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DOREEN DOSSIER PÉDAGOGIQUE Dossier téléchargeable sur notre site : https://theatrelesalmanazar.fr/spectacles/doreen/ CONTACT Sophie Godey 03 26 51 15 84 [email protected] MAR 26 MER 27 FÉV I 20H30 THÉÂTRE À PARTIR DE 14 ANS DURÉE 1H20 PLATEAU © Svend Andersen

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DOREEN

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DOSSIER PÉDAGOGIQUEDossier téléchargeable sur notre site :

https://theatrelesalmanazar.fr/spectacles/doreen/

CONTACT• Sophie Godey • 03 26 51 15 84 •

[email protected]

MAR 26 • MER 27 FÉV I 20H30THÉÂTRE • À PARTIR DE 14 ANS

DURÉE 1H20 • PLATEAU

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TEXTE ET MISE EN SCÈNE David GeselsonINTERPRÉTATION Laure Mathis et David GeselsonSCÉNOGRAPHIE Lisa NavarroCRÉATION LUMIÈRE Jérémie Papin CRÉATION VIDÉO Jérémie Scheidler, Thomas GuiralCRÉATION SON Loïc Le RouxCOLLABORATION À LA MISE EN SCÈNE Elios Noël, Laure Mathis, Loïc Le Roux, Lisa Navarro, Jérémie Papin et Jérémie ScheidlerREGARD EXTÉRIEUR Jean-Pierre BaroCOSTUMES Magali MurbachCONSTRUCTION Flavien RenaudonRÉGIE GÉNÉRALE ET LUMIÈRE Sylvain TardyRÉGIE SON/VIDÉO Arnaud Olivier

DOREEN A REÇU LE PRIX DE LA MEILLEURE CRÉATION ENLANGUE FRANÇAISE 2017 DU SYNDICAT DE LA CRITIQUE.

MAR 26 • MER 27 FÉV I 20H30THÉÂTRE • À PARTIR DE 14 ANS

DURÉE 1H20 • PLATEAU

DOREEN

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« Tu vas avoir 82 ans. Tu as rapetissé de 6 centimètres, tu nepèses que 45 kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable.

Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble etje t’aime plus que jamais. »

André Gorz, Lettre à D.

Elle s’appelle Doreen Keir. D’origine anglaise, très belle. Elle est ladestinataire mystérieuse de Lettre à D., un chant d’amour fou écritpar André Gorz. On est en 2006, elle a quatre-vingt-deux ans. L’an-née suivante, ils choisiront de partir ensemble. De lui, on croit sa-voir beaucoup de choses : figure intellectuelle de premier plan, ila publié de nombreux livres philosophiques, a été journaliste, pré-curseur de l’écologie politique. D’elle, on ne sait rien ou très peu.Et pourtant il dit tout lui devoir : « J’aimais la richesse de la vie àtravers toi ». Elle est son double, son ombre vitale, cette Autre quele texte ramène dans la lumière, elle est son repentir incarné. À lalecture de Lettre à D, le metteur en scène David Geselson a ima-giné sa voix à elle, en contrepoint. Et choisit de donner corps à cetamour qui dure une vie, à l’intimité d’un couple du XXe siècle avecses bruits et ses fureurs, le jour de leur suicide. C’est un théâtre duvertige amoureux, pour trois voix : le narrateur ; Laure Mathis seraDoreen ; David Geselson sera André Gorz ou plutôt Gérard Horst,son véritable nom à l’état civil.

C’est que Doreen ce n’est pas un nom très courant en France, d’ailleurs jen’ai jamais rencontré quelqu’un d’autre de ce nom en France... Il existe chezMolière quand même. Mais alors ça, j’ai trouvé vraiment…que ça c’était trop.(...) Ça me fait peut-être exister pour les autres, ce dont je n’ai pas envie. Çasuffit déjà d’exister pour soi-même, c’est déjà lourd à porter.

Doreen Keir, Surpris par la nuit - France Culture décembre 2006

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André Gorz, né en 1923 en Autriche,naturalisé français sous le nom deGérard Horst, s’installe à Paris à lafin des années 40. Il publie Le Traî-tre, une autobiographie en formede recherche, entre auto-analyse etcritique du modèle de société ca-pitaliste, en 1958.

Il a fait la rencontre de Sartre en1946, les deux hommes se lientd’amitié, et Sartre préface Le Traî-tre. Puis il engage Gorz aux TempsModernes dans les années 60. C’estle début d’une carrière journalis-tique qui le mènera à participer àla fondation du Nouvel Observa-teur. Parallèlement il développe lespremières bases de ce qui devien-dra l’Écologie Politique et écrit detrès nombreux ouvrages autour dela question. En 2006, il publie, enmarge de ses travaux théoriques etpolitiques, la Lettre à D. une confes-sion à sa femme, Doreen Keir, at-teinte d’une maladie incurable.

Un an plus tard, en septembre2007, André et Doreen sont retrou-vés morts, dans leur lit.

La lettre de Gorz raconte l’histoirede son amour avec Doreen, deleurs années de jeunesse et d’enga-gement politique jusqu’à leur re-trait de la vie publique. Entredévoilement et pudeur, Gorz nousfait naviguer dans une confession, àla fois hommage et repentance, etnous donne accès à l’intimité d’unamour bouleversant, qui s’inscritdans une vie entière.

BIOGRAPHIE

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Tu vas avoir 82 ans. Tu as rapetisséde 6 centimètres, tu ne pèses que45 kilos et tu es toujours belle, gra-cieuse et désirable. Cela fait 58 ansque nous vivons ensemble et jet’aime plus que jamais. Je porte denouveau au cœur de ma poitrineun vide dévorant que seule comblela chaleur de ton corps contre lemien.

J’ai besoin de te redire simplementces choses simples avant d’aborderles questions qui depuis peu metaraudent. Pourquoi es-tu si peuprésente dans ce que j’ai écrit alorsque notre union a été ce qu’il y a deplus important dans ma vie ?

Pourquoi ai-je donné de toi dans LeTraître une image fausse et qui tedéfigure ? […]

J’ai besoin de reconstituer l’histoirede notre amour pour en saisir toutle sens. C’est elle qui nous a permisde devenir qui nous sommes, l’unpar l’autre et l’un pour l’autre.

André Gorz, Lettre à D., Histoire d’un amour,

Editions Galilée, 2006

LETTRE À D.

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Il s’agira d’entrer dans l’intimitéd’un couple, pour mieux nous ren-voyer à la nôtre, à nos vertigesamoureux, à nos vides et à nos dé-sirs. Doreen sera un contrepoint, unéclat, un à-côté, à cette confessionrendue publique : le portrait d’unefemme que nous imaginons à par-tir de ce que Gorz nous en dit, et leportrait d’un couple que nous re-garderons vivre, dans une extrêmeproximité. Un temps d’arrêt, à l’abrides bruits du monde. D. sera ici Do-reen. Il s’agira ainsi d’imaginer etd’écrire une voix pour elle, qu’à lalecture de la Lettre à D. on rêveplus qu’on ne connaît.

« Notre tâche est de penser l’im-pensé et l’impensable de nos pen-sées. » Martin Heidegger

André et Doreen nous parlent deleur insécurité d’être au monde, àtravers les tumultes d’un 20e sièclequ’ils ont traversés tant bien quemal, indispensables l’un à l’autre. Ilstémoignent du lien qui les unit etqui rend leur existence possible. Unhomme et une femme aux identi-tés mouvantes, qui vont bientôtmourir : nous sommes en septem-bre 2007, dans le salon de leurmaison, à Vosnon. C’est le soir. Ilsont préparé de quoi manger etboire et nous accueillent chez eux.Dans une heure ils se suicideront.

INTENTIONS

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En attendant, ils parlent. Doreen vase mettre à raconter leur amour, onentendra la Lettre, aussi, dans sesmots. Et sans doute qu’André (quis’appelait en réalité Gérard - AndréGorz est le pseudonyme qu’il utili-sera pour signer tous ses essais) fi-nira par prendre la parole à sontour. Le réel servira ici de point dedépart pour tracer un paysage pluslarge, au-delà d’eux. Il s’agit d’uneadaptation, d’une tentative, entre leréel documentaire - l’histoire d’An-dré Gorz-Gérard Horst et de Do-reen Keir - et la mise en fiction dela figure de ce couple et de cettefemme aimée que nous neconnaissons pas et qui va mouriravec l’homme qui dit lui devoir lavie. Il y aura donc 3 voix : celle de laLettre à D., celle de Doreen et cellede Gérard.

La véritable image du passé se fau-file devant nous.Le passé peut seulement être re-tenu comme une image qui brilletel un éclair, pour ne plus jamaisrevenir, à l’instant précis où elledevient reconnaissable.(…) C’est une image irrattrapabledu passé qui menace de disparaî-tre avec chaque présent qui nes’est pas reconnu comme désignéen elle.

Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire

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Journaliste, écrivain, philosophe, écono-miste, père de l’écologie politique… Unebiographie, signée Willy Gianinazzi, re-cense les domaines dans lesquels s’est il-lustré ce théoricien fidèle à l’idée deliberté.

Le nom d’André Gorz - auquel l’historienWilly Gianinazzi consacre Une vie - est at-taché à l’une des plus originales critiquesdu capitalisme, d’abord élaborée dans lelexique hybridé de Marx, Sartre ou Mar-cuse, liée à la perspective du pouvoir ou-vrier, puis tournée vers la déconstructiondu rôle central du prolétariat, de l’idéolo-gie productiviste et de l’éthique du tra-vail. Comme telle, elle a constitué - enFrance mais aussi en Amérique latine,dans les pays nordiques, en Italie ou enAllemagne - un point de référence pourde nombreux théoriciens de gauche, lesécologistes, les syndicats et les mouve-ments luttant pour la réduction dutemps de travail, le revenu social garantiet l’instauration d’une autre logique - «éco-socialiste » - que celle de la loi dumarché. Mais de cette œuvre, le chiffrequi n’a jamais changé est philosophique: la seule société vivable est celle qui per-met la réalisation de soi - condition del’épanouissement de tous - et qui donneà chacun la pleine et entière maîtrise desa propre vie, jusqu’à la mort.

Cette maîtrise, Gerhart a mis longtempsà l’acquérir. C’était un enfant « bégayant,silencieux, timide, bigle », « paralysé deterreur coupable » dès qu’on s’adressait àlui, incapable de « vivre sa relation au

monde et avec les autres » de façon na-turelle, comme si sa spontanéité avait été« empoisonnée à la base ». Il s’appelaitHirsch et, un beau jour, devint un plusgermanique Gerhart Horst - ce qui àl’école lui valut lazzis et risées. Son père,Robert Hirsch, est issu d’une riche famillejuive de Moravie et, à Vienne, dirige unegrosse entreprise d’usinage du bois. Samère, Maria Starka, d’origine modeste,est catholique et vient de Bohème. La fa-mille habite les faubourgs de Vienne, «bourgeoisement installée dans un appar-tement d’Ober-Sankt-Veit », dont, malgréle changement de nom, elle sera expul-sée en 1939, « au profit d’un occupant «aryen » membre du Parti nazi ».

ANDRÉ GORZ, PENSÉE AUTONOME

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Gerhart naît dans la capitale autrichiennele 9 février 1923. Les Hirsch, bien qu’arbo-rant des signes de distinction - biblio-thèque, piano à queue -, ne participentaucunement, « par manque total de cul-ture », à la vie effervescente de la Viennedes arts et de la philosophie, que Gerhart,« qui restera dépourvu, selon plusieurs té-moignages, de tout sens esthétique », nevisitera plus tard qu’en touriste. C’est unegouvernante qui les initie, sa sœur Erikaet lui, à la langue française. « Métis inau-thentique », il ne supporte pas l’autorita-risme de son père, et, à sa mère, reproched’avoir voulu gommer la judaïté de sonmari, et la « semi-judaïté » de ses enfants,baptisés tous deux. « Je ne pouvais cor-respondre aux attentes ni de mon pèreni de ma mère. J’étais condamné à trahirl’un ou l’autre ou les deux à la fois, un peucomme ces bâtards qui sont les figurescentrales dans le théâtre de Sartre »,écrira-t-il.

À 16 ans, Gerhart part pour la Suisse, avecsa mère et sa sœur - d’abord pour des va-cances, puis pour ses études. Le début dela guerre incite Mme Horst à l’inscriredans un internat accueillant jeunes Alle-mands, Hollandais et Suisses, le très se-lect Lyceum alpinum de Zuoz. Il fait là l’« expérience de la solitude et de l’exil »,mais se révèle un bon élève dans toutesles matières et un des rares à ne pas sui-vre les cours de religion (« il est athée, demanière ostensible et définitive »). « Unsoir de l’hiver 1939-40 », il prend une dé-cision qui va le sortir du roman familial etde la « contradiction austro-germano-judéo-chrétienne » : se vouer « corps et

âme » à l’apprentissage de la langue etde la littérature française.

Les « baccalauréats suisse et du GrandReich en poche », ne souhaitant pas, « juifou non juif », être incorporé dans l’arméeallemande, il rejoint la Romandie franco-phone et s’installe à Lausanne en avril1941. Il est sans le sou et ne sait pas trèsbien quoi faire : il opte pour la chimie et,malgré son peu d’enthousiasme, sort del’université avec un diplôme d’ingénieurchimiste - métier qu’il n’exercera jamais.Ses passions sont ailleurs : Gide, Dos-toïevski, Valéry, Camus, Nizan, Queneau,Dos Passos, Faulkner, et surtout Sartre,dont il étudie à fond L’Etre et le Néant. Ilfréquente un temps la faculté de philo-sophie, mais sans profit. « C’est en auto-didacte qu’il multiplie les jalons de saquête philosophique », laquelle leconduit vers Chestov, Nietzsche, Jaspers,Kierkegaard, Kafka, Heidegger, Husserl,Hegel, et lui fait accumuler un immensesavoir. Bien qu’assez peu sociable, Ger-hart, qui se fait appeler (et deviendra à ja-mais, pour tous) Gérard, se fait des amisintellectuels, journalistes, peintres,hommes de théâtre et de radio, jeunesécrivains - et entre dans la très active So-ciété des belles lettres, dont il devient lesecrétaire en 1944. « C’était un oiseauassez énigmatique, rapporte son amijournaliste Serge Lafaurie, aux ailes re-pliées […], parlant lentement, d’une voixdouce, toujours avec précision et compé-tence, donnant parfois le sentimentd’être déconcerté sinon accablé parl’ignorance de ses interlocuteurs. »

FAMILLE SARTRE

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En tournée pour une série de confé-rences avec Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre est accueilli le 1er juin 1946 aucinéma le Capitole de Lausanne. Pour lespécialiste de l’existentialisme qu’étaitdevenu Gérard Horst, c’est une chanceinespérée - et ce sera un événement ca-pital. Il a l’occasion de discuter avec lephilosophe, qui infléchit sa pensée versune théorie de l’aliénation (capable d’ex-pliquer pourquoi « les individus peuventêtre mutilés dans leurs possibilités etsupporter leur mutilation »). Il ne cesserad’écrire sur lui, et d’une certaine façon,l’intégrera à jamais dans sa vie : Gérardsera membre de la «famille Sartre», avecle Castor (Beauvoir), Jacques-LaurentBost, Jean Pouillon… Un an après, durantl’été, il rencontre la jeune Anglaise Do-reen Keir - son amour pour toujours.Durant les années 40-46, Horst s’estconsacré à l’écriture : un journal, uneétude philosophique, un roman, Viemorte, et, surtout, en 1945, s’est lancédans une œuvre monumentale qui val’occuper pendant huit ans : Fondementspour une morale (publié seulement en1977), où, partant de l’« expérience del’angoisse, de l’ennui, de la contingence »et dépassant le « nihilisme dans lequel ila trempé lui-même », il expose les condi-tions de l’autonomie et élabore une phé-noménologie de la liberté. La vie dujeune Viennois, devenu français par cul-ture - vie que Willy Gianinazzi ne séparejamais du tumulte intellectuel et poli-tique dans lequel elle se déroule, décri-vant tous les débats théoriques qui latraversent - se déploie dès lors selon deuxaxes principaux, qui correspondent engros aux changements de patronymes.Journaliste, Gérard Horst devient Michel

Bosquet. Ecrivain, philosophe, théoriciendu politique, du social et de l’écono-mique, il devient André Gorz - en 1958exactement, lorsque, désormais parisien,il publie l’autobiographie d’où lui viendrala notoriété : Le Traître, préfacé par Sartre,qui explore sur le mode romanesque lesmêmes terrains que les Fondementspour une morale, le « dédale de motiva-tions et de relations inauthentiques etaliénées » dans lequel se fraie « la voie quimène le sujet à la liberté ». Commencéeà Servir, hebdomadaire suisse de lagauche non marxiste, la carrière de Mi-chel Bosquet est brillante : Paris-Presse,quotidien à grand tirage (où il estcontraint à bien des « compromissions »),l’Express, créé pour soutenir Pierre Men-dès France, où il a en charge l’actualité in-ternationale et l’économie, puis le NouvelObservateur, qu’il fonde avec Jean Danielet d’autres transfuges de l’Express, qui aviré au centre. Celle d’André Gorz est plustumultueuse, puisque le philosophe, parses livres et les articles qu’il commandeou écrit dans les Temps modernes (Sar-tre l’a coopté au comité de rédaction en1960), participe à tous les débats del’époque, sur le structuralisme (portant lefer contre Lévi-Strauss ou Althusser), lemarxisme, le pouvoir ouvrier, l’autoges-tion, l’utopie, l’université, l’Algérie, Cuba,la Yougoslavie… Politiquement, il estproche de l’extrême gauche politique etsyndicale italienne, dont il diffuse lesthèses dans les Temps modernes. Son in-fluence sur la revue est considérable : elles’estompera après mai 68, lorsque Sartre,devenu presque aveugle, sera sous l’em-prise de son secrétaire Benny Lévy (PierreVictor), leader de la Gauche proléta-rienne.

DIVERS PATRONYMES

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Alors, pourrait-on dire, naît le « vrai » Gorz. Sa pensée, diffusée en plus d’une vingtained’ouvrages, annonce, de façon pionnière, les métamorphoses du travail liées à la ré-volution informatique et aux nouvelles technologies, et, sans exclure les «régressionsintégristes-totalitaires», les fanatismes religieux et les enfermements identitaires, des-sine les linéaments d’une «autre société» que la fin du fétichisme de la monnaie etdu marché ferait advenir, et que seuls une décroissance contrôlée, une allocationuniverselle, une économie de la gratuité et un tournant écologique de la politiquetransformeraient en un « éco-socialisme possible ». C’est ce Gorz-là qui a influencé,plus ou moins souterrainement, tant de mouvements politiques et syndicaux, et in-troduit dans le discours social un nouveau lexique. Il avait changé plusieurs fois depatronyme, mais n’avait lutté que pour une seule et même valeur : la liberté. La plusprécieuse, que seul l’amour dépasse. Amour qui pour André Gorz n’avait qu’un nom,Doreen, et était plus fort que la mort.

Robert Maggiori, Libération, 31 août 2016.Willy Gianinazzi André Gorz, une vie Ed. La Découverte.

UNE AUTRE SOCIÉTÉ

COMPAGNIE LIEUX-DITS

Crée en 2009 par David Geselson, la compagnie a pour vocation de travailler surl’écriture contemporaine et la recherche autour des processus de création théâtrale.L’articulation entre le documentaire et la fiction y est fondamentale. La tension entrela façon dont le politique vient intervenir dans l’intimité des individus et les trans-forme, et par là peut transformer l’Histoire, est aussi une des continuités du travailde la compagnie. La nécessité de construire les moyens d’une dialectique forte entreun auteur et une équipe d’acteurs, afin de composer une écriture et une fabriquede théâtre en phase avec les questions politiques, philosophiques et poétiques dumonde actuel est au centre de notre projet.

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DAviD GESELSON a écrit et mis enscène En Route-Kaddish, mis enscène Eli Eli de Thibault Vinçonainsi que Les Insomniaques deJuan Mayorga. Il joue sous la direc-tion de Tiago Rodrigues dans Bo-vary créé en avril-mai 2016 auThéâtre de la Bastille.

Il a été formé à l’Ecole du Théâtrenational de Chaillot, à l’École dethéâtre « Les Enfants Terribles » etau Conservatoire National Super-ieur d’Art Dramatique. Au théâtre,il a joué sous la direction de BrigitteJaques dans La Marmite dePlaute, Cécile Garcia-Fogel dansFoi, Amour, Espérance de OdönVon Horvath, Gilles Cohen dansThéâtre à la campagne de DavidLescot, David Girondin-Moab etMuriel Trembleau dans Le Golemd’après Gustav Meyrink, ChristopheRauck dans Le Révizor de Gogol,Gabriel Dufay dans La Ville de Ev-guéni Grichkovets, Jean-Pierre Vin-cent dans Meeting Massera deJean-Charles Massera, VolodiaSerre dans Les Trois Sœurs, d’Anton

Tchekhov, Juliette Navis et RaphaëlBouchard dans Mont-Royal, créa-tion collective, et Jean-Paul Wenzeldans Tout un Homme.

Au cinéma et à la télévision, il ajoué sous la direction de FrancisGirod dans Terminal, Marc Fitoussidans La Vie d’artiste, Martin Va-lente dans Fragile, Elie Wajemandans Alyah et dans Les Anarchistes(Quinzaine des Réalisateurs -Cannes 2012 et Semaine de la cri-tique - Cannes 2015 ), IsabelleCzajka dans La Vie Domestique,Olivier de Plas dans QI, RodolpheTissot dans Ainsi-soitil saison 2 et 3,Vincent Garanq dans l’Enquêteainsi que dans les courts métragesde Muriel Cravatte, Antonin Peret-jatko, Marie Donnio et Etienne La-broue.

BIOGRAPHIES

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Après une formation au conserva-toire national supérieur d’art dra-matique, LAURA MATHiS a travailléavec Paul Golub et Joël Jouanneauavant de faire partie de la troupepermanente du CDN de Dijon di-rigé alors par Robert Cantarella.

Là, elle a travaillé aussi avec Phi-lippe Minyana, Florence Giorgetti,Julien Fisera et Wolfgang Menardi.Puis elle crée sa compagnie, IdemCollectif, avec les comédiennesAline Reviriaud et Elisabeth Hölzle.Elles créent Insert (d’après Mi-nyana), Les Bonnes de Jean Genet,des extraits d’Eva Péron de Copi,Call me Chris d’Aline Reviriaud etMétamorphoses d’après Ovideavec les acrobates Alexandre Four-nier et Mathias Pilet.Laure Mathis collabore avec le col-lectif La Vie Brève : Robert Plankett,Nous Brûlons, Le Goût du faux etautres chansons. Elle a joué égale-ment dans Espiral de Viviana Moin,Le Secret dans la barbe, de JulieCordier et La Fausse Suivante deMarivaux mis en scène par Nadia

Vonderheyden. Au cinéma elle atravaillé avec Philippe Garrel (LesAmants réguliers, La Frontière del’aube) et Philippe Grandrieux (Gre-noble).

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EN AMONTMETTRE EN APPÉTIT CRÉER UN HORIZON D’ATTENTE

PRéSENTATiON DU SPECTACLE PAR DAviD GESELSON

Ecoutez, en suivant ce lien, la présentation du spectacle par le metteur en scène et interprète David Geselson :

www.theatre-contemporain.net/video/David-Geselson-Doreen-presentation

EXTRAiTS DU SPECTACLE

Faire jouer aux élèves ces deux extraits du spectacle.

• Quelle mise en scène imaginent-ils ? • Quels déplacements proposent-ils ? • Quel ton adoptent-ils ?

Débattre en classe sur les choix opérés.

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EXTRAiT 1

Doreen :

J’ai appris des pas de danse sur la neige. Il y aquelqu’un, une femme, qui m’a enseigné ça, enAngleterre, pendant la guerre, à danser des passur la neige.On peut le faire partout, ici aussi.Mais le meilleur c’est de le faire dans unegrande ville. Quand le silence a été forcé par latempête et qu’on est tout de suite après, dansle calme. Là on peut danser quelque chose detout à fait silencieux.Ça commence comme un swing, mais sans lemouvement.Ici c’est comme si nous avions installé quelquechose pour très longtemps.Je crois qu’effectivement nous avons trouvé unendroit pour pouvoir mourir sans trop de bruit.C’est assez décousu de raconter ça comme ça,avec tout ce qui vient avec (...)Il faudra bien que la mélancolie s’arrête, un jourou l’autre.Il faudrait que la mélancolie s’arrête.Je dois réfléchir à ça, trouver s’il y a de la joie en-core.Seulement non, je ne crois pas.Il y a la tourterelle qui est venue aujourd’hui,vers cinq heures.J’étais occupée, je ne l’ai pas vraiment écoutée.Mais c’était très clair.C’est comme si c’était moi.

Gérard :

Ce qu’il y a c’est qu’il faut se dépêcher de pen-ser et de faire avancer sa pensée avec le tempsparce qu’il y a la barbarie qui arrive, autour denous.On est dans une chose comme ça, où la barba-rie arrive, où il y a quelque chose qui s’effondreà l’intérieur du temps qu’on a en commun.On est dans ce temps où le bonheur deshommes a fini par exiger de telles conditionspour exister que le monde doit s’embraser pourles satisfaire.Les aiguilles du temps continuent toujours àtourner. Même dans un monde en feu, mêmepour des trains vides.

EXTRAiT 2

Gérard :

Pensez ce que vous pouvez, si la question sepose vraiment pour vous de savoir qui je suis.Mais peu importe je crois. Vous êtes chez moi,et moi c’est personne, c’est n’importe qui. Cequ’il y a là c’est la lettre, enfin disons le livre.C’est une lettre pour Doreen qui est là, qui estmon épouse. Et ces mots que vous entendez,que je dis, ce sont les mots de Gérard pour Do-reen. Peu importe qui écrit, qui parle je veuxdire ; c’est pour elle.

Doreen :

[…] Je ne te parle pas de politique Gérard. Là jene te parle pas de politique. Je te parle d’unealliance. Tu entends ce que c’est une alliance ?Tu entends ce que je te dis ? … Tu te suffis. Je nete sers à rien. Je te fais perdre ton temps… Et tume fais aussi perdre mon temps. Allez ciao Gé-rard, reste en Suisse. Tu finiras bien par êtreheureux avec tes idées à la con sur l’amour.

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TEASER

Regardez à cette adresse le teaser du spectacle

http://www.altermachine.fr/doreen

• Que pensez-vous de la mise en scène choisie de l’extrait 2 dans la réplique de Doreen ?

• Comparez avec votre propre mise en scène.

LECTURE

du texte d’André Gorz, Lettre à D, publié chez Folio en 2006.

Demandez aux élèves de lire Lettre à D. d’André Gorz et de mesurerl’écart entre le texte initial et l’écriture du spectacle par David Geselsonpour deux acteurs.

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EN AVALREVENIR SUR SES IMPRESSIONS, SES ÉMOTIONSPARTAGER SES RÉFLEXIONS / ÉCHANGER

Ressentis

• Choisissez un mot, un ad-jectif, un verbe ou un nom pourévoquer le spectacle qui a étévu • Ecrivez-le sans communi-quer puis, lors d’un échange enclasse, confrontez vos proposi-tions et justifiez le choix de cemot.• N’hésitez pas à partager ceressenti avec des élèves d’au-tres établissements en publiantvotre avis sur Facebook, Insta-gram ou Twitter.

Pour aller plus loin

Le film Amour de Michael Haneke

Comparez le spectacle Doreenau film de Michael Haneke. • Quels sont les points com-muns ?• Quelles sont les différences ?• Quelle œuvre préférez-vous ?Pourquoi ?

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NOTES DE TRAVAIL

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