mission xyt wor 1ère partie

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Préambule Ce document est la première partie d’une histoire de science-fiction que je suis en train d’écrire. Si par hasard, quelqu’un viendrait à le télécharger et à le lire, je serais ravi d’en recevoir un commentaire par courrier électronique à l’adresse suivante : [email protected] Toute critique constructive sera appréciée. D’avance, mes plus sincères remerciements. I PREMIER CONTACT

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Préambule

Ce document est la première partie d’une histoire de science-fiction que je suis en train d’écrire. Si par hasard, quelqu’un viendrait à le télécharger et à le lire, je serais ravi d’en recevoir un commentaire par courrier électronique à l’adresse suivante :

[email protected]

Toute critique constructive sera appréciée. D’avance, mes plus sincères remerciements.

I

PREMIER CONTACT

Voilà trois mois déjà que le Kenya était ravagé par une guerre civile opposant les Kikuyus et les Iuos, deux des principales ethnies du pays qui se battaient pour le pouvoir dans l’ouest du pays. Les détournements de convois, ainsi que les sabotages des voies de communications avaient rendu impossible l’arrivée de l’aide humanitaire, et la famine sévissait dans une bonne

partie du pays. Le gouvernement avait mobilisé l’armée régulière afin de mettre un terme aux hostilités, mais il s’était heurté à un problème de taille : les troupes gouvernementales étaient composées en grande partie par des hommes issus de ces deux ethnies. La majorité d’entre eux avaient déserté pour rejoindre les leurs, et n’avaient fait que grossir les rangs des combattants de ce conflit. En désespoir de cause, le président de la République avait fait appel à l’O.N.U. pour l’aider à rétablir la paix dans le pays. Le Conseil de Sécurité avait constitué d’urgence une commission chargée d’élaborer un plan afin d’éviter la catastrophe. Le lundi 14 mai, à 8 heures 10, le troisième jour de réunions venait de commencer et les membres de la commission étaient réunis devant le poste de télévision pour regarder les informations afin de se tenir au courant des derniers évènements en provenance du Kenya. Soudain, un message apparut en anglais, en français, en espagnol, en russe et en chinois, les cinq langues officielles de l’Organisation des Nations Unies. :

VOTRE ATTENTION, S’IL VOUS PLAIT. NOUS AVONS DES INFORMATIONS DE LA PLUS HAUTE IMPORTANCE À VOUS COMMUNIQUER.

Ils se regardèrent en silence. Puis, un autre message remplaça le premier :

NOUS ALLONS PASSER EN MODE AUDIO-VISUEL ET VOUS PRIONS DE VOUS TENIR PRETS. GARDEZ VOTRE CALME.

* * * * *Tranklor le worglak, et Swyloz le xytron étaient sidérés par ce qu’ils venaient d’apprendre,

tant la chose était inconcevable. C’était la guerre entre leurs deux planètes. Lorsque la nouvelle leur avait été transmise par le commandement militaire de Worglak, ils avaient immédiatement pensé qu’il s’agissait d’une blague d’un goût douteux qu’une recrue avait imaginée dans l’ennui d’un tour de garde. Ils n’avaient commencé à y croire que lorsqu’ils avaient reçu le communiqué du ministère des forces armées de Xytron leur confirmant la chose en donnant de plus amples informations sur ce qui s’était passé :

Le commandant en chef de l’armée de Worglak ayant atteint la limite d’âge, on l’avait remplacé par un officier dont la première action avait été de renverser le gouvernement en qualifiant ses membres de « larves minables totalement dépourvues d’ambition ».

Tout cela dépassait l’entendement, tant les worglaks vénéraient la discipline, l’ordre et le respect de leurs institutions. De plus, leur souci du bien commun était si exacerbé qu’ils en avaient pratiquement perdu leur individualité.

Ensuite, cet officier assoiffé de pouvoir avait déclaré la guerre à Xytron. Ça aussi, c’était inimaginable. En effet, xytrons et worglaks vivaient en parfaite collaboration. Certes, il y avait bien, de temps en temps, un petit différend, une divergence d’opinions ou une légère mésentente, mais jamais rien qui ne puisse être résolu en discutant tranquillement.

Tranklor et Swyloz s’étaient connus à l’Académie XytWor des Sciences de l’Espace, sur Nellem, une planète que xytrons et worglaks avaient colonisée ensemble. Ils s’étaient tout de suite liés d’amitié et, en peu de temps, ils étaient devenus inséparables. Ils étaient les élèves les plus brillants de leur promotion. Ce fut donc sans l’ombre d’une hésitation qu’on les affecta à la mission qu’ils effectuaient en ce moment, c’est-à-dire, obtenir, analyser et classer un maximum de renseignements sur une planète en vue de sa colonisation, puis revenir sur Nellem pour les exposer et les commenter.

Il s’agissait de la première mission XytWor sur cette planète. Les deux précédentes avaient été faites l’une par Xytron et l’autre par Worglak, il y avait bien longtemps. Il fallait donc tout reprendre à zéro, ce qui promettait d’être plutôt long

Une fois remis du choc causé par la nouvelle, Swyloz et Tranklor analysèrent la situation afin de prendre une décision sur ce qu’ils allaient faire. Tout d’abord, il était clair qu’ils n’allaient pas participer à un conflit aussi absurde, d’autant plus qu’ils avaient toutes les chances de se retrouver face à face. Ils avaient bien chacun sa famille, mais, de là où ils étaient, ils ne pouvaient pas faire grand chose pour les leurs. D’un autre côté, ils n’allaient pas rester les bras croisés en attendant bêtement que les choses se passent. Par contre, il y avait gros à parier que cette planète qu’ils observaient depuis un bon moment risquait de s’en prendre plein les dents le jour où on estimerait qu’elle occupait une position stratégique. Ils en arrivèrent à la conclusion que la seule chose qu’ils avaient à faire était d’aider ce monde. Oui, mais comment ? Depuis le temps qu’ils étaient là, ils avaient pu réunir une quantité appréciable d’informations sur cette planète appelée « Terre », dont l’espèce dominante était l'être humain. Les hommes (c'était également ainsi qu'ils s'appelaient) n’étaient pas tout à fait primitifs puisqu’ils avaient découvert des choses comme la fission des atomes, le génie génétique ou la physique quantique. Ils avaient également commencé les voyages spatiaux, avaient envoyé des sondes pour explorer leur système stellaire et mis sur orbite une grande quantité de satellites pour toutes sortes d’utilisations. Par contre, politiquement et socialement, c’était le chaos. Il n’y avait pas qu’un gouvernement, il y en avait des dizaines, ce qui provoquait des inégalités monstrueuses. Même chose pour le parler. Il existait des milliers de langues et de dialectes. Il ne devait pas être facile de communiquer.

Ce fut en abordant ce thème que les deux explorateurs se rendirent compte que c’était par là qu’il fallait commencer : Entrer en contact avec les humains.

Qui ? Comment ? Quoi ? Quand ? C’étaient les questions auxquelles il fallait répondre pour mener à bien cette première phase.

Tout d’abord, « qui ? ». Il y avait, sur terre, un certain nombre d'organisations s’intéressant aux extraterrestres, mais toutes manquaient de crédibilité. Les gouvernements, quant à eux,

étaient beaucoup trop nombreux. Il était trop difficile de savoir lequel choisir, trop hasardeux de n’en contacter qu’un et impossible de se mettre en rapport avec tous. Ce fut alors qu’ils se souvinrent de cette institution : l’Organisation des Nations Unies. La plupart des pays en faisaient partie, et c’était là qu’on traitait des grands problèmes planétaires. Cette organisation était divisée en sections, selon le genre d’affaires à traiter. Celle qui leur parut la plus appropriée était le Conseil de Sécurité.

Ensuite, « comment ?». Ça, c’était relativement simple. Le Conseil de Sécurité était relié à un satellite de communications. Il leur était facile de l’utiliser pour les transmissions.

Quant à « quoi ? », qu’allaient-ils leur dire ? En premier lieu, ils allaient devoir les convaincre qu’ils étaient réellement des extraterrestres, ce qui n’allait pas être facile ; ensuite, leur faire savoir que leur planète était menacée d'invasion; enfin, qu’ils venaient pour les aider à se défendre. Après ça, on verrait...

Enfin, « quand ? ». Le plus vite possible !

* * * * *Après une minute d’un silence pendant laquelle, dans une atmosphère un peu tendue, les

conseillers s’imaginèrent qu’il s’agissait d’évènements de dernière minute qui avaient fait changer la situation au Kenya. Leurs visages affichèrent des expressions de surprise, d’incrédulité et de perplexité lorsque leurs regards affrontèrent l’image émise par l’écran géant.

Il y avait là deux êtres qui semblaient sortis tout droit d’un film de George Lucas. L’un avait une peau ressemblant à un serpent, de teint brun clair avec des reflets d’un gris métallique. Il avait deux grands yeux noirs et un troisième oeil rond et rouge foncé sur le front. Il semblait porter un casque, ou plutôt son crâne avait l’air d’être un casque. Sa bouche était dépourvue de lèvres et il ne semblait pas posséder d’appendice nasal. Il dégageait une impression de puissance. Quant à son acolyte, il paraissait plutôt chétif. Sa peau violette et luisante semblait faite d’une matière synthétique. Son crâne chauve et brillant était démesurément grand. Il avait deux petits yeux gris étincelants, deux petits trous en guise de nez. Sa bouche et son menton étaient minuscules. Son appareil auditif consistait en un petit orifice de chaque côté du crâne.

Le silence fut brisé par une voix nasillarde, métallique et impersonnelle :- Tout d’abord, permettez-nous de nous présenter.

L’être à la peau de serpent apparut en gros plan.- Mon nom est Tranklor et je viens d’une planète que nous appelons Worglak.

Puis ce fut au tour de son compagnon d’apparaître à l’écran.- Je m'appelle Swyloz et suis originaire de Xytron.

L’image revint sur les deux êtres, et la voix reprit :- Nous sommes entrés en contact avec vous pour vous informer qu’une menace d’invasion pèse sur votre planète et pour vous offrir notre aide.

Un des conseillers s’écria :- Mais qu’est-ce que c’est que cette farce ! ?

La voix répondit :- Il ne s’agit nullement d’une farce. Ceci est tout à fait sérieux. - Et qu’est-ce qui nous prouve, reprit le conseiller, que vous êtes des extraterrestres ?- Nous avions prévu votre méfiance, dit la voix. Votre réaction est parfaitement logique et naturelle. Nous allons vous fournir la preuve que nous disons la vérité. Nous nous trouvons sur la face cachée de la Lune. Il y a trois mois que nous y sommes. Voici ce que nous vous proposons : Dans exactement vingt minutes, nous allons nous placer au centre de la partie visible de la Lune et nous allons parcourir la moitié de la distance qui nous sépare de votre planète. De votre côté, vous allez prendre contact avec un observatoire astronomique pour qu’il vérifie et vous confirme ce que nous vous avons dit. Nous vous rappellerons dès que ce sera fait.

Par chance, un des conseillers était un passionné d’astronomie. Il s'adressa aux extraterrestres:- Cela ne sera pas nécessaire, j'ai un télescope dans ma voiture. Il me suffira d'aller me poster sur le toit de l'immeuble pour observer.- Dans ce cas, nous nous approcherons un peu plus et nous émettrons des signaux lumineux de plusieurs couleurs, afin que vous puissiez nous identifier. Vingt minutes plus tard, tout était confirmé et les extra-terrestres reprirent contact, comme ils l’avaient dit :- Etes-vous convaincus ?- Oui, répondit un des hommes. Mais comment pouvons-nous savoir que vos intentions ne sont pas belliqueuses ?- C’est simple, rétorqua la voix. Si nous avions voulu vous détruire, nous l’aurions déjà fait. Et si nous voulions vous envahir, nous n’aurions pas pris la peine d’entrer en contact avec vous. Nous vous assurons que nos intentions sont pacifiques. Et le danger qui vous guette est bien réel. Maintenant, c’est à vous de décider. Si vous ne voulez pas de notre aide, nous partirons.

Un des hommes intervint :- Messieurs, je ne crois pas que ce soit à nous de prendre une telle décision.-Tout à fait d’accord, acquiesça un autre conseiller. Je pense qu’il faut en référer immédiatement au Secrétaire Général. Il faut lui téléphoner et lui demander de venir d’urgence, mais sans lui dire exactement de quoi il s’agit.

Une demi-heure plus tard, Pavel Holecek, le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies se trouvait dans la salle de réunions de la commission Kenya où il fut mis au courant de la situation. Il s’entretint avec les extraterrestres qui lui parlèrent de leur mission et lui résumèrent les évènements qui les avaient poussés à prendre la décision d’aider les terriens.

Après un moment de réflexion, Pavel Holecek leur demanda :

- Ne pensez-vous pas que votre conflit puisse retarder la colonisation de la Terre ?- C’est difficile à dire. Ça pourrait, au contraire, la précipiter si, à un moment donné, on en venait à considérer votre planète comme un endroit stratégique.- Je vois. Et de quelle manière comptez-vous nous aider ?- Dans un premier temps, nous allons vous faire bénéficier de notre technologie et de nos connaissances. Ensuite, cela dépendra de vos capacités, de votre collaboration et de l’évolution de la situation.-Bon, je crois que nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter votre proposition. Vous est-il possible de venir sur la Terre sans vous faire remarquer ?- Sans aucun doute.- Bien. Il nous faut donc convenir d’un endroit à l’abri des regards indiscrets pour que nous puissions nous rencontrer. De quel type de terrain avez-vous besoin pour vous poser ?- Nous pouvons nous poser sur n’importe quel type de surface plus ou moins égale. Il nous faut un espace de quinze mètres de longueur et de douze mètres de largeur.- J’ai ce qu’il nous faut ! lança Philip Gardner, le membre étasunien de la commission. Je possède une propriété en Pennsylvanie. Elle est isolée de tout, dans une vaste clairière au milieu d’une grande forêt, et la maison est assez grande pour accueillir une vingtaine de personnes.- Mais c’est absolument génial ! s’exclama le Secrétaire Général. Vous êtes sûr que cela ne vous pose aucun problème ?- Pas le moindre, soyez tranquille.

Pavel Holecek s’adressa aux extraterrestres :- Comment pouvons-nous vous indiquer cet endroit ?- Donnez-nous sa longitude et sa latitude et nous le trouverons.- Parfait. Nous vous transmettrons ces coordonnées demain matin à huit heures trente, c’est-à-dire dans 24 heures. Cela vous semble-t-il bien ?- Tout à fait.Les extraterrestres disparurent, puis le Secrétaire Général s’adressa aux membres de la commission Kenya - Mesdames, Messieurs, Nous venons de vivre un moment historique, et nous avons tous étés assez éprouvés par ce qui vient de se passer. Cependant, je crois qu’il est d’une importance capitale de n’en rien révéler à personne. La raison principale en est simple : mettez-vous à la place de la personne à qui vous en parleriez. Moi-même, j’ai encore du mal à croire à ce que j’ai vu. Je compte donc sur votre discrétion. De toute façon, nous n’allons pas garder le secret bien longtemps. Il faut que l’humanité soit tenue au courant. Mais, je ne veux pas que cela se fasse n’importe comment. Bien, maintenant, je pars reconnaître et préparer le terrain où nous allons recevoir nos invités. Je vous donnerai des nouvelles à mon retour. Merci à tous. Allons-y Philip.

Il prit l’américain par le bras et l’emmena avec lui.

* * * * *

Pavel Holecek était un homme qui en avait déjà pas mal vu. Tchécoslovaque, il était né à Prague, de parents ouvriers. Enfant, il avait vécu l’invasion des chars soviétiques lors du Printemps de Prague. Il avait passé sa jeunesse sous le joug communiste. Il avait participé à la liesse populaire lors de l’effondrement de l’Union Soviétique. Proche de Vaclav Havel, il était de ceux qui avaient fait renaître la démocratie dans son pays. Plus tard, il fut choisi pour représenter la République Tchèque à l'O.N.U. Il avait quarante-huit ans lorsqu’il accéda au poste de Secrétaire Général des Nations Unies. C’était également un sportif accompli. Il avait longtemps pratiqué le hockey sur glace, le football, et l’alpinisme. Maintenant qu’il avait atteint la cinquantaine, il chaussait encore les skis, faisait de la natation et du tennis à chaque fois que son emploi du temps surchargé lui en donnait le loisir. De plus, c’était un redoutable joueur d’échecs. Physiquement, il était plutôt bel homme. Grand, il mesurait un mètre quatre-vingt-dix, et il était large d’épaules. Ses cheveux, maintenant grisonnants, étaient coupés courts. Ses yeux étaient d’un bleu si intense que, lorsqu’il vous regardait, il vous donnait l’impression de pouvoir pénétrer au plus profond de votre âme. Sa bouche était sensuelle et la voix qui en sortait était grave et chaleureuse. Son menton énergique était comme partagé par une fossette.

* * * * *

L’entretien terminé, Tranklor et Swyloz s’informèrent de l’évolution de la situation dans la guerre qui opposait leurs deux planètes. Le commandement militaire de Worglak avait envoyé un message ordonnant à tous ses vaisseaux de se rendre immédiatement sur la planète afin d’y recevoir leurs ordres. Le ministère des forces armées de Xytron en avait fait de même. Que se serait-il passé si les deux amis étaient retournés sur Nellem ? Ou, plutôt, qu’aurait-on fait de leur appareil ? En effet, c’était un engin XytWor, c’est-à-dire qu’il avait été conçu et fabriqué conjointement par les deux planètes qui l’avaient doté des technologies les plus sophistiquées.

Les deux explorateurs ne furent pas surpris d’apprendre que c’était justement sur Nellem que les hostilités faisaient le plus de dégâts. Tout ou presque y avait été détruit et tout le monde quittait la planète. Ils furent pris d’une grande tristesse en pensant à tout cela. L’Académie des Sciences de l’Espace, où ils s’étaient connus et où ils avaient tout appris, n’existait plus. C’était comme si toute une partie de leur passé avait disparu. C’est sur cette pensée qu’ils décidèrent d’aller prendre un peu de repos.

II

SUR TERRE

Un peu plus de deux heures après avoir quitté le siège de l’O.N.U., Pavel Holecek et Philip Gardner arrivèrent à la propriété de ce dernier. En effet, l’endroit était parfait. Les voisins les plus proches se trouvaient à une quinzaine de kilomètres. Le domaine était entouré par les bois et la seule route d’accès n’était qu’un sentier forestier où seul un bon 4x4 pouvait s’aventurer. La maison était spacieuse et confortable. Elle se trouvait au milieu d’une clairière d’environ trois hectares.- C’est absolument magnifique, ici ! s’exclama Pavel. Je vous envie, Phil. Si un, jour, vous voulez vous en débarrasser, je suis preneur. Je vous suis infiniment reconnaissant de mettre cette propriété à notre disposition.- Je vous en prie, Monsieur le Secrétaire Général, au contraire, tout le plaisir est pour moi.- Pas de ça entre nous, Phil. Je m’appelle Pavel, et pas Monsieur le Secrétaire Général, fit le tchèque en souriant.- Je tâcherai de m‘en souvenir.- Je l’espère bien. Bon, il nous faut repartir. Il reste encore des choses à mettre au point avant notre rendez-vous.

Les deux hommes s’engouffrèrent dans l’hélicoptère et Pavel jeta un coup d’oeil sur le GPS de bord afin de relever les coordonnées du site avant le décollage. Le voyage de re-tour se passa en silence. Le Secrétaire Général commençait à réaliser l’ampleur de la responsabilité qu’il avait à assumer. Il ne s’agissait rien moins que du sort de l’humanité.

Le lendemain matin, mardi, il arriva à son bureau à sept heures. Il avait les traits tirés, n’ayant pas réussi à trouver le sommeil. Il avait pourtant pris des somnifères, chose qu’il ne faisait

pratiquement jamais, mais ils ne lui avaient été d’aucun secours. Il se servit une grande tasse d’un café bien fort, laissa une note au Sous-secrétaire, lui indiquant qu’il devait s’absenter pour des raisons familiales d’extrême importance, et le priant de le remplacer jusqu’à son retour. Ensuite, il se rendit à la salle de réunions de la commission Kenya. Il alluma la télévision pour regarder les informations où on ne fit aucune allusion sur les évènements de la veille.

A huit heures, tout le monde était présent et le Secrétaire Général prit la parole :- Bonjour à tous. Pour commencer, j’aimerais vous présenter ma proposition en ce qui concerne nos activités pour aujourd’hui. Ensuite, nous en débattrons. Voici donc ce que je suggère. Ce matin, la Commission travaillera normalement. Nous transmettrons les coordonnées de la propriété aux extraterrestres, puis, Monsieur Gardner et moi, nous y rendrons pour les attendre. S’il y en a parmi vous qui veulent se joindre à nous, ils pourront le faire une fois que je vous aurai confirmé que tout est O.K. Dès que nous serons arrivés à la propriété, je vous renverrai l’hélicoptère qui se tiendra à votre disposition. Avez-vous des commentaires, des suggestions ou des questions ?- Est-ce que les personnes qui veulent vous rejoindre doivent apporter des vivres ou des choses du style ?- Ce n’est pas nécessaire, mon chauffeur s’en occupe en ce moment.- Allez-vous informer les médias ?- Oui, je vais préparer un communiqué à leur intention.- Ne serait-il pas mieux d’organiser une conférence au lieu d’un communiqué ?- J’y avais pensé, mais il m’a semblé que, dans un premier temps, il serait plus judicieux de ne leur envoyer qu’un communiqué. D’une part, on peut décider du moment de sa diffusion, et, d’un autre côté, lors d’une conférence de presse, les journalistes posent des questions, et certaines d’entre elles pourraient se révéler un peu délicates. Que pouvons-nous dévoiler ? Que devons-nous garder secret ? C’est difficile à déterminer. L’objectif de ce communiqué est d’informer les médias de manière officielle, avant qu’ils l’apprennent par quelqu’un d’autre. Ce qu’on peut faire, par contre, et je viens d’y penser, c’est de filmer l’évènement. Ça pourrait donner plus de crédibilité au communiqué.- Qu’avez-vous prévu en matière de sécurité ?

Une lueur d’incrédulité passa dans les yeux de Pavel Holecek :- Qu’entendez-vous par là ?- Eh bien, quelles sont les mesures de sécu...- Non mais, dites-moi que je rêve ! ? coupa le Secrétaire Général. Je ne devrais même pas penser à le faire, mais je vais répondre à votre question. Tout d’abord, j’ai l’intime conviction que nous n’avons rien à craindre de nos visiteurs. Ensuite, lors de l’entretien d’hier, ils nous ont dit que, s’ils avaient voulu nous détruire, ils l’auraient déjà fait, ce qui laisse supposer qu’ils possèdent des armes à côté desquelles nos bombes atomiques doivent faire figure de vulgaires pétards de fête. Enfin si, comme ils nous l’ont fait savoir, ils viennent pour nous aider, il est très important de leur montrer que nous leur faisons confiance. Le voilà, mon dispositif de sécurité. Il se nomme CONFIANCE. Y a-t-il autre chose ?

A ce moment, les extraterrestres firent leur apparition sur l’écran géant de la salle de réunions ;- Comme convenu, nous nous mettons en contact avec vous. Pouvez-vous nous transmettre les coordonnées de l’endroit où nous devons nous rendre ?

Pavel Holecek demanda aux membres de la Commission Kenya de sortir un instant, puis s’adressa aux extraterrestres ;- 78°27’33" de longitude Ouest et 41°36’18" de latitude Nord. Pouvez-vous confirmer ?

Les chiffres apparurent sur l’écran.- Combien de temps vous faut-il pour arriver ? demanda le Secrétaire Général.- Environ 15 minutes. répondirent-ils.- Très bien. Dans ce cas, nous serons prêts à vous accueillir dans quatre heures. Cela vous convient-il ?- C’est parfait.

Ils mirent fin à la communication et Pavel Holecek rappela les membres de la Commission :- Bien. Je vais prendre contact avec le Conseil de Sécurité pour lui demander de convoquer une Assemblée Générale extraordinaire dans les plus brefs délais en leur faisant savoir qu’il s’agit d’une affaire de la plus haute importance. Quant à ceux qui veulent nous rejoindre, attendez ma confirmation. Au fait, je ne veux pas même voir l’ombre d’une arme. Une dernière chose : merci à tous pour vous être montrés discrets.

Il sortit en compagnie de Philip Gardner en lui demandant de se rendre au département de l’Information Publique pour y chercher un cameraman et lui donna rendez-vous à l’héliport. Il se dirigea au Conseil de Sécurité où il laissa ses instructions avant d’aller prendre place dans l’hélicoptère où l’attendaient l’américain, ainsi qu’un jeune homme d’environ vingt-cinq ans.- Comment vous appelez-vous ? s’enquit Pavel Holecek.- Kevin Vaughan, Monsieur.- Bien, Kevin. Nous allons vous parler du travail qui vous attend aujourd’hui. C’est quelque chose d’un peu spécial. Voilà, nous allons recevoir des invités, et vous allez filmer leur arrivée.- Pas de problème.- Attendez. J’en viens au côté, disons, euh..., un peu particulier de nos hôtes.

Il s’interrompit, réfléchit un instant en fixant le cameraman, puis lâcha d’un ton résigné :- Et merde. Kevin, dans quelques heures, vous serez le premier homme à filmer l’atterrissage d’un OVNI.

Ce qu’il venait d’entendre laissa le jeune homme comme paralysé de stupéfaction. Son visage devint livide et il resta là, bouche bée, les yeux grands ouverts, regardant tour à tour les deux hommes assis en face de lui.

Philip Gardner lui donna une tape amicale dur l’épaule en lui disant :- Eh oui, mon vieux ! Vous ne rêvez pas. Vous avez bien entendu et nous sommes parfaitement sains d’esprit.

Puis il entreprit de lui raconter dans le détail ce qui s’était passé la veille.Ils arrivèrent à la propriété un peu avant midi. Il faisait un temps superbe. C’était exactement

la mi-mai, la température était agréable et ça fleurait bon le printemps. Les trois hommes déchargèrent l’appareil et le Secrétaire Général laissa ses instructions au pilote avant de le renvoyer à New York. Ils apportèrent les vivres et les sacs de couchage à l’intérieur, puis chacun vaqua à ses occupations : Philip Gardner alla mettre en marche le générateur ; Kevin prépara son matériel et fit une reconnaissance des lieux ; quant à Pavel Holecek, il installa et mit en service son téléphone satellitaire et son ordinateur portable.

Deux minutes avant l’heure d’arrivée prévue des extra-terrestres, les trois hommes se retrouvèrent devant la maison et se mirent à scruter le ciel au-dessus d’eux. Soudain, l’OVNI apparut à une dizaine de mètres du sol, parfaitement immobile et silencieux. C’était incroyable. Ça s’était passé si vite qu’ils n’avaient pas aperçu le moindre mouvement.

L’engin ressemblait à une raie manta, mais sans la queue. Il était d’un gris indéfinissable. A la fois fluorescent et translucide. La voix qu’ils avaient entendue lorsqu’ils avaient communiqué avec ces êtres venus d’ailleurs rompit le silence :- Où pouvons-nous nous poser ?

Le Secrétaire Général regarda Philip Gardner :- Vous êtes chez vous, Phil. C’est à vous de décider.- Ça m’est égal. Vous pouvez vous poser où vous voulez... Sauf sur la maison!

Le vaisseau descendit en douceur et s’immobilisa au sol. Il était dépourvu de train d’atterrissage et son « ventre » épousait parfaitement la surface sur laquelle il s’était posé.- Vous est-il possible de sortir ? demanda Pavel Holecek.- Nous sommes en train de procéder à une analyse biologique afin de nous assurer qu’il n’y a aucun risque de contamination ni pour vous, ni pour nous. Dès que ce sera fait, nous sortirons.

Quelques instants plus tard, la gueule de l’engin s’ouvrit et les deux êtres apparurent. Kevin Vaughan faillit lâcher sa caméra à la vue des extraterrestres. Le worglak était impressionnant. Il mesurait bien deux mètres et avait une carrure d’haltérophile. Quant au xytron, il était difficile d’apprécier sa taille. Il était assis sur une sorte de siège qui flottait à un mètre du sol. Ses membres inférieurs se résumaient à deux appendices visiblement dépourvus d’ossature. Il n’avait que trois doigts à chaque main.

Le Secrétaire Général fit quelques pas dans leur direction, s’arrêta et déclara :- C’est un grand honneur pour moi de vous souhaiter la bienvenue sur notre planète. Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Pavel Holecek, et je suis le Secrétaire Général des Nations Unies.

La voix que le tchèque avait entendue la veille sortit d'une petite boîte métallique accrochée à la ceinture de Tranklor:- Je suis Tranklor, et je suis heureux de poser le pied sur votre planète.

Swyloz possédait lui aussi un appareil identique et ce fut à son tour de se présenter :- Je m’appelle Swyloz et c’est un plaisir de débarquer sur la Terre.

Pavel s’avança vers eux et leur tendit la main. C’est en voyant que les deux êtres regardaient sa main sans réagir qu’il se rendit compte de son geste.- Oh, Pardonnez-moi ! s’excusa-t-il. Ça m’est venu tout naturellement. Je suis désolé.- Ne vous inquiétez pas, le rassura Swyloz. Nous en savons beaucoup sur vos connaissances technologiques, vos langues, vos systèmes politiques et économiques. Par contre, nous ne connaissons rien de vos coutumes. Et nous ne sommes pas là seulement pour enseigner, mais aussi pour apprendre. Je suppose qu’il s’agit d’une sorte de rituel de salutation. Pourriez-vous nous le montrer ?- Oui, c’est ça. Lorsque nous nous rencontrons, nous nous serrons la main. Comme ceci.

Il prit la main droite de Tranklor, la mit dans la sienne et la secoua légèrement, il fit ensuite la même chose avec Swyloz. Puis, ils se dirigèrent vers la maison. Philip Gardner les attendait devant la porte et Pavel fit les présentations :- Voilà Philip Gardner, représentant américain au Conseil de Sécurité des Nations Unies. C’est à lui qu’appartient la propriété où nous nous trouvons. Il a eu la gentillesse de mettre cet endroit à notre disposition.- Enchanté, fit l’américain en leur serrant la main. Je suis très honoré par votre visite dans ma demeure. J’espère que vous y ferez un agréable séjour.

Ils pénétrèrent tous les quatre dans la maison. - Je vais téléphoner à New York pour leur dire que tout va bien et qu’ils peuvent venir, annonça Pavel.- Très bien, répondit Philip. Pendant ce temps, je vais faire visiter la maison à nos amis.

Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent tous dans le grand salon où Kevin Vaughan allait commencer à éditer les images qu’il avait filmées. Lorsqu’il eut terminé, Pavel le félicita :- Vous avez fait un très bon boulot, Kevin. Faites-en une copie que nous garderons ici. L’hélico est en route avec cinq personnes. Dès qu’ils auront débarqué, je remettrai cette vidéo au pilote pour qu’il la ramène immédiatement à New York Ainsi, le communiqué pourra être diffusé par tous les médias ce soir même. Quant à vous, Kevin, vous êtes libre. Si vous le voulez, vous pouvez rentrer à New York avec l’hélico. Mais si vous préférez rester avec nous, vous êtes le bienvenu.

- Dans ce cas, je préfère rester. D’autant plus que je suis au chômage.- Comment ça au chômage ? Vous êtes bien cameraman au Département de l’Information Publique, n'est-ce pas ?- Eh bien, en fait, pas vraiment. Ce matin, je venais me présenter pour un entretien en vue de me faire embaucher. Quand monsieur Gardner m’a demandé si j’étais cameraman, j’ai pensé qu’il était la personne avec qui je devais passer l’interview. Je lui ai donc répondu qu’en effet, j’étais cameraman. Et lorsqu’il m’a prié de prendre le matériel nécessaire pour filmer et de le suivre, j’ai cru que c’était pour l’entretien.- Bon, finalement, ça n’a aucune importance. Et, tout compte fait, c’est peut-être même mieux ainsi. Surtout si vous êtes décidé à rester, car chacun de nous peut se révéler utile, voire même important.

Pavel s’adressa ensuite aux extraterrestres :- Comme je viens de vous le dire, nous attendons cinq personnes. Ce sont des membres de la Commission Kenya qui étaient présents hier matin, lors de votre prise de contact, et qui ont décidé de se joindre à nous. Mais, alors que vous avez mis quinze minutes pour parcourir trois cent mille kilomètres, il leur faudra deux heures pour en faire cinq cents. Bien sûr, nous avons des moyens de transports beaucoup plus rapides, mais aucun d’eux ne peut atterrir ici. Donc, puisqu’il nous faut attendre avant de pouvoir commencer à travailler, nous pouvons bavarder un peu. Et, il y a une question que j’ai envie de vous poser depuis que vous êtes arrivés : quelle impression avez-vous de notre « petit monde » ?

Ce fut Swyloz qui prit la parole :- C’est une question très complexe, parce que votre « petit monde », comme vous dites, l’est également. A commencer par votre organisation politique. Pendant le temps que nous avons passé à vous observer, c’est-à-dire trois mois, nous avons élaboré une théorie : tout au long de votre évolution, vos gouvernements ont contrôlé des territoires toujours plus vastes. Au début, c’étaient plutôt des clans familiaux défendant leurs terrains de chasse. Ces clans ont fait des alliances et sont devenus des tribus qui se sont agrandies à leurs tour, s’appropriant des étendues toujours plus grandes, jusqu’à devenir des royaumes, puis des pays. Cet-te évolution n’a bien sûr pas été tout à fait linéaire. De temps en temps, des civilisations ont surgi, dominant jusqu’à de très importantes extensions : les Egyptiens, les Grecs, les Ottomans, les Romains, les Chinois, les Mongols, les Mayas, les Incas, les Aztèques, etc. Mais, à chaque fois, leur suprématie a été sporadique et elles ont toutes fini par disparaître. Maintenant, vous avez des nations, et ces nations tendent à s'unir au sein des continents. Nous pensons donc que, logiquement, dans un avenir plus ou moins proche, vous en arriverez à un gouvernement unique. Votre O.N.U. en est peut-être la base. Une autre chose nous a frappé. Avant, le pouvoir appartenait à ceux qui étaient militairement les plus forts ; puis, les choses ont commencé à changer et, maintenant, ce pouvoir appartient à ceux qui sont les plus riches. Evidemment, tout cela est très schématisé et très abstrait. Je vous ai résumé en deux minutes ce qu’il faudrait exposer en plusieurs jours. Puis, Tranklor continua :- Au niveau technologique, nous avons constaté des disparités incompréhensibles. Par exemple, vous êtes relativement avancés en génie génétique, à tel point que vous êtes en mesure de reproduire des êtres vivants en laboratoires, à partir de simples cellules. En physique, vous avez découvert la fission de l’atome. Vous avez également commencé l’exploration de votre système stellaire. Et, d’un autre côté, vous stagnez et vous persistez dans votre dépendance des énergies fossiles et nucléaires qui vont s’épuiser un jour ou l’autre et qui, de surcroît, provoquent des dommages considérables et irréversibles à votre système écologique, menaçant votre propre survie sur cette planète. Nous avons donc pensé commencer par vous aider dans ce domaine. Ceci dit, nous ne vous jugeons pas. Nous ne faisons que constater. D’autre part, nous avons aussi commis des erreurs au cours de notre évolution ; et nous en commettons encore. Le conflit qui oppose nos deux planètes en est un bel exemple. Et de taille. J’en suis d’autant plus navré que ce sont les miens qui l’ont initié.- Puisque vous êtes curieux de connaître nos impressions, reprit Swyloz, il y a quelque chose qui nous a surpris. Comment se fait-il que vous n’ayez installé aucun dispositif de protection ? Nous n’avons pas détecté d’armes dans les environs.- Ça, c’est une décision du Secrétaire Général, déclara Philip.- Pourquoi ? demanda Tranklor.- Il y a plusieurs raisons à cela, expliqua Pavel. Tout d’abord, je suis convaincu de vos bonnes intentions et j’ai pensé qu’il était essentiel de vous recevoir dans un climat de confiance absolue. Deuxièmement, je suis persuadé que, même si vous veniez pour nous agresser, nos armes ne nous serviraient à rien. Enfin, pour installer un tel dispositif, nous devrions faire appel à des militaires, et ce sont les dernières personnes que je voudrais voir rôder par ici. De plus, je tiens à ce qu’aucun gouvernement ne soit au courant de l’endroit où nous nous trouvons. Mais, dites-moi, qu’auriez-vous fait si vous aviez détecté des armes ?- Nous les aurions tout simplement mises hors d’état de nuire, répondit Swyloz. Laissez-moi vous dire que vous avez fait preuve d’un bon sens admirable, et cela nous rend heureux d’avoir trouvé en vous un interlocuteur idéal.

Ils continuèrent à bavarder en attendant les membres de la Commission Kenya. Soudain, Swyloz interrompit la conversation :- Qu’est-ce que c’est que ce bruit ?

Ils firent silence et, au bout d’un moment, Kevin Vaughan s’exclama :- C’est l’hélico qui arrive !

Philip Gardner complimenta Swyloz pour la finesse de son ouïe. Ce dernier lui fit remarquer que la discrétion n’était certainement pas la qualité première de l’engin.

Ils sortirent tous pour accueillir les nouveaux arrivants. Pavel alla remettre la vidéo et le texte du communiqué au pilote, puis revint pour faire les présentations. Les membres de la Commission qui avaient fait le voyage étaient le russe Alexeï Makarov, l’égyptien Fouad El-kabhar, le canadien Jean-Guy Laplanche et le vénézuélien Esteban Ondarza. Les cinq autres membres qui étaient restés à New York avaient aussi envie de faire partie de l’équipe, mais après en avoir discuté, ils avaient décidé que la moitié d’entre eux ferait le voyage, que les autres resteraient à New York pour continuer à travailler normalement et servir de liaison, et qu’on procèderait ensuite par rotations.

Les présentations terminées, ils pénétrèrent dans la maison et se réunirent dans le salon pour se mettre au travail.

Tranklor et Swyloz commencèrent par faire un exposé de leur situation, puis répondirent aux questions que les hommes leur posèrent. A vingt heures, ils interrompirent les discussions et allumèrent la télévision pour regarder les informations. Le communiqué avait fait l’effet d’une petite bombe. Il était diffusé à la une. La présentatrice déclara que le document paraissait authentique et que sa source officielle était confirmée. Elle déplorait le manque de précisions et espérait recevoir, dans les heures à venir, de plus amples informations sur cette affaire qui allait sans doute provoquer un bouleversement sans précédent à l’échelle mondiale.

Philip se tourna vers Kevin Vaughan :- Eh bien, mon vieux, s’exclama-t-il, il semblerait que vous allez devenir célèbre !

Ils regardèrent la fin du journal télévisé avant de se remettre au travail. Cette première réunion prit fin deux heures plus tard. Ils avaient pris d’importantes décisions. En premier lieu, ils allaient garder le secret sur l’endroit où ils se trouvaient. Ensuite, le Secrétaire Général allait convoquer les médias à une conférence de presse le lendemain au siège de l’O.N.U., pendant laquelle il allait lancer un appel à tous les savants du monde, en particulier dans les domaines de la physique, de la chimie, de la biologie, de l’astronomie et de l’aéronautique, pour leur demander de participer au projet proposé par les extraterrestres en vue de faire bénéficier les humains de leur technologie. Enfin, il fallait créer, dans les plus brefs délais, un site Internet afin que tout le monde puisse être tenu au courant de leurs travaux. Ils allaient se séparer lorsque Jean-Guy Laplanche demanda aux extraterrestres :- Vous serait-il possible de nous faire visiter votre vaisseau, demain ?- Avec plaisir, répondit Tranklor.

Puis les deux extraterrestres retournèrent à bord de leur engin où ils se mirent immédiatement à la recherche d’informations sur l'évolution du conflit entre leurs planètes.

En dehors de Nellem, les forces conjointes de Xytron et Worglak avaient colonisé huit planètes. On les appelait les planètes XytWor. Les worglaks semblaient prendre le contrôle de cinq d’entre elles : Sildar, Drisor, Lom, Krandum et Tlil. De leur côté, les xytrons étaient maîtres de Glator, et paraissaient être en mesure de s’approprier de Myrla et d’Orlath. Quant à Nellem, la destruction y avait été telle que tout le monde l’avait abandonnée, et il était fort probable que la vie n’y serait plus possible pendant longtemps.

III

CONFERENCE DE PRESSE

Lors de la convocation à l’Assemblée Générale extraordinaire, le Conseil de Sécurité avait insisté sur l’urgence et l’importance de ce qui en faisait l’objet. Il avait obtenu que la session s’ouvre trois jours plus tard. Mais, après la diffusion du communiqué de presse, tout le monde s’était mis d’accord pour que cela se fasse dès le lendemain après-midi.

Le mercredi matin, à huit heures, Pavel Holecek téléphona au Sous-secrétaire Exécutif des Nations Unies. Lorsque ce dernier l’informa de cette décision, Pavel réfléchit un instant avant de lui annoncer qu’il allait y donner une conférence de presse à dix-huit heures trente, et lui demanda d’en avertir les médias.

Il se rendit dans le salon où tout le monde était déjà réuni.- Nous avons pensé que nous pourrions commencer cette journée par la visite de notre appareil, fit Tranklor.

Ils approuvèrent avec enthousiasme et c’est en arrivant devant l’engin que le Secrétaire Général remarqua que son fuselage était tout d’une pièce. On n’y voyait pas la moindre marque d’assemblage. Il ne portait pas la plus petite trace de soudure, ni d’interstice. Il était dépourvu de fenêtres ou de hublots et, bien que la veille, il avait vu où se trouvait la porte, il était incapable de la distinguer. Tout était parfaitement lisse. Soudain, la gueule s’ouvrit et ils entrèrent. L’intérieur semblait fait, lui aussi, d’un seul bloc. Une lumière blanche et diffuse émanait de toutes parts. Ils se trouvaient dans une grande pièce d’une longueur d’environ six mètres, de forme trapézoïdale dont la largeur était de deux mètres à l’entrée et atteignait six mètres à l’autre bout. Le plafond en forme de voûte avait une hauteur de trois mètres au centre, et n’était plus que d’un mètre sur les côtés, au fond, là où la pièce était la plus large. Ils la traversèrent et, lorsqu’ils arrivèrent de l’autre côté, une ouverture se fit dans la paroi. Ils la franchirent et se retrouvèrent dans un couloir de deux mètres de large. Le même phénomène se produisit sur leur droite, laissant apparaître une petite habitation.- Ma chambre, fit Swyloz

C’était un petit compartiment carré de trois mètres de côté, complètement vide. Elle est pourvue d’une salle d’hygiène, mais ça ne présente aucun d’intérêt.- Il n’ y a pas de lit ? s’enquit l’un des hommes.- Nous autres, xytrons, n’en avons pas besoin. Le siège sur lequel je suis assis me sert de lit, de véhicule et de bien d’autres choses.- En face, c’est mon habitation, annonça Tranklor. Et moi, j’ai un lit.

La chambre de Tranklor était plus spacieuse que celle de Swyloz.- Comme je suis un peu plus grand que mon compagnon, j’ai droit à plus d’espace que lui.

- A côté de mon habitation, reprit le xytron, il y a une salle de soins médicaux d’urgence. Malheureusement, nous ne pouvons pas vous la faire visiter car elle doit rester stérilisée. - De ce côté-ci, nous avons notre réserve d’aliments, de vêtements, ainsi que de divers autres produits. Cet endroit nous sert également de laboratoire et d’atelier de réparations.

C’était une pièce où étaient entreposées tout un tas de boîtes de couleurs et de tailles diverses.

Ils arrivèrent au bout du couloir.- Ici, c’est ce que vous appelleriez la salle des machines, expliqua Swyloz.

Il y avait là quatre blocs. Tout d’abord, un petit cube d’un mètre cinquante de côté, puis, derrière, trois autres blocs rectangulaires de deux mètres de hauteur, un mètre cinquante de largeur et cinq mètres de longueur.- Ce petit cube est un dispositif antigravité, expliqua Tranklor. Les deux blocs de droite sont le dématérialisateur et le matérialisateur. Ils nous permettent de parcourir plusieurs dizaines d’années lumières en un instant. Il nous suffit d’indiquer le point de l’espace où nous voulons nous rendre, nous nous dématérialisons où nous sommes et nous nous rematérialisons à l'endroit que nous avons programmé. Le bloc de gauche est le moteur que nous utilisons pour les déplacements planétaire et interplanétaires. C’est avec celui-ci que nous avons fait le trajet entre la Lune et la Terre. Nous pouvons atteindre une vitesse d’environ 600 kilomètres/seconde avec ce moteur.

Ils revinrent dans la première salle.- Ceci est le poste de commandement. fit Swyloz.

Ce qui en étonna plus d’un, c’est que la pièce était totalement vide, à l’exception d’un siège qui se trouvait devant une espèce de console, vide également. Tranklor alla s’y asseoir et Swyloz se plaça à côté de lui. Lorsqu’ils posèrent les mains sur la console, un écran géant s’alluma devant eux.- Où voulez-vous que nous allions ? demanda Swyloz.- Vous voulez nous emmener faire une balade ? fit Philip.- En fait, nous sommes déjà partis, et nous nous trouvons presque à la limite de l’atmosphère. répondit Tranklor.- Mais, c’est impossible ! s’exclama Alexeï Makarov. Nous n’avons absolument rien senti.- Voici la vue que nous avons d’où nous sommes, fit Swyloz.

Sur l’écran, apparut une image de la terre.- J’ai toujours rêvé d’aller dans le désert du Kalahari, soupira Jean-Guy Laplanche.- Messieurs, le désert du Kalahari ! annonça Swyloz quelques instants plus tard.

Lorsque la porte s’ouvrit, ils n’en revenaient pas. Comme pour se convaincre qu’ils ne rêvaient pas, ils sortirent un moment. A leur retour, Fouad El-kabhar demanda:- Comment se fait-il que nous n’ayons rien senti ?- C’est grâce au dispositif antigravité. expliqua Swyloz. Le petit cube que vous avez vu dans la salle des machines. Il contient un mécanisme qui annule les effets produits par la gravité, ce qui nous permet d’atteindre des vitesses très élevées en un minimum de temps. Sans ce dispositif, le voyage que nous venons de réaliser nous aurait réduits en bouillie.

Il finissait de parler quand la porte s’ouvrit à nouveau. Ils étaient de retour dans la propriété. Ils retournèrent au salon où ils se mirent au travail.- J’ai téléphoné à l’O.N.U. tout à l’heure pour les informer que j’allais y tenir une conférence de presse à dix-huit heures trente, annonça Pavel. Le Conseil de Sécurité a convoqué une Assemblée Générale Extraordinaire qui commencera cet après-midi. Je propose donc que nous préparions cette conférence dans le détail. Avez-vous des nouvelles de votre conflit ? demanda-t-il aux extraterrestres.

Les deux êtres firent un compte-rendu de ce qu’ils avaient appris la veille, puis Tranklor conclut :- Pour l’instant, ils sont trop occupés à se battre pour la possession des planètes XytWor pour se souvenir de nous et de la Terre. Il faut espérer que cette bataille dure un peu, car, d’une part, nous avons besoin de temps pour vous préparer et, d’autre part, plus ils lutteront, plus ils s’affaibliront.

Ils passèrent le reste de la journée à peaufiner la conférence de presse, puis Pavel Holecek partit pour New York L’hélicoptère se posa sur le toit du siège central de l’O.N.U. à six heures. Une demi-heure plus tard, le tchèque prit la parole devant l’Assemblée Générale et les journalistes :- Mesdames, Messieurs, bonsoir. Comme vous le savez, nous avons reçu la visite de deux extraterrestres, et je suis ici pour vous donner de plus amples informations sur ce sujet. Voilà, il y a trois mois, ces deux êtres qui viennent de deux planètes différentes de notre galaxie sont arrivés sur la face cachée de la Lune avec la mission de nous observer afin d’accumuler le plus de renseignements possibles en vue d’une prochaine colonisation de la Terre. Heureusement pour nous, ces deux planètes, appelées Worglak et Xytron, sont entrées en guerre l’une contre l’autre, ce qui a décidé nos deux explorateurs à nous venir en aide, car il est à craindre que nous ayons à subir les effets de ce conflit. Avant-hier, ils ont pris contact avec la Commission Kenya du Conseil de Sécurité, à laquelle ils ont fait part de ce que je viens de vous dire. J’ai assisté à une partie de cet entretien. Je tiens à ce que vous sachiez que c’est moi qui ai pris la décision de les inviter, et je suis prêt à en assumer l’entière responsabilité quoiqu’il arrive. Ils ont donc atterri hier après-midi et nous avons tout de suite commencé à travailler. D’emblée, j’ai eu la conviction qu’il était essentiel que tout le monde soit informé. Nous avons donc immédiatement organisé cette conférence de presse. Dans le même souci d’information, nous allons créer un site web, le plus tôt possible. Nous le mettrons à jour quotidiennement, et il contiendra toute l’actualité sur nos travaux, des forums et une « boîte à idées ». Pour terminer, je vous rappelle que nos hôtes sont ici pour nous aider, et ils vont commencer par nous faire bénéficier de leurs connaissances. Je m’adresse donc à toute la communauté scientifique de la planète, et je demande à tous les

savants, en particulier dans des domaines tels que la physique, l’astrophysique, l’astronomie, la biologie, la chimie, l’aéronautique et l’informatique, de se joindre à nous pour participer à cette expérience qui promet d’être extrêmement enrichissante. Bon, mesdames et messieurs les journalistes, j’imagine que ce ne sont pas les questions qui vous manquent, alors, allez-y.

Une forêts de bras se levèrent et Pavel en choisit un qui appartenait à une magnifique rousse qui se présenta ;- Brenda Miller, du Washington Post. Monsieur le Secrétaire Général, êtes-vous sûr que les intentions de ces extraterrestres sont pacifiques ?- Je n’en ai pas le moindre doute.- Comment cela se fait-il ?- Pour plusieurs raisons. Premièrement, si tel n’était pas le cas, il n’auraient aucune raison de nous contacter et, s’il n’y avait pas eu cette guerre entre leurs deux planètes, ils ne l’auraient pas fait non plus. Ensuite, lorsqu’ils nous ont proposé leur aide, ils nous ont bien fait savoir que la décision de l’accepter ou de la refuser nous appartenait. J’ai eu l’occasion d’en parler avec eux et ils m’ont dit qu’en cas de refus de notre part, ils seraient partis à la recherche d’une planète habitable où ils auraient attendu la fin de cette guerre.

Il désigna un autre journaliste.- Gianfranco Benedetti du Corriere della Serra. Leur vaisseau est-il armé ?- C’est plus que probable, mais c’est un sujet que nous n’avons pas abordé. Oui, vous !?- Esteban Dávila de El Mundo. Où est-ce que vous vous réunissez ?- C’est une question à laquelle je ne peux malheureusement pas répondre. Mais je vais vous expliquer pourquoi. C’est par souci d’indépendance, de tranquillité et, bien entendu de sécurité que nous avons décidé de garder le secret sur notre emplacement. Ce qui se joue ici, c’est le futur de l’humanité ; et nous voulons que les chances soient les mêmes pour tout le monde. Il me paraît d’une importance capitale que tant les pays riches que les pays pauvres aient le même accès à ces nouvelles technologies. C’est pourquoi nous devons rester indépendants. Je prie donc instamment tous les gouvernements de faire preuve de désintéressement et de ne pas chercher à nous localiser. D’autant plus que tout ce que nous ferons sera publié sur notre site web. D’autre part, imaginez ce qui se passerait si nous divulguions cet endroit. Nous serions envahis par les curieux voulant voir les extra-terrestres et il nous empêcheraient de travailler. Enfin, il y a ceux qui, se sentant menacés par nos hôtes, tenteraient de les éliminer.- Ann Wilkins de BBC News. Quelle est leur manière d’être ?- Ils sont très courtois, très aimables et, bien que, pour eux, nous devons en être à quelque chose comme l’âge du bronze, à aucun moment ils ne nous ont fait sentir leur supériorité. Au contraire, ils font preuve de beaucoup de sympathie et de beaucoup de respect envers nous.- Bernard Grangier du Monde. De quelle manière vont-ils nous aider ?- Tout d’abord, en nous apportant leurs connaissances. Ensuite, cela dépendra surtout de nous, de nos aptitudes et de notre volonté. En fait, ils comptent beaucoup sur notre collaboration. Nous devons les aider à nous aider. Mesdames, messieurs, nous sommes en train de vivre quelque chose d’exceptionnel et il appartient à chacun d’entre nous d’y participer afin que l’humanité toute entière en soit le grand bénéficiaire. Pour terminer cette conférence de presse, nous allons remettre à chacun d’entre vous un document avec les différentes adresses de courrier électronique auxquelles les personnes intéressées par notre projet pourront prendre contact avec nous.

Avant de se retirer, Pavel demanda aux membres restants de la Commission Kenya de le rejoindre dans leur salle de réunions. Ils s’y retrouvèrent dix minutes plus tard. Il y avait là le chinois Huang Li-cheng, la polonaise Irena Winiarski, l’anglais William Benson et la française Régine Danglois. Le Secrétaire Général s’adressa à eux :- J’ai été heureux d’apprendre que vous étiez tous désireux de participer à cette aventure. Et maintenant que la nouvelle est connue de tout le monde, je pense que votre présence ici n’est plus vraiment nécessaire. Nous avons même pensé que vous seriez plus utiles à la propriété. De plus, ce-la faciliterait le travail de la Commission si vous vous trouviez tous au même endroit. C’est pourquoi je vous invite tous, si vous êtes toujours décidés, à vous rendre avec moi à la propriété demain matin. Comme ils étaient tous d’accord, il leur donna rendez-vous pour le lendemain matin à huit heures, puis rentra chez lui.

A peine arrivé, il se servit un whisky bien tassé, alluma la télévision et téléphona à la propriété. Phil lui apprit que les extraterrestres avaient proposé d’aller le chercher afin de gagner du temps. Il allait lui répondre que c’était de la folie furieuse lorsqu’il se ravisa et se mit à réfléchir. Ils se déplaçaient avec une telle vitesse et dans un tel silence qu’il y avait peu de risques qu’on les aperçoive. Et, dans le cas contraire, ceux qui les auraient vus n’auraient pas le temps de réagir avant qu’ils aient atteint la propriété.- O.K., fit-il. Qu’ils viennent nous prendre à huit heures et quart à l’héliport. Les membres de la Commission Kenya qui sont restés à New York vont venir avec nous. Je leur ai fixé rendez-vous à huit heures. Il raccrocha et s’installa devant la télévision. On y commentait les évènements. Il y avait là un représentant de la NASA, un contrôleur aérien et deux officiers, un de l’U.S. Air Force et l’autre de l’U.S. Navy. Les invités répondirent tous par la négative quand la journaliste leur demanda si leurs radars avaient remarqué la présence des extraterrestres. Ensuite, un débat assez animé s’installa quand elle les interrogea sur leurs sentiments au sujet de ce qui s’était passé à l’O.N.U. Le représentant de la NASA et le contrôleur aérien se montrèrent plutôt optimistes et même enthousiastes, évoquant l’opportunité offerte à l’humanité de réaliser des progrès gigantesques. Les militaires, de leur côté, étaient scandalisés par l’attitude du Secrétaire Général qu’ils qualifièrent d’irresponsable, affirmant que ces êtres venus d’ailleurs et dont on ne savait rien représentaient un danger pour l’humanité.

L’émission touchait à sa fin lorsque Pavel réalisa qu’un choix s’imposait à lui, et que sa décision était déjà prise : il allait démissionner. Il ne pouvait pas mener à bien les deux activités en même temps. De plus, il était déjà trop impliqué dans cette affaire pour laisser tomber. Enfin, éthiquement, il ne serait pas correct qu’il continue à exercer la fonction de Secrétaire Général de l’O.N.U. alors qu’il prêchait leur indépendance. C’est sur cette pensée qu’il éteignit le poste de télévision et alla se coucher.

IV

MISSION KENYA

A huit heures, le jeudi 17 mai, tout le monde était présent dans la salle de réunions de la Commission Kenya. Pavel les salua, puis, sans rien leur révéler sur leur moyen de transport, il les pria de le suivre jusqu’à l’héliport. A huit heures et quart, le vaisseau extraterrestre apparut comme par magie, de la même manière que l’avant-veille à la propriété, flottant à deux mètres à peine au-dessus de la piste et se posa dans le même silence et avec la même douceur, devant les regards ahuris des cinq nouveaux venus. La gueule de l’engin s’ouvrit et le tchèque invita ses compagnons à entrer.- Nos amis se sont offerts pour venir nous prendre afin de nous économiser la fatigue et la durée du voyage. Je voulais vous en faire la surprise, fit-il en souriant.

La porte se ferma et se rouvrit dix secondes plus tard dans la clairière de la propriété. Avant de sortir, Pavel fit les présentations, puis ils pénétrèrent dans la maison et rejoignirent les autres qui les attendaient dans le salon.

En guise de préambule, le tchèque leur fit part de la résolution qu’il avait prise la veille au soir et leur en expliqua les raisons. Puis il continua :- Je n’attends pas de vous que vous fassiez la même chose. Au contraire, je vous encourage à poursuivre vos activités au sein de l’O.N.U. Par contre, je vous implore de respecter et de protéger notre indépendance. Ceci dit, je propose que la Commission Kenya se réunisse pour continuer son travail. Pendant ce temps, je vais aller ouvrir un compte de courrier électronique.

Il regagna sa chambre où il brancha son ordinateur à son téléphone satellitaire.Une heure plus tard, ils se retrouvèrent tous dans le salon. Ce fut le russe Alexeï Makarov qui

prit la parole :- La situation au Kenya s’enlise. La famine fait des centaines de victimes chaque jour et, comme d’habitude, ce sont surtout les enfants et les vieillards qui sont touchés. Il nous faudrait au moins une semaine pour mettre sur pied une force d’intervention, une autre semaine pour qu’elle soit opérationnelle, et au moins trois jours pour que les premiers convois d’aide humanitaire rejoignent les camps de réfugiés. Nous parlons donc d’environ dix mille morts avant que nous puissions faire quelque chose. Et cela, dans la mesure où les choses ne se compliquent pas.- Il n’y a pas d’autre solution ? demanda Pavel Holecek.- Eh bien, je pensais que nous pourrions demander à Swyloz et à Tranklor s’ils peuvent faire quelque chose pour nous aider à résoudre cette crise, suggéra Irena Winiarski- Nous sommes ici pour vous aider. répondit le worglak.- Mais comment est-il possible que je n’y aie pas pensé plus tôt ? s’exclama le tchèque. Il regarda les extraterrestres en les interrogeant :- Que pouvez-vous faire ?- Cela dépend de ce que vous voulez. Nous avons différents types d’armes.- Expliquez-nous quelles sont ces armes et quels sont leurs effets ?

Swyloz répondit en premier :- Les armes de Xytron sont le faisceau infra sonique et le rayon antimatière à discriminateur. Le faisceau infra sonique émet des ondes de très basse fréquence à une très forte intensité, ce qui provoque une onde de choc semblable à un séisme. Quant au rayon antimatière, comme son nom l’indique, il anéantit la matière. Il est muni d’un discriminateur qui permet de sélectionner la matière à détruire, soit en introduisant sa composition, soit en utilisant l’analyseur de résonance spectrale qui est intégré au discriminateur et qu’on peut pointer sur l’objectif à détruire. En

théorie, on peut sélectionner simultanément jusqu’à deux cents matériaux, mais, dans la pratique, on n’en programme que très rarement plus de vingt.

Puis, ce fut au tour de Tranklor :- Les armes de Worglak sont la bombe à implosion nucléaire et le canon à pulsations électromagnétiques. La bombe à implosion nucléaire provoque une onde de choc et une lumière comparables à celles d’une explosion, mais le souffle est transformé en une aspiration de puissance égale. L’avantage de l’implosion vient du fait que les radiations ne sont pas dispersées, mais, au contraire, elles restent concentrées sur le point d’impact, ce qui permet l’occupation immédiate de l’objectif. Quant au canon à pulsations électromagnétiques, il détruit l’énergie électrique et, selon son réglage, il peut aller jusqu’à annuler l’activité cérébrale.- Bien, ce que nous cherchons, fit le tchèque, c’est de provoquer une trêve pour pouvoir réhabiliter les voies de communications terrestres, tout en évitant autant que possible les pertes de vies humaines.- Dans ce cas, nous pourrions mettre leurs armes hors d’état de nuire en utilisant soit le rayon antimatière, soit le canon à pulsations électromagnétiques, soit une combinaison des deux, selon les armes dont ils disposent. fit Swyloz.- Et quelles sont-elles ? demanda Pavel aux membres de la Commission.- Des machettes, des Kalachnikov, des Uzzi, des grenades, des bazookas, des mines et quelques mortiers, annonça William Benson.- Je pense donc que si nous éliminions ces armes, nous pourrions rétablir les convois d’aide humanitaire, n’est-ce pas ?- Oui, intervint Régine Danglois. C’est un très bon plan, mais je pense que ce n’est pas suffisant car il n’assure pas la durabilité de l’arrêt des hostilités. Il faut donc prendre d’autres mesures parallèles. Par exemple, nous pourrions profiter de cette trêve forcée pour convoquer les chefs de guerre à des négociations de paix.- Nous pourrions également soumettre au vote du Conseil de Sécurité une résolution d’interdiction de vente d’armes au Kenya, renchérit Esteban Ondarza.

Le Secrétaire Général s’adressa aux extraterrestres.- Eh bien. Qu’en pensez-vous ?- Il me semble que le rayon antimatière sera suffisant. répondit Swyloz. Mais avant tout, je vais vous donner de plus amples explications sur cette arme. En premier lieu, le rayon détruit uniquement les matières qui ont été sélectionnées. Il est totalement inoffensif pour les autres, quelle que soit leur composition. On peut viser une cible en visant le point précis où elle se trouve, ou procéder par « balayage » si on veut atteindre plusieurs objectifs dispersés sur le terrain. Le rayon peut traverser des obstacles de plusieurs mètres d’épaisseur sans les endommager et sans rien perdre de son efficacité. Il peut détruire n’importe quelle matière, qu’elle soit solide, liquide ou gazeuse. Sa portée varie selon la taille de l’objectif : environ trois kilomètres pour une caméra vidéo, et à peu près cinq cents kilomètres pour cette maison.- Pourriez-vous nous faire une démonstration ? demanda Pavel.- Bien sûr. Philip, avez-vous des objets dont vous voulez vous débarrasser ?- Ah ça, ça ne manque pas. J’ai une bonne quantité de bouteilles de vin et de boîtes de bière vides- C’est parfait. Allez donc les chercher.

Pour commencer, ils firent un tas avec une partie des bouteilles et des boîtes. Swyloz et Tranklor pénétrèrent dans le vaisseau. Soudain, un petit tube d’une dizaine de centimètres de longueur sortit du bout du nez de l’appareil. Il pointa en direction du tas et, une seconde après, les bouteilles et les boîtes disparurent comme par enchantement, sans un bruit. Par contre, les étiquettes restèrent absolument intactes. Même leur colle ne subit aucun dommage. Ensuite, Tranklor sortit et demanda à plusieurs personnes d’emporter ce qu’il restait des bouteilles et des boîtes et d’aller se disperser dans les bois. Il leur recommanda de prendre bien soin de n’avoir aucun autre objet contenant du verre ou de l’aluminium. Les hommes s’exécutèrent et, quelques minutes plus tard, le vaisseau décolla et s’éleva juste au-dessus des arbres. Il s’immobilisa quelques secondes puis revint se poser. Ceux qui étaient partis réapparurent les mains vides, à l’exception des étiquettes. Le reste avait disparu, comme lors de la première démonstration. Tous affirmèrent que le rayon ne leur avait causé aucune sensation. Tous, sauf Fouad El-kabhar, l’égyptien. C’était le seul qui avait senti quelque chose, et ça se voyait : la canette qu’il avait mise dans la poche de son pantalon n’était pas tout à fait vide. Le récipient avait bien disparu, mais le contenu, lui, était resté parfaitement intact...

Ils furent tous convaincus par la petite démonstration et décidèrent de passer à l’action. Pavel consulta sa montre.- Il est dix heures ici. Quelle heure est-il au Kenya ?- Dix-sept heures, répondit Irena Winiarski

Le tchèque réfléchit un moment avant de reprendre :- Il reste donc un peu plus d’une heure avant le coucher du soleil. Nous pourrions peut-être profiter de l’obscurité pour exécuter notre plan et, ainsi, créer une petite surprise. Il faut que nous nous organisions pour préparer toute l’opération. Pour commencer, il est essentiel que nous ayons une idée aussi précise que possible du temps que cela prendra. Ceux qui ont la meilleure connaissance de la situation sur le terrain vont donc l’exposer à Swyloz et Tranklor pour qu’ils élaborent un plan de bataille. Une autre équipe travaillera à la planification de la rencontre des chefs de guerre pour les négociations de paix, et un troisième groupe s’occupera de tout ce qui concerne l’acheminement de l’aide humanitaire. Bien, nous avons du pain sur la planche (excusez-moi, Jean-Guy) et le temps nous est compté, alors, au boulot !

Alexeï Makarov et Huan-Li Cheng accompagnèrent Tranklor et Swyloz au vaisseau pour leur exposer la situation. Les deux extraterrestres s’installèrent. Aussitôt, un hologramme géant apparut au milieu de la pièce, montrant une carte de l’Afrique. Tranklor demanda aux hommes de

lui indiquer la zone de combats. Une photo satellite de cette région remplaça l’image de la carte. Le russe et le chinois firent un compte-rendu détaillé de la situation. Après ça, les quatre élaborèrent une stratégie pour l’élimination des armes.

Lorsque ce fut fait, Alexeï et Huan retournèrent au salon afin d’informer les autres de leur tactique. Swyloz et Tranklor restèrent à bord pour charger les instructions dans l’ordinateur du poste de commandement.- Où en sommes-nous ? demanda Pavel aux deux hommes.- Nous avons défini une stratégie, répondit Alexeï Nous procéderons en trois phases. La première sera de dégager les routes et les pistes pour permettre le passage des convois d’aide humanitaire. Ensuite, nous nous attaquerons aux postes de commandement, car c’est là que se trouvent les dépôts d’armes et de munitions. Nous terminerons par les petits détachements et les groupes isolés.- Combien de temps cela prendra-t-il ?- Environ deux heures pour libérer les routes, une heure pour les postes de commandement, et deux autres heures pour la dernière étape, ce qui nous fait cinq heures, annonça le chinois.

Tranklor et Swyloz entrèrent.- Nous sommes prêts à partir. fit le worglak.- Le rayon est programmé pour détruire le salpêtre et le soufre qui entrent dans la composition de la poudre ; l’acier, le plomb, la nitroglycérine, le laiton, le cuivre et le C4, ajouta le xytron.- Bien, acquiesça Pavel. Qui s’occupe des convois ?- Nous, répondit Fouad El-kabhar.

Le groupe était formé, outre l’égyptien, de William Benson, Irena Winiarski et Esteban Ondarza.- Comment vont vos affaires ?- Nous avons des camions prêts à partir dans les villes les plus proches de la frontière. A Mongalia au Soudan, à Kampala en Ouganda et à Kondoa en Tanzanie, annonça Benson.- Bien, qu’ils se mettent en route dès que possible. Où en êtes-vous en ce qui concerne les négociations ?- Nous sommes en contact avec le siège de l’O.U.A. d’Addis-Abeba et avec le bureau de l’O.N.U. de Genève, affirma Régine Langlois. Ils se tiennent prêts à recevoir les délégations. Nous n’avons qu’à choisir le lieu et les aviser de la date.

Le tchèque s’adressa aux extraterrestres :- Pourriez-vous nous tenir au courant du déroulement de votre mission ?- Bien sûr, répondit Tranklor. Je suggère que Huan et Alexeï nous accompagnent pour s’en occuper.- C’est parfait pour moi.

Le Secrétaire Général consulta sa montre.- Il est midi ici, ce qui nous fait dix-neuf heures au Kenya. C’est encore un peu tôt. Je préfèrerais les surprendre en pleine nuit, disons à partir de vingt-trois heures. Je vous propose donc d’aller prendre un peu de repos en attendant.- J’ai une suggestion, intervint Jean-Guy Laplanche. Ne se rait il pas opportun d’utiliser le canon à pulsations électromagnétiques afin de couper les liaisons radio en les privant d’énergie ?- Ce n’est pas nécessaire, expliqua Swyloz. Leurs radios seront inutilisables puisqu’elles ne contiendront plus ni plomb, ni cuivre, ni laiton.- Ça nous pose un problème, remarqua Esteban Ondarza. Sans liaisons radio, comment ferons-nous pour joindre les chefs de guerre et les convoquer aux négociations ?- Il nous reste encore du temps pour trouver une solution, répliqua Pavel.

Après un moment de silence, Philip Gardner prit la parole :- Je ne vois que deux possibilités, fit-il. La première : on leur parle pendant qu’on peut encore le faire en leur disant que l’O.N.U. leur propose d’organiser une réunion et on leur fixe un rendez-vous en leur faisant savoir qu’on viendra les chercher...- Mais ils vont sûrement refuser, interrompit Régine Langlois.- Attendez, je n’ai pas fini, vous verrez. On les invite à réfléchir en leur disant que, quelle que soit leur décision, on viendra au rendez-vous. Ça me paraît évident qu’ils vont refuser, mais je vous garantis que demain, quand ils verront qu’ils n’ont plus aucune arme, ils seront ravis de pouvoir venir négocier, surtout si on leur cache que leurs adversaires se trouve dans la même situation qu’eux. La deuxième possibilité : on agit après en leur envoyant des émissaires, mais ça va être beaucoup plus difficile de les localiser.- Avez-vous les moyens de les contacter ? demanda Pavel.- Pas directement, mais nous avons des intermédiaires avec lesquels nous pouvons communiquer.- Alors, allez-y ! Faites savoir à chaque camp que l’ennemi a accepté d’observer un trêve à partir de demain matin en attendant la décision de l’adversaire. Organisez les transports, et dites à vos intermédiaires que nous avons besoin d’une réponse avant minuit, heure kenyane.- En ce qui concerne les transports, où allons-nous les emmener si nous ne connaissons pas l’endroit où vont se dérouler les négociations ? demanda Esteban Ondarza.- Acheminez-les déjà sur l’aéroport de Nairobi, fit Pavel. Après, on verra.

Puis il alla s’installer devant la télévision pour regarder les informations. Il avait envoyé un message à l’O.N.U. ainsi qu’aux médias pour leur faire part de sa décision de quitter son poste de Secrétaire Général, et voulait voir ce qu’on en disait. Naturellement, l’affaire était à la une. On y commentait encore sa conférence de presse de la veille, ainsi que la détermination qu’il avait prise.

Les journalistes avaient recueilli les réactions du public. Il y avait beaucoup de sceptiques qui croyaient à un canular, et un bonne quantité de pessimistes qui doutaient des intentions pacifiques des extraterrestres. Mais Pavel fut surpris de constater que les gens étaient en général

plutôt optimistes. Bon nombre de personnes déclaraient que cela leur redonnait l’espoir d’une société plus juste dans un avenir proche.

Une fois le journal terminé, le tchèque entreprit l’élaboration d’une liste d’universités, instituts et autres centres de recherches en surfant sur Internet ; puis il leur envoya un message demandant aux personnes qui voulaient se joindre à eux d’y répondre en indiquant leur spécialité. Il s’apprêtait à se déconnecter lorsque Tranklor et Swyloz apparurent sur l’écran. Ils lui annoncèrent qu’ils avaient localisé le signal de son téléphone, qu’il était l’heure de partir et qu’ils n’attendaient plus Alexeï et Huan pour décoller. Les deux hommes les rejoignirent et le vaisseau disparut.

Moins d’une minute plus tard, Alexeï déclarait que l’opération commençait. Ils entreprirent le "nettoyage" de l'axe principal Sud - Nord qui leur prit une demi-heure. Puis ils s'occupèrent des routes secondaires perpendiculaires Est - Ouest et Ouest - Est. On pouvait suivre leur progression sur l'écran de l'ordinateur de Pavel. A minuit (heure du Kenya), le tchèque les informa qu'il lui fallait interrompre la communication pour prendre connaissance des résultats de leurs tractations avec les chefs de guerre. Il leur demanda de reprendre contact dix minutes plus tard.

Régine Langlois ne fut pas surprise des réponses qui lui étaient transmises par ses intermédiaires. Les Kikuyus - plus nombreux et mieux armés - ayant la certitude de gagner la guerre, ne voulaient pas entendre parler de négociations. Les Iuos quant à eux, sachant qu'ils n'avaient aucune chance, avaient accepté la proposition avec empressement et soulagement.- J'aimerais bien voir la tête que feront nos amis Kikuyus lorsqu'ils se réveilleront demain matin, fit Esteban Ondarza en souriant. Je suis prêt à parier tout ce que vous voudrez qu'il y aura un changement notable dans leur attitude.

A une heure du matin, toutes les routes des zones du conflit étaient "propres", et l'équipage s'attaquait aux quartiers généraux des belligérants. Soixante minutes plus tard, ils s'en prenaient aux postes isolés. Il était neuf heures du soir à New York et quatre heures du matin au Kenya quand le vaisseau revint à la propriété. La mission était terminée et avait été une réussite totale. Les combattants ne possédaient plus une seule arme utilisable et toutes leurs munitions avaient disparu.

Pavel alla voir s'il avait reçu des réponses à son message. Il y en avait trois. La première venait d'un informaticien hindou, Rajiv Shooshri. En plus de vouloir acquérir des connaissances nouvelles, il proposait ses services pour la création du site web. Les deux autres étaient des physiciens, l'un allemand, Dieter Feldkirsch, et l'autre australien, Ron Davies. Il leur envoya une confirmation de la réception de leurs messages en leur faisant savoir qu'il lui fallait d'abord s'organiser et qu'il les informerait dès qu'un programme serait établi. Il en était à la rédaction de sa lettre de démission lorsque les extraterrestres entrèrent:- Je vous remercie infiniment pour ce que vous avez fait aujourd'hui. Vous avez sauvé la vie à des dizaines de milliers d'êtres humains. A des dizaines de milliers d'innocents dont la seule faute a été de naître dans cette partie du monde.- Nous sommes heureux de vous avoir été utiles, fit Tranklor.- A propos, il y a déjà trois scientifiques qui désirent se joindre à nous: deux physiciens et un informaticien. Demain, il faudra que nous discutions pour planifier nos activités et pour organiser un soutien logistique.- Tranklor et moi allons déjà commencer à y réfléchir, fit Swyloz.

Pavel remercia encore les deux êtres qui retournèrent à leur vaisseau. Il termina sa lettre, puis reprit ses recherches afin d'allonger sa liste d'universités, de centres, d'instituts et de fondations auxquels il envoya son message. Il se coucha vers minuit.

V

PROBLÈMES

Il était cinq heures vendredi matin quand Tranklor tira Pavel de son sommeil.- Nous avons repéré un gros groupe armé qui se dirigeait sur nous, lui annonça-t-il.- Co... Comment ? s'exclama le tchèque.- Ne vous inquiétez pas, nous les avons interceptés. Ils sont bloqués à une dizaine de kilomètres au sud. Mais nous devons partir d'ici au plus vite.- O.K., allons réveiller les autres.

Dix minutes après, ils se retrouvèrent tous à bord du vaisseau spatial qui s'envola immédiatement.- Avez-vous pu les identifier ? demanda Jean-Guy Laplanche.- Au vu de leurs armes et de leur équipement, il s'agit sans aucun doute d'une troupe d'élite de l'U.S. Navy, déclara Swyloz.

Des regards soupçonneux commencèrent à se tourner vers Philip Gardner.- Je vous assure que je n'ai absolument rien dit à personne, déclara-t-il. Il est vrai que je suis un représentant du gouvernement des Etats-Unis, mais je ne suis que trop conscient de ce qui se joue ici. Jamais je n'aurais parlé de quoi que ce soit.- Et moi, personne ne me soupçonne ? intervint Kevin Vaughan. Pourtant, moi aussi je suis américain. Bon, c'est vrai que je n'aurais pas su comment m'y prendre, et que je n'en ai pas eu la possibilité. Mais, il y a quelqu'un d'autre à qui vous ne pensez pas. Quelqu'un qui sait parfaitement où nous étions et qui a eu tout le loisir d'en parler sans qu'on s'en rende compte. C'est le pilote de l'hélicoptère.- Quoi qu'il en soit, reprit Pavel, ce qui est fait est fait, et cela ne nous avancera pas à grand chose de trouver le responsable. Nous avons un problème, et il vaudrait mieux utiliser notre temps et notre énergie afin de trouver une solution.

Après un moment de silence, Fouad El-kabhar s'adressa discrètement au tchèque:- J'ai peut-être ce qu'il nous faut. En y réfléchissant bien, c'est peut-être même quelque chose d'excellent. Serait-il possible de vous en parler en particulier ?- Bien sûr.

Ils s'éloignèrent du groupe et allèrent s'installer à l'autre bout de la salle.- Voilà, fit l'égyptien. Un de mes frères a reçu, en héritage de notre père, une grosse propriété dans l'oasis de Dakhla, dans l'Ouest de l'Egypte. Ce domaine ne l'intéresse pas, et cela fait même des années qu'il cherche à vendre. Il me suffit de lui téléphoner pour lui demander si je peux y séjourner quelques temps. Au niveau confort, c'est un peu rustique; il n'y a pas d'électricité, et il faut aller chercher l'eau au puits. Par contre, nous y serons tranquilles.- Quelle est sa superficie ?- Il y a une vingtaine d'hectares en tout.- Avez-vous une idée du prix que votre frère en demande ?- Entre cinquante et soixante mille dollars, je pense. Vous êtes intéressé ?- Eh bien, il faudrait voir. Ça n'est pas impossible. Vous pouvez toujours lui dire que vous voulez faire visiter le domaine à un éventuel acheteur.

Pavel s'adressa aux extraterrestres:- Est-il possible de téléphoner depuis le vaisseau?- Bien sûr, répondit Swyloz. Il suffit de nous donner le numéro.

Puis, le tchèque se dirigea vers le groupe:- Les évènements qui viennent de se produire me font voir les choses sous un autre angle et m'incitent à vous en faire part. Comme vous avez pu le constater, nos activités ne sont pas sans risques. Je ne suis pas vraiment surpris par ce qui s'est passé tout à l'heure. Je crois même que, de manière inconsciente, je m'attendais à ce qu'il se passe quelque chose dans ce style. Mais, il y en a peut-être parmi vous qui ont été choqués. Par ailleurs, vous êtes tous venus de votre plein gré. Personne ne vous a obligés à le faire. De la même manière, vous êtes et vous serez toujours libres de nous quitter quand vous le voudrez. C'est important que vous sachiez que je ne retiens personne. D'autre part, la tâche de la Commission Kenya est loin d'être terminée. Tout à l'heure, je vais me rendre à New York pour y remettre ma lettre de démission. Ce sera l'occasion de partir pour ceux qui le désirent. Mais, tous ceux qui choisissent de rester avec nous sont les bienvenus. Je profite de ce que nous sommes tous réunis pour vous féliciter du travail que vous avez accompli hier. Vous avez tous fait un excellent boulot et je vous en remercie. Il me reste encore un point à éclaircir. Après ce qui s'est passé tout à l'heure, il me semble qu'il est extrêmement important de limiter au strict minimum de personnes la connaissance de l'endroit où nous exerçons nos activités. Ainsi, les risques de fuite de cette information seront quasiment nuls. A ce sujet, serait-il possible de faire passer le groupe dans l'autre partie du vaisseau afin que nous puissions bénéficier d'un maximum de confidentialité ? fit-il aux extraterrestres.

- Ce n'est pas nécessaire, répondit Swyloz.A ce moment, une paroi apparut, séparant la salle en deux.

- Nous pouvons aménager l'intérieur du vaisseau comme bon nous semble. Il est entièrement modulable, continua-t-il.

Deux sièges surgirent du sol à côté de lui. Il invita Pavel et Fouad à s'y installer. Tranklor demanda alors à l'égyptien de lui donner le numéro de téléphone de son frère.

Un moment plus tard, ce dernier leur annonça que tout était réglé et qu'ils pouvaient se rendre à la propriété quand ils le voulaient. Il indiqua aux extraterrestres où elle se trouvait.- Où sommes-nous actuellement ? demanda Pavel.- A quatre cent kilomètres au-dessus de l'Australie, déclara Swyloz.- En combien de temps pouvons-nous nous rendre à l'oasis?- Compte tenu du ralentissement dû à la rentrée dans l'atmosphère, il nous faut au moins cinq minutes, expliqua Tranklor.- Décidément, je n'arriverai jamais à me faire une idée de la vitesse à laquelle nous voyageons. Bien, nous ne sommes pas si pressés, mais nous pouvons quand même y aller.- Il est vrai que vos moyens de transports sont un peu archaïques, plaisanta Swyloz, mais je suis sûr que vous vous habituerez aux nôtres.

Lorsqu'ils arrivèrent à destination, la paroi de séparation disparut et Pavel alla parler au groupe:- Il est six heures du matin à New York Nous nous y rendrons dans deux heures. S'il y en a parmi vous qui veulent prendre un peu l'air...- Pavel, attendez ! coupa Philip Gardner. Je pense que, par mesure de sécurité, il serait plus raisonnable que ceux qui veulent rentrer à New York et ceux qui n'ont pas encore pris de décision restent à bord. J'ai la certitude que personne parmi nous n'a l'intention de révéler quoi que ce soit au sujet de ce lieu, mais nos gouvernements peuvent trouver des moyens de pression pour nous obliger à parler auxquels nous ne pourrions pas résister. Donc, moins nous en saurons, mieux cela vaudra.- Vous avez raison, Phil. A vous entendre, on pourrait croire que vous avez décidé de nous quitter.- Je n'en sais encore rien. Il faut que je réfléchisse. Si j'écoutais ce que me dit mon coeur, je resterais. D'autant plus que mon gouvernement doit déjà être au courant que je suis le propriétaire du lieu où nous étions, et il ne va pas me féliciter de n'en avoir rien dit. Mais, d'un autre côté, nous n'avons causé de tort à personne, et je suis encore, jusqu'à preuve du contraire, un représentant des Etats-Unis au sein de l'O.N.U.

Pavel voulut savoir s'il y avait des volontaires pour rester. Fouad fut le premier à se manifester, immédiatement suivi par Kevin qui déclara:- J'aimerais bien continuer, mais je me demande si je sers à quelque chose.- Kevin, lui répondit Pavel. Tous ceux qui ont le désir de nous aider sont utiles.- Alors, je reste.

Les trois hommes sortirent accompagnés par Swyloz et Tranklor. Ils furent accueillis par une chaleur écrasante. En moins d'une demi heure, ils étaient passés d'un lever du jour frileux de Pennsylvanie à un début d'après-midi torride d'Afrique du Nord. Fouad les emmena faire une visite des lieux. Il s'agissait d'un domaine agricole dont les terres étaient en friche. La maison était énorme. Elle était bâtie sur deux étages, autour d'une vaste cour intérieure carrée, de vingt mètres de côté. A leur grande surprise, ils constatèrent que, contrairement au reste de la propriété, la maison était bien entretenue. L'égyptien leur dit que son frère avait engagé un paysan du village voisin qui venait une fois par semaine avec sa femme pour faire le ménage. Il leur expliqua qu'en fait, cet homme, qui s'appelait Nadir, était plus qu'un paysan pour eux. Il s'agissait du fils aîné de l'homme de confiance de leur père lorsqu'il était encore en vie. Ils avaient grandi ensemble. Il faisait donc pratiquement partie de la famille.

La demeure des patrons occupait les côtés Nord et Ouest du bâtiment. Au Sud et à l'Ouest se trouvaient les chambres du personnel, les écuries, la grange, la remise, la cuisine ainsi que toutes les pièces qui servaient à l'exploitation agricole. Ce n'était pas la place qui allait manquer. La partie des patrons comptait quinze chambres, une salle à manger et un immense salon. Du côté des employés, il y avait dix chambres, et, si le besoin s'en faisait sentir, il y avait moyen d'en aménager facilement quatre ou cinq de plus. Cependant, ce qui tracassait Pavel, c'était le manque de commodités. Et surtout, l'absence d'électricité. Il en fit part à Fouad. Ce fut Swyloz qui répondit:- Au contraire, c'est une bonne chose. Cela nous permettra de travailler sur du concret. Nous pourrons passer directement de la théorie à la pratique au sujet de notre technologie en matière de ressources énergétiques.

Il était temps de retourner au vaisseau et de voir ce que les autres avaient décidé. En dehors de Kevin et de Fouad, ils allaient tous rentrer à New York D'une part, ils avaient encore beaucoup à faire pour régler le problème du Kenya et, d'autre part, ils voulaient aider cette cause en convaincant un maximum de monde des bonnes intentions de Tranklor et Swyloz en racontant leur expérience. De plus, ils voulaient également aider au recrutement de scientifiques. Quant à Philip Gardner, il allait faire tout son possible pour leur apporter son soutien et allait leur servir de relais. Mais il n'excluait pas la possibilité de revenir. Cela dépendrait de l'évolution de la situation.

Pavel demanda à Kevin de l'accompagner à New York Il voulait acheter du matériel photo et vidéo. N'y connaissant pas grand chose, il avait besoin des conseils d'un spécialiste. Puis ils s'adressa aux extraterrestres:- C'est l'heure d'y aller. Mais il y a un problème. Nous devons convenir d'un lieu et d'une heure pour nous retrouver, et je ne sais pas comment nous pouvons le faire.- C'est simple, lui répondit Tranklor. Nous allons rester en contact.

Le worglak sortit de la salle et revint quelques instants plus tard. Il montra à Kevin et Pavel deux minuscules morceaux de plastique ronds et noirs d'un diamètre d'à peine deux millimètres. Il

en colla un sur la nuque du tchèque, et l'autre sur celle du cameraman. Ils avaient l'apparence de grains de beauté.- Ce sont des transmetteurs de pensée grâce auxquels nous allons pouvoir communiquer télépathiquement avec vous. Vous pourrez également le faire entre vous.

Ils se rendirent à New York où ils arrivèrent en moins d'une minute. Ils débarquèrent sur l'héliport du siège de l'O.N.U. Le tchèque alla directement à son bureau. Il donna l'enveloppe qui contenait sa lettre de démission à sa secrétaire en la priant de la remettre au Conseil de Sécurité. Ensuite, il se présenta à la session de l'Assemblée Générale où il demanda la parole:- Mesdames, messieurs, bonjour. C'est la dernière fois que je m'adresse à vous. Du moins en tant que Secrétaire Général. En effet, la raison de mon intervention est de vous faire part de ma décision de renoncer à ce poste. Vous êtes tous au courant de ce dont je m'occupe actuellement. Or, être à la tête de l'O.N.U. exige une présence et une attention constantes. C'est un engagement total. Il m'est donc impossible de mener ces deux activités de front. De plus, je me suis retrouvé devant un problème d'éthique: je ne pouvais pas prôner l'indépendance de notre projet (que je considère d'une importance primordiale) en continuant d'exercer mes fonctions à la tête de l'Organisation. Il m'a donc fallu faire un choix. Cela n'a pas été facile car je n'ai pas vraiment choisi entre une chose et une autre. C'est plutôt à la suite d'une déduction logique que la décision s'est imposée. Et c'est avec un petit pincement au coeur que je vous quitte. En effet, la charge que j'ai occupée ici a été une expérience fantastique. D'un autre côté, je m'engage dans une aventure qui promet d'être passionnante et qui va me permettre de continuer à oeuvrer pour le bien de l'humanité. Je dois malheureusement, conclure par une note un peu amère. J'ai été profondément déçu par l'attitude du gouvernement des Etats-Unis. Lors de la conférence de presse que j'ai donnée ici même avant-hier, j'ai grandement insisté sur l'importance fondamentale que représentait notre indépendance afin que tous les pays riches comme pauvres bénéficient des mêmes chances de se développer, et j'ai prié les gouvernement de faire preuve de désintéressement et de ne pas chercher à nous localiser. Or, ce matin, à cinq heures, nous avons repéré un commando de marines qui se dirigeait droit sur nous. Cela nous laisse penser que, en plus de ne pas avoir tenu compte de notre demande et d'avoir fait preuve d'une attitude belliqueuse à notre égard, les Etats-Unis démontrent que la seule chose qui les intéresse est d'accéder à la suprématie mondiale. Bien, il est temps pour moi de me retirer. Je vous remercie pour la confiance que vous m'avez témoignée et j'espère que vous garderez un bon souvenir de mon passage dans cette organisation. Au revoir.

Dès le moment où il avait quitté le vaisseau, Pavel était resté en contact permanent avec Kevin, Tranklor et Swyloz. Le transmetteur de pensée provoquait une sensation très étrange. Quand on recevait une communication, c'était comme si la pensée de l'interlocuteur submergeait tout le reste, et il devenait très difficile de rester concentré. C'est pourquoi l'allocution du tchèque fut relativement brève et ponctuée de nombreuses pauses. Cependant, cela lui avait permis d'apprendre que le toit de l'édifice de l'organisation était étroitement surveillé et qu'il faudrait échafauder un plan "d'évasion" car, il pressentait que la sortie de l'immeuble serait également sous étroite vigilance. Washington n'allait pas le laisser partir sans tenter quelque chose. Il demanda donc à Kevin s'il possédait une voiture, celui-ci lui répondit par la négative, mais lui fit savoir qu'il avait une grosse moto.- C'est encore mieux, fit Pavel. Où habitez-vous?- Dans le Queens.- Bien, allez-y. Profitez-en pour prendre du linge de rechange, mais pas trop car nous pourrons acheter des vêtements plus appropriés au climat égyptien. Venez me chercher dès que possible. En attendant, je vais aller voir nos amis de la Commission Kenya pour leur demander de m'aider à sortir d'ici sans me faire remarquer.

Puis il s'adressa aux extraterrestres:- Pourrions-nous embarquer la moto de Kevin ?- Bien sûr, répondit Tranklor.

Après qu'il eût prononcé son discours, il quitta l'Assemblée pour aller retrouver les membres de la Commission dans leur salle de réunions. En voyant leurs expressions de surprise, il leur expliqua le but de sa visite:- Le toit de l'immeuble est surveillé et il y a fort à parier que l'entrée principale l'est également. Les gens de Washington ne vont pas me laisser m'en aller comme ça. Je ne sais pas ce qu'ils veulent de moi, mais il ne vont pas rester les bras croisés. Je suis donc venu vous demander si vous pouviez me donner un coup de main.- Bien sûr, s'exclama Jean-Guy Laplanche. Mais comment allons-nous nous y prendre ?- Tout d'abord, j'avais pensé à filer discrètement, mais, après avoir bien réfléchi, je vais faire le contraire.- Comment ça ? demanda Alexeï Makarov.- En me déguisant, déclara-t-il. Il faudrait que l'un d'entre vous aille faire quelques courses. J'aurais besoin de vêtements. Des trucs un peu voyants, du style chemise hawaïenne, jeans rapiécés, baskets. Il me faudrait également une perruque, genre hippie, des lunettes noires, et si vous me trouviez une fausse barbe, ce serait parfait.

Le canadien, qui avait une stature très proche de celle de Pavel se porta volontaire, et s'en alla immédiatement.

En attendant qu'il revienne, ils discutèrent de la situation au Kenya. Régine Langlois lui annonça que la disparition de l'armement avait provoqué une pagaille monstre, surtout chez les Kikuyus. Leurs superstitions aidant, ils étaient persuadés que c'étaient les esprits des ancêtres qui avaient tout emporté pour montrer leur désapprobation. Privés d'armes, ne sachant pas que les Iuos avaient subi le même sort, ils s'étaient sentis perdus. Le ton de leur discours avait radicalement changé et ils s'étaient empressés de donner leur accord aux négociations de paix.

Quant aux Iuos, ils avaient été soulagés par la réaction des Kikuyus. Les chefs de guerre avaient donc été emmenés à l'aéroport de Nairobi où ils étaient sur le point d'aborder un avion à destination de Genève. Il ne faisait aucun doute que la paix allait être signée très bientôt.

Quant à l'aide humanitaire, Irena Winiarski annonça que les convois étaient partis, mais que les routes étaient dans un état tellement lamentable qu'ils allaient mettre beaucoup de temps pour arriver aux camps de réfugiés. En attendant, on était en train d'organiser un pont aérien d'une part, et des parachutages sur les zones les plus difficiles d'accès d'autre part.

Jean-Guy Laplanche arriva et Pavel alla se déguiser. Quand il revint, il était méconnaissable. A ce moment-là, Kevin lui fit savoir qu'il était arrivé dans Manhattan par le tunnel de Midtown, et qu'il s'était arrêté à l'angle de la First Avenue et de la 41ème rue. Le tchèque l'informa de son nouveau look: longs cheveux noirs, lunettes de soleil à la John Lennon, barbe, t-shirt psychédélique orange et violet, amples pantalons de toile kaki et sandales. Il expliqua la suite de son plan à tout le groupe:- Voici ce que nous allons faire. Tout d'abord, je vais re-prendre mon apparence normale en mettant mon complet par-dessus le déguisement et en ôtant la perruque, la barbe et les lunettes. Ensuite, nous allons descendre à l'étage du département d'Information Publique. J'entrerai aux toilettes où je remettrai mon déguisement. Pendant ce temps, l'un d'entre vous ira chercher deux ou trois gardes de sécurité en leur disant qu'il faut expulser une personne qui fait du grabuge (c'est-à-dire moi). Au moment où ils arriveront, nous simulerons une bonne dispute. Il n'est pas nécessaire que tout le monde vienne. Je pense que trois ou quatre personnes suffiront.

Huan Li-Cheng, William Benson et Irena Winiarski décidèrent de l'accompagner, et Jean-Guy Laplanche proposa de créer une diversion avec le reste du groupe en se faisant passer pour lui et en faisant croire qu'il montait à l'héliport. Le tchèque approuva l'idée du canadien et s'en alla en remerciant tout le monde pour l'aide qu'ils lui avaient apportée.

Son plan se déroula à la perfection. Il tint Kevin au courant tout le long de l'opération, ce qui leur permit de synchroniser leur arrivée au point de rencontre. Pavel avait eu raison d'agir avec prudence, car ce n'est qu'à l'instant où il enfourchait la moto qu'un des deux agents du F.B.I. qui surveillaient l'entrée du bâtiment réagit:- Putain de merde, c'était lui!- Qu'est-ce que tu dis ?- Le mec qui vient de se faire jeter. C'était lui !- Le hippie, là ?- Non, le pape, imbécile !- ...- Qu'est-ce qu'on va se prendre sur la gueule.- Mais non. On ne va rien se prendre. On ne l'a pas vu, point. On n’est pas obligés de tout raconter. En plus, je l'aime bien moi, ce mec.

Il ne leur restait plus qu'à assister, impuissants, au départ de l'ex-Secrétaire Général. Il est vrai que, même s'ils avaient réagi à temps, ils auraient eu du mal à les suivre. D'une part, la Suzuki RGV 650 de Kevin était une vraie bombe, et, d'autre part, il était beaucoup plus facile de se faufiler dans les embouteillages de Manhattan avec une moto qu'avec un 4 x 4 Chevrolet Cheyenne.

Le transmetteur de pensée facilitait grandement la conversation sur une moto, et c'est ainsi que Kevin interrogea son passager sur la suite du programme. Pavel lui indiqua qu'il fallait s'occuper du matériel photo et vidéo avant de retourner au vaisseau.- A ce sujet, vous avez une idée de l'endroit où ils pourraient venir nous récupérer ? demanda le jeune homme.- J'avais pensé au complexe sportif de Meadowlands dans le New Jersey.- Je connais. Ça me paraît excellent. En plus, j'ai un pote qui a un magasin sur notre route, à Newark. Nous pourrons y trouver tout ce qu'il nous faut.- Alors, allons-y.

Pendant ce temps, le tchèque s'adressa aux extraterrestres pour savoir comment ils feraient pour les retrouver.- Ne vous inquiétez pas, fit Swyloz. Nous pouvons vous localiser grâce à vos transmetteurs de pensée. Il vous suffira de nous avertir et nous arriverons immédiatement.

Ils sortirent de Manhattan par le Holland Tunnel et se rendirent à Newark pour faire leurs achats. Ensuite, Pavel profita du trajet à Meadowlands pour demander aux extra-terrestres s'ils pouvaient faire un détour par la République Tchèque avant de retourner en Egypte, car il voulait passer chez lui pour prendre quelques affaires et embarquer sa voiture qui pouvait leur être utile.

Arrivés au complexe sportif, ils ne tardèrent pas à trouver un endroit suffisamment tranquille pour aborder discrètement le vaisseau. Une fois à l'intérieur, Tranklor s'adressa à Pavel:- Maintenant, vous serez notre navigateur, annonça-t-il.- Mais, je ne connais rien à tout cela! s'exclama-t-il en faisant un geste englobant le poste de commandement.- Ça ne sera pas nécessaire. Il vous suffira de regarder l'endroit où vous voulez vous rendre sur la carte de l'écran. L'ordinateur de bord s'occupera du reste.

Une planisphère apparut. Pavel regarda l'Europe et l'écran fit un zoom sur cette région. Il fixa le centre du Vieux Continent, puis la République Tchèque.- Comment est-ce possible? Je n'ai absolument rien fait d'autre que de regarder l'écran, s'exclama-t-il.- C'est grâce au transmetteur de pensée que l'ordinateur réagit, fit Tranklor.Le tchèque regarda ensuite la région de Prague. Il possédait une maison à Votice, une bourgade à cinquante-cinq kilomètres au Sud de la capitale. Ils se posèrent sur une petite route de campagne très peu fréquentée, à cinq kilomètres de chez lui. Kevin et lui s'y rendirent à moto. Heureusement

pour lui, ils ne virent personne en arrivant, car cela aurait fait un beau scandale. En effet, il avait complètement oublié d'ôter son déguisement. Il ne s'en aperçut que lorsqu'il vit son reflet dans le miroir de la salle de bain. Il s'en débarrassa immédiatement, prit des vêtements de rechange et des affaires de toilette. Ensuite, il descendit au garage, mit ses bagages ainsi qu'une grosse boîte à outils et trois lampes de poche dans sa Toyota Land cruiser. Les deux hommes retournèrent à l'endroit d'où ils avaient débarqué. Le vaisseau était là, prêt à les recevoir. Ils y pénétrèrent et, moins d'une minute plus tard, ils étaient à Dakhla.

Fouad les y attendait. Il avait profité de leur absence pour se rendre au village où il avait dit au gardien qu'il allait séjourner un certain temps dans la propriété, qu'il s'occuperait de tout et qu'il l'aviserait de son départ. Cependant, l'homme avait insisté pour l'aider à transporter les victuailles et le bois de chauffage qu'il avait achetés. Ils avaient fait le trajet à dos de chameau. Fouad, qui n'avait plus l'habitude de ce mode de transport, se massait vigoureusement l'arrière-train en grimaçant de douleur.

L'égyptien proposa aux extraterrestres de garer le vaisseau et les véhicules dans la cour intérieure:- Ils y seront à l'abri des regards indiscrets, s'il y en a, et il sera plus commode d'y accéder depuis la maison.

VIDAKHLA

Alors qu'il achevait de s'installer, Pavel se rendit compte qu'un aspect des voyages à bord du vaisseau lui avait échappé. Comme il faisait de plus en plus sombre dans la chambre, il regarda machinalement par la fenêtre et réalisa que le soleil était en train de se coucher. Cependant, pour son organisme, il était à peine plus de midi. En l'espace de quelques dizaines de secondes, il avait

traversé sept fuseaux horaires! A ce rythme, son horloge biologique allait en prendre un sacré coup.

Lorsqu'ils furent installés, Pavel et Kevin rejoignirent les autres au salon. L'égyptien avait préparé des plats de la région. C'est au moment où ils allaient se mettre à table que Pavel remarqua que Swyloz et Tranklor n'avaient partagé aucun repas avec eux.- Au fait, j'ai été très malpoli avec vous, fit-il. Je ne vous ai jamais invités à vous joindre à nous pour manger. J'en suis confus.- Nous n'aurions de toute façon pas pu accepter, répondit le xytron.- Et pourquoi ?- Parce que nos organismes ne supporteraient pas vos aliments, fit le worglak.- Mais alors, qu'est-ce que vous mangez ? demanda Kevin.- Eh bien, nous allons vous montrer.

Ils sortirent et revinrent quelques instants plus tard avec plusieurs petites boîtes de la taille d'un paquet de cigarettes, de différentes couleurs. Swyloz en ouvrit une, violette, qui contenait un sorte de gélules translucides de la même couleur que la boîte.- Nous n'absorbons que les éléments qui sont nécessaires au fonctionnement de notre organisme. Ces gélules constituent mon alimentation de base. Dans les autres boîtes se trouvent les éléments complémentaires. Chaque jour, au réveil, l'ordinateur nous fait un check-up de santé et nous dit de quoi nous avons besoin et dans quelles proportions.- Comme nous sommes de constitutions différentes, mes gélules de base sont brunes, reprit Tranklor. Ça nous évite de nous tromper. En fait, le seul élément que nous pouvons partager avec vous, c'est l'eau. Et encore, il nous faudrait la purifier. - Vos habitudes alimentaires sont bien tristes, remarqua Fouad. Moi, j'aurais de la peine à m'y faire.- Vous ne pourriez même pas boire un verre de vin ou une petite bière? demanda Kevin.- J'en doute, répliqua Swyloz. Mais, nous pourrions faire une analyse chimique et voir ce qu'en dit l'ordinateur.- Puisque nous parlons de physiologie, j'aurais des questions à vous poser, fit Pavel? Puis-je me permettre d'être un peu curieux ?- Il n' y a aucun problème, répondit le xytron.- Eh bien, je vais commencer par vous, Swyloz. Quand nous avons visité votre vaisseau, vous nous avez dit que votre siège et vous, en quelque sorte ne faisaient qu'un, nous faisant comprendre que tous les xytrons ont les membres inférieurs atrophiés. A quoi cela est-il dû ?- En fait, c'est une conséquence de notre évolution. Nos ancêtres étaient comme vous. Ils avaient deux jambes et deux pieds. Il y a trois mille ans à peu près, notre société a concentré tous ses efforts sur le développement de l'automatisation. Nos activités ont diminué jusqu'à devenir pratiquement nulles. Nous avons progressivement cessé d'utiliser nos jambes, et nous ne nous servons de nos bras et de nos mains que pour le strict minimum. Parallèlement, notre activité cérébrale s'est intensifiée, ce qui a provoqué une augmentation de notre masse encéphalique.- Ah, je vois. Donc votre siège vous sert de jambes et de bras.- Pas seulement. C'est aussi notre lit, notre principal outil de travail, notre centre de communications, et aussi une partie de notre tête. Il est pourvu d'un ordinateur auquel nous sommes reliés. De plus, on peut y adapter tous les instruments et appareils dont nous avons besoin. Par exemple, si vous, Kevin, vous étiez xytron, votre siège serait muni d'appareils photo, de caméras et d'enregistreurs.- C'est vraiment impressionnant, fit Pavel. Quant à vous, Tranklor, ne possédant pas d'appendice nasal, comment faites-vous pour respirer ?- Nous respirons par la peau. Nous n'avons pas de poumons. L'échange oxygène - gaz carbonique se fait directement au moyen d'un vaste réseau de conduits reliant les pores aux artères.- Mais, si vous n'avez pas de poumons, comment faites-vous pour parler ?- Nous ne parlons pas. Du moins, pas au sens où vous l'entendez. Pas oralement. Nous communiquons mentalement.- Comme nous l'avons fait tout à l'heure, avec les transmetteurs de pensée ?- Exactement. En fait, à la base, ces appareils étaient des prothèses destinées aux vieux worglaks ayant des troubles de communication en raison de leur âge avancé.- Nous autres, xytrons, nous les utilisons dans nos relations avec les worglaks, renchérit Swyloz.- Donc, compte tenu des circonstances, vous devez en porter un en permanence, conclut Pavel.- En théorie, je devrais. Mais ce n'est pas le cas. Enfin, ce ne l'est plus. Il y a déjà quelques années que je n'en ai plus besoin.- Vous voulez dire que vous arrivez à communiquer mentalement ?- Et je dois être le seul xytron à pouvoir le faire.- Et comment cela se fait-il ?- Eh bien, c'est grâce à Tranklor que j'y suis arrivé.- Je dirais plutôt que c'est grâce à notre amitié, corrigea le worglak.- Oui, c'est vrai. Pour que vous puissiez bien comprendre, je crois qu'il nous faut commencer par vous donner des explications sur la nature des liens qui unissent nos deux planètes, ou plutôt qui les unissaient. Et, pour cela, un bref résumé historique est nécessaire. Alors, voilà. Les débuts de nos relations ont été plutôt difficiles. En effet, la première rencontre entre worglaks et xytrons a eu lieu dans l'espace, alors qu'ils poursuivaient le même objectif: la colonisation de Smeeir Langgor. Il s'ensuivit une confrontation qui dégénéra en une guerre terriblement dévastatrice: Smeeir Langgor fut détruite en trois jours. Puis, le conflit s'amplifia. Chacun s'en prit à la planète de l'autre, si bien que, tant Worglak que Xytron subirent des dégâts considérables. Les forces en présence étaient d'une égalité telle que, à la longue, il devint évident que cela allait se terminer par un anéantissement mutuel total. Il y eu donc des discussions entre nos dirigeants à l'issue

desquelles ils convinrent que cette guerre était absurde et que, au lieu de nous affronter, il valait mieux mettre nos forces en commun. Ce changement fut en grande partie causé par une idée dont on ne connaît pas l'auteur, mais qui est devenue notre devise:

"Nous ne connaissons qu'une infime partie de l'univers. Il se peut qu'il existe des civilisations qui nous sont supérieures et qui sont déjà en chemin pour venir nous coloniser."

On cessa les hostilités, et c'est sur la base de ces discussions qu'ont été fondées nos relations. Il s'agit donc plus d'une collaboration "forcée" ou "obligée" que "volontaire". - Certes, il y a bien eu quelques exemples de sympathie, de solidarité, voire de camaraderie entre xytrons et worglaks, reprit Tranklor. Mais ces cas sont restés assez rares, et je crois que l'amitié qui nous lie, Swyloz et moi, est quelque chose d'unique. Pour que vous vous en fassiez une idée plus précise, lorsque nous avons voulu partager la même chambre à l'Académie des Sciences de l'Espace, notre demande n'a été acceptée qu'à titre provisoire, après une réunion extraordinaire du Conseil Académique à laquelle nous avions dû nous présenter. Jusqu'alors, jamais un xytron et un worglak n'avaient habité ensemble. Certes, au tout début, nous avons été l'objet de quelques railleries de la part de nos camarades, mais jamais rien de sérieux, et ils se sont vite habitués à nous voir ensemble.- Donc, pour en revenir au sujet de la communication mentale, continua Swyloz, un jour, nous sommes tombés par hasard sur un vieux document. C'était une étude qui traitait des origines de la vie sur Worglak. Comme vous le savez, il n'y a pas de vie sans eau. Et c'est même là qu'elle a toujours commencé. Or, il se trouve que, pour une raison qu'on ignore, sur Worglak, elle y est restée confinée anormalement longtemps. A tel point que les lointains ancêtres de mon compagnon communiquaient déjà avant de sortir de l'élément liquide. Et ils le faisaient mentalement ! En apprenant cela, Tranklor s'est mis à réfléchir et m'a dit: "Si des êtres aussi primitifs pouvaient le faire, il n' y a aucune raison pour qu'une créature aussi évoluée que toi n'y arrive pas." J'ai eu beau lui dire que c'était le milieu naturel qui avait forcé ses ancêtres à se développer de cette manière, il n'a rien voulu entendre. Et il avait raison ! Il m'a fallu beaucoup de temps, de patience et d'efforts, mais j'ai fini par y arriver. Bien sûr, je ne le ferai jamais aussi bien que Tranklor, il est né avec.- Et, pensez-vous que nous pourrions aussi y arriver ? demanda Pavel.- Vous, je ne sais pas. Vous êtes peut-être trop âgé, répondit Tranklor. Swyloz s'y est mis alors qu'il était adolescent. Encore que ce n'est pas impossible. Il faudrait voir vos capacités. Quant aux êtres humains, il est très probable qu'ils puissent le faire.- En fait, il y en a qui en sont capable, affirma Kevin. Bien sûr, on les considère doués de pouvoirs surnaturels, mais ils existent.

Ils continuèrent à parler de choses et d'autres pendant qu'ils mangeaient. Lorsqu'ils eurent terminé, Pavel alla chercher son téléphone satellitaire, son ordinateur ainsi que les batteries. Il fit remarquer aux autres que l'absence d'électricité allait bientôt lui poser un problème pour faire fonctionner ses appareils.- Ne vous en faites pas, dit Swyloz. Nous pouvons vous fournir toute l'énergie électrique dont vous avez besoin.

Le tchèque révisa son courrier électronique. Il avait reçu une vingtaine de réponses, toutes de personnes intéressantes et intéressées par l'expérience. Elles venaient de partout dans le monde. Pavel leur écrivit à tous, ainsi qu'aux trois premiers en leur demandant de lui donner un numéro de téléphone pour qu'il puisse les appeler et en leur conseillant de se tenir prêts à les rejoindre à n'importe quel moment. Quand il eût terminé, il alla rejoindre les autres à bord du vaisseau.

Ils parlèrent de la suite du projet. Le tchèque les informa au sujet du courrier qu'il avait reçu et auquel il avait répondu. Les extraterrestres, quant à eux, suggérèrent de commencer leur enseignement par les ressources énergétiques et la chimie pour les nouveaux matériaux.- Et comment allons-nous faire venir tous ces gens ? demanda Fouad.- J'y ai réfléchi et je crois que j'ai un plan qui se tient, fit Kevin. Tout d'abord, comme nous savons dans quelles villes se trouvent ces gens, il faut que nous fassions une reconnaissance des endroits où ils vivent pour repérer les lieux les plus appropriés pour leur embarquement. Comme il y a de très fortes chances pour que ces endroits soient éloignés des villes, nous devrons également fixer des points de rendez-vous où nous irons les prendre, Pavel avec sa voiture, et moi avec ma moto pour les amener aux lieux d'embarquement. Qu'en pensez-vous ?- Tout cela me paraît très bien, reconnut Fouad. Mais comment allez-vous vous y prendre pour les identifier ?- Vous avez raison, admit Pavel. Je vais leur envoyer un autre message pour leur demander de me faire parvenir une photo récente.- Pour ceux qui ont un portable, on peut aussi leur demander de le prendre avec eux et les appeler au dernier moment pour leur donner des instructions précises afin que ce soient eux qui nous identifient, proposa Kevin.- C'est une très bonne idée, approuva le tchèque. Nous ferons donc les deux choses. je vais leur écrire et établir la liste des régions à reconnaître.- Maintenant que nous savons comment nous allons les faire venir, comment allons-nous les recevoir ? remarqua l'américain. Je veux dire, si le logement ne pose pas de problèmes, en revanche, il faudra bien les alimenter. Et, faire à manger pour près de vingt-cinq personnes, ça représente un sacré boulot. Et je crois qu'il ne serait pas très courtois de notre part de les bourrer de sandwiches, et pas très sympa de leur servir les gélules de nos amis.- Vous avez raison, Kevin, répondit Pavel. Il nous faut trouver une solution.- Je m'en occuperais volontiers, fit Kevin, mais je suis absolument nul en cuisine.

- J'ai peut-être une idée, lâcha Fouad après un petit moment de réflexion. Je pourrais demander à Nadir et à sa femme de venir nous aider.- Est-ce que ça n'est pas un peu risqué ? demanda le tchèque.- Oh non, pas du tout, répondit l'égyptien. Je vous rappelle que Nadir est un peu mon frère. Je sais qu'on peut compter sur lui. Laissez-moi aller lui parler demain matin. Je suis sûr que le problème sera réglé.- Bien, dans ce cas, faites comme bon vous semble.

Pavel retourna à son ordinateur et revint une demi-heure plus tard.- Voilà, c'est fait, et j'ai la liste. Je propose de commencer tout de suite afin de ne pas perdre de temps. Vous êtes d'accord ?- Allons-y! répliqua Swyloz.- Bien. Le premier est Dieter Feldkirsch, physicien, Heidelberg, Allemagne, annonça Pavel.

Ils s'y rendirent immédiatement. Il ne leur fallut pas bien longtemps pour trouver un endroit convenable dans la campagne environnante, ainsi qu'un lieu de rendez-vous en ville. Ils firent de même à Bombay, où vivait Rajiv Shooshri; à Canberra, où résidait Ron Davies; à Saigon pour Pham Nam-Kim; à Oslo pour Olaf Thorsen; à Porto pour Flavio Texeira et à Zürich pour Rolf Eberle. Ils décidèrent de rentrer à Dakhla et de continuer le lendemain.

Le samedi, comme ils en avaient convenu, ils poursuivirent et terminèrent leur travail de repérage. Ils revinrent à l'oasis pour mettre au point la suite des opérations. Ils se mirent d'accord, en premier lieu, pour téléphoner à leurs hôtes juste avant d'aller les chercher afin de limiter les risques, puis pour que Pavel et Kevin aillent les prendre à tour de rôle, ce dernier étant chargé des villes telles que Bombay, Saigon, Porto ou Rome, où la circulation était plus facile en moto qu'en voiture. Il leur faudrait également tenir compte de l'horaire, afin d'éviter les embouteillages des heures de pointe.

Ensuite, Fouad alla au village d'où il ramena Nadir et sa femme Alexeï, et le tchèque alla regarder son courrier pour voir s'il avait déjà reçu des réponses à son dernier message. En effet, il y en avait cinq. Pavel retourna donc vers les autres pour le leur annoncer et ils décidèrent d'attendre jusqu'au lundi pour s'organiser. Une fois tout cela établi, Swyloz et Tranklor allèrent aux nouvelles de leur conflit. Ils n'apprirent rien de très important, si ce n'est que la guerre commençait à prendre des proportions considérables et que les dégâts qu'elle causait étaient gigantesques, tant pour Worglak que pour Xytron. Puis, tout le monde alla se coucher.

Le lendemain, n'ayant rien d'autre à faire que d'attendre les réponses de leurs futurs hôtes, ils décidèrent de mettre ce dimanche à profit pour aménager la propriété afin de recevoir leurs invités dans les meilleures conditions possibles.

A cinq heures de l'après-midi, Pavel alla s'enquérir de son courrier. Tous ceux qui avaient reçu son message y avaient répondu. Ils décidèrent de les amener à l'oasis dès le lendemain. Ils organisèrent donc minutieusement cette opération. Ils terminèrent vers vingt-trois heures, puis allèrent prendre un peu de repos.

VII

PREMIÈRES LEÇONS

Le lundi matin, ils se réveillèrent de bonne heure, car cette journée allait être bien chargée. En effet, ils avaient vingt-deux personnes à aller chercher, de Canberra à Kiev, en passant par Londres, Tokyo, Zürich, Le Cap, et bien d'autres. En fait, ce qui allait leur prendre le plus de temps, n'était pas d'aller d'un point du globe à l'autre, mais bien le trajet entre le lieu de la prise en charge et celui de l'embarquement. Si bien que, lorsqu'un des hommes sortait du vaisseau avec son véhicule, l'appareil repartait avec l'autre pour le déposer à l'endroit suivant. Et dès qu'on embarquait un des invités, on l'emmenait directement à Dakhla où il était reçu par Fouad. Tout ce ballet était magnifiquement synchronisé à l'aide des transmetteurs de pensée. Et, afin de ne choquer personne, Swyloz et Tranklor s'étaient retranchés derrière une paroi qui séparait leur poste de pilotage du reste de la grande salle d'entrée.

A quatre heures de l'après-midi, tout le monde était installé dans la propriété de l'oasis. Pavel Holecek prit la parole pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivants et pour faire les présentations:

- Chers amis, c'est avec une grande émotion que j'ai le plaisir de vous recevoir. Je vous remercie infiniment pour votre intérêt à participer à ce projet, et il ne fait aucun doute que demain, ce sera l'humanité toute entière qui vous en sera reconnaissante. En effet, l'homme va se souvenir longtemps de ce qui va se passer ici. Je vais maintenant vous présenter les personnes, car bien qu'ils ne soient pas du genre humain, ils n'en sont pas moins des personnes, qui vont vous enseigner tout ce qu'ils pourront pour nous permettre de faire un bond de plusieurs siècles en matière de technologie. J'ai nommé monsieur Swyloz de la planète Xytron, et monsieur Tranklor de la planète Worglak.

Les deux extraterrestres vinrent se placer aux côtés du tchèque et ils furent accueillis par un tonnerre d'applaudissements, puis Pavel continua:- Tranklor, Swyloz, j'ai l'honneur de vous présenter les gens à qui vous allez transmettre vos connaissances: Madame Ann Wilkins, biologiste, Londres, Grande-Bretagne; Madame Ingrid Kramer, biochimiste, Linz, Autriche; Mademoiselle Elena Sanchez, chimiste, Monterrey, Mexique; Monsieur Rajiv Shooshri, informaticien, Bombay, Inde; Monsieur Ron Davies, physicien, Canberra, Australie; Monsieur Stellios Alexeï, physicien, Athènes, Grèce; Monsieur Dieter Feldkirsch, physicien, Heidelberg, Allemagne; Monsieur Rolf Eberle, astrophysicien, Zürich, Suisse; Monsieur Noureddine Mili, chimiste, Rabat, Maroc; Monsieur Yogushi Takashi, ingénieur aéronautique, Tokyo, Japon; Monsieur Pham Nam-Kim, informaticien, Saigon, Viêt-Nam; Monsieur Pierre-Louis Beneux, ingénieur aéronautique, Toulouse, France; Monsieur Olaf Thorsen, biologiste, Oslo, Norvège; Monsieur Jan Van de Welde, astronome, Le Cap, Afrique du Sud; Monsieur Youri Sevtchenko, astrophysicien, Kiev, Ukraine; Monsieur Flavio Texeira, chimiste, Porto, Portugal; Monsieur David Lawson, physicien, Vancouver, Canada; Monsieur Bernard Heymans, informaticien, Bruxelles, Belgique; Monsieur Renato Pascoli, astronome, Turin, Italie; Monsieur Vassili Larionov, astrophysicien, Moscou, Fédération de Russie; Monsieur Lee Palmer, ingénieur aéronautique, Houston, Etats-Unis; Monsieur Carlos Pellegrini, biochimiste, Buenos Aires, Argentine. Enfin, pour terminer, voici Monsieur Kevin Vaughan, cameraman, New York, Etats-Unis, ainsi que Monsieur Fouad El-kabhar, diplomate, Le Caire, Egypte. Voilà pour les présentations. Demain matin, nos amis extraterrestres vous informeront du programme qu'ils ont préparé. Mais avant de nous mettre à l'oeuvre, nous allons commencer par une soirée décontractée pour vous mettre à l'aise et pour créer une ambiance de travail détendue. Je vous propose donc de passer aux réjouissances, et de vous servir au magnifique buffet que Monsieur El-kabhar a eu la gentillesse de nous préparer en guise de bienvenue.

La soirée fut très réussie. Quelques invités firent part de leur inquiétude au sujet de l'absence d'électricité, mais Pavel les rassura très vite en leur affirmant que ce détail allait être résolu dans les plus brefs délais.

Le lendemain matin, au petit déjeuner, les extraterrestres expliquèrent le programme qu'ils avaient établi et, tel qu'ils en avaient parlé à Pavel lors de leur arrivée à la propriété de Phil Gardner, ils allaient commencer par les ressources énergétiques avec les physiciens, les astronomes et les astrophysiciens. Ils proposèrent de former également un autre groupe avec les chimistes et les biochimistes pour étudier de nouveaux matériaux. Leur vaisseau offrant tout le matériel, disposant de la place suffisante et pouvant facilement recevoir deux groupes séparés par une cloison, ils les invitèrent à s'y rendre dès qu'ils auraient fini de manger.

C’est Tranklor qui se chargeait des ressources énergétiques. Il commença par montrer les principales sources d'énergie sur lesquelles ils allaient travailler, c'est-à-dire le Soleil, la Lune et la Terre. Il s’adressa à ses "élèves":- je vais commencer par exposer les bases du fonctionnement des systèmes solaires. Je vous prie de ne pas penser que nous vous prenons pour des ignorants, car je sais que vous connaissez tout cela. Mais, il me semblait important de commencer par là pour ensuite utiliser ces bases et développer les théories de nos technologies énergétiques. Cet après-midi, nous continuerons, et demain, nous passerons à la mise en application de ces théories.

Swyloz, de son côté, s'occupait des nouveaux matériaux:- Tout d'abord, nous allons réviser les connaissances de base, c'est-à-dire la table des éléments, telle que vous la connaissez, puis, nous passerons aux matériaux composites que vous produisez déjà. Ensuite, je vous parlerai de nouveaux procédés d'alliage, de transformation de molécules et de nouvelles combinaisons de matériaux. Et demain, nous procéderons à la fabrication.

Quant à Pavel, il resta avec les personnes qui restaient pour mettre au point la page web. En fait, Rajiv Shooshri avait déjà commencé à y travailler et il ne restait même pas grand chose à faire. La page principale était très réussie. Le fond bleu marine était parsemé d'étoiles et de petites planètes sur lesquelles il fallait cliquer pour accéder aux différents points du site: actualités générales, physique, biochimie, chimie, astronomie, aéronautique, astrophysique, informatique & robotique, forums, boîte à idées. Il avait également élaboré un logo qui faisait très officiel. C'était un cercle blanc au milieu duquel figurait la Terre en bleu et or. En fait, il ne manquait plus que quelques détails à mettre au point. L'un d'entre eux, et pas le moindre, était de trouver un nom pour le projet.

C'est ainsi que se passa la matinée. A midi, ceux qui sortaient du vaisseau étaient tous aussi abasourdis et fascinés les uns que les autres. Les physiciens et astrophysiciens connaissaient bien sûr l'énergie formidable développée par les astres, mais ils ne savaient pas comment la capturer pour la rendre utilisable, et c'est ce que les extra-terrestres leur avaient montré. Mais ils étaient tellement en avance sur notre âge que même les plus qualifiés d'entre eux n'y comprenaient pas grand chose. Quant à l'autre groupe, Swyloz leur en avait tellement expliqué qu'ils ne savaient plus trop où ils en étaient.

Alors qu'ils déjeunaient, Pavel et Rajiv étaient assis l'un à côté de l'autre. Le tchèque s'adressa à l'hindou:- Serait-il possible d'ajouter un point sur le site? demanda Pavel à Rajiv.

- Sans problème. Vous savez, il y aura toujours moyen de faire des modifications.- Bien sûr, suis-je bête. J'ai parlé sans réfléchir. Excusez-moi. Voilà, je pense qu'il faudrait que les gens qui veulent nous rejoindre puissent nous contacter au moyen du site.- J'y avais pensé et je voulais vous en parler, mais j'ai oublié de le faire.- Mais il faut être prudent afin d'éviter les mauvaises surprises. Donc, tout d'abord, je crois qu'il faudrait créer une fiche d'inscription aussi complète que possible. Nous devons connaître un maximum de choses sur les candidats: nom, prénom, âge, provenance, spécialité, adresse, numéro de téléphone, photo récente, situation de famille, etc.- O.K. Je vais vous préparer tout ça après le repas, et je vous le montrerai cet après-midi.- Ça me paraît très bien, fit le tchèque.

Puis il se tourna vers le reste du groupe:- Mesdames, Messieurs, votre attention s'il vous plaît. J'ai le plaisir de vous annoncer que nous avons presque terminé l'élaboration de notre site web. Il ne nous manque plus qu'un nom pour notre projet. Si vous avez des suggestions à nous proposer, elles seront toujours les bienvenues.

Dans le courant de l'après-midi, Pavel alla faire un tour du côté du vaisseau pour se renseigner sur les progrès des savants. Quand il pénétra dans le vaisseau, il fut surpris par le silence absolu qui y régnait. Il comprit immédiatement que les hommes étaient munis de transmetteurs de pensée. Il n'en fut pas surpris. En effet, ces appareils avaient l'avantage de supprimer toutes les difficultés causées par la diversité linguistique.- De plus, ajouta Tranklor qui avait surpris sa pensée, grâce aux transmetteurs, les gens ont beaucoup plus de facilité pour comprendre, étant donné que la communication se fait par des idées et non pas par des mots.

Le tchèque A la fin de la journée, lorsque tout le monde se retrouva dans la salle à manger, Pavel se

déclara satisfait des progrès réalisés par les équipes qui travaillaient avec Tranklor et Swyloz. En effet, les deux extraterrestres lui avaient annoncé qu'à partir du lendemain, ils allaient aménager des ateliers dans les écuries pour la fabrication des générateurs d'énergie et qu'il fallait commencer l'installation électrique car dans les trois jours, tout serait prêt. Cette nouvelle fut accueillie avec une certaine joie dans l'assemblée et les "élèves" furent chaleureusement félicités.

Une fois le repas terminé, Tranklor et Swyloz annoncèrent la suite du programme. - Demain matin, nous allons acheter le matériel nécessaire pour la fabrication des générateurs et pour l'installation électrique. Puis, l'après-midi, nous allons travailler avec les ingénieurs en aéronautique qui vont étudier de nouveaux types de véhicules.

Puis, Swyloz proposa une soirée télé dans le vaisseau.- Qu'est-ce qu'il y a au programme ? demanda Elena Sanchez en souriant.- Eh bien, ce sera à vous tous de décider.- Oui, mais nous n'avons certainement pas tous les mêmes goûts.- Rassurez-vous, Mademoiselle, nous y avons pensé. Nous allons diviser le poste de commande du vaisseau en cinq salles: une pour les informations, une pour les documentaires, une pour le cinéma d'action, une pour le cinéma romantique et une pour le sport. Cela vous semble-t-il bien?- Vous êtes vraiment des êtres merveilleux, fit la mexicaine. Rien ne vous échappe.- Il faut dire que nous ne sommes pas seuls, fit Tranklor. En fait, c'est notre ami Fouad El-kabhar qui a eu cette idée.- Dans ce cas, merci Monsieur El-kabhar. C'est très gentil à vous d'avoir pensé à nous divertir.- Ce n'est rien, répondit l'égyptien. Moi aussi, j'ai envie de me changer les idées. Si ce qui nous a amenés ici est quelque chose de très sérieux, cela ne veut pas dire que nous n'avons pas le droit de passer des moments agréables.

Sur ces bonnes paroles, ils se rendirent au vaisseau où ils passèrent la soirée.Le lendemain matin, mercredi 23 mai, on commença la journée par une distribution générale

de transmetteurs de pensée. En effet, la veille au soir, Pavel en avait discuté avec les extraterrestres qui disposaient d'un stock plus que suffisant des ces appareils. Ensuite, on passa au montage de l'installation électrique dans la maison. Kevin Vaughan, qui avait une bonne expérience dans la construction, en avait dessiné les plans.- Vous voyez bien que vous nous êtes utile, Kevin, lui dit Pavel. Sans vous, nous aurions perdu beaucoup de temps et nous nous y serions mal pris. Et, puisque vous vous y connaissez, vous dirigerez les travaux.

Puis, les extraterrestres emmenèrent le tchèque et l'américain pour acheter le matériel nécessaire. Afin de ne laisser aucun indice quant à leur localisation, ils firent leurs courses à différents endroits de la planète. A Varsovie pour les câbles, à Ankara pour les ampoules, à Wellington pour les prises, à Johannesburg pour les interrupteurs, à Yokohama et Stockholm pour le reste des fournitures, et à Turin et Barcelone pour les matériaux dont les physiciens avaient besoin pour fabriquer les générateurs.

Ils revinrent vers midi et, après le déjeuner, les deux groupes de Swyloz et Tranklor s'occupèrent de la construction des générateurs, alors que l'autre groupe, sous la direction de Kevin Vaughan, se chargea de commencer l'installation. De leur côté, Rajiv Shooshri et Pham Nam-Kim peaufinèrent les détails du site Internet. Le soir, lorsque tout le monde se réunit dans la salle à manger, l'hindou et le vietnamien s'approchèrent de Pavel Holecek pour lui annoncer qu'il ne manquait plus que le nom du site pour pouvoir le mettre en ligne. C'est alors que Jan Van de Welde se leva et leur adressa la parole:- Cet après-midi, pendant que nous posions des câbles, j'ai eu une idée dont j'ai parlé à mes compagnons et qu'ils m'ont proposé de vous soumettre. - Nous vous écoutons, fit le tchèque.- Eh bien voilà. J'ai pensé que nous pourrions prendre le nom de "Projet XytWor", en l'honneur de nos maîtres, puisque c'est grâce à eux que nous allons pouvoir transmettre tout ce savoir.

- Cela me paraît très bien. Et si cela n'évoque pas vraiment ce que nous faisons, c'est en tout cas moins pompeux que des titres du style: "Terre Nouvelle", "Nouvelle Ere" et autres choses du genre auxquelles je pensais.

Puis Pavel s'adressa au reste de l'assemblée:- Y a-t-il des objections?

Comme personne ne se fit entendre, la proposition du sud-africain fut acceptée et le repas fut servi. Après le dîner, les extraterrestres renouvelèrent leur proposition de la veille et tout le monde se rendit à l'intérieur du vaisseau pour une nouvelle soirée télé. Pavel regarda les informations où il apprit qu'une délégation kenyane composées de membres des gouvernements ainsi que des principaux chefs rebelles était arrivée à Genève pour une conférence de paix au terme de laquelle un accord définitif allait être signé. Kevin, Fouad et lui regardèrent Swyloz et Tranklor en souriant. Ils sentaient une certaine fierté en pensant qu'eux aussi avaient participé aux évènements qui avaient conduit à ce sommet.- Ne pensez-vous pas que nous devrions informer le monde du concours que nous ont apporté nos amis dans le règlement du conflit ? demanda l'égyptien au tchèque.- Oui, bien sûr. Mais il ne faudra le faire que lorsque l'accord sera signé.

Lorsqu'il alla se coucher, Pavel pensa qu'il avait absolument besoin de parler à Philip Gardner. Il décida donc de lui téléphoner le lendemain.