dans une langue peut permettre

d’établir une communication avec l’étranger ou tout au moins réduire un frein perçu par le

dirigeant.

Les variables psychographiques (b) englobent classiquement les déterminants profonds et

permanents du comportement tels que la personnalité et les styles cognitifs, les attitudes et

attentes individuelles vis-à-vis de l’exportation (Roux, 1991). Seules les attitudes vis-à-vis de

l’exportation et envers le risque sont intégrées dans notre analyse : les déterminants profonds

du comportement étant des facteurs stables – et donc non modifiables –, demeurent

difficilement mesurables.

Les modèles de W. Bilkey et G. Tesar (1977) et ST. Cavusgil et J. Nevin (1981) montrent que

le niveau d’attente du dirigeant vis-à-vis de l’exportation en termes de profit, de croissance et

de sécurité est significativement relié au fait qu’une entreprise exporte ou non.

Dans notre recherche, le niveau d’attente du dirigeant envers l’exportation a un double

objectif :

- Préciser notre mesure de la performance à l’exportation en incluant, à l’instar de G.

Albaum et A. Shoham (1994), le résultat de l’exportation mesuré par l’intensité et

l’évolution du taux d’exportation21, mais aussi une mesure plus qualitative faisant

référence aux objectifs de l’engagement international de l’entreprise dont l’atteinte est

soumise à l’appréciation du dirigeant (Albaum et Shoham, 1994)22.

- Apprécier si l’atteinte perçue des objectifs stratégiques associés à l’exportation varie

significativement d’une modalité d’exportation à l’autre.

Pour ce faire, nous avons utilisé une échelle d’intervalles à sept positions (question 36). Les

six premières permettent de mesurer le degré d’accord ou de désaccord avec la proposition

20 Les PMI sous-traitantes exportant principalement vers les pays de la l’Union Européenne. 21 Cf. question 7 du questionnaire. 22 Au terme d’un recensement des différents sens donnés à la performance dans les disciplines de gestion, A. Bourguignon (1994) aboutit à la définition suivante : « La performance est la réalisation des objectifs organisationnels » (p 10). Est « performant », l’organisation ou l’individu qui atteint ses objectifs. La performance est ainsi appréhendée au sens strict, à savoir le résultat de l’action, et au sens large, comme concept indissociable de ses objectifs.

187

faite : « Indiquez dans quelle mesure les objectifs attendus ont été atteints par l’engagement

international de votre entreprise. ». Le dirigeant ne s’étant pas nécessairement fixé l’ensemble

des objectifs de l’internationalisation proposés, nous ajoutons une septième position à notre

échelle : « ne s’applique pas ». Les objectifs stratégiques sont au nombre de cinq :

- l’objectif de survie de l’entreprise ;

- l’objectif de sécurité de l’entreprise (emploi, sécurité d’investissement) ;

- l’objectif de croissance de l’activité ;

- l’objectif d’augmentation des profits ;

- l’objectif de diversification des activités.

Longtemps sous-jacente dans les modèles d’internationalisation des PME/PMI (Wiedersheim-

Paul, Olson et Welch, 197823 ; Reid, 198124), l’hypothèse de l’influence de l’attitude du

dirigeant envers le risque sur l’exportation n’a été testée que tardivement par E. Roux (1991)

dans sa recherche doctorale. Pour ce faire, l’auteur élabore une mesure métrique de l’attitude

du dirigeant inspirée de l’échelle de réponses utilisée par N. Kogan et MA. Wallach (1964)25

dans leur ouvrage sur la prise de risque individuelle. Cette mesure consiste à apprécier un

niveau de chances acceptables pour faire un investissement ; ce niveau varie de 0 chance à 10

chances sur 10. Ainsi, plus un dirigeant est « preneur de risque », plus les chances qu’il

considère nécessaires sont faibles ; à l’inverse, plus un individu est « éviteur de risque », plus

le niveau de chances acceptables sera élevé.

Les deux situations retenues par E. Roux (1991 : 187-188) sont les suivantes :

« Imaginez la situation suivante :

Vous avez, sur le marché français, un client potentiel qui vous permettrait d’augmenter votre

chiffre d’affaires de 10 %.

Pour avoir de bonnes chances de décrocher ce client potentiel, qui pourrait devenir par la

suite un client régulier, vous devez réaliser un investissement commercial de 0,5 % de votre

chiffre d’affaires total.

23 Ces auteurs ont émis, dès 1978, l’hypothèse du rôle déterminant de « (…) l’incertitude perçue du passage à l’exportation », cette perception dépendant « (…) du niveau de tolérance eu décideur vis-à-vis de l’incertitude. » (p 49). 24 S. Reid (1981) a suggéré, pour sa part, que le fait qu’une entreprise exporte pour satisfaire des objectifs de développement nécessite de prendre en compte « (…) la préférence des dirigeants envers le risque. » (p 106). 25 Dans E. Roux (1991 : 185-186)

188

Combien de chances minimum de décrocher ce client (après investissement) vous faut-il pour

que vous acceptiez de faire cet investissement ?

Accepte de faire l’investissement si :

0 chance sur 10 de décrocher le client

1 chance sur 10 de décrocher le client

2 chances sur 10 de décrocher le client

3 chances sur 10 de décrocher le client

4 chances sur 10 de décrocher le client

5 chances sur 10 de décrocher le client

6 chances sur 10 de décrocher le client

7 chances sur 10 de décrocher le client

8 chances sur 10 de décrocher le client

9 chances sur 10 de décrocher le client

10 chances sur 10 de décrocher le client

La même situation est reprise en demandant :

« Et si c’est un client à l’export ? »

Cette même situation est renouvelée avec une seconde modalité du niveau d’investissement

commercial : 1 % du chiffre d’affaires. Dans ce cas, de la même façon, la question est posée

en faisant varier l’origine du client (France versus Export).

Après avoir testé le questionnaire, nous nous sommes rendus compte des difficultés de

compréhension posée par cette question ; la notion de « chance » était mal perçue, aussi

avons-nous préféré celle de « certitude », semble-t-il mieux comprise. Par ailleurs, toujours

dans un objectif de simplification, nous n’avons gardé qu’une seule modalité du niveau

d’investissement : celle égale à 1 %.

La mesure retenue de la perception du dirigeant envers le risque est la suivante (question 35) :

« Imaginez la situation suivante :

Vous avez un client potentiel français qui vous permettrait d’augmenter votre chiffre

d’affaires de 10 %. Pour avoir de bonnes chances de décrocher ce client potentiel, qui pourrait

189

devenir par la suite un client régulier, vous devez réaliser un investissement commercial de

1% de votre chiffre d’affaires total.

A partir de quel niveau de certitude accepteriez-vous de faire cet investissement

commercial ?26 »

SIGNIFICATION DES CHIFFRES

1 « J’investis de toutes façons même si je n’ai aucune certitude concernant le résultat

commercial de mon investissement » = 0 % de certitude. « J’investis si j’ai au moins 10 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

2

« J’investis si j’ai au moins 20 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

3

« J’investis si j’ai au moins 30 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

4

« J’investis si j’ai au moins 40 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

5

« J’investis si j’ai au moins 50 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

6

« J’investis si j’ai au moins 60 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

7

« J’investis si j’ai au moins 70 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

8

« J’investis si j’ai au moins 80 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

9

« J’investis si j’ai au moins 90 % de certitude de décrocher ce client étranger après investissement ».

10

« Je n’investis que si j’ai la certitude de décrocher ce client étranger » = 100 % de certitude.

11

La question est reprise mais cette fois pour un client potentiel situé à l’étranger.

Cette mesure rend alors possible l’analyse de la variation de la prise de risque individuelle

selon que le donneur d’ordres potentiel est localisé en France ou à l’étranger.

Elle permet également d’observer si le niveau de tolérance envers le risque lié à l’exportation

diffère selon les modalités d’exportation observées. En effet, l’étude exploratoire a suggéré

que les techniques d’exportation accompagnée par un donneur d’ordres minimisaient

considérablement les risques d’échecs liés à l’éloignement géographique et culturel par

rapport à la modalité d’exportation autonome.

26 Pour répondre à cette question, le dirigeant doit indiquer un nombre en se référant au tableau ci-après.

190

Les variables individuelles prises en compte dans notre étude sont récapitulées dans le

Tableau 3.9.

Tableau 3.9. Récapitulatif des variables individuelles retenues.

VARIABLES DIMENSIONS

Socio-démographiques élargies Psychographiques

le degré d’exposition du dirigeant et de ses proches à des cultures ou environnements étrangers - avoir fait des études à l’étranger ; - avoir vécu plus de six mois à l’étranger ; - être d’origine étrangère. la formation individuelle - autodidacte, certificat d’étude, CAP, BEP, baccalauréat, bac +2, bac + 4 et au delà - formation générale, technique ou commerciale la maîtrise des langues étrangères les attentes du dirigeant vis-à-vis de l’internationalisation - survie - sécurité - croissance de l’activité - augmentation des profits - diversification des activités l’attitude du dirigeant vis-à-vis de risque à l’exportation

1.1.2.2. Les caractéristiques de l’entreprise

Elles sont traditionnellement appréciées grâce à deux catégories de variables : les variables

démographiques (a) et les compétences de l’entreprise (b).

Les variables démographiques (a) retenues sont l’autonomie juridique27 (question 4), l’âge

(question 5) et la taille28 (questions 6 et 7) de l’entreprise.

27 Grâce à cette variable, il s’agit de s’assurer que la PMI sous-traitante n’est pas une filiale d’un grand groupe, ce qui modifierait sensiblement son comportement à l’exportation dans la mesure où elle bénéficierait des ressources de la société mère. 28 La taille de l’entreprise est mesurée à l’aide de deux facteurs : le nombre de salariés et le chiffre d’affaires hors taxe.

191

Lorsqu’il s’agit d’apprécier les compétences de l’entreprise (b), les auteurs s’intéressent

traditionnellement aux avantages différentiels ou forces de l’entreprise. ST. Cavusgil et J.

Nevin (1981) proposent la mesure suivante :

« Lequel de ces avantages a aidé votre entreprise à réussir face à la concurrence ?29

- des prix compétitifs

- votre technologie

- un produit unique. »

Plus récemment, E. Roux (1991) a adopté une démarche quelque peu différente. La mesure

qu’elle retient force le répondant à opérer un raisonnement comparatif en lui demandant

d’évaluer son entreprise sur plusieurs dimensions par rapport à ses concurrents : « meilleur »,

« égal », « moins bon »30 et « difficile à dire ou ne sait pas » (question 12). A ce titre, elle

nous paraît plus efficace et sera ainsi adoptée.

Cependant, les dimensions que nous prenons en compte diffèrent de celles retenues par E.

Roux et résultent de nos observations des PMI sous-traitantes lors de l’étude exploratoire.

Elles sont au nombre de dix et relèvent soit de la production, soit du marché (Tableau 3.10.).

Tableau 3.10. Les avantages différentiels de l’entreprise mesurés dans la recherche.

Sources d’avantages différentiels

Dimensions prise en compte

Production

- Appareil de production - Savoir-faire unique - Technologie - Qualité des opérations techniques réalisées - Coûts de revient - Adaptation aux exigences des donneurs d’ordres

Marché - Démarche commerciale - Prix de vente - Durée des délais de livraison - Assistance technique

29 Traduction littérale de « Which of the following advantages have helped your firm to compete more successfully ? ». 30 Ces trois points de l’échelle sont remplacés respectivement par « plus élevés », « égaux » et « moins élevés » pour les avantages préférentiels concernant les coûts de revient et les prix de vente aux clients.

192

Par ailleurs, nous souhaitons définir précisément les contours de la sous-traitance industrielle

de notre échantillon. Pour ce faire, nous avions retenu initialement les trois critères issus des

travaux de P.Y. Barreyre et M. Bouche (1982) : l’étendue de la délégation mesurée par le type

d’opérations réalisées par le sous-traitant, les compétences relatives du partenaire mesurées

par une échelle allant de la sous-traitance de capacité à la sous-traitance de spécialité et la

durée de la relation.

Or le test du questionnaire a révélé un problème de compréhension de ces trois critères. Le

dirigeant rencontré lors du test nous a alors suggéré de simplifier la mesure en la recentrant

sur les quatre principales opérations de sous-traitance exécutées. La mesure (question 11),

dans sa version définitive, est la suivante :

Parmi les quatre opérations suivantes, quelles sont celles réalisées par votre entreprise ?

(plusieurs réponses possibles)

1. Recherche et développement

2. Conception

3. Production sur spécifications techniques

4. Travaux de transformation sur support fourni par le donneur d’ordres

5. Autres

Précisez -------------------------------------------------------------------------------

Les variables d’entreprise prises en compte dans notre étude sont récapitulées dans le tableau

3.11. (p 194).

193

Tableau 3.11. Récapitulatif des variables d’entreprise retenues.

VARIABLES DIMENSIONS

Démographiques Les compétences de l’entreprise

l’autonomie juridique l’âge la taille - nombre de salariés - chiffre d’affaires hors taxe les avantages différentiels - maîtrise technologique - matériel de production - maîtrise d’un savoir faire unique - qualité - capacité à donner satisfaction aux clients - délais de livraison - conseil technique dispensé - démarche commerciale - coûts de revient - prix de vente aux clients le type d’opérations de sous-traitance réalisées - recherche et développement - conception - production sur spécifications techniques - travaux de transformation sur support fourni par le donneur d’ordres

1.1.2.3. Les caractéristiques de l’environnement

Ces variables sont rarement prises en compte dans les travaux sur l’internationalisation des

PME/PMI. Deux raisons peuvent expliquer cet état de fait. D’une part, les auteurs ne

s’intéressent qu’aux déterminants internes du comportement à l’exportation. D’autre part,

l’outil de mesure qu’est le questionnaire a du mal à capturer dans son ensemble le contexte

local, national et international de l’entreprise. Nous choisissons toutefois de mesurer la

variable « secteur d’activité ». Cette variable est opérationnalisée comme « l’appartenance

sectorielle de la PMI sous-traitante et de ses principaux donneurs d’ordres » (questions 9 et

10). Nous considérons cette variable comme un effet d’entraînement à l’exportation de

l’environnement sectoriel de l’entreprise. L’approfondissement du contexte de

l’internationalisation de la PMI sous-traitante sera obtenu grâce aux études de cas menées en

fin de stratégie de recherche.

194

1.1.2.4. Les caractéristiques de l’internationalisation de l’entreprise

Les PMI sous-traitantes étudiées étant toutes engagées à l’international, il nous est apparu

important d’apprécier si les caractéristiques de leur développement international permettaient

de distinguer les groupes d’entreprises construits par l’analyse typologique. Les variables

retenues, issues des revues de la littérature sur l’internationalisation des PME/PMI (Aaby et

Slater 1988 ; Misesenbock, 1988) sont regroupées par nos soins en quatre catégories :

- La capacité d’adaptation de l’entreprise à la stratégie d’internationalisation. Les

variables retenues sont l’existence d'une structure organisationnelle à l’exportation (questions

22 et 23), le recrutement de salariés (question 24), la mise en place de formation pour les

salariés (question 25), l’acquisition de nouvelles machines (question 26), la mise en œuvre

d’une procédure de certification internationale (question 27), les compétences en

communication, telles que la participation à des salons professionnels ou la réalisation de

documents commerciaux en plusieurs langues (questions 28 et 29). Ces questions sont toutes

établies selon des échelles nominales dichotomiques.

- L’intensité de l’internationalisation évaluée par le taux d’exportation (question 8), le

nombre d’années d’expérience à l’international (question 17), le nombre de clients étrangers

(question 18), leur localisation (question 19) et leur nationalité (question 20) ainsi que la

possession ou non de filiales à l’étranger (question 21).

- L’apprentissage à l’exportation. L’aptitude de l’entreprise à commercialiser dans des

milieux différents se développe dès lors qu’elle élargit son marché du niveau régional au

niveau national ou qu’elle travaille avec des clients étrangers situés sur son marché

domestique. Il s’agit de « l’apprentissage par le marché ». C’est de la réussite de cet

apprentissage que dépend souvent la réussite à l’ouverture internationale de l’entreprise.

L’apprentissage par le marché permet alors d’appréhender le processus d’internationalisation

de la PMI sous-traitante. Plusieurs dimensions mesurent cette variable :

o le fait d’avoir travaillé pour des donneurs d’ordres étrangers localisés en France

avant d’exporter (question 15) ;

o le fait d’avoir d’abord travaillé pour des filiales étrangères de groupes français

(question 16) ;

195

o le fait d’avoir d’abord travaillé pour des clients situés dans des pays frontaliers

avant de commercer avec des clients plus éloignés géographiquement (question

16) ;

o le fait d’avoir d’abord travaillé pour des clients situés dans des pays francophones

avant de commercer avec des clients plus éloignés culturellement (question 16).

- Les types de soutien à l’exportation (question 14). Il s’agit des ressources acquises par la

PMI sous-traitante auprès d’acteurs externes lors de son internationalisation. Celles-ci ont

pour but de faciliter le référencement chez un donneur d’ordres étranger et/ou les moyens

utiles à la satisfaction des exigences des clients étrangers. En conséquence, elles ne se limitent

pas à une aide financière et revêtent d’autres dimensions (Tableau 3.12.).

Tableau 3.12. Les types de soutien à l’exportation.

TYPE

DIMENSIONS

Aide financière L’appui commercial La mise à disposition d’informations Le conseil La mise à disposition d’infrastructures et de moyens humains

- à la prospection - pour être présent sur un Salon - mise en relation avec un client étranger - participation à un projet international dans le sillage d’un client (portage) - mise à disposition d’une structure commerciale pour la prospection - mise à disposition d’une structure commerciale pour la négociation - aide à la traduction de documents commerciaux - commerciales, de banques de données - aide à la collecte d’informations - technique - commercial (techniques du commerce international) - juridique - d’un espace sur un Salon - de moyens humains sur un Salon - d’entrepôts à proximité d’un client étranger - d’un réseau logistique pour l’acheminement des pièces

N’étant pas sûrs de l’exhaustivité de cette liste, nous avons rajouté l’option « Autres,

précisez ». En outre, la PMI sous-traitante pouvant bénéficier simultanément ou

successivement, au cours de son processus d’internationalisation, de ces différentes formes de

196

soutien externe, nous avons recours à une question à choix multiples avec possibilité de

plusieurs réponses (question 14).

Tableau 3.13. Récapitulatif des caractéristiques de l’internationalisation de l’entreprise.

VARIABLES DIMENSIONS

La capacité d’adaptation à la stratégie d’internationalisation L’intensité de son internationalisation L’apprentissage à l’exportation Les types de soutien à l’exportation

- existence d'une structure organisationnelle à l’exportation - recrutement de salariés - mise en place de formations pour les salariés - acquisition de nouvelles machines - mise en œuvre d’une procédure de certification internationale - compétences en communication - taux d’exportation - durée de l’internationalisation - nombre de clients étrangers - localisation des clients étrangers - nationalité des clients étrangers - possession de filiales à l’étranger - avoir travaillé pour des donneurs d’ordres étrangers localisés en France

avant d’exporter - avoir d’abord travaillé pour des filiales étrangères de groupes français - avoir d’abord travaillé pour des clients situés dans des pays frontaliers - avoir d’abord travaillé pour des clients situés dans des pays francophones - aide financière - appui commercial - mises à dispositions d’informations - conseil - mise à disposition d’infrastructures

1.2. Le recueil des données

Dans ce paragraphe, nous décrivons la méthode de recueil des données par questionnaire en

présentant successivement le choix de l’échantillon (1.2.1), l’élaboration et l’administration

du questionnaire (1.2.2) et l’analyse des réponses au questionnaire (1.2.3).

1.2.1. L’échantillon d’entreprises

La population étudiée, telle que nous l’avons définie dans le chapitre 2, est constituée de PMI,

– de moins de 500 salariés –, sous-traitantes, – leur activité de sous-traitance représentant plus

de 80 % de leur chiffre d’affaires –, françaises, juridiquement autonomes et ayant établi au

197

moins une relation de sous-traitance directe avec un donneur d’ordres situé à l’étranger. Sont

exclues de cette population celles qui exportent moins de 5 % de leur chiffre d’affaires et qui

se situent, par conséquent, au stade de « l’ouverture sporadique à l’exportation » (Croué,

1999).

Or, l’inexistence d’une liste exhaustive unique des entreprises industrielles sous-traitantes

françaises engagées à l’exportation contribue à l’impossibilité d’identifier la population totale

de l’étude, sans pour autant remettre en cause la conduite de notre enquête par questionnaire.

En raison de la pauvreté des statistiques de type exhaustif, nous avons procédé à des

recoupements entre plusieurs sources d’informations.

Suivant le conseil que nous a donné D. Coué (expert) lors de la seconde phase de notre étude

exploratoire en 1998, notre principale source a été l’annuaire des exposants du Salon du

MIDEST (1998) fourni par le Groupe Blenheim (organisateur de ce Salon international de la

sous-traitance). Toutefois, nous l’avons complété par deux autres sources :

- les annuaires de la sous-traitance des Chambres de Commerce et d’Industrie (les CCI de

Saint-Etienne et de Thiers-Auvergne ; les CRCI Aquitaine, Centre et Ile-de-France)

obtenus sur le Salon du MIDEST et indiquant le taux d’exportation ;

- le guide des exposants du Salon Alliance 1998.

Le cheminement a été long et difficile.

L’annuaire du MIDEST (1998) comportait 2 104 exposants parmi lesquels 1 529 ont été

exclus car ils ne correspondaient pas à la définition de la population étudiée. Les critères

d’exclusion sont décrits dans le tableau 3.14. (p 199).

198

Tableau 3.14. Description des exposants de l’annuaire du MIDEST hors champ.

Détail du nombre d’exposants exclus Critères d’exclusion

780 exposants entreprises - Taille > 500 salariés - Taux d’exportation < 5% - Activité de sous-traitance < 80% du chiffre d’affaires - Filiale d’un grand groupe français ou étranger

663 exposants entreprises - Nationalité étrangère

86 exposants partenaires du MIDEST - 57 exposants institutionnels français et internationaux (Bourses de sous-traitance, Chambres de Commerce et d’Industrie et Syndicats professionnels)

- 29 représentants de la presse spécialisée française et européenne

Par conséquent, une première liste de 575 de PMI sous-traitantes correspondant à notre

définition a pu être constituée. Cette liste a été confrontée à celle réalisée à partir des

annuaires de la sous-traitance à notre disposition et du guide des exposants du Salon Alliance

1998. 119 entreprises ont pu être ajoutées à la liste précédente. Au final ces trois sources nous

ont permis de constituer une liste « théorique » finale de 694 entreprises.

En l’absence d’un cadre d’échantillonnage précis, nous avons donc adopté une procédure

d’échantillonnage par jugement basée sur un recensement ; le recensement permettant d’éviter

l’erreur d’échantillonnage qui rend l’échantillon non représentatif (Perrien, Chéron et

Zins, 1986 ; Giannelloni et Vernette, 1994).

1.2.2. L’élaboration et l’administration du questionnaire

Les informations à recueillir ayant été identifiées, il s’agissait de les traduire en questions. Les

problèmes majeurs qui se posent à ce niveau concernent la forme et le libellé des questions.

Aussi avons-nous scrupuleusement respecté les conseils de « précision, neutralité, simplicité

et sens de la question. » (Evrard et al., 1997 : 251). Les questions ont été formulées de façon à

simplifier la compréhension et à faciliter les réponses des enquêtés. Ainsi, le questionnaire

199

comporte essentiellement des questions fermées dichotomiques, des échelles d’intervalle et

des questions semi-ouvertes31. Seulement sept questions ouvertes sont utilisées :

- trois en début de questionnaire pour obtenir des renseignements factuels sur l’entreprise

(Nom et adresse de l’entreprise, nom du dirigeant) afin de pouvoir identifier chaque

questionnaire en vue de la sélection des cas exemplaires qui seront approfondis

ultérieurement ;

- quatre autres pour obtenir des données chiffrées précises, d’une part, sur le chiffre

d’affaires et sa répartition entre sous-traitance / produits propres / France et exportation

(questions 7 et 8) et, d’autre part, sur le nombre de clients en France et à l’étranger

(question 18). D’un point de vue statistique, ces questions ouvertes, pré-codées, ont pu

être transformées en questions fermées à choix multiple.

En outre, un soin tout particulier a été apporté à la formulation des questions privilégiant

clarté, concision et langage professionnel.

Le questionnaire étant auto-administré, un réel effort de réflexion a également porté sur son

organisation et sa présentation.

Ainsi, nous avons regroupés les 36 questions en trois grandes parties : « Les caractéristiques

de votre entreprise » (questions 1 à 12) ; « L’internationalisation de votre entreprise »32

(questions 13 à 29) ; « Vous »33 (questions 30 à 36).

De même, toutes les questions susceptibles de poser des problèmes de compréhension ont été

accompagnées d’instructions grisées – pour faciliter leur repérage visuel – susceptibles

d’aider l’enquêté à répondre et à gagner du temps, sans influencer sa réponse.

Enfin, nous avons privilégié une présentation claire tout en limitant le nombre de pages afin

de ne pas décourager les dirigeants contactés.

31 Nous avons fréquemment (neuf questions) donné la possibilité à l’enquêté de s’exprimer sous l’intitulé « Autres, précisez » pour éventuellement compléter les réponses qui lui étaient proposées. 32 Cette partie a été découpée en deux sous-parties : « Le processus d’internationalisation de votre entreprise » (questions 13 à 16) et « L’activité d’exportation directe de votre entreprise » (questions 17 à 29). 33 Cette partie a été scindée en trois sous-parties : « Vos caractéristiques » (questions 30 à 34) , « Votre attitude vis-à-vis du risque » (question 35) et « Votre appréciation des objectifs de l’internationalisation de votre entreprise » (question 36).

200

Une fois le questionnaire rédigé, nous avons effectué un prétest. Trois questionnaires ont été

administrés en face à face auprès du dirigeant d’une PMI sous-traitante exportatrice, déjà

rencontré sur le Salon Alliance Sud en 1996, et de deux consultants en marketing industriel –

D. Belet et M. Bernard – afin de permettre également le recueil de leurs réactions non

verbales.

Une fois les premières modifications réalisées, le questionnaire a été administré par voie

postale auprès d’un expert national de la sous-traitance : J. Germano, que nous avions déjà

sollicité lors de notre terrain exploratoire.

L’objectif était de mettre à l’épreuve la forme des questions, leur ordonnancement et vérifier

la compréhension des répondants ainsi que la pertinence des modalités de réponse proposées.

En raison de la richesse de notre étude exploratoire, les modifications apportées ont été

relativement peu nombreuses. Les principales évolutions concernent plus le fond que la forme

du document. Nous les avons déjà signalées dans le paragraphe précédent sur

l’opérationnalisation des variables.

Avant l’administration du questionnaire, il nous a fallu identifier et choisir le répondant, c’est-

à-dire la personne auprès de qui l’information pertinente doit être recueillie. Or, l’unité

d’échantillonnage comprend l’unité déclarante (la personne répond pour elle-même) et l’unité

de référence (la personne répond pour l’entreprise). Pour notre enquête, le répondant est

nécessairement le dirigeant de la PMI sous-traitante, personne la mieux à même de nous

parler de l’entreprise et de lui-même (ses caractéristiques, sa perception du risque et ses

attentes en matière d’internationalisation). Afin de s’assurer que le questionnaire était

effectivement rempli par le « bon » répondant, nous demandions en début de questionnaire de

préciser le nom du dirigeant (question 2) puis celui du répondant (question 3). Seul un

questionnaire retourné a été rempli par la secrétaire de direction et n’a pas pu être exploité.

Pour comprendre que cette exigence ait été si bien respectée, il convient de rappeler que le

questionnaire était nominativement adressé au dirigeant, que la lettre accompagnatrice

indiquait explicitement qu’il devait être l’unique répondant et, enfin, que la partie « Vous » du

questionnaire était suivie de la mention : « Le questionnaire doit impérativement être rempli

par le dirigeant de l’entreprise pour être valide. ».

L’administration à proprement dite du questionnaire s’est déroulée du 5 juillet au 24 août

1999. Parce que nous cherchions à repérer les modalités d’exportation auprès d’un nombre

201

élevé de PMI sous-traitantes françaises (694 entreprises), nous avons eu recours à la méthode

d’enquête par voie postale.

Plusieurs raisons ont milité en faveur de ce choix :

- la dispersion géographique des sujets sollicités qui nous empêchait de l’administrer en

face à face ;

- la longueur du questionnaire et de nombre élevé des sujets sollicités qui ne nous

permettaient pas de l’administrer par téléphone ;

- et plus généralement, les avantages de cette méthode d’enquête : le coût limité,

l’élimination des biais dus à l’intervention de l’enquêteur et la possibilité de procéder à

des relances (Lambin, 1994).

La particularité du questionnaire envoyé par voie postale réside dans le fait qu’il est

autoadministré par les sujets sollicités, ce qui entraîne des taux de retour souvent faibles, aux

alentours de 10 % (Usunier et al., 1993). En conséquence, il convient de trouver les moyens

de motiver les répondants et d’optimiser l’autoadministration.

Outre le soin apporté à la présentation générale du document, favoriser le taux de retour passe

par la réalisation d’une lettre d’accompagnement au questionnaire postal (Thiétart, 1999).

C’était l’objectif principal de la lettre jointe à notre questionnaire (Annexe 1).

Dans cette lettre, nous précisions, tout d’abord, qui nous étions ; pourquoi nous nous

intéressions à l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises ; dans quel cadre était

réalisée cette enquête ; pourquoi nous nous adressions aux dirigeants de ces entreprises et en

quoi leur contribution était capitale pour notre recherche. Puis, nous mettions en avant deux

arguments (vivement conseillés par D. Coué (expert) que nous avions rencontré sur le Salon

du MIDEST 1998 lors de notre étude exploratoire) susceptibles de convaincre le sujet sollicité

de répondre :

- faire mieux connaître l’univers de la sous-traitance industrielle à nos étudiants : « Les

résultats de cette étude peuvent permettre la réalisation d’un cours sur

l’internationalisation des entreprises sous-traitantes et, plus généralement sur le

dynamisme de la sous-traitance française, phénomène malheureusement méconnu des

étudiants en gestion. » (Extrait de la lettre d’accompagnement jointe en annexe 1) ;

- proposer une synthèse des résultats de l’enquête en retour du questionnaire dûment rempli.

202

Par ailleurs, nous informions le dirigeant du temps nécessaire pour répondre au questionnaire.

La lettre dactylographiée était personnalisée par notre signature manuscrite.

Enfin, nous avons souhaité personnaliser notre relation avec les sujets d’enquête. Pour ce

faire, nous avons inséré notre photographie d’identité en haut à droite de la lettre. Il s’agissait,

par ce procédé, de réduire la distance inhérente à la méthode d’enquête par voie postale et de

favoriser ainsi la confiance et la bienveillance, mais aussi d’établir un mode de

reconnaissance visuelle afin de pouvoir se rappeler plus facilement au bon souvenir des

répondants lors de la phase qualitative qui se déroulerait en fin de recherche.

Dans le cas du questionnaire postal, le fait que les sujets sollicités ne soient pas en contact

direct avec l’enquêteur entraîne des difficultés particulières, telles que l’impossibilité de

compter sur une présence physique pour lever les réticences des sujets (Thiétart, 1999). Afin

d’optimiser l’autoadministration du questionnaire postal, nous avons réalisé une « Fiche

d’instruction » qui a été jointe à la lettre d’accompagnement et au questionnaire (Annexe 1).

Elle visait à :

• rassurer l’enquêté sur la longueur de l’administration du questionnaire : « Le

questionnaire qui suit comporte 37 questions. Sa longueur apparente est à relativiser dans la

mesure où, j’ai pu observer, après l’avoir testé auprès de certains de vos confrères, que la

plupart des questions ne posent pas de problème de compréhension. Vous pouvez compter

environ 20 minutes pour y répondre. » ;

• lui indiquer l’existence d’instructions au sein du questionnaire : « Les questions les plus

complexes sont précédées et / ou suivies d’instructions grisées susceptibles de vous aider à

répondre et de gagner du temps. Aussi, n’hésitez pas à les lire attentivement. » ;

• lui rappeler qu’une non réponse à une question rend son questionnaire inexploitable ;

• l’inciter à répondre franchement : « Répondez spontanément aux questions. Il n’y a pas de

bonnes ou de mauvaises réponses. C’est votre opinion qui compte. C’est pourquoi je vous

serais reconnaissante de bien vouloir répondre avec franchise et honnêteté. » ;

• lui garantir la confidentialité des informations qu’il nous fournit : « Vos réponses seront

traitées confidentiellement et les résultats de l’étude serviront exclusivement à des fins de

recherche. A aucun moment le nom de vos clients ne vous sera demandé. » ;

• et lui rappeler nos coordonnées au cas où il souhaiterait nous contacter.

203

Toujours dans la perspective d’optimiser l’autoadministration du questionnaire, nous avons

ajouté à notre envoi, une enveloppe réponse (non timbrée) comportant notre adresse afin de

faciliter l’expédition du questionnaire en retour.

Enfin, la mise en place d’un plan de relance a permis de gérer partiellement le phénomène de

non-réponse34. Trois semaines après l’envoi des questionnaires (Figure 3.7.), des relances

téléphoniques ont été menées par deux personnes. A partir du 6 août 1999, les relances ont été

arrêtées en raison de l’absence des dirigeants pour les congés estivaux. Nous les avons

reprises au cours des deux premières semaines du mois septembre. Suite aux relances, un

nouveau questionnaire était faxé systématiquement au non-répondant qui acceptait désormais

de répondre.

Figure 3.7. L’échéancier de l’administration du questionnaire.

Du 5 au 9 juillet

Mise sous pli

des questionnaires

1999

Du 12 au 16 juillet

Envoi des

questionnaires

Du 2 au 6 août

Première vague de relances

téléphoniques

Du 30 août au 6 septembre

Seconde vague de

relances téléphoniques

Le 28 septembre

Réception du

dernier questionnaire

1.2.3. L’analyse des réponses au questionnaire

Il s’agit ici de s’intéresser aux différentes sources d’erreurs de l’enquête. La précision et la

généralisation des résultats de notre enquête sont alors appréciées au regard de l’erreur totale

qui comprend l’erreur d’échantillonnage (ou erreur probabiliste) et l’erreur non probabiliste.

34 L’administration du questionnaire a pu être intégralement financée grâce à un budget de recherche qui nous a été alloué par le Conseil Régional d’Aquitaine.

204

L’erreur d’échantillonnage résulte du fait que l’information est recueillie sur une fraction de la

population totale. Or, dans notre cas, nous n’avons pas pu procéder à un échantillonnage

probabiliste. Il n’y a donc pas lieu d’estimer cette erreur.

En revanche, il est possible d'apprécier l’erreur non probabiliste qui recouvre deux types

d’erreurs :

- L’erreur de non couverture due au fait que certains individus dans la population ont une

probabilité nulle de figurer dans l’échantillon. Les trois sources d’information utilisées étant

incomplètes, les entreprises n’ayant pas participé à l’enquête n’apparaissent pas

nécessairement dans ces répertoires. Dans ces conditions, cette source d’erreur ne peut être

estimée.

- L’erreur de non réponse résulte du fait que ceux qui répondent à l’enquête risquent de ne

pas être représentatifs de la population totale. Cette erreur est habituellement évaluée à l’aide

du taux de réponse.

Sur les 694 entreprises contactées, 232 ont été retournés (contre 462 qui n’ont pas répondu à

notre sollicitation). Une analyse des réponses obtenues est exposée dans le tableau 3.15.

Tableau 3.15. Description des questionnaires retournés.

TYPE

N

Répondants non éligibles (l’ayant fait savoir par courrier ou par téléphone)

62

Refus motivés de répondre (l’ayant fait savoir au cours des relances téléphoniques)

61

Retour à l’envoyeur (n’habite pas à l’adresse indiquée)

4

Questionnaires incomplets, non exploitables

2

Questionnaires complets, exploitables

103

TOTAL DES REPONSES 232

C’est sur un échantillon définitif de 103 entreprises qu’a porté l’ensemble des traitements

statistiques (l’analyse typologique, l’analyse de variance et les tests d’association).

205

Il existe au moins trois méthodes distinctes du calcul du taux de réponse que nous nous

proposons d’appliquer aux réponses à notre questionnaire.

La première méthode considère, à l’instar des cabinets marketing35, toutes les réactions des

entreprises contactées comme des réponses à l’enquête. Le taux de réponse prend alors en

compte non seulement les questionnaires exploitables mais également les refus motivés de

répondre, les répondants non éligibles et les questionnaires incomplets. Selon cette approche,

nous obtenons un taux de réponse de plus de 33 %36. Ce type de taux ne reflète pas la réalité,

à savoir la partie de l’enquête effectivement réalisée, dans la mesure où il prend en compte

l’ensemble des répondants y compris ceux qui ont refusés explicitement de répondre au

questionnaire.

Une deuxième méthode, à l’opposé, considère le taux de réponse comme étant le nombre de

questionnaires exploitables par rapport à la population initiale. Selon ce mode de calcul, notre

taux de réponse serait d’environ 15 %37 , ce qui reste un taux assez bon au regard de la nature

et du comportement traditionnel des entreprises contactées et du taux de retour des enquêtes

postales estimé à environ 10 %. Toutefois, ce taux apparaît comme trop restrictif puisqu’il ne

mesure que le nombre relatif de non-réponses, et n’indique pas l’importance des différences

entre les répondants et la population dans son ensemble.

Enfin, la troisième mesure du taux de réponse38, la plus réaliste à notre sens, consiste à

distinguer parmi les 232 entreprises qui n’ont pas répondu, celles – non éligibles – qui ne

correspondent pas à la cible de l'enquête, de celles – éligibles – mais qui ont refusé de

participer pour un certain nombre de raisons. Le taux de réponse nécessite l’estimation de la

part des entreprises non éligibles dans l’ensemble de la population initiale contactée.

La méthode consiste, tout d’abord, à extraire du total des réponses obtenues les quatre

questionnaires renvoyés par la Poste et les deux questionnaires inexploitables. On obtient un

nombre de réponses de 226 questionnaires retournés au lieu de 232. La proportion des

questionnaires non éligibles représente alors plus de 27 %39. En posant l’hypothèse

35 Ces derniers n’aimant pas publiés des taux de réponse défavorables ne reflétant pas la qualité du travail des enquêteurs. 36 Taux de réponse = 232 / 694 * 100 = 33,43 %. 37 Taux de réponse = 103 / 694 * 100 = 14,84 %. 38 Cette méthode est retenue par T. Touimi Benjelloun (1989) dans sa thèse de doctorat en sciences de gestion sur le rôle des sociétés de commerce extérieur dans le processus d’adoption de l’exportation de la PMI. 39 Elle est obtenue grâce au calcul suivant : 62 / 226 * 100 = 27,43 %.

206

traditionnelle selon laquelle les répondants ne sont pas en général différents des non-

répondants, il y aurait donc dans la population initiale 27 % d’entreprises non éligibles. En

soustrayant de la population initiale, les quatre retours à l’envoyeur et les deux questionnaires

inexploitables, il y aurait environ 18540 entreprises contactées qui ne répondraient pas aux

caractéristiques de la population étudiée concernant le taux d’exportation.

La population initiale composée d’entreprises éligibles s’élèverait donc à 50341 entreprises.

Le taux de réponse, calculé à partir de l’estimation de la population initiale d’entreprises

éligibles, est alors de 20,5%42, taux de réponse très satisfaisant dans le contexte actuel des

enquêtes postales universitaires auprès des entreprises.

Outre le taux de réponse, plusieurs commentaires peuvent être faits quant à la présentation des

différents types de réponses obtenus.

Une première remarque concerne l’effet de l’utilisation des relances. Au cours des deux

semaines qui ont suivi l’envoi des questionnaires, 61 questionnaires exploitables ont été

renvoyés. Les relances téléphoniques réalisées par deux personnes ont permis la collaboration

supplémentaire de 42 répondants. Le résultat des relances généralement escompté d’un

doublement du taux de réponses n’a donc pas été tout à fait atteint. Les raisons de ce constat

tiennent plus au choix de la période de relance qu’à l’efficacité des relances. En effet, la

première semaine d’août, soit les interlocuteurs étaient en congés pour une durée comprise

généralement entre deux et trois semaines, soit l’entreprise était fermée pour une durée de

trois à quatre semaines. C’est pourquoi, nous avons reporté les relances téléphoniques au

début du mois de septembre.

Enfin, les motivations principales apportées aux refus de répondre concernent bien

évidemment le manque de disponibilité des dirigeants et le refus systématique de répondre à

tout questionnaire. Notons que dans deux cas, le refus a été motivé par l’incapacité de

répondre en raison de la longueur et de la complexité du questionnaire par rapport aux

questionnaires habituellement reçus.

Toutefois, la difficulté du questionnaire, signifiée par deux répondants, est à relativiser au

regard du nombre de questionnaires correctement remplis. En effet, seulement, sept

40 688 * 0,27 = 185,76. 41 688 – 185 = 503. 42 Taux de réponse = 103 / 503 * 100 = 20,47 %.

207

questionnaires reçus se sont révélés incomplets. Parmi ces sept questionnaires, cinq ont pu

être aisément complétés au cours d’un appel téléphonique, les problèmes concernant deux

questions au maximum. Par ailleurs, une dizaine de dirigeants contactés par téléphone ont

félicité les enquêteurs pour la clarté du questionnaire, de la fiche d’instruction et de la lettre

d’introduction.

Quant à l’examen des lettres des répondants accompagnant les questionnaires retournés ainsi

que les contacts téléphoniques, il montre que de nombreux dirigeants ont tenu à manifester

leur soutien et leur intérêt pour l’étude et ses résultats. Parmi les entreprises ayant retourné le

questionnaire, seulement trois n’ont pas souhaité recevoir la synthèse des principaux résultats

de l’enquête.

Au vu de cette analyse des réponses du questionnaire, nous pouvons dire que les sources

d’erreurs non probabilistes ont pu être identifiées et évaluées. Eu égard au contexte de l’étude,

les cent trois entreprises dont les réponses vont être examinées, peuvent être considérées

comme représentatives des PMI sous-traitantes françaises exportatrices, telles que nous les

avons définies. Cette conclusion nous autorise alors à exploiter ses données collectées grâce à

l’enquête par questionnaire.

2. LE CADRE D’INVESTIGATION DE L’ETUDE QUALITATIVE

La mise en œuvre du volet quantitatif de notre stratégie de recherche étant présentée, il nous

reste à exposer nos choix quant à la centration et à la délimitation du recueil de données

qualitatives sur le terrain. Ces choix portent sur l’échantillonnage (2.1), la conduite des

entretiens (2.2) et l’instrumentation (2.3).

2.1. La sélection des sites

« Tout d’abord, l’échantillonnage suppose que l’on décide non seulement des personnes que

l’on va observer ou interviewer mais aussi des milieux, des événements et des processus

sociaux. » (Huberman et Miles, 2003 : 63).

208

Notre étude qualitative vise à consolider, clarifier et enrichir les conclusions de l’enquête par

questionnaire. Composante secondaire de notre stratégie de recherche, elle constitue une

méthode de collecte et d’analyse de données complémentaire. Dans ces conditions, les

questions de recherche mais aussi les résultats de l’étude quantitative ont permis de

déterminer les centres d’intérêt et les frontières à l’intérieur desquelles a été choisi notre

échantillon.

« Un cas peut être une personne ou un groupe de personnes, un projet déterminé, une

organisation ou un groupe d’organisations, voire un secteur d’activité. » (Hlady Rispal,

2002 : 78). Le projet de notre étude qualitative est de mieux comprendre la dynamique de

construction du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. En

conséquence, nous analysons un groupe de PMI sous-traitantes françaises engagées à

l’international selon les différentes modalités d’exportation identifiées par l’analyse

typologique. Plus précisément, l’analyse diachronique requiert que nous puissions remonter le

temps en interrogeant des documents et des personnes ayant une connaissance suffisante et

longitudinale du processus d’internationalisation afin de pouvoir le décrire.

L’enquête par questionnaire a montré que les entreprises étudiées disposent rarement d’un

directeur export (Cf. Chapitre 4, section 1) ; cette fonction étant généralement centralisée par

le dirigeant. De plus, nous avons rapidement constaté le nombre limité de documents écrits,

du type archives ou comptes-rendus de réunions, relatifs à la stratégie internationale de

l’entreprise. Seuls quelques plaquettes commerciales, articles de journaux et sites Internet ont

pu être analysés. En plus, des contraintes temporelles et financières étroitement liées à la

dispersion géographique des sites étudiés ont limité le nombre d’entretiens.

Pour toutes ces raisons, l’étude qualitative repose avant tout sur un entretien en profondeur

réalisé auprès du dirigeant de chacune des unités d’analyse sélectionnées.

Dès lors, les acteurs susceptibles d’être intervenus dans l’engagement à l’international de la

PMI sous-traitante ainsi que ses donneurs d’ordres situés à l’étranger ne seront pas étudiés

directement. Les informations sur le type de soutien fourni, la nature et la durée de la relation

avec ces différents acteurs, les conditions de l’échange, la situation géographique ou le secteur

d’activité des clients étrangers de l’entreprise seront fournies par le sous-traitant. Centré sur le

développement international de l’entreprise sous-traitante, l’engagement international est

volontairement appréhendé du point de vue du dirigeant de l’entreprise sous-traitante.

209

« L’échantillonnage multi-sites, qui comporte des aspects itératifs, doit toutefois le plus

souvent être élaboré avec le plus grand soin. Un cadre d’échantillonnage explicite est

requis. » (Huberman et Miles, 2003 : 63).

En raison de la succession des méthodes opérée au sein de notre stratégie de recherche, les

résultats de l’étude extensive orientent la définition de notre échantillon qualitatif. Nous

avons retenu huit PMI sous-traitantes typiques des quatre classes formées par l’analyse

typologique souhaitant ainsi couvrir l’intégralité des modalités d’internationalisation des PMI

sous-traitantes identifiées.

L’étude qualitative repose sur un échantillonnage théorique (Glaser et Strauss, 1967). Cela

signifie que le choix des répondants est poussé par des motifs théoriques. Il ne relève pas

d’une recherche de représentativité statistique, déjà réalisée. A ce stade, notre préoccupation

est de réunir les conditions autorisant un approfondissement de notre compréhension des

modalités et du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

Notre démarche de sélection des cas est retracée, ci-après, dans la figure 3.8.

Pour être inclue dans l’échantillon théorique, une PMI sous-traitante doit être caractéristique

d’une des quatre classes issues de l’analyse typologique. Aussi avons-nous initié notre

stratégie d’échantillonnage en présélectionnant pour chaque groupe les cinq PMI sous-

traitantes dont les coordonnées étaient les plus proches du centre de gravité de leur groupe

d’appartenance respectif43. Puis, nous avons contacté par téléphone les vingt dirigeants des

entreprises présélectionnées pour leur rappeler les objectifs de l’étude et leur expliquer qu’ils

avaient été choisis comme faisant partie des cas à approfondir. A ce stade, onze dirigeants ont

accepté d’être interviewés. Parmi ceux qui nous ont donnés leur accord, ont été extraits les

deux cas les plus typiques de chaque groupe. Au total, notre échantillon théorique a comporté

huit PMI sous-traitantes exemplaires.

43 L’analyse typologique décrit chaque classe par les cordonnées de son centre de gravité, c’est-à-dire les moyennes des valeurs des variables pour tous les objets composant la classe.

210

Figure 3.8. La sélection des cas.

Echantillon = 103 PMI sous-traitantes – leur activité de sous-traitance représentant plus de 80 % de leur chiffre d’affaires –, françaises, juridiquement autonomes et ayant établi au moins une relation de

sous-traitance directe avec un donneur d’ordres situé à l’étranger.

ET

UD

E Q

UA

NT

ITA

TIV

E

1999

-200

0

Groupe 1

n = 24

Groupe 2

n = 36

Groupe 3

n = 17

Groupe 4

n = 26

Présélection Phase 1

5 cas

Présélection Phase 1

5 cas

Présélection Phase 1

5 cas

Présélection Phase 1

5 cas

Sélection 2 cas exemplaires

Usiméca Métodécoup

ET

UD

E Q

UA

LIT

AT

IVE

E

chan

tillo

nnag

e =

janv

ier

2001

Critère de sélection : Objets dont les cordonnées sont les plus proches du centre de gravité du groupe d’appartenance

Critère de sélection : Accord téléphonique du dirigeant

Présélection Phase 2

2 cas

Présélection Phase 2

2 cas

Présélection Phase 2

4 cas

Présélection Phase 2

3 cas

Critères de sélection : (1) logique de réplication successive + (2) contraintes pratiques

Sélection

2 cas exemplaires Plastitrempage Mécasoudure

Sélection 2 cas exemplaires

Labométa Forgélec

Sélection

2 cas exemplaires Laserdécoup

Forgex

211

Plusieurs raisons ont guidé le choix du nombre d’entreprises constitutives de notre échantillon

théorique :

- L’examen d’au moins un cas représentatif pour chacune des quatre classes formées par

l’analyse typologique.

- L’examen d’une série de cas similaires au sein d’une même classe afin « (…) de

comprendre les résultats au sein d’un premier cas en le caractérisant à travers le

“comment” et le“où” et, si possible, le “pourquoi” de son fonctionnement. Nous pouvons

alors intensifier la précision, la validité et la stabilité des résultats obtenus. » (Huberman

et Miles, 2003 : 62). Il s’agit de suivre une logique de réplications successives (Yin, 1990)

pour autoriser la généralisation de l’étendue ou saturation théorique (Glaser et Strauss,

1967). Si un résultat se vérifie dans un contexte et, étant donné son profil, se vérifie

également dans un contexte comparable mais non dans un contexte différent, le résultat

est alors plus robuste (Huberman et Miles, 1991 et 2003).

- Des considérations pragmatiques, telles que le temps imparti et les fonds nécessaires, qui

ne nous ont pas permis d’envisager plus de deux cas exemplaires par classe. Rappelons

que cette étude qualitative intervient après la réalisation d’un terrain exploratoire qualitatif

et une enquête par questionnaires.

Le tableau 3.16. regroupe les données descriptives majeures des huit cas analysés. La

synthèse proposée vise à faciliter le repérage synoptique des données principales de chaque

cas. Elle souligne aussi une première série de points communs et de divergences entre les cas.

212

Tableau 3.16. Principales données descriptives des huit cas étudiés. GROUPE CAS ACTIVITE EFFECTIF CHIFFRE

D’AFFAIRES 2000

(en millions de francs)

TAUX D’EXPORTATION

2000 (en pourcentage)

Usiméca Usinage à façon

60 40,0 50 1

Métodécoup Découpage-emboutissage de métaux en feuille

40 35,0 70

Plastitrempage Transformation des plastiques

45 17,2 8 2

Mécasoudure Mécanosoudure de grosses pièces

30 23,1 5

Labométa Laboratoire d’essais de matériaux

11 6,0 10 3

Forgélec Forge par refoulage électrique

70 45,0 15

Laserdécoup Découpage de matériaux par laser

30 35,0 5 4

Forgex Forge à chaud 130 130,0 60

2.2. La conduite des entretiens individuels

Une fois les sites sélectionnés, nous avons préparé les entretiens qui se sont déroulés entre

février et avril 2001. Après l’analyse des résultats de l’enquête par questionnaires, nos besoins

en informations portaient sur des thèmes précis exigeant un approfondissement. C’est

pourquoi, les entretiens ont été assurés de façon semi-directive : « Le rôle du chercheur est

désormais celui d’une relance progressive, d’une orientation thématique et bienveillante. Il

aide le répondant à exprimer sa pensée, lui remémore au besoin ses derniers propos, recentre

le discours. » (Hlady Rispal, 2002 : 126).

Le guide d’entretien a été élaboré alors que nous avions procédé à l’analyse quantitative des

données collectées lors de l’enquête par questionnaire. Notre volonté étant de comprendre la

dynamique du phénomène d’internationalisation par reconstitution chronologique, il s’est

centré sur les informations susceptibles de saisir le processus de développement international

dans sa globalité.

213

La phase qualitative vise à étudier un ensemble d’éléments, tout à la fois reflets du degré

d’internationalisation de l’entreprise, conséquences directes de son processus

d’internationalisation antérieur et bases potentielles de son développement ultérieur à

l’international.

En outre, le temps joue un rôle important. Il est conçu en termes de chronologie.

Contrairement à la durée, la chronologie est externe au sujet étudié. Dans notre recherche,

l’internationalisation est étudiée au cours du temps sans que nous nous intéressions

prioritairement à la durée ou l’époque concernées. En revanche, la chronologie permet de

déterminer l’ordre d’apparition et l’enchaînement des modalités d’exportation qui jalonnent le

processus d’internationalisation.

L’internationalisation des PMI sous-traitantes est la variable processuelle de l’étude. Elle

englobe la naissance, la transformation et la mise en œuvre du fait international. Dans ces

conditions, l’entretien cherche à remonter aussi loin que possible dans le passé de l’entreprise.

La période d’analyse sur laquelle porte chaque entretien s’étend alors de la phase de pré-

exportation de la PMI sous-traitante jusqu’au premier semestre de l’année 2001, période au

cours de laquelle les entretiens ont été effectués.

Notre guide d’entretien résume les axes principaux de chaque entrevue afin de permettre la

comparaison ultérieure des résultats. Il s’articule autour des quatre phases observées par M.

Hlady Rispal (2002) lors d’un entretien semi-directif : introduction, centrage,

approfondissement et conclusion (Encadré 3.4.).

214

Encadré 3.4. Le guide d’entretien. Introduction Pouvez-vous me présenter votre entreprise ? • Son histoire • Ses activités • Ses marchés • Ses concurrents Quel est votre parcours professionnel ? Centrage Actuellement, qu’en est-il de l’activité internationale de votre entreprise ? Etes-vous partie prenante dans le développement international de votre entreprise ? Approfondissement Pouvez-vous me raconter l’histoire du développement international de l’entreprise depuis la phase de pré-exportation jusqu’à aujourd’hui ? • Genèse de l’exportation ? Pourquoi exporter ? • Etape de pré-exportation ? (démarches réalisées ? par qui ? quand ? combien de temps ? où ?) • Déroulement de l’activité internationale ?

o Premier(s) client(s) à l’étranger ? o Type de relation avec les clients situés à l’étranger (contrat ? durée ? confiance ? fréquence des contacts ? volume ? participation à la conception, enjeu stratégique de l’opération technique pour le client ? difficultés rencontrées ? Si rupture de relation, préciser les raisons.) o Compétences et ressources nécessaires ?

Des acteurs (entreprises et/ou organismes) ont-ils joué un rôle dans l’internationalisation ? • Si oui, lesquels ? • Comment ? • Quand ? Quels sont, selon vous, les acteurs clés du développement international de l’entreprise ? Quelles sont, selon vous, les étapes décisives de l’internationalisation de votre entreprise ? Conclusion Aujourd’hui, quel bilan faites-vous de l’internationalisation ? Comment envisagez-vous l’avenir de l’activité internationale de votre entreprise ? Demander plaquettes, articles de journaux, adresse du site Internet.

A ce stade de l’étude qualitative, nous étions conscients que le recueil de données à partir

d’entretiens rétrospectifs pouvait soulever deux biais importants : l’oubli et la rationalisation a

posteriori des propos relatés (Forgues et Vandangeon-Derumez, 1999). Pour limiter les effets

du premier biais, les entretiens ont été effectués avec les dirigeants, présents depuis de

215

nombreuses années au sein de l’entreprise et de surcroît associés de près à

l’internationalisation de l’entreprise (Glick et al., 1990).

Dans le cas d’une rationalisation a posteriori, la personne interrogée replace les événements

dans un ordre chronologique qui lui semble plus logique que celui dans lequel il se sont

effectivement déroulés. Elle peut également chercher à établir des liens entre des événements

qui n’en n’ont pas. Afin de réduire ce biais, nous avons demandé aux dirigeants de raconter

l’histoire de l’internationalisation de leur entreprise avant de leur proposer de définir quelles

ont été, selon eux, les étapes clés.

Enfin, les informations chiffrées (chiffre d’affaires, chiffre d’affaires à l’exportation, taux

d’exportation, nombre de salariés) qui nous ont été communiquées l’ont presque toujours été

après que le dirigeant ait consulté des documents internes, tels que des tableaux de bord et/ou

comptes de résultats (liasse fiscale). Dans tous les cas, ces données ont été comparées avec

celles fournies dans le questionnaire44 mais aussi dans les annuaires de la sous-traitance à

notre disposition. Ces précautions ont permis, comme le préconise RK. Yin (1990),

d’améliorer la validité de nos entretiens.

En raison de la distance géographique qui nous séparait des huit sites étudiés et des

contraintes pratiques qu’elle engendrait, seulement trois entretiens ont pu être effectués en

face à face. Les cinq autres ont été réalisés par téléphone (Tableau 3.17., p 217).

Bien sûr nous étions pleinement conscients des biais pouvant être introduits par l’utilisation

de deux méthodes distinctes d’entretiens et, en particulier, lors de l’analyse des données

inter-sites. Toutefois, nous avons jugé plus important de privilégier la typicité des cas

retenus eu égard à la classification formée par l’analyse typologique plutôt que la proximité

géographique avec notre lieu de résidence. Autrement dit, la validité externe était

explicitement recherchée.

44 L’administration du questionnaire ayant été réalisée au plus tard fin septembre 1999, plus de quatre mois se sont écoulés avant l’entretien individuel. Dans ces conditions, certains dirigeants éprouvaient le besoin de se replonger dans des documents internes.

216

Tableau 3.17. Localisation géographique des cas et recueil des données.

Entreprise Département Méthode d’entretien

Date de l’entretien

Durée

Usiméca 1ère site pré-sélectionné du groupe 1

La Loire Face à face 22 mars 2001 1h45

Métodécoup 5ère site pré-sélectionné du groupe 1

Les Vosges Téléphonique 3 avril 2001 1h25

Plastitrempage 3ème site pré-sélectionné du groupe 2

Le Loiret Téléphonique 14 mars 2001 1h35

Mécasoudure 5ème site pré-sélectionné du groupe 2

L’Ain Téléphonique 26 avril 2001 1h15

Labométa 3ème site pré-sélectionné du groupe 3

La Loire Face à face 22 mars 2001 1h30

Forgélec 5ème site pré-sélectionné du groupe 3

L’Eure et Loir Téléphonique 2 avril 2001 1h45

Laserdécoup 3ème site pré-sélectionné du groupe 4

Les Ardennes Téléphonique 20 février 2001 1h15

Forgex 4ème site pré-sélectionné du groupe 4

Le Puy de Dôme

Face à face 21 mars 2001 1h25

Dans le cas des entretiens téléphoniques, un courrier était envoyé au dirigeant, quinze jours

avant le rendez-vous fixé. Il contenait un guide d’entretien restreint aux trois thématiques

suivantes :

- Pouvez-vous me présenter votre entreprise ?

- Racontez-moi l’histoire de l’activité internationale de votre entreprise ?

- Quel bilan faites-vous de l’internationalisation ?

Cette démarche avait pour but de rassurer notre interlocuteur quant à la nature des

informations recueillies et, éventuellement, de lui permettre de préparer l’entretien. Ainsi,

certains dirigeants interviewés par téléphone avaient recherché des données chiffrées et des

dates dans leurs tableaux de bord avant l’entretien. D’autres ont recherché ce type

d’information au cours de l’entretien téléphonique. Ce courrier visait également à rappeler

la date du rendez-vous téléphonique. Puis deux jours avant l’entretien, nous le confirmions

217

par téléphone, généralement avec le secrétariat du dirigeant. Enfin, au jour et à l’heure

prévus, nous rappelions notre interlocuteur.

Aucun rendez-vous n’a été déplacé. L’absence d’un contact direct n’a pas semblé avoir

d’incidences néfastes sur la loquacité de nos interlocuteurs. En effet, les entretiens ont tous

duré entre 1h15 et 1h45 (Tableau 3.17.). Quelle que soit la technique de collecte effectuée,

les huit entretiens ont été enregistrés45 et intégralement retranscrits (Annexe 3).

Au terme de chaque entretien, un compte rendu a été remis à chaque interlocuteur afin de

permettre à la personne interrogée de compléter (éventuellement de rectifier) ses propos

initiaux. Le compte rendu visé et corrigé nous était ensuite retourné, parfois après plusieurs

relances téléphoniques. Ce nouvel échange épistolaire a été l’occasion pour les dirigeants

interviewés par téléphone de nous faire parvenir leur plaquette.

2.3. Les techniques d’analyse

A présent, il convient de mettre l’accent sur l’analyse et l’interprétation des données

collectées. Le choix des techniques d’analyse de données est fonction des objectifs de notre

étude qualitative.

Notre intention est avant tout descriptive : l’étude qualitative visant le développement

d’hypothèses et non la production d’explications fortes.

Nous cherchons à comprendre le processus d’internationalisation. L’étude qualitative

s’intéresse aux événements et s’exprime plutôt sous la forme de configurations dans les

séquences d’activités, de choix et d’événements (Langley, 1997). Elles peuvent prendre

différentes formes (Van de Ven et Poole, 1995). Cependant, A. Langley note que la forme la

plus fréquente dans la littérature est le modèle par « phases », qui décrit les principaux

groupes d’activités qui doivent se suivre dans le temps pour obtenir un résultat donné.

Le caractère dynamique de l’internationalisation des PMI sous-traitantes apparaît, selon

nous, dans l’approche des ressources qui suggère que les potentialités internationales

actuelles sont à la fois engendrées et contraintes par celles d’hier. 45 Les enregistrements audio n’ont posé aucune difficulté à nos interlocuteurs. Toutefois, ces derniers ont exigé que leur nom et la raison sociale de leur entreprise soient totalement transformés afin de garantir la confidentialité de leur propos. En outre, certaines informations n’ont pas été retranscrites selon la volonté de l’interlocuteur.

218

Enfin, cette ultime phase de notre stratégie terrain cherche à préciser l’évolution des

réseaux d’affaires lors de l’internationalisation de l’entreprise et les perceptions de son

dirigeant.

Pour étudier le processus d’internationalisation, plusieurs stratégies d’analyse qualitatives

s’offrent à nous. Parmi celles recensées par A. Langley (1997), nous avons choisi d’en

privilégier deux que nous combinons :

- La stratégie narrative qui implique la construction d’une histoire organisée à partir

de sources brutes. Si cette stratégie d’analyse domine certains travaux (Pettigrew, 1992),

dans notre recherche elle constitue – à l’instar de KM. Eisenhardt (1989) – une étape

préalable de description courte du contexte de chaque site visant à préparer l’analyse

ultérieure. Sans nier l’utilité du narratif pour amener un lecteur à revivre en profondeur une

expérience passée respectueuse du contexte, de nombreux chercheurs considèrent qu’il est

difficile de tirer des conclusions d’un texte narratif : cette technique étant trop

contraignante pour l’analyste et le lecteur parce que trop longue, trop lourde et, par

conséquent, trop difficile à consulter (Langley, 1997 ; Huberman et Miles, 1991 et 2003).

Partageant cet avis, nous choisissons de compléter le résumé du contexte de chaque site par

une approche plus structurante.

- La stratégie graphique préconisée par AM. Huberman et MB. Miles. Ces auteurs

prônent une analyse de données qualitatives s’appuyant sur des formes matricielles ou

graphiques. Matrices et graphiques permettent de présenter beaucoup d’informations dans

un espace restreint et sont des outils puissants pour le développement et la vérification de

conceptualisations théoriques parcimonieuses. Ils sont particulièrement intéressants pour

l’analyse des données processuelles : un nombre important de dimensions pouvant être

représenté dans un même espace. En outre, la stratégie graphique rend possible la conduite

d’une double analyse : intra-site, puis inter-sites (Figure 3.9, p 220).

Les sites étudiés sont, comme nous l’avons exposé précédemment, issus de notre analyse

typologique. Nous avons extraits deux sites de chacun des quatre groupes ainsi formés.

Après avoir décrits les faits survenus dans le contexte unique de chaque site, une

comparaison des deux sites issus du même groupe est réalisée. Il s’agit d’identifier les

similitudes entre les processus d’internationalisation des deux milieux explorés. L’objectif

est de confirmer que les événements et les processus observés dans tel ou tel milieu ne sont

219

pas purement idiosyncrasiques. Autrement dit, nous souhaitons comprendre comment le

processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes est modifié par des variations

contextuelles afin de développer ensuite des descriptions plus fines et des hypothèses

explicatives.

Figure 3.9. Le déroulement de l’analyse des données qualitatives.

Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4 Cas 5 Cas 6 Cas 7 Cas 8

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4

Intra-site

(description, diagramme contextuel, matrice chronologique)

Intra-site

(description, diagramme contextuel, matrice chronologique)

Intra-site

(description, diagramme contextuel, matrice chronologique)

Intra-site

(description, diagramme contextuel, matrice chronologique)

Inter-sites

(métamatrice chronologique)

Inter-sites

(métamatrice chronologique)

Inter-sites

(métamatrice chronologique)

Inter-sites

(métamatrice chronologique)

Synthèse des analyses

Formulation de propositions théoriques sur le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises

L’analyse de données retenues découle de la codification des entretiens semi-directifs. Le

discours est alors découpé en codes, en unités d’analyse : « Les codes sont des étiquettes qui

désignent des unités de signification pour l’information descriptive ou inférentielle compilée

220

au cours d’une étude. Les codes sont habituellement attachés à des segments de taille

variable – mots, locutions, phrases ou paragraphes entiers connectés ou déconnectés d’un

contexte spécifique. » (Huberman et Miles, 2003 : 112).

La catégorisation des unités d’analyse a été réalisée en fonction de nos questions de

recherche.

Quatre concepts clés permettant l’opérationnalisation du processus étudié ont été retenus : les

acteurs externes et internes survenus au cours du processus d’internationalisation ; les

ressources externes ou internes engagées au cours du processus d’internationalisation ; le

contexte (l’entreprise, l’environnement concurrentiel, le degré d’internationalisation du

secteur d’activité, la nature des relations de sous-traitance, etc.) et les enjeux, difficultés et

résultats de l’internationalisation perçus par le dirigeant (Tableau 3.18.). Tableau 3.18. Catégorisation des thèmes et liste des codes.

THEMES CODES Entreprise HISTOR = historique

ACTIV = activité(s) Le contexte

Environnement

SECTEUR = secteur d’activité CONCF = concurrence française CONCE = concurrence étrangère CLIENTF = clients français CLIENTET = clients étranger RELACLIEN = nature des relations entretenues avec les clients étrangers / comparaison avec les relations domestiques

Acteurs du réseau

DOFR = donneurs d’ordres français FILETR = soutien des donneurs d’ordres, filiales de groupes étrangers DOETR = soutien des donneurs d’ordres étrangers hors de France SOUTRAI = soutien des sous-traitants BOURSE = bourse de sous-traitance CCI = Chambre de Commerce et d’Industrie CRG = Conseils Régionaux/Généraux SYNDPROF = syndicat professionnel AUTSOU = autre soutien

Les acteurs intervenus dans le processus d’internationalisation

Acteurs internes

ACTEXP = personnes en charge de l’activité export dans l’entreprise AUTACT = autres acteurs internes

221

Tableau 3.18. (suite) Catégorisation des thèmes et liste des codes.

Thèmes Codes

Les ressources engagées lors de l’internationalisation

Ressources externes

MISENREL = aide à la mise en relation avec un client étranger PROINTER = participation à un projet à l’international dans le sillage d’un client (portage) PROSPECT = mise à disposition d’une structure commerciale pour la prospection AIDEFIN = aide financière à la prospection NEGOCIAT = mise à disposition d’une structure commerciale pour la négociation AIDFISAL = aide financière pour être présent sur un Salon ESPASAL = mise à disposition d’un espace sur un Salon HUMSALON = mise à disposition de moyens humains sur un Salon BANQDONE = mise à disposition d’informations commerciales, de banques de données COLLINFO = aide à la collecte d’informations CONSTECH = conseils techniques CONSCOMM = conseils commerciaux CONSJURI = conseils juridiques TRADUDOC = aide à la traduction de documents commerciaux ou de communication en langue étrangère ENTRPOTS = mise à disposition d’entrepôts à proximité du client étranger RESOLOGIS = mise à disposition d’un réseau logistique pour l’acheminement des pièces AUTRAID = autres formes de soutien

Ressources internes

PARTSALON = participation à des salons RECRUT = recrutement de personnel VISITESCL = visites de clients potentiels PUB = action publicitaire DOCETR = réalisation de documentation commerciale en langue étrangère CERTQUAL = certification qualité reconnue à l’étranger, type ISO FORMATION = formation des salariés INVESTPROD = acquisition d’outils de production

Les enjeux, difficultés et résultats de l’internationalisation

ENJPERÇU = perception passée, présente et future du dirigeant de l’enjeu de l’internationalisation DIFPERÇU = difficultés perçues de l’internationalisation RESPERÇU = résultat perçus de l’internationalisation

222

Cette catégorisation s’est donc faite a priori ; la majorité des catégories et des codes ayant été

définie lors de la phase d’étude quantitative de notre recherche46.

La chronologie des événements liés à l’internationalisation et le repérage du contexte

constituent les fondements de nos analyses intra et inter-sites. Celles-ci associent

l’utilisation de résumés descriptifs pour chaque site et de graphiques et matrices afin de

donner du sens à notre matériau empirique de nature qualitative.

Ce chapitre a permis de justifier nos choix méthodologiques pour une position

épistémologique en concordance avec le paradigme constructiviste, l’abduction comme

mode de raisonnement et une méthode mixte et séquentielle. L’enchaînement des

différentes méthodes de recherche utilisées ainsi que la présentation de leur mise en œuvre

respective y sont exposées. Une synthèse du dispositif méthodologique de la recherche est

proposée, ci-après, dans le tableau 3.19.

Tableau 3.19. Le dispositif méthodologique de la recherche.

Méthode de recherche

Echantillon Recueil des données

Modes d’analyse Objectifs

Etape 1. Etude exploratoire

4 experts et

11 PMI sous-traitantes françaises engagées à

l’export

Entretiens

non directifs et semi-directifs. Rapports d’experts

Fiches de synthèse d’entretiens et de

documents

Examiner l’univers de la STI.

Préfigurer les modalités d’internationalisation des PMI

sous-traitantes. Guider la réalisation

opérationnelle du questionnaire. Etape 2. Enquête par questionnaires

103 PMI sous-traitantes françaises engagées à

l’exportation

Voie postale

Analyse typologique

Analyse discriminante Analyse de variance

Test du Chi-deux (SPSS)

Décrire les PMI sous-traitantes

engagées à l’international. Identifier et décrypter les modalités d’exportation.

Etape 3. Etude qualitative

8 PMI sous-traitantes

exemplaires des quatre groupes formés par

l’analyse typologique (étape 2)

Entretiens

semi-directifs

Codage

Résumé du contexte Matrices et graphiques intra-site et inter-sites

Approfondir les modalités

d’exportation. Comprendre la dynamique

d’internationalisation.

En conséquence, le chapitre 3 est un préalable indispensable à la bonne compréhension de

l’émergence des résultats qui sont présentés dans les deux chapitres suivants.

46 Toutefois, de nouvelles catégories sont apparues durant le processus de codage. Elles renvoient à des événements qui n’avaient pas été pris en compte dans l’enquête par questionnaire : c’est, par exemple, le cas des insertions publicitaires dans des revues professionnelles ou encore de la nature de la relation de sous-traitance internationale (STI).

223

CHAPITRE 4

L’IDENTIFICATION DES MODALITES D’EXPORTATION DES PMI

SOUS-TRAITANTES

224

INTRODUCTION DU CHAPITRE 4

L’enquête par questionnaire réalisée, en 1999, auprès de cent trois PMI sous-traitantes

françaises exportatrices conduit à dégager un premier niveau de résultats concernant nos

interrogations. Elle mène à une meilleure connaissance de la population d’entreprises

étudiées. En outre, elle nous permet d’identifier les modalités d’exportation mises en œuvre

par les PMI sous-traitantes françaises (Question de recherche 1) et, par conséquent, de décrire

de manière statique l’internationalisation de ces entreprises. Une première analyse des

caractéristiques de ces modalités (Question de recherche 3) et du rôle joué par les acteurs du

réseau de la PMI sous-traitante (Question de recherche 4) est réalisée.

L’objectif de ce chapitre est de présenter les principaux résultats de notre enquête. Il

s’organise autour de deux axes principaux : la description des caractéristiques des entreprises

de notre échantillon (Section 1) et la classification ainsi que la description des différentes

modalités d’exportation (Section 2). Pour réaliser l’analyse des données, nous avons eu

recours au logiciel SPSS.

225

SECTION 1 – LA DESCRIPTION DES REPONDANTS

A partir de l’étude des quatre groupes de variables qui structurent notre questionnaire – les

caractéristiques de l’environnement, du dirigeant, de l’entreprise et de son internationalisation

– nous observons que les entreprises de notre échantillon sont des sous-traitants de petite

taille, plutôt spécialisés (1) qui, bien qu’étant dirigés par des individus au profil

« exportateur » marqué (2), connaissent un développement international prudent (3).

1. DES SOUS-TRAITANTS DE PETITE TAILLE SPEC IALISES

Les entreprises sous-traitantes de l’échantillon ont pour 78 % d’entre elles un effectif inférieur

à 100 (Figure 4.1.).

Figure 4.1. Structure de notre échantillon selon la taille des entreprises en nombre de salariés (question 6).

Taille des entreprises (nombre de salariés)

12%

43%23%

22%

Moins de 20De 20 à 49De 50 à 99De 100 à 499

Ces statistiques descriptives sont à rapprocher des informations dont nous disposons sur les

principaux secteurs d’appartenance de la population des entreprises observés. En effet, celles-

ci appartiennent majoritairement au secteur du travail des métaux et de la fonderie (Figure

4.2., p 227) qui est essentiellement constitué d’entreprises de moins de 100 salariés : environ

70 % d’entre elles (L’Usine Nouvelle, 1996, 1997, 1998 et 1999).

226

Figure 4.2. Structure de notre échantillon selon le secteur d’activité (question 9).

e secteur représente le premier ensemble des activités sous-traitantes en France comme

ableau 4.1.

66%

17%

17%

Métaux et fonderie

Plastiques et élastomèresDivers

C

l’indiquent les études du SESSI ou encore l’enquête réalisée par L’Usine Nouvelle en 1996

auprès de 243 entreprises et dont l’objectif était de proposer une topographie de la sous-

traitance industrielle française et de son internationalisation (Tableau 4.1.).

T us-traitance manufacturière par type d’activité.

Source : D. Coué, L’Usine Nouvelle, (1996 : 75)

a sur-représentation de ce secteur dans notre échantillon, comme dans celui de l’enquête de

Poids de la so 1996

Electronique, textile- 29 %

22 %

49 %

habillement et divers

Transformation des

plas es tiques et des élastomèr

Travail des métaux et fonderie

.

L

L’Usine Nouvelle, résulte des caractéristiques de la principale source d’informations utilisée

pour la détermination de ces échantillons : l’annuaire de Salon du Midest. La présence des

entreprises du secteur des métaux et fonderie y est significativement dominante au détriment

227

du secteur de l’électronique, sous-représenté en raison de l’existence du salon Intertronic et,

dans une moindre mesure, du secteur de la transformation des plastiques et des élastomères

pourtant performant à l’exportation (Tableau 4.2.).

Cette sur-représentation est renforcée par le fait que notre échantillon comporte exclusivement

ableau 4.2.

des entreprises exportatrices. En effet, les principales activités de la sous-traitance industrielle

concernées par l’exportation sont majoritairement celles qui relèvent du secteur du « travail

des métaux et fonderie » (activités 1, 2, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13), comme le montre

clairement le « hit parade de l’export » (Tableau 4.2.).

T hiffre d’affaires exporté par secteurs d’activité.

Sou sine No , (1996, 200 )

Le hit-parade de l’export : la part du c 1996 1999 2002

1. Forge, estampage, frittage

ères

rappe à froid

on des plastiques

étalliques

ts de surface et thermiques

31 % 33,2 % 39,0 %

2. Transformation des élastom 3. Fonderie

30 %

33,9 %

28,2 %

21,4 %

21,2 %

18,0 %

12,2 %

12,8 %

12,5 %

37,0 %

18 %

17 %

17 %

16 %

27,8 % 4. Fixation, f 5

. Décolletage

6. Transformati

26,7 %

29,7 %

20,8 %

13,3 %

16,0 %

12,6 %

25,2 %

7. Chaudronnerie, constructions m 8. Découpage-emboutissage 9. Mécanique générale 10 Ressorts

13 %

12 %

11 %

11 %

. 25,6 %

10,2 %

11,4 %

13,3 %

NC

11. Traitemen 12. Moules et modèles 13. Outillages spéciaux

15,3 %

12,4 %

14,7 %

19,0 %

10 %

7 %

5 % 14. Electronique

3 %

rce : L’U uvelle 0 et 2003 .

228

Or, dans certaines de ces activités, nous constatons que l’exportation des plus petites

inalement, au plan méthodologique, la similitude de la structure de notre échantillon avec

a variable « type d’opérations de sous-traitance réalisées » nous permet de définir

out d’abord, nous remarquons qu’aucun des sous-traitants étudiés n’effectue de travail à

ar ailleurs, notre échantillon est majoritairement constitué de sous-traitants ayant une activité

ableau 4.3.

entreprises est saillante. C’est le cas du décolletage à la fin des années 1990 : les entreprises

de 20 à 50 salariés y représentant 40 % des effectifs et 35 % des exportations (Ministère de

l’Economie, des Finances et de l’Industrie, SESSI, 2000).

F

celle de l’échantillon de l’étude de L’Usine Nouvelle selon le secteur d’activité contribue à

renforcer la validité externe de notre enquête (Thiétart et al., 1999).

L

précisément les contours de la sous-traitance industrielle de notre échantillon.

T

façon (forme 1 dans le Tableau 4.4.), c’est-à-dire de transformation (montage, finition) sur un

support (pièces ou produits) qui lui est confié par le donneur d’ordres. Cette situation est

conforme à un des résultats de notre étude exploratoire selon lequel l’activité internationale de

la sous-traitance de façonnage est sensiblement contrainte par le coût supplémentaire lié au

double flux international qu’elle implique : l’expédition de la pièce chez le sous-traitant avant

ouvraison puis sa réexpédition chez le donneur d’ordres après ouvraison.

P

de production sur spécifications techniques (Tableau 4.3.).

T

’échantillon selon le type d’opérations de sous-traitance réalisée (question 11).

tra ur

Structure de l

Participation à la Participation à la Production sur Travaux de recherche et au développement

conception spécifications techniques

nsformation ssupport fourni par

le client

Fréquence % Fréquence % Fréquence % Fréque %

nce

1 oui 39

103

non 2

otal T

64

37,9

100,

55

103

62,1

0

48

53,4

100,

92

103

46,6

0

11

89,3

100,

103

10,7

0

0

103

0,0

1

0 ,00

100,0

229

Dans ces conditions, nous pouvons déduire que les sous-traitants exclusivement prestataires

outefois, nous remarquons que plus de la moitié des entreprises observées participe à la

onformément à la typologie du SESSI (1996)1, deux formes de sous-traitance industrielle

ableau 4.4.

de conception et les équipementiers, qui ont en commun de travailler à partir de cahiers des

charges fonctionnels, demeurent marginaux.

T

conception des produits qu’elles fabriquent et plus d’un tiers collabore à l’activité de

recherche et développement (Tableau 4.3.).

C

prévalent alors dans notre échantillon : tout d’abord, la « prestation de conception et de

production sur spécifications techniques » et, dans une moindre mesure, la « production sur

spécifications » (Tableau 4.4.). Dans ces conditions, les PMI sous-traitantes de notre

échantillon dépassent largement le cadre de la sous-traitance industrielle stricto sensu limitée

aux formes 1 et 2.

T sous-traitance industrielle « élargie » identifiées

Cahiers des charges Opérations réalisées par le sous-traitant

Structure de l’échantillon selon les formes de la par le SESSI (1996).

exécutés

Formes de sous-traitance industrielles

Technique Fonctionnel Participation Approvision- Fabrication à la

conception nement Montage

Finition 1. Travail à façon × × 2. Production sur

spécifications 2× × ×

3. Prestation de conception et de production2

× × × × ×

4. × × Prestation de conception

1 L’étude du SESSI, publiée en mai 1996, présente la répartition des différentes formes de sous-traitance élargie selon le % du chiffre d’affaires réalisé :

- la production sur spécifications techniques = 43 % ; - la prestation de conception et de production = 37 % ; - le travail à façon = 19 % ; - la prestation de conception = 1 %.

2 Les cases grisées correspondent aux formes de la sous-traitance industrielle qui prédominent dans notre échantillon.

230

Au final, elles disposent, en majorité, de savoir-faire de compétence associé à la vente de

spécialité reposant sur la maîtrise d’une expertise particulière (Bréchet, 1990). Ce type de

savoir-faire n’exclut pas la composante conceptuelle. Toutefois son importance y est

nettement plus faible que dans les savoir-faire associés à la vente de technologie détenus par

les sous-traitants de fonction et les prestataires de conception.

Conformément au travail J-P. Bréchet sur les savoir-faire industriels des PMI, notre

échantillon est donc principalement constitué de PMI sous-traitantes spécialisées : une petite

taille (moins de cent salariés) imposant effectivement une spécialisation dans la mesure où

l’entreprise ne peut maîtriser simultanément plusieurs savoir-faire de compétence.

2. DES DIRIGEANTS AU PROFIL « EXPORTATEUR »

Les modèles d’exportation des PME/PMI se sont largement intéressés au pouvoir explicatif

des variables individuelles du dirigeant à travers les concepts tels que « l’orientation

internationale du dirigeant » Wiedersheim-Paul, H. Olson et L. Welch (1978), « l’orientation

vers les marchés étrangers » (Reid, 1981), « l’orientation vers l’étranger » (Dichtl et al.,

1990), « les dispositions » ou « les prédispositions internationales » (Reid et Mayer, 1980 ;

Reid, 19843).

Plus récemment, E. Roux (1991)4, dans sa recherche doctorale sur les facteurs explicatifs de

la décision d’exporter en PMI s’est intéressée à l’attitude du dirigeant vis-à-vis du risque et a

validé les hypothèses suivantes :

- Les dirigeants d’entreprises exportatrices sont plus tolérants envers le risque que les

dirigeants d’entreprises non exportatrices ;

- Ils ont un taux d’exposition prolongé à des cultures ou environnements étrangers

significativement plus élevé que celui des dirigeants d’entreprises non exportatrices ;

- Ils ont un niveau d’éducation significativement plus élevé que celui des dirigeants

d’entreprises non exportatrices ;

- Ils maîtrisent significativement un plus grand nombre de langues étrangères que leurs

homologues dans les entreprises non exportatrices. 3 Dans E. Roux, 1991 : 100 4 L’auteur a mené une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de 1211 PMI (489 exportatrices et 632 non exportatrices) de la circonscription de la Chambre de Commerce et d’Industrie Interdépartementale Val d’Oise et Yveline.

231

Contrairement à E. Roux, notre objectif n’est pas de comparer les exportateurs aux non

exportateurs. En revanche, les variables psychographiques et socio-démographiques étudiées

permettent de décrire le profil individuel des répondants de notre échantillon.

Ainsi, l’analyse de la question 36 montre que l’attitude des dirigeants interrogés envers le

risque ne varie quasiment pas selon la localisation du donneur d’ordres potentiel (Figures

4.3.a et 4.3.b).

Figure 4.3.a Le niveau de certitude acceptable pour décrocher un client potentiel en France.

21

9

25

13

29

6

0

5

10

15

20

25

30

35

J'investis detoutes façons

J'investis si 10 % J'investis si entre20 et 40 %

J'investis si 50 % J'investis si entre 60 et 90 %

J'investis si 100%

% de certitude

Nom

bre

de r

épon

ses

232

Figure 4.3.b Le niveau de certitude acceptable pour décrocher un client potentiel à l’étranger.

1 4

1 0

2 4

1 4

3 0

1 1

0

5

1 0

1 5

2 0

2 5

3 0

3 5

J 'in v e s t i s d eto u te fa ç o n

J 'in v e s t i s s i1 0 %

J 'in v e s t i s s ie n t r e 2 0 e t

4 0 %

J 'in v e s t i s s i5 0 %

J 'in v e s t i s s ie n t r e 6 0 e t

9 0 %

J 'in v e s t i s s i1 0 0 %

% d e c e r t i t u d e

Nom

bre

de r

épon

ses

Pour ces dirigeants, travailler avec un donneur d’ordres situé à l’étranger n’est pas perçu

comme étant plus risqué que de travailler avec un client domestique. Nous remarquons

également qu’ils sont une majorité à déclarer être prêts à investir commercialement avec une

certitude maximale de 50 % de décrocher un client quelle que soit sa localisation

géographique.

Toutefois, c’est l’examen des variables socio-démographiques élargies qui confirme

l’orientation vers l’étranger des dirigeants interrogés. En effet, ils sont sensiblement exposés

aux cultures et environnements étrangers : un peu moins de la moitié d’entre eux (45 %)

déclarent avoir fait des études ou des stages à l’étranger. Ils sont 26 % à avoir vécu plus de

six mois à l’étranger. En outre, 44 % d’entre eux ont des proches qui font, ou ont fait, leurs

études à l’étranger et 32 % des proches ayant vécu plus de six mois, ou vivant, à l’étranger.

Nous constatons que 82 % des dirigeants interrogés déclarent parler une langue étrangère :

- 80 % d’entre eux parlent l’Anglais, dont 37 % « couramment » ;

- 37 % d’entre eux parlent l’Allemand, dont 11 % « couramment » ;

233

- 31 % d’entre eux parlent l’Espagnol, dont 6 % « couramment ».

La prépondérance de l’Allemand sur l’Espagnol s’explique, selon nous, par le fait que

l’Allemagne est le marché étranger le plus important pour les sous-traitants français : « Quand

ils exportent, les sous-traitants de l’Hexagone le font en Europe ; 64 % livrent des clients

allemands, 29,3 % des Belges et 25,7 % des Espagnols. » (L’Usine Nouvelle, 1996 : 56).

Enfin, comme le laisse présager les résultats précédents, leur niveau de formation est

particulièrement élevé : 74 % d’entre eux ont un niveau d’études minimum de Bac +2 et 34 %

un Bac +5 (Figure 4.4.).

Figure 4.4. Structure de notre échantillon selon le niveau de formation des dirigeants (question 32).

26%

40%

34% Autodidacte, CAP, BEP, BAC

BAC + 2 à BAC + 4

BAC + 5 et plus

3. UN DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL PRUDENT

Une première analyse descriptive souligne la nature expérimentale du développement

international des PMI sous-traitantes enquêtées.

Ainsi, pour la plupart des PMI sous-traitantes de notre échantillon, internationalisation rime

avec exportation. En effet, seulement 12 % d’entre elles sont implantées à l’étranger (Figure

4.5., p 235). Il s’agit là d’un résultat similaire à celui de l’enquête réalisée par L’Usine

Nouvelle en 1996 ; cette dernière indiquant que « 13 % des sous-traitants possèdent des

implantations industrielles hors de nos frontières. ».

234

Figure 4.5. Structure de notre échantillon selon l’implantation ou non à l’étranger (question 21).

12%

88%

Possède au moins une filiale

Ne possède pas de filiale

Notre enquête montre également que les chiffres d’affaires à l’exportation restent modestes.

Seul un tiers des entreprises étudiées affiche un taux d’exportation supérieur à 20 % (Figure

4.6.).

Figure 4.6. Structure de notre échantillon selon le taux d’exportation de l’activité de sous-traitance (question 8).

42%

27%

31%Moins de 10%

De 10 à 19 %

20 % et plus

Elles possèdent en majorité (58 %) plus de dix clients à l’étranger (Figure 4.7.). Toutefois,

nous observons que leur activité exportatrice est principalement orientée vers l’Europe et

donc vers des pays proches géographiquement : 96 % des livraisons d’opération de sous-

235

traitance concernent des clients de l’Union Européenne, 40,8 % des clients des autres pays

européens, 22,3 % des clients nord-américains, 16,5 % des Africains, 8,7 des Asiatiques et 4,9

% des clients latinos américains.

Figure 4.7. Structure de notre échantillon selon le nombre de clients étrangers (question 18).

42%

33%

25%

De 1 à 9De 10 à 19

20 et plus

Enfin, un peu moins de la moitié des entreprises observées ont une expérience à l’exportation

supérieure à cinq années (Figure 4.8.).

Figure 4.8. Structure de notre échantillon selon le nombre d’années d’expérience à l’exportation (question 17).

22%

32%

46%Moins de 2 ansDe 2 à 4 ans5 ans et plus

236

Au début de leur développement international, les PMI sous-traitantes étudiées ont

majoritairement travaillé pour des donneurs d’ordres étrangers (63 %). Seul un peu plus d’un

tiers d’entre elles (36%) ont débuté leur exportation avec des donneurs d’ordres situés dans

des pays francophones. Lors de leur apprentissage à l’exportation, ces PMI tendent à reléguer

au second plan la question de la distance psychologique et à privilégier les clients européens

indépendamment de considérations culturelles. Nous remarquons également que 45 % d’entre

elles ont eu une expérience commerciale avec des donneurs d’ordres étrangers localisés en

France avant d’exporter directement. Autrement dit, l’ouverture internationale de ces

dernières a été, comme le préconisent les modèles du processus d’internationalisation des

PME, précédée d’un apprentissage par le marché.

Enfin, la nature encore expérimentale de l’internationalisation des entreprises de l’échantillon

se manifeste aussi dans l’analyse de la structure organisationnelle de l’entreprise. Ainsi moins

de la moitié d’entre elles dispose d’un service export (45,6 %) et, seulement 22,3 %, d’un

directeur export.

Toutefois, les autres variables relatives à la capacité d’adaptation à l’internationalisation des

PMI sous-traitantes soulignent de réels efforts d’investissement :

- Leur processus d’internationalisation a été largement accompagné de recrutements (77 %).

Là encore, ce résultat est très proche de celui obtenu par L’usine Nouvelle lors de son enquête

réalisée en 1996 : « 76,2 % des entreprises interrogées ont récemment recruté du personnel

pour le service export. » (L’Usine Nouvelle, 1996 : 57). Ont été principalement recrutés des

commerciaux (46,6 %) et des secrétaires polyglottes (42,7 %), et ceci, au détriment des

techniciens (18,4 %) ou du personnel de production (11,7 %).

- Afin de développer l’exportation, une majorité des entreprises de notre échantillon (52,4 %)

a organisé des formations linguistiques pour ses salariés (contre 21,4 % des formations

techniques et 12,6 % des formations en gestion). Ce résultat est cohérent avec le fait que les

PMI sous-traitantes travaillent surtout avec des clients frontaliers minoritairement

francophones.

237

- Pour décrocher des clients étrangers 69,9 % d’entre elles ont exposé dans des salons

professionnels internationaux et 61,2 % ont mis en œuvre une procédure de certification, de

type ISO, reconnue à l’étranger.

Finalement, si le développement international récent des cent trois PMI sous-traitantes

interrogées dénote une certaine prudence, il semble néanmoins bénéficier du soutien actif

d’une majorité des dirigeants manifestement orientés vers l’international. Au regard des

principales caractéristiques des entreprises de notre échantillon, il convient désormais de

s’intéresser à la topographie des modalités d’exportation effectivement mises en œuvre par

cette population d’entreprises.

238

SECTION 2 – UNE TYPOLOGIE DES PMI SOUS-TRAITANTES SELON LES

MODALITES D’EXPORTATION EMPRUNTEES

Hormis la description des PMI sous-traitantes exportatrices, notre enquête visait à classer les

PMI sous-traitantes étudiées selon les différentes modalités d’exportation mises en œuvre,

configurations qui composent le processus d’internationalisation de ces entreprises. Pour ce

faire, nous avons effectué une analyse typologique.

Les classes d’objets ont été construites à partir de variables choisies a priori sur la base d’une

contrainte simple : les objets doivent être les plus semblables possibles à l’intérieur des

groupes et les plus dissemblables possibles d’un groupe à l’autre (Chandon et Pinson, 1981 ;

Caumont et Chandon, 1989 ; Donada et Mbenge, 1999).

Nous détaillerons la méthode d’analyse typologique retenue (1) avant d’exposer les

principaux résultats issus de l’interprétation de la classification formée (2).

1. LA METHODE D’ANALYSE TYPOLOGIQUE

« Il n’y a pas une mais des typologies que l’on peut constituer à partir du même ensemble

d’objets en utilisant des techniques de regroupements différentes, voire des paramètres

différents au sein du même algorithme. » (Evrard, 2003 : 419).

Les nombreuses possibilités de choix qui s’offrent à l’utilisateur font de l’analyse typologique

une méthode d’une grande souplesse où le « risque d’artefact », c’est-à-dire de résultats

provenant de la procédure de calcul et non de la réalité étudiée, est important. Dans ces

conditions, le choix de la méthode de typologie découle de deux questionnements :

- Comment constituer les groupes ou types (1.1) ?

- Quelle est la validité globale de la classification effectuée en termes de fidélité

statistique par rapport aux données initiales (1.2) ?

1.1. Le processus de constitution des groupes

Le processus de constitution des groupes se compose traditionnellement de quatre étapes

successives, primordiales dans le choix d’une méthode typologique (Figure 4.9.).

239

Figure 4.9. Le processus de constitution des groupes.

Le choix des objets à analyser, des critères de classification, de leur échelle de mesure (1.1.1)

Le choix du calcul de la distance entre objets (1.1.2)

Le choix de l’algorithme de classification (1.1.3)

Le choix du nombre de groupes (1.1.4)

1.1.1. Le choix des objets et la vérification de l’hypothèse d’hétérogénéité

« Contrairement aux apparences, les « données » ne s’imposent pas au chercheur mais

résultent d’une série de choix qui auront une influence capitale sur les résultats de

l’analyse. » (Chandon et Pinson : 27).

Dans la recherche, l’analyse typologique doit faire émerger des groupes de PMI sous-

traitantes exportatrices à partir de variables choisies au regard de notre objectif

d’identification des modalités d’exportation.

La confrontation entre notre exploration théorique (Chapitre 1) et l’étude exploratoire

(Chapitre 2) a participé au choix et à la définition précise des objets sur lesquels est opérée

l’analyse typologique : des PMI de moins de 500 salariés, sous-traitantes françaises (leur

240

activité de sous-traitance représentant plus de 80 % de leur chiffre d’affaires), juridiquement

autonomes et ayant établi une relation de sous-traitance directe et non sporadique avec des

donneurs d’ordres situés en dehors du territoire national. Sont exclues de cette population

celles qui exportent moins de 5 % de leur chiffre d’affaires.

Une fois les objets identifiés, il a fallu vérifier l’hypothèse d’hétérogénéité de la population

étudiée, condition préalable à la mise en œuvre d’une analyse typologique. Selon, D.

Caumont et J-L. Chandon, le meilleur moyen de la « classifiabilité » des données recueillies

consiste à cerner le domaine étudié à l’aide, par exemple, d’une étude exploratoire qualitative

préalable. Dans le cas de la présente recherche, cette hypothèse a pu être vérifiée grâce aux

observations réalisées dans le cadre de notre étude exploratoire (Chapitre 2). Cette dernière a

ainsi révélé que les PMI sous-traitantes avaient effectivement recours à différentes modalités

d’exportation ; celles-ci variant selon le type d’acteur(s) intervenu(s) lors de son processus

d’internationalisation et la fréquence de leur intervention (question 13, Annexe 1).

1.1.2. Le choix de la mesure de proximité

Classer une entité dans un groupe parce qu’elle est semblable aux objets de ce groupe

implique que l’on puisse mesurer la distance des entités entre elles. Cette mesure doit donner

une indication sur leur proximité, c’est-à-dire sur les ressemblances ou les dissemblances

entre des objets pris deux à deux. Deux types d’indices sont généralement employés pour

mesurer la proximité : les indices de distance et les indices de similarité. Il existe un grand

nombre d’indices de proximité que J-L. Chandon et S. Pinson (1981) regroupe en quatre

grandes catégories : ceux définis sur des matrices de mesure ; ceux définis sur des matrices de

fréquence ou d’occurrence ; ceux définis sur des matrices de rang et enfin, ceux définis sur

des matrices logiques.

Il ne s’agit pas ici de discuter de la portée et des limites de chaque indice référencé.

Rappelons cependant, à l’instar de D. Caumont et J-L. Chandon (1989), que le choix d’un

indice est motivé par la nature, métrique ou non des données recueillies. Trois distances sont

employées plus fréquemment que les autres : le carré de la distance euclidienne ; la distance

en valeur absolue et la distance du Chi Deux.

Dans la présente recherche, nous avons choisi comme mesure de la proximité le carré de la

distance euclidienne.

241

1.1.3. Le choix de l’algorithme de classification

La connaissance des proximités entre objets pris deux à deux ne permet pas de faire apparaître

des groupes d’objets. Il s’agit alors de remplacer cette information par une autre plus

synthétique et plus compréhensible grâce à l’utilisation d’un algorithme de classification.

Les algorithmes de classification sont nombreux. Toutefois, ils ont tous le même objectif :

remplacer les proximités entre paires d’objets par des proximités entre groupes d’objets.

Ils diffèrent par les hypothèses qu’ils font sur les données, par les critères de regroupement ou

de séparation des objets et par la façon dont un groupe est défini. Cette diversité s’explique

par le fait qu’il n’existe pas d’algorithme « idéal » susceptible d’optimiser globalement le

critère d’homogénéité ou de séparation sur tous les groupes obtenus. En effet, dès que le

nombre d’objets devient supérieur à 20, le nombre de groupes est absolument

gigantesque : « Si par exemple, on désire classer 25 objets en 5 groupes, il existe 2 436 684

974 110 751 manières de le faire. En conséquence, tous les algorithmes ne considèrent en fait

qu’un nombre d’hypothèses simplificatrices. » (Pinson et Chandon, 1977 : 17).

Les algorithmes de classification peuvent être regroupés en deux catégories : ceux qui

relèvent des méthodes de classification hiérarchique et ceux qui relèvent des méthodes de

classification non hiérarchique ou nodale.

La classification hiérarchique permet de regrouper les individus en catégories jugées

homogènes au regard des critères de classification choisis préalablement et de la mesure de

proximité déterminée. Les méthodes de la classification hiérarchique sont ascendantes ou

descendantes. Elles procèdent toutes par une succession de regroupements des objets : on

démarre dans une situation où chaque individu constitue un groupe à lui seul et on aboutit à

un seul groupe contenant l’ensemble des individus (pour les méthodes descendantes, c’est

l’inverse). Quelle que soit la méthode choisie, les diverses étapes de la classification peuvent

être représentées graphiquement par un arbre de classification, également appelé

dendogramme.

Les méthodes hiérarchiques présentent l’avantage de ne pas obliger le chercheur à fixer a

priori le nombre de groupes « (…) puisqu’elles fournissent des typologies de n groupes, n-1

242

groupes … etc. jusqu’à 1 groupe. » (Pinson et Chandon : 20). De plus, la connaissance de

l’indice de fusion (« Rescaled Distance Cluster Combine » dans SPSS) guide ce même

chercheur dans le choix a posteriori du nombre de groupes. Cet indice est présent sur l’axe

vertical du dendogramme et mesure les niveaux auxquels se font les agglomérations des

objets. La principale limite de ces méthodes tient au fait que les groupes sont fusionnés ou

divisés et ceci de façon définitive à chaque étape. Cela signifie que lorsqu’un objet est dans

un groupe, il le restera jusqu’à la fin du processus de regroupement, même si son

appartenance à un autre groupe conduirait à une meilleure typologie.

La classification non hiérarchique consiste, quant à elle, à fixer a priori un nombre de

groupes, représenté par un individu « type », et à affecter les autres individus à ces groupes,

par une procédure itérative d’allocation, tout en minimisant l’inertie intra-classes et en

maximisant l’inertie inter-classes.

Là encore, il existe de nombreuses méthodes dont le principal atout par rapport aux méthodes

hiérarchiques est qu’elles peuvent traiter une population d’objets plus grande. Cependant,

elles exigent de définir a priori un nombre de groupes. Or, lorsqu’un chercheur utilise

l’analyse typologique, c’est parce qu’il ne connaît pas la structure de ses données. Le choix du

nombre de groupes a priori est donc toujours délicat à réaliser. Enfin, étant donnée la nature

combinatoire du problème posé (le nombre très élevé de regroupements possibles), la plupart

des méthodes non hiérarchiques sont heuristiques, c’est-à-dire qu’elles permettent de trouver

une « bonne » solution sans que l’on puisse démontrer qu’il s’agit de la meilleure solution

possible.

Dans la présente recherche, nous avons procédé à une double classification

successive (Annexe 2.1.):

- Une classification hiérarchique selon la « méthode de Ward » ou « méthode de la

variance minimum ». Cette méthode vise à chaque fusion à optimiser une certaine

fonction objective : elle minimise l’accroissement de la somme des carrés des écarts de

chaque point au centre de gravité du groupe auquel il appartient. Ceci revient à minimiser

la variance du nouveau groupe (Chandon et Pinson, 1981).

- Une classification non hiérarchique selon la « méthode des nuées dynamiques »

(progamme DYC, Dynamic Clustering, développé par E. Diday en 1972).

243

1.1.4. Le choix du nombre de groupes

Le problème du choix du nombre de groupes à retenir dans la solution finale se pose ex-post

pour les méthodes hiérarchiques et ex-ante pour les méthodes non hiérarchiques. Dans notre

cas, nous ne connaissions pas le nombre « idéal » de classes existant au sein de la population

étudiée. C’est la raison pour laquelle nous avons d’abord procédé à une classification

hiérarchique avant de réaliser une classification non hiérarchique.

Le choix du nombre de groupes pour la classification hiérarchique consiste à décider de

l’étape du processus de regroupement à laquelle on doit s’arrêter. Pour cela, nous disposons

du dendogramme, graphique arborescent dont les connexions représentent les étapes

d’agrégations des individus. La visualisation du dendogramme obtenu (et de l’indice de

fusion) permet le choix immédiat du nombre de classes : on coupe le processus d’agrégation

quand la formation d’une nouvelle classe fait faire un saut trop important.

Dans la recherche, le dendogramme obtenu au terme de la classification de Ward proposait un

nombre de classes situé entre 2 et 4 (Annexe 2.1.).

La classification en deux classes a immédiatement été rejetée en raison de son manque de

précision.

La classification en trois classes s’est révélée être déséquilibrée du point de vue des

fréquences, comme le montre le Tableau 4.5. Ainsi, la « classe 1 » regroupait quasiment la

moitié de la totalité des individus. Ce groupe risquait alors d’être difficile à caractériser.

244

Tableau 4.5. Les fréquences de la classification hiérarchique (méthode de Ward) en trois groupes.

Fréquence

Pour cent

Classe 1 49

47,6

Classe 2 31

30,1

Classe 3 23

22,3

Total 103

100,0

La classification en quatre groupes permettait d’atteindre un degré de précision plus élevé

mais, en contrepartie, il nous fallait noter l’hétérogénéité des fréquences, en particulier le

faible nombre d’individus constituant la classe 4 (Tableau 4.6.).

Tableau 4.6. Les fréquences de la classification hiérarchique (méthode de Ward) en quatre groupes.

Fréquence

Pour cent

Classe 1 40

38,8

Classe 2 31

30,1

Classe 3 23

22,3

Classe 4 9

8,7

Total 103

100,0

Au terme de la classification hiérarchique, nous hésitions entre le choix de trois ou de quatre

classes. Les résultats de la classification non hiérarchique selon la méthode des nuées

dynamiques a contribué au choix définitif du nombre de classes.

A l’instar des recommandations faîtes par Y. Evrard, B. Pras et E. Roux (1993), nous avons

fixé au départ de la classification non hiérarchique un nombre de six groupes sensiblement

supérieur à celui obtenu par la classification hiérarchique. La classification non hiérarchique

245

ainsi obtenue propose quatre classes plus homogènes (Annexe 2.1.) que la classification selon

la méthode Ward (Tableau 4.7.).

Tableau 4.7. Les fréquences de la classification non hiérarchique (méthode des nuées dynamiques) en quatre groupes.

Fréquence Pour cent

Classe 1 24 23,3

Classe 2 36 35

Classe 3 17 16,5

Classe 4 26 25,2

Total 103 100,0

En raison de la plus grande homogénéité de la taille des groupes déterminés par la

classification non hiérarchique, c’est cette dernière que nous avons choisi d’analyser et

de décrire.

1.2. La validité de la classification

L’objectif est de s’assurer que notre classification possède une validité suffisante. Pour les

analyses typologiques, « la meilleure solution consiste à examiner la validité des résultats en

appliquant aux mêmes données soit le même algorithme avec des paramètres initiaux

différents, soit des algorithmes différents, ou encore en effectuant des classifications séparées

sur deux moitiés de l’échantillon constituées au hasard. » (Evrard et al., 2003 : 428).

Cette vérification de la validité de la classification, nommée par D. Caumont et JL. Chandon

(1989) le critère de « convergence vraie », permet d’apprécier la validité de la procédure

établie et, par conséquent, la fiabilité des instruments utilisés. Une grande limite des analyses

typologiques étant liée au poids de la subjectivité du chercheur, la validation de la

classification est donc une étape incontournable.

246

Afin d’apprécier le critère de convergence vraie, nous avons eu recours à deux techniques :

- l’application aux mêmes données de deux algorithmes différents ;

- l’utilisation de l’analyse discriminante sur deux parties distinctes de notre échantillon

selon la technique du « split-half ».

La méthode d’analyse typologique que nous avons retenue consiste à utiliser successivement

les deux algorithmes de classification suivants : la méthode de classification hiérarchique de

Ward puis la méthode de classification non hiérarchique des nuées dynamiques (Figure 4.10).

Si les classes mises en évidence restent les mêmes, c’est que la classification est fiable

(Donada et Mbengue, 1999).

Figure 4.10. Le processus de constitution et de validation des groupes.

CLASSIFICATION HIERARCHIQUE

Méthode de Ward

Dendogramme

Solution à 2,3 ou 4 groupes

CLASSIFICATION NON HIERARCHIQUE

Méthode des nuées

dynamiques

Nuée dynamique sur 3, 4, 5 et 6 groupes

NOMBRE DE GROUPES RETENUES

4 groupes

FIABILITE DE LA CLASSIFICATION

Critère de « convergence vraie »

247

Le tableau croisé fait correspondre chacun des quatre groupes ainsi obtenus à l’aide des deux

méthodes de classification (Tableau 4.8.). Le taux de reclassement des individus d’une

classification à l’autre est significatif puisqu’il atteint 78,6 %5. Il y a donc bien dépendance

entre les deux classifications obtenues. Ce résultat est, par conséquent, une indication de la

fiabilité des instruments utilisés et de la validité de notre classification.

Tableau 4.8. Tableau croisé du nombre d’observations de la classification non hiérarchique (méthode des nuées dynamiques) et de la méthode Ward.

Nombre d’observations de la classification non

hiérarchique (CNH) selon la méthode des nuées dynamiques

Classification hiérarchique selon la méthode de Ward

1 2 3 4

Total

1 Effectif % dans Nombre d’observations (CNH) % dans Méthode de Ward

12,5 %4,2 %

3075,0 %83,3 %

7 17,5 % 41,2 %

2 5,0 % 7,7 %

40100,0 %38,8 %

2 Effectif % dans Nombre d’observations (CNH) % dans Méthode de Ward

26,5 %8,3 %

516,1 %13,9 %

2 6,5 %

11,8 %

22 71,0 % 84,6 %

31100,0 %30,1 %

3 Effectif % dans Nombre d’observations (CNH) % dans Méthode de Ward

2191,3 %87,5 %

14,3 %2,8 %

1 4,3 % 3,8 %

23100,0 %22,3 %

4 Effectif % dans Nombre d’observations (CNH) % dans Méthode de Ward

8 88,9 % 47,1 %

1 11,1 %

3,8 %

9100,0 %

8,7 %

Total Effectif % dans Nombre d’observations (CNH) % dans Méthode de Ward

2423,3 %

100,0 %

3635,0 %100,0%

17 16,5 %

100,0 %

26 25,2 %

100,0 %

103

5 La somme des objets bien classés / n* 100 (21 + 30 + 8 + 22) /103 * 100 = 78,6 %

248

La validité de la procédure de classification a également été établie en appliquant une analyse

discriminante sur deux échantillons différents (Annexe 2.2).

La taille de notre échantillon étant relativement élevée, nous avons pu appliquer la technique

du « split half » (ou « des deux moitiés »), c’est-à-dire scinder notre échantillon en deux et

comparer les résultats obtenus sur ces deux sous-échantillons. Nous avons calculé la fonction

discriminante6 sur une première partie de notre échantillon (63 objets obtenus par tirage au

sort), dite échantillon test, puis nous l’avons appliquée sur l’autre partie de l’échantillon, dite

échantillon de contrôle ou « hold-out sample » (40 objets obtenus par tirage au sort).

La classification est alors validée en confrontant la prédiction et la réalité (le pourcentage de

reclassement correct) au moyen de la matrice de confusion. Pour chaque objet de

l’échantillon de contrôle est calculé son groupe théorique d’appartenance (ou « classes

d’affectation prévue ») qui est ensuite comparé à son groupe observé, également appelé

groupe réel (Tableau 4.9., p 250).

6 L’analyse discriminante doit normalement satisfaire l’égalité des matrices de variances/covariances intra-groupes. Dans notre cas, le test de Box a rejeté cette hypothèse d’homoscédasticité. Le non-respect de cette condition est à nuancer dans la mesure où l’analyse discriminante est généralement considérée « (…) comme une méthode robuste, c’est-à-dire que ces résultats sont peu sensibles aux déviations par rapports aux postulats statistiques, au moins si les écarts ne sont pas trop importants et si l’échantillon est suffisamment grand (supérieur à 100). » (Evrard et al., 2003 : 516). Ce qui est notre cas.

249

Tableau 4.9. La matrice de confusion : examen de la validité de la classification par analyse discriminante.

Groupe théorique

Nombre d’observations de la classification non hiérarchique

Classe(s) d’affectation prévue(s)

1 2 3 4

Total

Observations sélectionnées (échantillon test)

Effectif 1 2 3 4

15 0 0 0

1

21 0 0

0 1

12 0

0 0 0

13

16 22 12 13

% 1 2 3 4

93,8

0 0 0

6,3

95,5 0 0

0

4,5 100,0

0

0 0 0

100,0

100,0 100,0 100,0 100,0

Observations non sélectionnées (échantillon de contrôle)

Effectif 1 2 3 4

8 0 0 0

0

14 2 0

0 0 3 0

0 0 0

13

8

14 5

13

% 1 2 3 4

100,0

0 0 0

0

100,0 40,0

0

0 0

60,0 0

0 0 0

100,0

100,0 100,0 100,0 100,0

Gro

upe

obse

rvé

La matrice de confusion montre que 96,8 %7 des objets de l’échantillon test et 95 %8 de ceux

de l’échantillon de contrôle sont classés correctement. Elle valide la pertinence d’un

découpage des objets en quatre groupes tel que l’a fait apparaître l’analyse typologique selon

la méthode des nuées dynamiques.

7 Σ des observations sélectionnées bien classées / Σ des observations sélectionnées * 100 (15 + 21+ 12 +13) / 63 * 100 = 96,8 % 8 Σ des observations non sélectionnées bien classées / Σ des observations non sélectionnées * 100 (8 + 14 + 3 +13) / 40 * 100 = 95 %

250

2. LA DESCRITPION DES GROUPES

L’affectation des objets à divers groupes constitue le résultat brut d’une analyse typologique.

Or, généralement, le chercheur ne se contente pas de ce simple résultat. L’interprétation des

résultats demande une participation active du chercheur qui doit à la fois nommer chacun des

groupes constitués et juger de leur signification. Cette tâche est essentiellement subjective

dans la mesure où il n’existe ni procédure d’interprétation systématique, ni tests statistiques

de la qualité de la classification obtenue (Chandon et Pinson, 1981).

La description des groupes s’est faite en deux temps. Tout d’abord, le recours aux variables

utilisées pour établir la classification a permis d’extraire la signification pratique des groupes

identifiés (2.1). Par la suite, l’interprétation des modalités d’exportation et de leur agencement

au sein du processus d’internationalisation a pu être améliorée à l’aide de variables

descriptives de l’entreprise, de son dirigeant et de son environnement (2.2).

2.1. La signification pratique des groupes identifiés

Pour découvrir le sens des groupes, il faut revenir aux variables utilisées pour établir la

classification (Evrard et al., 2003). Pour ce faire, nous avons procédé à l’analyse

discriminante (Annexe 2.2.) en prenant l’appartenance à une classe comme variable

dépendante nominale et les variables actives de classification comme variables indépendantes

mesurées sur des échelles d’intervalle .

Outre la validité de la classification obtenue par l’analyse typologique, l’objet de l’analyse

discriminante a également consisté à identifier les dimensions sous-jacentes majeures qui

différencient les quatre classes formées (Figure 4.11.).

251

252

Figure 4.11.Figure 4.11.

Le double apport de l’analyse discriminante à l’analyse typologique.

Avant d’identifier et d’interpréter les axes discriminants, il convient de vérifier qu’il existe

bien des différences entre les quatre groupes issus de l’analyse typologique. Le tableau des

moyennes obtenues (Tableau 4.10., p 253) par chacune des variables actives de classification

dans chacun des quatre groupes et pour l’ensemble des objets observés permet une première

interprétation des modalités d’internationalisation mises en œuvre par les PMI sous-traitantes

françaises étudiées.

TYPOLOGIE

en

quatre groupes

Valider la typologie

Reclassement des individus à partir de la technique du « Split half »

Décrire la typologie

Montrer les oppositions des groupes sur les fonctions discriminantes

Interpréter le profil des groupes

253

Tableau 4.10. Le tableau de moyennes des quatre groupes sur les variables. Groupes

Soutien des donneurs d’ordres

(DO) français

Soutien des DO, filiales françaises de groupes étrangers

Soutien des DO situés

hors de France

Soutien d’entreprises

sous-traitantes

Soutien de syndicats

professionnels

Soutien de Bourses de

Sous-traitance

Soutien de Chambres

de Commerce

et d’Industrie

Soutien de Conseils

Régional ou Général

Autre soutien

1

1,63

1,08

1,33

1,17

1,13

1,04

1,17

1,17

1,88

2

3,89

2,94

2,86

1,81

1,36

1,42

1,61

1,39

1,06

3

3,94

4,82

5,00

2,35

1,47

1,59

2,35

1,41

2,53

4

1,96

2,12

2,12

2,00

2,27

1,58

3,88

2,38

1,42

Total

2,88

2,61

2,67

1,80

1,55

1,40

2,20

1,59

1,58

La ligne « Total » du tableau 4.10. indique les acteurs qui sont le plus intervenus dans

l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises observées. Il s’agit principalement

des acteurs privés, donneurs d’ordres. Plus précisément, nous constatons que le score

moyen obtenu par les donneurs d’ordres français est légèrement supérieur à celui obtenu par

les clients situés à l’étranger quelle que soit leur nationalité. L’internationalisation par

intégration dans le réseau d’un (ou plusieurs) donneur(s) d’ordres est donc un mode

d’internationalisation fréquemment usité par les PMI sous-traitantes.

Parmi les acteurs institutionnels, la Chambre de Commerce et d’Industrie obtient le meilleur

score devant le Conseil Régional/Général. Le mode d’internationalisation par coopération

avec des sous-traitants, que nous n’avions pas pu observer au cours de nos entretiens

exploratoires est effectivement rarement emprunté : la moyenne obtenue par le soutien des

entreprises sous-traitantes est significativement plus faible que celle obtenue par les autres

acteurs privés.

La comparaison des scores moyens obtenus par l’ensemble des individus pour chacune des

quatre classes permet d’esquisser le profil des groupes en question. Ce premier niveau

d’interprétation sera confirmé ultérieurement par l’interprétation des fonctions discriminantes.

Le groupe 1 se caractérise, pour chacune des variables actives de classification, par des

moyennes inférieures à celles obtenues par les trois autres groupes. Il regroupe par conséquent

les PMI sous-traitantes les moins soutenues lors de leur internationalisation, celles qui

semblent privilégier la modalité d’internationalisation autonome.

Ce groupe, qui représente environ 23 % des entreprises observées (24 entreprises), comprend

10 entreprises n’ayant bénéficié d’aucun soutien au cours de leur processus

d’internationalisation, soit un peu moins de 10 % de l’échantillon. Quant aux autres, les rares

fois où elles ont été soutenues au cours de leur processus d’internationalisation, elles l’ont été

plus par des agents commerciaux (Autre soutien) et par des clients domestiques que par tout

autre acteur.

Le groupe 2 – le plus important en nombre d’individus puisqu’il représente environ 35 % des

objets observés (36 entreprises) – obtient sa moyenne la plus élevée pour la fréquence du

soutien des donneurs d’ordres français. Toutefois, le soutien apporté par les donneurs

254

255

d’ordres, filiales de groupes étrangers et les donneurs d’ordres situés hors de France obtient

une moyenne supérieure à la moyenne générale indiquée dans la ligne « Total ».

Dans ce groupe, les PMI sous-traitantes s’internationalisent principalement dans le

sillage de leurs clients, surtout domestiques et, dans une moindre mesure, étrangers. Les

acteurs publics interviennent plus rarement que les acteurs privés dans le processus

d’internationalisation des PMI sous-traitantes.

Le groupe 3 se caractérise par un soutien élevé de la part des donneurs d’ordres étrangers,

qu’il s’agisse de filiales de groupes étrangers ou de donneurs d’ordres situés hors de France.

Autrement dit, la modalité d’internationalisation privilégiée consiste à prendre position dans

le réseau d’acteurs situés à l’étranger.

Toutefois, ce groupe obtient également des scores moyens plus élevés que ceux obtenus par

l’ensemble des autres groupes en ce qui concerne le soutien des donneurs d’ordres français et,

dans une moindre mesure, des entreprises sous-traitantes et des Chambres de Commerce et

d’Industrie. Les PMI sous-traitantes de ce groupe connaissent un développement

international fortement soutenu par leurs réseaux d’affaires et institutionnels. Elles ne

représentent que 16,5 % de l’ensemble des objets observés (soit 17 entreprises).

Enfin, le groupe 4, environ 25 % des PMI sous-traitantes observées (26 entreprises), obtient

un score moyen concernant le soutien des Chambres de Commerce et d’Industrie nettement

supérieur aux scores respectifs atteints par les trois autres groupes. Notons, par ailleurs, que

les individus de ce groupe sont en moyenne plus soutenus par le Conseil Régional et/ou

Général que les trois autres groupes. Le soutien apporté par le réseau institutionnel dans

l’internationalisation de ces entreprises est largement prédominant. En revanche, la

fréquence du soutien des donneurs d’ordres, domestiques ou étrangers, obtient un score

nettement inférieur à la moyenne de l’ensemble des observations.

La visualisation des différences entre les moyennes de chacun des quatre groupes est autorisée

grâce au radar de la fréquence du soutien des différents réseaux des PMI sous-traitantes selon

les groupes issus de la typologie (Figure 4.12., p 256).

256

0

1

2

3

4

5Fréquence du soutien des donneurs d’ordres (DO) français

Fréquence du soutien des DO, filiales françaises de groupesétrangers

Fréquence du soutien des DO situés hors de France

Fréquence du soutien d’entreprises sous-traitantes

Fréquence du soutien des syndicats professionnelsFréquence du soutien d’une Bourse de Sous-traitance

Fréquence du soutien de la Chambre de Commerce etd’Industrie

Fréquence du soutien du Conseil Régional et/ou Général

Autre soutien

Figure 4.12. Le radar de la fréquence du soutien des acteurs des réseaux des PMI sous-traitantes.

Groupe 3 Groupe 4

Groupe 1 Groupe 2

Au-delà de la différence relative au degré de fréquence du soutien des acteurs, cette

visualisation intensifie la distinction entre, d’une part les groupes de PMI sous-traitantes

surtout soutenus à l’international par leurs clients (groupes 2 et 3) et, d’autre part, le groupe 4

surtout soutenu par les Chambres de Commerce et d’Industrie.

Bien que les différences de moyennes sur les variables existent entre les quatre groupes de la

classification, il faut néanmoins s’assurer que ces variables sont bien aptes à discriminer,

c’est-à-dire qu’il existe bien une liaison entre la variable à expliquer et les variables

explicatives. A cette fin, nous avons utilisé le test des moyennes ou lambda de Wilks. Le

tableau 4.11. indique que les moyennes des groupes diffèrent. La relation entre la variable à

expliquer et les variables explicatives est donc significative.

Tableau 4.11. Le lambda de Wilks. Test de la ou des fonctions

Lambda de Wilks Chi-deux ddl Signification

de 1 à 3 de 2 à 3 3

,070,274,749

257,620 125,556 28,008

18 10

4

,000,000,000

A présent, il s’agit de sélectionner les fonctions ayant un réel pouvoir discriminant. Pour ce

faire, nous avons retenu les deux fonctions dont les corrélations canoniques respectives,

élevées au carré, sont supérieures au seuil de 0,5 (Tableau 4.12.). Nous remarquons, en outre,

que ces deux premières fonctions discriminantes canoniques représentent 93,3 % de la

variance totale entre les groupes.

Tableau 4.12. Les fonctions discriminantes canoniques : représentation et pouvoir discriminants. Fonction

Valeur propre % de la variance % cumulé Corrélation canonique

1 2 3

2,9021,7340,335

58,434,9

6,7

58,493,3

100,0

,862,796,501

257

258

Les deux fonctions discriminantes retenues sont interprétées à l’aide des poids discriminants

et des coefficients de corrélation standardisés obtenus après rotation des axes (Varimax) qui

offre une interprétation plus aisée de l’espace discriminant (Tableau 4.13.).

Tableau 4.13. Les coefficients des fonctions discriminantes canoniques standardisées après rotation.

Fonction

1 2

Fréquence du soutien des donneurs d’ordres (DO) français 0,221 - 0,264

Fréquence du soutien des DO, filiales françaises de groupes étrangers 0,682 0,210

Fréquence du soutien des DO étrangers situés hors de France 0,665 0,013

Fréquence du soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie 0,079 0,916

Fréquence du soutien du Conseil Régional et/ou Général - 0,271 0,299

Autre soutien 0,294 - 0,117

Les variables les plus discriminantes de la fonction 1, axe des abscisses de la carte

perceptuelle (Figure 4.13.), sont la fréquence du soutien des donneurs d’ordres, filiales

françaises de groupes étrangers (FILETR) et la fréquence du soutien des donneurs d’ordres

étrangers situés hors de France (DOETR), tandis que la variable la plus discriminante de la

fonction 2, axe des ordonnées de la carte perceptuelle (Figure 4.13., p 259), est

indéniablement la fréquence du soutien des Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI).

A partir de l’ensemble des résultats de l’analyse discriminante, la signification pratique des

quatre groupes d’objets formés par l’analyse typologique a pu être trouvée. Selon le type

d’acteurs intervenus dans le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes et la

fréquence de leur intervention, les groupes ont ainsi été nommés :

- groupe 1 : « Les moins soutenus » ;

- groupe 2 : « Les suiveurs des clients domestiques » ;

- groupe 3 : « Les plus soutenus » ;

- groupe 4 : « Les solliciteurs du réseau institutionnel ».

259

Les plus soutenus n=17

Les suiveurs des clients domestiques

n= 36

Les solliciteurs du réseau institutionnel

n=26

Les moins soutenusn=24

FILETR

DOETR

DOFR

AUTSOU

SYNDPROF

BOURSE

SOUTRAIT

CCI

CRG

• DOFR = Soutien des donneurs d’ordres

français • FILETR = Soutien des donneurs d’ordres,

filiales de groupes étrangers • DOETR = Soutien des donneurs d’ordres

étrangers hors de France

• SOUTRAIT = Soutien de sous-traitants • SYNDPROF = Soutien des Syndicats

professionnels • BOURSE = Soutien d’une Bourse de Sous-

traitance

• CCI = Soutien de la Chambre de Commerce et d’Industrie

• CRG = Soutien du Conseil Régional / Général • AUTSOU = Autre soutien

Figure 4.13. La carte perceptuelle du profil des classes.

Finalement, l’interprétation des groupes à partir des variables utilisées pour établir la

classification met en exergue le rôle des réseaux dans le développement international de la

PMI sous-traitante et permet de dégager des éléments de réponse à propos de la dynamique du

processus d’internationalisation de ces entreprises :

• Les PMI sous-traitantes françaises sont largement accompagnées par une catégorie

d’acteurs au cours de leur processus d’internationalisation : les donneurs d’ordres. Ce résultat

vient alors confirmer l’hypothèse centrale du modèle théorique développé par PH. Andersen,

P. Blenker et PR. Christensen (1995) : compte tenu de la nature particulière de la relation

de sous-traitance industrielle, l’internationalisation soutenue par un client de son

portefeuille constitue la modalité d’exportation la plus fréquemment mise en œuvre par

les PMI sous-traitantes.

• Pour la majorité des PMI sous-traitantes ayant été soutenues à l’international (78,5 %

de notre échantillon), nous observons que les deux principaux réseaux d’accompagnement –

le réseau des donneurs d’ordres et celui des institutionnels – s’excluent (Figure 4.14.). Seules

les PMI sous-traitantes les plus soutenues, numériquement minoritaires, combinent ces

différentes modalités d’exportation au cours de leur processus d’internationalisation.

Figure 4.14. La place des réseaux de donneurs d’ordres et d’institutionnels dans l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

Groupe 2 Les suiveurs des

clients domestiques

= 36

Groupe 4 Les solliciteurs du

réseau institutionnel = 26

Groupe 3 Les plus soutenus

= 17

Soutien des donneurs d’ordres

Soutien des institutionnels

260

Quelles sont les interprétations possibles de cette observation sur la structuration du processus

d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises ? A partir de la littérature, nous

pouvons en avancer trois :

- La première considère que les ressources varient selon le stade du processus

d’internationalisation considéré. Ainsi, N. Nummela (1997) conclue que les

entreprises les plus soutenues par le réseau institutionnel se situeraient en phase de

pré-exportation et au commencement de la phase d’exportation tandis que celles

soutenues par les donneurs d’ordres auraient atteint des phases ultérieures. Au

contraire, les experts interrogés (Chapitre 2) s’accordent sur le déroulement suivant :

les PMI sous-traitantes bénéficient d’abord du soutien des donneurs d’ordres ou des

institutionnels lors de la phase d’initiation à l’exportation, avant d’opter pour une

démarche autonome une fois l’exportation engagée.

- La deuxième considère, à l’instar du modèle d’internationalisation selon l’approche

réseau de J. Johanson et LG. Mattsson (1986), que le choix des modalités

d’internationalisation est fonction à la fois du degré d’internationalisation de

l’entreprise et de son secteur d’activité.

- La troisième interprétation privilégie le rôle du dirigeant et, par conséquent,

l’importance stratégique qu’il accorde à l’internationalisation de son entreprise.

La description des groupes formés par l’analyse typologique à l’aide de variables moins

directement liées au phénomène étudié offre des pistes de réflexion concernant

l’enchaînement des modalités d’exportation des entreprises étudiées.

2.2. L’interprétation des groupes à l’aide de variables descriptives

La description d’une classe ne se limite pas forcément aux seules variables initiales utilisées

pour établir la classification : « Il est fréquemment utile, pour interpréter les types, de recourir

à des variables n’ayant pas été incluses dans la typologie, car moins directement liées au

phénomène étudié, mais pouvant contribuer à la compréhension, donc à l’action. » (Evrard et

al., 2003 : 429).

Ainsi, pour décrire notre typologie, nous avons eu recours aux quatre catégories de variables

descriptives étudiées dans la littérature sur le comportement à l’exportation des PME/PMI et

261

exposées dans le chapitre 3 : les caractéristiques du dirigeant, celles de l’entreprise et de son

internationalisation et celles de l’environnement.

Afin de mesurer les relations d’association supposées entre ces variables et les quatre groupes

identifiés par l’analyse typologique, nous avons utilisé deux méthodes traditionnellement

admises : le test du Chi-deux (Annexe 2.3.) et l’analyse de la variance (Annexes 2.4 et

2.5.). Le test du Chi-deux vérifie l’existence d’un lien d’association entre deux variables

qualitatives. Le but de l’analyse de la variance est de déterminer si une (ou plusieurs)

variable(s) explicatives nominale(s) a (ont) ou non une influence sur une (ou plusieurs)

variable(s) à expliquer quantitative(s).

Nos résultats s’articulent autour des quatre liens d’associations significatifs émergeant de

l’analyse statistique :

- entre la nature du soutien à l’international dont bénéficie la PMI sous-traitante et

l’appartenance à un groupe (2.2.1) ;

- entre l’intensité de l’internationalisation et l’appartenance à un groupe (2.2.2) ;

- entre le secteur d’activité et l’appartenance à un groupe (2.2.3) ;

- entre les objectifs attendus de l’internationalisation par le dirigeant et l’appartenance à un

groupe (2.2.4).

2.2.1. Soutien à l’international et appartenance à un groupe

Les résultats de l’analyse discriminante ont confirmé que l’internationalisation de la PMI

sous-traitante était, dans la plupart des cas observés, un processus d’acquisition de ressources

externes utiles à la création du potentiel et des conditions nécessaires à l’établissement d’une

relation de sous-traitance avec un donneur d’ordres localisé hors du marché domestique. Or,

selon que l’entreprise est plutôt accompagnée par un client de son portefeuille ou une

Chambre de Commerce et d’Industrie, le type de soutien apporté varie.

Les tests du Chi-deux (Annexe 2.3.) révèlent que les liens d’association entre certains des

types de soutien dont bénéficient les PMI sous-traitantes (question 14, Annexe 1) et la

typologie sont significatifs (Tableau 4.14., p 263).

262

263

Tableau 4.14. Chi-Deux : Types de soutien * Nombre d’observations classification non hiérarchique (Méthode des nuées dynamiques).

Valeur ddl Signification asymptotique (bilatérale)

MISENREL PROINTER PROSPECT AIDEFIN NEGOCIAT AIDFISAL ESPASAL HUMSALON BANQDONE COLLINFO CONSTECH CONSCOMM CONSJURI TRADUDOC ENTRPOTS RESOLOGIS AUTRAID

18,342 9,312 3,459 8,637 1,333

15,690 12,931 4,228

12,212 7,518 2,199 7,188 3,423

11,059 2,313 1,879 4,415

6 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3

,005 ,025

,326 (NS)* ,035

,721 (NS)* ,001 ,005

,238 (NS)* ,007

,057 (NS)* ,532 (NS)* ,066 (NS)* ,331 (NS)*

,011 ,510 (NS)* ,598 (NS)* ,220 (NS)*

• (NS) = Chi-deux non significatif au seuil de p = 0,05. • Légende :

MISENREL : Aide à la mise en relation avec un client étranger PROINTER : Participation à un projet à l’international dans le sillage d’un client (portage) PROSPECT : Mise à disposition d’une structure commerciale pour la prospection AIDEFIN : Aide financière à la prospection NEGOCIAT : Mise à disposition d’une structure commerciale pour la négociation AIDFISAL : Aide financière pour être présent sur un Salon ESPASAL : Mise à disposition d’un espace sur un Salon HUMSALON : Mise à disposition de moyens humains sur un Salon BANQDONE : Mise à disposition d’informations commerciales, de banques de données COLLINFO : Aide à la collecte d’informations CONSTECH : Conseils techniques CONSCOMM : Conseils commerciaux CONSJURI : Conseils juridiques TRADUDOC : Aide à la traduction de documents commerciaux ou de communication en langue étrangère ENTRPOTS : Mise à disposition d’entrepôts à proximité du client étranger RESOLOGIS : Mise à disposition d’un réseau logistique pour l’acheminement des pièces AUTRAID : Autres formes de soutien

Afin de décrire les liaisons existantes entre ces variables nominales, nous avons également

procédé à une analyse des correspondances multiples selon la procédure HOMALS (Annexe

2.3.). Elle a permis de visualiser sur un même plan factoriel les différentes variables par une

représentation conjointe sous forme de carte perceptuelle9 (Figure 4.15., p 264).

9 « Sur le plan du mode de calcul, il s’agit d’une variante de l’analyse factorielle qui se caractérise par l’utilisation d’un type de distance particulier, la distance du Chi-deux. » (Evrard et al., 2003 : 454).

MISENRELPROINTERAIDFINAIDESALONESPASALBANQDONETRADUDOCQCL

oui

non

Les moins soutenus

Les suiveurs des clients domestiques

Les bénéficiaires du réseau institutionnel

Les plus soutenus

nonnon

non

non

nonnon

oui

oui

ouioui

oui

oui

264

Légende : QCL = les groupes formés par la classification non hiérarchique (méthode des nuées dynamiques).

Figure 4.15. La carte perceptuelle des types de soutien influençant l’appartenance à un groupe.

Les sept liens d’association significatifs s’avèrent cohérents avec le type d’acteurs intervenus

au cours du processus d’internationalisation. En effet, pour les classes 2 et 3, principalement

soutenues par les donneurs d’ordres, le soutien apporté prend essentiellement la forme de

portage et de mise en relation avec des clients situés en dehors du marché domestique, tandis

que pour le groupe 4, le type de soutien correspond aux aides à l’exportation

traditionnellement dispensées par les réseaux institutionnels (Tableau 4.15.). La nature des

ressources fournies par ces deux types de réseaux s’avère distincte et complémentaire.

Varie-t-elle selon le stade d’internationalisation atteint ? La mesure des liens d’association

entre l’intensité de l’internationalisation et la typologie, présentée dans le paragraphe suivant,

devrait permettre de répondre à cette question.

Tableau 4.15. Le lien d’association entre le type de soutien externe apporté par les acteurs et la typologie.

CLASSES TYPE DE SOUTIEN

Groupe 1 Les moins soutenus

-

Groupe 2 Les suiveurs des clients domestiques

Aide à la mise en relation avec un client étranger / portage

Groupe 3 Les plus soutenus

Aide à la mise en relation avec un client étranger / portage

Groupe 4 Les solliciteurs du réseau institutionnel

Mise à disposition d’un espace sur un Salon, aide financière pour

être présent sur un salon, aide à la traduction de documents commerciaux, aide financière à la prospection, mise à

disposition d’informations commerciales, de banques de données

2.2.2. Intensité de l’internationalisation et appartenance à un groupe

Les effets des taux d’exportation 1996, 1997 et 1998 (question 8, Annexe 1) et de la

croissance du taux d’exportation entre 1996 et 1998 (calculée à partir de la question 8) sur

l’appartenance à un groupe (Tableau 4.16) ont été déterminés par des analyses de variance à

un facteur (ANOVA, Annexe 2.4.). Les résultats de ces analyses consistent à évaluer les

diverses sources de variations qui influencent la variable dépendante, à évaluer les sommes

des carrés associées aux sources de variation et à les ajuster par les degrés de liberté

appropriés. Le test de F de Fisher-Snedecor indique si ces résultats sont significatifs.

265

Tableau 4.16. Analyses de variance : l’effet du taux d’exportation sur l’appartenance à un groupe.

TAUX D’EXPORTATION

Sources de variation

Somme des carrés

ddl Moyenne des carrés

Test F Signification

1996 1997 1998

Intergroupes Intragroupes Intergroupes Intragroupes Intergroupes Intragroupes

1722,658

20696, 385 1436,092

20471,000 1000,725

22506,564

3

99 3

99 3

99

574,219 209,054 478,697 206,778 333,575 227,342

2,747

2,315

1,467

,047

,080

,228

L’analyse de variance présente des résultats contrastés : le premier test de F est significatif

pour un seuil de p = 0,05, le deuxième est significatif mais pour un seuil de p = 0,1. Enfin, le

troisième test n’est pas significatif.

Le diagramme des moyennes (Figure 4.16.), réalisé par le logiciel SPSS, montre que les taux

d’exportation, en 1996 et 1997, obtenus par « les solliciteurs du réseau institutionnel »

(Groupe 4) sont supérieurs à ceux des « suiveurs des clients domestiques » (Groupe 2). Ce

résultat réfute l’enchaînement des modalités d’exportation observé par N. Nummela

(1997) : l’entreprise sollicite d’abord le réseau institutionnel avant de chercher à se

positionner au sein du réseau des clients domestiques présents à l’étranger.

Figure 4.16. Diagramme des moyennes : le lien entre les taux d’exportation (1996 et 1997) et la typologie.

20 18 16 14 12 10 8 6

G1 G2 G3 G4

Nombre de classes

(Classification non hiérarchique)

Moyenne du taux d’exportation

1997

1996

266

Le diagramme des moyennes, révèle un autre résultat a priori paradoxal : c’est le groupe 1

« les moins soutenus » qui a le taux d’exportation le plus élevé et le groupe 3 « les plus

soutenus » le plus faible. Toutefois, cet écart est moins contrasté en 1997 qu’en 1996, là où la

signification du test de F est moins bonne.

En 1998, il n’y a plus de différence significative entre les quatre groupes de PMI sous-

traitantes engagées à l’international sur la variable taux d’exportation.

Aussi, afin d’affiner le lien d’association entre l’intensité à l’internationalisation et les

groupes d’appartenance, nous avons mesuré la variance de la croissance du taux d’exportation

entre 1996 et 1998 selon l’appartenance à un groupe issu de la typologie (Tableau 4.17).

Tableau 4.17. Analyse de variance : l’effet de la croissance du taux d’exportation entre 1996 et 1998 sur l’appartenance à un groupe.

Sources de variation

Somme des carrés

ddl Moyenne des carrés

F Signification

Intergroupes Intragroupes

Total

25,338

227,918

253,257

3

91

94

8,446 2,505

3,372

,022

L’analyse de variance présente un résultat significatif au seuil de p = 0,022. Le diagramme

des moyennes (Figure 4.17.) indique que les entreprises du groupe 3, « les plus soutenus »,

ont connu la plus forte progression de leur taux d’exportation entre 1996 et 1998. La

croissance du taux d’exportation du groupe 2 « les suiveurs de clients domestiques » est

légèrement supérieure à celle du groupe 4 « les solliciteurs du réseau institutionnel ». Enfin,

ce sont les entreprises du groupe 1 « les moins soutenus » qui connaissent la plus faible

progression de leur taux d’exportation.

267

Figure 4.17. Diagramme des moyennes : le lien entre la croissance du taux d’exportation (entre 1996 et 1998) et la typologie.

2,0

1,5

1,0

0,5

0,0

G1 G2 G3 G4

Nombre de classes (Classification non

hiérarchique)

Moyenne des taux de croissance à l’export

En définitive, si les différences de taux d’exportation varient en 1996 d’un groupe à l’autre, en

faveur des « moins soutenus », elles s’estompent en 1997 pour disparaître en 1998. Or, ce sont

les entreprises les plus soutenues dans leur développement international par leur réseau de

clients domestiques ou étrangers, qui voient leur taux d’exportation s’accroître le plus

rapidement sur les trois années étudiées.

Deux interprétations possibles de ces résultats peuvent être avancées :

- Le soutien du réseau des donneurs d’ordres dans l’internationalisation des PMI sous-

traitantes françaises étudiées serait une modalité d’exportation ayant connu un

développement plus tardif que l’exportation autonome. C’est pourquoi, son efficacité

n’apparaîtrait qu’à la fin des années 1990.

- Les retombées de l’internationalisation via le réseau des donneurs d’ordres en termes

d’intensité à l’internationalisation connaîtraient un temps de latence plus long que dans le

cas de l’exportation autonome et, dans une moindre mesure, lorsque l’internationalisation

est soutenue par un réseau institutionnel.

268

Au-delà du rythme de l’internationalisation, l’examen du test du Chi-deux (Annexe 2.3.) entre

la possession de filiales à l’étranger (question 21, Annexe 1) et l’appartenance à un groupe

débouche sur un lien faiblement significatif au seuil de p = 0,1 (Tableau 4.18.).

Tableau 4.18. Chi-Deux : Possession de filiales à l’étranger * Nombre d’observations classification non hiérarchique (Méthode des nuées dynamiques).

Valeur ddl Signification asymptotique

(bilatérale)

Chi-deux de Pearson Rapport de vraisemblance Association linéaire par linéaire Nombre d’observations valides

7,154 8,037 ,901 103

3 3 1

,067 ,045 ,343

Ce lien d’association permet surtout de distinguer les groupes 2 et 3. Ainsi les entreprises

ayant surtout suivi leurs clients domestiques (groupe 2) connaissent un développement

international surtout limité à l’exportation tandis que les PMI sous-traitantes les plus

soutenues (groupe 3) implantent des filiales commerciales à l’étranger (Tableau 4.19.).

Ce résultat ne pose aucun problème d’interprétation : c’est la combinaison et le niveau élevé

des aides apportées par les donneurs d’ordres domestiques ou étrangers et par les

institutionnels, qui permettraient aux PMI sous-traitantes d’atteindre le stade le plus

avancé du processus d’internationalisation, à savoir l’implantation d’une filiale à

l’étranger.

Tableau 4.19. Tableau croisé : Possession de filiales à l’étranger * Nombre d’observations classification non hiérarchique (Méthode des nuées dynamiques).

Groupes issus de la classification non hiérarchique 1 2 3 4

Total

Possession de filiales Oui Non

Total

7

17 24

3

33 36

6

11 17

7

19 26

23 80

103

269

2.2.3. Secteur d’activité et appartenance à un groupe

Afin d’établir ce lien, nous avons effectué un regroupement des secteurs d’activité listés dans

le questionnaire (question 9, Annexe 1) en trois catégories : « Travail des métaux »,

« Transformation des plastiques et élastomères » et « Divers ». L’examen du Chi-deux

(Annexe 2.3.) montre qu’il existe un lien faiblement significatif de 0,072 pour un seuil de p =

0,1.

Le tableau croisé (Tableau 4.20.) entre les deux variables ainsi que l’analyse des

correspondances multiples (Annexe 2.3.) selon la procédure HOMALS (Figure 4.18., p 269)

révèlent que les PMI sous-traitantes du secteur de la transformation des plastiques et des

élastomères sont majoritairement présentes dans les deux groupes, a priori opposés : le groupe

1 « les moins soutenus » et le groupe 3 « les plus soutenus ». Ce résultat traduirait une

démarche active à l’internationalisation de la part de ces sous-traitants : soit ils y vont seuls,

soit ils sollicitent leurs réseaux d’affaires afin de faciliter leur mise en relation avec des clients

étrangers.

Tableau 4.20. Tableau croisé : Secteur d’activité * Nombre d’observations classification non hiérarchique (Méthode des nuées dynamiques).

Groupes issus de la classification non

hiérarchique

1 2 3 4

Total

Secteur d’activité Travail des métaux

Transformation des plastiques et élastomères Divers

Total

13 8 3

24

25 2 9

36

9 4 4

17

20 4 2

26

67 18 18

103

270

Figure 4.18. La carte perceptuelle des secteurs d’activité influençant l’appartenance à un groupe.

METAUXPLASTIQUESDIVERSQCL

Les plus soutenus

Les suiveurs des clients domestiques

Les bénéficiaires du réseau institutionnel

Les moins soutenus

Cette interprétation est à mettre en parallèle avec la tendance forte à l’internationalisation du

secteur de la transformation des élastomères et l’éveil à l’international des plastiques observés

par L’Usine Nouvelle au cours des années 1996, 1997 et 1998 (Tableau 4.21.) :

Tableau 4.21. Extrait du hit parade de l’export de L’Usine Nouvelle (1996, 1997 et 1998). Taux d’export (en %) 1996 1997 1998 1999 Transformation des élastomères 30 31,7 28,6 33,9 Transformation des plastiques 16 16,7 16,2 18 Total sous-traitance 16 17,5 18,1 19,5 Les sous-traitants du secteur du travail des métaux ont recourt aux modes

d’internationalisation par intégration dans le réseau de leurs clients domestiques (groupe 2) et

des organismes institutionnels (groupe 4). Rappelons que la sous-traitance du travail des

métaux obtient des scores cumulés élevés à l’exportation et que l’activité internationale est

plus ancienne que celle de la sous-traitance de transformation des plastiques et des

élastomères.

Ces résultats nous invitent à considérer, dans la lignée du modèle d’internationalisation

selon l’approche réseau développé par J. Johanson et LG. Mattsson (1986), que le choix

de la modalité d’exportation à un temps déterminé pour une PMI sous-traitante donnée

271

dépend, certes de son degré d’internationalisation, mais aussi de celui de son réseau

industriel (au sens de filière de production incluant les concurrents, les fournisseurs et les

clients de son secteur d’activité).

Ainsi, en reprenant le point de départ du raisonnement de ces auteurs et sachant que le degré

d’internationalisation des entreprises de notre échantillon est plutôt faible (Cf. section 1 du

présent chapitre), le début d’une interprétation de l’internationalisation des PMI sous-

traitantes peut être formulé :

Deux situations d’internationalisation prédomineraient dans le cas des PMI sous-traitantes

françaises.

La première, proche de la situation « Early Starter » (Johanson et Mattson, 1986),

concernerait des PMI sous-traitantes appartenant à un secteur d’activité, récemment ouvert à

l’international, où les concurrents, les fournisseurs et les institutionnels ont peu de contacts

avec des acteurs étrangers (comme le secteur de la transformation des plastiques et des

élastomères). Les sous-traitants opèreraient alors selon deux modalités principales :

- l’exportation autonome puisqu’ils ne peuvent pas compter sur leurs relations

domestiques pour obtenir des informations sur les marchés étrangers ;

- la sollicitation tous azimuts des réseaux existants à l’étranger afin d’obtenir les

ressources dont elles ne disposent pas sur le marché domestique.

Selon J. Johanson et LG. Mattsson, l’internationalisation des entreprises s’opère par

« extension internationale ». Cela signifie qu’elles cherchent principalement à se positionner

dans les sections nationales d’un pays étranger où, à ce jour, elles ne sont pas présentes. Il

s’agirait principalement d’entreprises performantes sur leur marché domestique.

En revanche, lorsque leur secteur industriel d’appartenance se caractérise par un degré

d’internationalisation plus élevé (comme le travail des métaux), l’engagement international

des PMI sous-traitantes s’inscrirait plutôt dans le sillage de clients domestiques ou

s’accompagnerait du soutien d’acteurs institutionnels. Dans cette seconde situation, les

réseaux d’affaires et institutionnels domestiques possédant plus de relations avec les marchés

étrangers seraient mieux à même que dans la situation précédente de fournir des ressources

afin d’accroître la connaissance de marchés étrangers et d’aider aux ajustements quantitatifs et

qualitatifs avec des clients étrangers. J. Johanson et LG. Mattsson observent que la voie

d’internationalisation qui consiste à exporter suite à l’initiative des réseaux domestiques

272

correspond à une introduction tardive de l’entreprise sur les marchés étrangers, les « Late

Starter ».

2.2.4. Objectifs attendus de l’internationalisation et appartenance à un groupe

L’analyse multivariée de la variance (MANOVA, Annexe 2.5.) établit une liaison globale

entre l’appartenance à un groupe et l’ensemble des objectifs attendus de l’internationalisation

– mesurée sur une échelle de six points (question 36, Annexe 1) – par le dirigeant (Tableau

4.22.).

Tableau 4.22. Tests multivariés : la liaison globale entre l’appartenance à une classe et l’ensemble des objectifs attendus de l’internationalisation. Effet Valeur F Ddl de

l’hypothèse Erreur

ddl Signification

QCL* Trace de Pillai Lambda de Wilks Trace de Hotelling Plus grande racine de Roy

1,034 ,104

7,366 7,194

6,831

15,498 34,436

141,009

20,000 20,000 20,000 5,000

392,000 316,029 374,000 98,000

,000 ,000 ,000 ,000

*QCL = Nombre d’observations de la classification non hiérarchique

Une fois la liaison avérée au niveau global, nous nous sommes intéressés aux comparaisons

multiples entre les différents objectifs attendus de l’internationalisation de façon à étudier leur

poids relatif dans la liaison. Ainsi les tests de F réalisés s’avèrent très significatifs (au seuil de

p = 0,000) pour chacun des cinq objectifs suivants (Tableau 4.23., p 274) : la survie

(OBJSURVI), la sécurité (OBJSECU), la croissance (OBJCROIS), le profit (OBJPROFI) et la

diversification (OBJDIVER).

273

Tableau 4.23. Tests des effets inter-sujets (intermodalités) : la liaison entre l’appartenance à une classe et chacun des cinq objectifs attendus de l’internationalisation. Source Variable

« objectifs à l’international perçus par le dirigeant »

Somme des carrés

ddl Moyennes des carrés

F Signification

Modèle OBJSURVI OBJSECU OBJCROIS OBJPROFI OBJDIVER

693,008 a987,920 b1535,382 c1042,961d

1690,900 e

4 4 4 4 4

173,252 246,980 383,846 260,740 422,725

42,561 72,323

131,210 117,312 146,277

,000 ,000 ,000 ,000 ,000

QCL OBJSURVI OBJSECU OBJCROIS OBJPROFI OBJDIVER

693,008 987,920 1535,382 1042,96 1690,900

4 4 4 4 4

173,252 246,980 383,846 260,740 422,725

42,561 72,323

131,210 117,312 146,277

,000 ,000 ,000 ,000 ,000

Erreur OBJSURVI OBJSECU OBJCROIS OBJPROFI OBJDIVER

402,992 338,080 289,618 220,039 286,100

99 99 99 99 99

4,071 3,415 2,925 2,223 2,890

Total OBJSURVI OBJSECU OBJCROIS OBJPROFI OBJDIVER

1096,000 1326,000 1825,000 1263,000 1977,000

103 103 103 103 103

a. R deux = ,632 (R deux ajusté = ,617) b. R deux = ,745 (R deux ajusté = ,735) c. R deux = ,841 (R deux ajusté = ,835) d. R deux = ,826 (R deux ajusté = ,819) e. R deux = ,855 (R deux ajusté = ,849)

Par ailleurs, la variance intermodalités montre que ce sont les objectifs « offensifs »10 de

croissance, de diversification et, dans une moindre mesure, de profit qui expliquent le mieux

la variance entre l’appartenance aux groupes formés par la classification non hiérarchique.

Afin de s’assurer que tous les objectifs de l’internationalisation étaient significativement

différents entre eux, nous avons effectué le test de comparaisons multiples de Tukey (Tableau

4.24., p 275). Pour chacun d’entre eux, le test a démenti l’hypothèse nulle suivante : la valeur

moyenne de la variable à expliquer est la même pour toutes les modalités de la variable

explicative. Par conséquent, l’existence d’une liaison significative a pu être établie avec un

risque alpha = 0,05 de la rejeter à tort. 10 Par opposition aux objectifs « défensifs » de survie et de sécurité.

274

Tableau 4.24. Tests de Tukey.

Les objectifs de l’internationalisation atteints

Signification du test de Tuckey

OBJSURVI OBJSECU OBJCROIS OBJPROFI OBJDIVER

,762 ,554 ,500 ,507 ,866

Enfin, le diagramme des profils (Figure 4.19.) a facilité l’interprétation de l’effet des

différents objectifs attendus de l’internationalisation sur la typologie.

Figure 4.19. Diagramme des profils : les effets des différents objectifs attendus de l’internationalisation sur la typologie.

4,4

4,2

4,0

3,8

3,6

3,4

3,2

3,0

2,8

2,6

2,4

Moyennes marginales estimées

OBJDIVER

OBJCROIS

OBJPROFI

OBJSECU

OBJSURVI

G1 G2 G3 G4 Nombre de classes (Classification non

hiérarchique)

Tout d’abord, il convient de constater que les entreprises soutenues principalement par les

organismes institutionnels (groupe 4) ont des attentes en matière de performance plus élevées

que les autres groupes.

275

Par ailleurs, les performances attendues par les dirigeants des groupes 2 et 3 diffèrent. Dans le

groupe 2 (« les suiveurs des clients domestiques »), c’est l’objectif de profit qui est attendu

tandis que pour le groupe 3 (« les plus soutenus »), il s’agit de l’objectif de croissance.

Nous remarquons aussi que dans le cas du groupe 3, l’objectif de sécurité n’est pas attendu.

Le paradoxe inverse est constaté dans le cas du groupe 1 (« les moins soutenus ») où l’objectif

de sécurité est élevé. Il peut s’expliquer, selon nous, par le sens donné au terme « sécurité ».

Dans le cas du groupe 1, la sécurité serait entendue plus comme l’indépendance vis-à-vis des

clients que comme la sécurité de l’emploi ou de l’investissement, et inversement dans le cas

du groupe 3.

3. LES PREMIERES REPONSES AUX QUESTIONS DE RECHERCHE

Le traitement statistique de notre enquête par questionnaire, synthétisé dans le tableau

suivant, permet de dégager un premier niveau de réponses à trois de nos questions de

recherche.

Tableau 4.25. Synthèse des méthodes d’analyse quantitatives utilisées et des résultats obtenus.

Type d’analyse

Objectifs Méthodes Résultats

Analyse statistique élémentaire

Description des répondants

Tris à plat

Les caractéristiques des répondants : - des sous-traitants de petite taille, plutôt spécialisés, - dirigés par des individus au profil « exportateur », - au développement international prudent.

Analyse typologique

- Constituer des groupes - Mesurer la fiabilité de notre classification

Deux algorithmes (« Ward » et « nuées dynamiques ») sont appliqués aux mêmes données.

- 4 groupes retenus - Classification fiable

(taux de reclassement = 78,6 %)

276

Tableau 4.25. (suite)

Type d’analyse Objectifs Méthodes Résultats

Analyse discriminante

- Confirmer la validité de la procédure de classification - Interpréter les groupes

- Matrice de confusion sur deux parties de l’échantillon (split half) - Fonctions discriminantes

96,8 % des observations sélectionnées et 95 % des observations non sélectionnées sont classées correctement G 1 : les moins soutenus G 2 : les suiveurs des clients domestiques G 3 : les plus soutenus G 4 : les solliciteurs du réseau institutionnel

Analyse de variance

Interpréter les groupes

2 liens d’association : - le taux d’exportation et la typologie - les objectifs attendus de l’internationalisation et la typologie

Les différentes analyses de données réalisées à partir des 103 questionnaires administrés

aboutit à l’identification et la description des quatre modalités d’exportation effectivement

mises en œuvre par les PMI sous-traitantes françaises ainsi qu’à mesurer l’étendue du recours

à chacune d’elles.

Lors du développement international de ces entreprises, deux types de réseaux externes sont

sollicités : le réseau des donneurs d’ordres étrangers (surtout le groupe 3) et français (surtout

le groupe 2) ainsi que le réseau des organismes institutionnels (surtout les groupes 4 et 3),

parmi lesquels les Chambres de Commerce et d’Industrie jouent un rôle prédominant.

Le groupe 3, dont l’effectif est le plus faible, bénéficie d’un soutien massif de la part des deux

principaux réseaux, contrairement au groupe 2 quasi exclusivement secondé par le réseau de

ses clients surtout domestiques. Bénéficiant des ressources acquises respectivement auprès

des donneurs d’ordres et des institutionnels, ressources distinctes et complémentaires

(Question de recherche 4), 12 % des sous-traitants du groupe 3 disposent de moyens

suffisants pour implanter des filiales à l’étranger. Le groupe 3 a vu son rythme

d’internationalisation s’accélérer entre 1996 et 1998. Le lien peut être fait entre ce résultat et

le fait que les dirigeants des entreprises du groupe 3 aient exprimé leur satisfaction quant à

l’objectif de croissance atteint grâce l’internationalisation.

277

Le groupe des sous-traitants les moins soutenus (groupe 1) demeure relativement important

(23 % des répondants). Il comporte dix entreprises qui déclarent s’internationaliser de façon

tout à fait autonome. Bien qu’il se caractérise par un taux d’exportation supérieur à ceux

obtenus par les groupes 2, 3 et 4, ce groupe voit son internationalisation évoluer plus

lentement que les autres au cours des trois dernières années.

Finalement, l’interprétation des groupes issus de l’analyse typologique permet d’atteindre la

première étape vers la connaissance du processus d’internationalisation (Question de

recherche 1), à savoir l’identification des modalités d’exportation des PMI sous-traitantes

françaises selon le (ou les) acteur(s) le(s) plus fréquemment intervenu(s) lors de

l’internationalisation de la PMI sous-traitante (Figure 4.20.).

Figure 4.20. Les modalités d’exportation identifiées par l’étude quantitative.

Dans le sillage des donneurs d’ordres

domestiques

prédominante dans le groupe 2

Soutenue par les institutionnels

prédominante dans le groupe 4

Via le positionnement dans des réseaux d’affaires

étrangers

prédominante dans le groupe 3

Quasi-autonome

prédominante dans le groupe 1

Modalités d’exportation de la PMI sous-traitante

278

L’analyse statistique fournit, par ailleurs, une interprétation possible du choix de la modalité

d’exportation (Question de recherche 3). Ainsi, il résulterait de la combinaison entre le degré

d’internationalisation de l’entreprise et celui de son secteur d’activité. L’analyse statistique

élémentaire a révélé un engagement prudent à l’international des entreprises observées. Elles

sont généralement soit en situation de « Early Starter » (groupes 1 et 3), soit de « Late

starter » (groupes 2 et 4), selon le modèle de J. Johanson et LG. Mattsson (Figure 4.21.).

Figure 4.21. Les deux situations d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises.

SITUATION (1)

« EARLY STARTER »

- Groupe 1 : « Les moins soutenus »

Internationalisation quasi-autonome. - Groupe 3 : « Les plus

soutenus » Internationalisation via le

positionnement dans des réseaux d’affaires étrangers.

SITUTATION (2)

« LATE STARTER »

- Groupe 2 : « Les suiveurs des clients domestiques »

Internationalisation dans le sillage des donneurs d’ordres français - Groupe 4 : « Les solliciteurs du

réseau institutionnel » Internationalisation soutenue par

les institutionnels

Source : adaptée de J. Johanson et LG. Mattsson, (1986 : 63).

FAIBLE FORT

DE

GR

E D

’IN

TE

RN

AT

ION

AL

ISA

TIO

N D

E

L’E

NT

RE

PRIS

E

FAIB

LE

DEGRE D’INTERNATIONALISATION DU MARCHE

Pour la situation 1 (« Early Starter ») l’internationalisation quasiment autonome (groupe 1) et

l’internationalisation fortement soutenue, surtout par des donneurs d’ordres étrangers (groupe

3), domineraient : les acteurs des réseaux domestiques n’ayant pas encore établi de relations

avec les réseaux étrangers. En revanche, pour la situation 2 (« Late Starter »), les modalités

d’exportation soutenues par les clients domestiques (groupe 2) et par les institutionnels

(groupe 4) seraient concurrentes et s’agenceraient simultanément lors de la phase d’initiation

à l’exportation.

279

En définitive, notre enquête par questionnaire offre une photographie précise des modalités

d’exportation qui composent le processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises. En revanche, sa nature statique propose un cadre d’analyse trop succinct du

déroulement du processus d’internationalisation de ces entreprises (question de recherche 2).

L’exploration de l’ordonnancement des modalités d’exportation dans le temps est permise

grâce à huit études de cas réalisées au terme de notre enquête par questionnaires. Le

traitement qualitatif de nos questions de recherche est alors exposé dans le chapitre 5.

280

281

CHAPITRE 5

LA DYNAMIQUE DU PROCESSUS D’INTERNATIONALISATION DES

PMI SOUS-TRAITANTES

282

INTRODUCTION DU CHAPITRE 5

L’étude qualitative est l’ultime phase de notre processus d’accumulation de connaissances

empiriques sur l’internationalisation des PMI sous-traitantes. Elle vise à observer le

déroulement dans le temps de l’internationalisation des PMI sous-traitantes ; sa nature

processuelle venant compléter la description statique permise grâce à l’enquête par

questionnaires. En effet, elle porte une attention particulière à la description en profondeur des

modalités d’exportation identifiées lors de la phase quantitative ainsi qu’à l’ordre et à

l’enchaînement dans le temps de ces dernières. Notre analyse de processus a donc une visée

descriptive. Elle s’appuie sur la comparaison des processus d’internationalisation de huit PMI

sous-traitantes afin de repérer les régularités ainsi que les événements susceptibles de faire

avancer, ou au contraire de ralentir, l’internationalisation. Dans ces conditions, la prise en

compte de l’environnement n’a pas vertu à expliquer la survenance d’un phénomène mais

plutôt à replacer dans son contexte l’information recueillie.

L’objectif de ce chapitre terminal est de faire la synthèse des résultats de notre analyse multi-

méthodes de l’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises. Il se déroule en deux

temps. Tout d’abord, nous présentons les résultats de l’étude qualitative, à savoir l’analyse

transversale des processus d’internationalisation de deux cas exemplaires de chacun des

quatre groupes de PMI sous-traitantes formés par l’analyse typologique (Section 1). Puis nous

récapitulons l’ensemble des conclusions issues de notre dispositif complet de recherche

(Section 2).

283

SECTION 1 – L’ANALYSE COMPARATIVE DE HUIT CAS EXEMPLAIRES

L’objectif de cette section est d’approfondir notre compréhension du processus

d’internationalisation propre à chacun des quatre groupes distincts de PMI sous-traitantes

formés par l’analyse typologique : « les moins soutenus », « les suiveurs des clients

domestiques », « les plus soutenus » et « les solliciteurs du réseau institutionnel ». Pour ce

faire, nous procédons à une analyse transversale de deux sites exemplaires1 issus de chacun de

ces groupes2.

La comparaison effectuée s’appuie sur les unités d’analyse mises en exergue par la littérature

et regroupées en trois thématiques : les PMI sous-traitantes et leur dirigeant, l’environnement

et le processus d’internationalisation. Elle est fondée sur le discours du dirigeant, ses réponses

au questionnaire et des documents sectoriels issus des publications du SESSI et des dossiers

« Spécial sous-traitance » de L’Usine Nouvelle et privilégie ainsi le format narratif. Elle

aboutit à la réalisation d’un tableau synoptique comparant les caractéristiques des deux sites.

L’analyse transversale des processus d’internationalisation de chaque site recourt à quatre

types de graphiques3 : un diagramme chronologique de l’internationalisation, un diagramme

contextuel des acteurs impliqués dans l’exportation, une matrice des rôles (par rapport au

temps) des acteurs internes et une méta-matrice chronologique. L’examen transversal des cas

consiste alors à combiner les approches « processus » et « variables » afin d’approfondir notre

compréhension.

Finalement, notre analyse comparative des données intra et inter-sites s’articule autour des

quatre groupes de PMI sous-traitantes classées selon leur modalité d’internationalisation. Elle

comprend quatre temps :

- l’analyse des PMI sous-traitantes qui s’internationalisent dans le sillage de leurs clients

domestiques (1) ;

- l’analyse des PMI sous-traitantes qui sont les plus soutenues à l’international (2) ;

- l’analyse des PMI sous-traitantes qui sollicitent surtout le réseau des institutionnels au

cours de leur internationalisation (3) ;

- l’analyse des PMI sous-traitantes qui s’internationalisent de manière quasi-autonome (4).

1 La sélection de ces huit cas exemplaires a été détaillée dans la section 2 « La mise en œuvre » du chapitre 3. 2 Rappelons qu’au sein de chaque groupe, les PMI sous-traitantes ont en commun leur modalité d’exportation, définie comme la fréquence des acteurs externes intervenus dans le processus d’internationalisation. 3 Ces graphiques sont préconisés par AM. Huberman et MB. Miles (1991 et 2003).

284

1. LES SUIVEURS DES CLIENTS DOMESTIQUES

Ce groupe rassemble les PMI sous-traitantes qui s’internationalisent principalement dans le

sillage de leurs clients, surtout domestiques et, plus exceptionnellement, étrangers. Selon les

résultats de l’étude quantitative, les acteurs publics interviennent rarement dans le processus

d’internationalisation de ces entreprises. Les deux entreprises de ce groupe étudiées en

profondeur sont Plastitrempage et Mécasoudure4 (Les entretiens sont retranscrits dans

l’annexe 3.1.).

1.1. Les caractéristiques de l’entreprise et du dirigeant

1.1.1. Le cas Plastitrempage

Plastitrempage est une petite entreprise sous-traitante (45 salariés) de la région Centre,

spécialisée dans la transformation des plastiques. En 2001, elle réalise 95 % de son activité en

sous-traitance. Celle-ci est scindée en deux sous-activités : le trempage et l’injection.

L’entreprise a choisi de privilégier le trempage (70 % de son chiffre d’affaires) car c’est une

activité spécifique et donc moins concurrentielle. Elle permet la transformation de matières

compliquées à partir de moules non automatiques. Contrairement à l’injection, c’est un

procédé qui ne nécessite pas l’achat de moules automatiques coûteux.

Plastitrempage a été crée en 1971 par Monsieur B., actuel dirigeant. Elle épouse d’abord la

forme juridique de SARL, puis en 1974 de SA. En 2001, son capital s’élève à 150 000 euros.

Ses clients, très nombreux (aux alentours de 300 par an), sont diversifiés tant sur le plan de la

taille que de l’activité : automobile, équipement industriel et électricité, secteur agricole,

aéronautique, casques de moto, puériculture, médical, photographie. Monsieur B. se réjouit de

cette diversité qui résulte de sa détermination à limiter la dépendance de son entreprise. Le

marché de Plastitrempage est d’abord domestique à hauteur de 92 % de son chiffre d’affaires.

Son activité export se concentre sur trois marchés européens : la Belgique, le Luxembourg et

l’Italie. En 2000, le taux d’exportation est de 8 %. Ce taux a atteint 10 % en 1999. Avant

1986, l’exportation demeure très sporadique. Après une forte progression du chiffre d’affaires

en 1998, Plastitrempage connaît une baisse d’activité en 1999. Mais la reprise s’amorce dès

2000 (Tableau 5.1.)

4 Pour des raisons de confidentialité, les entreprises étudiées ont été renommées par nos soins.

285

Tableau 5.1. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Plastitrempage.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 2,35 2,41 2,68 2,56 2,62 Taux d’exportation (en %) 5 6 6,7 (NC) 8

Monsieur B. est un autodidacte. Son exposition aux cultures ou environnements étrangers

demeure limitée. Dans ces conditions, il demeure particulièrement sensible à la distance

culturelle. En outre, sa conception de l’exportation est ethnocentrique. L’exportation ne fait

pas l’objet d’une réflexion stratégique mais d’une attitude réactive. Néanmoins, son intérêt

pour l’exportation est réel. Bien qu’ayant recruté une personne expérimentée, il demeure

pleinement impliqué. C’est lui qui décide en la matière. Il se réjouit des résultats obtenus à

l’exportation au regard des investissements engagés. Il faut dire que l’exportation contribue à

satisfaire un objectif qui lui est cher, car omniprésent dans son discours : l’objectif de

diversification (de répartition des risques) de son entreprise.

1.1.2. Le cas Mécasoudure

Créée en 1945 dans le département de l’Ain, par le prédécesseur du dirigeant que nous avons

interviewé, cette petite entreprise d’une trentaine de salariés appartient au secteur de la

chaudronnerie et est spécialisée dans la mécanosoudure de grosses pièces. Reprise en 1987,

par l’actuel dirigeant, Monsieur L., cette S.A. au capital de 91 000 euros a vu sa structure se

développer en 1990 avec la création de sa filiale d’oxycoupage, spécialisée dans la découpe,

première étape de la fabrication en mécanosoudure. Son chiffre d’affaires a connu une

progression de 15 % entre 1999 et 2000. Au terme de l’exercice 2000, il est de 3,52 millions

d’euros. Cent pour cent de l’activité de l’entreprise est réalisée par la sous-traitance. Elle ne

commercialise pas de produits propres. L’exportation ne représente que 5 % et a

considérablement chuté au cours des années quatre-vingt dix. Auparavant, le taux

d’exportation avait atteint, certaines années, 20 % (Tableau 5.2.). Au plan national comme

international, Mécasoudure est confrontée à une concurrence très rude en provenance de

l’Europe de l’Est et, plus particulièrement, de la Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie

République Tchèque et Macédoine. Ses clients, environ une cinquantaine par an, sont, pour

la plupart d’entre eux, de gros équipementiers des secteurs industriels : l’énergie, la

construction automobile, l’équipement automobile, les matériaux industriels ou le nucléaire.

286

Tableau 5.2. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Mécasoudure.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 2,88 3 3,01 3,06 3,52 Taux d’exportation (en %) 3 4 5 5 5 Directeur technique avant de prendre la direction de Mécasoudure, Monsieur L. est titulaire

d’un CAP technique. Il parle plusieurs langues à un niveau moyen ou faible (anglais,

allemand, espagnol et italien). Il est le seul décideur en ce qui concerne l’activité exportatrice

de son entreprise. Hormis dans son cadre professionnel, il n’a pas eu l’occasion d’être exposé

à des cultures étrangères. Il semble, néanmoins, peu sensible à la distance culturelle au sein

de la relation de STI ; la nature de la relation et sa continuation dans le temps dépendant de

l’activité, de la structure et de la culture de l’entreprise cliente plus que de sa localisation ou

de sa nationalité. En définitif, le bilan de l’activité exportatrice de Mécasoudure est perçu par

le dirigeant comme étant globalement négatif.

1.2. Les caractéristiques de l’environnement

1.2.1. Le cas Plastitrempage

Plastitrempage est une entreprise du secteur des pièces techniques en matières plastiques. Ce

secteur d’activité représente plus du tiers de l’industrie de transformation des matières

plastiques. Elle travaille à plus de 60 % pour la construction automobile. Les pièces en

matières plastiques sont incontournables dans l’équipement des véhicules. Elles représentent

plus de 10 % de son poids. Les constructeurs automobiles travaillent de plus en plus en

conception partagée avec les sous-traitants. La fabrication de pièces complexes s’accentue.

Les livraisons en juste à temps restent la règle et obligent souvent les sous-traitants à se

localiser près de leurs donneurs d’ordres. Les capitaux étrangers sont de plus en plus présents

dans les entreprises nationales. La restructuration des leaders pour répondre au marché

international et atteindre la taille critique est toujours d’actualité. Les autres principaux

secteurs donneurs d’ordres sont la construction électrique et électronique, la construction

mécanique ainsi que la construction navale, ferroviaire et aéronautique.

Depuis 1998, les sous-traitants de ce secteur s’éveillent à l’international : leur taux d’export

1998 ayant dépassé de 10 % en valeur celui de 1997. Ils ont tendance à suivre leurs clients

domestiques, en particulier vers l’Europe de l’Est ou l’Afrique du Nord. Toutefois, 80 % des

287

échanges à l’export se font au sein de l’Union Européenne (Allemagne, Italie, Royaume-Uni,

Benelux, Espagne). Sur le marché domestique, les sous-traitants de ce secteur sont confrontés

à l’arrivée de la concurrence orientale qui va en s’intensifiant. En 2000, deux entreprises sur

trois emploient moins de 20 personnes, mais ne réalisent que 7 % du chiffre d’affaires du

secteur. En revanche, les entreprises de plus de 250 salariés représentant plus de la moitié de

l’activité et 61 % des exportations (SESSI, 2000 et 2002).

Tableau 5.3. Bilans du secteur de la transformation des plastiques5.

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Facturations 5152 (millions

€)

5185 (millions

€)

5556 (millions

€)

6599 (millions

€)

7070 (millions

€)

7 892 (millions

€)

8 731 (millions

€)

8607 (millions

€) Taux d’exportation (EXP/CA HT en %)

16

16,7

16,2

18

19,2

18,8

20,2

20,8

1.2.2. Le cas Mécasoudure

Mécasoudure appartient au secteur de la chaudronnerie/construction métallique. La

chaudronnerie est l’art de fabriquer des biens d’équipement et de consommation à partir de

métaux en feuilles qui se travaillent par déformation plastique : acier, titane, aluminium,

cuivre. Derrière le terme générique de « chaudronnerie » se cachent quatre spécialisations

définies selon la forme et les dimensions des métaux employés :

- La chaudronnerie proprement dite qui regroupe trois phases : traçage, mise en forme et

assemblages.

- La tôlerie, qui consiste à travailler et à former des tôles de faibles épaisseurs permettant

d’obtenir des réalisations de qualité et d’une grande précision, telles que les tableaux de bord

d’avion en alliages d’aluminium.

- La tuyauterie, qui consiste à tracer, à découper, à mettre en forme et à assembler des profils

tubulaires de différents diamètres en acier, acier inoxydable, alliage d’aluminium, cuivre,

titane.

- La soudure, qui doit répondre aux conditions prescrites par le cahier de soudage.

La taille des entreprises du secteur constitue un éventail très large.

La part de la sous-traitance dans le secteur de la chaudronnerie/construction métallique ne

représente que 16 % du chiffre d’affaires total réalisé (Tableau 5.4., p 288).

5 Ce tableau a été réalisé à partir des publications de L’Usine Nouvelle.

288

Tableau 5.4. Bilans du secteur de la chaudronnerie/construction métallique, uniquement pour l’activité de sous-traitance2.

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Facturations 1055 (millions

€)

1070 (millions

€)

1100 (millions

€)

1113 (millions

€)

1160 (millions

€)

2 855 (millions

€)

3 222 (millions

€)

3 127 (millions

€) Taux d’exportation (EXP/CA HT en %)

13

14,7

11,1

12,2

12,5

10

11,6

13,3

C’est un marché très concurrentiel. Depuis 1996, la concurrence étrangère s’exacerbe. Les

confrères européens du Sud et de l’Est mènent la vie dure aux français. Dans ce contexte,

« les prix sont toujours extrêmement tirés » remarque le Syndicat National de la

chaudronnerie, de la tôlerie et de la tuyauterie (L’Usine Nouvelle, 1999). En 1999, plusieurs

entreprises ont déposé leur bilan. Mais la reprise se fait sentir en 2000 et s’envole en 2001 et

2002 avec les projets d’ouvrages d’art prestigieux, tels que le viaduc de Millau. Cette

tendance s’observe également au niveau du taux d’exportation. La chaudronnerie, cependant,

demeure une des activités les moins exportatrices de la sous-traitance.

Un premier examen transversal des cas Plastitrempage et Mécasoudure porte sur les

caractéristiques de l’entreprise, de son dirigeant et de son environnement. Il est

synthétisé dans un tableau synoptique (Tableau 5.5., p 289) permettant d’établir des contrastes

et des comparaisons entre les caractéristiques des deux sites. Les cases grisées du tableau

mettent en relief les principales différences entre les deux cas comparés.

De nombreux points communs existent entre les deux sites. Ils concernent principalement le

profil des dirigeants – sauf leur perception de la distance culturelle – et la taille de

l’entreprise. Les principales divergences résultent de leur activité. La grosseur des pièces

fabriquées par Mécasoudure entraîne des coûts de transport particulièrement élevés et limite

son exportation aux pays limitrophes. Ce n’est pas le cas de Plastitrempage dont la taille des

pièces n’empêche pas la distance géographique avec ses donneurs d’ordres. Si les secteurs

d’activité des deux sites souffrent autant de la concurrence internationale, le degré

d’internationalisation du marché français des pièces techniques en matières plastiques s’est

considérablement accéléré depuis 1998 tandis que la chaudronnerie demeure un marché

faiblement exportateur. Ainsi la part des exportations dans l’activité des entreprises

françaises de moins de 20 salariés est, en 2001, de plus de 20 % dans la transformation des

plastiques contre 11,6 % pour la chaudronnerie.

289

Tableau 5.5. Comparaison des caractéristiques de Plastitrempage et Mécasoudure.

CARACTERISTIQUES DU DIRIGEANT

SITES

Exposition aux cultures étrangères

Formation Maîtrise des langues

Attitude vis-à-vis de l’exportation

Perception de la distance culturelle

Conception de l’exportation

Perspectives de l’activité exportatrice

Rôle du dirigeant à l’export

PLASTITREMPAGE Absente BEP Anglais moyen

Réactive Forte Ethnocentrique Secondaire Décideur assisté d’une personne

MECASOUDURE Absente CAP Anglais moyen Allemand faible Espagnol moyen

Italien faible

Réactive Faible Ethnocentrique Marginale Seul décideur

CARACTERISTIQUES DE L’ENTREPRISE

Age Taille

Taux d’exportation Compétences

Avantages différentiels

PLASTITREMPAGE 29 ans 45 salariés 2,62 millions d’euros

8 %

Maîtrise de la technique de trempage Conception et exécution de cahiers des charges

= aux concurrents

MECASOUDURE 55 ans 30 salariés 3,52 millions d’euros

5 %

Mécano-soudure de grosses pièces Exécution de cahiers des charges

> aux concurrents

CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT

Degré d’internationalisation du secteur d’activité

Secteur d’activité

Concurrents domestiques

Concurrents étrangers

Clients

PLASTITREMPAGE Transformation des plastiques + + ++ Automobile, Téléphonie

MECASOUDURE Chaudronnerie, construction

métallique +/- + ++

Automobile, Energie, Aéronautique, Matériaux industriels, Nucléaire

290

1.3. Le processus d’internationalisation

1.3.1. Le cas Plastitrempage

Le processus d’internationalisation de Platitrempage a débuté au début des années quatre-

vingt, soit dix ans après la création de l’entreprise. Le diagramme suivant (Figure 5.1., p 291)

présente une chronologie des événements codés. Sa structure, répliquée à l’identique pour

l’analyse du processus d’internationalisation des sept autres sites, se présente ainsi.

Les événements sont regroupés par thèmes au sein des trois bandes horizontales : les

clients, les acteurs internes et externes, les ressources engagées en interne et acquises en

externe. La forme de chaque rectangle sur le dessin indique s’il s’agit d’une décision,

d’une démarche active relative à l’export (rectangle aux coins pointus), d’une activité

(rectangle au coins arrondis) ou d’un événement indépendant de la volonté de

l’entreprise (forme ovale).

Une boîte dont le contour est un gras correspond à un événement perçu par le dirigeant

comme étant primordial dans le développement international de son entreprise.

L’échelle horizontale du temps permet de repérer l’ordonnancement des événements et

d’observer des phénomène parallèles dans le temps.

En dessous, se trouve une décomposition de l’échelle temporelle. Cette périodisation6 n’a pas

de signification théorique particulière. Autrement dit, il ne s’agit pas des phases d’un

processus séquentiel prévisible, mais simplement d’une façon de structurer la description des

événements. Choisir d’étiqueter ainsi les périodes implique « (…) une certaine continuité des

activités à l’intérieur de chaque période et des discontinuités relatives à ses frontières. »

(Langley, 1997 : 46). Ce choix cadre bien avec une perspective non linéaire et dynamique du

processus d’internationalisation tout en permettant de prendre en compte des événements

éclectiques.

Finalement, tout en résumant l’entretien, le diagramme maintient le lien avec la base de

données qualitatives en décrivant de manière synthétique chaque événement dans le rectangle

qui lui correspond.

6 Elle est adoptée par certains chercheurs en stratégie identifiés par A. Langley (1997).

291

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Figure 5.1. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Plastitrempage

Clients

Début 80’s 1971 1987 Milieu des 90’s 2001 1986

1er client italien

+ 4 / 5 clients italiens et belges

Présence sur les salons nationaux

Dirigeant

Recrutement de Madame C.

1er client aux EU

3 autres clients aux

EU

Tri des clients belges et italiens

Arrêt de la relation avec 3 clients aux EU

Mise en relation avec leurs filiales US

DO français

Salons internationaux + traduction de la plaquette

Dirigeant + Madame C

Mise à disposition de ressources humaines sur les salons

Bourse de Sous-traitance du Centre-Ouest sollicitée par Madame C.

Salons internationaux + traduction de la plaquette + encarts publicitaires

Acquisition d’outillage

Elargissement de la force de vente au Benelux

Dirigeant + Madame C. + 3 commerciaux (Benelux)

+ 6 clients belges, luxembourgeois et suisses

+ 1 client belge grâce à la publicité + 2 clients italiens grâce aux salons

Période 1 Absence d’ouverture

internationale

Période 2 Balbutiements à l’export

Période 3 Intensification à l’export

Période 4 Recentrage subi sur la zone Europe

292

Le processus d’internationalisation de Plastitrempage se découpe en quatre périodes de durée

inégale (Figure 5.1, p 291) :

- Période 1 – l’absence d’ouverture internationale, de 1971 au début des années quatre-

vingt. L’activité de l’entreprise est dès le départ à la fois régionale et nationale. Les clients

sont tous de nationalité française7.

- Période 2 – les balbutiements à l’export, jusqu’en 1987. L’établissement d’une relation

de sous-traitance avec le premier client étranger marque le début de cette période. Il s’agit

d’un client italien, rencontré sur un salon. Le dirigeant, dans un souci de diversification de ses

clients, accepte de répondre à cette commande non sollicitée. D’autres commandes

ponctuelles en provenance d’Italie et de Belgique sont également satisfaites. Cependant,

l’entreprise est vite confrontée au problème de retard des paiements à l’export.

- Période 3 – l’intensification à l’export, de 1987 jusqu’au milieu des années quatre-

vingt dix. L’intensification résulte de la combinaison de deux principaux facteurs. Tout

d’abord, le contexte est favorable à l’exportation dans le sillage des clients domestiques,

équipementiers du secteur automobile. Ces clients, sous la contrainte des constructeurs

automobiles, s’implantent aux Etats-Unis. A la recherche de fournisseurs, les nouvelles

filiales de production américaines suivent les conseils du centre d’achat de leur maison mère

française et sollicitent les sous-traitants français qui acceptent de travailler pour elles.

Parallèlement, Plastitrempage réalise des investissements en interne qui vont dans le sens de

cette intensification de l’exportation. Il s’agit principalement du recrutement d’une personne

bilingue et expérimentée à l’exportation mais aussi de l’augmentation de la force de vente

pour couvrir le territoire du Benelux.

- Période 4 – le recentrage subi sur la zone Europe. Durant la seconde moitié des années

quatre-vingt dix, on assiste à un phénomène de concentration au sein du secteur de la

transformation des plastiques. Il découle de la stratégie de réduction du nombre de

fournisseurs de premier rang chez les constructeurs automobiles, puis par effet de cliquet,

chez leurs équipementiers. Trois des donneurs d’ordres américains de Plastitrempage rompent

leurs relations commerciales avec le sous-traitant français. Parallèlement, les actions de

prospection de clients étrangers menées (participation aux salons, encarts publicitaires dans

une revue professionnelle de référence, traduction de la plaquette commerciale) continuent de

porter leur fruit sur les marchés européens : Benelux et Italie principalement. Enfin, pour

satisfaire les commandes en particulier de ses donneurs d’ordres italiens – fabricants

7 Cette information est issue du questionnaire.

293

d’appareils photographiques et de caméras – l’entreprise a investi dans l’acquisition d’un

outillage spécifique.

En 2001, Plastitrempage a dix clients à l’étranger : un aux Etats-Unis, celui avec lequel elle

travaille depuis 1987, un en Suisse, deux en Italie et six clients aux Benelux.

Le diagramme contextuel (Figure 5.2.), ci-dessous, récapitule les apports du réseau de

Plastitrempage lors de son internationalisation. Deux catégories d’acteurs externes ont joué

un rôle : des donneurs d’ordres et la Bourse de Sous-traitance du Centre-Ouest.

Figure 5.2. Diagramme contextuel : les acteurs intervenus dans l’exportation de Plastitrempage

Les donneurs d’ordres sont tous des équipementiers français du secteur automobile, déjà

clients de Plastitrempage sur le marché domestique. La consolidation de la relation de sous-

traitance ainsi établie, a conduit les bureaux d’achats de ces donneurs d’ordres au

référencement du sous-traitant au sein de leurs filiales américaines. Selon le dirigeant

Monsieur B., ces expériences à l’exportation « dans le sillage de donneurs d’ordres

domestiques » relèvent du hasard : l’entreprise, dont les prestations satisfaisaient le client,

était là au bon moment. Cette modalité d’exportation ne résulte pas d’une démarche active.

Toutefois, l’entreprise et son dirigeant étaient suffisamment mûrs pour saisir cette

opportunité : une personne expérimentée à l’exportation avait été recrutée un an auparavant

par Monsieur B. Le récit du dirigeant sur cette modalité d’exportation dénote une attitude

réactive et non proactive de la PMI sous-traitante vis-à-vis de son développement

international. Plastitrempage bénéficie également, depuis le milieu des années quatre-vingt

dix, du soutien de la Bourse de Sous-traitance du Centre-Ouest. Cet acteur institutionnel

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

Pl

astit

rem

page

Quatre donneurs d’ordres domestiques

Mise en relation avec leurs filiales américaines

Aide à la participation à des salons

La Bourse

de Sous-traitance

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteur institutionnel

294

facilite sa participation aux salons professionnels en lui fournissant sur place traducteur et

hôtesses. Bien que le dirigeant évoque régulièrement la participation de son entreprise à des

salons, il omet de nous parler spontanément du rôle de cet acteur institutionnel. Il l’a pourtant

mentionné dans le questionnaire. Dans son discours, deux raisons semblent expliquer cet

oubli :

- la Bourse de Sous-traitance n’intervenant pas directement dans l’établissement d’une

relation de STI, son rôle dans le processus d’internationalisation est perçu comme

secondaire ;

- la relation avec la Bourse de Sous-traitance relève directement des attributions de sa

collaboratrice Madame C..

En interne, l’activité exportatrice de l’entreprise est l’affaire des acteurs suivants : le dirigeant,

Madame C. et trois commerciaux. La matrice rôle / chronologie (Figure 5.3.) permet de

visualiser les moments où ces personnes occupant un rôle à l’exportation interviennent.

Figure 5.3. Matrice rôles /temps : intervention par rôle et par phase des acteurs internes dans l’activité exportatrice dePlastitrempage. Directeur

Prospection Relation

commerciale

Prospection Relation commerciale

Décision du recrutement de Madame C.

Supervise la relation commerciale export.

Prospection et relation commerciale hors

Benelux

Responsable de la partie commerciale

Décideur

Madame C.

-

Gestion administrative de l’exportation

Participation à la prospection

Gestion administrative de l’exportation

Participation à la prospection Traduction de la plaquette et

actions publicitaires

Responsable de la partie administrative

Informe le dirigeant Donne un avis consultatif lors

de prises de décision Commerciaux

-

-

Prospection Relation commerciale

au Benelux

Rendent des comptes au dirigeant

Phase 1 1980-1986 Avant le

recrutement de Madame C.

Phase 2

1986-1990 Avant l’élargissement du

secteur de trois commerciaux au Benelux

Phase 3

1990-2001

Rôles dans l’activité exportatrice

Jusqu’en 1986, l’activité exportatrice est concentrée entre les mains du dirigeant. Malgré son

manque d’expérience et les premières difficultés de recouvrement rencontrées à l’étranger, il

reste persuadé que l’exportation est un moyen de renforcer l’indépendance économique de

son entreprise. A cette époque, l’activité globale de l’entreprise est en pleine croissance et le

besoin d’un responsable administratif et du personnel se fait cruellement sentir. Le dirigeant

n’est plus en mesure d’accumuler gestion administrative et commerciale. C’est dans ce

contexte qu’il recrute Madame C. Ce recrutement est une étape décisive dans le déroulement

295

de l’activité exportatrice de Plastitrempage. Selon son dirigeant, c’est même la seule et unique

étape clé… « L’arrivée de Madame C. Oui, ça était un tournant. » (Extrait de l’entretien). Au-

delà de cette affirmation du dirigeant, l’importance de Madame C. transparaît dans sa manière

de raconter l’internationalisation de l’entreprise. Dans son récit de la période précédant 1986,

l’emploi du « je » pour l’activité exportatrice est systématique. A partir de 1986, le « je » est

remplacé par le « nous » – Madame C. et moi – sauf lorsqu’il fait référence à la répartition des

rôles entre sa collaboratrice et lui.

1.3.2. Le cas Mécasoudure

Le diagramme chronologique (Figure 5.4., p 296) nous invite à décomposer l’échelle

temporelle en quatre principales périodes.

Le processus d’internationalisation Mécasoudure a débuté au début des années quatre-vingt.

A cette époque (période 2), un de ses clients français l’avait mis en relation avec sa filiale

allemande. Avec l’arrivée de Monsieur L. à la direction de Mécasoudure en 1987, le

développement de l’exportation s’est accéléré (période 3) sous l’effet combiné de

l’accroissement des opportunités d’internationalisation dans le sillage de donneurs d’ordres

français et européens, et des ressources internes engagées à l’exportation (participation au

MIDEST, recrutement d’une assistante bilingue et d’une secrétaire ayant des compétences

commerciales).

La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, marque le début de la période de

« désinternationalisation » (Période 4) de l’entreprise. A partir de cette date, tous les clients

allemands de Mécasoudure ont fait appel à des sous-traitants de l’ex Allemagne de l’Est et ont

tous rompu leur relation avec le sous-traitant français.

Le taux d’exportation en baisse constante depuis le début des années quatre-vingt dix, s’est

stabilisé à 5 % depuis 1998. Cette tendance s’explique essentiellement par le recours à un

agent commercial multicartes qui prospecte les marchés belges et luxembourgeois depuis

1997. Au cours de cette période, la PMI sous-traitante travaille, en moyenne, avec trois clients

étrangers par an.

296

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Figure 5.4. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Mécasoudure.

Clients

Début 80’s 1945 Début des 90’s 2001 1987

1er client allemand

Dirigeant Dirigeant Dirigeant

2 filiales allemandes et 1 belge

Arrêt de la relation avec les clients

allemands

Mise en relation avec leurs filiales européennes

DO français et européens

Forums d’information

CFCE + CCI

Participation au MIDEST

≈ 6 / 7 clients allemands, belges, luxembourgeois, suisses

+ 1 client belge + 1 client suisse

+/- 1 client « benelux » ou suisse selon les années

Période 1 Absence d’ouverture

internationale

Période 2 Démarrage à l’export

Période 3 Accélération de l’export

1997

Période 4 Désinternationalisation

Un DO Français

Mise en relation avec filiale allemande

Participation au MIDEST

Recrutement d’une assistante bilingue et d’une secrétaire export

1 assistante + 1 secrétaire export 1 agent commercial pour le Benelux Licenciement de l’assistante et de

la secrétaire

297

Deux catégories d’acteurs du réseau de Mécasoudure sont intervenus au cours de son

processus d’internationalisation (Figure 5.5.).

Figure 5.5. Diagramme contextuel : les acteurs intervenus dans l’exportation de Mécasoudure.

Les donneurs d’ordres domestiques et européens ont initié l’activité exportatrice de

Mécasoudure qui, avant 1990, s’est surtout faite dans le sillage des donneurs d’ordres.

Ensuite, l’entreprise a sollicité deux organismes institutionnels, le CFCE et la CCI. Selon

Monsieur L., le soutien apporté par ces derniers n’a pas porté ses fruits. Il n’a pas permis à

l’entreprise de trouver un contact en Allemagne susceptible de l’aider à instaurer de nouvelles

relations de sous-traitance avec les donneurs d’ordres dans ce pays (Encadré 5.12.). C’est la

raison pour laquelle, ils sont représentés dans une flèche pleine aux contours en pointillés

dans la figure 5.4..

En interne, l’activité exportatrice de l’entreprise est, depuis 1987, contrôlée par le dirigeant.

Jusqu’au début des années quatre-vingt dix, il était assisté par deux personnes : une assistante

bilingue et une secrétaire. A eux trois, ils constituaient le service export de l’entreprise. Avec

la perte des clients allemands, l’entreprise a du se séparer de l’assistante bilingue et la

secrétaire a changé de service. Désormais, le dirigeant s’occupe seul de l’export car l’activité

est très limitée. Hormis la gestion commerciale et administrative des clients, il gère un agent

commercial multicartes chargé de prospecter sur la zone du Benelux (Figure 5.6., p 298).

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

M

écas

oudu

re

Donneurs d’ordres domestiques et européens

Mise en relation avec leurs filiales américaines

Trouver un agent en Allemagne

CFCE +

CCI

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteurs institutionnels

298

Figure 5.6. Matrice rôles /temps : intervention par rôle et par phase des acteurs internes dans l’activité exportatrice de Mécasoudure. Directeur

Prospection Relation commerciale

Recrutement de l’assistante bilingue et de la secrétaire

Gestion commerciale et administrative de l’export

Licenciement de l’assistante export

Décideur Responsable de la partie commerciale

Assistante et secrétaire

Gestion administrative de l’exportation Traduction

Assistanat du dirigeant

-

Assistance sur gestion administrative et commerciale à l’export

Agent commercial

-

Prospection au Benelux

Mise en contact avec des clients du Benelux

Phase 1

1987-1990

Phase 2

1990-2001

Rôles dans l’activité exportatrice

La méta-matrice chronologique (Figure 5.7., p 299) permet alors la comparaison des

événements qui se sont déroulés sur une période de temps pour les deux sites analysés.

Elle révèle de nombreuses similitudes entre les deux processus d’internationalisation

analysés :

- pour chaque processus, trois périodes de durée quasiment équivalente sont identifiées ;

- au cours des deux premières périodes, l’activité exportatrice des deux entreprises suit le

même cheminement : démarrage, puis accélération de l’exportation tirée par des donneurs

d’ordres domestiques ;

- dans les deux cas, l’activité exportatrice connaît un changement au cours des années

quatre-vingt dix : des facteurs environnementaux – la réduction du nombre fournisseurs

initiés par les donneurs d’ordres dans le cas de Plastitrempage et la concurrence des sous-

traitants de l’Allemagne de l’Est après la chute du Mur de Berlin dans le cas de

Mécasoudure – marquent l’arrêt brutal de leur internationalisation dans le sillage de

donneurs d’ordres domestiques ;

- pour faire face à cette nouvelle situation, les deux entreprises font alors appel, avec plus

ou moins de succès, à des organismes institutionnels et à des agents commerciaux.

Une différence apparaît nettement lors de la troisième période : tandis que Plastitrempage

amplifie ses investissements (nombre d’acteurs et de ressources) en interne et maintient

l’évolution de son taux d’exportation, Mécasoudure licencie et se désengage peu à peu de

l’exportation.

299

Figure 5.7. Méta-matrice chronologique des processus d’internationalisation de Plastitrempage et Mécasoudure.

T1

T2

T3

SITES

Nombre d’acteurs externes

impliqués

Nombre d’acteurs internes

impliqués

Ressources engagées

Description Nombre d’acteurs externes

impliqués

Nombre d’acteurs internes

impliqués

Ressources engagées

Description Nombre d’acteurs externes

impliqués

Nombre d’acteurs internes

impliqués

Ressources engagées

Description

0

2

Internes

+/-

Externes aucune

Réception de

commandes non sollicitées émises

par 5/6 clients italiens et belges

4 DO

2

Internes

+

Externes ++

10 clients:

- 4 aux EU

- 6 au Benelux

1

(Bourse de sous-

traitance)

5

Internes

++

Externes +/-

Perte de 3 clients

américains

10 clients : - 1 aux EU

- 1 en Suisse - 2 en Italie

- 6 au Benelux

PLASTITREMPAGE

Début des années 80 - 1987

Balbutiements à l’export

1987 - Milieu des années 90

Intensification à l’export

Milieu des années 90 - 2001

Recentrage subi sur la zone européenne

Taux d’exportation 2000 = 8 %

1 DO

1

Internes Aucune

Externes

+/-

Mise en relation

avec la filiale allemande d’un DO domestique

3 D0

3

Internes

++

Externes ++

10 clients situés en

Allemagne, Benelux et Suisse

2

(CFCE et CCI)

2

Internes

+/-

Externes +/-

Perte de tous les clients allemands

2/3 clients :

- 1 en Belgique - 1 en Suisse

+/- client benelux ou suisse

MECASOUDURE

Début des années 80 - 1987

Démarrage à l’export

1987 - Début des années 90

Accélération de l’exportation

Début des années 90 - 2001

Désinternationalisation

Taux d’exportation 2000 = 5 %

300

2. LES PLUS SOUTENUS

Ce groupe rassemble les PMI sous-traitantes qui connaissent un développement international

fortement soutenu par leurs réseaux d’affaires et, surtout, les donneurs d’ordres étrangers. Les

deux entreprises de ce groupe étudiées en profondeur sont Labométa et Forgélec8 (Les

entretiens sont retranscrits dans l’annexe 3.2.).

2.1. Les caractéristiques de l’entreprise et du dirigeant

2.1.1. Le cas Labométa

Labométa est un laboratoire d’essais de matériaux qui intervient dans le secteur d’activité de

la forge, estampage et matriçage. Il est installé à proximité de Saint-Etienne. Créé en 1994,

par trois associés, tous anciens salariés d’une grande entreprise sidérurgique française, son

effectif s’élève aujourd’hui à onze personnes. L’activité de sous-traitance représente 95 % de

son chiffre d’affaires (Tableau 5.6.).

Tableau 5.6. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Labométa.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 0,73 0,76 0,84 - 0,91 Taux d’exportation (en %) 4 5 6 - 10

Labométa travaille aussi bien pour des donneurs d’ordres de petite et moyenne taille, eux-

mêmes sous-traitants, que pour de très grands groupes. Ses clients appartiennent

essentiellement à deux secteurs d’activité : l’automobile et l’aéronautique. Son environnement

concurrentiel reste très limité aussi bien en France qu’en Europe. Les avantages concurrentiels

de l’entreprise identifiés par le dirigeant sont la spécificité de son activité et la flexibilité de sa

structure organisationnelle, toutes les tâches administratives étant externalisées. Son activité

exportatrice ne cesse de se développer depuis 1996 avec des clients situés en Europe

(Allemagne, Italie, Belgique et Suède). Elle implique deux flux d’échange : les pièces à

expertiser sont envoyées à Labométa (premier flux) puis retournées au client après expertise

(second flux). Toutefois, la distance géographique entre Labométa et ses clients ne semble pas

constituer un frein à l’exportation. Monsieur D., l’actuel dirigeant de Labométa, était salarié,

8 Pour des raisons de confidentialité, les entreprises étudiées ont été renommées par nos soins.

301

comme ses associés, d’une grande entreprise de sidérurgie nationale. A la fermeture du

laboratoire dans lequel ils travaillaient, ils ont décidé de créer leur entreprise. Ingénieur de

formation, Monsieur D. a eu l’opportunité de faire un stage à l’étranger. Sa perception du

risque lié à la distance culturelle est faible. Cependant, le marché domestique, en pleine

croissance, reste privilégié au détriment de l’exportation.

2.1.2. Le cas Forgélec

Créée en 1936, Forgélec, PMI sous-traitante de 70 salariés, affiche un chiffre d’affaires de

6,86 millions d’euros en 2000. Elle a été reprise en 1992 par l’actuel dirigeant, Monsieur A.

C’est une entreprise de forge à chaud spécialisée dans la forge par refoulage électrique. Cette

technique, décrite par le dirigeant (Annexe 3.2.), est distincte de la forge classique. Elle

correspond à une niche pour laquelle la concurrence est quasiment inexistante en France et un

peu plus nombreuse en Europe. Toutefois, la forge par refoulage électrique est concurrencée

par d’autres techniques de la forge, telles que l’usinage et la frappe à froid ou l’extrusion.

Forgélec travaille avec en moyenne 120 clients par an et réalise 15 % de son chiffre d’affaires

à l’exportation avec des pays tels que la Belgique, l’Allemagne, la Hollande et la Suède. Les

principaux domaines d’activité de ses clients sont les industries du moteur à deux temps, du

poids lourd, de l’automobile et des tracteurs et engins de manutention.

Tableau 5.7. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Forgélec.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 5,58 5,72 6,17 - 6,86 Taux d’exportation (en %) 14 15 14 - 15

Son dirigeant, Monsieur A., n’est pas le créateur de l’entreprise. En 1992, il a quitté son poste

d’ingénieur dans une entreprise de matériel agricole pour reprendre la direction de

l’entreprise. Dans son ancienne activité, il était en contact avec des fournisseurs forgerons.

Ayant vécu à l’étranger durant ses études, il parle couramment l’anglais et l’allemand. Bien

qu’il mentionne son insatisfaction quant au retour sur investissement à l’exportation (des

résultats trop faibles par rapport au temps et aux frais engagés), il envisage le renforcement de

l’activité exportatrice de Forgélec via les salons et le recrutement de nouveaux agents. Selon

lui, l’exportation ne consiste pas uniquement à saisir des opportunités venues de l’extérieur. Il

faut, en interne, investir régulièrement dans la prospection de clients étrangers.

302

2.2. Les caractéristiques de l’environnement

Les deux entreprises étudiées appartenant au même secteur d’activité – forge, estampage et

matriçage –, l’environnement des deux cas est analysé simultanément.

L’activité « forge, estampage et matriçage » regroupe quatre techniques :

- la forge par estampage met en forme des métaux ferreux, à haute température, en utilisant

des outillages spécifiques, ce qui implique une production de moyennes et grandes séries ;

- la forge libre moyenne et légère, pour les pièces brutes dont le poids est inférieur à trois

tonnes, consiste à réaliser à chaud des ébauches généralement faites à l’unité ou en très

petite série ;

- la forge par matriçage, toujours effectuée à chaud, ne se distingue de la forge par estampage

que par l’utilisation de métaux non ferreux ;

- la forge par extrusion consiste à former des pièces en métaux ferreux et non ferreux,

uniquement à froid.

Le secteur est concentré, aussi bien structurellement que géographiquement. En effet, une

dizaine d’entreprises (sur 70) de plus de 250 salariés emploie plus de 50 % des effectifs,

réalise 60 % du chiffre d’affaires et 65 % des exportations. La région Champagne-Ardenne,

qui travaille beaucoup pour le marché allemand, regroupe près du tiers des effectifs. La forge,

qui exporte un tiers de sa production, est l’activité de sous-traitance la plus tournée vers

l’extérieur. Toutefois, si les entreprises de plus de cent salariés exportent au moins 40 % de

leur activité, ce chiffre est ramené à 10 % pour les entreprises de 50 à 99 salariés et à moins

de 5 % pour celles de moins de 50 salariés.

Tableau 5.8. Bilans et perspectives du secteur « forge, estampage et matriçage ».

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Facturations 1 048

(millions €)

1 110 (millions

€)

1 233 (millions

€)

1 281 (millions

€)

1 301 (millions

€)

1 336 (millions

€)

1 433 (millions

€)

1 391 (millions

€) Taux d’exportation (EXP/CA HT en %)

33,6

32,7

33,7

33,2

35,4

37,4

39

39

Source : SESSI (2002 : 6-7)

303

Tableau 5.9. Comparaison des caractéristiques de Labométa et Forgélec.

CARACTERISTIQUES DU DIRIGEANT

SITES

Exposition aux cultures étrangères

Formation Maîtrise des langues

Attitude vis-à-vis de l’exportation

Perception de la distance culturelle

Conception de l’exportation

Perspectives de l’activité exportatrice

Rôle du dirigeant à l’export

LABOMETA + Bac +4 Anglais moyen

Réactive Faible Ethnocentrique Secondaire Décision partagée avec ses associés

FORGELEC ++ Bac +4 Anglais courant Allemand courant

Plutôt proactive Relativement faible Souhaite le renforcement de

l’exportation

Secondaire Décideur

CARACTERISTIQUES DE L’ENTREPRISE

Age Taille

Taux d’exportation Compétences

Avantages différentiels

LABOMETA 5 ans 11 salariés 0,91 million d’euros

10 %

Savoir-faire spécifique > aux concurrents

FORGELEC 63 ans 70 salariés 6,86 millions d’euros

15 %

Savoir-faire spécifique > aux concurrents

CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT

Degré d’internationalisation du secteur d’activité

Secteur d’activité

Concurrents domestiques

Concurrents étrangers

Clients

LABOMETA Forge, estampage, frittage - +/- ++ Automobile, aéronautique

FORGELEC Forge, estampage, frittage - +/- ++

Industries du moteur à deux temps, du poids lourds, de l’automobile et des tracteurs et engins de manutention

304

L’examen transversal des caractéristiques de l’entreprise, du dirigeant et de

l’environnement des cas Labométa et Forgélec est présenté dans un tableau synoptique

(Tableau 5.9, p 303). Ces deux entreprises appartiennent au même secteur d’activité tout en

ayant des métiers sensiblement distincts. Les divergences majeures concernent la taille et

l’âge des entreprises et la perception divergente de l’exportation par leur dirigeant respectif.

Si pour le dirigeant de Labométa, l’exportation est une activité secondaire, pour celui de

Forgélec, le renforcement de l’activité exportatrice est stratégique. Cette dernière divergence

participe à l’explication de l’attitude réactive de Labométa et à celle plutôt proactive de

Forgélec face à l’internationalisation. En revanche, elle mérite d’être nuancée dans la mesure

où le taux d’exportation de Labométa augmente tandis que celui de Forgélec stagne depuis

plusieurs années.

Par ailleurs, les résultats de l’exportation entre les deux cas sont comparables. Tous deux ont

un taux d’exportation supérieur à celui réalisé par leurs confrères de taille équivalente :

- 10% pour Labométa contre 5 % en moyenne pour les sous-traitants du secteur de moins

de 50 salariés ;

- 15 % pour Forgélec contre 10 % en moyenne pour les sous-traitants du secteur de 50 à 99

salariés.

2.3. Le processus d’internationalisation

2.3.1. Le cas Labométa

L’activité exportatrice de Labométa a débuté en 1995, un an après sa création. Depuis, elle

s’opère par l’intermédiaire de son réseau d’affaires qui joue le rôle de tremplin (Figure 5.8., p

305). Elle a été initiée par un grand groupe de sidérurgie allemand, Thyssen Krupp. Le sous-

traitant a d’abord travaillé avec la filiale française de ce groupe, puis avec ses unités de

production allemande et belge et, enfin, avec un de ses fournisseurs de premier rang localisé

en Suède. Par la suite, l’exportation de Labométa a également été tirée par ses donneurs

d’ordres domestiques de petite taille.

305

Figure 5.8. Diagramme contextuel : les acteurs intervenus dans l’exportation de Labométa.

Lorsqu’un client étranger contacte directement Labométa, la prise de contact se fait toujours

par le biais des annuaires internationaux de fournisseurs réalisés par les grands avionneurs

français. Après avoir été audités, et leurs compétences reconnues, les sous-traitants sont

inscrits dans ces annuaires. L’entreprise n’expose pas dans les salons « car exposer coûte

cher et prend beaucoup de temps, sans bénéfice réel en termes de contacts. Autant faire un

site Internet, cela coûte moins cher. » (extrait de l’entretien avec M. D). Depuis deux ans,

Labométa a créé son site Internet. Très convivial, il présente l’entreprise et ses principales

compétences en français et en anglais. Toutefois, jusqu’en 2001, il n’a débouché sur aucun

contact commercial direct, les clients potentiels privilégiant les annuaires de fournisseurs.

La gestion administrative de l’exportation est externalisée. La partie commerciale à l’export

est l’affaire des dix cadres de l’entreprise. Il n’existe pas de service spécifique. Par ailleurs,

les investissements réalisés dans le cadre de l’exportation sont les mêmes que pour l’activité

domestique (recrutements, certification, investissement de nouvelles machines), sauf pour les

formations linguistiques.

L’internationalisation récente de Labométa suit un cheminement progressif et linéaire :

aucune mutation environnementale ou interne n’étant venue le modifier (Figure 5.9., p 306).

En 2001, son portefeuille clients est composé de cinq donneurs d’ordres étrangers réguliers

parmi lesquels se trouvent les trois acteurs du réseau de Thyssen Krupp (les usines allemande

et belge mais aussi le fournisseur suédois).

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

L

abom

éta

Donneurs d’ordres domestiques

Font connaître Labométa auprès de leurs clients étrangers

Mise en relation avec les filiales de leur réseau d’affaires

Donneurs d’ordres étrangers

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteurs privés étrangers

306

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Figure 5.9. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Labométa.

Clients

1996 1995

Usine allemande

Fournisseur suédois

DO français de l’aéronautique et de l’automobile

Période 1 Absence d’ouverture

internationale

Période 2 Internationalisation progressive via le réseau des clients

Un DO Allemand métallurgiste

Mise en relation avec

2001

Usine belge

Bouche à oreille Référencement dans un annuaire

de fournisseurs

Clients italiens

Clients allemands et belges

Gestion administrative de l’exportation externalisée

Formations linguistiques

307

2.3.2. Le cas Forgélec

L’internationalisation de Forgélec suit un cheminement progressif et linéaire, sans rupture

apparente depuis 1992 (Figure 5.10, p 308).

L’exportation de Forgélec a débuté en 1988 sous la direction du prédécesseur de l’actuel

dirigeant. Elle a été initiée par la filiale française d’une grande entreprise belge spécialisée

dans les engins de manutention pour travaux publics et chantiers. Cette dernière a mis

Forgélec en contact avec sa maison mère, première relation de STI du sous-traitant qui

perdure actuellement. A son arrivée à la direction de l’entreprise en 1992, Monsieur A. a

souhaité développer l’activité vers d’autres marchés, tels que l’Allemagne, la Hollande et la

Suède. Pour ce faire, il a recruté un agent commercial chargé de la prospection en Europe du

Nord et renforcé la présence de son entreprise sur des salons d’envergure internationale

(MIDEST et Foire d’Hanovre), aidé jusqu’en 1999 par la Bourse de Sous-traitance de la

région Centre.

Par ailleurs, les opportunités d’exportation dans le sillage de filiales françaises se sont

accrues. Parallèlement, Forgélec a bénéficié du regroupement, à l’échelle européenne, des

achats au sein de ses grands donneurs d’ordres et du rachat de filiales étrangères par ses

clients : « C’est arrivé aussi que des clients nous disent qu’ils ont racheté une boîte à

l’étranger et qu’ils vont nous consulter. » (Extrait de l’entretien avec Monsieur A). Enfin, les

confrères forgerons, non spécialisés dans la forge par refoulage électrique, lui ont

fréquemment fourni des informations sur des clients étrangers potentiels.

Deux types d’acteurs externes privés – des filiales françaises de groupe étrangers et des sous-

traitants domestiques – et un acteur institutionnel – la Bourse de sous-traitance – interviennent

dans le processus d’internationalisation de Forgélec (Figure 5.11, p 309). En 1992, le nouveau

dirigeant de Forgélec a sollicité le soutien de la Bourse de Sous-traitance de la région Centre

pour participer au MIDEST (préparation du stand, inscription, envoi des cartons d’invitation,

réservation des places de parking, etc.). La baisse du nombre de contacts obtenus sur ce salon,

en termes de contacts, a incité le dirigeant à exposer indépendamment de la Bourse de Sous-

traitance.

308

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Clients

1988 1936

Maison mère en Belgique

Filiales françaises de DO étrangers

Période 1 Absence d’ouverture

internationale

Période 3 Développement à l’exportation

La filiale française d’un DO belge

Mise en relation avec

2001

Mise en relation avec

Clients belges et allemands

Clients allemands hollandais et suédois

Formations linguistiques

1992

Période 2 Initiation à l’exportation

Dirigeant + Assistante commerciale

+ Agent commercial pour l’Europe du Nord

Confrères sous-traitants forgerons

Bourse de Sous-traitance / arrêt en 1999

Information

Participation aux salons internationaux

Figure 5.10. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Forgélec.

309

Figure 5.11. Diagramme contextuel : les acteurs impliqués dans l’exportation de Forgélec.

En interne, l’activité exportatrice de l’entreprise est contrôlée par le dirigeant. Il gère la

relation commerciale avec les clients étrangers ainsi que la liaison avec un agent commercial

non exclusif chargé de prospecter en Europe du Nord. Dans cette tâche, il est secondé par une

assistante commerciale. Cette organisation n’a pas changé depuis 1992.

Figure 5.12. Matrice rôles /temps : intervention par rôle et par phase des acteurs internes dans l’activité exportatrice de Forgélec. Directeur

Prospection Prise de contact sur les salons et par téléphone

Gestion de la relation commerciale avec les clients étrangers Gestion de la relation avec l’agent commercial pour l’Europe du Nord

Décideur Responsable de la partie commerciale

Assistante et secrétaire

Gestion administrative de l’exportation

Assistance sur gestion administrative à l’export

Agent commercial

Prospection en Allemagne, Hollande et Suède Prise de contact et remontée d’informations

Présence sur les salons internationaux en France et à l’étranger

Mise en contact avec des clients / travaille suivant les directives du dirigeant de Forgélec

1992-2001

Rôles dans l’activité exportatrice

Depuis 1996, Forgélec entretient une relation de sous-traitance suivie avec six clients

étrangers dont les principaux sont localisés en Belgique et en Allemagne.

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

For

géle

c DO / filiales françaises de groupes étrangers

Mise en relation avec leurs filiales américaines

Aide à la participation à des salons

La Bourse

de Sous-traitance

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteur institutionnel

Sous-traitants français du secteur de la Forge

Informations sur des clients étrangers potentiels

310

Figure 5.13. Méta-matrice chronologique des processus d’internationalisation de Labométa et Forgélec.

SITES

Nombre d’acteurs externes impliqués Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description

De nombreux DO domestiques et étrangers

1

(le dirigeant interviewé)

Internes --

Externes ++

Mise en relation avec 5 clients étrangers en Allemagne, Italie, Belgique et Suède

LABOMETA

1995- 2001

Taux d’exportation 2000 = 10 %

Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description

1 DO, filiale

française d’un groupe belge

1

(l’ancien dirigeant)

Internes Aucune

Externes

+/-

Mise en relation avec la maison

mère belge

Des D0, filiales françaises

de groupes étrangers

Des sous-traitants domestiques

Bourse de Sous-traitance

3

Internes

+

Externes ++

6 clients situés en

Belgique, Allemagne et, plus ponctuellement, en

Hollande et en Suède (mise en relation et démarche directe)

FORGELEC

1988-1992

Initiation à l’exportation

1992 – 2001

Développement de l’exportation

Taux d’exportation 2000 = 15%

311

La comparaison des processus d’internationalisation de Labométa et de Forgélec, à

l’aide de la méta-matrice chronologique (Figure 5.13, p 310) aboutit aux résultats suivants :

- les deux processus comparés se caractérisent par l’absence de point de rupture : aucun

événement interne ou externe ne venant provoquer de changement ;

- l’internationalisation est un processus possible dans la mesure où l’entreprise et sa

direction sont capables de s’adapter et que l’exportation avec des clients de l’Union

Européenne n’est pas perçue comme étant risquée ;

- les donneurs d’ordres jouent un rôle prépondérant dans le développement international des

deux PMI sous-traitantes : initiateurs de l’exportation, ils sont de plus en plus nombreux à

intervenir tout au long du processus d’exportation. Ils contribuent au « bouche à oreille »

et à la construction de la réputation de la PMI sous-traitante engendrant ainsi un effet

cumulatif.

La différence majeure entre les deux sites réside dans la place accordée par les dirigeants à

l’activité exportatrice. Au sein de Labométa, il n’existe pas de démarche volontariste à

l’export : la gestion administrative attenante étant intégralement externalisée, la gestion

commerciale des clients étrangers étant similaire à celle des clients domestiques, aucune

démarche de prospection n’étant initiée. En revanche, pour Forgélec, l’exportation est un

enjeu stratégique. Dans ces conditions, elle consacre plus de ressources (agent commercial,

participation à des salons) au développement de cette activité, plus particulièrement en Europe

du Nord.

3. LES SOLLICITEURS DU RESEAU INSTITUTIONNEL

Ce groupe rassemble les PMI sous-traitantes qui ont surtout sollicité le soutien d’acteurs

institutionnels au cours de leur processus d’internationalisation. Les deux entreprises de ce

groupe étudiées en profondeur sont Laserdécoup et Forgex9 (Les entretiens sont retranscrits

dans l’annexe 3.3.).

9 Pour des raisons de confidentialité, les entreprises étudiées ont été renommées par nos soins.

312

3.1. Les caractéristiques de l’entreprise et du dirigeant

3.1.1. Le cas Laserdécoup

Laserdécoup est une PMI sous-traitante ardennaise de trente salariés, spécialisée dans la

découpe de matériaux par laser. Responsable commercial dans une entreprise du même

secteur d’activité, Monsieur D. a souhaité, en 1995, suite à une mésentente avec son

employeur, créer sa propre entreprise avec deux associés. Pour l’exercice 2000, son chiffre

d’affaires a atteint les 5,34 millions d’euros, dont 5 % sont réalisés à l’exportation. Jusqu’à

présent, l’exportation était une activité marginale qui s’était développée au Benelux sans

aucune démarche active de la part de la direction de l’entreprise. L’offre de Laserdécoup est

principalement destinée aux entreprises de la construction de machines agricoles, de matériel

pour le BTP, de mobilier métallique et de machines-outils. L’avantage concurrentiel de

l’entreprise réside dans le volume de son parc de machines à découpe, constitué de six

machines contre une ou deux pour les concurrents. Sa capacité de production la place au

deuxième rang national des sous-traitants du secteur du découpage-emboutisssage.

Tableau 5.10. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Laserdécoup.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros ) 1,45 2,90 4,27 4,88 5,34 Taux d’exportation (en %) 10 5 5 5 5

De formation technique Bac +2, Monsieur M. est peu exposé aux cultures et environnements

étrangers. Ce qui est corroboré par son faible niveau en anglais et en allemand. Selon lui, la

langue constitue le principal frein au développement international de l’entreprise.

3.1.2. Le cas Forgex

Créée en 1956, Forgex a été reprise en 1991 par l’actuel dirigeant Monsieur C. Responsable

commercial dans une grande entreprise de la région parisienne, il souhaitait se « mettre à son

compte » dans sa région d’origine : l’Auvergne. Spécialisée à l’origine dans l’outillage et la

coutellerie, l’activité de Forgex, à 100 % sous-traitante, est aujourd’hui la forge à chaud.

Employant 130 salariés et réalisant un chiffre d’affaires autour de 19,8 millions d’euros en

2000, elle produit des pièces de petite taille (entre 500 grammes et 1,5 kilogramme) en

313

moyennes et grandes séries principalement pour des donneurs d’ordres des secteurs de

l’équipement automobile, de la construction mécanique (outillage à main) et de la

robinetterie. Ses clients sont répartis équitablement en France et en Europe dans la mesure où

elle réalise 60 % de chiffre d’affaires à l’exportation. Le marché français est alors perçu

comme un marché parmi d’autres, il n’est pas prioritaire. L’objectif de 50% de l’activité

réalisée à l’exportation ayant été dépassé, l’effort se focalise sur le maintien du taux

d’exportation atteint.

Tableau 5.11. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Forgex.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 14,64 17,38 19,06 - 19,82 Taux d’exportation (en %) 42 43 51 - 60

Ayant complété sa formation d’ingénieur par un troisième cycle de gestion à l’étranger,

Monsieur C. maîtrise deux langues – l’anglais et l’allemand – et ne perçoit pas la relation de

sous-traitance internationale comme étant plus risquée ou plus difficile qu’une relation

domestique.

3.2. Les caractéristiques de l’environnement

Le secteur de la forge, estampage et frittage auquel appartient l’entreprise Forgex ayant été

décrit précédemment (Cf. Paragraphe 2.2., p 308), ce paragraphe présente uniquement le

secteur de Laserdécoup : le découpage-emboutissage.

Le découpage et l’emboutissage consistent en la mise en forme de feuillards ou de tôles, en

acier ou en métaux non ferreux. Pour ce faire, de nombreux procédés peuvent être utilisés :

cisaillage, oxycoupage, pliage de tôles, découpage laser, repoussage, planage, dressage. Cette

activité comprend aussi le cintrage de tubes. Ce secteur rassemble les fabricants, en sous-

traitance pure, de pièces diverses sur plan. Les deux tiers de la production sont destinés au

secteur automobile. Les petites entreprises sont nombreuses. En 1999, plus de 60 % des

sociétés de découpage-emboutissage comptent moins de 20 salariés. Mais, ces petites

entreprises ne regroupent que 15 % des effectifs de la profession. Plus de 200 entreprises

comptent de 20 à 50 salariés. A l’inverse, la vingtaine d’entreprises de plus de 250 salariés a

un poids considérable. Ces dernières réalisent plus de 35 % du chiffre d’affaires et la moitié

314

des exportations. L’activité, souvent exercée en sous-traitance de proximité, est présente sur

l’ensemble du territoire. Néanmoins, les régions Ile-de-France, Franche-Comté, Rhône-Alpes

et Centre concentrent plus de la moitié des effectifs de la profession.

Dans cette activité, on trouve l’archétype du sous-traitant travaillant en flux tendu. En effet,

souvent encombrants et fabriqués avec des marges réduites, les produits du découpage-

emboutissage, très en aval du processus de montage, ne peuvent être très éloignés des sites de

livraison (SESSI, 2000 et 2002).

Tableau 5.12. Bilans du secteur découpage, emboutissage10.

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Facturations 3 147 (millions

€)

3 193 (millions

€)

3 399 (millions

€)

3 805 (millions

€)

3 878 (millions

€)

4 780 (millions

€)

4 992 (millions

€)

4 836 (millions

€) Accroissement (en %)

1994/95

1995/96

1996/97

1997/98

1998/99

1999/00

2000/01

2001/02

Taux d’exportation (EXP/CA HT en %)

12 14,4 13,6 12,8 13,5 15,5 14,6 16

La comparaison des cas Laserdécoup et Forgex révèle de fortes disparités (cases grisées

du tableau synoptique 5.13, p 315) tant au niveau de l’entreprise et de son dirigeant que de

leur environnement. En plus de leur appartenance au groupe des PMI sous-traitantes ayant

surtout sollicité le soutien d’acteurs institutionnels au cours de leur processus

d’internationalisation, ces deux entreprises disposent chacune d’un avantage concurrentiel : la

capacité de production pour Laserdécoup et un savoir-faire technique pour Forgex. Ce sont

leurs deux seuls points communs apparents.

10 Ce tableau a été réalisé à partir des publications de L’Usine Nouvelle.

315

Tableau 5.13. Comparaison des caractéristiques de Laserdécoup et Forgex.

CARACTERISTIQUES DU DIRIGEANT

SITES

Exposition aux cultures étrangères

Formation Maîtrise des langues

Attitude vis-à-vis de l’exportation

Perception de la distance culturelle

Conception de l’exportation

Perspectives de l’activité exportatrice

Rôle du dirigeant à l’export

LASERDECOUP - Bac +2 Anglais +/- Allemand +/-

Subie Forte Ethnocentrique Marginale Décideur

FORGEX ++ Bac +5 Anglais + Allemand +

Proactive Faible Polycentrique Secondaire Décideur

CARACTERISTIQUES DE L’ENTREPRISE

Age Taille

Taux d’exportation Compétences

Avantages différentiels

LASERDECOUP 5 ans 30 salariés 5,34 millions d’euros

5%

Capacité de production très élevée Capacité de production + Savoir-faire =

FORGEX 43 ans 130 salariés 19,82 millions d’euros

60%

Réalisation de pièces hautement techniques Savoir-faire +/=

CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT

Degré d’internationalisation du secteur d’activité

Secteur d’activité

Concurrents domestiques

Concurrents étrangers

Clients

LASERDECOUP Découpage-emboutissage +/- +/- + Construction de machines agricoles, de matériel pour le BTP, de mobilier

métallique et de machines-outils

FORGEX Forge, estampage, frittage - + ++ L’équipement automobile, la construction mécanique (outillage à main) et

la robinetterie

316

3.3. Le processus d’internationalisation

3.3.1. Le cas Laserdécoup

L’activité exportatrice de Laserdécoup a débuté quelques mois après sa création. Le premier

client étranger ayant fait appel à ses services est un fabricant de remorques agricoles de deux

cent salariés situé en Belgique. Monsieur D. avait eu l’occasion de travailler précédemment

avec lui. Aussi quand le responsable achat de cette entreprise belge a appris que Monsieur D.

créait son entreprise à proximité de la frontière franco-belge, il est venu le consulter. Les deux

acteurs individuels se connaissant, le référencement s’est fait sans aucun audit et la relation a

aussitôt été bonne. Les autres clients étrangers ont été recrutés grâce aux salons du MIDEST

et de Strasbourg, à l’envoi de mailing et au site Internet de Laserdécoup. Deux fois par an

environ, l’entreprise envoi un courrier à l’ensemble de ses clients et des prospects

francophones situés au Benelux. A l’instar du site Internet, les courriers sont uniquement en

français. Selon le dirigeant, les contacts via Internet restent très marginaux par rapport à ceux

obtenus sur les salons ou via les mailings. Dans sa recherche de prospects belges

(informations, adresses, contacts), Laserdécoup sollicite exclusivement les acteurs de son

réseau institutionnel (Figure 5.14).

Figure 5.14. Diagramme contextuel : les acteurs impliqués dans l’exportation de Laserdécoup.

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

L

aser

déco

oup

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteurs institutionnels

Bourse de

Sous-traitance Aide à la recherche de prospects belges

Chambre de

Commerce et d’Industrie de

Sedan

Obtention de fichiers de prospects au Benelux + participation aux salons

317

Ainsi, au début de l’année 1996, Monsieur D. a participé à des réunions organisées par la

Bourse de Sous-traitance en coopération avec Fabrimétal, fédération sectorielle belge,

récemment rebaptisée Agoria11. L’objectif de ces rencontres était la mise en relation entre des

donneurs d’ordres belges et des sous-traitants français frontaliers. Grâce à ces réunions,

Laserdécoup a obtenu un gros client belge dans le secteur de la construction mécanique.

Le service export de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Sedan est sollicité pour

l’obtention de fichiers de prospects en France et au Benelux et son aide à la participation aux

salons du MIDEST et de Strasbourg (mise à disposition d’un espace à un coût accessible,

d’une personne pour servir d’interprète ou pour traduire des documents). Signalons, toutefois,

que la participation à ces salons vise surtout à toucher des donneurs d’ordres domestiques.

En 1998, l’exportation qui représentait 10% de l’activité chute à 5% : l’entreprise venant de

perdre, fin 1997, son client belge obtenu via la Bourse de Sous-traitance. Cet événement

marque un tournant dans le processus d’internationalisation de Laserdécoup. En effet,

l’entreprise décide en 1999 de recruter deux agents commerciaux pour prospecter au Benelux.

Les mauvais résultats constatés à la fin de l’année ont conduit Monsieur D. à ne pas

renouveler leurs contrats en 2000. Au terme de cette expérience, Laserdécoup a cessé toute

démarche active à l’exportation.

Hormis, en 1999, les investissements internes réalisés pour l’exportation sont très restreints.

La PMI sous-traitante ne dispose pas de service export et les clients du Benelux sont traités

exactement comme les clients français.

L’activité exportatrice de Laserdécoup en est au stade expérimental : le taux d’exportation est

faible et les marchés visés sont à la fois proches géographiquement et culturellement. Deux

événements – perte du client belge et échec des agents commerciaux – ont, semble-t-il, nuit au

développement de l’exportation et à sa marginalisation dans l’activité de l’entreprise (Figure

5.15, p 318).

11 Cette fédération, située à Bruxelles, représente, en 2004, 1300 entreprises belges de onze secteurs : métaux et matériaux, produits métalliques, plastiques, mécanique et mécatronique, électrotechnique et électronique, technologies de l’information et de la communication (TIC), automobile, aérospatiale, défense et sécurité, automatisation industrielle et contracting, maintenance. Ces principales missions consistent à :

- défendre les intérêts de chaque membre et de chaque secteur ; - représenter ses membres au sein des divers comités nationaux et européens ; - informer et conseiller par des journées d’étude et des publications.

318

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Clients

1995

1 client belge

Période 2 Ralentissement de l’exportation

2001 1998

Période 1 Initiation à l’exportation

Bourse de Sous-traitance / Fabrimétal

Dirigeant

Mise en relation

1 client belge Rupture de la relation

Deux agents commerciaux au Benelux

Chambre de Commerce et d’Industrie

En moyenne 4 à 5 clients francophones du Benelux par an depuis 1996

Obtention et exploitation de fichiers de prospects du Benelux (Mailings) + participation aux salons + Internet

Figure 5.15. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Laserdécoup.

319

3.3.2. Le cas Forgex

L’activité exportatrice de l’entreprise a commencé en 1978, soit treize ans avant la reprise de

Forgex par Monsieur C. Un responsable commercial d’origine allemande a été recruté et c’est

lui qui a initié la prospection sur le marché allemand, le marché domestique n’étant pas

suffisamment porteur. En plus du MIDEST, Forgex a exposé sur des salons étrangers tels que

la Foire d’Hanovre et d’autres moins importants. Très vite, Forgex a obtenu des commandes

de donneurs d’ordres allemands. Grâce à ces derniers, le sous-traitant a acquis une certaine

réputation et le bouche à oreilles a permis de gagner des appels d’offres en Suisse. Face à ce

succès, la direction commerciale a souhaité élargir la prospection à d’autres pays européens.

Pour ce faire, elle a sollicité l’aide d’organismes institutionnels. Les Chambres de Commerce

et d’Industrie en France et à l’étranger, les Postes d’Expansion Economiques et le CFCE ont

permis à l’entreprise de bénéficier d’aides financières à la prospection et de soutien pour

l’organisation de salons étrangers, de mises à disposition d’espaces sur les salons,

d’informations commerciales et de banques de données sur des marchés étrangers ainsi que

des conseils commerciaux. A son arrivée à la direction de Forgex, Monsieur C. a maintenu cet

investissement. Après le départ du responsable commercial d’origine allemande en 1993, il a

recruté un responsable export ainsi qu’une seconde assistante trilingue. Des investissements

concernant la qualité ont été réalisés en interne afin de répondre aux exigences des clients

étrangers : ISO 9002 et la formation linguistique du responsable du service qualité.

Les principaux acteurs externes intervenant dans le processus d’internationalisation de Forgex

sont, par conséquent, des organisations institutionnelles situées en France ou à l’étranger.

Le déroulement de l’activité exportatrice depuis 1978 est présenté par la matrice

chronologique suivante (Figure 5.16, p 320)

320

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Clients

1956

Premiers clients allemands puis suisses

Période 2 Renforcement de l’exportation

2001 1978

Période 2 Démarrage à l’exportation

Dirigeant Responsable commercial d’origine allemande + assistante trilingue

Aides financières à la prospection, participation aux salons étrangers, mise à disposition d’espaces sur les salons, informations commerciales et banques de données sur des marchés étrangers, conseils commerciaux.

Clients allemands, suisses, italiens, suédois et anglais

ISO 9002 Formation linguistique pour le responsable

Chambres de Commerce et d’Industrie + PEE + CFCE

Salons français et étrangers

1991

Période 1 Absence d’ouverture

à l’international

Dirigeant Responsable export + 2 assistantes trilingues

Dirigeant Assistante

Départ responsable commercial

Recrutement responsable export

+ assistante

Figure 5.16. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Forgex.

321

Ayant un statut de fournisseur mondial chez certains de ses clients, tels que Renault et Scania,

Forgex est conduite à vendre aux filiales de ces deux grands groupes. Il s’agit là, selon nous,

d’une forme d’internationalisation dans le sillage des donneurs d’ordres. Néanmoins, pour

Monsieur C., cette relation ne relève pas de l’exportation même s’il convient qu’elle est

comprise dans son taux d’exportation à hauteur de 5-6 %. C’est pour cette raison que les

acteurs privés sont représentés dans une flèche pleine aux contours en pointillés (Figure 5.17).

Figure 5.17. Diagramme contextuel : les acteurs intervenus dans l’exportation de Forgex.

En interne, il n’existe pas de service export. L’activité exportatrice, gérée par un responsable

export secondé de deux assistantes trilingues, reste sous le contrôle du dirigeant, principal

interlocuteur des gros clients étrangers.

Figure 5.18. Matrice rôles /temps : intervention par rôle et par phase des acteurs internes dans l’activité exportatrice de Forgex. Directeur

Participation à la gestion de la relation commerciale avec les clients étrangers Décideur in fine

Responsable commercial d’origine allemande

Prospection Prise de contact sur les salons et par téléphone

Gestion de la relation commerciale avec les clients étrangers Gestion administrative de l’exportation

Rend des comptes aux dirigeants

Responsable export

Prospection Prise de contact sur les salons et par téléphone

Gestion de la relation commerciale avec les clients étrangers

Gestion administrative de l’exportation Rend des comptes au dirigeant

Assistantes export

1 assistante 2 assistantes

1991-1993

1993-2001

Act

ivité

exp

orta

tric

e de

For

gex

Acteurs privés Type de soutien Type de soutien Acteurs institutionnels

Chambres de Commerce et d’Industrie en

France et à l’étranger

Organisation de salons + recours COFACE + conseils commerciaux

Postes d’expansion économique

+ CFCE

Collecte et transmission d’informations

Grands DO du secteur automobile et poids lourds

Mise en relation avec filiales

322

Figure 5.19. Méta-matrice chronologique des processus d’internationalisation de Laserdécoup et Forgex.

SITES

T1 T2

Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description

2 (CCI et BST)

1 (le dirigeant)

Internes

+/- Externes

+

4/ 5 clients

francophones du Benelux par an

depuis 1996

1 (CCI)

2 agents

commerciaux pendant un an (1999)

Internes

+/- Externes

+/-

4/ 5 clients

francophones du Benelux par an

LASERDECOUP

1995-1998

Initiation à l’exportation

1998- 2001

Ralentissement de l’exportation

Taux d’exportation 2000 = 5 %

Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description

3 (CCI, PEE et

CFCE)

2

(Responsable commercial +

assistante)

Internes

+/-

Externes ++

Premiers clients,

surtout allemands et suisses

3

4 (dirigeant +

responsable export + 2 assistantes)

Internes

++

Externes ++

En moyenne 35 clients par an en Allemagne, Suisse, Italie, Suède et

Angleterre

FORGEX

1978-1991

Démarrage à l’exportation

1991 – 2001

Renforcement de l’exportation

Taux d’exportation 2000 = 60 %

323

La comparaison des processus d’internationalisation de Laserdécoup et de Forgex, à

l’aide de la méta-matrice chronologique (Figure 5.19, p 322) révèle peu de points

communs :

- si les organisations institutionnelles sont les acteurs externes les plus sollicités, leur

implication varie sensiblement d’un cas à l’autre ainsi que la nature des aides apportées ;

- si les processus d’internationalisation s’articulent autour de deux périodes, leur

déroulement respectif diffère : dans le cas de Forgex, le processus est progressif tandis

que, dans le cas de Laserdécoup, il tend vers un ralentissement de l’activité exportatrice ;

- si les ressources externes sollicitées auprès du réseau institutionnel diminuent dans les

deux cas au cours de la seconde période, l’engagement des ressources internes demeure

distinct : Forgex renforce ses investissements internes grâce à des recrutements, la

certification ISO et la mise en place de formations linguistiques. De son côté,

Laserdécoup n’entreprend aucun investissement spécifique pour relancer son activité

exportatrice. Au contraire, l’entretien nous a permis de déceler une forme de résignation à

se concentrer sur le marché domestique de la part du dirigeant.

Malgré tout, nous constatons que pour les deux sites observés, la sollicitation des

organisations institutionnelles intervient après et non avant l’initiation de l’exportation (la

première relation de sous-traitance avec un client étranger). Par ailleurs, dans les deux cas,

l’initiation n’est pas le fait d’un donneur d’ordres domestique mais trouve son origine en

interne : une commande sollicitée par un ancien client du dirigeant (réseau personnel) pour

Laserdécoup et une démarche de prospection active du marché allemand par le responsable

commercial d’origine allemande pour Forgex.

4. LES MOINS SOUTENUS

Ce groupe rassemble les PMI sous-traitantes qui ont peu ou pas du tout bénéficié de soutien

de la part de leurs réseaux d’affaires ou institutionnels lors de leur intenrationalisation. Les

deux entreprises de ce groupe étudiées en profondeur sont Usiméca et Métodécoup12 (Les

entretiens sont retranscrits dans l’annexe 3.4.).

12 Pour des raisons de confidentialité, les entreprises étudiées ont été renommées par nos soins.

324

4.1. Les caractéristiques de l’entreprise et du dirigeant

4.1.1. Le cas Usiméca

Usiméca est une PMI sous-traitante d’usinage à façon stéphanoise, de soixante salariés, créée

en 1986. Jusqu’en 1991, son activité n’a cessé de se développer auprès d’un seul client

Alstom. En 1991, le créateur de l’entreprise s’est tué dans un accident de voiture et

l’entreprise s’est retrouvée orpheline. Jusqu’alors responsable commercial chez un des

fournisseurs de matières premières d’Usiméca, Monsieur V., l’actuel dirigeant, connaissait

bien ce sous-traitant et a décidé de reprendre l’affaire. En 2000, l’activité d’Usiméca est

regroupée autour de trois pôles : la mécano-soudure, l’usinage et le montage d’ensembles et

de sous-ensembles mécaniques de grande dimension (entre 5 et 80 tonnes) qui sont préparés

soit sur le site du sous-traitant, soit chez le client, que ce dernier soit localisé en France ou à

l’étranger. Les cycles de fabrication ont une durée de 4 à 6-8 mois suivant les projets. Cette

intégration des trois activités au sein de l’entreprise constitue son avantage concurrentiel. Les

clients traditionnels d’Usiméca appartiennent au secteur de l’énergie hydraulique, thermique

et nucléaire. Pour eux, elle fabrique des turbines vapeur. Ses autres clients sont

essentiellement des sidérurgistes européens pour lesquels elle fabrique des pièces de rechange

et assure l’entretien des installations. En 2000, elle réalise 50% de son chiffre d’affaires à

l’exportation auprès de clients allemands, suisses, du Benelux et norvégiens.

Tableau 5.14. Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation d’Usiméca.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 6,4 5,64 5,79 - 6,10 Taux d’exportation (en %) 39 36 39 - 50

Diplômé d’un Bac +4, Monsieur V. parle couramment anglais et a une bonne maîtrise de

l’allemand. Son exposition aux cultures et environnements étrangers résulte de ses activités

professionnelles passées et présentes. Dans ces conditions, les différences entre clients

français et étrangers sont fortement nivelées. Dès 1994, sa volonté est de diversifier l’activité

de son entreprise, dangereusement dépendante d’un seul client, vers les marchés étrangers

qu’il perçoit comme étant plus porteurs que le marché domestique. Sa démarche à

l’exportation est volontariste et polycentrique. Il juge le bilan de l’exportation très positif.

325

4.1.2. Le cas Métodécoup

Métodécoup est une entreprise vosgienne de découpage-emboutissage des métaux en feuilles.

Créée en 1988 par son dirigeant actuel, Monsieur L., elle représente en 2000 un chiffre

d’affaires de 5,34 millions d’euros avec 40 employés. Son taux d’exportation,

particulièrement élevé, s’élève à 70 %. Les marchés visés par l’entreprise sont principalement

l’automobile, l’équipement industriel et l’électroménager. Les clients étrangers se situent en

Europe (Allemagne, Benelux, Suisse, Angleterre et Autriche), aux Etats-Unis et depuis peu en

Chine. Son avantage concurrentiel réside principalement dans ses équipements de production

plus performants que ceux des concurrents d’Europe de l’Est et asiatiques.

Tableau 5.15 Evolution du chiffre d’affaires et du taux d’exportation de Métodécoup.

1996 1997 1998 1999 2000 Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 2,67 3,31 4,04 - 5,34 Taux d’exportation (en %) 60 63 66 - 70

L’exportation a été, dès la création de Métodécoup, l’axe stratégique privilégié par son

dirigeant. Bien que faiblement exposé aux cultures étrangères lors de sa formation (Bac +2),

Monsieur P. affiche, dès le départ, sa volonté de commercialiser uniquement à l’export et de

fabriquer des produits qui s’adapteraient aux techniques internationales et aux coûts

concurrentiels internationaux. En l’absence de marché régional, Métodécoup est tout de suite

allée chercher ses clients en Europe, puis de plus en plus loin, au fur et à mesure que ses

compétences à l’export s’affermissaient : « Pour nous, il n’y a plus de différence entre une

livraison à 1000 ou à 5000 kilomètres. Par contre, nous ne livrerons pas de petites quantités à

5000 kilomètres, l’aspect quantitatif est ici primordial. » (Extrait de l’entretien, annexe 3.4.).

4.2. Les caractéristiques de l’environnement

Le secteur du découpage-emboutissage auquel appartient Métodécoup ayant été décrit

précédemment (Cf. Paragraphe 3.2., pp 313-314), seul le secteur d’activité d’Usiméca, la

mécanique industrielle (ou générale) est exposée.

Ce secteur recouvre essentiellement la fabrication pour des tiers de pièces mécaniques par

enlèvement de matières. Les procédés d’usinage sont multiples : alésage, fraisage, tournage,

326

meulage, rectification… Ces diverses techniques utilisent les moyens traditionnels aussi bien

que les plus sophistiqués, telles que les machines d’usinage à grande vitesse et

l’électroérosion. L’activité intègre aussi la réparation, l’entretien mécanique ainsi que la

reconstruction de moteurs thermiques. Cette activité est composée de petites et très petites

entreprises ; les entreprises de 20 à 50 salariés représentant plus de 76 % de l’ensemble des

entités suivies pour l’enquête annuelle « Entreprise 2000 », réalisée par le SESSI. Les

structures ont peu évolué au cours des cinq dernières années et se sont toujours les petites

entreprises qui emploient la majorité des effectifs et génèrent le chiffre d’affaires le plus

important. Néanmoins, les entreprises de plus de 250 salariés, avec un taux d’exportation de

30 %, ont un rôle pilote. A l’opposé, les sociétés de moins de 50 salariés ont un taux

d’exportation aux alentours de 6 %. C’est un secteur de proximité fortement lié à la clientèle

locale. Les débouchés y sont beaucoup plus diversifiés que dans les autres secteurs

(aéronautique, automobile, équipements industriels, électrotechnique, cycles, optique,

robinetterie). Les risques sont ainsi mieux répartis sur une clientèle plus hétérogène. C’est la

raison pour laquelle la croissance y est plus lente et le fléchissement plus pondéré (SESSI,

2000 et 2002).

Tableau 5.16. Bilans du secteur de la mécanique générale13.

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Facturations 3 602 (millions

€)

3 967 (millions

€)

4 022 (millions

€)

4 736 (millions

€)

4 923 (millions

€)

5 314 (millions

€)

5 713 (millions

€)

5 568 (millions

€) Taux d’exportation (EXP/CA HT en %)

11 11,8 11,7 12,5 13,6 12,4 12,5 12,6

Le tableau de comparaison (Tableau 5.17, p 327) montre de manière explicite qu’Usiméca

et Métodécoup sont, pour la majorité des caractéristiques étudiées, fortement analogues.

13 Ce tableau a été réalisé à partir des publications de L’Usine Nouvelle.

327

Tableau 5.17. Comparaison des caractéristiques de Usiméca et Métodécoup.

CARACTERISTIQUES DU DIRIGEANT

SITES

Exposition aux cultures étrangères

Formation Maîtrise des langues

Attitude vis-à-vis de l’exportation

Perception de la distance culturelle

Conception de l’exportation

Perspectives de l’activité exportatrice

Rôle du dirigeant à l’export

USIMECA - Bac +4 Anglais ++ Allemand +

Proactive Nulle Polycentrique Stratégique Décideur

METODECOUP +/- Bac +2 Anglais + Allemand +

Proactive Nulle Polycentrique Stratégique Décideur

CARACTERISTIQUES DE L’ENTREPRISE

Age Taille

Taux d’exportation Compétences

Avantages différentiels

USIMECA 14 ans 60 salariés 6,86 millions d’euros

50%

Intégration sur un seul site des activités de mécano-soudure, usinage et montage d’ensembles

mécaniques

+

METODECOUP 12 ans 40 salariés 5,34 millions d’euros

70%

Equipements de production performants +

CARACTERISTIQUES DE L’ENVIRONNEMENT

Degré d’internationalisation du secteur d’activité

Secteur d’activité

Concurrents domestiques

Concurrents étrangers

Clients

USIMECA Mécanique industrielle +/- nombreux mais de très petite taille

+ ++ L’énergie et la sidérurgie

METODECOUP Découpage-emboutissage +/- + ++ L’automobile, l’équipement industriel et l’électroménager

328

4..3. Le processus d’internationalisation

4.3.1. Le cas Usiméca

L’activité exportatrice d’Usiméca débute en 1994. Jusqu’à cette date, le sous-traitant réalise

80 % de son chiffre d’affaires auprès d’une seule des divisions d’Alsthom. Conscient de ce

risque, l’actuel dirigeant décide d’exporter afin de diversifier le risque de dépendance. Il met

en place une démarche active de prospection des marchés d’Europe du Nord (Allemagne,

Suisse, Benelux, Norvège et Suède); les marchés italiens et espagnols étant abandonnés en

raison des coûts de production plus faibles dans ces pays. Le premier client étranger était une

entreprise allemande avec laquelle Usiméca est toujours en relation. En 2000, Usiméca

compte environ 10 clients étrangers surtout localisés en Allemagne et en Suisse. La

prospection et la collecte d’informations sont réalisées en interne par trois personnes : le

dirigeant et deux commerciaux. Ils sont présents sur le stand d’Usiméca au MIDEST et y

invitent leurs clients. L’entreprise ne dispose pas de département export. La relation

commerciale avec les clients domestiques et étrangers est gérée par des chargés d’affaires

détenteurs d’un portefeuille clients. Ils sont en charge de chiffrer les demandes des clients, de

présenter les devis, d’assurer le suivi et d’être l’interface entre le client et Usiméca. Parfois, il

peut arriver que le dirigeant joue ce rôle auprès de clients étrangers.

Les ressources mobilisées pour l’exportation sont essentiellement internes. Entre le 1er janvier

1995 et fin 1998, des investissements matériels (outil de production, installation d’atelier,

logistique) et immatériels (certification ISO 9002 en 1997, recrutement, formations – dont

formations linguistiques) ont été réalisés pour un montant de 20 millions de francs. Toutefois,

au cours de l’entretien, le dirigeant évoque des situations où l’exportation d’Usiméca s’est

faite via le réseau des filiales de donneurs d’ordres. Mais cette modalité d’exportation qu’il

nomme « effet de rejet » est, pour lui, marginale puisqu’elle ne représente que 5 à 6 % du

chiffre d’affaires à l’exportation au maximum. Le développement de l’exportation s’est fait

sans le soutien d’organisations institutionnelles : le dirigeant estimant, à partir de ses

expériences passées, que les études de marché qu’elles proposent n’ont pas d’intérêt pour une

entreprise qui vend du savoir-faire, des heures, des capacités techniques et qui, par conséquent

implique des relations entre ingénieurs. Enfin, en 1998, Monsieur V. a envisagé la co-

traitance. Toutefois sa recherche d’un partenaire sous-traitant n’a toujours pas abouti.

Le déroulement de l’activité exportatrice d’Usiméca suit une progression linéaire (Figure

5.20, p 329)

329

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Clients

1986

Premier client allemand

2001 1994

Période 2 Internationalisation quasi-autonome progressive

Dirigeant +

Deux commerciaux +

Chargés d’affaires

Mise en relation avec filiales

Clients allemands, suisses, du Benelux et norvégiens = 10 clients étrangers en moyenne par an depuis 1998

Donneurs d’ordres

Prospection, collecte d’informations, exposant au MIDEST + gestion de la relation commerciale

Période 1 Absence d’ouverture

à l’international

Investissements productifs + certification ISO, recrutements, formations

Figure 5.20. Diagramme chronologique du processus d’internationalisation d’Usiméca.

330

4.3.2. Le cas Métodécoup

L’activité exportatrice de l’entreprise a débuté dès sa création en 1988. Météodécoup a ainsi

exposé aux MIDEST et dans des salons étrangers organisés dans des pays frontaliers. La

prospection a été réalisée par le directeur commercial et le dirigeant, auxquels se sont ajoutés

dès la deuxième année des commerciaux parlant une ou deux langues étrangères. Elle s’est

tout d’abord centrée sur l’Allemagne, marché intéressant car proche des Vosges. Le

référencement chez des donneurs d’ordres étrangers s’est fait très lentement au cours des deux

premières années. La démarche commerciale suit toujours les trois étapes suivantes :

- la participation à des salons pour se faire connaître et initialiser les premiers contacts ;

- l’engagement des démarches commerciales ;

- les réponses aux demandes de prix qui permettent à Métodécoup de se positionner par

rapport à la concurrence ;

Puis, dès que l’entreprise a acquis une certaine notoriété auprès de ses clients, les

référencements se sont enchaînés à un rythme plus rapide.

La première année, le GIMEF (Groupement français des industries transformatrices des

métaux en feuilles minces14) a aidé Métodécoup à résoudre ses problèmes de langues et, plus

particulièrement, la traduction des documents envoyés par les prospects étrangers. Dès la

deuxième année, son soutien n’a plus été nécessaire en raison du recrutement des

commerciaux bilingues. Au cours de son processus d’internationalisation, Métodécoup a n’a

pas sollicité d’autres organismes institutionnels : son dirigeant estimant que leurs études et

services n’offraient aucun retour sur investissement. Elle n’a pas bénéficié du soutien

d’acteurs privés, qu’ils soient donneurs d’ordres ou sous-traitants. Concernant cette dernière

modalité d’exportation, des tentatives de co-traitance ont été envisagées mais n’ont pas

abouties.

L’activité à l’international de Métosoudure suit un processus d’apprentissage progressif et

linéaire : l’exportation débute par les pays européens, puis à a fin des années 1990, elle

s’oriente vers les Etats-Unis et enfin, récemment, vers la Chine. L’internationalisation

mobilise essentiellement des acteurs et ressources internes (Figure 5.21, p 331). Afin de gérer

la relation avec ses clients américains, l’entreprise a ouvert un bureau de représentation sur

place. Les échanges techniques et commerciaux sont gérés depuis la France et le dirigeant

n’hésite pas à rendre visite à ses clients étrangers sur place.

14 Syndicat professionnel des métiers du découpage, emboutissage, repoussage, outillage de presse et tôlerie fine.

331

Acteurs externes internes

Ressources externes internes

Clients

1988

Premier client allemand

2001

Internationalisation quasi-autonome progressive

Dirigeant +

Responsable commercial

Syndicat professionnel

GIMEF

Prospection, collecte d’informations, exposant au MIDEST + gestion de la relation commerciale Investissements productifs + certification ISO

Recrutements de commerciaux bilingues Bureau de représentation aux Etats-Unis

Dirigeant +

Responsable commercial +

commerciaux

Traduction des documents

Fin des années 90

Clients européens (Allemands, Suisses, du Benelux, Anglais autrichiens)

Clients Etats-uniens Premiers clients chinois

= 12 clients étrangers en moyenne par an depuis 1998

Figure 5.21 Diagramme chronologique du processus d’internationalisation de Métodécoup.

332

La méta-matrice chronologique (Figure 5.22, p 333), révèle de nombreuses similitudes

entre les processus d’internationalisation d’Usiméca et de Métodécoup :

- l’activité internationale est un processus d’apprentissage progressif et incrémental qui

s’étend sur une dizaine d’années et aboutit à des taux d’exportation extrêmement élevés ;

- l’internationalisation est un axe stratégique prioritaire voulu par le dirigeant : ce dernier

jouant un rôle prépondérant dans la décision et le développement de l’exportation ;

- le peu de soutien obtenu par des acteurs externes est perçu par le dirigeant comme

marginal.

La seule différence notable entre les deux cas concerne le stade du processus d’exportation

atteint par les deux entreprises. Bien qu’étant toutes deux fortement expérimentées à

l’exportation, Métodécoup a franchi un stade supplémentaire : l’exportation hors de la zone

Europe vers des pays géographiquement et culturellement plus éloignés et l’implantation d’un

bureau de représentation aux Etats-Unis.

L’analyse qualitative des cas empiriques présentés reflète la complexité des processus

d’internationalisation adoptés par les PMI sous-traitantes françaises. Elle montre que

plusieurs variables, de nature externe et interne, interviennent dans l’appréhension du

processus d’internationalisation. Les processus d’internationalisation diffèrent les uns des

autres selon les ressources internes et externes détenues et engagées par la PMI sous-traitante

lors de son développement international ainsi que les raisons qui ont motivé la décision

d’exporter. Dans ces conditions, toute recherche d’un modèle général d’internationalisation de

la PMI sous-traitante semble vaine. Nonobstant, la comparaison de nos résultats qualitatifs

avec ceux de l’enquête quantitative contribue à l’identification de régularités suffisantes pour

élaborer un cadre théorique de compréhension du processus d’internationalisation de la

population étudiée. Il convient désormais de proposer une synthèse de l’ensemble des

résultats de notre étude multi-méthodes sous forme de propositions théoriques.

333

Figure 5.22. Méta-matrice chronologique des processus d’internationalisation d’Usiméca et Métodécoup.

SITES

Nombre d’acteurs externes impliqués Nombre d’acteurs internes impliqués

Ressources engagées

Description

DO chez lesquels Usiméca est référencée

comme fournisseur mondial

3 + chargés d’affaires Internes ++

Externes

-

Clients européens prospectés et gérés grâce aux ressources internes

USIMECA

1986- 2001

Internationalisation quasi-autonome progressive Taux d’exportation 2000 = 50 %

Nombre d’acteurs externes impliqués

Nombre d’acteurs internes

impliqués Ressources engagées

Description

1 (GIMEF) durant la première année

2 + commerciaux

Internes

++

Externes --

Clients européens, puis états-uniens et chinois prospectés et gérés grâce aux

ressources internes

METODECOUP

1988-2001

Internationalisation quasi-autonome progressive Taux d’exportation 2000 = 70%

334

SECTION 2 – LES PROPOSITIONS FINALES

Au dénouement de notre recherche de nature exploratoire, cette section terminale récapitule

les principales conclusions. Enrichies d’une discussion théorique, nos conclusions sont émises

sous forme de propositions théoriques visant à une certaine « généralisation analytique » (Yin,

1990) sur la dynamique de structuration du processus d’internationalisation des PMI sous-

traitantes.

Dans les travaux sur l’internationalisation des PME/PMI, deux phases génériques du

processus d’internationalisation sont distinguées : la décision d’exporter et le déploiement de

l’exportation. Chacune d’entre elles est traditionnellement appréhendée comme un processus

d’apprentissage progressif et incrémental.

Les deux premiers paragraphes de la cette section présentent respectivement les contributions

relatives à une meilleure connaissance de ces deux phases pour le cas spécifique des PMI

sous-traitantes françaises.

L’appréhension de la dynamique de structuration du processus d’internationalisation dans son

ensemble est proposée dans le troisième paragraphe. Notre projet est donc d’intégrer

l’hétérogénéité des facteurs qui peuvent induire les choix opérés tout au long du processus

d’internationalisation afin de suggérer un premier cadre de compréhension généralisable aux

PMI sous-traitantes françaises.

1. LA DECISION D’EXPORTER

La plupart des modèles séquentiels d’internationalisation des PME/PMI considèrent qu’une

étape essentielle est le passage initial de l’entreprise de l’activité domestique à l’exportation.

Pour ce faire, ils ont intégré les facteurs explicatifs à un processus de décision d’exporter dans

lequel s’engagent les entreprises. On parle alors de « modèles intégrés de la décision

d’exporter ». Ces modèles ont fait l’objet d’articles de synthèse successifs visant à souligner

les constantes et les points de divergences ainsi que leurs implications managériales (Bilkey,

1978 ; Roux, 1986 ; Gibiat, 1994).

Les modèles intégrés de la décision d’exporter découlent des inférences béhavioristes de la

psychologie sociale et expérimentale de la perception et de l’apprentissage. Ils placent le

335

dirigeant, souvent propriétaire de son entreprise, au centre de l’analyse : ce dernier étant

considéré comme le décideur unique ou, s’il existe plusieurs acteurs dans la prise de décision,

comme la personne qui coordonne la prise de décision. Par conséquent, ce contexte théorique

repose sur l’hypothèse selon laquelle les décisions stratégiques, et donc la décision d’exporter,

d’une PME/PMI sont directement liées à la formation, à l’expérience, aux valeurs et aux

convictions de son dirigeant. Dans ce cadre théorique, les modèles intégrés de la décision

d’exporter en PME/PMI s’attachent à analyser le rôle du dirigeant-propriétaire lors des

différentes étapes du processus de décision à l’exportation et à apprécier l’influence des

caractéristiques de l’entreprise, de l’environnement et du dirigeant sur ce même processus.

Si ces modèles ne présentent pas le même degré de formalisation, ils ont néanmoins quatre

éléments en commun (Roux, 1986) : des stimuli (également appelés variables perçues,

information d’entrée, facteurs attirant l’attention du dirigeant ou inputs)15, des variables

exogènes (ou variables explicatives)16, un processus interne de traitement de l’information17

et des phases du processus de décision18. Finalement, la structure générique des modèles

intégrés de la décision d’exporter en PMI est la suivante : dès la première phase, le dirigeant

est exposé à un certain nombre de stimuli susceptibles d’attirer son attention sur l’existence de

l’opportunité d’exporter. Il les perçoit ou non en fonction de l’influence des variables

exogènes. Filtrés par le dirigeant, les stimuli déclenchent ou non, par l’intermédiaire du

processus interne, un processus de décision séquentiel qui aboutit à la décision d’exporter ou

de ne pas exporter.

Les stimuli susceptibles de déclencher la première vente à un client étranger sont nombreux et

peuvent provenir de l’entreprise et de son environnement. Dans le premier cas, on parle de

stimuli internes. Les plus souvent cités sont : les caractéristiques uniques du produit, les 15 La relation entre stimuli et variables exogènes est définie par L.S. Welch. Selon cet auteur, les stimuli sont « (…) ces événements ou facteurs qui entraînent directement une prise de conscience, un intérêt ou des actions relatives à la possibilité d’exporter. La différence entre ces stimuli et les influences latentes est que les stimuli sont perçus. Ils déclenchent ou évoquent un lien entre cet événement et la possibilité d’exporter dans l’esprit du décideur. » (1983 : 47). 16 Les variables exogènes sont regroupées en trois catégories : les caractéristiques de l’environnement, les caractéristiques de l’entreprise et les caractéristiques du dirigeant. Ces variables ont été détaillées dans le paragraphe 1 de la section 2 du chapitre 3 exposant le cadre d’investigation de notre enquête par questionnaire. 17 Il consiste en une opération de filtrage des informations perçues (stimuli) et facteurs explicatifs (variables exogènes). N’ayant pas été formalisé par les auteurs, le processus interne demeure implicite dans les modèles de la décision d’exporter. 18 Le contenu et le nombre des phases varient d’un modèle à l’autre. Toutefois, il est possible de déterminer un processus de décision générique comprenant quatre phases : 1/ la perception par le dirigeant de l’opportunité d’exporter, 2/ l’intérêt pour l’exportation, 3/ la recherche d’information, 4/ l’évaluation des capacités de l’entreprise à résoudre les problèmes posés par le fait d’avoir une activité avec l’étranger.

336

capacités excédentaires de l’entreprise19, la taille du marché intérieur, les objectifs de

croissance, le nombre d’employés, les forces de l’entreprise. Dans le second, on parle de

stimuli externes. Là encore, ils sont nombreux (pression concurrentielle intérieure, tendance

des concurrents à exporter, opportunités de marché, aides et incitations des pouvoirs

publics) mais le stimulus externe le plus souvent cité est la commande étrangère non sollicitée

(Roux, 1986 et Gibiat, 1994). Bien que significatif, ce stimulus est néanmoins considéré

comme étant insuffisant pour initialiser le processus de décision d’exporter. Ainsi dans son

modèle, SD. Reid (1981) note que les aides et les informations des pouvoirs publics stimulent

les PME/PMI dans la reconnaissance de l’opportunité d’exporter, les amenant à penser que

cela peut leur permettre de répondre plus rapidement et plus efficacement aux offres

provenant de l’étranger. De plus, si les commandes étrangères non sollicitées sont prédictives

de l’intérêt pour l’exportation et de l’exportation expérimentale, elles ne peuvent être

considérées comme fortuites ; ces commandes étant corrélées à la qualité du management de

l’entreprise et à sa capacité à proposer le produit désiré.

Notre analyse des processus d’internationalisation de huit cas exemplaires offre des

conclusions divergentes de celles proposées par les modèles intégrés de la décision d’exporter

en PME/PMI (Tableau 5.18, p 337).

Tout d’abord, nous constatons que le cas où la première exportation s’appuie sur une

commande étrangère non sollicitée n’est pas le plus fréquent. Deux sites observés sont dans

cette situation : Plastitrempage (Groupe 2) et Laserdécoup (Groupe 4). Pour ce dernier, la

commande spontanée émane d’un acteur du réseau social du dirigeant de la PMI sous-

traitante : le responsable achat d’un fabricant belge de remorques agricoles avec lequel le

dirigeant avait eu l’occasion de travailler avant de créer son entreprise. Dans ces conditions, la

commande non sollicitée n’est pas fortuite puisqu’elle résulte de l’existence du lien social et

professionnel passé entre le dirigeant de Laserdécoup et le responsable achat du donneur

d’ordres belges. Cette commande non sollicitée est à l’origine de la reconnaissance de

l’opportunité d’exporter.

19 M. Gibiat (1994) souligne que les capacités excédentaires ne concernent pas uniquement la production mais l’ensemble des ressources de l’entreprise (finance, marketing, management, employés…).

337

Tableau 5.18. Les stimuli de la décision d’exporter des PMI sous-traitantes.

Décision d’exporter Groupe 2

Les suiveurs des clients domestiques

Groupe 3 Les plus soutenus

Groupe 4 Les solliciteurs du réseau

institutionnel

Groupe 1 Les moins soutenus

Stimuli Plastitrempage Mécasoudure Labometa Forgélec Laserdécoup Forgex Usiméca Métodécoup

Internes Orientation du dirigeant vers les marchés étrangers Objectif de diversification de la clientèle Objectif de croissance Réseau social du dirigeant Salariés de culture étrangère

Externes Commande non sollicitée Réseau de donneurs d’ordres Taille du marché intérieur Proximité géographique avec un pays étranger Degré d’internationalisation du secteur d’activité élevé

Le facteur de déclenchement externe de l’exportation le plus fréquent est le réseau de

donneurs d’ordres de la PMI sous-traitante. C’est le cas de Mécasoudure (Groupe 2), de

Labométa et Forgélec (Groupe 3).

Pour Mécasoudure, c’est un donneur d’ordres domestique qui a facilité le référencement du

sous-traitant français au sein de sa filiale allemande. En revanche, la première exportation de

Labométa, comme celle de Forgélec, s’est faite via la filiale française d’un donneur d’ordres

étranger : la filiale française d’un grand groupe de sidérurgie allemand pour Labométa et celle

d’un constructeur belge d’engins de manutention pour Forgélec.

Attitude réactive vis-à-vis de la première exportation

Attitude active vis-à-vis de la première exportation

Stimuli prééminents dans la décision d’exporter

338

Les clients domestiques de dimension internationale peuvent jouer un rôle de déclencheur de

l’exportation en PME/PMI (Nummela, 1997 ; Holmlund et Kock, 1998). C’est dans la lignée

de cette conclusion des travaux privilégiant l’approche réseau sur l’internationalisation des

PMI que s’inscrivent nos résultats concernant le rôle des donneurs d’ordres dans

l’initialisation de l’exportation des PMI sous-traitantes françaises. Toutefois, notre recherche

livre deux divergences majeures avec les conclusions de l’approche réseau.

Premièrement, nous remarquons que lorsque la PMI sous-traitante se contente de suivre

un client domestique, la phase de recherche et de transmission d’information et son

activité exportatrice sont toujours passives20. Cette conclusion réfute l’affirmation de J.

Johanson et LG. Mattsson (1986)21 selon laquelle, dans une approche réseau, l’entreprise

choisirait de s’internationaliser en établissant ou en développant ses positions dans les

sections nationales de son réseau industriel.

Deuxièmement, notre étude qualitative montre l’absence totale des organismes

institutionnels tout au long du processus de décision à l’exportation en PMI sous-

traitante, conjecture que nous avions émise au terme de notre analyse du lien statistique

entre l’intensité de l’internationalisation et l’appartenance à un groupe de la typologie.

La conclusion de l’étude de N. Nummela (1997), selon laquelle le réseau institutionnel serait

particulièrement sollicité par les PMI en phase pré-exportation, est alors réfutée.

L’exportation des trois dernières PMI sous-traitantes analysées (Forgex, Usiméca et

Métodécoup) a été initialisée par un stimulus interne : l’orientation du management vers les

marchés étrangers.

Dans le cas de Forgex (Groupe 4), c’est la saturation du marché domestique et le degré

d’internationalisation du secteur d’activité qui a suscité la prise de conscience de l’opportunité

d’exporter. La phase d’exportation expérimentale (Roux, 1986) ou d’essai (Gibiat, 1994),

durant laquelle l’entreprise a intensifié sa recherche d’informations et sa prospection sur le

20 Signalons que ce constat ne signifie pas que l’exportation initialisée par un donneur d’ordres puisse être considérée comme fortuite. L’étude qualitative révèle, en effet, que les huit PMI sous-traitantes étudiées disposent d’avantages concurrentiels sensibles en terme de qualité, savoir-faire et/ou capacité de production. Autant de facteurs qui peuvent expliquer que les donneurs d’ordres encouragent leur référencement au sein de leurs filiales et/ou les sollicitent pour d’autres activités (Cf. Plastitrempage). 21 Reprise par N. Nummela (1997) et M. Holmlund et S. Kock (1998).

339

marché allemand a été permise grâce à la présence en interne d’un responsable commercial

d’origine allemande, bilingue français-allemand connaissant bien le marché allemand.

Le témoignage du dirigeant d’Usiméca (Groupe 1) montre que son orientation vers

l’exportation est étroitement liée à l’objectif stratégique de diversification des clients de

l’entreprise. Pour le dirigeant de Métodécoup (Groupe 1), la localisation de son entreprise

(loin des donneurs d’ordres domestiques et proche du marché allemand) est le principal

facteur explicatif de sa perception de l’opportunité d’exporter dès la phase de démarrage de

l’entreprise. Dans ces trois cas, l’exportation correspond à une recherche délibérée et

systématique de débouchés à l’exportation. Elle peut donc être qualifiée d’intensive ou

d’active.

En résumé, l’initialisation de la décision d’exporter par le dirigeant dénote une activité

exportatrice plus active que lorsque le stimulus est un donneur d’ordres du réseau

d’affaires de la PMI sous-traitante.

Enfin, les entretiens avec les dirigeants des cas exemplaires mettent en lumière

l’influence de l’objectif de diversification (afin de réduire la dépendance de l’entreprise vis-

à-vis d’un petit nombre de grands donneurs domestiques) sur la décision d’exporter en PMI

sous-traitante. L’étude qualitative confirme le résultat statistique (chapitre 4) selon lequel, la

diversification est l’objectif attendu par le dirigeant qui obtient la moyenne marginale la plus

élevée pour l’ensemble des quatre groupes de la typologie.

Les conclusions de l’analyse qualitative sur les déterminants de l’exportation des PMI sous-

traitantes françaises nous conduisent à formuler six propositions : les trois premières

concernent le rôle des réseaux, la quatrième celui du dirigeant, la cinquième le lien entre

déterminants de l’exportation et la nature de l’exportation et la dernière l’influence de

l’objectif de diversification.

340

Proposition 1 Au cours de la phase pré-exportatrice, le réseau de donneurs d’ordres, plus particulièrement

domestiques, est un stimulus qui attire l’attention du dirigeant sur la possibilité d’exporter et

déclenche ainsi le processus de décision. Dans le cas de la PMI sous-traitante, ce déclencheur

externe de la décision d’exporter devance la commande étrangère spontanée.

Proposition 2 A l’instar de la commande non sollicitée, le réseau de donneurs d’ordres est un stimulus

accélérateur du déclenchement de l’exportation puisqu’il dispense la PMI sous-traitante de

toute démarche de prospection active à l’étranger.

Proposition 3 Au cours de la phase de pré-exportation, aucune aide et information provenant du réseau

institutionnel n’intervient pour :

- stimuler les PMI sous-traitantes dans la reconnaissance de l’opportunité d’exporter ;

- faciliter leur exportation dans le réseau d’un donneur d’ordres domestique ;

- ou leur permettre de répondre plus efficacement aux offres non sollicitées provenant de

l’étranger.

Proposition 4 L’orientation du dirigeant vers les marchés étrangers est le principal stimulus interne de la

décision d’exporter en PMI sous-traitante. Il demeure, néanmoins, moins fréquent que le

réseau des donneurs d’ordres.

341

Proposition 5 Le facteur clé dans le déclenchement de la décision d’exporter présume de la nature plus ou

moins active de l’exportation au sein de la PMI sous-traitante. Ainsi lorsqu’il existe une

orientation du dirigeant vers les marchés étrangers, ce dernier privilégie la modalité autonome

au positionnement au sein du réseau des donneurs d’ordres domestiques ayant une activité

internationale.

Proposition 6 L’objectif de diversification en vue de réduire la dépendance de l’activité de l’entreprise à

l’égard d’un petit nombre de clients domestiques est une variable exogène omniprésente dans

la décision d’exporter en PMI sous-traitance, quel que soit le facteur – interne ou externe –

ayant déclenché le processus de décision.

2. LE DEPLOIEMENT DE L’EXPORTATION

Les modèles séquentiels d’internationalisation des PME/PMI considèrent l’évolution de

l’internationalisation comme un processus d’apprentissage comportant différentes étapes que

franchit linéairement l’entreprise au cours de son engagement à l’étranger. Selon les auteurs,

le nombre d’étapes et leur description varient. Notre analyse comparative de cas ne nous a pas

permis d’identifier plus de deux phases génériques communes à l’ensemble des huit sites

étudiés. Il s’agit, en premier lieu, du démarrage de l’exportation. Cette étape, qui se

concrétise par l’établissement des premières relations de sous-traitance internationale (STI),

dure en moyenne trois ans. L’activité exportatrice y est plus ou moins sporadique. Au terme

de cette phase, on observe dans sept cas sur huit une amplification, d’intensité variable, de

l’activité exportatrice en termes de taux d’exportation et/ou de nombre de marchés pénétrés ;

Mécasoudure (Groupe 2) étant le seul cas de « désinternationalisation » observé. Nous

qualifions cette phase de développement de l’exportation.

Notre recherche met en exergue deux facteurs affectant le déploiement de l’exportation de la

PMI sous-traitante : l’intensité du soutien à l’exportation émanant du réseau de la PMI sous-

traitante (2.1) et le degré d’engagement des ressources en interne (2.2).

342

2.1. L’intensité du soutien à l’exportation

L’étude quantitative a mis en évidence un certain nombre d’acteurs intervenant dans le

processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante. Ils forment les deux principaux

réseaux de la PMI sous-traitante : le réseau d’affaires incluant ses donneurs d’ordres, ses

fournisseurs/sous-traitants et ses confrères/concurrents et le réseau institutionnel comprenant

essentiellement les Chambres de Commerce et d’Industrie, les Bourses de Sous-traitance et

les Syndicats professionnels. Parmi ces différents acteurs, les donneurs d’ordres jouent un rôle

prépondérant dans la sélection des marchés étrangers (2.1.1) et le déroulement de

l’internationalisation (2.1.2).

2.1.1. La sélection des marchés étrangers

Pour expliquer l’exportation vers de nouveaux marchés, de nombreux auteurs, dans la lignée

du modèle Uppsala (Johanson et Vahlne, 1977 ; Hallen et Wierdersheim-Paul, 1979) font

l’hypothèse que les entreprises sélectionnent de nouveaux marchés avec, successivement, une

distance psychique22 plus importante. Au fur et à mesure de la réduction de l’incertitude sur la

connaissance des marchés due à l’effet d’expérience internationale23 acquise par l’entreprise,

le choix des marchés est de plus en plus fondé sur des analyses économiques de coûts de

facteur de production ou de climats d’investissement (Welch et Luostarinen, 1988). C’est

ainsi que le développement international de l’entreprise est non seulement un processus

d’expansion progressive et séquentielle, mais aussi un processus d’apprentissage.

Dans le cas particulier des PMI sous-traitantes françaises, le concept de « distance

psychique » demeure trop limité pour expliquer, à lui seul, la nature du processus de

développement à l’exportation (2.1.1.1). L’étude qualitative met en exergue deux autres

facteurs susceptibles d’influencer la sélection des marchés : le réseau et, dans une moindre

mesure, les coûts de transport (2.1.1.2). Ce résultat de notre étude empirique fait écho aux

critiques déjà formulées à l’encontre du concept de « distance psychique » (Czinkota et Ursic,

1987 ; Sullivan et Bauerschmidt, 1990).

22 Ce concept est défini comme l’ensemble des facteurs faisant obstacle ou perturbant le flux d’information entre l’entreprise et un marché étranger spécifique, 23 L’effet d’expérience internationale peut être mesuré par le nombre d’années de présence à l’étranger et/ou par le nombre de marchés pénétrés.

343

2.1.1.1. Le pouvoir explicatif réduit de la distance psychique

Notre enquête par questionnaire a révélé que la majorité des PMI sous-traitantes françaises

étudiées exporte principalement vers des pays européens, surtout membres de l’Union

Européenne (Cf. Chapitre 4, section 1). Ce résultat est confirmé par l’étude qualitative

(Tableau 5.19).

Tableau 5.19 Les marchés sélectionnés par les huit sites étudiés en profondeur.

Groupes issus de la typologie

Sites Premier marché étranger pénétré

Autres marchés sélectionnés

Plastitrempage Italie Belgique, Etats-Unis, Luxembourg

Groupe 2 Les suiveurs des

donneurs d’ordres domestiques

Mécasoudure Allemagne Belgique, Luxembourg, Suisse

Labométa

Allemagne Belgique, Italie, Suède Groupe 3 Les plus soutenus

Forgélec

Belgique Allemagne, Pays-Bas, Suède

Laserdécoup

Belgique Luxembourg Groupe 4 Les solliciteurs du

réseau institutionnel Forgex

Allemagne Suisse, Italie, Suède, Angleterre

Usiméca

Allemagne Suisse, Belgique, Luxembourg, Norvège

Groupe 1 Les moins soutenus

Métodécoup

Allemagne Suisse, Belgique, Angleterre, Autriche,

Etats-Unis, Chine

Les deux marchés les plus fréquemment sélectionnés sont la Belgique et l’Allemagne. Alors

que la Belgique est psychologiquement plus proche que l’Allemagne, c’est pourtant le marché

allemand qui est initialement pénétré par les PMI sous-traitantes françaises. La difficulté de

compréhension liée aux langues est le principal obstacle à la relation de sous-traitance

internationale (STI) évoqué par les dirigeants au cours des entretiens semi-directifs (Encadré

5.1, p 344). Cet obstacle a pu être surmonté par sept des huit sites analysés à l’exception de

Laserdécoup qui se contente de vendre à des clients francophones situés en Belgique et au

Luxembourg.

344

Encadré 5.1. L’obstacle linguistique à l’exportation : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Plastitrempage (Groupe 2) « (…) y a les problèmes de compréhension, surtout en cas de litiges. Cela dépend de la langue parlée. Nous demandons souvent à nos clients étrangers de laisser une trace écrite, qui puisse rester. Au téléphone, c’est parfois plus difficile quand vous avez affaire à un belge flamand qui ne vous comprend pas ou que vous ne comprenez pas. D’où la nécessité de l’écrit, pour que la relation soit claire et précise. On a l’habitude, en cas de litige, de prendre des photos, pour clarifier et argumenter le dossier. » (Annexe 3.1.) - Forgélec (Groupe 3) (A propos de la langue) « C’est quand même un obstacle. Même si vous maîtrisez bien une langue, c'est quand même une langue étrangère, c'est surtout un obstacle psychologique. (…) Du côté de l’acheteur aussi. Mettez-vous dans la peau d'un acheteur étranger, il va voir Forgélec arriver, il n'en a pas forcément entendu parler, il ne le connaît pas forcément bien. Lui aussi dans ses recherches d'informations, pour peu qu'il ne parle pas de langues étrangères il va peut être un peu embêté. Il va forcément être un petit peu plus exigeant, il voudra plus de sécurité. » (Annexe 3.2.) - Laserdécoup (Groupe 4) « Il existe le souci des langues, et nous ne sommes pour l’instant pas armés pour aller vers d’autres clients étrangers, tant au niveau productif que commercial. Nous sommes proches de l’Allemagne mais personne ne parle suffisamment bien l’allemand au sein de l’entreprise, et cela pose problème lorsque nous sommes consultés sur des salons. Notamment à Strasbourg, nous avons été visités par des clients allemands et hollandais. » (Annexe 3.3.) - Métodécoup (Groupe 1) « Il faut bien savoir aussi que toutes ces entreprises qui veulent exporter doivent se mettre au service du client mais notamment dans les domaines de la communication. Donc il ne faut pas attendre que les étrangers parlent le français, il faut que les Français parlent la langue des pays où ils veulent aller, aussi bien au niveau commercial, sur les foires, mais également dans l’entreprise. Il faut qu’il y ait une communication permanente. » (Annexe 3.4.)

L’analyse de cas montre, en outre, que la perception de la distance psychique est la même

quel que soit le marché européen considéré, et cela indépendamment du degré de sensibilité

du dirigeant à la distance culturelle.

Lorsque le dirigeant est sensible à la distance culturelle, les difficultés perçues eu égard aux

marchés étrangers ne sont pas hiérarchisées : une relation de STI européenne est de toute

façon plus risquée qu’une relation de sous-traitance domestique. Cette situation est observée

lorsque l’exportation est envisagée comme un objectif secondaire ou marginal

(Plastitrempage, Mécasoudure, Labométa, Forgélec). Les propos du dirigeant de

Plastitrempage sont à ce titre édifiants (Encadré 5.2., p 345).

345

Encadré 5.2. La relation de sous-traitance domestique par rapport à la relation de STI : extrait de l’entretien avec le dirigeant de Plastitrempage. « C’est complètement différent ! Le relationnel est différent ! Le lien de proximité culturel fait que la relation est tout de suite plus intime. De plus, nous visitons nos clients français, surtout lorsqu’on intervient en phase de conception. C’est pas le cas pour nos clients étrangers. Et puis, les français, ils viennent plus souvent pour renouveler des commandes ou déposer des commandes ouvertes. La relation est plus visuelle, plus directe. » (Annexe 3.1.).

Quand le dirigeant n’aborde la question de la distance culturelle que pour les marchés non

européens et plus particulièrement états-uniens ou asiatiques, la relation de STI avec des

donneurs d’ordres européens n’est pas différenciée d’une relation de sous-traitance

domestique. C’est le cas des trois PMI sous-traitantes pour lesquelles l’exportation est un axe

stratégique prioritaire (Forgex, Usiméca et Métodécoup) (Encadré 5.3.).

Encadré 5.3. La distance culturelle : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Usiméca « Je dirais qu'actuellement, vu les marchés sur lesquels on travaille, on ne rencontre pas de difficultés, ni de correspondance, ni de langue, ni d'échange de monnaies. A la limite c'est même mieux de travailler à l'exportation parce qu'on est payé beaucoup plus vite qu'en France, c'est beaucoup plus sain. Dans l'expérience que l'on a, on n'estime pas rencontrer de difficultés, pas plus que si on travaillait à l'intérieur au niveau de certaines relations. Maintenant peut-être que le discours serait modéré si on travaillait plus en direct sur notamment les pays asiatiques parce que là il y a un choc de culture qui est plus important, mais ça c'est qu'une habitude à prendre (Silence). » (Annexe 3.4.). - Métodécoup « Et puis, dans ces pays (Etats-Unis et Chine), on a un bureau sur place, qui n’a aucune relation commerciale, juste une fonction relationnelle. Son but est de faire connaître l’entreprise sur place, dans les salons, et entretenir la relation commerciale qui peut déboucher sur une vente. » (Annexe 3.4.). - Forgex « Pour les Etats-Unis, au delà de la distance géographique, se pose un problème juridique et législatif important, notamment la nécessité de trouver un avocat avant d’entreprendre toute démarche commerciale. » (Annexe 3.3.).

Finalement, nous constatons que la sélection des marchés étrangers opérée par les PMI

sous-traitantes françaises, ne suit pas systématiquement un processus d’apprentissage

par les marchés. Deux cas de figure méritent d’être distingués :

- Premièrement, l’établissement des relations de STI est le résultat d’une démarche active de

la PMI sous-traitante (Forgex, Usiméca et Métodécoup). Dans ce cas, la sélection des

346

marchés s’opère principalement selon la distance psychique. Ainsi Métodécoup, qui

s’internationalise de manière autonome, a commencé par pénétrer les marchés européens,

puis les Etats-Unis et plus récemment la Chine : « Nous avons donc pris l’habitude d’aller

chercher nos clients en Europe, puis de plus en plus loin, au fur et à mesure que nos

compétences à l’export s’affermissaient. » (Annexe 3.4.). Usiméca, l’autre cas exemplaire du

groupe 1 (« Les moins soutenus »), n’a pas atteint le stade d’exportation vers des pays non

européens car « aujourd'hui c'est un peu tôt, on ne serait pas assez structuré pour pouvoir

s'implanter directement sur des pays comme l’Egypte, la Syrie, le Moyen-Orient ou l’Asie en

direct, surtout qu'on ne vend pas de produits propres, on ne vend que de la prestation. »

(Annexe 3.4.). Forgex (groupe 3 « Les solliciteurs du réseau institutionnel ») se situe au

même stade d’exportation qu’Usiméca. Cependant, pour cette entreprise, c’est un facteur

autre que l’apprentissage par le marché qui explique cet état de fait.

- Deuxièmement, la PMI sous-traitante bénéficie du soutien de ses donneurs d’ordres

domestiques durant son développement international. Dans ce contexte, la distance psychique

n’est plus en mesure d’expliquer la sélection des marchés opérée.

2.1.1.2. D’autres facteurs explicatifs

Le cas Plastitrempage (Cas exemplaire du groupe 2 « Les suiveurs des clients domestiques »)

illustre parfaitement le rôle du réseau dans la sélection des marchés. C’est au début des

années 80 que l’entreprise a pénétré le marché italien puis belge. Cette phase de balbutiements

à l’export ne s’est pas faite sans difficultés, notamment de recouvrements. Puis, en 1987,

Plastitrempage a commencé à exporter aux Etats-Unis dans le sillage de certains de ces

donneurs d’ordres français. Dans ce cas, le choix des Etats-Unis ne résulte pas de l’effet

d’expérience à l’international, trop insignifiant à cette date, mais de l’effet réseau.

Cet effet est omniprésent dans les trois autres cas de PMI sous-traitantes, appartenant aux

groupes 2 (« Les suiveurs des clients domestiques ») et 3 (« Les plus soutenus »).

Nous remarquons également que lorsque l’exportation est initialisée par une commande

étrangère spontanée, le choix du marché est induit par la localisation géographique du client

étranger et non par la distance psychique (Cas Laserdécoup, Groupe 4 « Les solliciteurs du

réseau institutionnel »).

347

Ainsi, lorsque l’exportation – entendue ici comme l’établissement d’une nouvelle

relation de sous-traitance internationale (STI) – ne découle pas d’une démarche active

de la PMI sous-traitante, la sélection du marché est essentiellement déterminée par la

localisation du réseau (filiales, maison mère, fournisseurs) du donneur d’ordres à

l’étranger ou par la localisation du donneur d’ordres étranger à l’origine de la

commande non sollicitée. Ce résultat s’inscrit dans la lignée des travaux de J. Bell (1995), de

NE. Coviello et al. (1997 ; 1999 a et b) et de S. Hertz et LG. Mattsson (1998).

Proposition 7 Dans le cas où l’établissement d’une relation de sous-traitance internationale (STI) s’effectue

dans le sillage d’un donneur d’ordres domestique, la localisation géographique des acteurs du

réseau de ce donneur d’ordres est le principal facteur explicatif de la sélection des marchés

opérée par la PMI sous-traitante. Elle découle d’une démarche passive à l’exportation. Dans

ce contexte, l’hypothèse béhavioriste, selon laquelle la sélection des marchés est un processus

d’expansion progressive des marchés les plus proches aux marchés les plus éloignés

psychologiquement, ne s’applique pas.

En plus de l’effet réseau, l’étude qualitative permet d’identifier un autre facteur susceptible

d’influencer la sélection des marchés dans le cas des PMI sous-traitantes : les coûts de

transport de pièces en raison de leur poids et/ou de leur taille (Encadré 5. 4.).

Encadré 5.4. Les coûts de transport, un facteur d’influence de la sélection des marchés : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Mécasoudure « Mais compte tenu de la taille de nos pièces, l’exportation est limitée aux pays limitrophes. L’acheminement se fait dans le cadre du transport exceptionnel, avec le concours de la gendarmerie, du fait de la grosseur des pièces. Il est donc limité car très coûteux. Livrer l’Allemagne septentrionale revient déjà très cher. Nos clients étrangers sont donc pour la plupart situés en Allemagne, au Luxembourg, en Belgique et en Suisse.» (Annexe 3.1.) - Laserdécoup « (…) Et puis la distance est un facteur assez déterminant dans notre profession. Nos pièces découpées sont souvent lourdes et encombrantes. Leur transport coûte cher. La concurrence étant présente partout, il n’est pas évident d’aller s’implanter dans des régions lointaines.» (Annexe 3.3.)

348

Encadré 5. 4. (suite) - Forgex « Le problème des distances est pour nous fondamental. Tant que nous fabriquons des pièces commandées par nos clients, il n’y a pas assez de valeur ajoutée pour les exporter trop loin. (…) si nous envoyons nos pièces en Autriche ou à Berlin, par exemple, le transport peut représenter 5% ou 6 % sur des petites pièces, et jusqu’à 15% pour des grosses pièces envoyées en Suède. Sur des distances encore plus importantes, cela deviendra difficile pour nous de dégager une marge de rentabilité, à moins de faire valoir nos compétences techniques. » (Annexe 3.3.)

Pour ces trois sous-traitants l’apprentissage par les marchés ne peut jouer, l’exportation étant

de facto limitée aux pays frontaliers. Seule l’implantation sur les marchés très éloignés est en

mesure de limiter les coûts liés au transport. Or cette modalité d’internationalisation plus

avancée que l’exportation nécessite des investissements et une expérience à l’international

que peu de PMI sous-traitantes françaises possèdent.

Proposition 8 La taille et le poids des pièces livrées par le sous-traitant constituent une entrave importante à

l’expansion géographique de la PMI sous-traitante, que sa démarche d’internationalisation

soit active ou passive.

2.1.2. Le déroulement de l’internationalisation

Les donneurs d’ordres jouent un rôle prépondérant lors du développement de

l’internationalisation (2.1.2.1). En outre, ce réseau d’affaires agit en phase de démarrage

comme un accélérateur du développement international (2.1.2.2).

2.1.2.1. Le rôle prépondérant des donneurs d’ordres

Notre enquête par questionnaires montre que plus de la moitié des PMI sous-traitantes de

notre échantillon a été fortement soutenue par des donneurs d’ordres. Il s’agit des entreprises

appartenant aux groupes 2 (« Les suiveurs de donneurs d’ordres domestiques ») et 3 (« Les

plus soutenus »). Selon notre étude quantitative, le soutien apporté par les donneur d’ordres

prend essentiellement la forme d’une mise en relation du sous-traitant, soit avec les filiales

étrangères et/ou la maison mère du client, soit, ce qui est plus rare, avec un de ses

fournisseurs. Il peut également s’agir d’une formule de portage dans le cadre de grands

projets à l’international obtenus par un donneur d’ordres de la PMI sous-traitante.

349

L’étude de cas n’a pas permis d’approfondir cette technique de portage ; seules des situations

de mise en relation ayant été observées (Tableau 5.20).

Tableau 5.20. La nature du soutien apporté par les donneurs d’ordres. Groupes issus de la

typologie

Sites Type de donneurs d’ordres Type de soutien

Plastitrempage Maisons mères de donneurs d’ordres français

Mise en relation avec leurs filiales américaines

Groupe 2 Les suiveurs des

donneurs d’ordres domestiques

Mécasoudure Maisons mères de donneurs d’ordres français et européens

Mise en relation avec leurs filiales allemandes et/ou belges

Labométa

Filiale française d’un groupe allemand

Mise en relation avec la maison mère, la filiale belge, le fournisseur

suédois de la maison mère

Groupe 3 Les plus soutenus

Forgélec

Filiales françaises de groupes étrangers

Mise en relation avec les maisons mères des groupes en Belgique et en

Allemagne Laserdécoup

- - Groupe 4 Les solliciteurs du

réseau institutionnel Forgex

Maisons mères de donneurs d’ordres français

Mises en relation avec leurs filiales étrangères

Usiméca

- - Groupe 1 Les moins soutenus

Métodécoup

- -

Les formules de portage à l’exportation, telles qu’elles ont été étudiées par M. Wissler (1993)

– et développées dans notre chapitre 2, p 136 –, semblent minoritaires par rapport aux

relations d’appui informelles qui peuvent s’instaurer entre une grande entreprise et une PMI

sous-traitante. Ainsi dans les cinq cas soutenus par leurs réseaux d’affaires, la mise en relation

avec des donneurs étrangers n’a fait l’objet d’aucun contrat, convention et protocole.

Néanmoins, ils répondent à la définition du portage proposée par cet auteur24. A ce titre,

l’exportation via le réseau de filiales et de fournisseurs d’un donneur d’ordres peut être

envisagée comme une technique informelle de portage à l’export. Cette dernière intervient

alors que les deux parties ont déjà établi des relations de sous-traitance. Elle se présente alors

comme une consolidation de relations antérieures.

Le réseau des organismes institutionnels joue un rôle plus secondaire dans le processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

24 Le portage à l’exportation est un dispositif d’aide à l’internationalisation qui englobe toutes actions ou opérations d’une entreprise qui connaît bien les marchés extérieurs, tendant à mettre à la disposition d’une PME, ses connaissances, ses réseaux, ses pratiques pour que la PME puisse, aux moindres coûts et risques, s’établir ou établir ses produits sur les marchés bien connus par le porteur. Il permet également de faire bénéficier le porté de la notoriété et de l’image de marque du porteur.

350

Les institutionnels n’ont pas d’influence sur le déclenchement de la décision d’exporter

(Proposition 2, p 340). D’un autre côté, l’avis des dirigeants sur le soutien apporté par ces

acteurs est souvent mitigé, quand il n’est pas fermement critiqué (Encadré 5.5.).

Encadré 5.5. Des avis mitigés sur le soutien des acteurs institutionnels : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Mécasoudure (Groupe 2) « C’était entre 90 et 95. Nous cherchions à retrouver des clients allemands. Nous avions contacté le CFCE pour qu’il nous donne des contacts, des informations. En fait, nous ne savions pas comment nous y prendre. Nous ne savions pas si nous avions intérêt à prendre un agent ou pas. A l’époque il y avait beaucoup de forums, (silence), des conférences sur l’Allemagne, sur comment travailler avec les Allemands et tout cela organisé par le CFCE et la chambre de commerce, alors j’y assistais. Mais comme je l’ai déjà dit, y a pas eu de résultats. Ces forums ne nous ont pas aidés à trouver la bonne personne, celle qui aurait pu nous trouver des clients, nous mettre en contact avec les centres d’achat. En bref, nous sommes restés au point mort sur le marché allemand. » (Annexe 3.1.). - Forgélec (Groupe 3) (A propos de la Bourse de Sous-traitance) « Nous avons travaillé avec notamment pour un salon français, le MIDEST (…) mais ça change de temps en temps, maintenant on ne travaille plus avec eux. (…) Pourquoi ? C’est très simple. Ils nous offraient un très bon service en terme de qualité du service tout d'abord, réellement ils s'occupaient de tout pour préparer le stand, que ce soit en termes d'inscription, cartons d'invitation, places de parking, de toutes les petites choses qui prennent du temps à quelqu'un pour organiser son salon, c'était vraiment très bien. Par contre, comme ce sont des organismes institutionnels, on va dire collectifs, ils sont situés notamment sur le salon du MIDEST dans le hall où il y a toutes les chambres de commerce et ainsi de suite. Alors c'est très bien, néanmoins on est très mélangé. Ça marchait bien auparavant en termes de réussite sur le salon. Le MIDEST, pour ma part, est plutôt en baisse qu'autre chose malgré leurs efforts pour ne pas trop baisser, j'ai vraiment moins d'impact maintenant sur ce salon et justement pour essayer d'arriver à savoir si c'est le salon en tant que tel qui plonge ou si c'est notre placement qui n'est pas bon, nous avons exposé en novembre au MIDEST et cette année nous avons décidé de sortir du collectif pour nous mettre sur un stand Forgélec tout seul si vous voulez, mais dans le coin du hall où il y a tous les forgerons, fondeurs et les transformateurs de métaux si vous voulez. (Annexe 3.2.) - Usiméca (Groupe 1) « J’avais fait déjà des expériences, pas dans le cadre d’Usiméca mais ailleurs, et je savais que ça n'apporte rien. Le bilan n'est pas positif, en plus dans le cadre d’Usiméca, on vend du savoir-faire, des heures, des capacités techniques, c'est pas comme si on était avec un produit propre à distribuer, là je pense que ce serait fondamentalement différent. » (Annexe 3.4.)

Lorsque l’internationalisation n’est pas tirée par le réseau d’affaires, les institutionnels

peuvent intervenir tôt dans le processus d’internationalisation : soit uniquement durant la

phase de pré-exportation (Métodécoup) pour résoudre des problèmes linguistiques, soit après

le démarrage de l’exportation (Laserdécoup et Forgex) comme soutien à la collecte

d’informations, la participation à des salons et/ou la recherche de prospects (Tableau 5.21,

p 351).

351

En revanche, quand l’internationalisation de la PMI sous-traitante est initialisée par son

réseau de donneurs d’ordres, deux situations doivent être distinguées :

- la sollicitation des acteurs du réseau institutionnel est inexistante ou marginale comme le

souligne l’analyse des cas du groupe 3 « Les plus soutenus » (Labométa et Forgélec) ;

- la sollicitation des acteurs de ce réseau intervient après l’arrêt des relations avec certains

clients étrangers obtenus dans le sillage de donneurs d’ordres domestiques. Elle vise à

compenser, avec plus ou moins de succès, la baisse brutale du taux d’exportation. Ce cas de

figure est commun aux deux sites du groupe 2 « Les suiveurs de donneurs d’ordres

domestiques » (Plastitrempage et Mécasoudure).

Tableau 5.21. La nature du soutien apporté par le réseau des organismes institutionnels. Groupes issus de la

typologie

Sites Organismes institutionnels Type de soutien

Plastitrempage Bourse de Sous-traitance Participation à des salons

Groupe 2 Les suiveurs des

donneurs d’ordres domestiques

Mécasoudure CFCE et Chambre de Commerce et d’Industrie

Organisation de forums d’information sur le marché allemand

Labométa

- - Groupe 3 Les plus soutenus

Forgélec

Bourse de Sous-traitance Participation à des salons

Laserdécoup

Bourse de Sous-traitance

Chambre de Commerce et d’Industrie

Recherche de prospects belges Obtention de fichiers de prospects au Benelux + Participation à des salons

Groupe 4 Les solliciteurs du réseau institutionnel

Forgex

Chambre de Commerce et d’Industrie

Poste d’Expansion Economiques + CFCE

Participation à des salons + Aides financières à la prospection + Conseils

commerciaux

Collecte et transmission d’information sur les marchés étrangers

Usiméca

- - Groupe 1 Les moins soutenus

Métodécoup

Syndicat professionnel Traduction de documents envoyés par les prospects étrangers

Enfin, aucun cas d’exportation par coopération avec un partenaire sous-traitant n’a pu être

observé. Cette modalité a cependant été envisagée par deux des PMI sous-traitantes ayant une

démarche active à l’internationalisation et appartenant au groupe des « moins soutenus » –

Usiméca et Métodécoup – sans pour autant aboutir. Les difficultés de coordination et la

crainte de comportements opportunistes de la part des autres partenaires constituent les freins

majeurs à l’utilisation de cette modalité d’exportation (Encadré 5.6, p 352). Le recours aux

352

ressources du réseau de partenaires sous-traitants est une option marginale car difficile à

mettre en œuvre.

Encadré 5.6. A propos de l’internationalisation par coopération avec un partenaire sous-traitant : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Usiméca (Groupe 1) « Oui, c'est dans l'air du temps, effectivement. C’est des choses dont j'ai parlé il y a déjà deux ans mais il n'y a pas beaucoup de monde de prêt à ce niveau là. Il est vrai que notre clientèle évolue, que les choses évoluent d'ailleurs très très vite, qu'il faut être plus que réactifs notamment dans les domaines de prestations qu'on offre à nos clients. Si on reste cadrés dans nos métiers à mon avis il est clair que cela ne suffira pas et que nos clients attendent de nous autres choses et d'aller de plus en plus vers un produit à un stade avancé et notamment un produit prêt à l'emploi sur le site final. Pour ça, soit on acquiert les compétences requises en interne et on se structure, soit pour certains domaines, on s'associe en co-traitance avec un partenaire, c'est quelque chose qui se fait mais lentement parce que les entreprises ne sont pas prêtes et qu’elles ont toujours peur qu’un des partenaires bouffe l'autre. » (Annexe 3.4.) - Métodécoup (Groupe 1) « Nous avons essayé, mais sans succès. (…) Parce que chacun dirige son entreprise comme il l’entend, avec ses propres états d’âme. Personnellement nous avons essayé à deux reprises, mais cela n’a pas marché. Aujourd’hui nous réglons nos problèmes par nos propres moyens. Nous sommes responsables de nos compléments de sous-traitance, quand ils sont nécessaires. Nous gérons l’opération et choisissons nous-même le sous-traitant, de notre propre ressort, et sans l’intervention d’un partenaire. Parfois, nous revendons un produit sans qu’il passe par un sous-traitant. Nous n’assumons que notre savoir-faire, pas celui des autres. » (Annexe 3.4.).

Les résultats de l’étude qualitative concernant le rôle des différents acteurs privés et

institutionnels dans le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante viennent

confirmer une des conclusions de notre analyse quantitative (Chapitre 4) et permettent

d’émettre la proposition suivante.

Proposition 9

Les deux principaux réseaux d’accompagnement identifiés – le réseau des donneurs d’ordres

et celui des organismes institutionnels – ont tendance à s’exclure au cours du processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

353

2.1.2.2. Le soutien des donneurs d’ordres : un accélérateur du démarrage à

l’internationalisation du sous-traitant

En phase de pré-exportation, les donneurs d’ordres jouent souvent un rôle de déclencheur de

l’exportation (Proposition 1). En phase de démarrage, l’établissement des relations de STI

dans le sillage d’un donneur d’ordres est souvent activé. Cette modalité d’exportation

neutralise les effets liés à la distance psychique, facilite la procédure de référencement du

sous-traitant chez le client étranger et accélère la mise en œuvre de la relation commerciale

(Encadré 5.7.).

Encadré 5.7. L’impact du soutien d’un donneur d’ordres sur l’établissement de la relation de STI : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Mécasoudure (Groupe 2) « Quand les différentes structures de ces grands groupes se rencontrent, ils s’échangent des informations et des adresses, parfois des adresses de sous-traitants. Nous avons pu bénéficier ainsi de leur aide. (A propos de l’automaticité du référencement) Quasiment, oui, car ils nous connaissaient, par le biais des audits, nos délais et nos statistiques de qualité et de conformité. Par contre, d’un pays à l’autre, ils leur arrivaient souvent de refaire l’évaluation, mais leur a priori étaient plutôt positifs, du fait des résultats du premier audit. » (Annexe 3.1.) - Labométa (Groupe 3) « (A propos du référencement) Non, une fois que vous faites partie du groupe. La difficulté est de se faire inscrire, parce que les services achats réduisent de plus en plus le nombre des sous-traitants. Dés que vous êtes référencé, vous êtes tranquille, au moins pour une certaine période, car ce référencement est régulièrement remis en cause, tous les trois ans environ. » (Annexe 3.2.) - Forgélec (Groupe 3) « Nous mettre en contact est un bien grand mot, vous savez, ils sont l'initiateur de l'information ou éventuellement l'initiateur du contact dans le sens où ils vont nous dire voilà ce serait bien que vous envoyiez une documentation à Monsieur X de notre société sœur à tel endroit. Il va vous consulter. C’est une mise en contact mais c'est pas eux qui vont générer le contact dans le sens où ils ne sont pas là lors des rendez-vous, des conversations par exemple. » (Annexe 3.2.) - Forgex (Groupe 4) « En effet, je pense que vendre aux filiales d’un client n’est pas une activité d’exportation. Livrer un centre de production Renault à l’étranger, par exemple, ne relève pas d’une activité d’exportation pour moi car nous avons avec Renault, comme avec Scania, un statut de fournisseur mondial. Ça signifie que nous sommes déjà référencé donc il n’y a pas de démarche de prospection.» (Annexe 3.3.)

Dans les cas où la relation de STI résulte d’une démarche autonome, le démarrage du courant

d’affaires se fait beaucoup plus graduellement. Il débute nécessairement par une commande

test (Encadré 5.8., p 354).

354

Encadré 5.8. L’établissement graduel de la relation de STI dans le cas des PMI sous-traitantes non soutenues par un donneur d’ordres : extraits d’entretiens avec les dirigeants de … - Usiméca (Groupe 1) (A propos de la relation de STI, débutée en 1994, avec son premier client étranger) « (…) c’est-à-dire qu'on a commencé par faire une affaire qui était une affaire test pour le client qui nous étalonnait vraiment sur une construction avec les contrôles, et par le développement du volume d'activités avec ses clients ou par le développement du type de prestations qu'on leur fournit. A l’époque on lui a fait qu'une seule prestation d'usinage sur des pièces qu'il nous fournissait lui-même et qu'il faisait mécano-souder dans une autre société extérieure qui était d'ailleurs je crois une société française. Dans un deuxième temps, rapide, on lui a proposé de faire la fabrication soudée et usinée et aujourd'hui on lui fait la totalité de ses pièces soudure-usinage et on est en train d'évoluer avec lui sur le montage complet de ces ensembles qui sont très gros, et tout ça pour avoir des économies de coût.» (Annexe 3.4.) - Métodécoup (Groupe 1) « En résumé, nous faisons les salons pour nous faire connaître, puis nous engageons des démarches plus personnelles pour aller plus loin dans le contact. Après un certain nombre de démarches commerciales, on voit s’il y a une ouverture. Et puis après, il y a effectivement les premières demandes de prix qui ne sont pas forcément des demandes de prix qui vont amener à un résultat immédiat, mais qui vont peut-être positionner l’entreprise par rapport à la concurrence (…). Et à partir de là, il peut y avoir une petite affaire qui commence à déboucher, les gens sont quand même prudents, ils regardent où ça peut déboucher, et puis si c’est satisfaisant par rapport à l’ensemble des fournisseurs qu’ils ont, et bien ils vont plus loin, et puis quelquefois vous avez un client qui devient important. (…) Entre le moment où il y a ces premiers contacts et puis le moment où effectivement il y a une relation commerciale assez forte qui s’instaure, je dirais cinq ans. C’est la grande moyenne. Y’a des affaires qui peuvent déboucher plus vite mais les gros clients du secteur automobile qui ont des volumes, vous les confient au bout de cinq ans, pas avant. » (Annexe 3.4.)

Si le soutien d’un donneur d’ordres précipite l’exportation, il ne modifie pas pour

autant la nature de la relation de STI. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un donneur

d’ordres a facilité la mise en relation du sous-traitant avec un nouveau client étranger que

s’instaurera une relation de STI plus étroite, plus partenariale. En effet, les huit dirigeants

interviewés sur la nature des liens qu’ils entretiennent avec leurs donneurs d’ordres étrangers

s’accordent pour dire qu’ils varient non pas en fonction de la localisation géographique mais

de la stratégie d’achat du client. A ce propos, le discours du dirigeant de Métodécoup

(Groupe 1) est particulièrement explicite : « Je ne vois pas d’autres différences au niveau de

la relation commerciale entre la France et l’étranger. Chaque client a sa propre spécificité et

quand la relation est bonne, le client a intérêt à ce qu’elle perdure. Mais si demain il y a un

problème, le client n’aura aucun état d’âme pour changer de sous-traitant. Quel que soit le

marché, et même le contrat, la relation est uniquement commerciale et dépend de votre

prestation. » (Annexe 3.4.). Enfin, les dirigeants notent que les engagements contractuels sur

le long terme sont extrêmement rares. Ce sont les commandes ouvertes qui dominent tant sur

le marché domestique qu’à l’étranger.

355

Deux propositions théoriques découlent de nos conclusions concernant le rôle des donneurs

d’ordres dans le déroulement du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes.

Proposition 10

L’exportation soutenue par les donneurs d’ordres de la PMI sous-traitante facilite et accélère

la mise en relation avec les donneurs d’ordres étrangers.

Proposition 11

L’exportation dans le sillage de donneur d’ordres n’a aucune influence sur la nature et

l’évolution des relations de STI ainsi créées.

2.2. Le degré d’engagement des ressources

Comme nous l’avons déjà indiqué, le modèle Uppsala, développé par J. Johanson et JE.

Vahlne en 1977, décline le développement de l’exportation de l’entreprise selon des modes

d’engagement de ressources successifs et incrémentaux à l’étranger. L’aspect dynamique du

modèle renvoie alors aux décisions d’engager les ressources et à la performance des activités

sur les marchés étrangers. Les ressources susceptibles d’être engagées dans le processus

d’internationalisation sont classées en quatre catégories (Ciabuschi, 2002) : les produits, les

équipements, les unités de gestion et les relations d’affaires.

Notre analyse comparative de cas indique que les ressources engagées par les PMI sous-

traitantes tendent à s’intensifier tout au long du processus d’internationalisation, excepté dans

le cas de Mécasoudure. Parmi toutes les ressources recensées, les « unités de gestion »,

définies par F. Ciabushi comme les compétences, les savoir-faire et l’expérience de la

structure organisationnelle ainsi que les ressources financières, sont les principales ressources

acquises. Viennent ensuite les « relations d’affaires25 » et les investissements en

« équipements26 ». Ces dernières ressources matérielles ne sont pas spécifiquement acquises

pour l’exportation mais généralement partagées entre le marché domestique et les marchés 25 Il s’agit des liens résultant de l’interaction entre la PMI et son réseau de clients, partenaires, concurrents et fournisseurs. Les relations d’affaires sont explicitement utilisées comme des outils stratégiques à la disposition de la PMI sous-traitante lors de son internationalisation. 26 Il s’agit des biens d’équipement et technologies utilisés pour réaliser les opérations techniques sous-traitées au niveau de la recherche-développement, la production, la qualité, l’assistance technique et la distribution.

356

étrangers (Dalli, 1994). Dans la relation de sous-traitance, les opérations techniques fournies

par le sous-traitant étant adaptées à chaque client, la ressource « produit27 » est, par

conséquent, la même que le donneur d’ordres soit localisé sur le marché domestique ou à

l’étranger.

Le dirigeant est un élément fondamental de la décision d’engager des ressources tout au long

du processus d’internationalisation. Quand l’exportation résulte principalement d’un

comportement opportuniste – saisir l’occasion d’établir une relation de STI via le réseau ou

une commande non sollicitée –, nous observons que l’engagement des ressources, s’il a lieu,

apparaît timidement en phase de démarrage (Plastitrempage et Labométa), voire en phase de

développement de l’exportation (Mécasoudure, Forgélec et Laserdécoup). Inversement,

lorsque le dirigeant initie une démarche active à l’exportation, il agit selon une méthode

structurée et planifiée et l’engagement à l’exportation de la PMI sous-traitante débute en

phase pré-exportatrice (Forgex, Usiméca et Métodécoup).

En conséquence, l’exportation dans le sillage du réseau de donneurs d’ordres constitue

un frein à l’apprentissage à l’exportation et, par conséquent, à la performance du

développement international appréciée en termes de taux d’exportation.

Les trois PMI sous-traitantes fortement engagées à l’exportation dès le début du processus, et

peu (Usiméca) ou pas soutenues (Forgex et Métodécoup) par leur réseau de donneurs

d’ordres, affichent des taux d’exportation sensiblement supérieurs à ceux des cinq autres cas :

plus de 50 % contre 5-15 % pour les autres. Cette observation est conforme au résultat de

notre étude quantitative qui indique que les PMI sous-traitantes les « moins soutenues »

(groupe 1) et, dans une moindre mesure, les « solliciteurs du réseau institutionnel » (groupe 4)

ont un taux d’exportation plus élevé que celles des groupes 2 (les « suiveurs des clients

domestiques ») et 3 (les « plus soutenues »), initiées à l’exportation par le réseau de donneurs

d’ordres.

27 Dans le cas des PMI, il peut s’agir de matières premières, de composants ou de biens intermédiaires entrant dans le processus de fabrication du produit vendu au client étranger.

357

Proposition 12

Il existe une relation de corrélation positive entre la précocité et l’intensité de l’engagement

des ressources tout au long du processus d’internationalisation et le niveau de performance à

l’exportation, mesurée par le taux d’exportation.

Par ailleurs, le soutien du réseau d’affaires, s’il n’est pas accompagné d’un engagement

de ressources en interne, annule le caractère incrémental du processus

d’internationalisation.

La comparaison du processus d’internationalisation des deux cas exemplaires du groupe 2 (les

« suiveurs des clients domestiques ») permet d’apprécier l’absence d’effet d’apprentissage à

l’exportation lorsque cette dernière a lieu exclusivement dans le sillage des donneurs d’ordres.

Initiées à l’exportation par des stimuli externes, Plastitrempage et Mécasoudure ont déployé

une grande partie de leurs exportations dans le sillage de donneurs d’ordres domestiques. Or

les filiales étrangères – américaines pour Plastitrempage et allemandes pour Mécasoudure –

ont rompu leur relation avec leur sous-traitant français respectif au terme de trois années de

collaboration. Face à cet arrêt brutal de leur exportation dans le sillage des donneurs d’ordres

domestiques, Plastitrempage a su maintenir la progression de son activité exportatrice tandis

que Mécasoudure s’est engagée dans une voie de « désinternationalisation ». Comment

expliquer ces deux évolutions distinctes ?

Avant la perte de ses clients américains, l’exportation de Plastitrempage était soutenue non

seulement par le réseau externe des donneurs d’ordres domestiques, mais également en

interne par une démarche active de prospection à l’étranger rendue possible par le recrutement

d’une personne bilingue expérimentée à l’exportation et la participation de l’entreprise aux

salons internationaux. La PMI sous-traitante avait déjà eu des expériences d’exportation

autonome. En réaction à la cessation de certaines de ces relations de STI, elle a alors intensifié

son engagement interne en augmentant sa force de vente afin de couvrir le territoire du

Benelux et en accroissant sa participation à des salons internationaux. En revanche, juste

après la rupture avec ses clients allemands, Mécasoudure a licencié l’assistante bilingue et la

secrétaire en charge de la relation avec le marché allemand. A partir de ce moment, l’activité

liée à l’exportation s’est cristallisée sur le maintien des relations avec les clients étrangers

358

encore en portefeuille. L’entreprise semble être revenue au point de départ de son activité

exportatrice, incapable de démarcher de nouveaux clients étrangers (Encadré 5.9.).

Encadré 5.9. Les difficultés de Mécasoudure pour démarcher des clients étrangers : extraits d’entretien « Nous ne sommes plus tout à fait compétitifs par rapport à nos concurrents allemands, donc, soit les clients allemands vont voir ailleurs, soit ils travaillent avec des sous-traitants allemands. La solution pour nous serait de trouver quelqu’un sur place, qui soit déjà implanté sur le marché allemand et qui connaisse le secteur et les bonnes personnes. (A propos du recrutement en interne) A ce jour nous ne sommes encore qu’une petite entreprise et un tel recrutement représente un coût important. Pour le rentabiliser, il faudrait que le chiffre d’affaires soit plus important. (…) Il faudrait trouver un bon agent sur place. Nous avons essayé tout seul par le biais du CFCE, mais sans succès. Je suis incapable, par exemple, de rédiger un document en allemand ou en anglais. Je me défends à l’oral, mais pas à l’écrit. (…) Il suffirait de peu de choses. Avoir l’opportunité de rencontrer au bon moment la bonne personne qui pourrait nous donner des contacts à l’étranger. (…) A ce jour, je n’ai pas eu cette opportunité. J’essaie, par l’intermédiaire de mes connaissances allemandes, de trouver cette personne.

A l’instar des autres formes de portage à l’exportation (Wissler, 1993), le soutien des

donneurs d’ordres a une double incidence, de prime abord paradoxal, sur le processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante : il accélère le déploiement de

l’internationalisation tout en entravant l’apprentissage à l’internationalisation du sous-

traitant.

Levier du développement international, le soutien du réseau de donneurs d’ordres comporte

des dérives dans le temps dues à la situation d’assistanat qui favorise un comportement passif

de la PMI sous-traitante à l’exportation. Ainsi le recours à cette formule de portage dans le

cas des PMI sous-traitantes concernées – et ayant fait l’objet d’une étude de cas – traduit de la

part de leur dirigeant respectif, plus la volonté de renforcer leurs relations avec des grands

groupes industriels que l’intérêt pour le développement international de leur entreprise. Dans

ces conditions, l’implication de la PMI sous-traitante dans cette modalité d’exportation est

faible.

Proposition 13

Lorsque l’exportation soutenue par le réseau des donneurs d’ordres n’est pas accompagnée

d’une décision d’engagement de ressources internes, l’apprentissage à l’internationalisation à

partir des expériences passées est inexistant.

359

Proposition 14

Une exportation surtout soutenue par le réseau des donneurs d’ordres traduit de la part du

dirigeant un intérêt limité pour l’internationalisation.

3. LE PROCESSUS D’INTERNATIONALISATION

L’analyse des deux phases génériques du processus d’internationalisation – la décision

d’exporter et le déploiement de l’exportation – montre qu’il n’existe pas une mais plusieurs

dynamiques du processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante qui varient selon

trois facteurs : l’origine interne ou externe du stimulus ayant déclenché la décision d’exporter

(phase ), l’intensité du soutien à l’exportation émanant du réseau d’affaires de l’entreprise et

l’engagement des ressources en interne au cours des phases et . Le tableau 5.22. (p 360)

récapitule l’intervention de ces différents facteurs dans les processus d’internationalisation

des huit cas exemplaires approfondis.

Ce constat amène deux conclusions qui nous invitent à privilégier la complémentarité des

théories béhavioriste et réseau de l’internationalisation : aucun modèle appartenant à l’un ou à

l’autre de ces deux champs théoriques n’étant en mesure de rendre compte de la complexité

du processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

• L’influence de l’assistance externe apportée par les acteurs du réseau – surtout les

donneurs d’ordres – de la PMI sous-traitante à son développement international est à

relativiser.

Le réseau d’affaires est omniprésent tout au long du processus d’internationalisation de la

majorité des PMI sous-traitantes étudiées. Il intervient fréquemment comme déclencheur de la

décision d’exporter en phase , explique souvent le choix des marchés étrangers opérés,

facilite et accélère la mise en relation avec les donneurs d’ordres étrangers en phases et .

Néanmoins, il limite l’apprentissage à l’exportation et, par conséquent, la performance à

l’internationalisation mesurée par le taux d’exportation. Le réseau des donneurs d’ordres n’est

donc pas utilisé par la PMI sous-traitante comme un instrument ou une manne de ressources

externes à contrôler.

360

Tableau 5.22. Les facteurs explicatifs des différentes dynamiques du processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

Phase Initialisation

Phase Démarrage

Phase Développement

Groupe 2

Groupe 3 Groupe 4 Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Groupe 1

Facteurs explicatifs

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For- gélec

Laser- dé

coup

For- gex

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Labo-méta

For- gélec

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coup

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Méto- découp

Plasti- trempage

Méca- soudure

Labo-meta

For- gélec

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coup

For- gex

Usi- méca

Méto- découp

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Relations d’affaires

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X

>

>

= Equivalent à la phase précédente

> Supérieur ou inférieur à la phase

< précédente

> < Supérieur, puis inférieur à la phase précédente

(-) Arrêt au cours de la phase

Reprise Ralentissement

361

L’étude qualitative a souligné que l’assistance du réseau des donneurs d’ordres était associée

à une démarche passive. Autrement dit, le déroulement de l’internationalisation des sous-

traitants initialisés à l’exportation par un stimulus externe (exportation via un donneur

d’ordres ou commande spontanée) résulte plutôt d’une démarche opportuniste de la part de la

direction que de comportements visionnaires planificateurs et stratégiques. Dans ces

conditions, l’internationalisation de la PMI sous-traitante ne peut être appréhendée comme un

processus de prise de décision volontaire dans le réseau d’acteurs.

Le modèle d’internationalisation selon l’approche réseau développé par J. Johanson et

LG. Mattsson (1986, 1988) ne s’applique donc pas au cas de la PMI sous-traitante.

L’analyse de cas a montré que les huit PMI sous-traitantes étudiées se situaient sur des

secteurs d’activité au degré d’internationalisation similaire. En conséquence, le mode

d’internationalisation choisi par la PMI sous-traitante ne varie pas selon qu’elle se trouve sur

un marché fortement ou faiblement internationalisé. L’interprétation que nous avions émise

dans ce sens suite à l’analyse des résultats de notre enquête par questionnaire (Cf.

Chapitre 4, pp 271-272) n’est donc pas validée.

En revanche, nous observons que les cas où la recherche délibérée de débouchés à

l’exportation, initiée par le dirigeant et accompagnée d’un engagement effectif des ressources

internes dès le début du processus s’opposent invariablement aux situations où l’exportation,

initialisée par un déclencheur externe, résulte toujours d’un comportement passif freinant

l’engagement de ressources internes.

Finalement, le cadre de compréhension du déroulement du processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante est nécessairement holistique. Il doit

intégrer le rôle du dirigeant et les ressources internes – concepts privilégiés par

l’approche béhavioriste des modèles d’internationalisation des PME/PMI – ainsi que

l’interdépendance fonctionnelle des activités, acteurs du réseau et ressources externes

qui se trouve au cœur de la théorie des réseaux. Cette réflexion débouche sur la proposition

suivante :

362

Proposition 15 Le déroulement de l’internationalisation de la PMI sous-traitante est fonction de la

combinaison de trois facteurs : l’origine interne ou externe du stimulus ayant déclenché la

décision d’exporter, l’intensité du soutien à l’exportation émanant du réseau d’affaires de

l’entreprise et l’engagement des ressources en interne au cours des différentes phases.

• L’internationalisation n’est pas un processus séquentiel, ni un processus

prédéterminé et ordonné, ni un processus irréversible.

A partir des trois facteurs d’influence du déroulement de l’internationalisation identifiés, une

représentation graphique de l’évolution des processus d’internationalisation étudiés est

proposée ci-après (Figure 5.23.). Le déroulement du processus dans le temps est figuré à

l’aide d’une flèche pleine. A la base de chaque flèche est indiquée la nature interne (INT) ou

externe (EXT) du stimulus de la décision d’exporter.

La figure 5.23. (p 363) fait émerger deux modèles d’évolution du processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante distincts du modèle « séquentiel » ; ce

dernier reposant sur l’enchaînement de différentes phases où chacune peut être clairement

identifiée et séparée de la précédente et de celle à venir.

Le premier modèle est qualifié de modèle « par convergence », selon la classification des

modèles processuels élaborée par A. Langley (1997). Dans ce cas, le processus est initié par

un stimulus interne, généralement l’orientation du dirigeant vers des marchés étrangers

(Forgex, Métodécoup et Usiméca). L’internationalisation se déroule selon un engagement

graduel des ressources. L’ensemble des décisions et des investissements en interne

s’articule dans le temps pour converger vers l’intensification de l’activité internationale.

Seules des contraintes intrinsèques à la chose sous-traitée – sa taille, son poids – peuvent

freiner cette évolution vers des marchés psychologiquement plus éloignés. Le déroulement du

processus d’internationalisation suit alors un modèle « par convergence », qualifié ainsi car le

processus évolue progressivement vers un objectif unique. Cette dynamique d’évolution

aboutit à des niveaux de performance à l’exportation, mesurée par des taux d’exportation,

particulièrement élevés.

363

Figure 5.23. Les différentes dynamiques d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

Le second est un modèle « itératif »28. Dans ce cas, le processus est initié par un stimulus

externe, tels que le réseau de donneurs d’ordres ou la commande spontanée. Les dirigeants

des PMI sous-traitantes ont tendance à réitérer les mêmes opérations. Dans ces

conditions, le déroulement du processus peut être régulier (Labométa et Forgélec), jusqu’au

moment où l’apparition d’événements imprévus, essentiellement la perte de clients étrangers

introduit une rupture dans son déroulement (trois clients états-uniens pour Plastitrempage,

quatre/cinq clients allemands pour Mécasoudure et un gros client belge pour Laserdécoup).

L’entreprise entame alors la phase suivante du déroulement de son processus

d’internationalisation grâce à d’autres solutions identifiées et retenues. Il s’agit d’engager des

ressources supplémentaires et/ou de solliciter le soutien du réseau institutionnel. Ces

nouvelles solutions sont plus ou moins efficaces selon les sites : succès pour Laserdécoup et

demi-échec pour Laserdécoup et Mécasoudure. Finalement, les phases qui structurent ces cinq

28 Toujours selon la classification de A. Langley (1997).

Deg

ré d

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+

- + Soutien à l’exportation

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T Mécasoudure

Labom

éta Forgélec

364

processus se succèdent différemment dans le temps, pouvant mêler évolution séquentielle et

déroulement anarchique.

Dès lors, une ultime proposition sur le déroulement du processus d’internationalisation peut

être formulée.

Proposition 16 Le déroulement de l’internationalisation de la PMI sous-traitante peut être décrit à l’aide de

deux modèles distincts :

- un modèle « par convergence » lorsque le processus est initialisé par l’orientation du

dirigeant vers des marchés étrangers ;

- un modèle « itératif » lorsque le processus est initialisé par le réseau des donneurs

d’ordres ou une commande spontanée.

Notre étude de cas a permis d’approfondir notre connaissance des différentes configurations

de modalités d’exportation identifiées par l’analyse typologique. D’un autre côté, elle a

contribué à mieux saisir l’évolution dans le temps du processus d’internationalisation des PMI

sous-traitantes. De la compilation des résultats issus de notre dispositif de recherche mixte,

enchâssée dans une discussion théorique, ont pu naître les propositions théoriques exposées

au terme de cet ultime chapitre. Cet effort comporte néanmoins deux limites dont nous avons

pleinement conscience : l’exhaustivité et la bonne formulation des conclusions. Enfin, la

recherche, de nature exploratoire, ne se risque pas à intégrer ces propositions dans un modèle

global ; certaines articulations pouvant être sujettes à caution.

365

CONCLUSION GENERALE

366

L’étude des modalités et du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes

françaises est un phénomène récent qui, jusqu’à présent, a plus suscité l’intérêt des experts

français et européens de la sous-traitance que celui des chercheurs en Sciences de Gestion. Ce

déficit de travaux académiques ainsi que la complexité et l’évolution de la relation de sous-

traitance au cours des dernières décennies ont contribué à l’adoption d’une démarche

méthodologique spécifique. La recherche aboutit alors à la formulation de propositions

théoriques et fait état de plusieurs contributions. Néanmoins, le travail réalisé n’est pas

exempt d’imperfections qu’il convient de limiter par de futurs prolongements les prenant en

considération.

Afin de mieux comprendre comment s’internationalisent les PMI sous-traitantes, la recherche

a débuté par une phase exploratoire à la fois théorique et empirique : l’exploration théorique

visant à opérer un lien entre les théories de la sous-traitance industrielle et celles de

l’internationalisation des PME/PMI a été menée simultanément à l’exploration empirique

dont l’objet était de mieux appréhender la réalité de l’internationalisation des PMI sous-

traitantes. Les principaux résultats de cette phase exploratoire ont débouché sur l’expression

plus précise de la problématique à l’aide de quatre questions de recherche :

- Quelles sont les modalités d’exportation mises en œuvre par les PMI sous-traitantes ?

- Comment s’agencent ces modalités au cours du processus d’internationalisation ?

- Quelles sont les variables qui influencent le choix d’une modalité d’exportation ?

- Quel rôle jouent les différents acteurs intervenus au cours du processus

d’internationalisation de la PMI sous-traitante ?

La description des modalités d’exportation empruntées et l’évolution du processus

d’internationalisation dans le temps sont au cœur de la problématique. En conséquence, son

traitement a requis l’imbrication des deux approches sur le contenu et sur le processus du

phénomène étudié. Cette orientation vers une double analyse en termes de « stock », puis de

« flux » de l’internationalisation des PMI sous-traitantes a favorisé une démarche

méthodologique mixte reliant séquentiellement deux phases : 1/ une phase descriptive des

367

PMI sous-traitantes françaises selon leurs modalités d’exportation via la mobilisation d’une

enquête par questionnaire et 2/ une phase d’approfondissement par l’étude de huit cas.

Les analyses de données statistiques, réalisées à partir de cent trois questionnaires dûment

remplis, ont offert une photographie précise des modalités d’exportation qui composent le

processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises et de la nature des

ressources externes obtenues via les réseaux d’affaires et institutionnels dont ces entreprises

ont pu bénéficier. Cet état de lieux a mis en exergue le rôle des réseaux d’affaires et, plus

particulièrement, des donneurs d’ordres dans le processus d’internationalisation de cette

population d’entreprises. A partir d’une analyse typologique, les sous-traitants observés ont

été regroupés en quatre catégories selon les modalités d’exportation qu’ils ont ou non

privilégiées : « les moins soutenus », « les suiveurs des clients domestiques », « les plus

soutenus » et « les solliciteurs du réseau institutionnel ».

Néanmoins, la nature statique et extensive de l’instrument de collecte n’a pas permis

d’appréhender l’ordonnancement du processus d’internationalisation dans le temps ni les

facteurs d’influence du choix des modalités d’exportation.

Ce sont les études de cas qui, par leur nature intensive et contextuelle, ont permis de

consolider les résultats de l’enquête par questionnaire et de capturer la dynamique de

structuration du processus d’internationalisation des PMI sous-traitantes. L’analyse

transversale des huit cas a ainsi révélé que le choix des modalités d’exportation tout au long

du processus d’internationalisation était influencé par la combinaison de trois facteurs :

l’origine du stimulus ayant déclenché la décision d’exporter, l’intensité du soutien à

l’exportation émanant du réseau d’affaires de l’entreprise et l’engagement des ressources en

interne au cours des phases. Deux scénarios d’évolution du processus distincts apparaissent

alors. Dans le premier, l’origine du stimulus à l’exportation interne favorise la mobilisation

rapide et intensive de ressources internes au détriment des ressources externes. Dans ce

scénario, le processus d’internationalisation suit un modèle « par convergence » qui

s’accompagne d’un taux d’exportation élevé. A l’inverse, dans le second scénario, l’origine

externe du stimulus à l’exportation (exportation dans le sillage d’un donneur d’ordres ou

commande spontanée) entraîne un comportement passif de la part des dirigeants des PMI

sous-traitantes, moins enclins à investir dans le développement international de leur

entreprise. Les taux d’exportation atteints sont alors nettement plus faibles et le déroulement

368

du processus d’internationalisation est « itératif » puisqu’il mêle, selon les cas, évolution

séquentielle et déroulement anarchique.

Une des principales originalités de la recherche engagée réside sans doute dans son projet.

Jusqu’à présent, aucune recherche ne s’est consacrée exclusivement à la compréhension du

développement international des PMI sous-traitantes en soulignant la nature spécifique de la

relation de sous-traitance et en appréhendant l’internationalisation simultanément comme un

état et un processus.

Les contributions de ce travail se situent à la fois au niveau théorique, méthodologique et

managérial.

Au niveau conceptuel, l’exploration théorique, appuyée d’un terrain exploratoire, a permis la

mise en relation entre les concepts de sous-traitance industrielle et d’internationalisation. Elle

a facilité l’identification des caractéristiques de la sous-traitance internationale dans les pays

industrialisés par rapport aux autres formes de relations inter-entreprises.

En raison de la nature hybride, risquée et évolutive de la relation de sous-traitance, le rôle du

réseau de donneurs d’ordres dans le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante a

été privilégié. Une autre forme de portage à l’exportation, plus informelle que celles décrites

dans la littérature, a ainsi pu être identifiée.

Toutefois, cette mise en lumière ne s’est pas faite au détriment de la place centrale du

dirigeant dans le processus décisionnel des entreprises étudiées.

Les fondements théoriques mobilisés par la recherche relèvent ainsi de deux approches,

souvent empruntées séparément dans les recherches : la théorie séquentielle de

l’internationalisation des PME/PMI et la théorie des réseaux. Plus précisément, la recherche

s’est appuyée sur quatre modèles d’internationalisation : 1/ le modèle « Uppsala » (Johanson

et Vahlne, 1977) qui décline le développement à l’export selon des modes d’engagement

successifs et incrémentaux à l’étranger, 2/ le modèle « Innovation » du processus

d’internationalisation (Bilkey et Tesar, 1977 ; Cavusgil, 1980 ; Crick, 1995, etc.) qui

considère l’exportation comme une innovation au sein de la PME/PMI, 3/ le modèle intégré

369

de la décision d’exporter en PME/PMI (Roux, 1986 et 1991) qui examine les stimuli

susceptibles d’attirer l’attention du dirigeant sur l’existence d’opportunités à exporter et 4/ le

modèle fondateur de l’internationalisation selon l’approche réseau (Johanson et Mattsson,

1986 et 1988) qui envisage le mode d’internationalisation de l’entreprise comme un processus

en réseau.

Les conclusions de la recherche prônent une approche holistique de l’étude de

l’internationalisation des PMI sous-traitantes ; seule la combinaison des approches

béhavioriste et réseau étant en mesure d’offrir un cadre d’analyse suffisamment complet pour

rendre compte de la complexité du processus d’internationalisation des entreprises étudiées.

Elles viennent compléter les contributions des travaux dont l’objet est l’aménagement ou

l’enrichissement d’un modèle existant (Madsen, 1994 ; Bell, 1995 ; Coviello et al., 1997 et

1999 ; Laine et Kock, 2000).

Plus généralement, la recherche a contribué au champ de la compréhension des modalités

d’exportation et du processus d’internationalisation des PMI, les entreprises de sous-traitance

industrielle représentant, en 2002, plus d’un tiers (35,6 %) des entreprises françaises de moins

de 500 salariés (SESSI, 2003).

Au niveau méthodologique, les contributions de la recherche résident dans l’utilisation mixte

et séquentielle des méthodes d’investigation.

Ce choix méthodologique a été motivé par l’objet de recherche dont le projet était la

compréhension du phénomène d’internationalisation des PMI sous-traitantes françaises à

travers ses deux dimensions statique et dynamique. L’enquête par questionnaire a alors

permis d’identifier les modalités d’exportation principalement empruntées tandis que

l’évolution du processus d’internationalisation a été pu être capturée grâce aux études de cas.

En conséquence, le bénéfice principal de ce dispositif de recherche a résidé plus dans

l’enrichissement mutuel des méthodes quantitative et qualitative que dans la validation

convergente des résultats obtenus selon ces différentes méthodes. L’utilisation séquentielle

des méthodes a, pour sa part, permis que les résultats de la première méthode permettent

l’usage de la suivante. C’est ainsi que la sélection des huit cas exemplaires de l’étude

qualitative a été rendue possible.

370

En résumé, de nombreux bénéfices de l’étude multi-méthodes pour cette recherche de nature

éminemment exploratoire peuvent être recensés, parmi lesquels :

- l’approfondissement des connaissances sur le phénomène étudié grâce à une approche

intégrative du contenu et du processus de l’internationalisation ;

- la possibilité d’étudier un grand nombre de variables très différentes et issues de champs

théoriques distincts, en privilégiant leur traitement quantitatif et/ou qualitatif selon les

cas ;

- la mise à jour de résultats inattendus qui ont conduit à privilégier la complémentarité des

deux principales grilles de lecture de l’internationalisation des PMI ;

- la plus grande fiabilité dans les résultats ;

- la complémentarité de la sécurité d’une généralisation des résultats obtenue grâce à la

méthode statistique et de la profondeur analytique permise par l’étude qualitative.

Finalement, des conclusions théoriques de la recherche – obtenues grâce à une démarche

méthodologique mixte – découlent des apports pratiques qui se traduisent principalement en

termes d’accompagnement de la PMI sous-traitante au cours de son processus

d’internationalisation. Dans un contexte de lutte concurrentielle internationale, exacerbée par

l’élargissement récent de l’Union Européenne à vingt-cinq Etats membres, les résultats de la

recherche ont des fins d’amélioration de la performance, voire de pérennité, des entreprises

étudiées.

Par sa portée analytique, la recherche contribue à enrichir les enquêtes d’experts existantes.

Elle souligne la dichotomie entre l’attitude passive des PMI sous-traitantes assistées à

l’exportation par leur réseau de donneurs d’ordres et la démarche active mise en œuvre par

celles qui s’internationalisent de manière autonome. En outre, elle note le rôle plus réduit du

réseau institutionnel par rapport à celui des donneurs d’ordres et l’exclusion de ces deux

réseaux d’accompagnement tout au long du processus d’internationalisation de la PMI sous-

traitante. Les propositions d’actions qui découlent de la recherche engagée tendent à remédier

à ces limites.

Il s’agit, tout d’abord, d’aider les PMI sous-traitantes, les donneurs d’ordres de dimension

internationale localisés en France, mais aussi les organismes institutionnels, à reconnaître le

portage informel des donneurs d’ordres domestiques comme une véritable modalité

d’internationalisation, et non uniquement comme un moyen de renforcement des relations de

371

sous-traitance. Ce mode d’internationalisation comporte un fort potentiel

d’internationalisation trop peu exploité par les PMI sous-traitantes françaises, y compris par

celles qui y ont recours. Il facilite et accélère le démarrage du processus d’internationalisation,

et favorise l’expansion vers les marchés géographiquement et culturellement éloignés. Cette

proposition implique alors d’informer, d’aider et de motiver les dirigeants des PMI sous-

traitantes afin qu’ils définissent le plus rapidement possible une stratégie, même

approximative, d’internationalisation.

A ce niveau, le réseau institutionnel peut jouer un rôle primordial. En plus du soutien à la

prospection de clients étrangers, il peut assurer la promotion de cette formule de portage tant

auprès des sous-traitants que des donneurs d’ordres. Au niveau régional, des cellules de

coordination et de pilotage permettraient de recenser les entreprises candidates au portage,

tant comme porteur que comme porté, et faciliter ainsi leur mise en relation.

Cette formule de portage intervient généralement alors que la relation de sous-traitance s’est

instaurée : elle s’opère de façon naturelle à l’initiative des entreprises qui y trouvent chacune

leur intérêt. Dans ces conditions, il serait préférable que la PMI sous-traitante soit déjà

sensibilisée à l’opportunité d’exportation pour tirer pleinement profit du portage, voire

l’initier et ainsi intervenir dans le choix du porteur. L’acquisition de compétences à l’export

s’avère primordiale. Or, la recherche a montré que le recrutement de personnels spécialisés à

l’exportation constituait un investissement trop lourd pour la plupart des PMI sous-traitantes.

Une solution consisterait à encourager la mise à disposition de cadres des grands donneurs

d’ordres dans les PMI sous-traitantes pour des missions de longue durée et permettre ainsi le

transfert de l’expérience internationale qu’ils ont acquise. Ce détachement de cadres, rare en

France, est couramment pratiqué aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne. Une telle solution

supposerait alors que les donneurs d’ordres soient pleinement conscients de leur rôle dans

l’internationalisation des PMI et de leur intérêt de renforcer les liens qu’ils entretiennent avec

leurs partenaires les plus performants. Son développement ne peut alors s’envisager en dehors

de l’établissement de relations contractuelles plus partenariales s’inscrivant dans la durée et

reposant sur la confiance. Ce qui est loin d’être la règle dans le cas des PMI sous-traitantes…

Ces deux préconisations ne sont pas incompatibles. Mais leur efficacité suppose une

coordination effective des deux réseaux d’acteurs concernés : les organismes institutionnels et

les donneurs d’ordres. Enfin, le développement à l’international des PMI sous-traitantes, à

372

l’instar des autres PMI, ne pourra se faire sans une évolution notable des mentalités en faveur

d’une reconnaissance accrue de la valeur des conseils et du soutien dispensés à l’extérieur de

l’entreprise. A ce moment seulement, les dirigeants de PMI seront en mesure de gérer le

positionnement de leur entreprise au sein de ses différents réseaux relationnels et d’exploiter

la manne de ressources externes qu’ils représentent.

Cette recherche comporte aussi plusieurs limites qu’il convient de connaître pour apprécier les

pistes de recherches futures qu’elle recèle.

« Le problème du choix des individus et des organisations à inclure ainsi que celui des

frontières est un point délicat de l’analyse des réseaux. En effet, les réseaux ne possèdent que

trop rarement des frontières naturelles qui s’imposent d’elles-mêmes au chercheur. »

(Thiétart et al., 1999 : 406). La plupart des faiblesses théoriques recensées ont trait à cette

difficulté.

La recherche s’est fixée un champ d’investigation limité à l’étude des réseaux de donneurs

d’ordres et des organismes institutionnels. Centrée sur l’internationalisation des PMI sous-

traitante, elle a privilégié le point de vue du dirigeant de l’entreprise sous-traitante au

détriment de celui des donneurs d’ordres et, dans une moindre mesure, celui des organismes

institutionnels (des représentants de divers organismes ayant été interrogés lors de l’étude

exploratoire). Les mobiles qui sous-tendent la décision de tirer un sous-traitant à l’étranger,

les critères de choix du porté, mais aussi la force et la nature des liens entre les partenaires,

n’ont pas été étudiés. Idéalement, la recherche aurait mérité que les principaux acteurs

intervenus dans le processus d’internationalisation de l’entreprise focale soient interrogés. La

lourdeur d’une telle investigation, ainsi que les freins liés à la confidentialité, suffit à

comprendre la restriction opérée.

Toutefois, un prolongement de la recherche serait certainement de réaliser des entretiens en

profondeur avec les acteurs clefs du centre d’achat de donneurs d’ordres coutumiers du

portage informel des sous-traitants à l’étranger.

A l’identique, les clients donneurs d’ordres étrangers de la PMI sous-traitante n’ont pas été

étudiés directement. Les informations obtenues sur les conditions d’échange, la nature et

l’évolution de la relation de sous-traitance internationale (STI) ont été uniquement fournies

373

par le sous-traitant. L’étude des relations de STI et de leur spécificité par rapport aux relations

de sous-traitance domestiques demeure incomplète.

A l’avenir, l’étude en profondeur de la relation de STI serait une piste intéressante en vue de

compléter la recherche engagée et, plus largement, d’enrichir les travaux sur la relation client-

fournisseur.

Enfin, l’analyse des réseaux s’est focalisée sur les réseaux organisationnels. Cette orientation

a été dictée au chercheur par les résultats de l’étude exploratoire, confrontés à l’exploration

empirique ; ces derniers ayant mis en exergue le rôle prépondérant des donneurs d’ordres dans

le processus d’internationalisation de la PMI sous-traitante.

Compte tenu du rôle primordial du dirigeant tout au long du processus d’internationalisation,

il conviendrait de s’intéresser aux réseaux sociaux de ce dernier.

Les recherches futures devraient approfondir la connaissance du processus

d’internationalisation des PMI sous-traitantes au sein d’un réseau au périmètre plus large.

Seraient interviewés des acheteurs de donneurs d’ordres pratiquant le portage, tel qu’il a été

observé, des acheteurs des clients donneurs d’ordres étrangers et les individus avec lesquels le

dirigeant entretient des relations personnelles.

La méthodologie mise en œuvre visait à appréhender le processus d’internationalisation de la

PMI sous-traitante à partir du discours des dirigeants. Il s’agissait de faire appel à leur

mémoire avec le risque de voir les informations déformées au regard de ce qui s’est

réellement passé, voire de ne pas obtenir d’informations du tout pour les années antérieures au

rachat de l’entreprise par l’actuel dirigeant.

La partie empirique de cette recherche comporte également des limites.

En l’absence d’une liste exhaustive des PMI sous-traitantes engagées à l’international,

l’échantillon de l’enquête par questionnaire a été déterminé selon la procédure

d’échantillonnage par jugement basée sur un recensement. De plus, bien que le taux de retour

obtenu ait été satisfaisant et le nombre de 103 répondants suffisant pour réaliser l’analyse

typologique, le nombre de questionnaires analysés n’a pas toujours permis l’émergence de

liens d’association statistiques.

Les données collectées par chaque étude de cas se réduisent à un entretien en profondeur du

dirigeant, généralement téléphonique. Dans ces conditions, la triangulation des outils de

374

collecte de données qualitatives est restée à un état embryonnaire (quelques plaquettes et sites

internet visualisés). De surcroît, seule la perception des dirigeants a été prise en compte.

L’éloignement géographique des entreprises étudiées a restreint les rencontres en face à face

et, par conséquent, la possibilité d’interviewer les autres acteurs internes participant à

l’internationalisation de l’entreprise auxquels il conviendrait d’ajouter les agents

commerciaux de la PMI sous-traitante chargés de prospecter sur les marchés étrangers.

Finalement, la recherche s’inscrit dans une logique abductive. Elle se situe au début de la

boucle récursive de construction de la connaissance (David, 2001). En conséquence, les

résultats de notre investigation empirique sont des propositions théoriques qui demandent à

être non seulement confirmées ou infirmées, mais aussi calibrées par des travaux ultérieurs.

L’ensemble des limites et des principales pistes de recherche mentionnées montrent l’intérêt

de prolonger le présent travail. Toutefois, l’objectif de la thèse aura été atteint si, à défaut de

résoudre l’intégralité des problèmes abordés, elle a modestement contribué à enrichir les

travaux sur l’internationalisation des PMI et à favoriser l’accès et le développement des PMI

sous-traitantes à l’étranger.

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