mines énergie n°618 2016 - energict-cgt.fr

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SUPPLÉMENT MINES ÉNERGIE N°618 JUIN 2016 ENGIE / BESTIMAGE / CRUCIATTI PIERO CAMPAGNE UFICT À la rencontre des managers de proximité DOSSIER D’OPTIONS Numérique et intelligence artificielle Peur sur l’emploi ?

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supplément mines énergie n°618 juin 2016

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CAMPAGNE UFICTÀ la rencontre des managers de proximité

DOSSIER D’OPTIONSNumérique et intelligence artificielle Peur sur l’emploi ?

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Après quatre mois de mobilisation le mou-vement de contesta-tion de la loi travail n’a

pas faibli. Ceux qui comptaient sur son essoufflement, sur le choix d’un affrontement avec la CGT ou encore sur l’utilisation de la violence des casseurs pour effacer le discours de fond en sont pour leur frais. L’opinion publique reste majoritairement opposée à cette loi et ce, malgré les difficultés rencontrées avec les grèves. Il y a plusieurs façons de se faire entendre et de se mobiliser. Nous avons pu vérifier combien le déploiement en direction des ICT* était déterminant pour porter le débat sur les formes d’engagements possibles. A ce titre, la votation citoyenne, véritable exercice de démocratie directe en entreprise, a pris toute sa dimension quand les adhérents étaient associés à son organisation. Les premiers résultats de cette votation confirment que le rejet de cette loi est bien réel. Le gouvernement doit en tirer les enseignements et ne plus s’obstiner à refuser nos propositions, sinon cette co-

lère risque d’être durable. Donner à chacun-e les clés pour se faire son opinion et mieux intervenir c’est ce qui fait notre identité. Dans les pages qui suivent, nous revenons sur les enjeux du numérique qui interrogent et inquiètent. Ces nouvelles technologies sont-elles un danger ou une opportunité pour transformer le travail et les emplois ? En lançant notre campagne en direction des managers de proximité, nous voulons questionner, repenser et élaborer des propositions qui traceront les voies d’un management alternatif. Peu à peu, avec nos campagnes, nos initiatives et notre engagement spécifique, nous donnons vie à notre devise d’ouvrir pour les ICT* cet espace de confiance pour agir. Cette année, nous fêtons les 80 ans du Front popu-laire et des premiers congés payés. Une épopée inédite à faire connaître pour mieux penser l’avenir et ses possibles.Bonnes vacances à tous-tes.

3 CAMPAGNE UFICTÀ la rencontre des managers de proximité

5 CEACoup de rabot insoutenable sur les budgets de recherche

6 STRATÉGIE D’ENTREPRISEEngie : la (dé)structuration perpétuelle

8 DOSSIER D’OPTIONSNumérique et intelligence artificielle : Peur sur l’emploi ?

12 LOI TRAVAILLa parole aux citoyen.nes

14 LIVRELe récit d’une vie militante

16 CÉLÉBRATION1936 : une histoire d’hier et d’aujourd’hui

SOMMAIRE ÉDITORIALoptions n°618 / juin 2016

Ufict-CGT Mines-Energie263, rue de Paris - 93516 Montreuil [email protected]

Rédacteur en chef : Jean-Paul RignacConception graphique : Juliette AmariatMaquettistes : Patricia Kelhetter, Juliette Amariat

Dépôt légal : 2ème trimestre 2001 - BobignyCommission paritaire n°0112S08090 du 18 janvier 2007

Photogravure et impression : SIEP Zone d’Activités - 77590 Bois-Le-Roi

Ont participé à ce numéro : Pascal Lacroix, Daniel Souty, Jean Stoklischsky,Pascal Cabantous, Jannick Bardi-Guillot, Jean-Luc Maillot, Juliette Amariat, Marc Wojtowicz, Jean-Paul Rignac.

Jean StoklischskyMembre du Bureau exécutif et animateur de la Branche maitrise

*Ingénieurs, Cadres et Techniciens

Ouvrir pour les ingénieurs cadres et techniciens cet espace de confiance pour agir

ANNONCE

L’Ufict CGT recrute un.e assistant.e au statut des IEGPoste à pourvoir été 201601.55.82.78.87

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Options n° 618 juin 2016 / 3

campagne ufict

à la rencontre des managers de proximité

Pourquoi cette campagne ?Nous avons besoin d’ancrer notre travail auprès de ces populations. La transformation des entreprises, qui s’est accélérée ces dernières années avec la mise en place de nouvelles méthodes de management, a modifié les repères antérieurs de l’activité d’encadrement. Leur rôle n’a pas disparu mais il a changé autour d’une autre culture. Celle de se mettre au service de la gestion et de la performance financière, au détriment des processus de travail et du métier. Avec les vagues de départs en retraite et l’arrivée mas-sive de jeunes diplômé.es, c’est une population qui est aujourd’hui différente. Qu’ils arrivent dans ces fonctions suite à embauche ou par la promotion interne, ces agents ne sont pas toujours bien préparés à exercer une fonction de manager et ils n’ont pas toujours une bonne connais-sance technique du métier qu’ils encadrent… D’autre part, selon les enquêtes internes des entreprises, ce sont ces populations qui expriment le plus fort taux d’insatisfaction, notamment autour du manque de recon-naissance, du manque d’autonomie et de la difficulté à gérer toutes les interfaces dans leur activité.

Cette campagne est aussi le moyen de leur faire connaître l’Ufict-CGTC’est un espace syndical pour eux, qui leur est ouvert et dans lequel ils peuvent se retrouver pour porter leurs revendications, en privilégiant les convergences avec toutes les catégories de salarié.es. Si dans un premier temps, nous voulons recueillir leurs attentes, nous porte-rons également à leur connaissance nos propositions qui ouvrent des pistes pour un management alternatif et qui se déclinent autour de trois axes : plus grande maîtrise du métier, meilleure reconnaissance et enfin droit à l’ex-pression et à la citoyenneté dans l’entreprise. Des propo-sitions qui ne sont pas à prendre ou à laisser : elles sont versées au débat pour construire, avec les attentes qu’ils

exprimeront, des revendications afin de demander aux employeurs l’ouverture de négociations sur ces métiers.

Comment allons-nous procéder ?Parce que cette population recouvre une diversité de situations professionnelles et parce qu’elle manque cruel-lement d’espaces d’expressions, notre première étape est donc la mise en œuvre d’un questionnaire. Il est conçu autour de quatre thèmes pour conforter notre matière revendicative : activité et organisation du travail, méthodes de management, numérique et nouvelles technologies, reconnaissance et parcours professionnels. Ce questionnaire sera dis-ponible en version papier et numérique. Le choix de sa diffusion sera fait par les syndicats en local.L’enquête numérique n’empêche pas le contact qui reste le premier intérêt de la démarche et aussi le premier gage de réussite.La préparation de la campagne a montré que dans cer-taines unités (par exemple les unités d’ingénierie avec de nombreux jeunes embauchés), la version numérique de l’enquête était nécessaire.

Une campagne à lancer dès juin et qui s’animera sur plusieurs moisL’analyse des résultats servira de support à des initia-tives (rencontres, petit déj…) avec les encadrant.es, ainsi qu’à l’organisation de journées d’études nationales ou régionales sur les thèmes revendicatifs abordés, afin de redonner sens et contenu à ce métier d’encadrant de proximité. n

Les délégué.es présents au dernier congrès Ufict ont débattu de la situation des managers de proximité. Ils ont décidé du lancement d’une campagne de déploiement en leur direction. Préparée depuis plusieurs mois, elle a été présentée lors du dernier Conseil national de l’Ufict.

Une du questionnaire Ufict

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campagne ufict

Trois questions à Christophe Massot. Après avoir passé son doctorat en sciences de gestion à l’Université Aix Marseille, il a enseigné à l’Institut Polytechnique de Grenoble et a réalisé une étude sur les actions de prévention des risques psycho-sociaux (RPS) pour le CNRS. Lauréat du Dim Gestes, il est chercheur associé à l’équipe du Cnam d’Yves Clot. Depuis 2015, il fait de l’expertise pour les CHSCT (risque grave RPS).Christophe Massot considère que l’encadrement de proximité est pris en contradiction entre un rôle de contrôle et un rôle d’organisation ; il serait donc ouvert à entendre un discours qui porterait un autre rapport au travail et l’organisation.

Le management aujourd’hui est la plupart du temps réduit/soumis au contrôle de la prescription. Vous considérez les managers empêchés ; empêchés de quoi ?Précisons que la question est adressée au management de proximité, près des opérationnels. Et là, près du travail, il y a de l’imprévu. Il y a ce réel qui résiste à sa maîtrise. Toute personne qui a travaillé a éprouvé cela. Travailler ce n’est pas faire ce qui est prévu mais faire face, efficace-ment, à ce qui n’a pas été prévu. Aucune règle ou méthode ne peut tout fixer, tout dire du travail. Il faut trouver des solu-tions. C’est ça la vie au travail !Et c’est justement là que le travail d’orga-nisation du manager de proximité est nécessaire : qu’est-il possible, ou non, de faire face à ce qui n’est pas prévu et maîtrisé ? C’est au manager de proximité de répondre aux incessantes questions posées par les opérationnels lorsqu’ils ont besoin de savoir quelle solution peut être acceptable et performante du point de vue de l’organisation. C’est un enjeu de mise en discussion du travail opéra-tionnel avec l’organisation.Ce travail d’organisation demande une fine connaissance tout à la fois des problématiques métiers et du fonction-nement de l’organisation. Mais c’est de ce travail d’organisation dont sont privés les managers. Ils sont aujourd’hui trop souvent réduits à se plier au « chevet des machines de gestion » pour reprendre l’image de Detchessahar1 : il ne s’agit plus pour les managers de se plonger dans le travail de ses collaborateurs pour le soutenir et l’aiguiller vers les solutions collectives les plus performantes mais seulement de contrôler sa conformité à ce qui a été prévu. Les managers sont empêchés d’aller vers le travail quotidien, vers ce qui se passe

1Mathieu Detchessahar est professeur à l’Institut d’Économie et de Management de Nantes.

tous les jours dans une usine ou un ser-vice. Mais ils savent que c’est une hérésie du point de vue de leur travail.

Vous évoquez une organisation de travail où la controverse, c’est-à-dire l’expression des désaccords entre managers et opérationnels, serait la condition pour réaliser un travail de qualité. Concrètement, comment cela se traduirait-il ?Pourquoi utiliser le terme de controverse comme principe de l’efficacité ? Pour aller contre l’idée du contrôle comme principe de l’efficacité. Il faut s’attaquer à ce mythe contemporain : le monde, et en particulier le travail, pour-raient être réduits à un système absolu-ment prévisible de répétitions ! Mais si le travail c’est aussi ce qui ne se répète pas parce qu’imprévisible et singulier, que faire ? Dire qu’il s’agit juste d’un défaut de contrôle à corriger ? Ce serait nier que l’on ne contrôle pas tout. Il faut assumer le fait que, dans le travail, tout ne peut être sous contrôle et donc que le travail met en question l’organisation. L’effica-cité ce n’est pas nier mais s’affronter à cette difficulté.Mais discuter entre opérationnels et managers du travail réel et de son orga-nisation, vous me direz que ce n’est pas exactement la même chose qu’exprimer des désaccords ! Il faut entendre là le désaccord comme un moyen d’explorer ce qu’il est possible de faire quand on ne maîtrise pas ou plus. Laisser une place aux désaccords entre opérationnels, managers, services, etc. c’est explorer les solutions et les possibles que chacun porte. Même si après il faudra faire un choix ! Que vaut une réunion collective, dont l’objet est un problème irrésolu et difficile, où tout le monde se tait ou dit la même chose ? Le désaccord, portant sur les problèmes du travail et ses possibles résolutions, n’est pas le contraire de

l’efficacité mais un moyen d’explorer ce qui pourrait être fait. Il est donc un outil pour développer l’efficacité et la qualité.Et l’on sent bien, que le contrôle ne permet pas de répondre aux problèmes posés par le travail quotidien. Un travail de qualité demande adaptation et créati-vité. Et quand ces dernières doivent être collectives, engagent l’organisation, elles ne peuvent se passer du désaccord ! Les managers de proximité sont des acteurs essentiels de cette exploration collective par l’entretien de la discussion et du désaccord.

La place particulière occupée par les managers dans les entreprises ne les incite pas à s’exprimer librement sur les choix stratégiques, et la pratique de l’autocensure est courante. Pensez-vous que le syndicalisme peut être une réponse crédible pour les mana-gers ? Dans la co-construction d’une organisation de travail performante et créative ?Des managers montent dans le train du contrôle. C’est certain. Mais beaucoup d’autres managers, restant au contact des opérationnels et du travail, constatent tous les jours ce qu’ils pourraient faire avec leurs équipes pour organiser un tra-vail efficace de qualité ! Ils voient tout ce qu’ils pourraient faire mais qu’ils ne font pas ou plus. Et il ne faut pas sous-estimer le coût de ces renoncements : beaucoup en font une maladie !Je pense que ces managers sont en attente d’un cadre collectif leur permettant de revendiquer une autre idée de l’orga-nisation, des rapports hiérarchiques et de leur métier ! Le syndicalisme doit proposer ce cadre aux managers pour contester collectivement le monopole de la définition de l’efficacité et du métier aux directions. n

Les managers sont empêchés d’aller vers le travail quotidien

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coup de rabotinsoutenable sur les budgets de recherche

Cette décision, qui semblait irrévo-cable, devait peser pour le CEA sur une partie du budget liée à la recherche civile pluridisciplinaire. Elle aurait impacté directement la Recherche fondamentale et la Recherche technologique, deux secteurs déjà fragilisés par les baisses

antérieures sur la part de subvention dans leurs budgets.En fait, le projet initial consistait à ponctionner 127 millions d’euros sur le budget du CEA pour couvrir des dépenses supplémentaires sur le budget de l’Etat. Cela aurait été tellement insoutenable, que le projet a évolué et que le CEA ne s’est pas retrouvé à être le seul à trinquer : le CNRS, l’Inria (Institut national de recherche en infor-matique et en automatique) et l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) aussi. L’Etat devant faire face à un peu plus d’un milliard d’euros de dépenses supplé-mentaires, il avait décidé de couvrir ces dépenses par 256 millions d’euros de suppressions de crédits sur le budget de la recherche.

Toute la communauté scientifique en état de choc C’est donc toute la communauté scientifique choquée par le reniement des engagements de l’Etat à soutenir la recherche qui s’est exprimée par la voix de six prix Nobel et une médaille Fields de mathématiques. Le Pré-sident de la République, après les avoir reçus, a annoncé l’annulation de cette mesure, mais seulement pour 163 millions d’euros, dont les 64 millions d’euros qui pesaient

sur le CEA. Il ne renonce pas pour autant au décret pour couvrir les dépenses supplémentaires imprévues. Les économies à faire vont donc devoir être redistribuées et parmi elles au moins 12 millions d’euros devraient peser sur la recherche pour l’énergie du CEA : un comble dans le cadre de la transition énergétique.Ce qui a choqué, c’est que l’Etat ait imaginé pouvoir faire peser 256 millions d’euros soit un quart des économies à réaliser, sur le budget de la Recherche. Aux plaintes des organismes publics auprès du ministère, la réponse était « vous trouverez bien de quoi dans votre trésorerie et votre fonds de roulement ». Or, au CEA, le fonds de roulement est quasi nul et c’est un problème. Quant à la trésorerie, elle est négative de -250 millions d’euros à cause d’impayés de l’Etat pour l’assainissement et démantèlement des installations du CEA. Dette que l’Etat paye encore actuellement en rachetant les participations du CEA dans le capital d’Areva… drôle de façon de payer ses dettes, non ? Et même si un fonds de roulement et trésorerie avait exis-té, cela aurait été un précieux moyen de bonne gestion. Le ponctionner aurait inévitablement mis l’organisme en difficulté.C’est à se demander s’il y a encore, dans les ministères, des ministres ou des conseillers, qui ont la moindre idée de ce qui se fait dans les établissements publics, de l’uti-lisation des subventions de l’Etat et comment tout cela est géré ? Ou bien doit-on croire que le gouvernement est tellement aux abois, qu’il s’est imaginé que, comme tout le monde râlait déjà, mais les chercheurs peut-être moins que les autres, ça passerait comme ça… ? n

A la mi-mai, la nouvelle sonne comme une alarme incendie : le gouvernement s’apprête à ponctionner 64 millions d’euros sur la subvention allouée au CEA en plein milieu d’exercice, l’équivalent de 1 000 emplois.

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stratégie d’entreprise

ENGIEla (dé)structuratIoN pErpétuEllE

Avant la fusion en juillet 2008, Suez était structurée en une holding de 300 personnes avec une multitude de filiales (Elyo, Ineo, Lyonnaise des eaux, CNR, Electrabel en Belgique…). Alors que Gaz de France était issu d’un Epic totalement intégré (même si se rajoutaient déjà des filiales hors

statut : Cofathec, CGST-Save…), mais qu’il avait dû filialiser le transport gaz (GRT gaz) en janvier 2005 et la distribution (GrDF) en janvier 2008.A la fusion, le groupe s’est donc retrouvé avec un taux de salariés au statut des IEG, en France, inférieur à 25 %. Cela a conduit la CGT à créer une coordination de groupe entre les syndicats affiliés à différentes fédérations (Ser-vices Publics, Métallurgie, Construction, Transports et Energie). Chaque fédération a nommé un référent et Yves Ledoux en assure la coordination et organise annuel-lement un séminaire (le prochain aura lieu du 11 au 13 octobre).

Politique sociale de groupe : un accord social européenLa coordination CGT a jugé nécessaire un Accord Social de Groupe (démarche déjà présentée dans l’Options de décembre 2015).Dans un contexte de forte évolution des secteurs de l’énergie et des services, garantir une stabilité, voire une amélioration des conditions sociales doit être un objectif poursuivi par toutes les entités Engie.L’Accord Social Européen (ASE) doit faire grandir les

compétences des salarié.es afin qu’ils puissent conserver un emploi dans le Groupe, ce qui permet, au final, de faire croître les compétences globales du Groupe.L’ASE garantit l’employabilité, c’est-à-dire la possibi-lité pour les salariés de rester employés d’Engie grâce à l’évolution des compétences, la stabilisation des garanties sociales en cas de transfert ou de suppression d’activités, et la mobilité, nécessaire pour permettre un déroule-ment de carrière (mobilité choisie) ou pour conserver un emploi (mobilité en cas de réorganisation).L’ASE s’impose comme socle minimum à toutes les sociétés du Groupe Engie. Il ne peut pas se substituer à des conditions existantes plus intéressantes.Cet accord, signé le 8 avril 2016 par les fédérations syndi-cales européennes, avec l’avis favorable des fédérations CGT, a fait l’objet d’un petit dépliant de la coordination pour le faire connaitre aux salariés.Il reste désormais à confronter son application à la réa-lité…

Guerre des chefs : rien de bon à en attendre pour les salarié.esDepuis l’Assemblée Générale des actionnaires de mai 2016, Engie a un nouveau type de gouvernance, avec une séparation des pouvoirs entre un Président du Conseil d’Administration (Gérard Mestrallet) et une Directrice générale qui dirige l’Exécutif (Isabelle Kocher).Isabelle Kocher a déjà commencé à faire valser les têtes : la directrice de la communication en a été la première vic-time. Or, ce dont les salariés ont besoin, ce n’est pas d’une stérile guerre des chefs, mais d’une gouvernance claire,

Depuis un an, Engie a succédé à GDF Suez, lui-même issu de la fusion de Gaz de France et de Suez en 2008. Le taux de salarié.es au statut en France y est inférieur à 25 %. Plans de rigueur, restructurations, pressions sur les emplois et les salaires… Rien n’épargne les salarié.es.

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avec une stratégie qui trace un avenir pour le groupe. Une organisation à la tête de Groupe qui soit simple, hors des intérêts personnels et qui porte une stratégie de déve-loppement dans le cadre de ses missions, notamment de service public.

Toujours plus pour les actionnaires : pression sur les emplois, les salairesSi Engie confirme son ambition stratégique de devenir le chef de file de la transition éner-gétique, elle l’accompagne de suppressions de postes (officiellement 950 en trois ans qui passeraient « principalement par des non rempla-cements et des reclassements, même si des licencie-ments ne sont pas totalement exclus »). Au travers du plan de transformation, Engie va renoncer à de nombreuses activités.Et pour faire admettre aux salarié.es qu’ils doivent se serrer encore plus la ceinture, et donc faire passer la pilule, Engie affiche un résultat net négatif -4,6 Mds € et un nouveau plan de rigueur appelé Lean 2018. Ce nom est déjà une provocation, tant il renvoie à des pratiques de management condamnées depuis des années par les syndicalistes et les spécia-listes du travail. Mais au-delà du nom, ce sont encore les salariés qui vont trinquer avec près de 30 % de suppressions sur un périmètre de 7 500 salarié.es (Engie SA, EPI, Engie IT) et cela n’épargne aucune direction :

l B to C / commerce pour les particuliers : - 567 (annonce de la Direction)l B to B / commerce pour les entreprises : - 209 (annonce de la Direction)l Exploration-Production (y compris filiales) : - 345 dont 150 en Francel Siège, informatique et EMT /gestion et trading de l’énergie : - 700 (estimation)et cela s’accompagne par la fermeture de quatre Centres Relation Clientèle (Mont-

parnasse, Cergy-Pontoise, Orléans, Douai).D’après les calculs de la coordination CGT d’Engie, le nombre d’emplois impactés par Lean 2018 sera a minima de 10 000 sur trois ans.

Quelle application de l’accord social pour toutes ces suppressions ?L’État, qui détient environ 33 % d’Engie, a prolongé le mandat de Gérard Mestrallet à la tête du groupe mais reste étrangement muet sur toutes ces suppressions d’emplois ! n

Plaquette présentant l’accord social européen

Conseil d’Administration

Directeurs délégués et tout le groupe

Directrice ExécutiveKocher

Président Mestrallet

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-les dossiers d’options

Depuis les déclarations tonitruantes sur la fin de l’emploi d’un roboticien inconnu du grand public, reprises en boucle par les médias et notamment par les grands opérateurs de réseaux, une ombre plane sur nos vies pro-fessionnelles. Les progrès de l’intelligence artificielle permettraient de supplanter l’homme, y compris dans une

partie des tâches intellectuelles... et d’affirmer que ces évolutions conduiraient à la disparition de 50 % des emplois d’ici vingt ans. Qu’y-a-t-il de réel dans tout ça ?Une chose est sûre, nos employeurs justifient, aujourd’hui déjà, la suppression d’effectifs en brandissant cet argu-ment. S’agit-il des premiers symptômes de cette prophétie funeste ou d’un effet d’aubaine pour déployer plus aisé-ment des choix stratégiques ? Nos militants sont souvent désarmés quand ils y sont confrontés.L’Ufict a décidé de tenter de démêler les fils de cette question. L’évolution technologique et les conséquences qu’elle pourrait avoir sur l’emploi seront le thème central des journées d’été des 29 et 30 août à Courcelle. Mais sans attendre, Options ouvre le débat pour que chaque adhérent puisse se forger sa propre opinion... condition indispen-sable pour élaborer une vision collective.Pour concevoir ce dossier, nous avons donné la parole à des chercheurs de domaines différents, et à un militant confronté à ces problématiques. S’ils n’ont pas tous le même avis, ils partagent pourtant le même point de vue : ils considèrent que ces évolutions n’annoncent pas la fin de l’emploi mais l’accélération de la transformation du travail.

NUMÉRIQUE/INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

PEUR SUR L’EMPLOI ?

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-les dossiers d’options

Le discours dominant sur les conséquences des évo-lutions technologiques véhicule l’idée de la fin de l’emploi. Qu’en est-il réel-lement ?

Cette affirmation ne repose sur aucune étude scientifique. Elle trouve son origine dans les déclarations d’un robo-ticien, militant Trans humaniste, ne possédant aucune compétence en sciences sociales. Une idée reprise et pro-mue par les grands groupes à l’origine de ces évolutions, comme Google ou la plateforme Uber. De toute évidence ces groupes orchestrent leur stratégie de développement et de pouvoir.Bien sûr ces évolutions technologiques ont déjà des conséquences... l’emploi ne va pas disparaître mais de toute évidence, le travail va se transformer : des tâches vont disparaître et d’autres vont naitre. Des tâches plus qualifiées, mettant en œuvre des capacités nouvelles. L’action de la main va progressivement être remplacée par la relation cognitive entre l’homme et la machine.Ce que mettent en lumière les progrès réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle, c’est l’accéléra-tion de la transformation du travail, pas sa disparition. L’enjeu majeur se situe bien plus dans l’accompagnement

de ces mutations, en permettant l’accès aux salariés à une formation tout au long de leur vie professionnelle, prise en charge par l’employeur.

Ne voit-on pas plus le danger que ces évolutions pourraient représenter, plutôt que les potentiels qu’elles offrent aux salariés pour maitriser et trans-former le travail ? Les évolutions technologiques modifient aussi les modes de conception et de production. Les organisations verticales, hiérarchisées des entreprises sont bousculées par ces évolutions, parce qu’elles obligent à laisser plus de place à l’initiative, à l’autonomie et à la créativité des salariés. Les produits se reconçoivent en temps réel sans

que jamais le décideur n’en ait la maîtrise. Cette relation cognitive avec la machine qui se développe a besoin de l’homme... de l’homme qui prenne son pied au travail.L’exemple, c’est le logiciel qui, dès sa mise en vente, est modifié à chaque remarque ou anomalie détectée par un utilisateur. Il en va de même pour d’autres productions.

Un autre thème est souvent développé pour s’inquié-ter de la place que prennent ces technologies dans notre vie professionnelle et privée : la démocratie. Quel est votre avis ?Très longtemps, peu de monde avait accès à l’informa-tion. Ceux qui avaient le pouvoir de la récupérer et de la diffuser surveillaient ce qui nous en était donné. C’est en partie sur cette maîtrise de l’information qu’ils asseyaient leur autorité, qu’elle soit bien ou malveillante.Aujourd’hui, avec l’évolution technologique, tout le monde peut trouver de l’information et la diffuser. Une situation qui semble inverser la situation passée en affaiblissant les structures de surveillance. Une évolu-tion assez considérable qui conduit à la mise en cause de toutes les autorités. L’étude de cette évolution m’a conduit à développer la notion de «sousveillance», en opposition à celle de surveillance.Dès lors, nous pourrions considérer que la démocratie

y a gagné. La réalité est finalement un peu différente. Il y a trop d’information disponible et personne n’est en mesure de se l’approprier. Le ressort essentiel n’est plus l’accès à l’information, mais «l’attention» : ceux qui ont les moyens d’attirer l’attention ont le pouvoir. Les choses ne se sont pas réellement inversées... elles ont changé de mains. Une évolution qui met en cause l’autorité, en par-ticulier celle des états. L’entreprise Google, par exemple, développe l’idée selon laquelle elle va jouer un rôle social planétaire important dans l’avenir : elle intervient dans la sécurité, bat monnaie, défend un modèle social... comme un état. Pour fermer la boucle, elle popularise l’idée de la fin de l’emploi. n

Jean Gabriel Ganascia est physicien et philosophe, puis informaticien, spécialiste d’intelligence artificielle et de sciences cognitives à l’Université Pierre & Marie Curie à Paris Jussieu.

La relation cognitive avec la machine qui se développe a besoin de l’homme... de l’homme qui prenne son pied au travail

Fausses peurs, vrais enjeux : mutation du travail

et de la société

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10 /Options n°618 juin 2016

Plusieurs phénomènes ont bru-talement mis à jour l’actualité de la fin du travail, voire de la

fin du salariat. Cela nous renvoie à la centralité du travail, et pas seule-ment de l’emploi qui focalise l’atten-tion. La transformation rapide du rapport au travail et à l’emploi nous montre qu’il est conjointement fac-teur d’émancipation et d’aliénation. Lorsque ce couple est déséquilibré, lorsque la dimension émancipatrice du travail recule, alors la souffrance guette.Le XIXème siècle peut être lu comme dynamique d’émancipation de la sphère domestique. Les hommes, les femmes plus tard, sortent de la mai-son et, en allant à l’usine, se désen-castrent de la sphère sociale (villa-geoise, religieuse, traditionnelle). Ils, elles, se libèrent pour former la classe ouvrière. Depuis Karl Polanyi1 nous savons que ce désencastrement social est un encastrement dans l’économique, principalement dans le rapport salarial (subordination au capital, à l’exploitation).Au XXème siècle, le travail entre dans l’espace public : il n’est pas exclusive-ment subordination au capital dans la manufacture. Il devient vecteur de citoyenneté, particulièrement au sens social.

1Karl Polanyi est un économiste hongrois (1886-1964) dont le livre La Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps (1944) étudie la logique économique de l’Occident depuis les prémices de « modernisation » agricole anglo-saxonne du XVe siècle, jusqu’à l’avènement de la Seconde Guerre mondiale. Il y associe l’his-toire et l’anthropologie.

Quand le travail est producteur de droits sociauxLe travail, mais en fait l’emploi, est producteur de droits sociaux, via le contrat de travail et les formes de l’Etat social élargi (revenus indirects, protection sociale). L’émancipation ne se situe alors pas dans le travail lui-même. La rationalisation et l’extension de la division du travail lui fait perdre du sens. L’émancipa-tion se trouve dans le caractère col-lectif. Caractère collectif des luttes, du mouvement ouvrier, qui donne du sens, là où le travail à la chaine le détruit. En ce début de XXIème siècle, les signes de changement affectant le travail et l’emploi sont nombreux. Si en masse il ne s’agit pas de dé-salarisation, une transformation de la société salariale est à l’œuvre : logiques de flexibilisation, de liqui-dification du travail (du CPE à El Khomri), de remontée des précarités. De nouvelles formes de travail indé-pendant se développent, associant baisse des subordinations formelles (cf. la figure du travail libre, sans contrat de travail, que ce soit dans la logique d’Uber ou du digital worker) et contrôle sur le travail instrumenté (par le client, le marché, les plate-formes numériques). La part du travail indépendant est estimée par les Freelancers à un tiers de l’emploi aux Etats-Unis (entre 10 et 20 % en Europe).

Attaque sur le caractère émancipateur du salariatAvec la dé-salarisation et l’attaque des droits afférant à l’emploi, le ca-ractère émancipateur du salariat est attaqué. C’est un aspect qui n’est sou-vent pas une priorité évidente pour un syndicat de salariés : l’émancipa-tion dans ou par le travail ne va pas toujours de pair avec l’emploi. D’où

différents enjeux. Du côté des travail-leurs à statut, la question de la perte de sens dans le travail. David Grae-ber2 souligne le caractère destructeur des bullshit jobs : non pas des emplois précaires mais sans sens. Ceux qui passent leur journée à surveiller des graphiques, à faire du reporting, à répondre à une contrainte norma-tive… comprendront. L’emploi dans un monde hypercomplexe, cherchant à prévenir les risques juridiques, éloigne un personnel compétent de l’œuvre rêvée.Du côté des travailleurs autonomes, catégorie composite s’il en est, se trouvent des personnes exclues de l’emploi à statut, qui trouvent un sens à s’être défaits de la subordi-nation. Ainsi nombre de cadres,

experts, consultants, mais aussi d’intermittents d’un large spectre de spectacles vont osciller entre auto-entreprenariat et société de portage. Là se développe un terreau de personnes repensant leur auto-nomie, c’est-à-dire leur insertion dans la division du travail. Parmi ces travailleurs exclus de l’emploi, mais mis au travail, se trouve une masse qui n’a ni émancipation économique, ni politique. C’est un enjeu majeur de comprendre et représenter ce nouveau prolétariat. n

2 David Graeber (1961) est un anthropologue américain, professeur à la London School of Eco-nomics. Il est l’un des instigateurs du mouvement Occupy Wall Street.

Crise du travail ou quête de sens ?Thomas Lamarche est économiste à l’Université Paris Diderot.

Il travaille sur la Responsabilité Sociale des Entreprises.

Il retrace pour Options l’évolution historique du travail.

Travailleurs exclus de l’emploi, mais mis au travail = nouveau prolétariat

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les dossiers d’options

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Le processus des commissions secondaires est réalisé jusqu’ici manuellement. Quand un salarié postule à un poste, il envoie sa fiche C01 (qui retrace son parcours dans l’entreprise) au CSP-RH. L’ensemble des candidatures y est compilé

sur un fichier Excel, mis à jour par les managers et enfin recompilé pour les élus aux commissions secondaires. Les saisies sont faites à la main et les re-saisies d’informa-tions sont souvent identiques. Ces activités sont réalisées par des appuis administratifs (agents d’exécution). Cet outil informatique est structurant dans le sens où chacun a un rôle à respecter dans le processus.

Un nouvel outil numérique de modernisation des commissions secondairesLe nouvel outil E-CS qui sera mis en place à EDF en sep-tembre 2016 s’inscrit dans un processus de modernisa-tion des commissions secondaires. Une grande partie des tâches sera dorénavant automatisée. L’agent saisira une fois sa demande et les re-saisies disparai-tront pour éviter les risques d’erreurs ou d’oublis. E-CS simplifiera grandement l’activité de saisie des informations, et sera aussi plus fiable. Mais le cœur de l’activité ne disparaitra pas puisque perdureront la conformité des bordereaux et le suivi des annonces. Du point de vue des salariés, supprimer des gestes répétitifs de saisies devenus irritants est plutôt bien vécu. Mais cela signifie aussi que 50 % de la charge de travail disparaitra... et donc 30 emplois en moins sur 70 à Lille, Rouen et Lyon. Pourquoi la province est-elle uniquement touchée ? La dématérialisation permettrait pourtant que des emplois y soient maintenus. La Direction est inca-pable d’expliquer ce nombre. La transformation numé-rique sert-elle de prétexte à la suppression d’emplois ? Concrètement, seulement 40 salariés seront chargés de la saisie initiale de tous les bordereaux : cela supprime donc 30 postes. Comme la moitié part en retraite, l’avenir de 15 personnes reste à régler. La CGT a obtenu la garantie qu’ils soient redéployés sur leur site CSP RH s’ils n’ont pas d’autre projet professionnel.

Jusqu’à aujourd’hui, la gestion des commissions secon-daires était spécialisée par métier (commerce, Production Nucléaire…). E-CS, en standardisant le processus, engen-drera une dégradation dans le traitement des particula-rités propres à chaque unité. C’est la porte ouverte à la mutualisation des commissions secondaires et donc à une massification de l’activité.

Quand la digitalisation précarise le travailEn tant que salarié, la digitalisation nous précarise car elle ne fait pas appel à notre analyse, ou à une approche spécifique de l’activité. Le ou la salarié.e peut donc être remplacé.e facilement. La stratégie adoptée par EDF n’est pas fondée sur des considérations du type « Comment mieux travailler ?» mais sur « Comment faire des gains de productivité dans la filière RH ?» Ou pire : « Comment dégra-der la qualité de service sans générer trop d’insatisfactions ? ». En cinq ans, les effectifs ont baissé de 20% et l’objectif est de passer de 1 200 salariés aujourd’hui à 950 en 2020.

Dans ces conditions, la qualité du travail repose plus sur le conseil et l’information, et seul compte le délai de cinq jours pour répondre à une sollicitation. Même si la réponse n’est pas satisfaisante, il vaut mieux répondre au bout de quatre jours. Les salariés RH ont de moins en moins de marge d’autonomie dans leur travail et cela est vécu difficilement par ceux qui ont de l’expérience dans le métier. Etre plus efficace sur le plan technique implique souvent une absence d’analyse.La CGT devrait davantage se focaliser sur les consé-quences concrètes du numérique tel qu’il est pratiqué dans nos entreprises, sur la façon dont il dégrade le travail réel sous prétexte de le transformer. Le droit à la déconnexion n’est pas la seule revendication à défendre, car le sens et le contenu du travail sont aussi primor-diaux. n

-Crise du travail ou quête de sens ?

Le numérique dégrade le travail réel sous prétexte de le transformer

Le numérique appliqué aux Relations Humaines

François Dos Santos est élu au comité central d’entreprise d’EDF

depuis 2014. Membre du CE Direction des Services Partagés (DSP),

salarié des IEG depuis 2008, il donne un exemple de la modernisation

numérique à la filière RH d’EDF et en expose les conséquences.

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loi travail

la parole aux citoyen.nesLa votation travail à l’initiative de sept syndicats, appelle l’ensemble des citoyen.nes à exprimer leur avis sur le retrait de le loi. Les militant.es des syn-dicats Ufict CGT ont répondu présents dès son lancement en organisant des votations dans les entreprises de l’énergie partout en France. Tour d’horizon.

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MONTPELLIER Aller d’abord à la rencontre des salarié.es« Il faut organiser une votation travail à Montpellier ». C’est en ces termes que l’animateur régional Ufict m’an-nonce au téléphone la volonté du bureau national de l’Ufict CGT de contribuer fortement à cette votation citoyenne. Mais qu’est-ce que c’est ? « T’inquiète pas, je t’envoie tout ça par mail... ». Bon. On commence à s’y plonger, et on commence à se rendre compte que l’on dépasse largement le cadre d’un déploiement classique.Tout y est : un logo, du matériel de com classique, un site internet dédié, une forte présence sur les réseaux sociaux #votationtravail et votationtravail.frNous décidons de lancer la votation sur tous les sites de Montpellier avec un mode opératoire qui sera toujours le même : aller d’abord à la rencontre des salariés, bureau par bureau, exploitation par exploitation, en expliquant les enjeux et les modalités. En commençant par la direc-tion, et en ne se privant pas d’aller, aussi, là où ça nous fait mal, là où nous sommes moins présents voire minoritaires.Difficile de dresser un bilan à chaud de cette séquence, mais elle est déjà tellement riche en échanges, en points de vues parfois divergents… et des résultats qui plébiscitent notre positionnement sur cette loi et notre volonté de déploiement. Instaurer le débat, proposer aux agents, notamment à l’encadrement souvent soumis dans l’entreprise à un « devoir de loyauté », de s’expri-mer librement, c’est aussi participer à la prise de conscience et à la mobilisation !

Benjamin Ordon

SIÈGE GRDF À PARIS Une autre forme de mobilisation, plus accessible pour tous les collègues

Il pleut sur Paris ce mardi 31 mai, mais au siège social de GRDF à Condorcet, c’est une équipe de militants motivés, appuyés par Sophie Binet (secrétaire générale adjointe de l’Ugict)

et Priscille Cortet (secrétaire générale de l’Ufict mines énergie), qui se lancent dans la votation citoyenne… Dès 8h, le tract est distribué aux deux entrées du site. 1 200 personnes s’y pressent dont 500 prestataires externes « avec lesquels j’ai peu de contact » avoue Jean-Marc, délégué CGT du site. La votation aura lieu à 11h et tous les salariés sont invités à s’exprimer. Dix minutes avant, certains font déjà la queue dans le petit couloir menant au local SLV du comité d’entreprise. La direction de GRDF a pourtant tenté d’empêcher cette votation (pression envers les élus CGT ou encore menace d’interdiction

de cette votation dite « politique »). Il faut faire de la place sur le bureau chargé de dossiers, pour poser l’urne en bois qui en a vu d’autres. Le vote est ouvert. « C’est un sujet qui touche tout le monde » estime Catherine. « Nous n’avons eu aucune info jusqu’à aujourd’hui sur les journées d’action » déplorent deux salariés. « Alors cette votation est une très bonne initiative ! Que tout le monde s’exprime… pour se faire entendre ». Un homme indique avoir manifesté une fois en mai contre la loi travail « Je suis satisfait de cette autre forme de mobilisation », plus accessible pour tous ses collègues.

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C’est le mardi 7 juin qu’a eu lieu le scrutin intersyndical (CGT, Sud, FO) organisé sur les 3 sites parisiens d’EDF R&D (2 100 agents), et pour les Renardières, c’était le hall du res-taurant d’entreprise qui a été choisi. Mais au dernier moment, craignant que l’eau ne soit pas potable du fait des inondations, le restaurant a été fermé, mais c’est dans ce même hall que des bouteilles d’eau de source étaient distribuées : cela a contribué à faire venir les salariés EDF, mais aussi les prestataires, toujours nom-breux sur les sites EDF. Sur un site de 600 salariés EDF,

dont ¾ d’ingénieurs et ¼ de techni-ciens, 129 votants se sont exprimés (dont une vingtaine de salariés du privé et autant d’étudiants). Ils ont massivement demandé le retrait du projet de loi, et même si 33 ont voté contre, nous imaginons que nombre d’entre eux ont confondu voter CONTRE le projet Loi Travail et voter POUR le retrait…Un des prestataires qui ne souhaitait pas utiliser l’isoloir (fourni par la di-rection) a rempli son bulletin devant nous et a coché « Non » à la ques-tion : Faut-il aujourd’hui des droits nouveaux ? Pensant qu’il s’était

trompé, nous le lui avons signalé et il nous a répondu que ce n’était pas une erreur. Pour lui, depuis des années, tout ce qui est nouveau va plutôt dans le mauvais sens : il préfère donc en rester au statu quo. Une vingtaine de votants ont fait de même, alors qu’une centaine a voté POUR des droits nouveaux. Nous devons donc encore convaincre qu’ensemble, nous pouvons gagner des droits nouveaux progressistes !

Jean-Paul Rignac

La votation au siège était organi-sée les 31 mai et 2 juin sur le créneau de la pause méridienne.

Un appel a donc été fait à toutes les forces vives pour gérer cette initia-tive aux entrées et sorties des res-taurants d’entreprise, car ce sont 7 syndicats en tout qui appellent à cette initiative… mais heureusement des membres du bureau de l’Ufict, ainsi que d’autres de la coordination régionale ont pu, au pied levé, prêter

main forte, car il a fallu à tous beau-coup de salive pour expliquer la démarche, inciter à voter et à émar-ger. Il est parfois difficile d’arrêter un.e collègue en plein élan pour aller déjeuner et les techniques d’esquive sont nombreuses : le ventre gar-gouille, ce n’est pas le moment, il faut réfléchir, on verra plus tard… Certains s’indignent même avec des haussements d’épaules et/ou de sourcils, s’affirmant parfois pour la

loi Travail, tout en refusant pour la plupart de le traduire sur un bulletin de vote. D’autres, heureusement, ont apprécié la démarche, motivé.es à donner leur avis, allant jusqu’à nous remercier et même se syndiquer. Il faut de tout pour faire un monde mais à cette occasion, on voit que certain.es sont sur une autre planète : la planète Engie !

Carole Ballais

EDF R&D Renardières (77) Méfiance sur des droits nouveaux ?

CAMPUS DE FORMATION D’ENEDIS (EX ERDF) Rien ne remplace le contact humain !Dès le kit de votation mis à disposition, le Syndicat Energie Formation Distributeur (SEFD) s’inscrit dans la démarche, et organise le vote physique sur trois campus de formations : Lille, La Pérollière et Sainte-Tulle. Nous invitons le personnel des autres campus, à renvoyer leur vote par mail ou à trouver un bureau de proximité sur le site http://votationtravail.fr/D’entrée, on nous fait des remarques sur la formulation des questions : ce n’est pas clair pour tous ! Le 3 juin, jour du vote sur La Pérollière, l’urne située au bureau syndical ne se garnit que de 28 bulletins (mails et phy-siques) : un résultat très insuffisant en regard des votants potentiels. Nous décidons donc de prolonger le vote en installant l’urne à l’entrée de la restauration du campus, le lundi suivant. Après 1h30 de présence physique, les résultats augmentent très sensiblement avec 92 votants au total. Même constat sur le site de Sainte Tulle en allant au-devant des agents. Le syndicalisme numérique, c’est comme la formation numérique : ça ne marche pas ! Rien ne remplace le

contact humain et les échanges en prise directe avec les collègues. Nous le savions, et on en a eu la preuve : nous en sommes maintenant encore plus convaincus !

Thierry Thellier

Engie La Défense Certains sont allés jusqu’à nous remercier et même se syndiquer !

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livre

le récit d’une vie militante

C’est sur ces mots que commence le récit d’Eric, un homme qui n’a pourtant pas fait de surplace

dans sa vie. « 10 octobre 1995. Que de monde aujourd’hui sur le Vieux Port ! … Voilà plus d’une heure que nous atten-dons le départ du cortège, en faisant du surplace. »Electrique Cité, c’est le récit d’un parcours syndical mais surtout l’histoire d’une vie, car les deux ne font qu’un pour Eric : aucune frontière entre sa vie personnelle et son engagement syndical, ce dernier grignotant allègre-ment le temps et l’énergie de la première.

« Militer, ce n’est pas un travail, c’est un engagement »Eric raconte comment il est devenu administrateur à la CMCAS, puis juge aux Prud’hommes et secrétaire général de CGT Energie Provence. Il revient, avec émotion, sur ses combats ses victoires ses échecs, ses coups de gueule et ses blessures aussi. Il explique comment il s’est formé suite à son CAP d’électricien, a évolué et grandi, comment son expé-rience aux Prud’hommes a changé radicalement son rapport aux autres.

« Je comprends ce qu’il voulait dire : la vie est courte »Issu d’une famille de travailleurs,

à travers cet ouvrage, il rend aussi hommage à sa famille. On peut lire dans ses mots, toute l’émotion d’Eric quand il évoque son père, militant CGT lui aussi, la polenta de sa mère qui a voué sa vie à ses enfants, son grand-père, résistant bourguignon qui lui a appris à faire des ricochets. Et puis, il y a Denis, ce frère disparu en 2003, ses frères et sœurs qui lui

ont donné le goût de la fraternité. Et bien sûr Josette, l’épouse qui l’a toujours soutenu dans ses combats. Et des combats, il y en a eu dans la vie d’Eric…

« Il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’acquis sociaux. Je ne connais que des conquêtes sociales »Ces mots ont une résonance parti-culière dans la période actuelle. Eric a connu, en tant que militant, tous les mouvements sociaux de ces 30 dernières années. Du conflit de 1995 contre le plan Juppé, à celui d’au-jourd’hui contre la loi El Khomri, en passant par la lutte pour les retraites de 2010, et tous les combats contre

la privatisation d’EDF et GDF… le parcours d’Eric est jalonné de ces épisodes dont il nous fait partager sa vision, aussi bien dans la victoire que dans la défaite. Il nous rappelle que la lutte pour les droits des salariés est perpétuelle, et que c’est toujours aussi vrai en 2016 !

« En menant cette lutte,je deviens un homme libre »A l’heure où il publie ce livre, Eric a renoncé à ses fonctions syndi-cales pour passer du temps avec sa famille. Il a réintégré Enedis en tant que formateur et partage son expé-rience et son savoir-faire au sein du Campus de Gardanne. S’il a changé de vie, il n’a pas pour autant renoncé à la lutte. Il continue son combat pour un monde meilleur, contre la haine et les injustices.

Eric Sordet est aujourd’hui formateur et responsable du Campus Enedis (ex-ERDF) de Gardanne. Il nous livre dans son ouvrage, avec beaucoup de sincérité, les étapes de son parcours militant.

Faire avec les salariés, et non uniquement pour les salariés

Electrique Cité Eric Sordet Editions des Fédérés 2016

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Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?Eric : Je craignais que mon expérience militante se dilue peu à peu dans ma mémoire et qu’elle ne puisse donc pas bénéficier à d’autres. J’ai pris du temps, plus de deux années, pour réfléchir et mettre en ordre les idées prin-cipales que je voulais aborder avant de commencer à écrire. Ce livre, je l’ai écrit pour mes proches, mais aussi pour les militants, notamment les plus jeunes, et pour les salariés, afin de leur faire partager la vie d’un homme engagé.

Comment s’est fait ton choix des Éditions des Fédérés ?Dans un premier temps, j‘ai adressé mon manuscrit à plusieurs maisons d’éditions. J’ai rapidement reçu trois réponses positives. Je me suis alors dit que mon livre pouvait intéresser les Editions des Fédérés, et vu leurs difficultés financières, j’ai décidé de leur reverser l’inté-gralité de mes droits « Pour que vive la Marseillaise » (voir encadré).

Quel regard portent tes proches et tes collègues sur ta démarche d’écriture et d’édition ?Cet ouvrage plait beaucoup à mes proches, car ils m’y re-trouvent vraiment. Je sens beaucoup de respect, aussi, de la part de mes collègues avec qui je prends plus de temps aujourd’hui pour discuter que lorsque j’étais permanent du syndicat. Avec le poids des responsabilités en moins, j’ai certainement l’esprit plus propice aux échanges... Si certains me disent que je suis fou de reverser l’intégra-lité de mes droits d’auteur pour une cause qui me semble juste, mes proches en sont plutôt fiers !

Quelle analyse fais-tu de la situation sociale actuelle ?Le camp des possédants ne renonce jamais à reprendre

par tout moyen ce que les travailleurs ont gagné par leurs luttes. C’est encore et toujours le cas aujourd’hui avec la loi El Khomri. Les employeurs voudraient nous faire croire qu’ils ont besoin d’assouplissement du Code du Travail pour pou-voir licencier, mais mon expérience aux Prud’hommes m’a montré que de nombreux salariés sont jetés comme des « kleenex ». Le niveau des condamnations n’est pas à la hauteur de la souffrance engendrée chez ces per-sonnes. Les 1% les plus riches de la planète détiennent plus de richesses que les 99% restants, pendant que des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, y compris dans notre pays. Stop ! Ça suffit ! Il faut plus de protec-tions et de pouvoir d’achat pour vivre dignement : c’est tout le contraire de la loi travail.

Avec ton expérience, quel diagnostic tires-tu de la situation actuelle des syndicats ?Nous devons mettre plus de moyens militants sur le terrain, en proximité des salariés et pas seulement des permanents syndicaux : nous avons besoin de relais mili-tants qui assurent un lien avec les structures syndicales. Il faut prendre garde à ne pas couper les élus du per-sonnel de la réalité du quotidien des services. La cause des salariés ne progressera pas nécessairement dans les salons feutrés des patrons ou dans les Institutions Repré-sentatives du Personnel. Il faut faire avec les salariés, et non uniquement pour les salariés. Nous sommes souvent trop frileux pour proposer à nos syndiqués de s’impli-quer, chacun à son niveau. Ce n’est qu’en responsabili-sant chacun que nous parviendrons à faire progresser la cause de tous les salariés. Militer, ce n’est pas un métier. J’ai conscience que cela demande de revoir profondé-ment nos pratiques syndicales, mais comme cela s’est passé pour moi, je suis persuadé que d’autres peuvent s’y atteler.

Si tu n’avais qu’un message à laisser, quel serait-il ?L’idée que rien n’est impossible quand on y croit et qu’il faut s’engager pour y parvenir. Chacun peut apporter sa contribution à la lutte, se battre contre les programmes libéraux et, dans ces périodes troublées, combattre au quotidien les idées nauséabondes de haine véhiculées par le Front National. C’est primordial pour redonner l’espoir d’un monde meilleur. n

De toi à moi…

Les Editions des Fédérés, dont le nom se réfère aux Marseillais partis en 1792 jusqu’à Paris en entonnant le Chant de guerre de l’armée du Rhin devenu ensuite l’hymne national, est la société éditrice du journal quotidien régional La Marseillaise (50 journalistes et des dizaines de correspondants locaux), qui est diffusée sur 6 départements. Depuis octobre 2015, au rythme d’un livre par mois, son activité d’édition est en plein développement. Plus d’informations sur www.lamarseillaise.fr

Eric Sordet

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1936 une histoire d’hier et d’aujourd’hui

Une des avancées du Front populaire réside dans l’instauration des conventions collectives qui ont constitué la première hiérarchie des normes avec des accords collectifs fixant des minima salariaux de branche pour lutter contre le dumping

social et assurer une égalité minimale. Une garantie des droits remis précisément en cause avec l’Article 2 de la loi travail et son inversion de la hiérarchie des normes.

L’appropriation du temps par les salariésDeux conquêtes majeures de 1936 : la semaine de 40 heures et les congés payés pour tous. Cette libération de temps (voir enca-dré) va être à l’origine d’un grand mouvement d’émancipation permet-tant un accès démocratisé à la culture, aux loisirs, aux vacances mais aussi une participation plus grande du monde du travail dans la vie publique, asso-ciative ou citoyenne. Ainsi, l’économie du tourisme en France ne doit-elle pas autant au droit aux congés payés qu’à sa géographie ? Certes l’exercice de ce droit pour tous reste à conquérir : la moitié des Français sont privés de vacances ! 1936 est une concrétisation du lien entre progrès social et technologique. En 2016, c’est dans un contexte renouvelé que se pose cette problématique : la frontière entre espace de travail et espace privé est rendue plus floue. Le numérique, s’il offre des souplesses d’organisation, se traduit le plus souvent par une intensification du travail et une productivité accrue. De nouvelles revendications se font jour comme une nouvelle réduction du temps de travail, ou un droit à la déconnexion.

Un contexte plus différent qu’il n’y paraît1936, c’est la conjugaison de l’arrivée de la gauche au pouvoir et d’un mouvement social d’une grande inten-sité. Un mouvement syndical uni après la réunification deux ans avant de la CGT et de la CGTU. Or, chacun

est à même de constater que cette conjugaison est absente aujourd’hui, du fait d’un syndicalisme en repli d’audience et d’une gauche au pouvoir ayant opté pour le libéralisme. Le Front populaire nous indique ainsi la nécessité de reprendre le chemin d’un syndicalisme de masse, ouvert, laissant de l’espace aux salariés.es pour construire leurs revendications et les formes d’action. Quant à la construction d’un nouveau syndicalisme de masse, elle ne peut faire l’économie du débat sur les conceptions qui s’affrontent autour des rapports sociaux. L’une qui cherche à individualiser les rapports sociaux en tentant de faire disparaître les droits attachés au salariat et à faire de chacun des salariés des individus

atomisés et inter-dits d’organisation collective. L’autre qui envi-sage la transforma-tion des rapports sociaux à partir de droits collectifs,

évolutifs, qui défendent et sécurisent les salariés.es. Ne pas coloriser les images d’un passé mystifié, mais tirer quelques enseignements pour les combats actuels, c’est la meilleure façon de faire la fête au Front populaire. n

1936, ses occupations d’usines, ses manifestations, ses conquêtes puis les premières vacances. 1936 et le bonheur de disposer de temps pour soi. 80 ans plus tard, que nous disent ces images sépia des enjeux d’aujourd’hui ?

1853 : Napoléon III accorde quelques jours aux fonctionnaires des mairies1900 : les électriciens et gaziers, les salariés du métro, du livre disposent d’une semaine de congés payés 1936 : 15 jours pour tous les salarié.es1956 : la troisième semaine1969 : la quatrième semaine1982 : la cinquième semaine

Histoire des Congés payés

1936 est une concrétisation du lien entre progrès social et progrès technologique

célébration

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