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CYRANO DOSSIER PÉDAGOGIQUE Dossier téléchargeable sur notre site : https://theatrelesalmanazar.fr/spectacles/cyrano/ CONTACT Sophie Godey 03 26 51 15 84 [email protected] MAR 19 MARS I 20H THÉÂTRE À PARTIR DE 13 ANS DURÉE 2H45 GRANDE SALLE © Baptiste Lobjoy

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Page 1: Mise en page 1 - Scène de création et diffusion d'Épernay · de Sophocle (2015) et La Paix d’Aristophane (2016). Il y joue Tchekhov, Brecht, Shakespeare, Hugo, Büchner et Feydeau

CYRANO

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DOSSIER PÉDAGOGIQUEDossier téléchargeable sur notre site :

https://theatrelesalmanazar.fr/spectacles/cyrano/

CONTACT• Sophie Godey • 03 26 51 15 84 •

[email protected]

MAR 19 MARS I 20HTHÉÂTRE • À PARTIR DE 13 ANSDURÉE 2H45 • GRANDE SALLE

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DE Edmond RostandMISE EN SCÈNE Lazare Herson MacarelAVECHarrison Arevalo en alternance avec René TurquoisJulien CampaniPhilippe Canales en alternance avec Eric Herson-MacarelCéline ChéenneEddie ChignaraJoseph FourezSalomé Gasselin en alternance avec Garance BoizotDavid GuezPierre-Louis JozanMorgane NairaudGaëlle VoukissaSCÉNOGRAPHIE Ingrid PettigrewCOSTUMES Alice Duchange ASSISTÉE DE Selma DelabrièreLUMIÈRE Jérémie PapinASSISTÉ DE Léa MarisCRÉATION MUSICALE Salomé Gasselin et Pierre Louis Jozan MAQUILLAGES Pauline BryMAÎTRE D’ARMES François Rostain

MAR 19 MARS I 20HTHÉÂTRE • À PARTIR DE 13 ANSDURÉE 2H45 • GRANDE SALLE

CYRANO

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C’est l’une des pièces les plus connues et les plus savoureuses duthéâtre populaire français. Dès sa création à la fin du 19e siècle, ellesuscita un vif intérêt, jamais démenti depuis. Dans cette œuvreculte de Rostand, on voit le cœur de Roxane balancer entre deuxprétendants que tout oppose, l’intelligence pour l’un, la beautépour l’autre. Ils vont pourtant devoir s’allier afin de tenter deconquérir l’amour de la belle. Mais, ce qui séduit aussi dans ce Cyrano, c’est cette vitalité de troupe. Comme le précise avec en-thousiasme le jeune et talentueux metteur en scène, « donnercette pièce, c’est toujours donner une fête populaire qui rassemblepour un festin de mots, d’intelligence, d’énergie vitale. Parce quece texte est une expérience de jubilation pure, tant pour l’acteurque pour le spectateur ». Grâce à Lazare Herson-Macarel et toutela générosité de sa jeune troupe, c’est toute la verve de Cyrano quinous est donnée à voir et à entendre. Et pour incarner Cyrano, il achoisi Eddie Chignara qui fait résonner cette œuvre avec tout lepanache nécessaire. Une version pleine de souffle et de virtuosité.

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POURQUOI CYRANO ?Parce que donner cette pièce, c’esttoujours donner une fête populaireau véritable sens du terme, fête quirassemble les gens les plus diffé-rents pour un festin de mots, d’in-telligence, d’énergie vitale, dedépense improductive. Parce quece texte est une expérience de ju-bilation pure, tant pour l’acteur quepour le spectateur – et que cette ju-bilation propre au théâtre est unpremier pas vers l’action. Parce quela figure même de Cyrano nous ins-pire la liberté, l’insolence, l’insou-mission, le désir d’insurrection pourun monde meilleur, le refus descompromissions, des paresses in-tellectuelles et des résignations –toutes choses dont notre sociétéoublie petit à petit qu’elles sontpossibles. Parce que Cyrano estune grande pièce de troupe. Aprèsune liste de quarante-cinq person-nages, on peut lire sur la page degarde : « La foule, bourgeois, mar-quis, mousquetaires, tire-laine, pâ-tissiers, poètes, cadets, gascons,comédiens, violons, pages, enfants,soldats espagnols, spectateurs,

spectatrices, précieuses, comé-diennes, bourgeoises, religieuses,etc. » La profusion essentielle de lapièce commence là. Elle ditquelque chose du théâtre quenous voulons faire. C’est une formede résistance politique que de réu-nir, quel qu’en soit le prix, dix ac-teurs au plateau. C’est beaucouppour le monde d’aujourd’hui, c’estpeu pour jouer Cyrano.

NOTE D’INTENTION

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Parce que j’ai rencontré Eddie Chi-gnara. C’est un acteur-monde, unogre de théâtre, un travailleuracharné, un rythmicien génial,doué d’une palette de jeu sans li-mites connues, doué surtout decette générosité essentielle qui lefait toujours dépasser l’horizon d’at-tente des spectateurs. Il est pourmoi une incarnation du théâtre po-pulaire, par l’exigence qu’il a enverslui-même, par sa joie communica-tive, par le caractère héroïque del’énergie qu’il offre, et surtout parune certaine manière de faireconfiance à l’intelligence du spec-tateur. Je sais Eddie Chignara capa-ble de marquer l’histoire du rôle.Depuis qu’ils l’ont vu jouer Shakes-peare, Feydeau, Schwartz ou So-phocle, ses contemporains lesavent capable de grandes choses,et attendent avec impatience sa ré-vélation – ce qui est exactement lecas de Cyrano au début de l’acte I…Parce que je crois qu’il est possiblede donner de la pièce une lecturepolitique radicale, profonde, sansconcessions. Si Cyrano n’est qu’unconte pittoresque, folklorique, bril-

lant et national, oublions-le. En re-vanche, nous pouvons rendre pal-pables pour le spectateurd’aujourd’hui l’héroïsme de Cyranoet la mélancolie de Rostand – l’hé-roïsme de Rostand et la mélancoliede Cyrano.

Loin des cours et des salons, loind’un art immédiatement recon-naissable et tristement satisfaisant,nous pouvons défendre grâce à Cy-rano de grandes idées de théâtre :la nécessité de porter un masquepour dire la vérité, la valeur inesti-mable des mots comme musiqueet comme offrande, le désir de re-trouver le paradis perdu, la vertu dela désobéissance. Je rêve la mise enscène de Cyrano comme l’occasionde rendre Rostand à cet idéalismeessentiel qui dépasse de très loinles satisfactions poétiques, rhéto-riques et militaires. Grâce à lui, au-jourd’hui, nous pouvons défaire etdétruire un malentendu majeur : lethéâtre n’est pas un artifice – c’estle dernier refuge de la réalité.

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Pas de fioritures, pas d’illustration,pas de couleur locale, pas d’orne-mentation inutile : la scénographieempruntera surtout à l’univers duthéâtre, qui a traversé le temps de-puis l’époque du véritable Cyrano :gradins, tréteaux, servante, lustres,rideaux, praticables, découvertes...Liberté de l’anachronisme, de l’oni-risme, dans le choix des accessoireset des costumes - la pièce est es-sentiellement une grande oeuvrebaroque. C’est forts de l’expériencedu Nouveau Théâtre Populaire (etavec une partie de sa troupe) quenous proposons ce spectacle aupublic le plus large : nous aurons lestrict nécessaire pour garantir laclarté de la fable et la liberté desacteurs. Acteurs d’âges et de for-mations différentes, une véritabletroupe qui est au théâtre ce que lescadets de Gascogne sont à l’art mi-litaire - des enthousiastes pleins decourage, capables de faire beau-coup avec peu. Après avoir mis enscène le Falstafe de Novarina, jereste convaincu de sa définition dela représentation au théâtrecomme « cathédrale de souffle »,comme architecture respiratoire.L’alexandrin de Rostand, vif, impré-visible, décomposé jusqu’au ver-tige, nous engage à un travail d’unegrande rigueur musicale. Les actes

I et IV (l’acte du théâtre et celui dela guerre) doivent devenir des poly-phonies légères et puissantes, ryth-miquement irréprochables, depurs instants de virtuosité.Mais cette virtuosité ne suffit pas.Nous ne devons jamais nous encontenter. Les morceaux de bra-voure dont la pièce est truffée nesont pas tout, et m’intéressent plu-tôt moins que les défauts, les fai-bles, les élans de tous cespersonnages. Tant pour jouer Cy-rano que les figures qui l’entourent,il faut rester perpétuellement at-tentif à ce que j’appellerais «l’épais-seur du jeu».

« Je n’aimais qu’un seul homme etje le perds deux fois. » Laisser devi-ner les êtres vivants, complexes,nuancés, volontaires, qui portentl’alexandrin comme on porte unmasque, qui ne font de l’esprit quepar pudeur. C’est le seul moyend’arracher Cyrano à son aspect fol-klorique, patrimonial, vieillot, et po-litiquement inoffensif. Ni reconstitution historique, nitransposition formelle, ce spectacledoit être une fête populaire, exi-geante, contrastée, lumineuse etgrave.

Lazare Herson-Macarel

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LAZARE HERSON-MACARELMETTEUR EN SCÈNEDirecteur de la compagnie de lajeunesse aimable, il est l’auteur deplusieurs pièces de théâtre dontL’enfant meurtrier (aide à la créa-tion du CNT) qu’il met en scène auThéâtre de l’Odéon (Festival Impa-tience) en 2009 et Le Chat botté etPeau d’Ane qu’il crée en partena-riat avec les Instituts Français duMaroc en 2010. Il adapte et met enscène Falstafe de Novarina qu’ilcrée au Festival d’Avignon en 2014.En 2009 il co-fonde le Festival duNouveau Théâtre Populaire (NTP,Fontaine-Guérin, Maine-et-Loire)pour lequel il met en scène Le Mi-santhrope de Molière (2009), LeCid de Corneille (2010), Oedipe-Roi

de Sophocle (2015) et La Paixd’Aristophane (2016). Il y joueTchekhov, Brecht, Shakespeare,Hugo, Büchner et Feydeau.Comme acteur, il se forme à laClasse Libre des Cours Florent sousla direction de Jean-Pierre Garnieret au Conservatoire National Supé-rieur d’Art dramatique dans laclasse de Nada Strancar et joue no-tamment sous la direction de LéoCohen-Paperman, Nicolas Liautard,Olivier Py, John Malkovich, CécileArthus, Julie Bertin et Jade Herbu-lot.

BIOGRAPHIES

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EDDIE CHIGNARACYRANOFormation au Cours Simon. Authéâtre, il a notamment joué sousla direction d’Olivier Py (Le Roi Lear,Shakespeare ; Orlando ou l’impa-tience), Adel Hakim (Ouz - Ore, Ga-briel Calderon), Philippe Adrien (LeDindon, Feydeau), Clément Poirée(La Nuit des rois et Beaucoup debruit pour rien, Shakespeare ;Homme pour homme, Brecht ; Vieet mort de H, Levin), Nicolas Liau-tard (L’Avare, Molière ; Amerikad’après Kafka ; Ajax, Sophocle ;Boulevard exquis d’après Feydeauet Labiche ; Pierre Desprogesd’après certains de ses textes ; Hy-ménée de Gogol ; La République,Platon ; Le Procès Kafka), LazareHerson-Macarel (L’Enfant meur-trier), Magali Léris (Willy Protagorasenfermé dans les toilettes et Litto-ral, Mouawad ; Le Coordonnateur,Galemiri), Philippe Awat (Le Roi nu,Schwartz), Fred Cacheux (Port decasque obligatoire, Vidic), MarionSuzanne (Bouvard et Pécuchet,Flaubert), Godefroy Segal (Le Ma-

riage de Barillon), Jean-José Rieu(Dom Juan, Molière ; Le Procès deShamgorod, Wiesel). Au cinéma, ila tourné avec E. Rebut, O. Luambo,O. Panchot, Ph. Fontana, J.-F. Ri-chet, C. de Gaspéris.

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JOSEPH FOUREZCHRISTIANFormation au CDN de Reims puis àla Classe Libre de l’Ecole Florentsous la direction de Jean-PierreGarnier. Il a joué sous la directionde Jean-Pierre Garnier (La Coupeet les lèvres et Lorenzaccio, Mus-set), Benjamin Porée (Andro-maque, Racine ; Platonov,Tchekhov ; Trilogie du revoir,Strauss), Frédéric Kunze (Woyzeck,Büchner ; Un obus dans le cœur,Mouawad), Lazare Herson-Macarel(Falstafe, Novarina) et Olivier Py (LeRoi Lear, Shakespeare ; Les Pari-siens). Avec le Nouveau Théâtre Po-pulaire, il a joué Aristophane,Tchekhov, Shakespeare, Brecht,Hugo, Feydeau, Corneille et desadaptations de contes ainsi qu’uneécriture collective sur la Ve Répu-blique. Il a mis en scène Richard IIIde Shakespeare.

MORGANE NAIRAUDROXANEFormation à la Classe Libre duCours Florent sous la direction deJean-Pierre Garnier et au Conserva-toire National Supérieur d’Art Dra-matique sous la direction de DanielMesguich puis de Nada Strancar.Elle a joué notamment sous la di-rection de Hugo Horsin (La Fa-brique), Emilien Diard-Detoeuf (LaGelée d’Arbre de Hervé Blutsch),Lazare Herson-Macarel (Peaud’Ane ; Falstafe, Novarina), JadeHerbulot et Julie Bertin (BerlinerMauer : vestiges ; Memories of Sa-rajevo ; Dans les ruines d’Athènes),Léo Cohen-Paperman (Le Croco-dile, Dostoïevski), Christine Berg(L’Illusion comique, Corneille), Clé-ment Poirée (La Nuit des rois, Sha-kespeare ; La Vie est un songe,Calderon). Avec le Nouveau ThéâtrePopulaire, elle a joué Aristophane,Kleist, Tchekhov, Shakespeare,Brecht, Maeterlink, Hugo, Feydeau,Corneille et des adaptations decontes ainsi qu’une écriture collec-tive sur la Ve République.

BIOGRAPHIES

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« N’eus-je pas une fois une jeunesseaimable, héroïque, fabuleuse, àécrire sur des feuilles d’or, - trop dechance ! Par quel crime, par quelleerreur, ai-je mérité ma faiblesse ac-tuelle ? (...) Je ne sais plus parler. »

C’est bien à Rimbaud et à ce pas-sage de la Saison en Enfer quenous nous sommes permis d’em-prunter notre nom. Ainsi, ce nomplein de légèreté et d’optimistegarde pour qui en connaît l’originela marque d’une nostalgie essen-tielle, féconde, inconsolable. Cenom ne saurait se comprendresans cette secrète nuance d’inquié-tude. Inquiétude que nous avonsdans l’intimité comme en poli-tique, pour nous êtres humainscomme pour notre société touteentière : est-il encore possible deparler ? Cette possibilité même, es-sentielle, fondatrice, n’est-elle pasinsidieusement détruite par le dé-voiement et l’appauvrissement denotre langue ? Que faire ? Nousavons donc fondé cette compagnie

pour défendre corps et âme lethéâtre aujourd’hui, c’est-à-dire laprosodie comme refuge de l’être,l’acte de parler comme fin et noncomme moyen. Nous voulons quesubsiste une exigence proprementlittéraire, car nous pensons que lalangue façonne le monde plusqu’elle ne le reflète. Comme disaitle même jeune poète solitaire : «Ilfaut être absolument moderne.»Que nous nous adressions au jeunepublic ou aux adultes, il s’agit pournous du même travail : rêver lemonde d’ailleurs plutôt que déplo-rer celui d’aujourd’hui, défendre detoutes nos forces l’idée qu’il n’estde liberté que de la parole, et queles mots sont ce feu qu’il faut voleret partager pour vaincre un mons-trueux ordre établi. La jeunesse ai-mable, c’est donc, aussi, ce qu’ilnous appartient de sauver ensem-ble, poètes, acteurs et public.

Lazare Herson-Macarel

LA COMPAGNIELA JEUNESSE AIMABLE

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Dix acteurs, deux musiciens,quelques éléments mobiles : pourfaire vivre Cyrano nous ferons le parid’une épure radicale, refusant à lafois la reconstitution historique et latransposition formelle.

DIx ACTEURS, 2000 VERS, CINQUANTE PERSONNAGESAprès avoir mis en scène le Falstafede Novarina, je reste convaincu desa définition de la représentationcomme «cathédrale de souffle»,comme architecture respiratoire.L’alexandrin de Rostand, vif, impré-visible, décomposé jusqu’au ver-tige, nous engage à un travailrythmique essentiel. Avant d’inven-ter un drame héroïque et déchi-rant, Rostand invente une poétiquevirtuose. Mais cette virtuosité nesuffit pas. Nous ne devons jamaisnous en contenter. Tant pour jouerCyrano que les figures qui l’entou-rent, il faut rester perpétuellementattentif à ce que j’appellerais«l’épaisseur du jeu». Laisser devinerles êtres vivants, complexes, nuan-cés, volontaires, qui ne font de l’es-prit que par pudeur, qui portentl’alexandrin comme on porte unmasque.

UN DUO BAROQUE : BATTERIE ET VIOLE DE GAMBECe souci de rigueur rythmique etde vibration sensible nous sera sanscesse rappelé par la présence desdeux musiciens sur le plateau. Ilsseront un condensé de l’esprit duspectacle : contrastes, vivacitéd’exécution, rencontre des genreset des époques, liberté revendi-quée dans notre rapport au réper-toire. Ils seront là pour nous parlerde Cyrano, le poète duelliste spiri-tuel et brutal ; de l’acteur, cet êtrematériel qui rêve de disparition ; etde théâtre, cet art qui se plaît tou-jours à permettre les rencontresimpossibles et à réaliser les utopies.

LA MISE EN SCÈNE

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SCéNOGRAPHIE ET COSTUMESParce que le trio Cyrano-Christian-Roxane est à lui seul une définitiondu triangle poète-acteur-specta-teur, la pièce nous apparaît commeune grande oeuvre sur le théâtre.De là notre liberté dans le choix deséléments scéniques. Nous créeronsun décor modulable à partir d’élé-ments usuels très simples n’appar-tenant à aucune époqueparticulière (châssis, tables,chaises). Ce décor sera manipulé àvue par les acteurs eux-mêmes - lesouvriers du drame - et pourra deve-nir tour à tour la scène de l’Hôtel deBourgogne, le comptoir du pâtis-sier Ragueneau, le balcon deRoxane, le lointain du siège d’Arras,la tapisserie de Roxane devenueveuve. Faire beaucoup avec peu defaçon à permettre le déploiementde l’imaginaire du spectateur, c’estessentiellement dans cet espritque nous travaillerons. Tout étantaffirmé dans l’acte I comme acces-soire de la représentation, nous fe-rons par le costume comme par lamusique dialoguer les genres, lessources et les époques. Du plus his-torique au plus contemporain, du

plus banal au plus inattendu, toutsera fait pour faire du spectacle uneépure baroque, une fête populairecontrastée, exigeante, lumineuse etgrave.

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LA PRESSE EN PARLE

THéâTRE. C’EST UN PIC, UN CAP, UNE RéUSSITE

GÉRALD ROSSILUNDI, 4 DÉCEMBRE, 2017

Lazare Herson-Macarel propose un Cyrano de Bergerac particulièrement humain.

Du nerf, des cris, du rire, des larmes, du sentiment, des bagarres et des galopades. LazareHerson-Macarel a voulu « une grande fête de théâtre populaire ». Un fameux challenge,quand on sait que Cyrano de Bergerac, écrit par Edmond Rostand en 1897, est depuisune des pièces les plus jouée en France. Malgré la démesure de ses cinq actes et sescinquante personnages.Cyrano, l’adaptation ici proposée, avec sa douzaine de comédiens, respecte les 1 600vers dont la moitié réservée au seul rôle-titre, lequel ne quitte guère la scène pendantdeux heures et demie. Manifestement un bon format pour Eddie Chignara, qui manieavec autant de finesse que de truculence la parole du chef des cadets de Gascogne. Àses côtés, les acteurs de la Compagnie de la jeunesse aimable : Harrison Arevalo, JulienCampani, Philippe Canales, Céline Chéenne, Joseph Fourez, David Guez, Morgane Nai-raud, Gaëlle Voukissa partagent la même fièvre. Tout comme Salomé Gasselin à la violede gambe et Pierre-Louis Jozan à la batterie.Pour Lazare Herson-Macarel il ne saurait être question d’un Cyrano couleur de « contepittoresque, folklorique brillant et national », mais « en revanche nous pouvons rendrepalpables, pour le spectateur d’aujourd’hui, son héroïsme et la mélancolie de Rostand,voire l’inverse ». Un parti pris qui pimente l’aventure, que ce soit au départ chez les co-médiens qui bondissent sur les planches de l’hôtel de Bourgogne, où en 1640 se jouaientdrames et comédies, et où la réplique du nez (« un pic, un cap, une péninsule… ») lancevéritablement l’action, ou plus tard au camp de bataille et enfin dans le jardin du cou-vent.« Le théâtre n’est pas un artifice, c’est le dernier refuge de la réalité », souligne encoreHerson- Macarel. Fort de cette conviction, il confie aux protagonistes une humanité quifait plaisir à suivre. Le siège d’Arras, contre les Espagnols n’est pas qu’une sordide bou-cherie, mais il est traversé par la bravoure d’un Cyrano qui n’abandonne jamais, par lapensée et l’écrit, sa belle cousine Roxane, brûlant d’amour pour elle depuis toujours,mais sans le lui avouer, s’estimant de tout temps défiguré. Et ce n’est qu’à la toute fin,quand une blessure fatale fait chanceler le Gascon, qu’elle perce le secret de ce cousinvaillant comme cent, et poète unique. De la scène à la « réalité », les mêmes sentimentss’entrecroisent, trop souvent brutalement déchirés.

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PUBLIÉ LE 23 NOVEMBRE 2017 - N° 260

Avec Eddie Chignara dans le rôle-titre, Lazare Herson-Macarel crée une mise en scènecentrée sur le jeu des acteurs, débordant d’énergie et mêlant les registres.Il faut du panache – mot sur lequel d’ailleurs se termine ce morceau de bravoure dra-matique – pour s’emparer de cette comédie héroïque et populaire, dont le héros toucheau mythe. Héritier de tant de figures romanesques et dramatiques de Quasimodo à DonQuichotte en passant par Alceste ou d’Artagnan, personnage également attaché à lapersonnalité historique du véritable Cyrano, Hercule Savignien Cyrano de Bergerac, sol-dat et poète, noble gascon éclairé, disciple de Gassendi, célèbre épicurien de son temps,ce Cyrano d’Edmond Rostand est un sommet qui reste un défi. Le jeune metteur enscène Lazare Herson-Macarel relève le gant « parce que donner cette pièce », dit-il, « c’esttoujours donner une fête populaire au véritable sens du terme, fête pour un festin demots, d’intelligence, d’énergie vitale, de jubilation pure ». L’intention festive explose surle plateau avec cette troupe de jeunes comédiens. Pleins d’une énergie débordante, lesdix acteurs investissent leurs personnages avec une ardeur touchante ; ils font plierl’alexandrin au rythme de l’expression de leurs sentiments et de leurs actions, au risqued’en faire trop dans l’exaltation du mélange des registres.

Une profusion de jeux de contrastes

Comment maîtriser cette fantaisie poétique néoromantique ? C’est l’enjeu principal dela scénographie d’Ingrid Pettigrew. Le décor modulable, manipulé à vue par les acteurseux-mêmes, est conçu pour neutraliser les effets du non respect des règles classiques,auxquelles seule l’unité d’action fait exception. Echafaudé à partir d’éléments usuels (ta-bles, chaises) privés de style particulier, rehaussé de deux lustres baroques suspendusaux cintres, mis en mouvement par de grands panneaux verticaux de bois clair poséssur roulettes, le décor, dans son épure, donne au jeu la priorité. Il met également en re-lief, par effet d’opposition, les fantaisies de la rencontre des genres voulues par le metteuren scène. En témoignent les costumes, lesquels mêlent audacieusement le registred’époque et celui du cabaret, les plumets et les paillettes. De même la musique, dontla partition fait dialoguer sur scène une batterie et une viole de gambe. De même encoreles effets de lumière, dont les variations contrastées jouent sur toute la gamme des pos-sibles. Dans ce Cyrano qui flirte avec l’outrance, à laquelle le nez du héros invite en ser-vant de métaphore, tout est donné à l’envi jusqu’à l’excès lié à cette générosité et à cetteflamme propres à la fougue de la jeunesse. Au coeur du dispositif, Eddie Chigagna tientrigoureusement le rôle-titre. Une belle réponse du metteur en scène à cette questionprimordiale que pose Cyrano : celle de son interprète.

Marie-Emmanuelle Galfré

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EN AMONTMETTRE EN APPÉTIT CRÉER UN HORIZON D’ATTENTE

CYRANO

Partir de ce que les élèves connaissent du personnage éponyme.

Que savez-vous du personnage ? Pensez-vous à une scène en particulier lorsque vous entendez ce nom ? A des phrases ? Des expressions ?Connaissez-vous l’histoire de la pièce écrite par Edmond Rostand en 1897 ?

LE PERSONNAGE DE BERGERAC

Demander aux élèves de faire des recherches sur la personne qui inspira lepersonnage de Cyrano de Bergerac à Edmond Rostand.

VIDEO D’ExTRAITS DU SPECTACLE

Montrer aux élèves cette vidéo d’extraits du spectacle avec une interviewdu metteur en scène, Lazare Herson Macarel, et du comédien qui joue Cyrano, Eddie Chignara.

https://www.youtube.com/watch?v=rkDqdvxMStM

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LA TIRADE

Faire jouer aux élèves la célèbre tirade du nez, seul ou à plusieurs voix.

Quels passages vous semblent difficiles à interpréter ?

Pourquoi peut-on parler de « théâtre dans le théâtre » dans cette scène ?

LE VICOMTE […]Vous…vous avez un nez… heu… un nez… très grand.

CYRANO, gravementTrès.

LE VICOMTE, riant Ha !

CYRANO, imperturbable C’est tout ?…

LE VICOMTE Mais…

CYRANO Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses ensomme… En variant le ton, -par exemple, tenez Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez, Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! » Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! » Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est uncap ! Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! » Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ? D’écritoire, monsieur, ou de boîtes à ciseaux ? » Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux Que paternellement vous vous préoccupâtes De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? » Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez, La vapeur du tabac vous sort-elle du nez Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? » Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! » Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »

Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane Appelle Hippocampelephantocamélos Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! » Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ? Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très com-mode ! » Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral, T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! » Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! » Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! » Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? » Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? » Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue, C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! » Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain ! C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melonnain ! » Militaire : « Pointez contre cavalerie ! » Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ? Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! » Enfin parodiant Pyrame en un sanglot « Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! » – Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres, Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot ! Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n’en eussiez pas articulé le quart De la moitié du commencement d’une, car Je me les sers moi-même, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.

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LE PREMIER CYRANO

Benoît Constant Coquelin, dit Coquelin aîné (1841-1909) a répété le rôle deCyrano au fur et mesure de l’écriture la pièce. Il conserva ce rôle, qu’il joua950 fois, jusqu’à sa mort.

Vous pouvez visualiser ce document réalisé par Clément Maurice lors del’exposition universelle de 1900 en classe. On peut y voir Coquelin interpré-ter la « ballade du duel ».

https://www.youtube.com/watch?v=WQKEHF__Pck

« C'est à l'âme de Cyrano que je voulais dédier ce poème. Mais puisqu'ellea passé en vous, Coquelin, c'est à vous que je le dédie ». Edmond Rostand

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LA SCèNE DU BALCON

Jouez la scène enclasse.

Quelle mise en scèneimaginez-vous ? Unemusique accompagne-rait-elle cette scène ? Quels instruments ?Quel décor choisiriez-vous ? Pourquoi ?Faites un croquis demise en scène.

ROXANE, entrouvrantsa fenêtre.Qui donc m'appelle ?

CHRISTIANMoi.

ROXANEQui, moi ?

CHRISTIANChristian.

ROXANE, avec dédain.C'est vous ?

CHRISTIANJe voudrais vous parler.

CYRANO, sous le bal-con, à Christian.Bien. Bien. Presque àvoix basse.

ROXANENon ! Vous parlez tropmal. Allez-vous-en !

CHRISTIANDe grâce !...

ROXANENon ! Vous ne m'aimezplus !

CHRISTIAN, à qui Cy-rano souffle ses mots.M'accuser, - justes dieux ! –De n'aimer plus...quand... j'aime plus !

ROXANE, qui allait re-fermer sa fenêtre, s'arrê-tant.Tiens, mais c'est mieux !

CHRISTIAN, même jeu.L'amour grandit bercédans mon âme in-quiète...Que ce... cruel marmotprit pour... barcelonnette !

ROXANE, s'avançant surle balcon.C'est mieux ! - Mais,puisqu'il est cruel, vousfûtes sotDe ne pas, cet amour,l'étouffer au berceau !

CHRISTIAN, même jeu.Aussi l'ai-je tenté, mais...tentative nulle :Ce... nouveau-né, Ma-dame, est un petit...Hercule.

ROXANEC'est mieux !

CHRISTIAN, même jeu.De sorte qu'il... stran-gula comme rien...Les deux serpents... Or-gueil et... Doute.

ROXANE, s'accoudantau balcon.Ah ! c'est très bien.- Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâ-tive ?Auriez-vous donc lagoutte à l'imaginative ?

CYRANO, tirant Chris-tian sous le balcon, etse glissant à sa place.Chut ! Cela devient tropdifficile ! ...

ROXANEAujourd'hui...Vos mots sont hésitants.Pourquoi ?

CYRANO, parlant à mi-voix, comme Christian.C'est qu'il fait nuit,Dans cette ombre, à tâ-tons, ils cherchent votreoreille.

ROXANELes miens n'éprouventpas difficulté pareille.

CYRANOIls trouvent tout de suite ? oh ! cela va desoi,Puisque c'est dans moncoeur, eux, que je les re-çois ;Or, moi, j'ai le coeurgrand, vous, l'oreille pe-tite.D'ailleurs vos mots àvous, descendent : ilsvont plus vite.Les miens montent,Madame : il leur fautplus de temps !

ROXANEMais ils montent bienmieux depuis quelquesinstants.

CYRANODe cette gymnastique,ils ont pris l'habitude !

ROXANEJe vous parle, en effet,d'une vraie altitude !

CYRANOCertes, et vous me tue-riez si de cette hauteurVous me laissiez tom-ber un mot dur sur lecoeur !

ROXANE, avec un mou-vement.Je descends !

CYRANO, vivement.Non !

ROXANE, lui montrantle banc qui est sous lebalcon.Grimpez sur le banc,alors, vite !

CYRANO, reculant aveceffroi dans la nuit.Non !

ROXANEComment... non ?

CYRANO, que l'émotiongagne de plus en plus.Laissez un peu que l'onprofite...De cette occasion quis'offre... de pouvoirSe parler doucement,sans se voir.

ROXANESans se voir ?

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CYRANOMais oui, c'est adorable. On sedevine à peine.Vous voyez la noirceur d'un longmanteau qui traîne,J'aperçois la blancheur d'unerobe d'été :Moi je ne suis qu'une ombre, etvous qu'une clarté !Vous ignorez pour moi ce quesont ces minutes !Si quelquefois je fus éloquent...

ROXANEVous le fûtes !

CYRANOMon langage jamais jusqu'icin'est sortiDe mon vrai coeur...

ROXANEPourquoi ?

CYRANOParce que... jusqu'iciJe parlais à travers...

ROXANEQuoi ?

CYRANO...le vertige où trembleQuiconque est sous vos yeux !...Mais, ce soir, il me semble...Que je vais vous parler pour lapremière fois !

ROXANEC'est vrai que vous avez unetoute autre voix.

CYRANO, se rapprochant avecfièvre.Oui, tout autre, car dans la nuitqui me protègeJ'ose être enfin moi-même, etj'ose...Il s'arrête et, avec égarement.Où en étais-je ?Je ne sais... tout ceci, - pardon-nez mon émoi, -C'est si délicieux... c'est si nou-veau pour moi !

ROXANESi nouveau ?

CYRANO, bouleversé, et essayanttoujours de rattraper ses mots.Si nouveau... mais oui... d'être sin-cère :La peur d'être raillé, toujours aucoeur me serre...

ROXANERaillé de quoi ?

CYRANOMais de... d'un élan !... Oui, moncoeur,Toujours, de mon esprit s'habille,par pudeur :Je pars pour décrocher l'étoile,et je m'arrêtePar peur du ridicule, à cueillir lafleurette !

ROXANELa fleurette a du bon.

CYRANOCe soir, dédaignons-la !

ROXANEVous ne m'aviez jamais parlécomme cela !

CYRANOAh ! si loin des carquois, destorches et des flèches,On se sauvait un peu vers deschoses... plus fraîches !Au lieu de boire goutte à goutte,en un mignonDé à coudre d'or fin, l'eau fadedu Lignon,Si l'on tentait de voir commentl'âme s'abreuveEn buvant largement à même legrand fleuve !

ROXANEMais l'esprit ?...

CYRANOJ'en ai fait pour vous faire resterD'abord, mais maintenant ce se-rait insulter

Cette nuit, ces parfums, cetteheure, la Nature,Que de parler comme un billetdoux de Voiture !- Laissons, d'un seul regard deses astres, le cielNous désarmer de tout notre ar-tificiel :Je crains tant que parmi notrealchimie exquiseLe vrai du sentiment ne se volati-lise,Que l'âme ne se vide à cespasse-temps vains,Et que le fin du fin ne soit la findes fins !

ROXANEMais l'esprit ?...

CYRANOJe le hais, dans l'amour ! C'est uncrimeLorsqu'on aime de trop prolon-ger cette escrime !Le moment vient d'ailleurs inévi-tablement,- Et je plains ceux pour qui nevient pas ce moment ! –Où nous sentons qu'en nous unamour noble existeQue chaque joli mot que nousdisons rend triste !

ROXANEEh bien ! si ce moment est venupour nous deux,Quels mots me direz-vous ?

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CYRANOTous ceux, tous ceux, tous ceuxQui me viendront, je vais vous lesjeter, en touffe,Sans les mettre en bouquet : jevous aime, j'étouffe,Je t'aime, je suis fou, je n'en peuxplus, c'est trop ;Ton nom est dans mon coeurcomme dans un grelot,Et comme tout le temps,Roxane, je frissonne,Tout le temps, le grelot s'agite, etle nom sonne !De toi, je me souviens de tout,j'ai tout aimé :Je sais que l'an dernier, un jour,le douze mai,Pour sortir le matin tu changeasde coiffure !J'ai tellement pris pour clarté tachevelureQue comme lorsqu'on a tropfixé le soleil,On voit sur toute chose ensuiteun rond vermeil,Sur tout, quand j'ai quitté lesfeux dont tu m'inondes,Mon regard ébloui pose destaches blondes !

ROXANE, d'une voix troublée.Oui, c'est bien de l'amour...

CYRANOCertes, ce sentimentQui m'envahit, terrible et jaloux,c'est vraimentDe l'amour, il en a toute la fureurtriste !De l'amour, - et pourtant il n'estpas égoïste !Ah ! que pour ton bonheur jedonnerais le mien,Quand même tu devrais n'en sa-voir jamais rien,S'il ne pouvait, parfois, que deloin j'entendisseRire un peu le bonheur né demon sacrifice !- Chaque regard de toi susciteune vertuNouvelle, une vaillance en moi !Commences-tu

À comprendre, à présent ?voyons, te rends-tu compte ?Sens-tu mon âme, un peu, danscette ombre, qui monte ?...Oh ! mais vraiment, ce soir, c'esttrop beau, c'est trop doux !Je vous dis tout cela, vousm'écoutez, moi, vous !C'est trop ! Dans mon espoirmême le moins modeste,Je n'ai jamais espéré tant ! Il neme resteQu'à mourir maintenant ! C'est àcause des motsQue je dis qu'elle tremble entreles bleus rameaux !Car vous tremblez, comme unefeuille entre les feuilles !Car tu trembles ! car j'ai senti,que tu le veuillesOu non, le tremblement adoréde ta mainDescendre tout le long desbranches du jasmin !Il baise éperdument l'extrémitéd'une branche pendante.

ROXANEOui, je tremble, et je pleure, et jet'aime, et suis tienne !Et tu m'as enivrée !

CYRANOAlors, que la mort vienne !Cette ivresse, c'est moi, moi, quil'ai su causer !Je ne demande plus qu'unechose...

CHRISTIAN, sous le balcon.Un baiser !

ROXANE, se rejetant en arrière.Hein ?

CYRANOOh !

ROXANEVous demandez ?

CYRANOOui... je...À Christian bas.

Tu vas trop vite.

CHRISTIANPuisqu'elle est si troublée, il fautque j'en profite !

CYRANO, à Roxane.Oui, je... j'ai demandé, c'est vrai...mais justes cieux !Je comprends que je fus bientrop audacieux.

ROXANE, un peu déçue.Vous n'insistez pas plus que cela ?

CYRANOSi ! j'insiste...Sans insister !... Oui, oui ! votrepudeur s'attriste !Eh bien ! mais, ce baiser... ne mel'accordez pas !

CHRISTIAN, à Cyrano, le tirantpar son manteau.Pourquoi ?

CYRANOTais-toi, Christian !

ROXANE, se penchant.Que dites-vous tout bas ?

CYRANOMais d'être allé trop loin, moi-même je me gronde ;Je me disais : tais-toi, Christian !...Les théorbes se mettent à jouer.Une seconde !...On vient !Roxane referme la fenêtre. Cy-rano écoute les théorbes, dontl'un joue un air folâtre et l'autreun air lugubre.Air triste ? Air gai ?... Quel estdonc leur dessein ?Est-ce un homme ? Une femme ? - Ah ! c'est un ca-pucin !

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UN TOPOS LITTéRAIRE

Comparer cet extrait avec la scène du balcon dans Roméo et Juliette etdans West Side Story.

https://www.youtube.com/watch?v=GYMx2bPBI9M

https://www.youtube.com/watch?v=m7xTvb-FAhQ

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COSTUMES

Lire en classe ce dernier extrait qui présente lescadets de Gascogne dans la scène 7 de l’acte II.

Demander aux élèves d’imaginer leurs costumes,de les décrire voire de les dessiner.

CARBON DE CASTEL-JALOUXCyrano !

CYRANO :Capitaine ?

CARBON :Puisque ma compagnie est, je crois, au complet,Veuillez la présenter au comte, s’il vous plaît.

CYRANO faisant deux pas vers De Guiche et montrant les cadetsCe sont les cadets de GascogneDe Carbon de Castel-Jaloux !Bretteurs et menteurs sans vergogne,Ce sont les cadets de Gascogne !Parlant blason, lambel, bastogne,Tous plus nobles que des filous,Ce sont les cadets de GascogneDe Carbon de Castel-Jaloux :Oeil d’aigle, jambe de cigogne,Moustache de chat, dents de loups,Fendant la canaille qui grogne,Oeil d’aigle, jambe de cigogne,Ils vont,—coiffés d’un vieux vigogneDont la plume cache les trous !—Oeil d’aigle, jambe de cigogne,Moustache de chat, dents de loups !

Perce-Bedaine et Casse-TrogneSont leurs sobriquets les plus doux ;De gloire, leur âme est ivrogne !Perce-Bedaine et Casse-Trogne,Dans tous les endroits où l’on cogneIls se donnent des rendez-vous…Perce-Bedaine et Casse-TrogneSont leurs sobriquets les plus doux !Voici les cadets de GascogneQui font cocus tous les jaloux !O femme, adorable carogne,Voici les cadets de Gascogne !Que le vieil époux se renfrogne :Sonnez, clairons ! chantez, coucous !Voici les cadets de GascogneQui font cocus tous les jaloux !

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EN AVALREVENIR SUR SES IMPRESSIONS, SES ÉMOTIONSPARTAGER SES RÉFLEXIONS / ÉCHANGERDONNER DU SENS

RESSENTIS

• Choisissez un mot, un adjectif,un verbe ou un nom pour évoquer lespectacle qui a été vu • Ecrivez-le sans communiquerpuis, lors d’un échange en classe,confrontez vos propositions et justi-fiez le choix de ce mot.• Dans la pièce, quelle a été votrescène préférée ? Pourquoi ? Justifiezvotre réponse.• Par groupe, proposer une scènearrêtée (« théâtre image ») de votremoment préféré. Les autres élèvesde la classe doivent trouver à quelmoment cette image fait référence.• N’hésitez pas à partager ce res-senti avec des élèves d’autres établis-sements en publiant votre avis surFacebook, Instagram ou Twitter.

SCéNOGRAPHIE

• Qu’avez-vous pensé du décor, dela lumière, de la musique, des cos-tumes ? • Que pensez-vous du choix dumélange des genres dans cette miseen scène de Lazare Herson-Macarel ?• Comment interprétez-vous cemélange des genres ? Quel sens luidonnez-vous ?• Auriez-vous fait les même choix ?Justifiez votre avis.

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PORTRAIT CHINOIS

Demander aux élèves de choisir cinqadjectifs qui qualifient le mieux lepersonnage de Cyrano.

A l’aide de ces adjectifs, rédiger unportrait chinois du personnage : « SiCyrano était un plat / un pays / unanimal / une qualité.., il serait… car ilest (adjectif) »

courageux machiavélique naïf lenthonnête peureux logique délicat fidèle intrépide curieux gourmandpatient idiot gentil généreux intelligent rusé pacifiste maniaque résistant cruel calculateur violentambitieux rêveur cupide simpleheureux énergique égoïste amusant amical effrayant criminel jeune innocent menteurfou protecteur aventurier casaniernégligent fragile sensible imprudent

Affichez ces portraits chinois dansla salle de classe.

BANDE ANNONCE

Demander aux élèves, par groupe de4ou 5, de réaliser la bande annoncedu spectacle.

L’objectif d’une bande annonce estde donner envie à d’autres de venirvoir le spectacle.

Chaque groupe peut adopter latechnique de son choix : faire duthéâtre-images associé à une voixoff, enchaîner des saynètes, choisirune scène marquante et la rejouer,choisir de présenter le spectaclepour en faire sa publicité, choisir laforme du teaser (c’est-à-dire unmontage de plusieurs extraits pourmontrer l’œuvre de manière dyna-mique dans sa diversité), présenterdes personnages portant une pan-carte à leur nom, réaliser un schémafléché au tableau, placer des rubanscolorés symbolisant les relationsamoureuses entre les différents per-sonnages, etc.

La préparation demandera une di-zaine de minutes afin que le groupeconçoive sa forme personnelle pourune restitution qui ne devra pas ex-céder 4-5 minutes.

Insister sur la clarté de la diction, dela gestuelle et de la relation entre lespersonnages.

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LA LAIDEUR EN LITTéRATURE

« J'ignorais la douceur féminine. Ma mère

Ne m'a pas trouvé beau. Je n'ai pas eu de sœur.

Plus tard, j'ai redouté l'amante à l'œil moqueur.

Je vous dois d'avoir eu, tout au moins, une amie.

Grâce à vous une robe a passé dans ma vie. »

ACTE V, scène 6

Il est possible d’étudier des textes enclasse avec les élèves qui mettent enscène des personnages qui ont desdéfauts physiques.

Quasimodo dans Notre dame deParis de Victor HUGO

Jeff dans La Cicatrice de Bruce LO-WERY

Gwynplaine dans L’Homme qui ritde Victor HUGO

Alouette dans Alouette de DezsöKosztolányi

DE LA SCèNE à L’éCRAN

Comparer la mise en scène de La-zare Herson-Macarel avec le film réa-lisé par Jean-Paul Rappeneau en1990.

Quelle version préférez-vous ? Pourquoi ? Appuyez-vous sur des passages précis.Quel acteur incarnant Cyrano préférez-vous ? Pourquoi ?

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NOTES DE TRAVAIL

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• ACCUEIL-BILLETTERIEdu mardi au vendredi de 14h à 18h03 26 51 15 [email protected] Mendès France • 51200 Épernay

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