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Les lettres d’attribution et les arrêtés de concession provisoire sont des actes créateurs de droits

Regards sur la jurisprudence domaniale et foncièreÉDITORIAL

Somma ir e

THÈME 1

THÈME 2

THÈME 3

THÈME 4

THÈME 5

THÈME 6

THÈME 7

THÈME 8

THÈME 9

THÈME 10

Toute requête en annulation contre un titre d’occupation auquel s’est substitué un nouveau titre est rejetée

Le certi�cat de propriété est un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir

La gestion des terrains du domaine public

Il ne peut y avoir de certi�cat de propriété sur le domaine public

L’administration ne peut se fonder sur un acte annulé pour délivrer un certi�cat de propriété

Le retrait d’un titre d’occupation n’est régulier qu’après une mise en demeure préalable

Le juge des référés civil est incompétent pour statuer sur la légalité d’un acte administratif

Deux titres d’occupation ne peuvent être délivréssur un terrain à des personnes di�érentes

L’annulation des actes administratifs obtenussur la base de documents frauduleux

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03La tribune de la Chambre Administrative 2014

ÉDITORIALRegards sur la jurisprudence domaniale et foncière

Que la jurisprudence soit une donnée juridique inévitable, qu’elle soit une source directe du droit,cela est entendu et il n’est plus personne pour la contester, surtout quand il s’agit du droitadministratif. Cette discipline doit à la jurisprudence d’avoir existé et d’être devenue, grâce à sanature « arrestophage », un droit évolutif, vivant, à la séduction à nulle autre pareille, qui s’ef-

force de concilier la sauvegarde des prérogatives de l’Administration et le respect des libertés et droits desadministrés, pour éviter que la vie sociale ne sombre ni dans l’anarchie ni dans la tyrannie. Son étude et sacompréhension supposent la connaissance des arrêts dont il se nourrit et qui sont rendus surtout par lesjuridictions suprêmes.

La sécurité nécessaire des relations juridiques impose aux juridictions de donner, des mêmes textes, lamême interprétation et d’appliquer, dans des hypothèses identiques ou analogues, les mêmes principes,les mêmes solutions, sauf revirement mûrement réfléchi. Toute formation juridictionnelle est contrainted’avoir une jurisprudence, de s’y tenir et, par la suite, d’en imposer le respect.

Avec le présent numéro de ‘’La Tribune de la Chambre Administrative’’ consacré à la question fon-cière, à partir d’arrêts, selon les cas, révélés, réveillés ou rappelés à la mémoire des juristes et des justicia-bles, par ses membres, pour illustrer les solutions aux principales interrogations du contentieux y relatifporté devant elle, la Chambre Administrative entend faire œuvre pédagogique en éclairant l’état du droitfoncier positif et fournir un guide autorisé pour la compréhension ou le règlement des innombrables litigesqu’elle suscite.

La Chambre Administrative, juge de l’excès de pouvoir, eu égard au nombre de requêtes dont elle estsaisie et se rapportant à la détention de droits fonciers, a pu être présentée comme ‘’une juridiction fon-

cière’’. En effet, le règlement des litiges fonciers, surtout en milieu urbain, représente 70 % de son activité.

On se souvient aussi que la permanence et l’acuité des conflits fonciers ont fait dire, qu’en Côte d’Ivoire,« Payer un terrain, c’est payer un procès ». Cette maxime, traduction moderne d’une autre qui avait coursdans la Rome Antique, « Qui Terre a, Guerre a », situe la portée de la mission de notre juridiction : prévenirla guerre et les débordements sanglants que convoie partout et toujours le conflit foncier par un règlementjuridictionnel impartial qui convainc, apaise et désarme les protagonistes. La Chambre Administrative s’yemploie avec ténacité et sérénité, consciente, ce faisant, de contribuer à la paix sociale et à l’effectivité del’État de droit.

Faut-il rappeler que dans notre pays, depuis l’indépendance, les terres sont en partage ? Naguèreperçue comme un bien collectif inaliénable ou une divinité génitrice, la terre est avant tout, aujourd’hui, uninstrument de production, une source d’enrichissement, un moyen d’affirmation de son rang social. Il s’en-suit une course effrénée et farouche à l’accès à la terre. Le mur de la sécurité juridique que promeut l’im-matriculation des terrains ne résiste pas toujours aux droits coutumiers qui, renaissant de leurs cendres, setransmuent en droits de propriété pour venir contester, hanter les droits fonciers modernes. Chaque habi-tant de ce pays aspirant à devenir propriétaire d’un lopin de terre en milieu urbain ou rural, la recherche du

« On ne peut pas plus se passer de jurisprudence que de lois »

Portalis.

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KOBO Pierre-Claver

Appelée à démêler le nid à procès qu’est devenu le processus d’attribution des terrains aux particulierspar l’État, « le nouveau Maître de la Terre », du fait de la pression foncière, mais aussi des logiques dif-férentielles, sinon des contradictions des institutions en charge de la gestion foncière, la ChambreAdministrative a su faire montre d’audace et n’a pas hésité à remettre en cause, pour friabilité juridique, cer-tains piliers sur lesquels reposait le régime foncier. Il en va ainsi du caractère définitif et inattaquable de lacopie du titre foncier, devenue certificat de propriété, qui prévalait depuis l’époque coloniale. Si le soucid’assurer la sécurité foncière et de freiner l’ardeur processive des particuliers est compréhensible, il n’endemeure pas moins que le principe de l’inattaquabilité du certificat de propriété foncière, acte administratifdélivré par une autorité administrative, le conservateur de la propriété foncière et des hypothèques, estfragile sur le plan théorique, artificiel en pratique et un non-sens juridique par sa portée.

Par l’arrêt n° 19 du 21 mai 2008 Deflorin, premier d’une longue lignée, la Chambre Administrative a misfin à ces errements juridiques. Désormais, le certificat de propriété, dans les conditions de droit commun,peut faire l’objet de recours d’excès de pouvoir et être éventuellement annulé, s’il est infecté d’illégalités,notamment s’il est dépourvu de base légale, obtenu en fraude ou se rapportant à un terrain qui relève dudomaine public. C’est dire que la connaissance du droit foncier ou, plus exactement, du droit domanialfoncier ne saurait se limiter à la lecture des textes dont, au demeurant, certains, comme le décret de 1932,sont affectés de métastases profondes, mais qu’elle doit reposer, aussi et surtout, sur la jurisprudence.Celle-ci s’efforce de donner à cette matière, une cohérence et un sens que les textes successifs, circon-stanciels, compilés davantage qu’articulés, ont fini par annihiler.

Sur la question foncière et ses enjeux, la Chambre Administrative a développé une jurisprudence riche,dense et subtile que les administrations, les citoyens, les justiciables et leurs conseils ne doivent pasignorer s’ils veulent prévenir ou résoudre les différends fonciers et comprendre les décisions judiciaires quiy sont relatifs.

Soucieuse de s’ouvrir, d’adresser aux justiciables des signaux et des messages prévisibles, clairs et sta-bles, la Chambre Administrative, à travers ce numéro de son bulletin trimestriel, leur offre un panorama desa jurisprudence sur le contentieux foncier.

Les arrêts retenus ici confirment, pour certains, des solutions bien établies et déterminent, pour d’autres,un progrès, une évolution ou un revirement durable de la jurisprudence. Des noms comme DEFLORIN,TOURE ABIBATA, WILSON TÉTÉ, ATTOUO PIERRETTE, LES JARDINS D’EDEN, N’GORAN YAOMATHIEU, à côté de NANA TIGA, EL HADJ BAKARY KONE, SOMEG et bien d’autres, passés à lapostérité pour être accolés à des arrêts de principe qui empruntent leur patronyme comme appellation,seront familiers à tous les sectateurs du droit administratif et singulièrement du droit domanial foncier.

Ces arrêts d’illustration sont accompagnés de brèves observations des membres de la ChambreAdministrative. Leur connaissance de la jurisprudence du dedans leur permet de dessiner, d’une mainferme, le sillage de chaque arrêt et d’en marquer l’impact dans le droit foncier d’aujourd’hui.

Président de la Chambre Administrative

04 La tribune de la Chambre Administrative 2014

tribut foncier transforme la moindre parcelle en forteresse à prendre ou à défendre. Pour ce faire, on recourtaux arguments historiques et juridiques, à la force, sinon.

Cet état de choses engendre un extraordinaire imbroglio dans lequel il est malaisé de se retrouver. Les‘’propriétaires’’ se superposent sur les mêmes terrains du fait de l’échafaudage et de l’enchevêtrement desdroits obtenus auprès de différentes autorités en conflit ou selon des procédures en déphasage avec laréglementation. Les revendications et les droits fonciers s’entrechoquent et installent l’incertitude et l’in-sécurité sur la scène foncière.

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Appelée régulièrement à se prononcer sur lalégalité du retrait des actes d’occupation de terrainsque l’administration accorde aux particuliers, tels leslettres d’attribution et les arrêtés de concession pro-visoire, la Chambre Administrative a été amenée àstatuer en préalable sur leur nature et leur portée.Selon qu’ils sont des actes préparatoires ou exécu-toires, créateurs ou non créateurs de droits, ils peu-vent être retirés librement ou seulement à certainesconditions.

Pour la Chambre Administrative, pas de doute,les lettres d’attribution et les arrêtés de conces-

sion provisoire sont des actes créateurs de

droits, c’est-à-dire que ceux qui en sont les

bénéficiaires en tirent incontestablement

quelque chose dont ils peuvent se prévaloir.

Le premier arrêt qui pose ce principe, s’agissantde l’arrêté de concession provisoire, est l’arrêt n° 2du 22 juillet 1981, El Hadj Bakary Koné. Des faits,il résulte que le sieur El Hadj Bakary Koné a obtenu,du Ministre des Travaux Publics, des Transports, dela Construction et de l’Urbanisme, la concessionprovisoire d’un lot par arrêté du 23 janvier 1979 quele même Ministre va lui retirer par un autre arrêté du26 septembre 1979, motif pris de ce que le lot avaitété attribué au sieur Issa Koné, bénéficiaire d’unpermis d’habiter du 15 avril 1954. Estimant le retraitillégal, El Hadj Bakary Koné, après un recours gra-cieux, a saisi la Chambre Administrative. Seprononçant sur la légalité de la décision de retrait, laCour l’a annulée au motif qu’en l’espèce, « ni l’une[illégalité de l’acte] ni l’autre [décision de retrait dans ledélai du recours contentieux] de ces conditions n’étaientremplies ». La Cour a jugé ainsi en s’inspirant de lajurisprudence Dame Cachet (C.E. 3 novembre1922) aux termes de laquelle « s’il appartient auxministres, lorsqu’une décision administrative ayant créédes droits est entachée d’une illégalité de nature à enentraîner l’annulation par la voie contentieuse, deprononcer eux-mêmes d’office, ils ne peuvent le faire quetant que les délais du recours contentieux ne sont pasexpirés ».

Mais avant de vérifier que les deux conditions dela légalité du retrait étaient ou non remplies, la Coura affirmé que l’arrêté qui a accordé la concessionprovisoire à El Hadj Bakary Koné lui a créé desdroits. Pour la Cour, « Considérant que par arrêté endate du 23 janvier 1979, le Ministre des Travaux Publics,des Transports, de la Construction et de l’Urbanisme aaccordé la concession provisoire du lot 915 (TF 27 186Bingerville) au sieur BAKARY Koné ; …que cette déci-sion individuelle a créé dès sa signature des droits auprofit du requérant ». Elle proclame ainsi, de façonconstante, lorsqu’elle est saisie de la légalité d’unedécision de retrait d’un arrêté de concession provi-soire, que ce dernier a créé des droits au profit duconcessionnaire. En témoignent les arrêts n° 119 du27 juin 2001, Haïdar Hamed Haïdar et n° 3 du 17février 2010, Société Panda Afrique.

Il est sans doute évident que concéder un terraincrée indubitablement des droits à son bénéficiaire,notamment « un droit réel attaché au terrain…, trans-missible et [qui] peut être donné en garantie hypothé-caire », mais la Cour ne les identifie pas et se con-tente simplement d’affirmer, de façon péremptoire,qu’il s’agit d’actes créateurs de droits, comme lesont les lettres d’attribution.

Dans l’arrêt n° 17 du 22 décembre 1993, NanaTiga, le sieur Nana Tiga, qui s’est vu retirer sa lettred’attribution de janvier 1985 par une autre lettre du12 octobre 1990, a saisi la Chambre Administratived’un recours pour excès de pouvoir. Par-delà laquestion de la légalité de ce retrait, la Cour s’estprononcée sur celle du caractère créateur ou non dedroits de la lettre d’attribution et ce parce que leMinistre de la Construction a opposé une fin denon-recevoir au motif que « la lettre d’attributionrésulte d’une simple pratique administrative destinée àmatérialiser l’accomplissement de la procédure d’attribu-tion de terrain, sans concéder à son détenteur un droitréel ». En réponse, la Cour a affirmé que « comptetenu du fait qu’il ne peut être délivré qu’une seule lettred’attribution, le bénéficiaire en tire incontestablementdes droits en particulier d’être le prétendant exclusif àl’acquisition du terrain ».

THÈME 1

LES LETTRES D’ATTRIBUTION ET LES ARRÊTéS DE

CONCESSION PROVISOIRE SONT DES ACTES

CRéATEURS DE DROITS

05La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Par cet arrêt, la Chambre Administrative déter-mine de façon claire la nature des droits quirésultent d’une lettre d’attribution. Il s’agit du droitd’être le prétendant exclusif à l’acquisition du terrain,c’est-à-dire que celui qui est bénéficiaire d’une lettred’attribution est le seul en principe qui pourra béné-ficier de l’arrêté de concession provisoire, puis ducertificat de propriété pour devenir propriétaire.Ainsi, au contraire de l’arrêté de concession provi-soire et du certificat de propriété, la lettre d’attribu-tion ne confère aucun droit réel à son bénéficiaire.

Il reste entendu que les lettres d’attribution, euégard à leur nature d’acte conditionnel, ne peuventêtre maintenues qu’autant que les conditions dontelles sont assorties sont respectées. (Arrêts n°28 du 29 juillet 1998 KOUAKOU RAYMONDLAMBERT et autres et n° 53 du 27 juillet 2011,Mme PARE DIENNIMBA et autres)

Conseiller ZAKPA Cécile

Arrêt n°17 du 22 décembre 1993, NANA TIGA

…Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt en ceque la décision incriminée ne fait pas grief au requérant :

…Considérant que dans son mémoire en défense, leMinistre de la Construction et de l’Urbanisme, fait valoir quela lettre d'attribution n'est pas juridiquement définie ; qu’ellerésulte d'une simple pratique administrative destinée àmatérialiser l'accomplissement de la procédure d'attributionde terrain, sans concéder à son détenteur un droit réel, quedès lors l'acte portant annulation de la lettre d'attributionpréalablement accordée à NANA TIGA n’a pas le caractèred’une décision administrative faisant grief ;

Considérant que la délivrance d'une lettre d’attribution estune des étapes de la procédure d’acquisition d'un terrain ; quecompte tenu du fait qu'il ne peut être délivré qu'une seulelettre d'attribution le bénéficiaire en tire incontestablementdes droits en particulier, d'être le prétendant exclusif àl’acquisition du terrain concerné ; qu’il peut ainsi s'opposer àla mise en valeur par une tierce personne ;

Considérant dès lors, que l'annulation de la lettre d’attri-bution fait grief au bénéficiaire dans la mesure où elle luiretire les droits qu'il avait commencés à acquérir sur ce ter-rain ; qu'il s'ensuit dès lors que ce moyen doit également êtreécarté ;…

Arrêt n°53 du 27 juillet 2011, Mme PARE DIENNIMBAET AUTRES

…Considérant que Madame PARE Diennimba a, par actenotarié des 05 août 1996 et 15 février 2002, cédé au groupescolaire « LES GRACES » le lot n° 1722 îlot 91 de Cocody-Riviera Bonoumin Est-ouest à elle attribué suivant lettre n°4968 du 09 décembre 1993 du Ministre de l’Environnement,de la Construction et de l’Urbanisme indiquant que l’instal-lation sur les lieux et la mutation concernant ce lot étaientsubordonnées à l’établissement préalable d’un arrêté de con-cession provisoire et imparti un délai de quatre mois à cettefin ; Que le Ministre de la Construction et de l’Urbanismeinvoquant la non mise en valeur a, par lettres n° 19.413 et19.414 prises le 26 décembre 2005, retiré le lot et annulécelle du 09 décembre 1993 lui attribuant ledit lot puisattribué le lot à Madame MANGNAKE Doumbia ;Qu’estimant ces lettres illégales et après un recours gracieuxdu 18 janvier 2008 resté sans suite, Madame PARE Diennimbaet le groupe scolaire « les GRACES » ont, par requête du 27juin 2008, saisi la Chambre Administrative de la CourSuprême en vue de les annuler pour excès de pouvoir ;

AU FOND

Considérant qu’au soutien de leur requête, les requérantsinvoquent l’absence de mise en demeure préalable à toutedécision de retrait de la lettre d’attribution, par application del’article 11 de l’arrêté n° 2164 AG du 09 juillet 1936 régle-mentant l’aliénation des terrains domaniaux, modifié par l’ar-rêté du 31 janvier 1938 ;

Mais considérant que la lettre du 09 décembre 1993 duministre en charge de la construction et de l’urbanismeattribuant à Madame PARE Diennimba le lot litigieux est unepromesse d’attribution assortie d’une condition suspensiverelative à l’établissement d’un arrêté de concession provisoirepréalablement à l’installation sur les lieux et à la mutationconcernant le lot ; Qu’en l’espèce, il ne résulte pas du dossieret de l’instruction que les requérants ont rempli cette condi-tion ; Qu’ainsi, le Ministre de la Construction, de l’Urbanismeet de l’Habitat a pu valablement, sans l’accomplissementd’autres formalités prescrites par l’article 11 de l’arrêté du09 juillet 1936, retirer puis réattribuer le lot litigieux par seslettres attaquées du 26 décembre 2005 le lot litigieux ; Qu’ilsne sont donc pas fondés à en demander l’annulation.

DECIDE

Article 1: La requête n° 2008-246 REP du 27 juin 2008 n’estpas fondée. Elle est rejetée ;

06 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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07La tribune de la Chambre Administrative 2014

Face à l’âpreté de la course à la propriété des ter-rains urbains, il n’est pas rare de découvrir que l’ad-ministration foncière délivre deux titres d’occupationà des personnes différentes sur un même terrain.Plus concrètement, sur la même parcelle, soit elledélivre deux lettres d’attribution à deux personnesdifférentes, soit elle accorde à chacune d’elles unarrêté de concession provisoire, soit elle leurdécerne un certificat de propriété. Il arrive égale-ment qu’alors que le terrain est objet d’une conces-sion provisoire ou d’un certificat de propriété, l’ad-ministration foncière y délivre une lettre d’attribution,ou lorsqu’il y existe une lettre d’attribution nonretirée, elle accorde une autre lettre d’attribution, unarrêté de concession provisoire et même un certifi-cat de propriété. Dans ces différents cas, à quirevient, en définitive, un tel terrain ?

La Chambre Administrative, rappelant le principe,évident et de bon sens, selon lequel «l’administrationne peut délivrer deux titres d’occupation sur le même ter-rain à deux personnes différentes », sanctionne lesactes postérieurs par une annulation.

Ce principe a été consacré par divers arrêts dontl’un des plus significatifs est l’arrêt n° 100 du 27 juin2012, SCI VISION 2000.

En l’espèce, le conservateur de la propriété fon-cière et des hypothèques a délivré à MonsieurKOKORA N’goly François un certificat de propriétésur une parcelle de terrain qui était déjà la propriétéde la SCI VISION 2000, eu égard au certificat depropriété qu’elle détenait.

Tranchant cette affaire, la ChambreAdministrative de la Cour Suprême a estimé que« ledit certificat de propriété n’ayant fait l’objet d’annu-lation ni juridictionnelle, ni législative est définitif et nepeut être remis en cause ; qu’ainsi, le conservateur de lapropriété foncière a méconnu le droit de propriété de laSCI VISION 2000 et entaché d’illégalité le certificat depropriété délivré le 19 janvier 2007 au profit de MonsieurKOKORA N’goly François, relativement au même ter-rain ».

Ainsi, pour la Chambre Administrative, leConservateur de la propriété foncière et des

hypothèques ne pouvait donc, sans méconnaître lecertificat de la SCI VISION 2000, qui n’a fait l’objetd’aucune annulation juridictionnelle ou législative,délivrer un autre certificat de propriété à des tierssur le même terrain.

Cette position de principe de la juridictionadministrative vient confirmer des solutionsantérieures issues des arrêts n° 72 du 21 juillet2010, la SICOGI et n° 216 du 31 juillet 2013, SCIRiviera City Market.

Dans l’espèce la SICOGI, la Cour a confirméqu’un terrain ne saurait faire l’objet de deux certifi-cats de propriété et a annulé l’acte juridiquepostérieur obtenu par la SCI IRIS sur le lot litigieuxsur lequel la SICOGI avait déjà un titre de propriété.

Dans l’affaire SCI Riviera City Market, la juridic-tion administrative a définitivement mis fin, sur lefondement que deux titres d’occupation ne peuventêtre délivrés sur un même terrain à des personnesdifférentes, au litige qui opposait deux sociétésimmobilières, la SICOGI et la SCI-IRIS, subrogéedans ses droits par la SCI Riviera City-Market.

Il apparaît ainsi que, pour la haute juridiction, unacte juridique, créateur de droits, quelle que soit sanature, faute d’avoir fait l’objet d’une annulationadministrative ou juridictionnelle, reste en vigueur etproduit des effets de droit et qu’il ne peut êtredélivré qu’un seul sur un lot donné (arrêt n° 73 du21 mai 2014, Madame BOUA Effaya MarieLouise).

Il ressort de toute cette jurisprudence que laChambre Administrative tient compte de deux élé-ments : l’antériorité de l’acte et la valeur de l’acte.

Conseiller N’GORAN-THECKLY Yves

THÈME 2DEUx TITRES D’OCCUPATION NE PEUVENT ÊTRE

DéLIVRéS SUR UN TERRAIN à DES PERSONNES

DIfféRENTES

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Arrêt n°100 du 27 juin 2012, SCI « VISION 2000 »

…Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la SCIVISION 2000, après avoir acquis, suivant acte notarié des 06et 25 septembre 1996 auprès des ayants droit de feu CharlesBlanchard, concessionnaire à titre définitif dès le 08 mars1951, un terrain rural d’une superficie de 193.789 m² sis àAbobo-té, objet du titre foncier n° 1053 de la circonscriptionfoncière de Bingerville, s’est vu reconnaître la propriété duterrain par un certificat de propriété n° 6056 délivré le 11 mai2005 par le conservateur de la propriété foncière et deshypothèques d’Abidjan II ;

Considérant que le Ministre en charge de la Constructionet de l’Urbanisme a, par la suite, réattribué ledit terrain auvillage d’Abobo-té par lettre n° 980079 du 06 janvier 1998puis prononcé le retour au domaine privé de l’Etat suivantarrêté n° 323 du 19 avril 1998, et l’a attribué par lettre n°980703 du 16 juin 1998 à Monsieur KOKORA N’GOLIFrançois qui s’est fait délivrer par le conservateur de la pro-priété foncière, un certificat de propriété n° 020000270 le19 janvier 2007 ;

Qu’estimant ce certificat de propriété illégal comme établien violation de son droit de propriété, la SCI-VISION 2000,après un recours gracieux du 02 septembre 2008 resté sanssuite, a, par requête du 27 février 2009, saisi la ChambreAdministrative de la Cour Suprême aux fins de l’annuler ;

AU FONDConsidérant qu’en application des articles 121 et 122 du

décret du 26 juillet 1932 susvisé, la SCI-VISION 2000 avaitobtenu, par un certificat de propriété délivré dès le 11 avril2005, la propriété du terrain de 193.789 m² d’Abobo-té, com-mune d’Abobo ; que ledit certificat de propriété foncière,n’ayant fait l’objet d’annulation ni juridictionnelle ni législa-tive, est définitif et ne peut être remis en cause ; qu’ainsi, leconservateur de la propriété foncière a méconnu le droit depropriété de la SCI-VISION 2000, et entaché d’illégalité lecertificat de propriété délivré le 19 janvier 2007 au profit deMonsieur KOKORA N’GOLI François relativement au mêmeterrain ;

Que, dès lors, la société requérante est fondée à demanderson annulation ;

DECIDEArticle 1 : La requête n° 2009-079 REP du 27 février 2009présentée par la SCI-VISION 2000 est recevable et bienfondée ;Article 2 : Le certificat de propriété n° 020000270 délivré le19 janvier 2007 à Monsieur KOKORA N’GOLI François parle conservateur de la propriété foncière et des hypothèquesd’Abidjan II est annulé et sa radiation des livres fonciers estordonnée ;…

Arrêt n°72 du 21 juillet 2010, LA SICOGI

…Considérant qu’il ressort du dossier que la SICOGIdétentrice d’un certificat de propriété à elle délivrée par leConservateur de la propriété foncière le 3 juillet 2003 sur uneparcelle de terrain de 8.785 m2 sise à la Riviera M’pouto,demande l’annulation des deux certificats de propriété n°01002979 et n° 01002980 du 31 décembre 2007 délivrés à laSCI IRIS portant sur le même terrain ; qu’estimant que cesactes méconnaissent son droit de propriété et l’art. 121 dudécret du 26 juillet 1932, après un recours gracieux du 31 juil-let 2008, resté sans suite, la SICOGI les défère, le 9 décembre2008, à la censure de la Chambre Administrative ;

SUr lE FONDConsidérant que le droit de propriété ainsi que les

garanties données aux titulaires de ce droit ont pleine valeurconstitutionnelle et qu’il ne peut y être porté atteinte que dansles conditions fixées par la loi ; qu’il ressort des articles 121et 122 du décret du 26 juillet 1932 portant régime foncier quele titre foncier est définitif, qu’il constitue devant les juridic-tions, le point de départ unique de tous les droits réels existantsur l’immeuble au moment de son immatriculation, que touteaction tendant à mettre en cause le droit de propriété d’unimmeuble immatriculé est irrecevable ;

Considérant qu’il ne ressort pas du dossier et de l’instruc-tion que le droit de propriété sur le terrain légalement acquispar la SICOGI par suite de l’obtention du certificat de pro-priété du 3 juillet 2003 ait été rapporté ou annulé ;

Considérant qu’au surplus, la lettre n° 006 du 29 mars2006 du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme annu-lant la lettre n° 981077 du 16 juillet 1998 attribuant à laSICOGI la parcelle du terrain querellée ainsi que son arrêtén° 002 du 29 mars 2006 rapportant l’arrêté n° 354 du 16 mars1999 accordant à la SICOGI la concession provisoire de laparcelle, ont été expressément déclarés nuls et de nul effet parl’arrêt n° 40 du 26 mai 2010 de la Chambre Administrative ;

Qu’ainsi, l’administration de la Conservation foncière, endélivrant le 31 décembre 2007 deux certificats de propriété àla SCI IRIS sur des portions de ce terrain, a porté une atteintegrave au droit de propriété de la SICOGI, qui doit êtreregardée comme une emprise irrégulière sur une propriétéprivée ;

Qu’il s’ensuit, que les certificats de propriété délivrés le 31décembre 2007 à la SCI IRIS doivent être déclarés nuls et nonavenus

DECIDEArticle 1 : L’intervention volontaire de la SCI IRIS est recev-able mais mal fondée ;Article 2 : Les certificats de propriété n° 01002979 et n°01002980 délivrés le 31 décembre 2007 par le Conservateur dela propriété foncière et les hypothèques à la SCI IRIS sont nulset de nul effet ;

08 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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09La tribune de la Chambre Administrative 2014

La rareté des terrains urbains dans les com-munes d’Abidjan et dans les grandes villes de laCôte d’Ivoire amène certaines personnes, déter-minées à devenir propriétaires terriens coûte quecoûte, à user de faux documents pour se fairedélivrer des titres d’occupation au détriment desattributaires, concessionnaires ou propriétaires dedroit.

Ces derniers, pour retrouver leurs biens injuste-ment spoliés, saisissent la Chambre Administrativeaprès que l’administration foncière, à qui ils se sont,au préalable, adressés, ne leur a pas donné satis-faction.

Quel est le sort réservé à des actes obtenus surla base de documents faux ?

La Chambre Administrative, dans les arrêts n°19du 15 juillet 1987, Sacko Kaourou, n°19 du 19février 2014, dame Attouo Pierrette et n°28 du 26février 2014, VE Boua tranche la question en posantle principe, sans équivoque, qu’un acte frauduleuxne saurait créer des droits et servir de fondement àl’obtention de titre d’occupation.

En conséquence, tout acte de propriété obtenusur la base d’acte frauduleux est dépourvu de baselégale et encourt annulation.

Mais, de quels moyens dispose la Cour pourqualifier un acte de faux et en tirer la conséquencequi en résulte ?

Pour asseoir sa décision, la Cour se base sur lesfaits et les éléments produits au dossier. Outre l’élé-ment matériel, la Cour tient compte de l’élémentmoral, caractérisé par l’intention de l’administré detromper l’Administration.

En toute hypothèse, le fait reproché au bénéfi-ciaire de l’acte doit avoir effectivement provoquél’erreur de l’auteur de la décision litigieuse.

Tel est le cas dans le différend qui a opposéMadame Attouo Pierrette au Conservateur de laPropriété Foncière et des Hypothèques de Cocody.

Dans cette affaire, par un acte administratif devente, le Ministre de la Construction et del’Urbanisme a cédé une parcelle de terrain àMadame Attouo Pierrette qui en a acquitté intégrale-ment le prix et l’a mise en valeur par la constructiond’une villa. Ayant découvert, en 2013, que le lot luiappartenant a été frauduleusement vendu en 2012,par un agent immobilier, prétendant agir en sonnom, à Monsieur Assemien Georges qui s’est faitdélivrer un certificat de propriété, Madame ATTOUOPierrette a, en suite d’un recours gracieux restésans réponse, saisi la Chambre Administrative auxfins d’annulation dudit certificat de propriété.

La Cour, après avoir rappelé que le juge de l’ex-cès de pouvoir, saisi de la légalité d’un acteadministratif, a plénitude de juridiction et, qu’en con-séquence, l’appréciation de la validité d’une conven-tion de droit privé, fondement d’un certificat de pro-priété, relève de son office, et qu’elle ne constituepas une question préjudicielle, affirme : « qu’ilressort du dossier et de l’instruction que MadameATTOUO Pierrette qui a acquis, propriétairement, leterrain querellé en 1998-1999, n’a pas consenti à lavente ; que celle-ci a procédé de manœuvres frau-duleuses orchestrées par GNOUGNOU JaussetEdmond ; que les aveux de fraude de celui-ci ont étécorroborés par les résultats de l’enquête de la policecriminelle du 26 août 2013 transmis au Procureur dela république près le Tribunal de Première instanced’Abidjan-Plateau, qui établissent que « le nomméGNOUGNOU n’a reçu ni procuration ni mandat de lapart de dame ATTOUO pour vendre le terrain. Il a faitdu faux et a signé par imitation de son nom tous lesactes de vente en lieu et place de la victime ».

La Haute Cour, on le voit, ne se contente pas deprésomptions, elle prend soin de mettre à nu lesmanœuvres, les actes qui ont induit l’Administrationen erreur pour l’établissement du certificat depropriété.

THÈME 3

L’ANNULATION DES ACTES ADMINISTRATIfS OBTENUS SUR

LA BASE DE DOCUMENTS fRAUDULEUx

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La Chambre Administrative, par cet arrêt du 19février 2014, ATTOUO Pierrette, qui se situe dansla lignée des arrêts n° 90 du 20 octobre 2010, KEITAYAYA, et n° 108 du 18 juillet 2012, MadameFatoumata SIDIBE, solidifie sa jurisprudence quimontre que pour assurer la sanction de la fraude, lesexigences de la moralité et de la légalité l’emportentsur la sécurité juridique.

Conseiller DIAKITE Fatoumata

Arrêt n°19 du 19 février 2014, Madame ATTOUOPierrette

…Considérant que, par acte administratif de vente des 1eroctobre 1998 et 2 mai 1999, le Ministre de la Construction etde l’Urbanisme a cédé à Madame ATTOUO Pierrette la par-celle de terrain d’une contenance de 1000 m² formant le lotn°2814, îlot 234 sis à Abidjan, Cocody les Deux-Plateaux,7ème tranche qui en a acquitté intégralement le prix de4.500.000 F.CFA et l’a mise en valeur par la constructiond’une villa ; qu’ayant découvert en 2013, qu’elle a construit etmis en valeur plutôt le lot 2816 appartenant à une autre per-sonne et que le lot 2814 lui appartenant a été frauduleusementvendu en 2012 par Monsieur GNOUGNOU Jausset Edmond,agent immobilier, prétendant agir en son nom, à MonsieurASSEMIEN Georges à qui le certificat de propriétén°16003850 du 30 janvier 2013 a été délivré ;

Qu’estimant que ce certificat de propriété a été obtenu enfraude de son droit de propriété, Madame ATTOUO a, ensuite d’un recours gracieux du 15 avril 2013 resté sansréponse, saisi la Chambre Administrative le 18 septembre2013 aux fins de son annulation ;

SUr lE FOND

Considérant que, saisie en recours d’excès de pouvoir, la

Chambre Administrative a plénitude de juridiction ; que juge

de l’action, elle est aussi juge de l’exception ; qu’elle est com-

pétente pour se prononcer sur l’ensemble des moyens invo-

qués devant elle, tant par le demandeur que par le défendeur ;

qu’ainsi l’appréciation du caractère frauduleux d’une conven-

tion privée, fondement d’un certificat de propriété attaqué,

relève de son office ;

Considérant qu’il est constant que le certificat de propriété

attaqué a été établi sur le fondement de « l’acte de vente de

Maître GNAKOURI D. Amos des 30 novembre et 4 décembre

2012 » ;

Mais considérant qu’il ressort du dossier et de l’instruc-tion que Madame ATTOUO Pierrette qui a acquis, proprié-tairement, le terrain querellé en 1998-1999, n’a pas consentieà la vente ; que celle-ci a procédé de manœuvres frauduleusesorchestrées par GNOUGNOU Jausset Edmond ; que les aveuxde fraude de celui-ci ont été corroborés par les résultats del’enquête de la Police Criminelle du 26 août 2013 transmis auProcureur de la République près le Tribunal de PremièreInstance d’Abidjan-Plateau, qui établissent que « le nomméGNOUGNOU n’a reçu ni procuration ni mandat de la part dedame ATTOUO pour vendre le terrain. Il a fait du faux et asigné par imitation de son nom tous les actes de vente en lieuet place de la victime » ;

Considérant que cette fraude, manifeste, affecte la validité

de l’acte de vente, qui doit être regardé comme un faux, et

corrompt, par voie de conséquence, le certificat de propriété

édicté sur son assise ; qu’il s’ensuit que Madame ATTOUO est

fondée à demander son annulation pour défaut de base légale

et à ce qu’il soit déclaré nul et de nul effet ;

Considérant qu’il est loisible à Monsieur ASSEMIEN

Georges, qui soutient avoir acheté le terrain litigieux en toute

bonne foi, de saisir, s’il se sent fondé, le juge du plein con-

tentieux, pour la réparation du préjudice subi en engageant la

responsabilité, entre autres, de Monsieur GNOUGNOU

Jausset Edmond et de Maître GNANKOURI Amos, le notaire

instrumentaire qui, selon le rapport d’enquête de la Police

Criminelle, « a manqué de vigilance et de clairvoyance en ne

s’assurant pas que les signatures proviennent effectivement de

la victime » ;

DECIDE

Article 1: La requête n°2013-114 REP du 18 septembre 2013de Madame ATTOUO Pierrette est recevable et fondée ;

Article 2 : Le certificat de propriété n°16003850 du 30 jan-vier 2013 délivré à Monsieur ASSEMIEN Georges estdéclaré nul et de nul effet ;

Article 3 : Il est ordonné sa radiation des livres fonciers ;…

10 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Arrêt n° 108 du 18 juillet 2012, Fatoumata SIDIBE

…Considérant que, suivant acte administratif n° F

1006/13 code 18/181/2296 des 27 décembre 2002 et 1er juil-

let 2003, Madame Fatoumata SIDIBE a obtenu la concession

provisoire d’un terrain de 1200 mètres carrés formant le lot

2296 îlot 181 de Cocody les Deux-Plateaux, 4e tranche, après

l’avoir acheté le 23 Août 2001 auprès de l’Agence de Gestion

Foncière (AGEF) ; que confrontée lors d’un procès à la

Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) qui revendi-

quait la propriété de ce terrain en produisant l’arrêté de con-

cession provisoire n° 0741/MCU/SDU/JS du 13 juin 2003 du

Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, elle a, le 18

juin 2010, sollicité de la Chambre Administrative, l’annula-

tion de ce titre ainsi que de tous les autres actes subséquents,

après avoir demandé, sans suite le 19 janvier 2010, leur

retrait au Ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de

l’Habitat, motifs pris de ce que l’arrêté du 13 juin 2003 dont

se prévaut la CNPS est fictif puisqu’inexistant dans les

archives du Ministère chargé de la Construction et qu’en tout

état de cause, l’arrêté de concession provisoire du 1er juillet

2003 dont elle est bénéficiaire « annule et remplace », en ses

dispositions finales, "toutes conventions ou actes de quelque

nature que ce soit qui auraient pu intervenir antérieurement

pour le même objet ou pour produire les mêmes effets" ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, notamment

la correspondance n° 00678/MCUH/DAJC/TM/CA du 30

mars 2009 du Directeur des Affaires Juridiques et du

Contentieux du Ministère de la Construction, de l’Urbanisme

et de l’Habitat, reprenant les termes d’un courrier n°

2878/MCUH/DGUF/DDU/SDAOBD/KKN/TN du 18 mars

2009 du Directeur du Domaine urbain, que « selon les

archives et registres domaniaux consultés les 02 et 11 mars

2009, le lot susmentionné est concédé à titre provisoire à

Madame Fatoumata SIDIBE… il avait été concédé à titre pro-

visoire à Monsieur ASSOUMOU SENE Noël suivant arrêté n°

2093/MTPTCU du 13 juillet 1979 et retiré à celui-ci par

arrêté n° 991660/MLU/SDU du 24 août 1999 » ; que de sur-

croît, aux termes d’un procès-verbal de compulsoire du 10

décembre 2008, seule Madame Fatoumata SIDIBE est connue

dans les archives dudit Ministère, aucune trace de l’arrêté du

13 juin 2003 dont se prévaut la CNPS n’y existant ; que, même

si un tel acte existait, il est constant qu’il aurait été pris en

fraude aux droits de Madame Fatoumata SIDIBE, du fait que

Monsieur ASSOUMOU SENE Noël, qui aurait cédé ses droits

à la CNPS suivant acte notarié des 12 et 23 novembre 1999,

en avait déjà perdu la concession par le retrait de son titre ;

Qu’il s’ensuit que l’arrêté de concession provisoire délivré à

la CNPS, ainsi que tous les actes subséquents, notamment le

certificat de propriété n° 0031182 du 07 juin 2004, doivent

être déclarés nuls et de nul effet ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête

est fondée ;

DECIDE

Article 1 : La requête n° 2010-083 REP du 18 juin 2010 deMadame Fatoumata SIDIBE est recevable et fondée ;

Article 2 : L’arrêté n° 00741/MCU/SDU/ST du 13 juin 2003du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme transférantà la CNPS la concession provisoire du lot n° 2296 îlot 181 deCocody les Deux-Plateaux, 4e tranche, titre foncier n° 27806de la concession foncière de Bingerville et le certificat de pro-priété n° 0031182 du 07 juin 2004 de la CNPS sont déclarésnuls et de nul effet ;

Article 3 : La radiation des livres fonciers des titres annulésest ordonnée ;

11La tribune de la Chambre Administrative 2014

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« Considérant qu’il ressort de l’instruction que le ter-rain querellé est propriétairement acquis par la SCIAMPHORA qui s’est vu délivrer, le 6 février 2007, par leConservateur de la propriété foncière, un certificat depropriété, qui, faute d’avoir été contesté dans les délaisest devenu définitif et lui a conféré juridiquement la pro-priété du terrain, ainsi que l’atteste l’état foncier n°14131 du 23 septembre 2009 établi par le Conservateurde la propriété foncière et des hypothèques d’AbidjanSud ; qu’il s’ensuit que dans ces conditions, la requête dela SOMEG et autres dirigée contre des actes antérieursau certificat de propriété ne peut qu’être rejetée ».

C’est de ce considérant de l’arrêt n° 75 du 21juillet 2010, SOMEG et autres de la ChambreAdministrative, qu’est né le principe selon lequel« toute requête en annulation contre un titre d’occupa-tion auquel s’est substitué un nouveau titre est rejetée ».Dans cette affaire, la SOMEG et quatre autres per-sonnes ont saisi la Chambre Administrative d’unrecours pour excès de pouvoir contre un arrêtéde concession provisoire accordé à la SCIAMPHORA, qui était par ailleurs détentrice d’uncertificat de propriété.

Résolvant ce contentieux, la ChambreAdministrative a consacré pour la première fois leprincipe susvisé qui, aujourd’hui, fait partie des solu-tions solidement fixées dans la jurisprudence de laCour. Il est appliqué de façon constante à tous leslitiges dont les faits sont semblables. Plus concrète-ment, quand la Chambre Administrative est saisied’une requête en excès de pouvoir d’un arrêté deconcession provisoire accordé sur un terrain alorsque le bénéficiaire s’est fait délivrer un certificat depropriété, ou d’une lettre d’attribution alors que leterrain a déjà fait l’objet d’un arrêté de concessionprovisoire, ou enfin d’une lettre d’attribution alorsque le terrain fait l’objet d’un certificat de propriété,de façon constante, elle la rejette au motif que l’acteattaqué ayant disparu au profit d’un autre, la requêtene peut qu’être rejetée. Pour la Cour, quand lenouvel acte est pris, l’ancien sort automatique-ment de vigueur ; il devient caduc et ne peut plusen principe être attaqué en vue de son annulation.

Le justiciable qui tente une telle aventure ne verrapas sa requête prospérer, car le juge de la ChambreAdministrative reste toujours attaché à cette règle.

Pour preuve, le dernier arrêt en date de lalignée de l’arrêt SOMEG et autres, arrêt n° 22 du19 février 2014, NAMPE AHOUO SOLANGE etautres, reprend quasiment l’arrêt fondateur en cestermes : ...« Considérant que la remise en cause desdroits sur une parcelle de terrain qui a fait l’objet d’uncertificat de propriété doit être dirigée contre ledit acteet non contre les actes antérieurs, lettre d’attribution etarrêté de concession provisoire, auxquels il s’est substi-tué ;…Que dès lors, cette action dirigée contre les actesadministratifs antérieurs, notamment l’arrêté de conces-sion provisoire auquel s’est substitué le certificat depropriété, ne peut qu’être rejetée ».

Cette règle a connu une extension de sorte quesur son fondement, la Chambre Administrative aannulé des décisions administratives, notammentdes décisions de retrait ou d’annulation de titresd’occupation auxquels se sont substitués de nou-veaux titres. Il en est ainsi de l’arrêt n° 66 du 18 avril2012, SCI SIXTINE, dans lequel le Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme a annulé un acteadministratif de vente auquel s’est substitué un cer-tificat de propriété. Pour la Chambre Administrative,« toute décision tendant au retrait ou à la modificationdes actes antérieurs, notamment de l’acte administratifde vente auquel le certificat de propriété s’est substitué,ne peut qu’être déclarée illégale ».

De ce qui précède, il est à retenir qu’unerequête qui porte sur un titre d’occupation auquels’est substitué un nouvel acte est toujours rejetéeet la décision de l’administration foncière qui annulele premier acte est entachée d’illégalité.

Conseiller YOH GAMA

THÈME 4

TOUTE REQUÊTE EN ANNULATION CONTRE UN TITRE

D’OCCUPATION AUQUEL S’EST SUBSTITUé UN NOUVEAU

TITRE EST REJETéE

12 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Arrêt n°75 du 21 juillet 2010, SOMEG et autres

…Considérant que les requérants sollicitent l’annulationd’une part, de l’arrêté n° 2120 du 22 avril 2004 du Ministrede la Construction et de l’Urbanisme portant concessionprovisoire du lot 270 de la zone 4/C complémentaireMarcory, (titre foncier n° 19650 de Bingerville) d’une super-ficie de 8077 m2 à la SCI AMPHORA I, et d’autre part, de ladécision implicite de rejet du Président de la République àleur recours hiérarchique exercé le 28 janvier 2009 ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de larequête

Considérant qu’il ressort de l’instruction que le terrainquerellé est propriétairement acquis par la SCI AMPHORAqui s’est vu délivrer, le 6 février 2007, par le Conservateur dela propriété foncière, un certificat de propriété, qui, fauted’avoir été contesté dans les délais est devenu définitif et lui aconféré juridiquement la propriété du terrain, ainsi que l’at-teste l’état foncier n° 14131 du 23 septembre 2009 établi parle Conservateur de la propriété foncière et des hypothèquesd’Abidjan Sud ; qu’il s’ensuit que dans ces conditions, larequête de la SOMEG et autres dirigée contre des actesantérieurs au certificat de propriété ne peut qu’être rejetée ;

DECIDE

Article 1 : L’intervention volontaire de la SCI AMPHORA estfondée ;

Article 2 : La requête n° 2009-262 REP de la SOMEG etautres est rejetée ;

Arrêt n° 66 du 18 avril 2012, SCI SIXTINE

…Considérant qu’il résulte des pièces produites que sur lefondement de l’acte administratif de vente n° 18/2136 B du 07mars 2003 publié au livre foncier le 20 octobre 2006, le lot n°2136B, îlot 197 de 1912 m², sis à Cocody les Deux-Plateauxet objet du titre foncier n° 115339 de Bingerville, a fait l’ob-jet du certificat de Propriété Foncière n° 01000440 du 28novembre 2006 au profit de Monsieur YEDE NIAGNE Jean-Claude ; que dès lors, toute décision tendant au retrait ou à lamodification des actes antérieurs, notamment de l’acteadministratif de vente auquel le certificat de propriété foncières’est substitué, ne peut qu’être déclarée illégale ; qu’ainsi laSCI Sixtine est fondée à solliciter l’annulation des arrêtés duMinistre de la Construction et de l’Urbanisme postérieurs aucertificat de Propriété foncière n° 01000440 du 28 octobre2006 ;

DECIDE

Article 1 : la requête n° 2009-379 bis REP du 13 août 2009 dela Société Civile Immobilière Sixtine est recevable et fondée.

Article 2 : Sont annulés les arrêtés du Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme :

- n° 07-236/MCUH/DDU/SDPAA/SAC du 16 août2007 accordant à Monsieur MAMBE BEUGRE Landry la con-cession provisoire du lot n° 2032/bis îlot 183/bis de Cocodydeux Plateaux 4e tranche (Titre Foncier n° 107553 deBingerville).

- n° 07-237/MCUH/DDU/SDPAA/SAC du 16 août2007 accordant à Monsieur MAMBE BEUGRE MOBIOAlban, la concession provisoire du lot 2340 bis îlot 183 bis deCocody Deux Plateaux 4e tranche (Titre Foncier n° 107604 deBingerville).

- n° 08-020/MCUH/DAJC/YKE du 02 juin 2008 por-tant annulation de l’acte administratif de vente F1013111 code18/197/2136B des 21 mars 2002 et 07 mars 2003 accordant àMonsieur YEDE NIANGNE Jean- Claude la concession provi-soire du lot 2136B îlot 197, d’une superficie de 1960 mètrescarrés, du lotissement de Deux-Plateaux 4ème tranche(Commune de Cocody).

13La tribune de la Chambre Administrative 2014

Page 14: Mise en page 1 - Accueil · KOBO Pierre-Claver Appelée à démêler le nid à procès qu’est devenu le processus d’attribution des terrains aux particuliers par l’État, «

L’article 121 du décret du 26 juillet 1932 portantréorganisation de la propriété foncière en AfriqueOccidentale Française, toujours en vigueur, disposeque « le titre foncier est définitif et inattaquable, il con-stitue, devant les juridictions, le point de départ unique detous les droits réels existants sur l’immeuble au momentde l’immatriculation ».

Sur le fondement de cette disposition, la jurispru-dence a élaboré une règle sacro-sainte qui consacrele principe de l’irrévocabilité du droit de propriétéfoncière. Cette règle a été bâtie autour de cette idéeque tout titre de propriété, même obtenu irrégulière-ment, demeure inattaquable (voir Cour Suprême,Chambre Judiciaire section civile, 22 avril 1974,Guérard C/ Pierre Abbey ; Cour d’Appel d’Abidjan,9 avril 1976, arrêt n° 261, Seydou C/ SETFA ;Tribunal d’Instance d’Abidjan, jugement n° 1362 du27 juillet 1972 ; Cour d’Appel, arrêt n° 79 du 9février 1973 ; Cour Suprême, arrêt n° 17 de 22février 1974…). Par titre de propriété, il faut enten-dre les actes délivrés par l’administration qui sontauthentifiés par des écrits et dont les droits réelsqu’ils comportent sont inscrits au registre foncier. Ils’agit en pratique de la copie du titre foncier délivréeà une personne pour attester de sa propriété sur unterrain.

Cependant, apparu en 2002, par l’effet de l’an-nexe fiscale à la loi n° 2002-156 du 15 mars 2002portant loi de finances de l’année 2002, le certificatde propriété qui, aux termes de l’article 36 de cetteannexe, supprime et remplace la copie du titrefoncier qui attestait de la propriété d’une personnesur un terrain, a suscité beaucoup d’engouementchez les ivoiriens détenteurs d’un arrêté de conces-sion provisoire pour se le procurer. Mais ladélivrance du certificat de propriété a donné lieu àdes contestations devant la Chambre Administrativede la Cour Suprême. Celle-ci a précisé, de façonnette, la nature de cet acte dans l’arrêt n° 19 du 21mai 2008, Deflorin Marcel Werner. En effet, déten-teur d’un certificat de propriété obtenu à la suite del’acquisition qu’il a faite d’un terrain appartenant àMonsieur Mobio Samuel, lui-même détenteur d’uncertificat de propriété sur le terrain litigieux,

Monsieur Deflorin Marcel Werner s’est vu notifier lesarrêtés numéros 16 et 17 du 17 juillet 2006 duMinistre de la Construction et de l’Urbanisme qui,arguant de leur caractère frauduleux, rapporte d’unepart, la lettre n° 15264 du 05 décembre 2005 accor-dant une autorisation de vente du lot n° 84 îlot 7 etd’autre part, l’arrêté n° 2530 du 04 octobre 1999 etrétablit l’arrêté n° 885 du 16 octobre 1973 accordantla concession provisoire du lot susvisé à MonsieurKadio Koffi Séraphin.

Estimant ces arrêtés illégaux, après un recoursgracieux infructueux, Monsieur Deflorin MarcelWerner saisit la Chambre Administrative en articu-lant, entre autres moyens, qu’il y a violation de la loi,notamment l’article 121 du décret du 26 juillet 1932relatif au régime de la propriété foncière qui, selonlui, dispose que toute action tendant à mettre encause le droit de propriété d’un immeuble imma-triculé est irrecevable. En d’autres termes, lerequérant soutient que le certificat de propriété à luidélivré ne saurait être remis en cause parce que le« titre foncier, devenu certificat de propriété est définitifet inattaquable ».

Se prononçant sur ce moyen, la ChambreAdministrative pose le principe que le certificat depropriété n’est pas un acte de gouvernement pourêtre inattaquable, mais plutôt un acte administratifsusceptible de recours pour excès de pouvoir. Ellesouligne clairement que « le certificat de propriété,quelle que soit sa procédure d’établissement, est un acteadministratif ». Le caractère innovant de cet arrêt deprincipe est évident puisque désormais, le jugeadministratif considère qu’en matière foncière, lescertificats de propriété n’appartiennent plus à lazone d’impunité que le juge judiciaire et les règle-ments leur avaient réservée.

Dorénavant, le juge administratif se donne le droitd’analyser les conditions dans lesquelles les certifi-cats de propriété ont été délivrés. Dans l’arrêtDeflorin, il pose le principe que « les décisionsadministratives, obtenues à la suite de fraude, peuventêtre toujours rapportées, car elles ne créent jamais dedroits définitifs ».

THÈME 5

LE CERTIfICAT DE PROPRIéTé EST UN ACTE

ADMINISTRATIf SUSCEPTIBLE DE RECOURS POUR

ExCèS DE POUVOIR

14 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Étant un acte administratif, le certificat de pro-priété peut donc faire l’objet d’un recours en annula-tion pour excès de pouvoir dans les conditions dedroit commun telles que fixées par la loi sur la CourSuprême et comme l’illustre la jurisprudencepostérieure à l’arrêt Deflorin dans les arrêts n° 74 du21 juillet 2010, ANKE Abo Jerôme, n° 22 du 23février 2011, KOUTOUAN Gerard, n° 63 du 23 avril2014, Madame OUATTARA Aïchatou épouseSYLLA, etc.

Conseiller KOBON ABE Hubert

Arrêt n°19 du 21 mai 2008, DEFLORIN MarcelWERNER

…Considérant qu’il ressort du dossier qu’après avoiracquis, par acte notarié, le 13 février 2006, le terrain identifiélot n° 84 îlot de Marcory 4 C auprès de M. MOBIO Samuel quidétenait un certificat de propriété qui y relatif, délivré le 9février 2005 par le conservateur de la propriété foncière sur lefondement de l’arrêté n° 2530 du 4 octobre 1999, qui luiaccordait la concession provisoire, M. DEFLORIN a obtenu letransfert à son profit de la propriété attesté par le certificat depropriété n° 010806 du 3 avril 2006 et y a construit une villaqu’il habite ; que, cependant le 24 juillet 2006, il lui a été noti-fié les arrêtés n°s 16 et 17 du 17 juillet 2006 du Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme qui, arguant de leur carac-tère frauduleux, d’une part rapporte la lettre n° 15264 du 5décembre 2005 accordant une autorisation ministérielle devente et d’autre part, annule l’arrêté n° 2530 du 4 octobre1999 et rétablit l’arrêté n° 885 du 16 octobre 1973 accor-dant la concession provisoire du lot à M. KADIO KoffiSéraphin ; que son recours gracieux exercé le 20 septembre2006 étant resté sans suite, M. DEFLORIN saisit la ChambreAdministrative le 15 mars 2007 pour voir annuler les deuxarrêtés du 17 juillet 2006 du Ministre de la Construction et del’Urbanisme ;

SUr lA FOrME

Considérant que la requête a satisfait aux conditionsposées par la loi sur la Cour Suprême ; qu’elle est donc,recevable ;

SUr lE FOND

Du moyen tiré de la violation de l’art. 122 du décret du 26 juil-let 1932

Considérant que le requérant fait grief au Ministre de la

Construction et de l’Urbanisme d’avoir violé l’art. 122 dudécret du 26 juillet 1932 en édictant les deux arrêtés du 17juillet 2006 ;

Considérant que l’art. 122 du décret du 26 juillet 1932portant réorganisation du régime de la propriété foncière enAfrique Occidentale Française (AOF) dispose « toute actiontendant à la revendication d’un droit réel non révélé en coursde procédure et ayant pour effet de mettre en cause le droit depropriété même d’un immeuble immatriculé est irrecevable »

Mais considérant qu’une telle disposition interprétée parle requérant comme ayant pour effet de priver de tout droit aurecours devant le juge de l’excès de pouvoir la personne quientend contester la légalité du titre foncier ou du certificatde propriété est contraire à l’article 54 de la loi sur la CourSuprême qui consacre le principe général de droit que « toutacte administratif peut faire l’objet d’un recours d’excès depouvoir » ;

Considérant que le certificat de propriété, quelle que soitsa procédure d’établissement est un acte administratif ; qu’ilne relève pas de la catégorie des « actes de gouvernement » ;que, dès lors, il ne saurait bénéficier d’une immunité juridic-tionnelle ; que, dans les conditions de droit commun, il peutfaire l’objet de contestation devant le juge de la légalité ;

Qu’au surplus, en l’espèce, ce moyen est inopérant, dansla mesure ou ni la requête en annulation ni les actes entreprisne sont dirigés directement contre un certificat de propriété …

15La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Quels sont les principes qui gouvernent la ges-tion des terrains du domaine public ?

Le domaine public, qui regroupe les biens despersonnes publiques qui ne ressortissent pas deleur domaine privé, est soumis à des règles spéci-fiques. Par voie de conséquence, sa gestion sedifférencie de celle du domaine privé.

Par des arrêts significatifs, la ChambreAdministrative de la Cour Suprême dévoile et éclaireles règles et principes gouvernant le domaine public.Dans l’arrêt n° 81 du 28 juillet 2010, Port Autonomed’Abidjan dite PAA, le juge de la ChambreAdministrative, au contraire de celui de la Courd’Appel, affirme que les autorisations d’occupationdu domaine portuaire délivrées par le PortAutonome d’Abidjan (PAA) sont des actes adminis-tratifs par détermination de la loi, bien que le PAA aitle statut de Société d’Etat et donc soumis au droitprivé. Dans le même arrêt, la ChambreAdministrative a posé le principe de l’incompétencedu juge des référés à connaître de ces actes.

L’arrêt n° 20 du 31 mars 2010, N’Goran YaoMathieu en est un autre exemple. Dans cet arrêt, lejuge a qualifié d’inexistant l’acte par lequel leMinistre en charge de la Construction et del’Urbanisme concède à titre définitif un terrain rele-vant du domaine public. Sans le dire de façonexpresse, le juge réaffirme ainsi le caractère pré-caire et révocable de l’autorisation d’occupation dudomaine public qui est incompatible avec son attri-bution à titre définitif.

L’arrêt n° 144 du 19 décembre 2012,l’Association Sportive Nautique Abidjanaise(ASNA) est au nombre de ces arrêts significatifs. `

Les faits de cet arrêt sont relativement simples.La partie du domaine public lagunaire, sise àAbidjan-Treichville, île de Petit-Bassam, exploitéedepuis 1957 par l’Association Sportive NautiqueAbidjanaise (ASNA), bénéficiaire d’une autorisationd’occupation du Ministre en charge des Transports,plusieurs fois renouvelée, a fait l’objet en 2012 d’uneautorisation d’occupation au profit d’une autre per-sonne. En effet, par décision n° 26/MT/DGAMP du26 janvier du Directeur des affaires maritimes,Monsieur YARTEY ESSIBOU, un voisin, a obtenul’autorisation d’occupation du terrain exploité par

l’ASNA. C’est cette décision qui a fait l’objet d’unrecours en annulation pour excès de pouvoir devantla Chambre Administrative de la Cour Suprême.

Répondant à la question précise de la légalité dela décision attaquée, le juge a fait quelques rappelsdes principes fondamentaux qui régissent la gestionnon seulement du domaine public lagunaire, maisaussi du domaine public en général :

- Les principes de l’inaliénabilité et de l’impres-criptibilité interdisent toute appropriation privative ;

- Le Directeur Général des affaires maritimes etportuaires n’est pas compétent pour signer un arrêtéd’occupation du domaine public lagunaire. L’arrêtén° 505 du 13 octobre 2010 portant modalité d’occu-pation et d’exploitation du domaine public maritime,lacustre et fluvio-lagunaire de l’État subordonnetoute occupation à l’autorisation préalable duMinistre chargé des affaires maritimes et portuaires ;

- Le maintien sur une dépendance du domainepublic, même connu et toléré par l’Administration,n’équivaut pas à une autorisation;

- L’autorisation d’occupation privative du domainepublic est par principe précaire;

- Nul n’a de droit acquis au maintien sur ledomaine public ou au renouvellement d’une autori-sation venue à échéance;

- Le défaut de l’enquête de commodo etincommodo avant la délivrance des autorisationsd’occupation du domaine public dans les centreslotis est une violation d’une formalité substantiellequi entache la décision prise d’un vice de procédure.

Conseiller GAUDJI K. Joseph-Désiré

THÈME 6

LA GESTION DES TERRAINS DU DOMAINE PUBLIC

16 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Arrêt n°144 du 19 décembre 2012, L’Association SportiveNautique Abidjanaise (ASNA)

…Considérant qu’il ressort du dossier que l’AssociationSportive Nautique Abidjanaise (ASNA), propriétaire d’uneparcelle de terrain en bordure de lagune, sise à Abidjan-Trechville, île de Petit-Bassam, qui occupe, pour les besoinsde son activité de plaisance, depuis 1957, une partie dudomaine public lagunaire pour laquelle elle a obtenu, duMinistre en charge des transports, une autorisation d’occupa-tion, plusieurs fois renouvelée, se trouve confrontée, en 2011et 2012, à Monsieur YARTEY Essibou, un propriétaire voisin,qui s’est fait délivrer, sur la même parcelle domaniale, uneautorisation d’occupation par la décision n° 26/MT/DGAMPdu 26 janvier 2012 du Directeur Général des AffairesMaritimes et Portuaires ;

Qu’estimant cette décision illégale, l’A.S.N.A., après unrecours hiérarchique exercé le 27 février 2012 et resté sanssuite, saisit la Chambre Administrative le 02 juillet 2012 pourqu’elle l’annule, motifs pris des illégalités qui l’infectent ;

SUr lE FOND

Du moyen tiré de l’incompétence du Directeur Général desAffaires Maritimes et Portuaires

Considérant que l’A.S.N.A. fait grief à la décision attaquéed’avoir été prise par une autorité incompétente ; que leDirecteur Général des Affaires Maritimes et Portuaires aoutrepassé ses compétences pour intervenir en lieu et place duMinistre en charge des transports ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte des articles 12, 13,14, 16 et 17 de l’arrêté n° 505 du 13 octobre 2010 portantmodalités d’occupation et d’exploitation du domaine publicmaritime, lacustre et fluvio-lagunaire de l’Etat que touteoccupation du domaine public est soumise à l’autorisationpréalable du Ministre et que l’arrêté autorisant l’occupationdu domaine public est soumis à la signature du Ministrechargé des affaires maritimes et portuaires, d’autre part, quele décret n° 2011-401 du 16 novembre 2011 portant organisa-tion du Ministère des Transports n’habilite pas le DirecteurGénéral des Affaires Maritimes et Portuaires à signer lesarrêtés d’occupation du domaine public ; qu’il ne ressort pasdu dossier qu’une telle compétence lui a été déléguée ; qu’ain-si, le Directeur Général des Affaires Maritimes et Portuaires améconnu ses compétences ;

Du droit d’occupation de l’A.S.N.A sur le domaine public

Considérant que l’A.S.N.A soutient détenir un droit d’oc-cupation sur le terrain litigieux au motif que depuis sa créa-tion, elle occupe et exploite ledit terrain ; qu’elle a étéautorisée à l’occuper par un arrêté du 19 septembre 1957,constamment renouvelé ; que devant le silence de l’adminis-tration à sa dernière demande de renouvellement qui date du11 novembre 2011, elle estime que son autorisation d’occupa-tion est prorogée de plein droit ;

Mais, considérant que toute occupation privative dudomaine public est, par principe, précaire ; que l’article 14 del’arrêté n° 505 du 13 octobre 2010 précise que l’autorisationd’occupation est accordée pour une période d’un (1) anrenouvelable ; que, l’autorisation administrative, sauf clausede tacite reconduction, doit être expresse ; que nul n’a de droitacquis au maintien sur le domaine public ou au renouvelle-ment d’une autorisation venue à échéance ;

Considérant que les dispositions de l’arrêté n° 286 du 19septembre 1957 accordant l’autorisation à l’A.S.N.A nesauraient limiter les pouvoirs de gestion du domaine publiclagunaire de l’administration ; que le maintien sur une dépen-dance du domaine public, même connu et toléré parl’Administration, n’équivaut pas à une autorisation ; qu’ils’infère que l’A.S.N.A n’est pas fondée à soutenir qu’elledétient un droit d’occupation sur le terrain litigieux ;

De l’exigence de l’enquête de commodo et incommodo

Considérant que la requérante fait reproche à l’autori-sation accordée à Monsieur YARTEY d’être intervenue,sans qu’aucune enquête publique visant à recueillir l’avisdes populations, notamment des riverains du site, ait étéréalisée ;

Considérant qu’il est de principe que les actes adminis-tratifs doivent être pris selon les formes et conformément auxprocédures prévues par les lois et règlements ; que l’article 15de l’arrêté n° 2895 AE du 24 novembre 1928 réglementant lesconditions d’application du décret du 29 septembre 1928 surle domaine public et les servitudes d’utilité publique, prescritque la délivrance des autorisations d’occupation du domainepublic dans les centres lotis est subordonnée à une enquête decommodo et incommodo ;

Considérant qu’en l’espèce l’omission de l’enquête decommodo et incommodo qui constitue une formalité sub-stantielle, a pu exercer une influence sur le sens de la décisionprise et a, par ailleurs, privé les personnes intéressées, notam-ment les riverains du site d’une garantie ; qu’ainsi, la décisionest entachée d’un vice de procédure ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, l’incompé-tence du directeur général des affaires maritimes et portuaireset le vice de procédure tenant à la non réalisation de l’enquêtede commodo et incommodo, que la décision du 26 janvier2012 est entachée d’illégalités ; qu’elle encourt annulation ;

DECIDE

Article 1 : La requête n° 2012-056 REP de l’AssociationNautique Abidjanaise Sportive (A.S.N.A) est recevable et bienfondée ;

Article 2: la décision n° 26/MT/DGAMP du 26 janvier 2012du Directeur des Affaires Maritimes et Portuaires estannulée…

17La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Arrêt n° du 18 janvier 2012, Autorité Nationale del’Aviation Civile (ANAC)

Du moyen tiré de la violation de l’inaliénabilité dudomaine public

…Considérant que le domaine public est par définitioninaliénable et imprescriptible ; que, toute aliénation d’unedépendance du domaine public qui n’a pas fait l’objet dedéclassement préalable est entachée de nullité ;

Considérant que, pour réfuter les moyens de la sociétérequérante, la SCI MALAK soutient que le terrain litigieux nese situe pas dans le domaine aéroportuaire mais seulement surla route de l’aéroport ; que ce terrain concédé à une sociétéde droit privé, Air Afrique qui y a établi son centre d’exploita-tion n’a pas été affecté à un service public encore moins faitl’objet d’aménagement spécial, ne peut être considéré commerelevant du domaine public ; que, par ailleurs, des terrainsvoisins font l’objet de titres de propriété privée ;

Mais, considérant, premièrement, que l’existenceéventuelle de titres de propriété privée détenus par des tiersvoisins sur le terrain litigieux est sans influence sur sa vérita-ble nature juridique ;

Considérant, deuxièmement, que l’article 7 de l’ordon-nance n° 2008-08 du 23 janvier 2008 portant code del’Aviation Civile précise que le patrimoine aéronautiquenational comprend, entre autres :

− Les terrains des aérodromes et leurs clôtures ;− Les aérodromes, leurs infrastructures de génie civil,

installations techniques et commerciales, bâtiments etouvrages divers ;

Considérant, troisièmement, qu’il n’est pas contesté que leterrain querellé de 81.300 m² est à détacher du terrain faisantl’objet du titre foncier n° 1264 de la circonscription foncièrede Bingerville ; que l’article 2 du décret n° 66-57 du 08 mars1966 portant classement et affectation de l’aérodromed’Abidjan Port-Bouët dispose que « cet aérodrome établi surles terrains identifiés par les titres fonciers n°1264 et 2475,immatriculés au nom de l’Etat est mis à la disposition duMinistre des Travaux Publics et des Transports, est affecté àl’administration de l’Aéronautique civile » ;

Considérant, en tout état de cause, que le terrain litigieux,eu égard à son emplacement, à ses liens fonctionnels avecl’aéroport et le service public de l’aviation concédé àl’Autorité Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) se trouveincorporé dans le domaine public aéroportuaire, que la cir-constance qu’il a fait l’objet d’un bail emphytéotique ou d’uneattribution au profit de personnes privées ne peut avoir pourconséquence de le soustraire au régime de la domanialitépublique qui interdit toute appropriation privative ;

Considérant qu’il ne ressort pas du dossier et de l’instruc-tion que le terrain en cause qui fait partie du patrimoine

aéronautique national, lequel relève du domaine public, selonl’article 7 de l’ordonnance susvisée, a fait l’objet d’undéclassement formel ; que dès lors, le certificat de propriétéqui consacre son aliénation et son appropriation privative nepeut qu’être déclaré nul et non avenu ;

Du moyen tiré de l’incompétence du Ministre de la con-struction et de l’Urbanisme à attribuer le terrain

Considérant que le décret portant attribution des membresdu gouvernement en vigueur à l’époque de la concession à laSCI MALAK du terrain litigieux, le décret n° 2007-458 du 20avril 2007, confère au Ministre en charge des InfrastructuresEconomiques, la compétence exclusive de la gestion dudomaine public de l’Etat ; qu’il en découle que le Ministre dela Construction et de l’Urbanisme, en attribuant, à titre pri-vatif, par l’arrêté du 11 février 2010, une parcelle du domainepublic à la SCI MALAK a méconnu le texte susvisé et le régimede la domanialité publique ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, quel’Autorité Nationale de l’Aviation Civile (ANAC), est fondée,sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête,à soutenir que l’arrêté du 11 février 2010 et le certificat depropriété du 08 mars 2010 encourent annulation ;

DECIDE

Article 1 : la requête de l’ANAC en tant qu’elle est dirigéecontre la lettre n° 09-1746 MCUH/DDN/SDPAA du 08 octobre2009 du Ministre de la Construction et de l’Urbanisme estirrecevable ;

Article 2 : la requête de l’ANAC en tant qu’elle est dirigéecontre l’arrêté de concession provisoire du 11 février 2010 etle certificat de propriété du 08 mars 2010 est recevable et bienfondée ;

Article3 : l’arrêté n° 10-0170/MCUH/DGUF/DDU/SDPAA/SAC du 11février 2010 du Ministre de la Construction et de l’Urbanismeet le certificat de propriété n° 03003097 du 08 mars 2010délivré par le conservateur de la propriété foncière et deshypothèques d’Abidjan au profit de la SCI MALAK sont nulset non avenus ;

18 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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19La tribune de la Chambre Administrative 2014

Le certificat de propriété, devenu arrêté de con-cession définitive d’après la nouvelle législation de2013, on le sait, est le titre délivré par l’administra-tion foncière qui confère un droit de propriété sur unbien immobilier déterminé. S’il est vrai qu’un tel titreest édicté au profit des acquéreurs du domaine privéde l’État ou de ses démembrements, il ne saurait enêtre de même en ce qui concerne le domaine publicdont le contenu est défini par l’article 1er du décretdu 29 septembre 1928 portant réglementation dudomaine public et des servitudes d’utilité publiqueen Côte d’Ivoire, modifié par le décret du 7 septem-bre 1935 et le décret n° 52-679 du 3 juin 1952.Affirmer qu’il ne peut y avoir de certificat de propriétésur le domaine public repose sur un principe qui enconstitue le socle : l’inaliénabilité du domaine public(I) dont la violation entraîne nécessairement l’annu-lation du certificat de propriété qui en est résulté (II).

I – Le fondement de l’interdiction de délivrer

un certificat de propriété sur le domaine public

L’impossibilité d’obtenir un certificat de propriété,encore moins une lettre d’attribution, en tout cas unquelconque titre privatif sur le domaine public,constitue un principe dans la gouvernance et la ges-tion d’un État : le principe de l’inaliénabilité dudomaine public. Qu’adviendrait-il d’un pays si parexemple les routes, les rivages de la mer, les postesmilitaires, les aires des ports et aéroports, pour avoirété vendus, étaient devenus la propriété de person-nes privées ?

L’inaliénabilité du domaine public a pour corol-laire un autre principe, à savoir l’imprescriptibilité dudomaine public, comme l’a souligné la ChambreAdministrative de la Cour Suprême dans l’arrêt n°

144 du 19 décembre 2012, L’Association SportiveNautique Abidjanaise (ASNA); cette règle signifiequ’une personne privée ne peut s’approprier un biendu domaine public, du fait de son utilisation pro-longée et qu’en outre, toute action aux fins d’annulerun titre de propriété sur le domaine public est tou-jours recevable. Cependant, si le domaine public nepeut être acquis privativement, il peut faire l’objetd’une occupation temporaire.

Au terme des articles 14 à 16 de l’arrêté GG n°2895 A.E du 24 novembre 1928 réglementant lesconditions d’application du décret du 29 septembre1928 sur le Domaine et les servitudes d’utilitépublique, le domaine public peut faire l’objet d’uneoccupation temporaire, précaire et donc révocable àtout moment pour les besoins du service public.L’autorisation d’occupation, qui ne confère pas lapropriété du domaine public à son bénéficiaire, estdélivrée par le Ministre en charge du Domaine, àsavoir le Ministre des Infrastructures Économiqueset toutes les structures ayant pouvoir de le faire.Toute autre autorité administrative qui donnerait uneautorisation d’occuper le domaine public est incom-pétente et sa décision encourt annulation.

Si, en dépit du caractère inaliénable du domainepublic, une autorité administrative cédait et délivraitun titre de propriété sur l’une de ses composantes,quelles seraient les conséquences ?

II – La sanction du certificat de propriété

délivré sur une parcelle du domaine public

Délivrer un certificat de propriété ou un titre quel-conque de propriété sur une parcelle du domainepublic n’emporte qu’une seule conséquence : l’an-nulation du titre délivré ; il ne saurait en êtreautrement car ni les textes, ni la jurisprudence neprévoient de dérogation à l’interdiction d’aliénationdu bien qui fait partie du domaine public. C’est ainsique la Chambre Administrative de la Cour Suprême,au terme de l’arrêt n° 63 du 21 décembre 2011,société ITELCOM, a annulé la lettre d’attribution,l’arrêté de concession provisoire et le certificat depropriété délivrés à une société par le Ministresusvisé, au motif que l’espace ayant fait l’objet deces titres ressortit du domaine public routier, lequelest inaliénable.

Dans une autre espèce, jugée à la même date, laCour a, suivant arrêt n° 67, EL CHEIKH ABDULSALAM, annulé l’arrêté du Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme attribuant une par-celle de terrain constituant le prolongement d’unevoie de desserte de la Zone Industrielle deKoumassi, motif pris de ce que cet espace était dans

THÈME 7

IL NE PEUT Y AVOIR DE CERTIfICAT DE PROPRIéTé SUR LE

DOMAINE PUBLIC

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le domaine public. Il convient d’ailleurs de noter quedans les deux cas d’espèce, les parcelles con-cernées faisaient l’objet d’une occupation tempo-raire par les requérants et que le Ministre en chargede la Construction n’était pas compétent pourdélivrer des titres d’occupation du domaine public.

Mieux, la Chambre Administrative a déclaré nul etde nul effet le certificat de propriété délivré à unepersonne et portant sur un terrain du domainepublic avant que ledit terrain ne soit déclassé auprofit d’une personne qui y avait obtenu une autori-sation d’occupation temporaire. Le fait de jugernul et de nul effet le certificat de propriété litigieuxsignifie simplement que l’illégalité qui frappait cetitre était grossière. Jugeons-en par le principalconsidérant dudit arrêt :

« Considérant que la lettre d’attribution du 31 juillet2009 et l’arrêté de concession provisoire du 25 septembre2009 délivrés à Madame KONE épouse MARGAOUI parle Ministre de la Construction et de l’Urbanisme ont portésur un terrain ressortissant alors du domaine public dontle déclassement n’est intervenu que le 28 décembre2009 ; qu’il en résulte que, délivrés par une autoritéincompétente et se rapportant à des terrains dudomaine public, la lettre d’attribution et l’arrêté deconcession provisoire obtenus par Madame KONEépouse MARGAOUI doivent être regardés comme nuls etnon avenus ; que, par voie de conséquence, ils entachentde nullité le certificat de propriété du 25 octobre 2010obtenu sur leur fondement ».

Il convient de préciser que, dès lors que le biendu domaine public est déclassé par le Ministre desInfrastructures Économiques, il tombe dans ledomaine privé de l’État et peut alors être aliéné. Teln’était pas le cas dans les deux espèces jugées le21 décembre 2011 par la Cour.

De tout ce qui précède, il y a lieu de retenir quetoute aliénation d’une parcelle du domaine public estillégale et encourt nécessairement annulation à toutmoment. La Juridiction Suprême y veillant, tantl’Administration que les particuliers sont invités àpréserver le domaine public dont la finalité est d’êtreaffectée à l’utilité de tous pour permettre une viesociale harmonieuse.

Conseiller DEDOH Dakouri

Arrêt n°63 du 21 décembre 2011, Société ITELCOM

…Considérant que voulant exploiter l’autorisation d’occu-pation temporaire de la parcelle du domaine public lagunaireet routier sise à Port-Bouët entre l’hôpital général et le 43eBIMA qu’elle a obtenue suivant arrêté 0115/MEMIE/CAB du08 juin 2004 du Ministre d’Etat, Ministre des InfrastructuresEconomiques, la société ITELCOM a, après avoir constatéqu’une tierce personne, la société IGCI, détenait successive-ment sur ladite parcelle une lettre d’attribution ainsi qu’unarrêté de concession provisoire et un certificat de propriété,saisi la Chambre Administrative en vue de l’annulation de cestitres ;

AU FOND

Sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen de larequête ;

Sur l’incompétence du Ministre de la Construction, del’Urbanisme et de l’Habitat à concéder le terrain litigieux

Considérant qu’il est constant comme résultant des piècesdu dossier que la parcelle litigieuse située entre l’hôpitalgénéral de Port-Bouët et le 43e BIMA, dont l’occupation tem-poraire avait été accordée à la société ITELCOM suivantarrêté n° 0115/MEMIE/CAB du 08 juin 2004, fait partie dudomaine public lagunaire et routier ; qu’en effet, non seule-ment l’arrêté d’occupation le précise, mais aussi et surtout enapplication de l’article 1er du décret du 29 septembre 1928portant réglementation du domaine public et des servitudesd’utilité publique, la lagune et la route ainsi que leurs zonesfont partie du domaine public ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 du décret précité,le Ministre chargé des Domaines, en l’occurrence le Ministredes Infrastructures Economiques ainsi qu’il résulte du décretn° 2007-458 du 20 avril 2007 portant attributions desMembres du Gouvernement, est seul compétent pour la ges-tion du domaine public ; qu’il en résulte que le Ministre de laConstruction, de l’Urbanisme et de l’Habitat ne peut attribuerla parcelle litigieuse à la société IGCI (16 décembre 2008), niaccorder à celle-ci un arrêté de concession provisoire (23décembre 2008), avant tout déclassement exigé par la loi.

Que dès lors, la société ITELCOM est fondée à solliciterl’annulation des décisions attaquées ;

DECIDE

Article 1 :Les requêtes n° 2010-058 REP du 26 avril 2010 et 2011-013

REP du 22 février 2011 sont recevables et fondées ;

20 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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21La tribune de la Chambre Administrative 2014

Article2 : La lettre d’attribution n° 08-3245/MCUH/DDU/SDPAA/DUdu 16 décembre 2008, l’arrêté de concession provisoire n° 08-1030/MCUH/DDU du 23 décembre 2008 et le certificat depropriété n° 30020300 du 19 février 2009 pris au bénéfice dela société IGCI sont annulés…

Arrêt n° 67 du 21 décembre 2011, EL CHEIKH ABDULSALAM

…Considérant qu’au soutien de sa demande, le requérantallègue la violation des décrets du 29 septembre 1928 portantréglementation du Domaine Public de l’Etat, du 20 avril 2007portant attributions des membres du Gouvernement, et du 26novembre 1930 relatif à l’expropriation pour cause d’utilitépublique ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen tiré de la vio-lation du décret du 26 novembre 1930 relatif à l’expropriationpour cause d’utilité publique ;

De la violation des décrets du 29 septembre 1928 et du 20avril 2007

Considérant qu’aux termes des dispositions des articles1er, 6 et 7 du décret du 29 septembre 1928 sus-énoncé : fontpartie du Domaine Public de l’Etat, entre autres : les cheminsde fer, les routes, les voies de communication de toutenature… ;

Considérant qu’il est constant, que la parcelle disputéeconstitue le prolongement d’une voie de desserte de la ZoneIndustrielle de Koumassi ; qu’elle appartient de ce fait, auDomaine Public Routier de l’Etat ;

Considérant qu’il ressort du dossier que ladite parcelle n’apas fait l’objet de déclassement tel que prévu par l’article 7du décret précité ; qu’ainsi, celle-ci est demeurée dans leDomaine Public de l’Etat ; que dès lors, elle ne peut êtreattribuée aux particuliers que par le seul Ministre chargé duDomaine Public ;

Considérant qu’aux termes des dispositions du décret du20 avril 2007 produit au dossier, le Ministre chargé duDomaine Public à l’époque des faits, était le Ministre desInfrastructures Economiques ;

Qu’il échet, en conséquence de ce qui précède, dedéclarer irréguliers, les arrêtés du 11 mars et du 22 mai2009 du Ministre de la Construction, de l’Urbanisme et del’Habitat, modifiant le plan de lotissement de Koumassi ZoneIndustrielle et l’arrêté accordant la concession provisoire dulot n° 33 bis à Monsieur EZZEDINE ATEF, et partant, de lesannuler ;

DECIDE

Article 1 :la requête n° 2010-112 REP du 22 septembre 2010 de

Monsieur EL CHEIKH ABDUL SALAM est recevable etfondée ;

Article 2 : Les arrêtés n° 09-0004/MCU/DGUF/DDY/SDAF, du 11 mars2009, portant modification du plan de lotissement deKoumassi, Zone Industrielle par la création d’une parcelle de6.400 M2 et n° 09-0589/MCUDGUF/DDU/SDPAA/SAC du 22mai 2009 accordant à Monsieur EZZEDINE ATEF, la conces-sion provisoire du lot n° 33 bis de Koumassi Zone Industrielle,sont annulés ;

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22 La tribune de la Chambre Administrative 2014

Il résulte du décret n°78-690 du 18 août 1978portant réglementation de la procédure d’attributiondes lots de terrains urbains que le certificat de pro-priété qui s’est en quelque sorte substitué à l’arrêtéde concession définitive est un acte à procéduremarqué par trois(3) phases successives dont cha-cune commande la suivante et est spécialementprise pour en permettre l’intervention.

Ainsi, l’obtention de la lettre d’attribution estexigée pour l’établissement de l’arrêté de conces-sion provisoire, lequel acte sert à son tour à ladélivrance du certificat de propriété. Il doit exister unlien direct et nécessaire de continuité entre ces dif-férents actes.

L’arrêté de concession provisoire et le certificatde propriété sont nécessairement précédés de lalettre d’attribution.

Au regard de ce schéma, une lettre d’attributionou un arrêté de concession provisoire annulé nepeut servir de fondement à l’établissement d’un cer-tificat de propriété qui, dans ce cas, sera dépourvude base légale.

Mais dans la réalité pratique, eu égard à ladysharmonie des différents services en charge de lagestion foncière, il n’est pas rare que certaines per-sonnes, en l’absence de la lettre d’attribution ou del’arrêté de concession provisoire, arrivent à se fairedélivrer des certificats de propriété.

Ces certificats de propriété doivent-ils demeurerdans l’ordonnancement juridique ou être annuléslorsqu’ils sont déférés à la censure du juge de l’ex-cès de pouvoir ?

A cette question, la réponse de la ChambreAdministrative est sans ambages : « tout certificat depropriété obtenu sur le fondement d’actes annulésencourt annulation ».

Elle vient de le rappeler en des termes vigoureuxdans l’arrêt n°256 du 18 décembre 2013, MonsieurAttie Hussein. Dans cette affaire, par décisionn°1227/PSP/DOM du 13 mars 2001, le Préfet deSan-Pedro a attribué à Monsieur Attié Hussein le lot

n°10 îlot 8 du lotissement Gare routière, dans laCommune de San-Pedro ; ce lot, anciennementattribué à Cissé Tiemoko par décision du Préfet deSan-Pedro le 14 juin 1996, a fait l’objet d’un retraiten juin 1998 pour défaut de mise en valeur.Toutefois, Monsieur Cissé Tiemoko a pu, sur la basede la décision de 1996 qui a été annulée, bénéficierde l’arrêté de concession provisoire n°02091 du 06avril 2004, et par la suite, a obtenu le certificat depropriété n°009818 du 27 décembre 2005.

Le Juge de l’excès de pouvoir a annulé l’arrêté deconcession provisoire et le certificat de propriétéobtenus en estimant que « l’arrêté de concession pro-visoire du 06 avril 2004 et le certificat de propriété du 27décembre 2005 obtenus sur le fondement de la lettre d’at-tribution du 14 juin 1996 annulée, se trouvent dépourvusde base légale et encourent annulation ».

Cette jurisprudence avait déjà trouvé applicationdans l’arrêt n°55 du 23 juin 2010, Wilson Tété JeanChrisostome Seth et Autres.

Dans ce différend, la Chambre Administrative aannulé le certificat de propriété attaqué en sou-tenant : « qu’à la date de la délivrance du certificat depropriété attaqué, le 21 février 2006,l’acte qu’il vise etsur le fondement duquel il est établi, l’arrêté du 14décembre 1979 est sorti de vigueur du fait de l’arrêté du23 juillet 2005 ;que l’administration en s’y appuyant pourdélivrer un certificat de propriété a commis une erreur dedroit qui entache le certificat de propriété, dépourvu debase légale, d’illégalité ».

A dire vrai, cette jurisprudence, aujourd’hui bienétablie, a été formulée clairement pour la premièrefois avec l’arrêt n° 55 du 17 décembre 2008,Touré Abibata et autres en des termes qui en fontl’arrêt de principe.

La Cour, pour prononcer l’annulation d’un certifi-cat de propriété établi en mars 2006 au profit dusieur Emissah Kouao alors même que l’arrêté deconcession provisoire obtenu par ce dernier en 1979a été annulé, et que le terrain en cause a fait l’objetd’un retour au domaine de l’Etat pour être, par lasuite, réattribué à un tiers, a jugé « qu’il ressort del’instruction que le certificat de propriété en date du 27

THÈME 8L’ADMINISTRATION NE PEUT SE fONDER SUR UN ACTE

ANNULé POUR DéLIVRER UN CERTIfICAT DE PROPRIéTé

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23La tribune de la Chambre Administrative 2014

mars 2006, établi par le conservateur de la propriété fon-cière et des hypothèques d’Abidjan Nord au profit deMonsieur Emissah Kouao se fonde sur l’arrêtén°1043/MTPTCU/DCDU du 09 avril 1979;que ce derniera été expressément annulé par un arrêtén°00955/MCU/SDU/BAI/AN/AS du 31 juillet 2003 duMinistre de la Construction et de l’Urbanisme ; qu’ils’ensuit que le certificat de propriété se trouve dépourvude base légale et encourt par voie de conséquence l’annu-lation ».

KOUTOU Aka Thomas

Auditeur à la Chambre Administrative

Arrêt n°55 du 17 décembre 2008, TOURE ABIBATA etautres.

…Considérant que les requérants soutiennent que, dès lorsque l’arrêté du 31 juillet 2003 prononçant le retour audomaine de l’État du terrain disputé a annulé l’arrêté n° 1043du 9 avril 1979 accordant concession provisoire dudit terrainà Monsieur Emissah KOUAO, ce n’est que par suite de gravesirrégularités qu’un certificat de propriété a pu être établi auprofit de ce dernier, alors même que la concession provisoiredont bénéficiait feu Abdoulaye TOURE sur la même parcellen’a jamais été annulée ;

Considérant qu’il ressort de l’instruction que le certificatde propriété en date du 27 mars 2006 établi par le conserva-teur de la propriété foncière et des hypothèques d’AbidjanNord au profit de Monsieur EMISSAH KOUAO se fonde surl’arrêté n° 1043/MTPTCU/DCDU du 9 avril 1979 ; que cedernier a été expressément annulé par un arrêté n°00955/MCU/SDU/BAI/AN/AS du 31 juillet 2003 du Ministrede la Construction et de l’Urbanisme ; qu’il s’ensuit que lecertificat de propriété se trouve dépourvu de base légale etencourt par voie de conséquence l’annulation ;

DECIDE

Article 1 : Le certificat de propriété n° 010526 établi le 27mars 2006 au profit de Monsieur EMISSAH KOUAO par laconservation foncière est annulé …

Arrêt n° 55 du 23 juin 2010, WILSON TETECHRISOSTOME SETH ET AUTRES

SUr lE FOND

…Considérant que, les requérants soutiennent qu’endélivrant un certificat de propriété à Dame Konan alors mêmeque le terrain sur lequel il porte a fait l’objet d’un retour audomaine de l’Etat, l’administration a commis une erreurmanifeste de droit ; que l’intervenante en défense estime cemoyen mal fondé en ce que l’arrêté prononçant le retour audomaine de l’Etat ne lui a pas été notifié ;

Considérant que, même à soutenir, comme le fait MmeKonan Delphine, que la mise en demeure du 8 mai 2005 ainsique l’arrêté du 23 juillet 2005 prononçant, pour défaut demise en valeur, le retour du terrain au domaine de l’Etat ne luisont pas opposables, faute de lui avoir été notifiés, et que deplus, ces actes méconnaissent les prescriptions de l’arrêté n°2164 du 9 juillet 1936 qui prévoit la notification d’une mise endemeure assortie d’un nouveau délai avant tout prononcé d’unretour au domaine de l’Etat d’un terrain objet d’un arrêté deconcession provisoire, il n’en reste pas moins que l’arrêté du23 juillet 2005, acte réglementaire, demeure un acte validequi, faute d’avoir été attaqué et annulé produit ses effets etmodifie les situations juridiques avec notamment le retour duterrain anciennement concédé à Mme Konan Delphine audomaine de l’Etat ; que, par voie de conséquence, l’arrêté deconcession provisoire du 14 décembre 1979 se trouve abrogé ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, qu’à la datede la délivrance du certificat de propriété attaqué, le 21février 2006, l’acte qu’il vise et sur le fondement duquel il estétabli, l’arrêté du 14 décembre 1979 est sortie de vigueur dufait de l’arrêté du 23 juillet 2005 ; que l’administration en s’yappuyant pour délivrer un certificat de propriété a commisune erreur de droit qui entache le certificat de propriété,dépourvu de base légale, d’illégalité ;

Considérant que dans les circonstances de l’espèce, ilappartient à Mme. Konan Delphine, si elle s’y croit fondée, dedemander à l’administration réparation du préjudice résultantpour elle de la faute que constitue l’illégalité de la délivranced’un certificat de propriété sur la base d’un arrêté abrogé ;

DECIDE

Article 1 : La requête de M. Wilson Tété Jean ChrisostomeSeth et Gouaméné Ludovic est recevable et bien fondé ;

Article 2 : L’intervention volontaire en défense de MmeKonan Delphine est recevable ;

Article 3 : Le certificat de propriété n° 4336 du 21 février2006 établi au profit de Mme Konan Delphine est annulé ;

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Il résulte de la jurisprudence de la ChambreAdministrative de la Cour Suprême que toute déci-

sion de retrait d’un titre d’occupation d’un ter-

rain doit être précédée d’une mise en demeure

régulièrement notifiée. En d’autres termes, la

notification régulière d’une mise en demeure est

une formalité substantielle préalable à toute

décision de retrait d’un terrain.

Cette jurisprudence, qui procède de l’applicationde l’article 11 de l’arrêté n° 2164 A.G. du 09 juillet1936 règlementant l’aliénation des terrains domani-aux, a été consacrée par les arrêts n° 16 du 06 juil-let 1988, dame LAMIZANA née TRAORE Aïssatouet n° 19 du 27 octobre 1999, Héritiers de feuKOUAKOU Norbert.

Il ressort du premier arrêt que le Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme, suite au décès duconcessionnaire de la parcelle de terrain n° 13 siseen zone 4/C, a invité ses héritiers, représentés parsa veuve, dame LAMIZANA née TRAORE Aïssatou,à lui notifier s’ils acceptaient de prendre la suite deleur auteur. Ceux-ci n’ayant pas répondu à son invi-tation, le Ministre de la Construction et del’Urbanisme, estimant qu’ils s’étaient ainsi privés dela possibilité de revendiquer tout droit à la conces-sion provisoire a, par un arrêté du 1er février 1979,prononcé le transfert pur et simple de la concessionprovisoire au profit de Monsieur DJE KONAN.

La Chambre Administrative, saisie par MadameLAMIZANA née TRAORE Aïssatou, par arrêt du 06juillet 1988, a censuré cette décision du Ministrepour le motif contenu dans le considérant suivant :

"Considérant qu’en transférant à un nouveau conces-sionnaire, un terrain faisant déjà l’objet d’une concessionprovisoire sans tenir compte du droit des héritiers dont ilne résulte, ni du dossier, ni des débats, qu’ils aient reçunotification régulière d’une mise en demeure à exécuterles conditions de la concession provisoire, ni prononcer leretour du terrain au domaine de l’Etat, le Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme n’a pas donné de baselégale à sa décision".

Pour la Haute Cour, l’exigence de la notificationde leur acceptation de prendre la suite de l’auteur

décédé ne dispense pas l’administration d’une miseen demeure régulière.

Dans le second arrêt, la Cour a confirmé lasolution retenue par l’arrêt dame LAMIZANA néeTRAORE Aïssatou, tout en précisant les conditionsou formalités prévues par la loi.

Après avoir constaté que le lot concédé à laveuve et aux enfants de feu KOUAKOU Norbert afait l’objet d’un retour au domaine privé de l’Etatsans une mise en demeure préalable, la Cour aannulé les arrêtés par lesquels le Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme a prononcé le retourdu lot litigieux au domaine privé de l’Etat et décidéde son transfert à un nouveau concessionnaire.

Il convient de mentionner les arrêts n° 25 du 28mars 2007, ABOBI Severin, et n° 115 du 25 juillet2012, MOBIOT Léonard Mandou et un autre, parlesquels la Chambre Administrative impose lamême formalité de mise en demeure préalable, quiapparaît comme une mesure d’alarme et d’alerte auniveau de la lettre d’attribution.

Même si la lettre d’attribution ne confère que desdroits précaires dont le maintien reste subordonnéau respect des conditions suspensives, le souci deprotection des bénéficiaires a conduit la jurispru-dence à lui étendre l’exigence de la mise endemeure préalable en dépit du fait qu’elle n’est pasexpressément visée par l’article 11 de l’arrêté n°2164 A.G. du 09 juillet 1936.

CONSEILLER TOBA AKAYE EDOUARD

THÈME 9

LE RETRAIT D’UN TITRE D’OCCUPATION N’EST RéGULIER

QU’APRES UNE MISE EN DEMEURE PRéALABLE

24 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Arrêt n°16 du 06 juillet 1988, Dame LAMIZANA néeTRAORE Aïssatou

…Considérant que le 1er février 1979 le Ministre de laConstruction et de l’Urbanisme prononçait purement et sim-plement le transfert de la concession provisoire au profit deDJE KONAN Joseph par l'arrêté dont la requérante demandel'annulation pour excès de pouvoir;

Considérant qu'en transférant à un nouveau concession-naire un terrain faisant déjà l'objet d'une concession provi-soire sans tenir compte du droit des héritiers dont il ne résulteni du dossier ni des débats qu’ils aient reçu notificationrégulière d'une mise en demeure à exécuter les conditions dela concession provisoire, ni prononcer le retour du terrain audomaine de l’Etat, le Ministre de la Construction et del'Urbanisme n'a pas donné de base légale à sa décision;

Que la Dame LAMIZANA née TRAORE Aïssatou estfondée à demander l’annulation, pour excès de pouvoir del'arrêté N°272MTPCU/DCDU du 1/2/79;

Considérant que dans les circonstances de l’affaire il y alieu de mettre les dépens à la charge de l'Etat.

DECIDE

Article 1: L’arrêté N°272/MTPCU/DCDU du 1er février 1979est annulé…

Arrêt n° 9 du 18 janvier 2012, La CNPS

…Considérant que par courrier n°0597 du 26 février1987, le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme a faitmettre en réserve au bénéfice de la CNPS une parcelle de ter-rain d’une superficie de 37071 m2 en vue de la réalisationd’un complexe médico-social ; que la CNPS, pour en obtenirla concession définitive, a payé à la Direction Générale desImpôts, le 19 juin 2002, la somme de 23 095 050 FCFAreprésentant le prix de la cession du terrain, la taxe d’imma-triculation, les frais d’enregistrement et de publicité ;

SUr lA rECEvAbIlITé

Considérant que la requête a été introduite dans les formeset délais légaux, elle doit être déclarée recevable ;

SUr lE FOND

Considérant que le retrait d’un lot de terrain régulière-ment attribué doit être précédé d’une mise en demeure confor-mément à l’article 11 de l’arrêté n°2164 du 09 juillet 1936réglementant l’aliénation de terrains domaniaux ; qu’enl’espèce le Ministre de la Construction, de l’Urbanisme et del’Habitat n’a pas satisfait à cette formalité substantielle ; quedès lors son acte est entaché d’illégalité, qu’il convient del’annuler ;

DECIDE

Article 1 : la requête N° 2008-364 REP DU 06 septembre2008 de la CNPS est recevable ;

Article 2: la lettre N° 07-1813/MCUH/DAJC/KHL/CA duMinistre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat endate du 13 décembre 2007 portant annulation de la lettren°17926/MCU/DGHDU/DDU/SDPAA/DA du 23 décembre2005 est annulée;

25La tribune de la Chambre Administrative 2014

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Le juge des référés civil est-il compétent pourstatuer sur la légalité d’une décision administrative ?Lorsqu’une demande présentée au juge des référésest manifestement insusceptible de se rattacher àun litige pour lequel le tribunal ne serait pas compé-tent pour statuer sur le principal, le juge des référésne doit-il pas se déclarer incompétent ?

A ces interrogations, La Chambre Administrativepar les arrêts n°135 du 19 décembre 2012,Conservateur de la propriété foncière et deshypothèques et n°31 du 26 février 2014, RogerTABA, apporte des réponses précises qui con-damnent les débordements du juge civil des référés.

Pour la Haute Cour, le juge civil des référés estnotoirement incompétent pour connaître des litigesmettant en cause la légalité des décisions adminis-tratives, en l’occurrence le refus du conservateur dela propriété foncière de procéder à l’immatriculationd’un immeuble, de délivrer un certificat de propriété,de procéder à une rectification des inscriptions auxlivres fonciers.

Outre le fait que le juge des référés ne peutprononcer que des mesures provisoires et conser-vatoires, une telle position s’explique par la con-sidération que sa compétence est limitée auxmatières ressortissant à la compétence au fond dutribunal dont il émane. Selon la règle classique dudroit processuel, la compétence en matière deréféré suit la compétence au fond. Or dans notrepays, l’article 54 de la loi sur la Cour Suprême du 16août 1994 attribue, à titre exclusif, à la ChambreAdministrative la compétence pour connaître descontestations de la légalité des actes administratifs.Il s’ensuit que, dès lors que le tribunal de premièreinstance est incompétent pour connaître desrecours dirigés contre des actes administratifs, lejuge des référés civil, émanation de cette juridiction,ne saurait en connaître.

Par-delà cet éclairage procédural sur le con-tentieux relatif au refus de l’inscription dans les livresfonciers et de délivrance des certificats de propriétépar le conservateur de la propriété foncière, lesarrêts susvisés, qui cassent les décisions de laCour d’Appel qui non seulement ont reconnu la

compétence du juge des référés pour statuer sur lesdécisions administratives prises par le conservateur,mais de plus ont prononcé des injonctions etastreintes à l’égard de l’administration, méritentaussi de retenir l’attention des juristes par deuxapports importants :

- L’abrogation des articles 169 et 174 du

décret du 26 juillet 1932 portant régime de la pro-

priété foncière par la loi sur la Cour Suprême :

Ces articles attribuaient naguère au tribunal depremière instance les litiges nés du refus d’imma-triculation d’un immeuble, d’une inscription d’un droitréel ou de rectifications aux livres fonciers par leconservateur de la propriété foncière. Les arrêtsprécisent qu’il s’agit là d’actes administratifs dont lacontestation relève, en vertu de l’article 54 de la loisur la Cour Suprême, de la Chambre Administrative.En conséquence, les articles 169 et 174 du décretde 1932 sont devenus anachroniques.

- La détermination de l’étendue des pouvoirs

d’appréciation du conservateur de la propriété

foncière et des hypothèques :

En effet, au terme des arrêts HODROJ BASSAMet Roger TABA, ceux-ci n’ont pas compétence liéepour immatriculer les immeubles ou délivrer des cer-tificats de propriété dès lors que les documentsrequis sont fournis par le demandeur. Ils ont undevoir de contrôle, de vigilance. L’arrêt n°31 du 26février 2014 précise à cet égard que, chargé « du bondéroulement de la procédure d’accession à la propriétéfoncière, le conservateur a l’obligation de prendre desprécautions indispensables à la bonne analyse de lademande ». Ce devoir de vigilance peut conduire leconservateur à faire échec et refuser, sous lecontrôle du juge de l’excès de pouvoir, l’inscrip-tion de droits réels ou la délivrance de certificatde propriété, lorsqu’il a diagnostiqué des fraudesou des illégalités.

Le grand enseignement de cette jurisprudence,c’est que nos concitoyens doivent plutôt saisir laChambre Administrative de la Cour Suprême pour lacontestation des actes pris par le conservateur de lapropriété foncière et des hypothèques. Il importe de

THÈME 10

LE JUGE DES RéféRéS CIVIL EST INCOMPéTENT POUR

STATUER SUR LA LéGALITé D’UN ACTE ADMINISTRATIf

26 La tribune de la Chambre Administrative 2014

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rappeler à cet égard que la Chambre Administrativedispose aussi de voies de droit pour le règlementdes affaires en urgence. Il s’agit du sursis à exécu-tion et du référé administratif, lesquels ont fait l’objetd’un éclairage dans le dernier rapport de cette juri-diction (voir http://www.consetat.ci/publications/les-rapports).

CONSEILLER BOBY GBAZA

Arrêt n°31 du 26 février 2014, Roger TABA c/ KOUASSIAMANY De Pierre MESMER.

…Considérant que l’article 226 du Code de ProcédureCivile, Commerciale et Administrative dispose en son alinéapremier que « le juge des référés statue par ordonnance. Sadécision ne peut en aucun cas préjudicier au principal » ;qu’au sens de ce texte, la compétence du juge des référés selimite à des mesures d’urgence à caractère conservatoire,ou de sauvegarde qui ne peuvent lier le juge saisi du fond dulitige ;

Considérant que dans l’exercice de ses fonctions,Monsieur ROGER TABA représente le service de laConservation de la Propriété Foncière et des Hypothèquesde COCODY III, une administration publique chargée dubon déroulement de la procédure d’accession à la propriétéfoncière ;

Que la correspondance de l’A.G.E.F. l’informant que leterrain litigieux a été attribué le 1er mars 1989 à MonsieurKOKORA AHOUNDJO indique l’existence d’une contestationsérieuse sur la propriété du terrain ; qu’en tenant compted’une telle information pour s’abstenir de faire droit à lademande de Monsieur KOUASSI AMANY DE PIERREMESMER, Monsieur ROGER TABA, qui n’a fait que prendreune précaution élémentaire, indispensable à la bonne analysede cette demande, n’a pas agi, contrairement aux énonciationsde l’arrêt attaqué, à la place d’autrui ;

Considérant que la délivrance du certificat de propriétéfoncière n’est ni un acte de sauvegarde, ni un acte à carac-tère provisoire, mais un acte de consolidation des droits dela personne qui en fait la demande, sur le bien en cause ence qu’elle a pour effet, de le faire entrer dans le patrimoinede celle-ci ;

Qu’ainsi, l’ordonnance du juge des référés faisant injonc-tion au Conservateur de la Propriété Foncière d’établir etdélivrer un certificat de propriété foncière à MonsieurKOUASSI AMANY DE PIERRE MESMER a été rendue en vio-lation des dispositions susvisées de l’article 226 du Code deProcédure Civile, Commerciale et Administrative ;

Considérant en tout état de cause, que le certificat de pro-priété foncière est un acte administratif dont la délivrance estsoumise au contrôle du juge de la légalité, en l’occurrence, laChambre Administrative de la Cour Suprême ; qu’en aucuncas, le juge de droit commun ne peut, dans le cadre d’uneprocédure de référé, évoquer le contentieux né du refus opposéà la délivrance d’un tel acte ;

Considérant en conséquence, qu’en admettant en lacause, la compétence du juge des référés du Tribunal Civild’Abidjan, la Cour d’Appel a violé la loi ;

Que le pourvoi en cassation formé par Monsieur ROGERTABA est fondé ; qu’il y a lieu, en conséquence, de casser etannuler l’arrêt n° 128/CIV 5/B rendu le 24 février 2011 par laCour d’Appel d’ABIDJAN et d’évoquer la cause, par applica-tion de l’article 28 de la loi sur la Cour Suprême ;

SUr EvOCATION

Considérant que Monsieur KOUASSI AMANY DEPIERRE MESMER demande au juge des référés de faireinjonction, à Monsieur ROGER TABA, sous astreinte commi-natoire d’un million cinq cent mille (1.500.000) francs CFApar jour de retard, de lui délivrer un certificat de propriétéfoncière ;

Considérant qu’il résulte des articles 54 alinéa 2 et 74 dela loi sur la Cour Suprême que seule la ChambreAdministrative est compétente pour connaître des affaires quimettent en cause la légalité des actes administratifs ;

Qu’il s’ensuit que le juge des référés des Tribunaux dePremière Instance est incompétent pour connaître d’uneprocédure relative à un certificat de propriété foncière ;

Qu’au surplus, le juge des référés ne peut prendre que desmesures de sauvegarde ou conservatoires qui ne revêtentqu’un caractère provisoire, alors que le Certificat dePropriété Foncière est un titre de propriété à caractèredéfinitif qui consolide les droits de son bénéficiaire sur un bienimmobilier ;

Qu’il y a lieu en conséquence, de renvoyer MonsieurKOUASSI AMANY DE PIERRE MESMER à mieux sepourvoir ;

PAr CES MOTIFS

- Casse et annule l’arrêt n° 128/CIV 5/B rendu le 24février 2011 par la Cour d’Appel d’Abidjan ;

Évoquant :déclare le juge des référés incompétent ;

renvoie Monsieur KOUASSI AMANY DE PIERREMESMER à mieux se pourvoir ; …

27La tribune de la Chambre Administrative 2014

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28 La tribune de la Chambre Administrative 2014

Arrêt n° 135 du 19 décembre 2012, Conservateur de lapropriété foncière et des hypothèques

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;

Sur le moyen tiré de la violation de la loi ou erreur dansl’application ou l’interprétation de la loi ;

…Considérant qu’il résulte des énonciations de l’arrêtattaqué (Cour d’Appel d’Abidjan n° 1208 du 31 octobre 2006)que, face au refus de Monsieur OUPHOUET Kouadio,Conservateur de la Propriété Foncière et des Hypothèquesd’Abidjan Nord I, d’inscrire leurs droits issus de l’arrêtémodificatif n° 03341 du 23 novembre 2004 au motif que leslots 1621 et 1624 faisaient déjà l’objet d’un certificat de pro-priété inscrit au nom de la SCI LE VERDIER, MessieursJABER Samir et HODROJ Bassam ont assigné ce dernierdevant le juge des référés du Tribunal de Première Instanced’Abidjan qui, par ordonnance n° 589 du 04 mai 2006, s’estdéclaré incompétent ; que sur appel de Messieurs JABERSamir et HODROJ Bassam, la Cour d’Appel d’Abidjan, parl’arrêt susvisé, a infirmé l’ordonnance querellée et ordonné“au Conservateur de la Propriété Foncière de procéder à l’in-scription de la concession provisoire concédée par arrêtén°03341/MCUH/DDU/SDPAA du 23 novembre 2004 duMinistre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitatdans le livre foncier, sous astreinte de cinq cent mille(500.000) francs CFA par jour de retard à compter de lasignification de la décision” et ce, au motif que l’action deMessieurs JABER Samir et HODROJ Bassam ne porte nulle-ment sur la propriété des immeubles litigieux, mais sur lanécessité d’inscrire dans le livre foncier des droits déjà con-sacrés par l’autorité administrative ;

Considérant cependant qu’il résulte de l’article 174 dudécret du 26 juillet 1932 que "si le Conservateur de laPropriété Foncière refuse de procéder aux rectificationsrequises ou si les parties n’acceptent pas les rectificationsopérées, le Tribunal saisi par simple requête statue par juge-ment en Chambre du Conseil" ; qu’il résulte de ce texte quecompétence est exclusivement attribuée au Tribunal en lamatière ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour a violé laloi ;

Qu’il convient dès lors de casser et annuler l’arrêt attaquéet d’évoquer conformément à l’article 28 de la loi sur la CourSuprême ;

SUr évOCATION

Considérant qu’en application de l’article 174 du décretfoncier du 26 juillet 1932, seul le Tribunal est compétent pourstatuer sur les litiges nés du refus du Conservateur deprocéder à des rectifications des inscriptions du livre foncier ;que toutefois, cette juridiction ne peut ordonner de nouvellesinscriptions, au livre foncier, remettant en cause un certificat

de propriété déjà inscrit sauf décision d’annulation prononcéepar le juge de la légalité ;

Que c’est à juste titre que le Juge des référés s’est déclaréincompétent pour connaître du litige né du refus duConservateur de la Propriété Foncière de procéder auxinscriptions sollicitées par Messieurs JABER Samir etHODROJ Bassam ;

PAr CES MOTIFS

Déclare recevable et fondé le pourvoi du Conservateurde la Propriété Foncière d’Abidjan Nord (MonsieurOUPHOUET Kouadio) ;

Casse et annule l’arrêt n° 1208 rendu par la Cour d’Appeld’Abidjan le 31 octobre 2006 ;