milieux insulaires et capacité de charge

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Edieur: Cipriano Marín Coodination: RITME (Réseau insulaire tropical et méditerranéen) Publication: iNSULKA - International Journal of Islands Affairs

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Page 1: Milieux Insulaires et Capacité de Charge
Page 2: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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Teleinsula.com est un serveur sur internet qui propose des informations de caractereinternational sur les applications télématiques en faveur d'un développement insulairedurable.

Ces informations sont présentées par secteurs d'activités, par le récit d'expériencesmenées et par programmes de coopération internationale. Ce serveur proposeégalement I'initiative européenne de réseau de services insulaires .

Ce serveur permet ensuite d'accéder El certains services publics comme lavidéoconférence, les groupes de discussion ou «chats», les forums et les news groups.Des informations sur le mode d'emploi de ces différents outils sont également proposés.

http://www.teleinsula.com

Page 3: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

Le dilemme insulaire

En1994, les iles et les petits Etats insulaires ont organisé a laBarbade leur propre version de la Conférence de Rio. Cetterencontre a fait date dan s I'histoire des iles de la planete.

Les régions insulaires définissaient de cette maniere leur propreconception de l' Agenda 21, en d'autres mots, le chemin spécifi-que qu' elles devaient suivre pour un développement durable. Maisil faut rappeler que, au-dela du simple slogan touristique, les ilessont véritablement différentes.

Les réflexions sur les défis que les iles doi vent relever et sur leuroptions pour l' avenir se sont multipliées ces dernieres années. Des1982, la question des iles est apparue au sein la communauté inter-nationale lors de l' application de la Convention des Nations uniessur le droit maritime. Mais, il faudra attendre dix ans, en 1992, pourque l' Agenda 21 , fruit de la Conférence de Rio, affirme de faconprécise que les iles occupent une part essentielle dan s la stratégiemondiale du développement durable. Le chapitre 17de l' agenda 21affirme ainsi que «les iles représentent un cas particulier, tant pourl' environnernent que pour le développement, et elles présentent desproblemes tres spécifiques pour la planification du développementdurable. Elles tendent a étre sur le plan écologique, fragiles et vulné-rabies». A leur passif, leur petite taille a chacune, leurs ressourceslimitées, leurdispersion géographique et leur isolement des mar-chés qui les situent en situation de handicap économique et qui lesempéchent d' avoir des économies d' échelle ... «L' isolement géo-graphique implique qu' elles possedent un nombre relativement élevéd'especes singulieres de flore et de faune, d'oü le fait qu'elles réu-nissent une part tres importante de la biodiversité mondiale. De lamérne maniere, elles ont des cultures riches et diverses particulie-rement adaptées au milieu insulaire»,

La Conférence de la Barbade présente en outre dans son avant-propos, une attitude commune, la reconnaissance de la force del' insularité vis-a-vis de la communauté internationale: «Nous ob-servons que, bien que individuellernent les iles et les petits Etatsinsulaires représentent des territoires réduits, collectivement ilsexercent une juridiction sur un sixierne de la surface de la terre».Et ce, dan s compter I'influence des autres milliers d'iles qui dé-pendent administrativement des Etats continentaux. L' esprit de laBarbade a perduré et a été actualisé dans ce sens trois ans plustard, lors de la 1re Conférence européenne sur le développementdurable des iles, oü les fondements d'un Agenda insulaire pour ledéveloppement furent définis de facon plus précise.

L' apparition de cette nouvelle mentalité insulaire a la veille duxxre siecle présente un point commun, la constatation de la partdes sociétés insulaires que la richesse et la diversité du patrimoinenaturel des iles sont sérieusement menacées, et que les stratégiesde sauvegarde de ce patrimoine doivent reposer sur des budgetsspécifiques. 11ne s' agit pas d' une situation nouvelle. La colonisa-tion des territoires insulaires sur la base de productions hyperspécialisées et superposées au territoire est une pratique com-mune depuis plus de trois cents ans. La plupart des iles de laplanete a fait l' objet de transformations profondes du fait qu' on lesa considérées comme plates-formes périphériques de production:sucre, bananes, thé, peche, nitrates ...

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

,PREFACE

Mais aujourd'hui déja, une nouvelle monoculture ajailli avecune force inusitée aux yeux des insulaires: le tourisme. Un phéno-mene ambivalent qui apporte des ressources nécessaires aux éco-nomies insulaires, mais dont la capacité d' occupation etde concur-rence territoriale a des effets imprévisibles. D' apres les chiffres de1'0MT (Organisation mondiale du Tourisme) portant sur le nombred'arrivées internationales, les iles seraient devenues la secondedestination touristique mondiale apres les villes historiques.

Pour se faire une idée du phénomene touristique insulaire, ilsuffit de comparer la densité normale de logements touristiquesdan s certaines des iles de I'Union européenne les plus spéciali-sées dan s le tourisme. On trouve ainsi des densités de logementsvacanciers qui oscillent entre 75 et 150 places au kilornetre carré,soit des chiffres bien supérieurs dans de nombreux cas au taux dedensité normal de population de zones peuplées du continent.Toutefois, si I'on compare en termes d'affluence, les résultatssont encore plus saisissants: les iles grecques recoivent plus detouristes que le Brésil, les Baléares un nombre similaire a celui duPortugal et les iles Can aries recoivent deux fois plus de visiteursque toute l' Afrique du Sud, la grande destination africaine émer-gente, qui accueille prés de 5, 5 millions de touristes.

Ainsi, les iles idéalisées par les naturalistes, les iles de Rous-seau, Linné ou Darwin, ces mémes territoires qui émerveillerentHumboldt, devront faire face a des défis tres complexes dans lesannées qui viennent. En fait, cette réaction a déja commencédepuis plusieurs décennies. Il suffit de regarder la grande partd' espaces protégés existant dan s les iles par rapport au continent.A titre d'illustration, 30% du territoire de la Nouvelle Zélande, cetarchipel complexe avec ses plus de trois cents iles, est protégé; eten.ce qui concerne les Canaries, 42% du territoire de l'archipel estprotégé sous une forme ou une autre prévue dan s la loi sur lesespaces naturels. Ces pourcentages sont tout simplement inima-ginables sur le continent.

Malgré cela, la vulnérabilité, l'échelle territoriale et les diver-ses formes de colonisation de l' espace insulaire représentent desdéfis de gestion dont la complexité est infiniment supérieure acelle du continent. Et c'estjustement I'un des plus importantsappels lancés a la communauté internationale a partir de l' optiqueinsulaire, car l' effort que les communautés insulaires doivent réa-liser face aux nouveaux défis du progres est nettement supérieuren termes relatifs a celui réalisé par le continent.

La constitution du RITME (Réseau insulaire tropical et méditer-ranéen) associé a INSULA, s' inscrit pleinement dans ce nouveaucourant, en abordant un theme a la fois complexe et controverséd' un point de vue scientifique: la question de la capacité de charge.La recherche d' instruments et de méthodologies intégratives per-mettant d' obtenir des indicateurs fiables pour le développement desiles est aujourd'hui un devoir inéluctable. Dans ce sens, la réflexionscientifique que cet ouvrage propose et les cas choisis constituentun excellent test a I'heure d'évaluer les efforts insulaires pour ré-pondre aux défis que nous apportent les temps nouveaux.

par Cipriano MarinInsula

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Page 4: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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•InaulaRevue internationale sur les questions insulaires

ISSN 1021 - 0814Février 1999Anneé 8 Dossier

Direction éditoriale:

Rédacteur en che]:

Pier Giovanni d' Ayala

Coordinateur éditoria/:

Cipriano Marín

Comité scienujique consultau]:

Prof. Sal vino Busuttil, MALTEDr. Ronald G. Parris, BARBADEProf. Nicolas Margaris, GRECEProf. Patrick unn, FUI

Prof G. Prakash Reddy, lNDlAProf. Hiroshi Kakazu, JAPON

Dr. Henrique Pinto da Costa, SÁO TOMÉ E PRlNClPEProf. Lino Briguglio, MALTE

Coordinatioll techllique:

Giuseppe OrlandoEleana Felici

Conception gtaphique:

Luis Mir Payá

Publié par lNSULA, the International Scientific Council for IslandDevelopment, avec le soutien de I'UNESCO.

Les article pubJiés dans cette revue ne reflétent pa obligatoirementles opinion de Insula ou de l' ESCO.

Reproduction interdite sans I'accord préaJable de l'éditeur,

tnsula .la revue internationale sur les questions in ulaires e tdistribuée gratuitement aux membres individuels et in titutionnelsde INSULA. Pour tout abonnement, veuillez écrire a:

•Ins'ulae/o U ESCO1, rue Miollis

75732 Paris, FRA CETe!': +33 l 45.68.40.56, Fax: +33 1 45.68.58.04

E-mail: [email protected]

Imprimépar: TENYDEA S.L.lles Canaries, Espagne

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SOMMAIRE

PRÉFACE Cipriano MARIN 3

PRESENTATION Gil/es MANDRET, Rémy HUGON 5

APPLlCATION DE LA NOTION DE CAPACITÉ DE CHARGE AUCONTEXTE INSULAIRE: MYTHE OU REALlTÉ? Gilbert DAVID ..... 7

ELEVAGE ET INSULARITÉ DANS L OCÉAN INDIEN :NOTIONS DE CAPACITÉ DE CHARGE Gllles MANDRET 13

APPORTS ET CONTRAINTES DE LA NOTION DE CAPACITÉ DECHARGE AU DÉVELOPPEMENT INSULAIRE DANS UNE LOGIOUEDE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ ET DURABLE: OUELOUESPISTES MÉTHODOLOGIOUES Hetene REY.. 19

CAPACITÉ D'INTÉGRATION DE NOUVELLES ORGANISATIONSDE MARCHÉ POUR LES ECONOMIES INSULAIRES:Exemple de la Banane d'Exportation ,¡Rémy HUGON .. . .. 25

OUTIL DE DIALOGUE ET DE COMMUNICATION DANS LES PECHES:LATLAS DE VANUATU ET SES IMPLlCATIONS POUR LEDEVELOPPEMENT by Espérance CILLAURREN 29

ORGANISATION SPATIALE ET DISCONTINUITÉ: OUTILS ETMÉTHODES D' INVESTIGATION Isabel/e MOR. ... .. 35

DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE' ET CAPACITÉ DE CHARGEDES LlTTORAUX EN MILlEU TROPICAL INSULAIRE: LEXEMPLEDE LiLE DE MAHÉ (Archipel des Seychelles, Océan Indien)by Virginie CAZES-DUVAT..... . .. 41

REPENSER LA GESTION DES ZONES HUMIDES COTIERESA MADAGASCAR? byJacques ILTlS 47

LA PLAINE OCÉANIOUE ABYSSALE ET LASSAINISSEMENTDES PETITES iLES: LE CAS DE LA POLYNÉSIE FRAN~AISE

Ir ROUGERIE 53

CAPACITE D'ACCUEIL ET GESTION DES SITES NATURELSDES HAUTS DE LiLE DE LA REUNION Rel/e ROBERT 57

LE TOURISME RURAL DAN S LA DERNIERE ETAPE DUNOUVEAU MODELE TERRITORIAL DE LiLE DE MAJOROUE

Jaume BINIMELlS AntoI1I GINARD Joam u1arraSEGUI 61

LOGIOUES UTILlTARISTES ET LOGIOUES SOCIALES: ASPECTS DELEXPANSION DE LELEVAGE BOVIN EN MILlEU MÉLANÉSIEN DENOUVELLE-CALÉDONIE Pafrrck PILLON 65

UN MILlEU CONTINENTAL ENCLAVE: LA CUVETTE DU LAC DE R'KIZ(Mauritanie) "G. FORGIARINI F BESSE I TOURE,G. MANDRET. 71

ORGANISATION SOCIALE, GESTION DE LESPACE ET DESRESSOURCES EN MILlEU INSULAIRE" Jeen-Pietre DOUMENGE. 75

Page 5: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPAClTf DE CHARGE •••

PRESENTATION

RITME* (Réseau Insulaire Tropical etMéditerranéen)rassemble des scientifiques et des professionnels(France, Espagne, Italie, Chypre, Malte, Maurice,

Trinidad etTobago, Canada) sur l' étude scientifique des écosys-temes insulaires, cornme des structures sociales et économiques,a travers un type d' approche qui permet d' appréhender globale-ment les facteurs limitant du développement et de concevoir desmodeles de développement durable des iles. Ce développementest abordé avec la prise en compte de plusieurs écheUes de tempsetd' espace permettantde couvrir la grande diversi té des réalitéssocio-économiques et techniques. L' approche méthodologique dufonctionnement des milieux insulaires est faite a l' échelle localemais aussi régionale, avec des équipes pluridisciplinaires qui tra-vaillentsur les milieux littoraux etmarins (halieutique, urbanisme ...)et sur les milieux terrestres (Agriculture et Elevage) tout en tenantcompte du développement des activités de loisir et de tourisme.En effet, ilest indispensable pour avoir une bonne perception dessystemes insulaires de travailler sur deux échelles :• régionale, av~ une dynamique des flux interiles,• tenitoriale avec une dynamique des flux interne al 'ile,

L'approcheRITMEréunitdeséquipespluridisciplinaires(agro-nomes, écologues, sociologues, politologues, économistes, socio-économistes, géographes, cartographes, urbanistes, architectes ...),

tant du monde scientifique que professionnel, impliquées dansdes problématiques du milieu insulaire. Fort de cette capitalisa-tion de connaissance, et de son actualisation permanente par lesactivités de chacun, RITME propose de travailler autour de troisaspects principaux permettant la définition et l' élaboration d' indi-cateurs de développement durable des milieux insulaires:

1)Elaboration d'un cadred' approcheoriginal par l' échellerégio-nale pour appréhender la question du développement et de l' amé-nagementrural desécosystemes insulairescaractérisés par:-leur isolement,-les ressources natureUes et humaines limitées,-les contraintes spécifiques en termes decompétitivité pour l' es-pace et les ressources face a un fragilité particuliere, a la foisenvironnementale et économique.

2) Mi se en place d'une démarche novatrice, d'un pointde vueméthodologique, intégrantau niveau de "régions insulaires"desapproches diversifiées (systérniques, filieres, thématiques ...) pardes équipes pluridisciplinaires. Plus rapidement qu' une approchemonodisciplinaire, elle permet de générerdes plus-values au plandu développement économique et social, et de favoriser une dy-namique régionale.

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Page 6: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

IESEAU INSULAIR T OPICA Mt RRA

3) Prise en compte des préoccupations de la société pour sonenvironnement naturel a travers l'objectif de durabilité du déve-loppement

RITME peut travailler sur d' autres thernes de recherches enfonction des demandes des participants ou de l' émergence deproblématiques dont l' étude présenterait une priorité reconnue.

Dans une prerniere phase RITME a organisé un atelier intema-tionalles 1et 2 décembre 1997 a Montpellier (France) sur letherne de "la capacité de charge" des milieux insulaires.Ce theme vise a analyser la viabilité économique et sociale de cesmilieux en termes de seuils de boule-versements a ne pas dépas-serdans chaque domained'intervention de I'homme (limitesqu' une ile peut supporter pour son développement par rapport auxobjectifs et aux réalisations). TI permet de prendre en compte ladynarnique des acteurs dans un espace réduit, notarnment parl' étude du tissu des entreprises et des niveaux de décision, etd'analyser les capacités d'intervention du réseau. TI s'agitd'untheme fondamental pour le développement des iles comme desterritoires enclavés. Une page web sur le site d'Insula(www.insula.orglritrne/) représente les résumés de la plupart descommunications qui ont animé cet atelier.

Ce numéro présente des rétlexions approfondies sur lacapacitéde charge en milieu insulaire avec des exemples d' applications

concemant le tourisme et l' élevage, des méthodes et outils dereprésentations et des exemples de réalisation ou proposition no-vatrice en milieu insulaire qui peuvent avoir valeur de modelepour les Iles intertropicales. C' est le cas pour la gestion des dé-chets, sujet fort crucial dans les espaces insulaires, en proposantune solution novatrice de traitement des ordures par une solutionabysaUe. L'exemple de l' atlas de Vanuatu en tant qu' outil de dia-logue et de communication dans les péches peut aussi avoir va-leur de modele.

La notion de capacité de charge est parfois contrebalancéepar un déterminisme d' ordre culturel, social, économique oupolitique. Lorsque la dimension politico-sociale des effets demarché modifie les rapports de forces, la notion de capacité decharge, qui est intéressante pour obtenir des équilibres aux ni-veaux méso et micra, est totalement inopérante et hors coursedu faitdes déséquilbres a l' écheLlemacra, déséquilibres impul-sés par l' économie mondiale et sur lesquels l' espace insulairen' a aucune prise.

D'une maniere générale iIest important de poser le problemede la capacité de charge d' un milieu en termes de production,d' environnementet de phénomene de société, d' aménagementdu territoire et de gestion de l' espace insulaire, mais aussi entermes de recherche d'un équilibre entre ressources, espaces elacteurs.

Gil/es MANDRfr', RémyHUGON"

* Créé en avril 1997, le Réseau Insulaire Tropical et Mediterranéen est coordonné par le Cirad (O. Mandret et R. Hugon),BP 5035, 34032 Montpellier Cedex I France, en collaboration avec des membres de l'Orstom, du Cheam, du C RS, del'Inra, des universités de Montpellier I et 3, de Nice, de Perpignan, de Bordeaux, de St Denis de La Réunion, de I'Ifremer,de Creocean, de I'institut d'architecture de l'université Venise, de l'université de Basilicata en Italie, de l'université desBaléares, de l'université Me Master au Canada, du Conseil de l' Agriculture de la Peche et de l' Alimentation des Canaries,de la rnunicipalité de Limassol a Chypre, de la Mauritius deer farming cooperative a Maurice, du Cardi a Trinidad etTobago, de I'observatoire océanographique européen de Monaco, de la fondation des études internationales de Malte.RITME est associé a Insula (Unesco) et comprend 60 membres.** Cirad, B.P. 5035, 34032 Montpellier Cedex 1France.

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Page 7: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITE DE CHARGE •••

APPLICATION DE LA NOTION DE,CAPACITE DE CHARGE AU CONTEXTE,

INSULAIRE: MYTHE OU REALITE ?Gilbert David'

Résumé

Cet article discute de la pertinence de I'emploi de la notionde capacité de charge dans les contextes insulaires, L'ile estbien plus complexe qu'un páturage et la recherche d'indica-teurs globaux de capacité de charge intégrant I'ensemble desrapports "activités anthropique - environnement insulaire"releve de l'illusion. En revanche, la capacité de charge peutétre pertinente dans le cas d'activités sectorielles comme letourisme. Acoté d'indicateurs globaux, comme la fréquenta-tion touristique maximale, qui restent tres réducteurs, il estsouhaitable de développer une batterie d'indicateurs formantun tableau de bord pour piloter la fréquentation touristiquedans le cadre d'une gestion intégrée du littora\.

Mots e/ef: capacité de charge, tourisme, iles, développementdurable, gestion intégrée des zones cótieres, Océan indien.

Abstract

The stocking rate is usually used in tourism studies toassess the maximum human pressure on natural environments.In this paper several indicators of stocking rate are discussedin the context of tourism in Mauricius and La Reunion. Theglobal indicators as the number of visitors / total area of theisland or the lenght of the coast, or the beaches area, or theisland population are not enough precised. There is crucialneed to build a synthetic indicator. This indicator should takeinto consideration several parameters : the coastal tourismpopulation and infrasructures concentration, the damage onthe reefs ecosystem, the local employment, the supply offreshwater and the sewage system. More numerous are thepa ameters, more precised is the description of the situationbut more difficult is the aggregation of the parameters into asynthetic indicator, especially social and cultural parameters.Despite very difficult to quantify, they are very valuableparameters to understand the dynamics of the tourists per-ception by the local population and the perception ofMauricius and la Reunion by the visitors which are key con-cepts to assess the sustainability and vulnerability of thetourism economy in small islands.

Key words: stocking rate, tourism, islands, sustainabledevelopment, ICZM, lndian Ocean.

'/RD, Centre ORSTOM de Montpellier, LEA B.P. 5045, 34032 Montpellier cedex 1, France

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Page 8: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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La notion de capacité decharge fai t partie de larhétorique qui accompagne la

notion de développement durable. Sonemploi tend a se généraliser parmi les or-ganisations intemationales. Labo-ratoirespour l' analyse des relations hornme-mi-lieu-ressources, les iles sont les espacesidoines pour tester sa pertinence. Dans unepremiere partie sera discutée l' applicationde la notion de capacité de charge a l' en-semble d' une ile, via la métaphore del'ilepáturage, Dans une seconde partie, la ca-pacité de charge sera appliquée a une ac-tivité sectorielle: le tourisme, les exemplesde la Réunion et de Maurice permettantd' examiner la pertinence de plusieursestimateurs globaux, syn-thétiques et res-treints de capacité de charge touristique.

La metaphore deI'ile paturage

LA CAPACITÉ DE CHARGE,UNE DÉFINITION OUVERTE

La notion de capacité de charge est cou-rarnment employée pour gérer les ressour-ces naturelles. Elle a été introduite par lespastoralistes qui la définissent par le nom-bre maximum d'herbivores qui peuventpáturer une surface donnée sans détério-ration de la végétation durant un tempsdéterminé (Hervé, 1998). Cette définitionpeut étre aisément élargie al' ensembledes milieux naturels et correspond alorsau nombre maxirnum ou optimum d' ani-maux qu'un territoire peuttolérer sans quela ressource végétale ou le sol ne subis-sent de dégradation (de Bonneval, 1993).Appliquée al' espece humaine, cette défi-nition renvoie a la notion de seuil critiquede densité de population que peut suppor-ter un espace donné, seuil a ne pas dépas-ser au risque d' endornmager le milieu na-turel et de compromettre la pérennité desactivités économiques faisant vivre cettepopulation -si on integre la composante

8 Notion de capacité de charge

environnementale dans la définition- ou,tout simplement, seuil au dela duquellescapacités productrices de l' espace sontinsuffisantes pour répondre aux besoins dela population. Le seuil critique de densitéde population peut alors étre assirnilé a unseuil de surpopulation, notion qui depuisMalthus nounit d' ápres discussions parmiles démographes, les écologues, les éco-nomistes et les géographes et qui a faitl' objet d' une abondante littérature depuisla date de parution du premier rapportMeadows sur les limites de la croissanceen 1971.

Cette simplicité de la notion de capacitéde charge explique largement sa diffusion.Sa quantification se ramene généralementa un calcul de densité ou de ratio soit entredeux grandeurs de rnéme nature, soit en-tre un effectif et une distance; et de ce fait,la capacité de charge revét une dimen-sion normati ve, fort appréciée des gestion-naires et des décideurs. Un seuil ayant étéfixé pour une activité et un milieu donnés,il suffi t de ne pas le dépasser pour con ser-ver le milieu en l' état et pérenniser ainsil' activité.

CE QUI EST VRAI POUR UNPATURAGE, NE L'EST PASTOUJOURS POUR UNE ¡LE

Aussi facilement que la clóture séparela prairie de son espace environnant, lamer délimite I'íleoAu dela de cette analo-gie spatiale, la métaphore de l'ile páturageinterroge sur la possibilité d' appliquer lanotion de capacité de charge aux ensem-bles insulaires dont les écosystemes pré-sentent une structure et un fonctionnementbien plus complexeque lepáunage, AI'ho-mogénéité de ce demier en termes d' es-peces végétales páturées cornme d' ani-mal con-sommateur et d' acti vité écono-mique -1' embouche et/ou la productionlaitiere - répond l' hétérogénéité de l' es-pace insulaire et des activités économi-ques qu' il porte. Or la métaphore de I'ile

páturage gornme cette hétérogénéité auprofit d' une valeur moyenne repré-sentantla pression s'exercant sur le milieu, pla-cée en numérateur du ratio exprimant lacapacité de charge, et d' une autre valeurmoyenne, placée en dénominateur, repré-sentant la taille du milieu ou des ressour-ces qu' il porte. De prime abord, appliquerla notion de capacité de charge a une ileentiere, ou, afortiori , al' ensemble d' unarchipel apparait done cornme tres réduc-teur. Ce caractere réducteur est accentuépar le fait que la capacité de charge estconsidérée comme constante dans letemps.

Cette pérennité temporelle du seuil cri-tique a ne pas dépasser renvoie a une con-ception «c1assique»,tres statique, de l' équi-libre en écologie, dominée par la notion declimax. Elle renvoie également a la for-mulation mathé-matique de la capacité decharge, représentée par un modele logisti-que dans lequella capacité de charge nedépend que de la taille de lapression anth-ropique et de son taux d' accroissementintrinseque, constant au cours du temps.Selon ce modele, toute fluctuation de lapression anthropique tend a se stabiliseren une valeur constante correspondant a

St Denis de La Réunion:le relief escarpé est une puissantecontrainte au développement urbain

Page 9: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

la capacité de charge, attracteur stable dela dynamique de la pression anthropique(le Fur, 1998). Or, les recherches de ces30 dernieres années ont montré que leséquilibres étaient essentiellement dynami-ques (FrontieretPichot- ViaJe, 1992). Entoute logique, la capacité de charge de-vraitdonc s'inscrire dans un équilibredy-namique entre d' une part une pression an-thropique qui fluctue selon sa dynamiquepropre - dont la démo-graphie est la com-posante principaJe - et selon la réponse dumilieu etd' autre partladynamiquedu rni-lieu qui se compose égaJement d' une dy-namique propre, a laquelle se surimposeune dynamique adaptative a la pressionanthropique.

L' hétérogénéité de l' espace et des acti-vités qu' iJporte, ainsi que les fluctuationstemporelles de ces dernieres, sont les deuxprincipaux enteres de différenciation en-tre le páturage et l'ile qui invalident lamétaphore de I'ile páturage, La nature del' équilibre entre le milieu et l' agression oula pression dontil fait l' objetest un troi-sieme critere, Dans un páturage, cet équi-libre est le fait d'un gestionnaire des res-sources qui modifie la pression sur le rni-lieu de maniere a ce que celui-ci recouvreson potentiel productif. Ce mode de régu-lation «active» se retrouve dans toutes les

activités requérant une gestion al' équili-bre des ressources renouve-Iables. Dansles iles, a cette régulation «active» se con-jugue unerégulation «natnrelle», fruitdesinteractions négatives entre le milieu et lespopulations qui l' agressent. Ainsi, les dy-namiques intrinseques au milieu ou auxressources qui le peuplent et aux popula-tions qui les exploitent peuvent faire l' ob-jet de rapides ou profondes transforma-tions, susceptibles de fortement perturberla dynamique globale de la relation rni-lieu-population. Les risques naturels,cornme les cyclones ou les sécheresses,ou les mouvements sociaux et politiquesen sont lacause (Doumenge, 1983; Dupon,1988 ;Stoddart et WaJsh, 1992). Les unscomme les autres échappent totalement ala notion de capacité de charge qui, unefois encore, s' avere trop réductrice.

Faut-il aJors rejeter de maniere défini-tive la notion de capacité de charge enmilieu insulaire? Oui si la capacité decharge est présentée cornme un parame-tre devant intégrer l' ensemble des milieuxetdes activités insulaires. Non, si elle s' ap-plique de maniere plus restreinte soit a unsecteur d' activité unique, soit a un seulmilieu ou a une unique ressource, cornmeva le montrer l' exemple du tourisme insu-laire.

Capacité de charge etpression touristique

Le tourisme est le secteur dans lequellanotion de capacité de charge est la pluscourarnment employée. L' organi-sationmondiale du tourismel'adéfmiten 1981cornme «le nombre máximum de touris-tes visitantau rréme moment un sitedonnésans causer a l' envi-ronnement aucunedestruction d' ordre physique, biologique,éconornique, et socioculturel ni une inac-ceptable dégradation du degré de satisfac-tion des touristes».

Cette définition est originale a deuxégards: la capacité de charge est repré-

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

sentée par un simple effectif et non par unratio; elle integre la perception que le tou-riste a de son environnement et des dégra-dations qui ont pu lui étre occasionné, dufait de l' activité touristique d' ailleurscornmed'autresactivités.Nousdisposonsdone maintenant de deux parametres pourestimer la capacité de charge dans le sec-teur du tourisme: l' effectif des touristes oudivers ratios : estimateurs globaux ouestimateurs synthétiques dontla pertinenceva étre testée a travers une comparaisonentre Maurice et la Réunion.

ESTIMATEURS GLOBAUX DEPRESSION TOURISTIQUE ElDE CAPACITÉ DE CHARGE

RatiosLes ratios globaux de pression touristi-

que présentent l' avantage d' étre aisés aélaborer, les statistiques qui les composentétant facilement accessi-bles. Le nombreannuel de touristes rapporté soit a la sur-face de 1'ile, soit a la population totale sontles deux ratios globaux les plus simples.Le tableau 1montre que ces ratios ne sontpas concordants. Lorsqu' elle est estiméeen fonction du nombre de touristes rap-porté a la superficie totale de I'ile, la pres-sion touristique de Maurice est 1,8 foisplus élevée qu' a la Réunion ;en revanche,lorsqu' elle est rapportée al' effectif totalde la population, elle est légerement infé-rieure. Al' évidence, aucun des ces deuxratios n' est un ban estimateur de la pres-sion touristique. Un second probleme sepose: cornment passer d' un estimateur depression touristique a un estimateur de ca-pacité de charge, ce demier corres pon-dantau seuiJde pression maximalequi doits' exercer sur un site touristique sans ledétériorerdurablement, ni perturberoutremesure la population résidente ? Fixer untel seuil suppose que l' on puisse fixer unseuil de dégradation acceptable pour tousles facteurs environnementaux, culturelset socio-éconorniques susceptibles d' étre

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Page 10: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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influencés par la pression touristique. Lacapacité de charge serait done la sornmede ces seuils acceptables de dégradation;mais il nes'agitalors plus d'un estirnateurglobal mais d'un estirnateur synthétique.

Effectifs

Satisfaction maximale destouristes et capacité de charge

L' inacceptable «dégradation du degréde satisfaction des touristes» dont ilest faitmention dans la définition de l' organisa-tion mondiale du tourisme suggere qu' iIexiste un seuil au-dela duquell' insatisfac-tion des touristes se solde par une image sinégative que la fréquentation de la desti-nation touristique décroit.Le degré de sa-tisfaction des touristes serait done un bonestimateurdelaqualitédel'environnernentet de l' impact de lapression touristique surcelui-ci. Un degré de satisfaction maxi-mal correspond a un équilibre optirnal en-tre la pression touristique et l' envi-ronnement et se traduit par une fréquenta-tion touristique maximalequi peetalorséireassimilée a la capacité de charge touristi-que. Cet estirnateur a l' avantage d' étre tressimple, est-il robuste? en l'occurrenceest-il constant dans le temps?

D'une maniere générale, la fré-quentation touristique d'une ile ne dépendpas uniquernent de ses qualités intrinse-ques (beauté des paysages, etc ..), ni de laperception qu' en ontles touristes, ni de lapublicité ou de la contre-publicité qu' ilspeuvent en faire aupres de leurs relationsa leur retour. Elle dépend également desmoyens publicitaires mis dans la promo-tion de la destination touristique et de laréceptivitédu publica cet effort, parame-tres qui, tous deux, tluctuent dans le temps.Cet outil est particulierernent efficace etune campagne de promotion bien faite,réalisée dans un contexte économique fa-vorable, peu redynamiser une fréquenta-tion touristique «en perte de vitesse». Cetteefficacité est-elle toutefois suffisante pourque la fréquentation touristique évolue de

10 Notion de capacité de charge

ME

Tableau 1- Quelques estimateurs globaux de pression touristique insulairePAYS Superficie nbde Population Estimateur a nb Estimateur b

(km") touristes totale de touristes/ nb de touristes/en 1995 de I'ile superficie de population

I'ile

O,39/habMaur;ce 1948 422.463 1,079 217/knr

millions

LaO,46/hab

2512 304.000 660.000 121/km2Réun;on

logie avec l' accroissement de l' effort depeche et la stagnation des captures depoisson lorsqu'on arrive au seuil desurexploitation d'un stock halieutique estici évidente. Elle est également tres pra-tique car al' image de la prise maximaleéquilibrée quj correspond au sornmet dela courbe en «cloche» que dessine lemodele de Schaeffer entre l' effort depeche (axe des abscisses) et les capturesde poisson (axe des ordonnées), la capa-cité de charge touristique pourrait étreestirnée de maniere graphique par le pointd' inflexion de la courbe de la fréquenta-tion touristique évoluant en fonction dubudget de promotion de la destination.

maniere analogue au budget qui est allouéasa promotion ?,cequj revienta direqu'iln' existe pas deseuil defréquentation maxi-mal des lors que ce budget est illimité ? Laréponse est bien entendu négative. TI existeun seuil de fréquentation au dela duquell' environnement est tellement dégradé etle degré de satisfaction des touristes tel1e-ment négatif que la fréquentation dimi-nuera inévitablement malgré les efforts depromotion touristique. Ce seuil corresponda la capacité de charge du milieu dont lenombre maximal de touristes en un espacedonné par unité de temps est un bonestirnateur. Sur le court terme, cette capa-cité de charge est constante. Along terme,elJe peut l' étre également si les capacitésde ré-génération ou de restaurarion de l'en-vironnement sont suffisantes pour que labaisse de fréquentation que sa dégrada-tion a induite lui permette de recouvrer unétat qui offre au touriste un degré de satis-faction maximal. En revanche, si ces ea-pacités de ré-génération sont durablementaffectés, un nouvel équilibre s' établiraautour d' une capacité de charge moindre,correspondant a un moindre degré de sa-tisfaction maximal des touristes.

L'analogie du touristeet du poisson

Selon l' approche qui vient d' étre dé-veloppée, plus on s' approche de la capa-citédecharge, doncdu seuil de fréquen-tation maximal, et moins l' accroissementdu budget promo-tionnel est efficace enterme de nouveau touriste attiré. L' ana-

Page 11: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

ESTIMATEURS SYNTHÉTIQUESEl RESTREINTS DE PRESSIONTOURISTIQUE El DECAPACITÉ DE CHARGE

L'iIIusion deI'estimateur synthétique

Estimer la capacité de charge en fonc-tion des seuils acceptables de dégradationdu rnilieu est plus précis qu' en utilisant lasatisfaction des touristes - peuvent ainsi étrepris en compte divers parametres commela diversité du paysage, la répartition et lastructure de l'habitat, l' économie locale,parametres qui détermirent la «capacité dumilieu insulaire» a «recevoir» les visiteurs -mais aussi bien plus complexe a calculer. TIfautd' abord estimer une capacité de chargepourchacun des pararretres pris en comptepuis ensuite agréger l' ensemble de ces ré-sultats en une capacité de charge synthéti-que. Compte tenu de I'hétérogénéité desparametres qui le composent, il nous sem-ble illusoire d' essayer de déterminer un telestimateur synthétique de capacité decharge; en revanche, établir une batteried'indicateursqui permettrontd'avoirunesorte de tableau de bord de la pression tou-ristique sur l' envi-ronnement parait indis-pensable. Chacun d' eux sera qualifié derestreint car en dénominateur il n' integrequ'ununiquepararretreenvironrementalála différence des indicateurs synthétiquesqui en integren; plusieurs.

Le tableau de bord desindi-cateurs restreintsde pression touristique

Ce tableau de bord doit permettre unegestion optimale de l'espace linoral qui faitl' objet de la fréquentation touristique enmaximisant le rendement économique decette fréquentation et en minimisant sonimpact envi-ronnemental. Dans le cas dutourisme balnéaire en milieu récifal, cetableau intégrera cinq themes : la concen-tration de la population et des infrastructu-res touristiques, les dommages occasion-nés al' écosysteme récifal, l' emploi et

Zone portuaire de Port Louis, Maurice

l' économie locale, la consommation d' eaupar les touristes et leur production de dé-chets. Chaque therne sera représenté parun ou plusieurs indicateurs restreints.

Concentration de lapopulation balnéaire

Une premiere estimation de cette con-centration peut étre donnée al' échelle deI'ile entiere par: a) le % de localités littora-les ayant des équipement touristiques, b)le % de la population littorale habitant deslocalités littorales ayant des équipementtouristiques, e) le nombre de touristes fré-quentantceséquipementstowistiques/popdes localités

Lorsqu' on dispose de cartes de rnérneéchelle ( I1 I00 (XX) ou IISO (XX) par exem-pIe), le nombre de touristes rapporté aulinéaire cótier constitue un autre estimateurintéressantde lapression touristiqueen mi-lieu littoral. La comparaison entre la Réu-nion et Maurice en montre cependant leslimites.

Maurice présente un vaste lagon et denombreuses plages toutautourde l'ile; enrevanche, laRéunion ne dispose que de 25km de cates coralliennes sur lesquels seconcentre le tourisme balnéaire. Tres 10-giquement la pression touristiquesur le lit-toral doit donc étre bien supérieure a laRéunion qu'a Maurice. La réalitéestcer-tainementplus nuancéecar, a ladifférencede Maurice, le tourisme a la Réunion est10m d' étre de nature exclusivement bal-néaire. Le positionnement de l'ile sur lemarché du towisme intemational est plu-tót centré sur les circuits de découvertesdes paysages de l' intérieur, Or aucune sta-tistique officielle n' établit une différence

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE •••

parmi les touristes entre les adeptes de cetourisme JUraIet ceux qui séjoument ex-c1usivement sur le littoral. TI est d' ail1eursprobable que cette distinction soit en partiefactice, car le potentiel hótelier de la Réu-nion étant principalement concentré sur lelittoral, la probabilitéestélevée pourquetout touriste visitant l' intérieur séjowne unou plusieurs jours sur le littoral ou mémedécide de rayonner a partir de cet espace.Auquel cas, il contribue en partie lui aussia la pression touristique sur le littoral, Visi-blement, en cas de tourisme mixte, bal-néaire-intérieur des terres, utiliser l' effec-tif annuel global des towistes dans l' esti-mation de la pression towistique sur le lit-toral n' est guere satisfaisant. Le nombreannuel de nuitées passées dans les hótels,résidences, gires des communes du linoralest un bien meilleur estimateur. En revan-che, lorsque la fréquentation touristiqueporte exclusivement sur le littoral et lenombre de touristes rapporté au linéairecótier peut étre utilisé.

Le tourisme balnéaire se focalisant surles plages, uneestimation plus précisedela concentration touristique et des proble-mes d' assainissement qu' el le génere peutétre donnée par le nombre de chambres 1linéaire de plage ou 1superficie des plagesattenantesaux hótels. Pour identifierd' éven-tuels problemes de coexistenceavec la population locale du fait de la satu-ration de l' espace balnéaire par les touris-tes la population communale rapportée ala superficie des plages publiques non at-tenantes aux hótels est un estimateur com-plémentaire du nombre de touristes fré-quentantces équipements touri-stiques rap-porté a la population des localités dont ilfait mention plus haut.

Destruction potentielledes récifs

Par son ancrage, toute embarcation estune source potentieLle de destruction mé-canique du corail, les rejets a la mer d' eauxusées et de déchets constituent égalementune atteinte al' environnement Cet état est

11

Page 12: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

TI

estimé par le nombre de bateaux de plai-sanceet d' embarcations de peche plaisan-ciere des résidents que multipLie le nom-bre moyen de leurs sorties annuelles, nom-bre auquel s' ajoute le total des bateaux deplaisance de passage que multiplie leurdurée moyenne de séjour.

Dans les ilots coralliens isolés, le tou-cher des paquebots peut constituer un autredanger potentiel, les touristes occasionnantunedestruction méca-niquedes coraux parpiétinement, ce danger peut étre estimépar le nombre annuel de croisiéristes rap-porté au linéaire de platier récifal.

Approvisionnement eneau potable, répurgation

Dans les iles OU les sources sont rareset/ou lanappe phréatiqueestlimitéeá unemincelentilled'eau douce, la fréquenta-tion touristique peut étre une grave sourcede problernes, tout touriste consommantde l' eau et produisant des déchets, avantd' étre une source de devises. Deux para-metres rendent compte de cette situation :• consornmation en eau des touristesl con-

sommation totale ouJoffre d' eau pota-ble.

• production de déchets des touristesl ea-pacités de collecte et traitement.

Economie nationaleCe therne est complémentaire des the-

mes précédents qui se rapportent al' utili-sation de l' espace insulaire et de ces res-sources. TI perrnet d' apprécier les retom-bées du tourisme sur l' éconornie loca1eetpeut faire prendre conscience aux déci-deurs de l' intérét de prendre en compte lacomposante environne-mentale pour pé-renniser les revenus du tourisme. Trois in-dicateurs seront utilisés pour appréciercette thématique:• lenombred'emploisdirectsgénéréspar

le tourisme/ total emplois salariés,• le nombre d' emplois induits générés par

le tourisme/ total emplois salariés,• la place du tourisme et des activités éco-

norniques induites dans le PNB.

12 Notion de capacité de charge

Conclusion

La capaci té de charge est un conceptaisé a concevoir, mais beaucoup plus dif-ficile a quantifier. Dans le cas du tourismeen milieu insulaire, la capacité de chargepeut étre appréhender de deux manieres,soit a partir de la réponse de l' environne-ment a la fréquentation touristique, soit apartir de cette fréquentation dont la dyna-rnique integre déjá lesdégradations qu' ellea pu occasionner al' environnement a tra-vers le degré de satisfaction que les touris-tes ont de leur destination de vacances. Encomplément de la fréquentation touristi-que maximal, indicateur global tres réduc-teur, et en altemati ve a des indicateurs syn-thétiques, peu opérationnels, il est souhai-table de mettre en place un tableau de bordde la pression touristique sur le milieu quipennettra de piloter la fréquentation tou-ristique en concertation avec les profes-sionnels du tourisme et ceux de l' environ-nementdans lecadred'une gestion inté-gréedu littoral.

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Page 13: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

l'

ELEVAGE ET INSULARITEl'

DANS L' OCEAN INDIEN :NOTIONS DE CAPACITÉ DE CHARGE

Gil/es Mandret *

Abstraet

Today, tourism, the protection of nature, landscape

management and territorial planning balance are new

goal s, which must be taken into account within the island

livestock development programs in order to combine

productivity and environment. The computation of the

island livestock stocking rate must be balanced by the

socio-economic constraint, so that it can be restricted

to the threshold of dysfunction of the Ressource/ Actor

relationship. This is how we can talk about island

stocking rate which must reflect the potentialities ofthe

cattle breeding activity as to be received in terms of

socio-economical and ecologic potential, but also in

consideration of the impacts both on the society and

the insular ecosystem.

Key words: Livestock, Island, stocking rate, island

stocking rate, Indian ocean, Comores, Mauritius,

Reunion.

* ClRAD TERA,Programme ERE,Especes-Ressources, B.P.5035, 34032 Montpellier Cedexl France .

13

Résumé

La notion de capacité de charge en élevage, telle que la

concoive les spécialistes de l'élevage, ne tient pas particulié-rement compte des problémes liés al' insularité. Dans les iles

de I'Océan Indien oü le développement du tourisme prend de

plus en plus d'importance, l'impact environnemental de l'ac-

tivité d'élevage sur le paysage et les ressources naturelles

doit étre intégré dans les plans de développement de cette

activité afin de combiner productivité et environnement. Le

calcul de la capacité de charge des espaces pastoraux insulai-

res doit étre pondéré par la contrainte socio-économique et

écologique pour limiter cette capacité de charge aux seuils de

bouleversements de la relation ressources/espaces/acteurs.

C' est en ce sens qu' une nouvelle notion de capacité de charge

insulaire doit étre élaborée pour étre plus proche de la réalité.

Cette derniere doit étre le reflet de l'évaluation des capacités

d' accuei 1 de cette acti vi té en termes de poten ti el

socio-économique et écologique mais aussi d'impacts a la

fois sur la société et sur l' écosysteme insulaire.

Mots clés: Elevage, Insulaire, Capacité de charge, Capacité

de charge insulaire, Océan Indien, Comores, Maurice, Réu-

nion.

Page 14: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

La Problematique

L'ile, insula en latin, est ]' expression de la notion d' isolement a lafois dans le sens d' une séparation

«protectrice» et d' une séparation «castra-trice» par rapport a un ensemble continen-tal. Longtemps signe d' abondance et dequalité de vie, 1'ile prend actuellement unesignification souvent inverse. La vision tra-ditionnelle et idyUique de l'ile, portion deterre entourée d' eau, escale incontourna-ble dans les échanges entre continents abien évolué. Le développement des ré-seaux maritirnes et aériens (lignes direc-tes) et informatiques risque d' accentuerl' isolement et le non-développement denombreuses iles, a moins qu' elles se posi-tionnent al' intérieur de ces réseaux infor-matiques pour récupérer le róle d' escalesnécessaires dans les échanges entre con-tinents qu' elles avaient auparavant (déve-loppement d' une stratégie de "noeuds" deréseaux, activités de «service offshore»).Les sociétés insulaires dans l' océan indienont bien compris cetenjeu. Elles s' orien-tent de plus en plus vers des activités de«service offshore». L' exportation de biensrisque donc de subir une petite révolutioncar le «virtuel» remplacera de plus en plusle «matériel». Le développement des acti-vités de services favorise l' émergenced'uneclasse moyenne urbaniséeet relati-vement aisée qui conditionne le marchélocal des produits de l' agriculture et del'élevage. On peut prévoir alors une orien-tation de l'élevage insulaire dans deux di-rections:• pour les iles prosperes: un élevage a

caractere social mais a fortes contrain-tes environnementales, intégré dans lagestion du paysage (environnement etéco-tourisme) comrne dans celle du dé-séquilibre spatial entre]' intérieur desterres et le littoral (gestion de l' espace),et orienté sur des produits frais et dequalité, ayant une valeur ajoutée cer-taine par rapport aux produits irnportés(produitsdu terroir); I'élevagedevient

14 Notion de capacité de charge

un outil d' amé-nagement du tenitoire (laRéunion, parexemple),

• pour les iles moins prosperes: une si-tuation qui évolue peu, avec un élevagetraditionnel en retard de développement,a faible contrainte environnementalemais soumis a une triple contrainte éco-nomique - religieuse - culturelle, et sedéveloppant apartir de l'exploitation desressources naturelles (les Comores, parexemple).Quel que soit le niveau de développe-

ment de l'ile, l' élevage sera forcémentla résultante, a I'intérieur d'un«espace-temps», d' interactions, plus dé-terminantes que sur les continents, entreles ressources, les conditions climatiqueset le jeu des acteurs. Les systemes her-bagers constituent un élément écologiqueet socio-économique essentiel de la sur-face agricole utile (S.AU) des milieuxinsulaires. Ces surfaces représentent unecomposante marquante de l' espace ruralqui ne conceme pas uniquement l' ani-mal dans la relation ressources/espaces/acteurs. La prise en compte du tourisme,la protection de la nature, la gestion del' espace et l' équilibre de l' aménagementdu teni toire apparaissent comme des ob-jectifs qui doivent désormais compterdan s le développement de l' élevage in-

sulaire afin de limiter I'impactenvironnemental de ce demier. En éle-vage, un des indicateurs de l' occupationde l' espace le plus utilisé est celui de la«capacité de charge». Du fait de sonmode de calcul, cet indicateur n' est pasle plus révélateur de la relation ressour-ces/espaces/acteurs et il devient in-dispensable de créer un nouvel indica-teur sur la «capacité de charge insulaire».C' est-a-diré une capacité de charge telleque la définissent les éleveurs, mais pon-dérée par les contraintessocio-économique et écologique pour lalimiter aux seuils de bouleversements decette relation. La capacité de charge in-sulaire en élevage doit, par exemple, te-nir compte a la fois des capacités en eau,des possibilités d' approvisionnement enintrants et des rejets sous forme d' ef-f1uents, mais aussi de son impact sur larelation ressources/espaces/acteurs. Ellenécessite un regard amontetaval sur l'ac-tivité d' élevage elle-mérne. Le dévelop-pement d'une activité d' élevage ne peutplus faire l' impasse sur]' évaluation descapacités d' accueil de cette activité entermes de potentiel socio-économique etécologique mais aussi d' impacts a la foissur la société et sur l' écosysterne insu-laire.

Gestion de /'espace et élevage en milieu insulaire (cliché Ph. Chardonnet)

Page 15: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

Notion de capacité decharge classique

La notion de capacité de charge est unedonnée technique particulierement utiliséepar tous les spécialistes de l' élevage deruminants. Elle permet de réduire les ris-ques de dégradation tout en tenant compted'une productivité suffisantedu bétail. Enrnilieu tropical, elle est calculée en fonc-tiondu nornbred'Ub'I" qui peut étre en-tretenu sur l hectare de páturage au coursd' une période donnée. Elle dépend de laphytomasse consornmable produite et desaqualité liée a son stade d' exploitation eta son hétérogénéité floristique. Dans dessystemes basés essentiellement sur l' ex-ploitation des ressources fourrageres cettenotion prend toute sa valeur.

La capacité de charge est un indicateurde pression sur le milieu qui est tres appré-ciable, méme s' il n' est pas tres précis. TIpermet, entre autres, des comparaisonsd' écosystemes páturés, En milieu insulaireoü l' élevage fonctionne en "flux tendus"du fait de la compétition pour l' eau et pourl' espace, de l' isolement par rapport auxsources d' approvisionnementetdes mar-chés, il n' est cependant pas adapté. II netient pas compte, nous l' avons dit, des ea-pacités en eau, des intrants et des rejetssous forme d' effiuents.

Notion de capacitéde charge specifiqueaux tles

Dans le cas du calcul de la capacité decharge c1assique, les éléments sur lesquelss' effectuent les mesures sont définis quel-les que soient les situations. Dans la capa-cité de charge insulaire, ils dépendent del' identification préalable des contraintesmajeurs de l' écosysteme insulaire.

L'EXEMPLE D'UNÉLEVAGE TRADITIONNEL:LES COMO RES

Le poids du systemesocio-économique

Aux Comores, on peut considérer troismodalités principales de conduite des trou-peaux: la divagation des animaux, l' atta-che au piquet sur le terroir villageois etl' attache au piquet dans les parcelles del' agricuIteur. La divagation des animauxn'estplus pratiquéequ'á la périphériedesterroirs villageois, mais l' exiguité de cesterroirs ainsi que les besoins de l' intensifi-cation de l' agriculture font disparaí'tre pro-gressivementcette pratique (Nuttens etSaid, 1995). Le passage de la pratique dela di vagation des bovins a la généralisa-

MILlEUX INSULAIRES El CAPAC!H DE CHARGE •••

tion de celle de la vache au piquet fixedans les parcelles du propriétaire résuItedes besoins d' intensification provoqués parla pression fonciere qui ont été ressentis atravers une succession de crises : réduc-tion de la jachere, diminution des rende-ments liée a la réduction des jacheres, des-truction par les animaux des cultures dansles parcelles intensifiées, manque de boispour la construction des clótures, manquede fourrage (Mandret et al., 1992). Leschangements de comportement des éle-veurs modifient la contrainte sur les res-sources naturelles, et de ce fait la capacitéde charge insulaire.

L' interdépendance de l' élevage et de]'agricultureestd' autant plus marquéequela densité de population est élevée. Lessuperficies disponibles pour les animauxsont de plus en plus étroites et une partimportante de l' alimentation du cheptelprovient des résidus de culture et de l' ex-ploitation des jacheres, Par ailleurs, l' ac-croissement du prix des engrais, lié a ladévaluation du franc comorien, augmentela valeur relative des éléments fertilisantsdes déjections animales (Letenneur et al.,1995), ce qui modifie la conduite de l' éle-vage.

L' attache au piquet sur le terroir n' estpas liée a la capacité de charge de ce der-nier. En effet, sur les parcelles éloignéesles contraintes de l' abreuvement de l' ani-mal et du gardiennage pour le soir sontimportantes. «L' agro-éleveur» va avoirtendance a déplacer son ou ses animauxen fonction des travaux agricoles et de larationalité de ses déplacements (transportdu bois de chauffe, de l' eau, récoltes, plan-tations etc).

Quelles que soient les capacités fourra-geres, on peut prévoir que la capacité decharge en élevage ne pourra pas dépasser2 UBT par «agro-éleveur», compte tenudes contraintes sur les temps de travauxen agriculture et des capacités en eau.Défmir une capacité de charge c1assiquedans ces conditions n' aurait pas de sens.C' est pourtant une réalité qui s' affiche de

15•

Page 16: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

_ .ESEAU INSUlAI T ICAl El Ml RRANEE

Organisation villageoise traditionnelle aux Comores (cliché P.C Leiévre)

plus en plus dans le monde insulaire: surl'ile de Tristan da Cunha la capacité decharge a ainsi été fixée a 2 bovins par fa-mille.

Le poids du culturel et religieuxTI semblerait que les prerniers peuple-

ments des Comores aient été effectués apartir de l' Afrique orientale (Bantou), puisa partir d' Indonésie avant d' étre complé-tés par des incursions sérnites. A ce mé-lange de populations africaine, sémite etasiatique, lesArabes chiraziens ont apportéreligion etculture musulmanes qui se sonttraduites par l' instauration de sultanats enrivalitépermanenteetd'unehiérarchiethé-ocratique (SaintMartin, 1983) toujours envigueu;

Le poids religieux et culturel de la so-ciété comorienne sur l' élevage est impor-tant puisqu' il va juscju' a modifier les sché-mas de sélection des animaux. Les bo-vins, de type zébu, sont de petite tailIe (1mal, 10m au garrot)et traduisent bien lemoded' exploitation du troupeau dans lequellesplus beaux males sont sacrifiés pour lescérémonies traditionnelles dont la plusimportante est incontestablement celle du«Grand mariage». Par cette pratique cul-turelle et religieuse, la société comoriennefait une sélection inverse, car les moinsbeaux males sont gardés pour lareproduc-

16 Notion de capacité de charge

tion. Tout schéma de développement del' élevage aux Comores doit done intégrerla dimension du «Grand mariage» s' il neveut pas se heurter aux valeurs essentiel-les de la société et s' orienter vers deséchecs. Le calcul d' une charge théoriqueIiée a un plan d' amélioration de la racedoit nécessairement intégrer cette dimen-sion culturelle.

L'EXEMPLE D'iLES PROSPE-RES: LA RÉUNION El MAU-~RICE .

Le poids du socio-économiqueet du politique

Si on compare la Réunion et Mauriceaux Comores, on s' apercoit que ces troisñes ont en commun des indicateurs démo-graphiques tres élevés: 261 habitants/knfpour la Réunion, 532 habitants/knf pourMaurice et 274 habitants/krrf pour lesComores (lNSEE- TER 96f)7, 1997).

Dans des iles prosperes comme la Réu-nion et Maurice, de telles contraintes dé-mographiques vont se traduire par des ten-sions sur l' occupation de l' espace exacer-bées par la concurrence entre les diffé-rents secteurs de l' éconornie (y comprisl'urbanisme).AMaurice, bien qu'elle nereprésente que 7 % du PI.B., la canne asucre occupe 88 % des surfaces agricoles

et, malgré le développement du secteurtouristique2, la diver-sification y prend unetoute autre orientation que celle du secteuragricole puisque les deux derniers secteursqui se sont développés sont les services«offshore» et le port francoA la fm 1995,les services «offshore» ont procuré desbénéfices de l' ordre de 7 millions de dol-lars, sui vis en 1996 par l' enregistrementde plus de 4000 sociétés (INSEE- TER96/97,1997).

La petitesse des surfaces pastoral esoriente l' élevage vers un systeme «horssol» tres vulnérable du fait que les prix desmatieres premieres, servant a la fabrica-tion de nourriture pour animaux, sont enconstante hausse sur le marché mondial.La nouvelle politique prónée par le gou-vemement va vers la suppression du prixgaranti aux producteurs et vers la révisiondes subventions directes accordées a cesecteur. Ces mesures gouvemementalesviennent done remettre en question l' as-pect social et équilibrant du róle de I'Etat,

A la Réunion, la surface agricole utilene représente que un quart de la superficiede l'ile dont 50 %, de cette S.A. U. consa-crée a la canne a sucre et 20 % aux terroirspastoraux. Le soutien technique et social,garanti par une volonté politique d' accom-pagner la mutation de la société agricoleetde résoudre le déséquilibre spatial, sourcede troubles sociaux, permet al' élevage dejouer un róle dé dans l' aménagement duterritoire. Si la faible superficie des exploi-tations constitue un frein al' optirnisationde la capacité de charge, elle permet demaintenir les exploitations dans unedimen-sion tres familiale. Le nombre des exploi-tations de plus de 5 ha représente mainte-nant 20 % des exploitations contre 16 %ilya 7 ans et 7 % il Ya 15 ans.

Contrairement a Maurice, l'Etat Fran-caisetlakégionkéunion.aidésparl'Unioneuropéenne, s' engagent vers un proces-sus de soutien al' agriculture qui représenteplus de 50 % des fonds de l' aide publique(évaluéeaenviron 1milliardd'écus pourla période 1994-1999) et dont bénéficie

Page 17: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

largement l' élevage, et plus particuliere-ment le paysage pastoral. En effet les sub-ventions couvrent jusqu' a 70 % du coütdes créations de prairies. Du rnérne ordre,on trouvedes subventions pour l'achat d' en-grais, de pesticides, l' installation de cl6tu-res, la constitution de réserves fourrageressous forme d' ensilage et de foin, etc, aux-quelles s' ajoutent des primes a l' animal(vaches allaitantes ...). Ce systeme d' aideconcourt a l' artificialisation de cette pro-duction qui est «adrninistrée» mais il asajustification dans la mesure oü l' enjeu irn-portantestsocial. Un enjeu purementéco-nomique ne permettrait pas de rationaliserla capacité de charge de cette lle. L' élabo-ration d' une capacité de charge spécifi-que a I'ile est done un excellent indicateurd' utilisation du milieu.

Le poids de I'environnementDans les iles les plus prosperes, les éle-

veurs sont de plus en plus sensibilisés auxproblernes de pro-tection de l' environne-ment, notarnment en matiere de pollutiondes eaux. Pour les iles classées zones ultrapériphériques de I'Europe, dont la Réunionfaitpartie, lagestion deseffluents d' élevagedevient un facteur lirnitant du développe-ment de l' élevage. En effet la réglementa-tion européenne prévoit jusqu' al' interdic-tion de miseen décbargedes déchets fer-mentescibles tels que ceux issus de l' éle-vage. TIestévidentquelaplupartdes petitsétats insulaires qui développent un élevagesur une grande échelle sont confrontés, aplus ou moins long terme, a ce probleme.Le recyclagede ces déchets dans l' agricul-ture et l' élevage est une voie possible maiselle a ses limites, surtout quand l' élevage«hors sol» domine et que l' on cherche adévelopper l'éco-tourisme. Le ratio «quan-titéd'effluents/SAU» doitdonc intervenirdans lecalcul de la capacité de charge insu-laire; bien que nos connaissances sur la ca-pacité d' épuration des différents milieux etsupports (pouvoirépurateurdes sois etdusysteroe sol-plante, fabrication de composta partir de différents supports carbonés ...)

ne soient pas encore tres développées pouraffinerce ratio. Lacapacitédu milieu aac-cueillir des animaux d' élevage ne dépendpas uniquement de son potentiel a les ali-menter mais aussi de la gestion des déchetsqu' ilsengendrent et de leur intégration danslepaysage.

Conclusion

Les impératifs écologiques, socio - éco-nomiques et techniques, propres a une utili-sation rationnelle de l'espace insulaire con-ditionnent le choix de la capacité de chargedecetespace. L'utilisation de lanotion decapacité de charge insulaire a un sens tresfort en élevage puisqu' elle exprime a la foisuneagressivité vis-a-visdu milieu, desseuilsde bouleversements, mais aussi un déve-loppement harmonieux. Elle permet d' en-visager des choix de développement limitéou des transferts d' activités vers des zonesmieux adaptées.

Dans les iles les moins prosperes, l' acti-vité d' élevage peut se contenter, dans unpremier temps, d' une approche oü la capa-cité de charge est utilisée comme indica-teur de son potentiel de développement etnon pas du développement insulaire possi-ble.

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

Dans les Iles les plus prosperes l' appro-che du développement de l' élevage doitnécessairement se faire par des méthodessynchroniques de comparaisons de con-traintes entre systemes d' élevage d'unepart et entre couples «contraintes - pro-ductions» d' autre part. L' emploi d' indica-teurs de la relation «espaces-ressources-acteurs», comme la capacité de chargeinsulaire, sont alors plus proches du poten-tiel réel de l' espace insulaire pour une ac-tivité donnée. Ce type d' indicateur permetd' intégrer les contraintes majeures qui pe-sent sur le ou les systemes. 11est aussil' expression des interactions entre la res-source et le jeu des acteurs. Il peut, aterme, devenir un indicateurd' évolutiondupaysage.

D'unesituation d' élevage tradi-tionnel,soumis a une triple contrainte économi-que- religieuse- culturelle et basée surl' exploitation des ressources naturelles,les nouvelles formes de l' élevage insu-laire tendent vers un élevage a caracteresocial, intégré dans la gestion du paysagecomme dans celle du déséquilibre spa-tial entre l' intérieur des terres et le litto-ral, et orienté sur la production de pro-duits frais et de qualité. Dans les iles, l' éle-veur n' est plus le seul décideur du «droitd'élevage».

L'élevage a la Réunion a volontairement été concentrésur les terres d'altitude (cliché Ph. Hassoun)

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Page 18: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

IESEAD INSDLAIRE TROPICAL III RRANEEN

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18 Notion de capacité de charge •

Page 19: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE •••

APPORTS ET CONTRAINTES DE LA,NOTION DE CAPACITE DE CHARGE AU,

DEVELOPPEMENT INSULAIREDANS UNE LOGIQUE DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ ET

DURABLE: QUELQUES PISTES MÉTHODOLOGIQUES

Hélene Rey

Résumé

Cette communication propose un essai de réflexion qui seveut essentiellement méthodologique par rapport a I'apportet la validité de la notion de capacité de charge pour la ques-tion du développement insulaire. Dans un premier temps lanotion est définie a partir de ses racines écologiques et sesprolongements possibles en économie d'environnement autravers de la notion de capacité d'assimilation. On peut alorsen rnérne temps montrer une logique proche de celle du déve-loppement durable et de nombreuses limites tenant a la no-tion de seuil, et par la d'équilibre et de possibilité de prévi-sion, que sous entend cette notion. Cette revue critique duconcept est suivie d'un rappel des spécificités majeures dessysternes insulaires de facon a définir ensuite une «Iogique»de développement économique adaptée. Celle-ci doit étreadaptative et durable afin de prendre en compte a la fois lesnouveaux impératifs d'articulation entre écologie et écono-mie et les particularités des écosysternes insulaires.

Abstraet

This paper will discuss, essentially from the methodologicalpoint of view, the bringing-in and the validity of the notion of«Ioad capacity» about the development in islands. In its firstpart, this concept is analyzed from its ecological origins andpossible outcomes in environmental economics, notablythrough the notion of assimilation capacity. We shall thenpoint out that the logic of the «Ioad capacity» is in fact veryakin to that of sustainable development, but involves manylimits, notably linked to the idea of «treshold» that it includes,so by this way ideas of stabilty, and forecasting possibilities.This critical examination of the concept will be followed by areminder of the main characteristics of the island systems, todefine an adapted logic of economical development. Thatone has to be at the same time adaptative and durable, inorder to integer new constraints of matching between ecologyand economics, and specificities of the island ecosystems.

Mots clés: capacité de charge, développement durable, iles,systernes insulaires, écologie, économie.

Key words: stocking rate, sustainable development, islands,insular systems, ecology, economy .

. Centre d'Etudes de Projets, Faculté de Sciences Economiques, BP 9606 - 34054 Montpellier Cedex 1, France.

• 19

Page 20: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• EA I SULAI (T leA Mlo

Introduction

La question d'un mode dedéveloppement durable etintégré des régions insulaires sup-

pose de proposer un modele de dévelop-pement qui entre dans le nouveau contextede représentation de l' environnement,e' est-a-diré qui puisse répondre a la pro-priétédedurabilité. Un tel modeles'inscritdans une approche différente des rapportsNaturelSociété conduisant a la définitiond' un objectif de co-viabilité des milieux etdessociétés. Celui-ci s'ajoutead'autres:survie, croissance, répartition .... qui ontscandé le développement de nos sociétés.Il induit une contrainte majeure liée a lanotion d'irréversibilité: I'existencede«seuils de boule-versements» a ne pasdépasser. Toutefois l' évaluation de cesseuils pose de nombreux problemes, enpremier lieu du point de vue écologique dufait de la complexité des interactions, del' existence de mécanismes de régulationnaturels et plus généralement des difficul-tés d' observation des change-ments met-tant en oeuvre des échelles de temps detres long terme. Ensuite la «conversion»de ces indicateurs et seuils physiques enobjectifs économiques suppose la mesuredes impacts des activités par rapport a cesseuils et la hiérarchisation des utilités quela société leur accorde. C' est l' ensemblede ces difficultés qui a conduit a une ré-ponse en terme de référence a un principede précaution. Si on faitabstraction decesproblemes, la question de fond reste biencelle de la définition d' un modele de déve-loppement propice a intégrer ce nouvelobjectif et les nouvelles propriétés qui luisontliées.

Le concept de capacitéde charge et sa traduc-tion en terme de déve-loppementdurable

PRÉCISIONS SUR LECONCEPT DE CAPACITÉDE CHARGE

Le concept de capacité de charge estissu de l' écologie. Introduit par Verhulst(1938) il montrel' existence d' une limite ala croissance ou al' expansion résultant de]' interaction entre un organisme et un mi-lieu, une population et son environnement,voire plus généralement d' un contenu etde son contenant. Par exemple sa traduc-tion dans le domaine de I'halieutique faitréférence al' existence d'un maximum depression de peche supportable par une res-source ou un milieu. La représentation for-malisée de cette notion fait intervenir unefonction de type logistique, ou la croissancedépend des caractéristiques intrinsequesde la ressource considérée et oú le pointlimite devient alors la cible recherchéedans les approches en terme d' optimisa-tion. (Le Fur, 1997).Ce concept peut étrerapproché de la notion de capacité d' assi-milation. Le milieu naturel dispose d' unecapacité d' assimilation qui, étantlimitée,devient notamment une contrainte I al' émission de déchets el, par la, al' activitééconomique qui les gérere, Cela revientdonc a définir des seuils critiques d' acti-vité ou de croissance permettant de ne pasdépasserlacapacitéd'assimilationdel'en-vironnement. Ceux-ci peuventdonner lieua la défmition de normes techniques dansles fonctions de production.

DE LA CAPACITÉ DECHARGE Á LA DURABILlTÉ

On peut caractériser cette approche dupoint de vue de ses objectifs par le faitqu' elle cherche a maintenir constant lestock global de capital naturel. Le conceptde capacité de charge peut ainsi étre envi-sagé parrapportála notion plus généralede durabilité, a laquelle il entend partici-per. En effet celle-ci appréhende les ques-tions envi-ronnementales au travers d'unecontraintea lacroissancequi est lapréser-vation ou le maintien d' un stock global decapital. On suppose implicitementqu' ilestpossibled'aménager,pardesmécanismesd'incitation, une forme de croissance quipuisse satisfaire au respect de cette con-trainte. L' objectif général est d' avoir unusage soutenable de l' envi-ronnement,permettant la préservation des fonctionsenvironnementales pour les générationsfutures sous deux formes Dans lecas d' unedurabilité forte le stock global correspondseulement au capital naturel tandis quedans la version faible de la durabilité il estétendu au capital technologique et humain(Faucheux et Noél, 1995). Ces distinctionssont révélatrices de la pluralité des cou-rants et des conceptions qui prónentaujourd' hui la prise en compte des préoc-cupations environnementalistes en premierlieu dans les objectifs politiques puis encorollaire dans les politiques publiqueséconomiques.

D' un point de vue générique l'évolutiondes relations NaturelSociété, peut étreca-ractérisée par l' opposition des visions na-turaliste et rationaliste que l'on peut asso-cier a deux idéal-types de comportement(1) une conception de la nature «comme

20 Notion de capacité de charge •

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MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

pita! reproductible au capita! naturel initial.L' objectif est d' en préserver les différen-tes utilités pour les générations futures. Lanotion de capacité de charge est a l' origineplus proche d'une approcheconservationniste visant plutót un état sta-tionnaire. Sa prise en compte dans la pro-blématique du développement insulairedoitdone se faire dans une acception élargie. TIne s' agit plus d' observer un élément parrapport a son milieu, mais au contraire unechaine d' interactions complexes entre plu-sieursélémentsconstitutifsd'untoutoud'unsysteme dont les échelles de régulation,spatiales et temporelles, sont multiples.L' insularité, dans le cas des Iles de petitedimension, introduit ici une écheile «fron-tiere» naturelle qui facilite la délirnitationspatiale du systeme a prendre en compte.La problématique ressort plutót de l' ana-Iyse de la co-viabilité des dynamiques dedéveloppement et des Clynamiques desécosysremes définis comme «un réseaude populations en interactions» (Pavé etBarbault, 1992). Des lors le constat de lacomplexité des relations Nature/Société estau coeur de cette nouveile problématiqueet va conduire a de nouvelles questions etméthodologies de recherche.

La notion de seuil suppose implicitementun raisonnement al' équilibre dans une con-ception de l' évolution qui admet un certaindétenninisme, lequel en corollaire offre lapossibilitéd'une prévision etd'une inter-vention pouvant influencer le devenir dusysteme. Or au contraire les nombreuseset récentes recherches menées a proposdes relations Nature/Société ont montrél' impossibilité de prévoir l' évolution de cessystemes du fait de la multitude des inte-ractions pouvant amener des bifurcations

et de leurforte dépendance aux conditionsinitiales, qui limite toute possibilité de gé-néralisation. Par ailleurs la prise en comptedes dynarniques de tres long tenne com-plique l' observation du fait de l' existencede phénornene d' irréversibilité ou de ré-manence qui induisentdes écarts d' ajus-tement ou des effets de mémoire du sys-reme. TIsemblecommunémentadmis queles états actuels des écosystemes fores-tiers s' expliquent pour partie par des chan-gements clirnatiques d' origine tres loin-taine mais qui ont laissé des traces dura-bles. Ces constats ont donné lieu a un pro-longement théorique «théorie du structu-ralisme dynarnique» (Lordon, 1992) quimet l' accent sur l' identification des indi-ces d' évolution dans les changements destructure, ceux-ci étant appréhendéscomme une résultante du fonctionnementpropre du systeme, Néanmoins l' introduc-tion du tres long tenne pose la question dela définition des outils d' analyse et desdescripteurs ou indicateurs de ces chan-gements, souvent imperceptibles al' échelle du présent (pavé et Rieu, 1993).

Enfin la complexité de l' objet nécessitele recours a la pluridisciplinarité, autre en-jeux méthodologique. La rnise en placede programmes pluridisciplinaires a entreautres perrnis d' étudier l' influence desmodes de controle social de l' espace etdes ressources, montrant ainsi la néces-sité de faire évoluer la forme des recom-mandations en matiere de controle et derégulation, voire le mode de mise enoeuvre des recherches, avec un dévelop-pement d'un courant de recherche diteaction, pennettant une démarche partici-pative avec les acteurs concernés(Catanzano et Rey, 1997).

21

un objet utilitaire ou agréable, ordonné aI'homme comme un moyen par rapportaune fin» ou (2) «un associé, voire une par-tie intégrante au sein de laquelle 1'hommedoit négocier par des procédures diverses(éthiques, religieuses symboliques ...) lacohabitationetl'alliance» (Ki-Zerbo, 1992).L'histoire de la gestion des ressources enmérne temps qu' elle s' avere érre un pointd' entrée intéressant pour l' étudede l' orga-nisationdes sociétés,c1evientcontingentedesreprésentations que ces sociétés ont de lanature, en fonction de l'histoire, des contex-tesetplusprécisémentdesparadigmesquicaractérisent l'évolution des conceptions del' universoPlus généralement si l' on admetque l'objectif c1edurabilitéintroduit une nou-veile représentation de ces relations, on estconduit a penser qu' il en résultera, entreautres, des changements institutionnels auniveau de l' organisation des acteurs parrap-port aux ressources, avec comme consé-quences directes :• l' apparition de nouveiles interactions en

particulier entre le niveau global de lasociété civile et les secteurs d' activitésutilisateurs des ressources ;

• un changement des modes de représen-tations dontles objectifs ne sont plus seu-lement seetoriels (Valarié et Djoulden,19%).

FONDEMENTS El LIMITESD'UN TEL CONCEPT

Dans ce contexte plusieurs critiquespeuvent étre faites a la notion de capacitéde charge. La notion de durabilité prévoitla reproduction du capital naturel en ad-mettant la possibilité de substitution de ea-

Page 22: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

lE A I LA T

Quel modele de déve-loppement pour lessystémes insulaires?

Ces nouveUes relations aturelSociétéen mettant l' accent sur les interactions etles externalités, supposent par essence desapproches intégrées tandis que l' on doitpar ailleurs prendre en compte certainesspécificités et impératifs particuliers liésau caractere insulaire des écosystemes.

Dans le cas des systemes insulaires,notammentceux de petitetaille, lecarac-tere réduit et l' »isolement- de ces espa-ces, introduitdes contraintes particulieresdu point de vue des dynamiques a la foisécologiques et socio-économiques. Ma-cArthur (1972) montre ainsi que si la ri-chesse spécifique d'un es pace est a unmomentdonné la résultanted'un proces-susd'immigration etd'un processus d'ex-tinction, alors cette richesse dépend dedeuxparametres qui conditionnent ces proces-sus: l' éloignement ou isolement et la sur-face. Des lors il est possible dedéterminerun pointd' équilibreen fonction du niveaude ces parametres.

La fragilité particuliere des rnilieux in-sulaires en matiere d' environnernent, peutétre reliée a leur tai lIe et leur i olement.Toutefois certains constats et analyses, ilest vrai controversés, montrent que cettefragilité ne conduit pas forcémenttou joursa des situations d'irréversibilité. On peuten effet citer plusieurs exemples de mi-lieux oü des disparitions d' especes résul-tant de catastrophes natureUes (éruption devolcan par exemple pour I'ile du Krakatoaen 1883) ou d'interventions humaines(défaunestation d'ilots au large de la Flo-ride) ont été natureUement reconstituéesde nombreuses années plus tard (Déléage,1992). Selon May (1986) ceUes-ci résul-tent de valeurs critiques du taux de crois-sanee de la population, dont on a vu qu' iJétait fortement contraint par les situationsde confinement, caractéristiques des mi-lieux insulaires. Seules les valeurs moyen-nes semblent constantes sur le tres long

22 Notion de capacité de charge

terme (Déléage, 1992) et ilest alors possi-ble que les caractéristiques des écosy te-mes insulaires conduisent a des situationsde plus forte incertitude.

L'insularité est souvent présentéecomme un handicap pour le développe-ment. Ce constat est fondé sur l' identifica-tion de problemes spécifiques d' inírasnuc-ture et de taille des marchés conduisant ades contraintes particulieres en terme decompétitivité. Le caractere restreint destenitoires et par voie de conséquence desressources explique une plus grande oc-currence des problemes d' externalités etde concurrence entre objectifs ou activitésau niveau des politiques publiques. Lespossibilités de régulation de l' exode rural,ou plus généralement des mutations sec-torieUe sont limitée , conduisant a desphénomenes exacerbés de périphérisation,deconcentration des activités sur le littoralet plus généralement a des difficultés ma-jeuresen rnatiere d'aménagementdu ter-ritoire. Des lors ces pays sont plus souventque d'autres dépendant des politiquesd' aide intemationale.

Enfin le caractere restreint et le «rela-tif» isolement des tenitoires insulaires en-gendrent des dynamiques particulieres auniveau sociologiqueet concemant la coor-dination des acteurs. On peut en effet fairel'hypothese;

• d'une plus forte interconnexion des ré-seaux de connaissances entre acteurs,situation qui facilite lecontróle ocial ets'avere ainsi favorable a un développe-ment décentralisé et négocié, propice al' application du principe de ubsidiarité.

• d' une plus forte inertie face au change-ment résu Itant de l' existence de ces ré-seaux sociaux etd'uncontrólesocial plusfort ainsi que d' une faculté de mémori-sation que l' isolement rend plus grande.Le dépassement de ces contraintes rend

nécessaire une réflexion sur l' échelle spa-tiale la plus pertinente pour la définitiond'un prograrnmede développement. Unniveau supérieurd' organisation :parexem-pIe l' écheUe régionale ne serait-il pas sus-cepti ble de lever certaines contraintes troplirnitatives au niveau local ?

Conclusion

Le caractere intégré de l' analyse sup-pose de privilégierune approche «syserre»permettant l' étude des interactions entreactivités etentreespaces, ainsi qu' entre sys-temes d'exploitation etsystéme de régula-tion. En effet la priseen compte des objec-tifs de durabilitéconduit a une transforma-tion de l' ensemble des composantes dessystemes, y compris les systernes de déci-sion etde régulation (Reyetal., 1997).

Or dans tout processu de développe-ment il convient de veiller non seulementau développement des compo antes dusysteme, mais aussi al' évolution de leursinteractions, celles-ci conditionnant lemaintien de la coordination au sein du sys-teme el",par la, la réussite a moyen termedu processus de développement en termesd' acceptation des acteurs etd' adaptationaux conditions locales initiales. Cette ap-proche conduit a accorder un róle spécifi-que et une priorité au changement institu-tionnel. Celui-ci permetd'accompagnercette dynarnique en préservant et/ou adap-tant les capacités internes de coordinationdes systemes sociaux face a des configu-

Page 23: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

rations nouvelles d' organisation (au sensdecréation d'ordre) au niveau de lacoor-dination des acteurs etdes institutions. Onse réclame ainsi d'une approche évolu-tionnisteet néo-institutionnaliste du déve-loppementqui metl'accentsur ler61edesinnovations ou routines organisationnelles-définjes comme des dispositifs cogni-tifs collectifs- ainsi quedes dynamiquesdes institutions etdes processusd' appren-tissage des acteurs tant individuels quecollectifs.

TIs' en suit la nécessité d' une progressi-vité des objectifs et de la rnise en oeuvredu processus de développement favorisantl' appren-tissage des acteurs et des institu-tions. TIs' agit done de proposer un déve-loppement évolutif concu avec clifférentsstades et offrant aux acteurs des itinérai-res d' évolution entre ces stades (Rey etal.,l996).

Le respect des conclitions de durabilitédes systemes conduit a une transforma-tion profonde des modes d' exploitation etde régulation des économies et des éco-systemes qu' elles «exploiteno et «utili-sent», L' affirmation croissante des préoc-cupations environnementales sur l' agendapolitique modifie profondérnentla conduitedes actions publiques, sortant d' une appro-che sectorielle et tentant de concilier denouveaux usages et de nouvelles valeursdites «d' existence» de bien collectif queconstitue le capital natureJ des sociétés.La définition de nouvelles normes restric-tives de gestion des écosysternes liées auxobjectifs de co-viabilité souleve la ques-tion du respect et du controle de ces nor-mes en terme de mode et d' échelle d' in-tervention, laquelle place le principe desubsidiarité au coeur des débats. Questionpour laquelle, des J979, Passet (1979) sug-gérait le principe de «contrainte rninimale»ou encore de «décentralisation par niveaud' organisation» qui stipuJe que toute déci-sion devrait étre prise «au» et «par le» ni-veau d' organisation oü elle développe sesconséquences, «plus» et «rnoins» étantégalement néfastes. TIs' agitalors d' abou-

tir a un consensus négocié qui permette deconcilier l' ensemble des représentations apriori contradictoires au sein d'un éventailplus large d' acteurs, dont les modes de re-présentation sont clifférents et dont les ob-jectifs ne sont plus seulement sectorielsmais qui inc1uent des lors aussi des ques-tions de partage entre usages conflictuelset plus largementdes impératifs d' aména-gement du littoral et de protection des éco-systemes. Cette tension est d' autant plusforte daos un contexte de décentralisationdans lequel systeme de'décision et sys-teme de régulation deviennentpolycentriques etengagent ade nouvellesformes d' organisation des intéréts plusterritorialisés (Valarié et Djoulden, 1996).

1 Une autre contrainte majeureest identifiée et intervient con-jointement: il s'agit de la capacitéde renouvellement des ressour-ces renouvelables.

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Page 24: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• T

24 Notion de capacité de charge •

Page 25: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

CAPACITÉ D'INTÉGRATION DENOUVELLES ORGANISATIONS DEMARCHÉ POUR LES ECONOMIES

INSULAIRES:Exemple de la Banane d'Exportation

RémyHugon *

RésuméDe nombreuses iles tropicales produisent des bananes dont

la partie exportée représente 2,5 millions de tonnes, soit presde 20% du trafic international de la banane-dessert. La moitiéde cette production provient de territoires européens (Marti-nique, Guadeloupe, Canaries, Madere ...) ou de pays ACP (Ja-marque, Dominique, Ste Lucie, St Vincent...), tous assujettis aune réglementation spécifique de l'Union européenne ten-dant a maintenir ces productions malgré le contexte de libéra-lisme souhaité par I'Organisation Mondiale du Commerce(OMC).

La nature et la taille des aires de production de ces Ilesdéfinissent des profils de capacités de charge spécifiques.Les faibles infrastructures et la dépendance aux intrants exo-genes liés a I'insularité, ne permettent pas d'atteindre uneproductivité compétitive dans un contexte internationalouvert. Ces productions sont pourtant essentielles a la vieéconomique autant par les retombées directes qu'indirectes.Le respect total des regles de I'OMC reviendrait a condamnercette activité agricole et a pénaliser lourdement I'économiede ces iles dont la faible représentativité ne permet pas d' or-ganiser une défense efficace face aux productions massivesdes zones continentales activement soutenues par les corn-pagnies transnationales.

Les décisions politiques qui orienteront l' organisation dumarché de la banane auront d' énormes répercussions sur ledéveloppement de toutes ces iles et risquent de modifier lesprofils de capacité de charge et d'induire des régressionséconomique et sociale importantes, facteurs de déséquilibrespolitiques graves dan s certaines régions (Caraibes ...).

Mots clés: iles tropicales, banane, capacité de charge, mar-ché, OMC, pays ACP, Caraibes, mondialisation.

AbstraetMany tropical islands produce bananas, which exported

part represents 2.5 million tons, that is to say nearIy 20 % ofthe international trade in sweet bananas. Half of this produc-tion comes from European territories (Martinica, Guadeloupe,Canarian islands, Madeira) or from ACP countries (Jamaica,Dominica, Saint Lucia, Saint Vincent...), allliable to a specificeuropea n regulation which tends to support theses produc-

tions, in spite of the context of liberalism expected by theWorId Trade Organisation (WTO). The nature and size of theproduction areas in these islands outline specific stockingrates. The poor infrastructures and the depedency onextraneous inputs linked to insularity do not give the possibilityto reach a competitive productivity within an open interna-tional context. Nonetheless, those productions are essentialfor the economic Iife due to both direct and indirect effects. Atotal respect of WTO regulations would end up incondemning this agricultural activity and will heavily penalizethe economy of these islands. their poor representativenessdoes not permit the organization of a protection efficientenough to confront the massive productions of the conti-nental zones, actively supported by transnational companies.

The political decisions, which will direct the banana marketorganisation, will have huge repercussions on thedevelopment in all these islands. They risk a modification ofthe outlined stocking rate and they might lead to importanteconomical and social declines, risk factors to a seriouspolitical imbalance within some regions.

Key words: tropical islands, banana, market, stocking rate,WTO, ACP countries, internationalization.

* Cirad-Flhor, B.P.5035, 34032 Montpellier Cedex 1, France

• 25

Page 26: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• T

Production mondialede la bananed'exportation

Le marché de la bananed'exportation est lepremier marché mondial des

fruits en volume (14 millions de tonnes enI996)ainsi qu'en valeur(4,8 milliarclsUS$en 1996). Suivant leur origine.ces bana-nes releveront de regles de commerciali-sation différentes. Trois systemes sont aconsidérer suivant la nature géopolitiquedes pays de productions :-les tenitoires périphériques et ultra péri-phériques de I'Union européenne (U. E.)constitués des Canaries (Espagne), deMadere (portugal), de la Créte (Grece) etdes Antilles francaises. On désignera cetteproduction sous le terme de "banane euro-péenne".- les pays dont les rapports avec les mem-bres de l' U.E. restent forts (so uvent pourdes raisons historiques), signataires desaccords de Lomé et appartenant de ce faitaux pays d' Afrique-Caraibes-Pacifique(ACP) comme Belize, les Dessous le vent,laRépublique Dorninicaine, leCarneroun,laCóte d'Ivoire, Madagascar ...On parleraalors de "bananeACP".-les autres pays indépendants qui ne peu-vent que se placer dans un contexte com-mercial intemational ou yertoLeur bananed' exportation sera dite ''banane dollars".

Dans le cadre de l' acces aux marchésde J'Uníon européenne, les bananes HE,etACP souhaitent conserver certains avan-tages hérités de leur histoire et se défenclreainsi d'un libéralismequi favoriserait lesbananes doUars.L' organisation com-munedes marchés (OCM) pourla banane, décidée par1'u.E., est le cadre mou-vantdanslequelcha-cun des pays produc-teurs de l' UE et despays ACP tente desauver ses intéréts.

26 Mondialisation et capacité de charge

Importance desproductionsinsulaires

Les productions insulaires de bananesreprésentent 74% de la production euro-péenneetACP(tableau 1). Letonnagequ' elles représentent est tres inférieur acelui des pays aux bananeraies industriali-sées. Par contre elles concement de nom-breux pays et un grand nombre d' opéra-teurs par rapport aux quelques compagniesqui régissent les immenses plantations despays gros producteurs.

L'importanced'une production dans uncontexte national peut étre également ap-préhendée en rapportant les chiffres d' ex-portation au nombre d'habitants. En pre-nant en compte tous les pays producteursde banane, on constate par cette approcheque quatre iles figurent parmi les cinq pre-miers pays (c1assement en tonne de bana-nes exportées par habitant - tableau 2).

La banane aux Antilles

Un contexte deproduction tres varié

Le produit final, bien connu des con-sommateurs, est tres standardisé puisqu' ilprovient de quelques cultivars d' un mémegroupe génétique (un nouveau marchépour d' autres variétés de bananes émerge,mais reste encore embryonnaire et ne serapas pris en considération dans ce qui suit).Cette homogénéitédu prodctala con-som-mation ne doit pas faire oublier une tresgrandediversité de conditions de produc-tion qui rend périUeuse toute approche quis' appuierait sur un seul systeme de pro-duction.

Cettediversité se déclinedepuis les par-ticularités topographiques, pédo-Iogiques,climatiques et géographiques jusqu' auxcomposantes sociales et politiques decha-que pays. Quelques-unes sont citées ici etpeuvent illustrerl' opposition des conditionsde cultures entre zones continentales etinsulaires tropicales.• Les productions de plaine permettent de

culti ver de grandes surfaces homoge-nes, d' appliquer des itinéraires techni-ques a grandes échelles, d' optimiser lesintrants. Elles s' opposent aux espaceshétérogenes constitués de plaines exi-gues, de vallons ou de plateaux qui im-posent un parcellaire fragmenté et despratiques culturales souvent plus com-plexes.

Page 27: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

Tableaul: Importance des productions insulaires de bananes (U.E. + ACP)

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

Production U.E. + ACP 1.700.000 t (100%)

Production insulaire U.E. Production insulaire ACP

Créte 15000 t Cap Vert 4800 tMadere 50000 t Grenade 14000 tGuadeloupe 150000t Dominique 71000 t 1257800 t (74%)Martinique 219000 t St Vincent 82000 tCanaries 420000 t Iemeique 105000 t

Ste lucie 127000 t

TotalU.E. 854000 t TotalACP 403800 t

• Les sois profonds et drainant permet-tant des cultures pérennes contrastentavec lessoIspeu profonds ou asphyxiantsqui nécessitent des replantations régu-lieres avec une préparation importantedes sois.

• IX nombreuses zones de production sontexposées aux tomades ou aux cyclonesauxquels «la plus grande herbe dumonde» ne résiste paso

• La distance «zones de productions /marchés de consommation» est tres va-riable (Amérique centrale/ USA-Ca-nada et Caraibes / Europe par exemple)et influe fortement sur les coüts de re-vient

• La nature des statuts fonciers déterminela taille des plantations et sera détermi-nante dans le choix des systemes de pro-ductions (opposition des grandes plan-tations industrielles etdes exploitationsfarniliales ).

• Lasituation politiqueetl'histoiredecha-que pays producteur impliquent souventdes relations entre production et mar-chés (pays indépendants, paysACp, dé-partements ultra-périphériques euro-péens ...)

Historique des reglesdu marché de labanane d'exportation

Des l' origine de I'Union européenne(Traité de Rome), deux organisations demarché ont cohabité pour la cornmerciali-sation de la banane.• La premierequi rassemble les pays pro-

ducteurs (France, Espagne, Portugal,Grece) et les pays impliqués dans le dé-veloppement des ACP (France,Royaume-Uni, Espagne, Belgique ...)commercialise les bananes de 1'U.E. et

Production de banane dessert d'exportation (1996)

PRODUCTION EN MILLlERS DE TONNES

des ACP a un prix supérieur au coursmondial. Cene pratique perrnenait demaintenir cene activité agricole dans1'u.E. et de contribuer au développe-mentdans les paysACP.

• La seconde, constituée des autres na-tions européennes (Allemagne, paysnordiques et plus tarclivement les autrespaysd'EuropecentraleetduNord),gran-des consommatrices de bananes, com-mercialise les bananes dollars du mar-ché mondial a un coüt moindre.La persistance de ces deux organisa-

tions devient anachronique avec I'unitécroissante de l' Europe.

Les débats ont été nombreux et intensespour arriver a des accords successifs d' or-ganisationcommunedesmarchés(OCM)toujours plus complexes. Les plaintes dé-posées aupres de l' Organisation Monclialedu Commerce par les producteurs de ba-nanes dollars ont abouti a une rnise en de-meure pour l'Europe de régulariser l' or-ganisation dece marché dans le sens d' unelibéralisation pour le Ierjanvier 1999.

27

Page 28: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

••••• T

TI faut noter que la part importante desproductions insulaires dans les bananes deI'UE.etdesACPaeu unr6leplut6tnéga-tif dans les négociations. Les lles et leuridentité propre tres marquée (phénomenetypique de l' insularité) ont été un frein al'établissementd'un consensus puisqueala difficulté des débats s' ajoutait la spéci-ficitéd' états/tenitoires peu enclins a s'ex-primerd'une méme voix.

Menace pour les Iles

L' obligation d' organiser le marché ba-nanier au niveau planétaire ne peut se fairequ' au détrirnentdes producteurs de régionsaux fortes contraintes. Les territoires insu-laires sont donc directement concemés.Les consé-quences éconorniques et socia-les seront majeures puisque l' importancede ces productions y est particulie-rementforte (cf. tableau 2).

Du faitde l'insularité, certaines activi-tés induites sont particulierement dévelop-pées [e.g.: lafonction de transport(autantpour laproduction que pour les intrantsexo-genes), le secteur de cornmercialisation /trans-formation des sous-produits ou desécarts de production]. Elles seront obliga-toirement touchées par l' évolu-tion de laculture de la banane, ce qui contribuera aaggraver la situation éconornique locale.

Conclusion

Les solutions a apporter relevent d' uneproblématique récurrente du développe-ment durable des zones aux conditionsde productions défavora-bles. Dans leursformes extremes, elles relevent de deuxscénarios:• un fort assistanat, artificialisant l'ensem-

ble de la vie éconornique ;• une liberté de marché qui sacrifiera tous

les secteurs non concurrentiels et en-trainera une importante baisse du niveaudevie.

28 Mondialisation et capacité de charge

Ml

Ces deux hypotheses sont insatis-faisantes et les solutions devront étre in-termédiaires. Leur choix sera facilité parl' utilisation d' indicateurs pertinents oü lesnotions de capacité de charge, de seuilde tolérance, de durabilité devront étreprises en considération pour chaque zonede production. Ces précautions serontd' autant plus nécessaires qu' elles con-cementdes marchés tres précis. On peuten effet imaginer d' autres systemes deproduction (bananes de diversi-fication,mais également d' autres productions hor-ticoles spécialisées) spécifiques des con-ditions de chaque site, pour lesquels desanalyses des contraintes devront étre fai-tes pour déterrniner les seuils et les capa-cités de charge propres.

TI faut déplorer que les effets de la mon-dialisation ne soient souvent exarninésque dans leurs composantes éconorni-ques a court terme. La dimension politi-que est tres souvent reléguée. TI est pour-tant facile d' imaginer les effets induitspar la déroute d' un secteur éconornique

Tableau 2: Exportation de bananepar habitant

Pays Tonne de bananeexport / habitant

Sainte Lucie 0.900

Costa Rica * 0.642

Martinique 0.538

Dominique 0.533

Saint Vincent 0.505

* pays non insulaire

majeur dans une He au niveau de sa ré-gion. Les répercussions en terme d' ins-tabilité politique, d' appauvrisse-ment, denouveaux flux rnigratoires, de sécuritésont évidents et devraient étre intégrésaux études de prospective pour rnieuxsituer le réel intérét d' une nouvelle orien-tation d'un marché.

Bibliographie

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Page 29: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CRARCE

OUTIL DE DIALOGUE ET DECOMMUNICATION DANS LES PECHES:

L'ATLAS DE VANUATU ET SESIMPLICATIONS POUR LE

DEVELOPPEMENTEspérance Cillaurren *

Résumé

L'atlas des péches de Vanuatu représente une innovationdan s le domaine des pécheries cótieres et a été réalisé pourtransmettre au mieux des informations sur la distribution spatio-temporelle de la ressource. Ce travail a donné lieu a une ré-f1exion sur I'analyse et la transmission des informations,compte tenu de I'identification et de la demande des acteurssociaux. La carte devient alors un outil de dialogue, de com-munication et d'aide a la décision. Celle-ci est fortement dé-pendante en halieutique avec la capacité de charge qui con-duit a évaluer un potentiel d'exploitation. En fait, les particu-larités de I'environnement des petites iles semblent avoir plusd' influence sur les activités de peche que la simple disponibi-lité de la ressource. II est done logique d' intégrer I'utilisationde l' indicateur «capacité de charge» dans une analyse glo-bale qui prenne en compte la spatialisation.

Abstraet

The fisheries atlas ofVanuatu innovates in coastal fisheriesand is made in order to transmit as better as possible informa-tions about the distribution in space an time of the marineressources abundance. This work give rise to a thouhgt aboutthe analysis and the spreading of informations. Instead, doingthe atlas responds to various targets in relationship with thedemands of the different social players. Mapping the dataleads to build a tool of dialog, communication and decision.These last are in fisheries strongly dependent to the carryingcapacity which is allows to evaluate a catch potential. Actually,the characteristics of the small islands environment seem tonave greater influence for the development offishing activitiesthan the simple availibility of the ressource. Therefore theuse of carrying capacity should be integrated in a globalanalysis which take in account the spatialization.

Mots clés: Vanuatu, peche, atlas, capacité de charge. Key words: Vanuatu, fishing, atlas, stocking rateo

* ¡RD, Centre ORSTOM de Montpellier, LEA B.P. 5045, 34032 Montpellier cedex 1, France .

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Page 30: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

T

La place des atlas dansles péches, unedémarche entreprisea Vanuatu

Lacartographie des ressourceshalieutiques est encore peurépandue. Excepté a Hawaii,

aucun atlas des péches cótieres n' a étéréalisé avant celui de Vanuatu. En fait, lacartographie quantitative est plutót réser-vée aux ressources pélagiques du large(Fonteneau, 1997). Si des infor-mationsconcemant les ressources aquatiques sontsouvent indiquées sur le support géogra-phique, les réflexions concemant le rólede l' espace dans la dynamique de la res-source et de son exploitation est récente(Caddy et Garcia, 1987). Dans ce sens lamodélisation intégrantl'hétérogénéité spa-tiale de la ressource (petitgas, 1994; LePage, 1995 ;Pelletier, 1995 ;Hutchings,1996)estencoreconsidéréecomrnediffi-cilement applicable par les acteurs so-ciaux. C' est pourtant dans cette optique queles systernes d' informations géographi-ques ont été mis au point principalementpour les zones cótieres (Anonymes, 1995,1996; Maeden et Do Chi, 1996) et ontainsi permis d' apporter une nouvelle si-gnification al' étude de la répartition spa-tiale des ressources marines. Cette procé-dure est d'un coüt élevé et requiert parailleurs des moyens logistiques et des ba-ses de données qui sont encore peu dispo-nibles dans le Pacifique insuJaire.

Vanuatu, archipel de quatre vingt Ilessituées au nord de la Nouvelle Calédoniepossede une superficie terrestre cinquantefois inférieure a sa zone d' excIusivité éco-nomique ((iX)(XX)]an2). Avec ses 150 (XX)habitants, le pays est marqué par son insu-larité et une économie faiblementmonétarisée. Le développement d' unepeche artisanale cótiere lancé par le gou-vemement des 1981 eut pour but de déve-lopper les circuits de commercialisationdes produits halieutiques frais afín d' amé-

30 Melhodes el oulils

III

liorer la qualité protéique de l' alimentationet les revenus des populations rurales. Lesysteme de recueil d' information en tempsréel a perrnis a partir de I'analysede 10(XX) sorties de peche réparties sur 120 zo-nes de peche et couvrant dix années d' ex-ploitation de suivre dans le temps et surI'ensemble de l'archipell'évolution desactivités de peche. La représentation car-tographique a alors été choisie comrne lemoyen le plus adéquat et le plus économi-que de rendre compte de l' état de la res-source et l' évolution de la pécherie, Cettedémarche nous a conduit a réfléchir sur leróle de la carte dans l' analyse et dans ladiffusion des informations. Ensuite, uneproposition de gestion de la pécherie estfaite compte tenues des variabilités spa-tiales observées dans l' effort de peche etdans l' abondance de la ressource. Dansce cadre, la capaci té de charge expriméeclassique-ment par la biomasse exploita-ble (GulJand, 1983) pararnetre couram-ment utilisé dans la gestion des pécheries,estreconsidérécompte tenu de la variabi-lité spatiale de l'exploitation.

Cartes et atlas:les plateformesde I'information

Le travail cartographique est basé surdes objectifs pragmatiques; il s'agitdedécrire les meilleurs lieux et moments decapture du poisson et d' évaluer par zonede peche les quantités que l' on peut préle-ver san s épuiser la ressource. Ces infor-mations sont présentées de rnaniere a cequ'elles puissentétre comprises et utili-sées par le public le plus large.

A Vanuatu, et de maniere plus généraJe,en Océanie insulaire, l' identité des hom-mes, acteurs du déve-Ioppement, estfor-tement liée a leur territoire, e' est a direaux lieux qu'ils occupent etdont la per-ception estapparentéeál'utilisationqu'ilsen font (Bonnemaison, 1986). Dans cecontexte l' écrit et les tableaux de chiffresou les diagrarnmes " parlent " beaucoupmoins au lecteur que la carte qui au tra-vers de \' irnage géoréférenciée ravive lelien que celui-ci a tissé avec les lieux(Cillaurren et David, 1995) formant son

Page 31: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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Situetion géographique de l'Archipel de Vanuafu

espacequoridien. Nous avons alors distin-gué trois types de lecteurs ou acteurs so-ciaux selon 1e5relations qu' ils entretien-nent avec l' espace géo-graphique. Lesacteurs qui concoivent la poLitique du dé-veloppement des péches ont une percep-tion du pays dans sa globalité et de sa si-tuation dans LePacifique insulaire, Lesagents de l' administration des péches, char-gés d' appliquer les directives politiques,s' intéressent al' organisation des activitésde peche au sein de l' archipel, et plus par-ticulierement a la comparaison des poten-tialités d' exploitation entre les iles. Lepécheur des villages esr centré sur sa zonede peche et sur son íleo

La représentation des objets sur la carteobéit al' itinéraire cartographique décritpar Deffontaines et Lardon (1994). Lacarte ressource est un recuei Ides infor-mations collectées, la carte facteur est lerésultat de la combinaison de Ce5informa-tions et la carte produit représentera lerésultat d'une modé-lisation. Nous conce-vons alors Lareprésentation cartographi-que comme une plateformede l' informa-tion, 00 acquisition et production decon-naissances sont reliées par un flux aller etretour de l' information. TIs' agit la a la fois«d' un outil de dialogue et de communica-tion» comme pressenti par Desffontaines

et Lardon (1994) mais également d' unmoyen d'aiderladécision.

Pour la peche commerciale des pois-sons de profondeur a Vanuatu, la carte «res-sources» indique pour chaque Ile l' effortde peche déployé et la production obte-nue, la carte «facteurs» montre l' évolutionannuelle de5 rendements, et la carte «pro-duits» indique 1e5quantités annuelles quel' on peut pécheret le nombred' embarca-tions qui peuvent étre mises en activitésansépuiser laressource.Il s'agit lad'unereprésentation de la capacité de charge decette ressource vis a vis d' un prélevementcomme la définit Le Fur (1997).

.La ge~tio!" desexploitationshalieutiques:la signication de lacapacité de chargedans un milieu insulairefortement marqué parI'éclatement de l'espace

A priori la capacité de charge est éva-luée soit a partir de modeles globaux deproduction (Schaeffer, 1954; Fox, 1970)soit a partirde modeles analytiques qui uti-lisent 1e5parameires biologiques de la res-

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE •••

source (Beverton et Holt, 19%) tels que Lacroissance, la mortalité (mortalité naturelleet celle due al' effort de peche) et le recru-tement Au départ définie spatialement, lacapacité decharge aensuiteétéévaluéeparwnegéographiqueselonun simplerap-port de surface. Or une forte structurationdes habitats des poissons existe en fonc-tion de la profondeur pour Le5vivaneauxreprésentés par les especes du genrePristipomoides qui sont les plus superfi-cielles et celles du genre Etelis qui viventdans les plus grandes profondeurs . Lesespeces du genre Epinephelus (loches)qui sont en revanche moins bien locali-sées selon laprofondeur apparaissent con-centrés sur certaines iles (CilJaurren et al.,1998).Enfrn, l' effort de peche migre ens' intensifiant au cours des ans de la péri-phérie de l' archipel vers 1e5iles centralesqui regroupent les zones urbaines et 1e5meilleures infrastructures de communica-tion (Cillaurren etSimier, 1998). Pourétreun outil d' aide a la décision efficace, lacapacité de charge ne peut omettre cesvariabilités.

Si la capacité de charge exprime la dis-ponibilité de laressource selon une quan-

La cepecité de charge de la ressourcedémersale a Vanuafu exprimée par la

prise maximale soufenue et le nombrede bafeaux pouvanf opérer

31

Page 32: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

tité annuelle que l' on peut prélever, il estjudicieux d' établir ces quantités par es-peces avec un index d'abondance géo-graphique pour les especes intermédiai-res. 11s' agit la des especes les plus vul-nérables a une peche intensive. Si la ca-pacité de charge s'exprime selon unepression de peche (ie. nombre de bateauxopérant ou nombre de jours de peche),elle sera non seulement tributaire de ladisponibilité de la ressource, mais aussides conditions d' acces a cette derniere,et des contraintes inhérentes a sa com-mercialisation. En effet, outre la difficultédes conditions de navigation sur les cótesexposées aux houles et aux vents situéesal' est de l' archipel, la peche en milieurural est handicapée par le manque devoies de cornrnunication. Ainsi, les coütsde transport du poisson vers les zonesurbaines oü se situe la demande (repré-sentée par les hotel s et les restaurants)sont prohibitifs pour les bénéfices de lapeche (David, 1990). Enfin, les revenusdes consornrnateurs ruraux ne leur per-mettent pas d' acquérir ce produit. C' estdonc en ville, lieu bien infrastructuré etcornrnunicant avec l' extérieur, que descentres de peche commerciale se sontdéveloppés au cours des ans sous l' égidede pécheurs professionnels privés.Cornrne l' a montré l' arrét progressif dela peche a vocation cornrnerciale dansles zones rurales, la gestion de la pechedans un milieu insulaire cornrne celui deVanuatu est tributaire des particularitésde l' espace géographique. Maritime, ilinfluence la disponibilité de la ressource.Terrestre, il est déterminant pour la via-bilité de l' activité économique. L' outil"capacité de charge " devrait done étreconcu cornrne un élement mixte, résultatde l' expression spatiale de l' abondancede la ressource et de l' effort de peche.La capacité de charge est alors un indi-cateur flexiblequis'adapte dansletempsaux fluctuations spatiales de l' effort depeche et de la réponse de la ressource acette pression.

32 Methodes et outils

Ml

Conclusion

La représentation carto-graphique aété réalisée au départ dans le but de ré-pondre de la rnaniere la plus c1aire et dela facon la plus compréhensible aux ques-tions fonnulées par les acteurs sociaux.La simple présentation des faits dans leurréalité géographique permet déjá demettre en évidence des informations quialimenteront de nouvelles problérnati-ques.1I est donc essentiel a ce niveauque I'image carte soit évolutive et inte-ractive. Supportfixede I'infonnation aun moment donné, la carte est aussi pro-ductrice d'une dynarnique qui permetselon les termes de Desffontaines et Lar-don (1994) le passage d' une recherche-finalisée vers une recherche- action.C'est dans ce cadre que s'inscrit l'utili-sation d' un indicateur identifié comme lacapacité de charge usuellement évaluéde rnaniere spatiale. Toutefois, dan s lemilieu insulaire océanien, compte tenuesdes variabilités induites par l' éclatementdes espaces occupés par la pécherie, ilparait nécessaire d' intégrer la capacitéde charge dans une vision globale quiprenne en compte non seulement l' hété-rogénéité spatiale de la répartition de laressource mais aussi les caractéristiquesdes lieux de peche et leur appropriationpar les acteurs sociaux. La capacité decharge deviendra alors un objet spatialtel que le concoivent Lardon et al. (1998)situé al' interface des dynarniques res-pectives de la ressource et de l' exploita-tion halieutique et sera ainsi un descripteurutile pour la gestion de la pécherie, Danscette optique l'utilisation des systemesmulti-agents spatialisés parait indiquée,l' objectif recherché étant non seulementde décrire l' état du systerne peche maisaussi d'étudier la flexibilité d'undescripteur, ici la capacité de charge, visa vis de l'évolution spatio-temporelle ducomportement des acteurs ou agents dece systeme.

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MILlEUX INSULAIRES El CAPAC!H DE CHARCE •••

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"

33

Page 34: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• T

34 Methodes et outils •

Page 35: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

ORGANISATION SPATIALE ET,DISCONTINUITE:

OUTILS ET MÉTHODES D' INVESTIGATIONIsabelle Mor *

Résumé

Pour appréhender les territoires surchargés, il convient en

premier lieu de les délimiter et pour cela il faut analyser l' es-

pace, déterminer précisément les discontinuités, les situer afín

de mieux connaitre les objets susceptibles d'intervenir et de

modifier leur évolution. Diverses méthodes et de nombreux

outils sont a notre disposition. Chacun d' eux a une limite

d'exploitation mais peut étre relayé par un autre de ces outils.

Un tableau de synthése présente chacune des méthodes, ses

champs d'investigation, ses données, ses avantages et ses

inconvénients.

Abstraet

In order to understand overcrowded territories, we have to

define them fírst. For that purpose space must be analysed

and discontinuities precisely settled. The determination of

the exact location of those discontinuities is necessary to

have a better knowledge of the phenomenon able to bring a

modification in the evolution ofthe territory. Various methods

and many tools are at our disposal. Each one has a limit of use

but can be relieved by another one. A synthetic table describes

those methods, their investigation fields, data, and pros and

cons.

Mots-clés: Discontinuité, analyse spatiale, structure et dyna-

mique territoriales, modélisation, ile, notion de seuil, capacité

de charge, indices de concentration, indices de dispersion,

SIa

Key words: discontinuity, spatial analysis, territorial struc-ture and dynamic, modelling, island, limit, stocking rate,concentration indicators, dispersion indicators, GIS.

* Laboratoire d'Analyse Spatiale Equipe "Dynamiques territoriales", Université de Nice Sophia Antipolis, UPRESA 6046 duCNRS UMR Espace, 06000 Nice, France .

• 35

Page 36: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

I ,

Introduction

Le caractere commun au milieu médi-terranéen réside dans l' inversion existantdans les hiérarchies spatiales et mentalesentre l' intérieur et le littoral. Insulaire, lasociété pastorale s' est transformée aucours des siecles en une société mixte :littoral / intérieur puis plus récemment qua-sirnent entierement littoraliste. Ce chan-gement profond organise l' espace en plu-sieurs zones: une forte concentration ur-baine littorale, une péri urbanisation et unmitage de la plaine intérieure, un haut ar-riere-pays quasirnent désert dominant lebas pays densément peuplé formant ainsiune profonde discontinuité a la fois topo-graphique et hurnaine. L' intérét porte doncsur la délimitation de ces zones afin d' éta-blir les liens qui peuvent a la fois les unirou les différencier. L'ile est un espace res-treint. De ce fait, la petitesse du milieu in-sulaire entraine une saturation rapide et lesconséquences de la surcapacité de chargesont amplifiées. Les problemes d' aména-gement du territoire se posent alors dansdes termes plus forts. Ils doivent surtoutétre résolus plus rapidement puisque noussommes la al' interface entre deux milieuxmarin et terrestre.

L' intérét de déterminer de maniere pré-cise les discontinuités permet de limiterles différents espaces et d' en établir destypologies en fonction des variables prisesen considération. Selon le choix de celIes-ci, les Limites se modifient mais nous lesconnaissons toujours précisément. Deméme, nous pouvons arriver a compren-dre parquelles variables un développe-ment peut étre entrainé. La présence d' unediscontinuité spatiale estcontrainte par unnombre restreintde parametres. En modi-fiant certains de ces parametres, la dis-continuitéévolue spatialement, reníorcantou réduisant l' espace. La capacité decharge du rnilieu évolue en conséquence.Ainsi, la charge tolérée pour telle ou telIevariable peut étre connue comme sa Ii-mite: la surcapacité de charge.

36 Methodes et outils

Ml

Des discontinuitésaux répercussionsdifférentes

Ces discontinuités provoquent des ef-fets de dissymétriedans larépartition d'uneactivité d'un phénomene donné commepar exemple des activités motrices, desstations touristiques, des centres urbainsdynarniques ... Ces effets de dissymétries' observent lorsqu' unediscontinuité séparedeux zones de niveaux socio-éconorniquesdifférents. Al' inverse, des effets de symé-trie se rencontrent lorsque les contrastesentre les deux entités territoriales sont fai-bles ou bien lorsqu' elles exploitent toutesdeux une méme richesse.

Les effets de dysfonctionnement sont lesigne d' une mauvaise intégration et se tra-duisent par des limites aux aires d'in-fluence ou d' attraction. Par exemple,l' étude de la forme des réseaux de com-munication permet d' obtenir une bonneindication des dysfonctionne-ments. Lors-que les voies de communication entre lesespaces s' apparentent a un systeme dedrainage e' est a dire que seuls quelquesaxes traversent la discontinuité en des pas-sages obligés, l' interdépendance est fai-ble comme on le rencoritre souvent al' in-térieur des ilesoAu contraire, si le réseaus' organise selon un systeme d' irrigation,l' interdépendance est élevée.

La discontinuité peut étre considéréecomme un obstacle a la réalisation de l'op-timurn économique. Parexemple, lescoütsde transport tendent a augmenter lorsqueles points de franchissement de la discon-tinuité sont rares. De plus, les infrastructu-res de transport empruntent pratiquementle méme itinéraire devenant parfois con-currentes entre elIes mais elIes n' irradientpas norrnalement leur espace, comme l' il-lustrent les infrastructures de communica-tion des Alpes-Maritimes. Si les touristessont attirés par certains territoires commedes littoraux, les points de passage obligéspar lesquels s' écoulent les flux touristiquesont du mal a les retenir, et bien souvent ilsne font que traverser ces espaces qui nebénéficient pas de retombées positi ves.

Les outils de calculde délimitation desdiscontinuités

Définir des seuils, des limites (des fron-tieres invisibles mais bien réelIes) est pos-sible gráce a diverses méthodes dont nousdisposons et qui peuvent étre regroupéesen trois groupes : les techniques de c1assi-fication qui découpent l' espace en ensem-bles régionaux, la recherche des plus fortscontrastes entre des unitésspatiales, leuai-tement des irnages. Apres avoirétabli une

Page 37: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

STRUCTURE DYNAMIQUE FLUX

Auto corrélation

Concentration spatiale Concentration spatiale

Analyse de voisinage

Analyse multivariée

Analyse differentielle Analyse differentielle

Modele de potentiel Modele de potentiel

Morphologie mathématique Morphologie mathématique Morphologie mathématique

Filtrage Filtrage Filtrage

SIG SIG SIG

matrice a partir des données récoltées, cequi n' est pas toujours aisé en milieu insu-laire, une classification est établie. Plu-sieurs méthodes et logiciels permettentapres traitement mathé-matique, de visua-liser les résultats al' échelJe zonale, com-munale, régionale ou autre, ce qui est uneapproche plus abordable que la lecture d' in-terminables équations.

Pour approcher la scission entre un litto-ral et un arriere-pays insulaire, pour com-prendrequels processus inter-viennentdans larépartition des charges et connai-tre la capacité de celui-ci a les gérer, pourdétecter les discontinuités, pour en faireune modélisation, pour arriver a prévoir etanticiper, des outils nous permettent d' ap-préhender la structure spatiale, la dynami-que spatiale ou la distance par l' étude desflux et des réseaux. Les moyens de déli-mitation se positionnent souvent dans l' unede ces trois approches mais seulementquelques-uns arrivent a prendre en compteces trois composantes. Le coefficientd' auto corrélation spatiale, les indices deconcentration spatiale, les analyses de voi-sinage indiquentla concentration ou nonde la population, aquel type de distributionobéit cette concentration et quel phéno-mene en est responsable. En fait ce sontdes analyses de contiguité,

Les analyses rnulti-variées, les analy-ses différentielles mesurent les différen-ces inter régionales. Les analyses multi-variées comme les analyses en compo-

sante principale permettentde résumer l' in-formation. ElJes évaluent les différencesde taux entre deux espaces, elles distin-guent les effets structurels des effets ré-gionaux. Les analyses différentielles cal-culent l' écart par rapport a des modelesgéographiques comme Christaller ouHagerstrand pour connaitre l' existence ounon d' un effet de barriere, l' objectif étantde reconnaitre si la limite constitue un freinaux éléments d' intégration et de détermi-ner l' inertie du systeme,

Les «modeles de potentiel» traduisentquant a eux la différence qui existe entredeux points, et révelent la présence ou nond' un gradient. TIest intéressant d' obtenirpar exemple un potentiel d' attraction desprincipales unités urbaines insulaires enfonction de certains enteres tels que le tra-vail, les services, les logements, le degréd' accessibilité, puis de le comparer avecd' une part la répartition de la population, et

MILlEUX INSULAIRES El CAPAClTf DE CHARGE •••

d' autre part les mouvements migratoires.En présence d' un póle particulierementattractif, comme par exemple la ville deBastia; son potentiel sera couplé avec unecarte isochrone afin de repérer au-delá dequelle distance-temps le phénomene s' in-verse et devient répulsif. On peut envisa-ger également l' étude de potentiels de cer-tains équipements tels que les bópitaux afind' observer si leur champ de force s' étendou s' ils sont sous-utilisés.

La «morphologie mathématique» cher-che a définir comment évoluent certainesvariables et jusqu' a quelle distance leurseffets se font sentir. Peu d' outils statisti-ques prennent en compte la distance, etlorsque c' est le cas, la distance entre indi-vidus est favorisée par rapport a celJe quiséparent ces mémes individus d'un élé-ment géographique donné (littoral, route,frontiére), Seul un nombre restreintd' outilsstatistiques possede cette caractéristique.Ce sont ceux appar -tenant a la démarchemorphologique qui offrent la possibilité deprocéder a des analyses de contiguité nonpas uniquement entre des éléments deméme nature (points etpoints), mais entreun phénomene ponctuel et un phénomenede surface ou linéaire. Le «grapheperceptuel» détecte les structures spatia-les ainsi que leur forme (linéaire, lenticu-laire, ponctuelle). TIpermet par exemplede déceler des structures de peuplement,la nature du tissu industriel ou bien encareles zones de déprise agricole, et de com-parer les structures obtenues.

Schéma Points/Dilatations/Squelette

ID

••·a --..•--Squelette

37

Points Dilatations

Page 38: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

Ml• T

Le «squelette» par zone d'influencedétermine l' espace d' attraction théoriqued'un pointdonné. C'estla distance inter-points qui est prise en compte pour le cal-culer(ligned' équidistanceentre les points).La forme et la dimension de ces zonesd' influence théorique sont les parametresa prendre en compte pour leur interpréta-tion.Ainsi, on considere que des zones d' in-fluence théorique nombreuses el de petitetaille sont le signe d' une concurrence spa-tiale entre les unités, ce sera le cas si ladiscontinuité joue un róle attractif(frontropismedes villes littorales); inver-sement, plus la taille de ces zones estgrande, et plus on a affaire a une distri bu-tion relativement láche des points (e' est lecas par exemple des communes de mon-tagne). Le centre géodésiqued'un espacese situe al' équidistance des deux pointsles plus éloignés lorsque l' on se trouve al' intérieur de l' espace de référence. On yfait appellorsque l'on privilégie un linéairecomme un littoral et que l' on souhaite po-sitionner au rnieux une infrastructure tellequ' une halte-garderie ou un regroupementde classes d' école par exemple.

Ces méthodes permettent de déceler uncertain nombre d' éléments et d' interrela-tions majeures. Parexemple, elles rendentpossibles ladélimitation des lieux et l' ob-

38 Melhodes el oulils

servation de la maniere dont ilsorganisentl' espace autour d' eux. Elles permettent decomprendre la maniere dont la croissancedémographique et éconornique s' inscritdans I'espace, dedécouvrir les principa-les mutations spatiales et fonctionnelles.Ainsi, parexemple, un modeledu systemedes arrieres-pays dépendants a été établi.

L' objectif de l' emploi des filtres con-siste a essayer de faire ressortir des StlUC-tures spatiales en déformant la réalité con-tenue dans l' image d' origine pour mettreen valeur les grandes tendances généra-les. C' est un traitement mathématique quis' exerce a partird'une banquededonnéescartographiées: cartes, photographies parsatellite ou matrice statistique. Le filtrepasse-bas permet de visualiser l' effet ré-gional. Ce filtre atténue fortement les peti-tes anomalies, considérées comme étantun effet local négligeable. Le filtre passe-haut renforce ce qui est ponctuel, les élé-ments résiduels et locaux qui peuventavoirune influence réelle sur des configurationsspatiales. Ainsi, l' étude de la répartition deslogements principaux et secondaires dansles Alpes maritimes illustre l'utilisation deces deux types de filtres. Ces deux cartesmontrent notamment les oppositions entrezones littorales et intérieííres qui existent ala fois au niveau de la répartition des loge-ments principaux (carte de gauche) quedes logements secondaires (carte de

droite) oü apparait un clivage entre le hautarriere-pays (domaine a1pin)et le moyenarriere-pays, entre l' espace inigué par desinfrastructures de communication et l' es-pace délaissé.

Les systernes d' information géographi-que sont I'outil d'une recherchetransdisciplinaire. L'utilité d'un SIG estdone double :a la fois permettre l'élabora-tion de cartes plus pertinentes et d' autori-ser des calculs d' optimisation dans desprocessus d' aide a la décision. L' élabora-tion de caries transformationnelles fait res-sortir les disparités spatiales en fonctionde la distance ou de l' attraction exercéepar certains póles, pour suggérer lameilleure locaIisation d'une implan-tationd'unesurface. LesSIG ont un tripleintérét:permettre une gestion cohérente des don-nées géoréférencées, permettre le traite-ment de données numériques ou / et logi-ques :analyse, modélisation et simulationspatiales numériques en mode raster, rai-sonne-ment spatial et simulation (insertionen site et faisabilité), et enfin permettreune représentation cartographique, Lesdifférents calques thématiques ainsi crééspermettent de mettre en relation certainesdonnées et de voir ainsi les contraintesexistant tant du point de vue physiquequ 'humain, éconornique oujuridique et lesaménagements nécessaires pour unemeilleure exploitation de ces espaces in-

Cartes des Alpes Maritimes

Page 39: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

Tableau de svnthése el de comparaison des outils

Méthodes et Champs Les données Description des objectifs el Avantages et InconvénientsOutils d'application des méthodes

StatistiquesAutoccorrélaton Géographie Différence entre milieux Sa limite débouche sur la morphologiespatiale humaine contigus et milieux non mathématique.

contigus. Si on recherche plus de différences entredes régions de rnéme nation qu'entre deuxrégions séparées par une discontinuité.

StatistiquesIndice de Géographie Analyse de proximité, degré Bon indicateur des points d'ancrageconcentration humaine, activités, de spécialisation desspatiale population communes, Type de

distribution a laquelle obéitun phénoméne.

StatistiquesAnalyse de Géographie Comparaison des variables En réponse a des questions du type :voisinage humaine ayant un profil voisin en existe-t-il un rééquilibre entre deux

fonction de la distance. régions contigués ?Type de distribution a Inconvénient: d'autres facteurs peuventlaquelle obéit un aussi influencer.phénornene.

StatistiquesÉtude interrégionale,Analyse différen- Géographie Si on recherche les différences de part et

tielle humaine Écart par rapport au modele d'autre de la discontinuité. Permet d'établirgéographique ou statistique. des niveaux de centralité a comparer

ensuite a des modeles comme celui deChristaller par exemple.

StatistiquesModele de Démographie Mesure de I'interactionpotentiel spatiale entre le point

considéré et I'ensemble desmasses prises en compte

Statistiques,Géographie Terrain Explication des Beaucoup de variables différentes peuvent

Analyse humaine différenciations étre prise en compte, c'est un avantagernultivariée interrégionales, évaluation car il est rare qu'une seule variable suffise

des différences de taux a représenter la complexité desentre deux espaces. phénornenes.Analyse factorielle,classification, régressionmultiple, '/.

Statistiques,Étude des formes de laMorphologie Géographie Cartes Analyse de I'empreinte spatiale de la

mathématique: urbaine, structure spatiale, Zones discontinuité. Pour déceler des structuresgraphe géographie d'influence théorique, de peuplement, la nature du tissuperceptuel, humaine, habitat équidistance de deux points industriel, les zones de déprise agricole '/.squelette, centre les plus éloignés (graphe perceptuel): Pour localiser unegéodésique implantation au sein d'un espace donné

(centre géodésique).Statistiques,

Filtre: Géographie Cartes Configurations spatiales: Analyse la structure spatiale. Pour décelerPasse-bas physique, ten dances régionales ou les structures de peuplement, les structuresPasse-haut ... géographie ponctuelles des structures physiques. Pour modéliser un processus.

humaine d'un espace donné, écartentre deux zones

Statistiques,S.I.G. Géographie Cartes, Inventaire puis combinaison Outil puissant dans la gestion et la

physique, Terrain, des données, représentation cartographique.géographie Photos fonctions multiples, les SIG Outil méthodologique et conceptuel.humaine, satellitaires raster sont davantage des Inconvénients: mauvaise gestion deaménagement POS... systemes de traitement que I'information multidimensionnelle (3D sous

de gestion de I'information forme de blocs diagrammes), Difficulté decartographique. gérer le multi-échelle de I'information (les

SIG ne peuvent pas déduire une carte au1/50000 de cartes de la rnéme zone au 1/25000),11 Y a encore beaucoup a faire pourintégrer toutes les données multisources ettravailler en raster l1vecteur,Absence d'un langage spatial,Probleme des transferts de I'informationentre logiciels .

• 39

Page 40: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

•• 11I1 , Ml

sulaires. Ces documents peuvent ainsiconstituer une aide a la résolution des pro-blemes les plus divers. Ainsi, les SIG peu-vent donner une réponse a ladynamisation des activités agricoles fa-vorables au maintien de certaines espe-ces animales et au maintien de labiodi versité, de réguler les especes intro-duites ou envahissantes et qui posent unprobleme au milieu naturel.

Une étude faite sur toutes les commu-nes de l'íle de Corse a partir de donnéesdémographiques couplées a la méthodedes SIG permet de comprendre certainsphénomenes et détermine quelles varia-bles sont a modifier, quels sont les aména-gements possibles et nécessaires pour unemeilleure utilisation de l' espace et ainsiaugmenter la capacité de charge du mi-lieu.

Unautreexempledel'utilitédesSIGavecl' aménagementd'une nouvelle plage pourrnieuxrépartirlefluxtouristiqueetlesconsé-quences qui en découlent sur le centre de laville(modification du centre de gravité, nou-velles implantations cornrnerciales'á); oubien la détermination des pentes «exploita-bles» ou pas dans une autrecommune insu-laire,qui complete lesétudes des utilisationsde zones agricoles.

40 Methodes et outils

Conclusion

Ces méthodes d' analyses répondent ades questions relativement différentes etl' intérét réside dans le fait de les utiliserchacune a ban escient. Les méthodes dé-crites sont particulierement adaptées al' étude d' un milieu insulaire :en effet lafaibletailleetleconfinementdecemilieulimitent le nombre de facteurs extérieursperturbants. Les modeles ainsi effectuésen sont d'autant plus pertinents. Parailleurs, les charges exercées par l' utili-sation ou l'exploitation du milieu insulairen' ont pas les rnémes répercussions qu' enmilieu plus ouvert. En effet, lessurcapacités de charge quelles qu' ellessoient, se font sentir plus rapidement. Lesaménagements en milieu insulaire pertur-bent plus rapidement le rnilieu fragilisé parle confinement. La surexploitation d' uneIle entame son capital et modifie son pay-sage et son image extérieure et a terme

son développement. La nécessité de défi-nir et de quantifier précisément les seuilsspatiaux d' exploitation au-dela desquellesle milieu sera saturé et inapte a la réactionrendent absolument indispensables I'utili-sation de ces méthodes d' analyses.

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_ > 6096 pas d'ameneqements sauf coüts pr ohjb itifs

O 31 -60% néc~ss:ilé d'aménagemenl de reslanQuesD 16-30% r ebojsernents possibles

D 0-15% aqr icultur e possjble

Carte des Pentes

Page 41: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARCE

DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE* ET,CAPACITE DE CHARGE DES LITTORAUX

EN MILIEU TROPICAL INSULAIRE:.A ,

L'EXEMPLE DE L' ILE DE MAHE(ARCHIPEL DES SEYCHELLES, OCÉAN INDIEN)

Vírgíníe Cazes-Duvat **

Résumé

L' évaluation de la capacité de charge des espaces cótiers avocation balnéaire dominante de l'Ile de Mahé est complexeen raison de la diversité des interactions naturelles et anthro-piques qui régissent le fonctionnement des plages et de lavulnérabilité spécifique d'unités sédimentaires de petite di-mension. Les dégradations (artificialisation paysagere, pol-lution des eaux cótieres et érosion des plages) attestent de lavulnérabilité des espaces cótiers, Apres des décennies d'amé-nagement spontané, puis de gestion sectorielle, un auditenvironnemental et une évaluation de la vulnérabilité spécifi-que de chacune des plages s'imposent afin qu'une gestionintégrée, globale et systémique puisse satisfaire les objectifsde la politique nationale de développement durable.

Abstraet

The ecological capacity of the touristic coastal zone ofMahé island is very difficult to determine for two reasons:the close interactions between natural and human impactsand the high level of vulnerability of beaches. Changes ofcoastallandscape, water pollution and beach erosion showthe high vulnerability of the sandy coasts. After severaldecades of spontaneous development of the coastal zone,an environmental audit and studies on vulnerability are led

,: on the purpose of an integrated, preventive and sustainablemanagement of every site.

Mots clés: archipel des Seychelles, Mahé, dégradationenvironnementale, préservation, audit environnemental, po-litique environnementale, vulnérabilité, capacité de charge,gestion des plages.

Key words: Seychelles archipelago, Mahé island,environmental degradation, preservation, environmentalaudit, environmental policy, vulnerability, stocking rate,beach management.

* L'expression de développement soutenable sera préférée a celle de développement durable. 11est en effet important d'insistersur le cerectére soutenable du développement sur le plan environnementa/. L'objectif est celui d'un développement supporta-ble par le milieu. La traduction développement durable n'intégre que la nécessité d'une gestion prévisionnelle qui permette devaloriser a long terme les ressources du milieu .•.Laboratoire de Géographie de I'Environnement Naturel, Université de la Réunion, BP 7151, St Denis Cedex 9, La Réunion,France.

• 41

Page 42: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

1---__ 1 ,

Introduction

Avec une superficie de 154km", l'ile de Mahé est laplus vaste de l' archipel des Sey-

chelles, composé de groupes insulairesdistribués sur 13cxxxx)km2 de ZEE entre4° et 11° de latitude sud et 45° et 56° delongitudeest Au nord-est de l' archipel, l'ilede Mahé est a la fois la plus peuplée (63cxx)habitants en 1998, soit 90% de la po-pulation nationale) et laplus fréquentée parlapopulation touristique (130 CXX) touristespar an en moyenne sur les trois demieresannées,MISD,I995).Ladéterminationdela capacité de charge ou capacitéécologi-que des cótes sableuses permettrait depasser du développement spontané noncontróléet préjudiciable a l' environnementcótier des demieres décennies a une poli-tique nouvelle, préventi ve, sans impact ir-réversible sur la qualitédes paysages litto-rauxetsur la biodiversité. TIs'agitde par-venir, par la compréhension des dynarni-ques spécifiques et par la connaissance dela fragilité des équilibres des milieux litto-raux, a définirpourchacun dessites vouésau développement un plan de gestion etd' aménagement garant du maintien del' attracti vité du site.

lit

L' évaluation de la capacité de charged' un espace cótier impose d' abord la réa-lisation d' un audit environnemental per-mettant de connaitre l' état de dégradationdu site. La capacité de régulation des dé-gradations par les dynarniques naturelleset la vulnérabilité des écosysternes doiventensuite etre déterminées avec précisionafin que soit mi se en oeuvre une gestionpréventive qui propose des solutions auxdégradations prévisibles. La charge anth-ropique acceptable sur chacun des sitespourrait alors étre contrólée par des quotashóteliers alors que la distribution des rési-dents est cornmandée par la politique deconstruction des logements sociaux.

Auditenvironnemental:de la chargeanthropique a larupture ecologique

La réorientation de la politique nationalede développement de la République desSeychelles en faveur d' une "soutenabilité"socio-écono-mique et écologique a longterme date de 1990. En 1995, le Pro-gramme Environnement de la Cornmis-sion de l' océan Indien proposait en pre-

Pol/ution naturel/e et érosion sur la cóte artificialisée de /'est de Mahé

42 Eludes de cas el réflexions . Littoral mari n

. '" :---.- ....-'....:...."." .~

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rniere phase la réalisation d'un auditenvironnemental, qui demeure a ce jourinachevé. Des travaux de recherche con-duits au cours des trois demieres annéespermettent de proposer un bilan del' artificialisation des paysages et de l' éro-sion des plages; la pollution cótiere d' ori-gine naturelle est mieux connue que lapollution anthropique qui requiert des ana-Iyses sous conditions strictes. Ces proble-mes environne-mentaux trouventdans desmilieux insulaires confinés une acuitéparti-culiere, Le niveau des dégradations mon-tre que les seuils de soutenabilité écologi-que du développement sont déja dépasséssur un grand nombre de sites.

La rnise en place des infrastructures dedéveloppement a porté atteinte a la qualitédes paysages cótiers, a réduit l' accessibi-litédu domaine littoral etdégradé leséco-systemes vulnérables (récifs coralliens etmangroves). Des ledébut des anoées 1970,le dragage du platier récifal peu profondde la cóte orientale entre Victoria et leslles SteAnne a permis de bátir le remblaide l' aéroport intemational inauguré en1972. Dans les années suivantes, le déve-loppement de l' aéroport, l' agrandissernentet l' aménagement du port de pechethonniere, l' ouverturede zones industrialo-portuaires,laconstructiondequartiersd'ha-bitat social et de la voie routiere rapide, lacréation de stations d'épuration, de dé-charge et de stockage des déchets diversont rendu nécessaire la construction denouveaux remblais au nord et au sud dupremier. Les espaces ainsi gagnés sur lamer atteindront une superficie de 400 hec-tares des que les travaux en cours serontachevés. Ces aménagements ont eu plu-sieurs effets sur les paysages et sur l' envi-ronnement littoral.La grande plage de l'estqui faisait face aux iles a disparu et laisséla place a de grandes étendues bétonnéesinterdites au public sur 12 kilometres delong. Ladestruction mécaniquedu platieraétésuivied'uneasphyxieprogressivedescoraux des secteurs environnants par lesparticules fines libérées depuis les travaux

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sur les marges de remblais non imper-méabilisés. Le taux de nécrose des récifsest élevé et retire progressivement aux ilesdu pare SteAnne une attractivité large-ment fondée sur des beautés sous-mari-nes facilement accessibles. La densifica-tion des constructions en domaine cótiers' est effectuée au détriment des mangro-ves, qui ne demeurent a Mahé que sur defaibles superficies a Port Launay (PareNational), GrandeAnse,AnseBoileau,Anse a la Mouche, Anse Gaulettes, AnseTakamaka,AnseIntendance,Anse RoyaleetAnse aux Pins. Les paysages cótiers ontété banalisés par les aménagements surles deux facades principales de l'ile, etdans grand nombre de cas privés de leurarriere-pays attrayant par la constructiond'hótels, de villas ou par le passage devoies de communication.

L'anthropisation massive des premierespentes et des espaces cótiers a engendrédeux types de pollution: une pollution natu-relJe par érosion des pentes déforestéeslors des épisodes pluvieux intenses et unepolJution d' origine humaine due au rejetd' effluents domestiques et industriels et aulessivage des terres agricoles. Ces polJu-tions connaissent des effets exacerbés parl'inondation des plaines en période plu-vieuse. Les reliefs pentus des massifs cen-traux ont été progressivement déboisés

pour la construction et l' élargissement desroutes transversales et pour l'extension desquartiers d' habitat. Les caracteres sinueuxdes routes et dispersé de l'habitat multi-plient les ouvertures artificielles dans lecouvert arboré. Lors des épisodes pluvieuxintenses (> 75 mm par jour) relati vementfréquents (3 aS fois par an), une érosiontres active s' exerce sur les pentes a nu.Les eaux courantes prélevent sur les ver-sants la latérite friable qui teinte les eauxd' une couleur rougeátre caractéristique.Eboulements, glissements de terrain etcoulées de solifluxion mobilisentdes volu-mes de matériaux plus importants encorequi sont partiellement pris en charge parles eaux. Les routes goudronnées drainentl' écoulement en nappe, en accélerent lavitesse jusqu' aux plaines littorales oü degrandes étendues d' eau se constituent. Al' aval, dans le domaine cótier, les coursd' eau en débit de crue ouvrent des tran-chées dans les hauts de plage par rupturedes cordons; d'importantes quantités desable se trouvent évacuées sur les platiers.L' apportd' abondants matériaux terrigenesa la mer pendant plusieurs jours consécu-tifs a pour effet l' asphyxie des coraux pardépót des fines et forte turbidité des eauxcótieres, Les inondations provoquent aussila rnise en circulation de polJuants stockésdans les terres agricoles, dans les sols, dans

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

les fosses septiques peu profondes. En plusdes particules terrigenes, se trouvent ainsivéhiculés a la mer des phosphates, des ni-trates et une charge bactérienne impor-tante. Les grands épisodes de pollutionnaturelle provoquent de cette maniere despointes de pollution anthropique dans leseaux littorales. L' absence de systemed' épuration généralisé et le recours a dessysternes de traitementindividuels ne per-mettent pas de garantir un retraitementsatisfaisant des eaux usées, sans compterque les bidonvilles qui s' égrenent le longdes cours d' eau y rejettent directementleurs eaux sales.

Par rupture des cordons de plage et éva-cuation des sables vers la mer, les épiso-des pluvieux intenses sont responsablesd' un démaigrissement accidentel des pla-ges qui n' est pas forcément compensé parles apports des houles engraissantes del' année.lls peuvent ainsi constituer un fac-teur d' érosion. Le probleme de l' érosionest aigu sur I'ile de Mahé et sera classéprioritaire par le Ministere de l'Environne-ment en 1999. A la part incontestable desfacteurs physiques (faibles dimensions desplages et absence de réservoir dunaire,déreglement de la saisonnalité des pluieset des ruptures de cordon de plage, aug-mentation de fréquence des basses pres-sions et des surcotes hydrostatiques asso-ciées depuis 1982) s' ajoute le poids decertaines pratiques hurnaines dans un paysa déve-Ioppement éconornique récent etmal controlé: la construction de murs desoutenernent des routes littorales et de ea-naux transversaux d' évacuation des eaux,les prélevements de sable pour la cons-truction sur les hauts de plage et a l' em-bouchure des cours d' eau, le ramassagedes matériaux a granu-lométrie grossierequi nuisent au confort des touristes, la cons-truction dejetées de remblaiement qui blo-quent les transits sédimentaires latéraux ...Sur I'ile de Mahé qui possede de surcroitpeu de plages (36 km, soit 34% de la lon-gueur de cóte), l' érosion est un véritablefléau. Les premieres a reculer ont été les

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N.B. ! la vioicaoe des pluieI d de r6oou.lement .'out pu pcrais d'cft'ec:tuc:rles mcsares Jur lOUSk,liles

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Dégradation et vulnérabilité des milieux littoraux sur I'í'lede Mahé:I'artificialisation des paysages et les eitets des dynamiques hydrologiques sur lesplages (situation au 15/8/97: épisode pluvieux intense des 13-17/8/97)

plages de l' est, entre l' aéroport et la Pointeau Sel, oü des épis sans grande efficacitéont été construits. Les petites plagesd' Anse aux Pins ont été pratiquementanéanties par le recul, cornrne celles deBaie Lazare et d' Anse a la Mouche sur lafacade occidentale. Les plus grandes pla-ges de Mahé sont actuellement en proie aun recul important sur une partie de leurlongueur, cornrne cela est le cas a BeauVallon nord, au centre de la plage de GrandAnse, al' extrémité sud des plages desanses Intendance et Takamaka. La seule

44 Eludes de cas el réflexions . Littoral marin

plage d'unecertaine dimension au nord-est, la plage d' Anse Etoile, connait aussiun recul marqué dans sa partie septentrio-nale. Au cours de l' épisode pluvieux in-tense d' aoüt 1997, les plages de GrandAnseetd' Anseála Moucheontconnu unrecul de plusieurs metres qui a provoquéla chute de gros arbres de la berme,comme les takamakas (Callophylluminophyllum) et les filaos (Casuarinaequisetifolia).L'érosion menace de dispa-rition plusieurs plages et connait une nettereprise depuis quelques années. EIle cons-

titue une sévere menace a terme pour l' ac-tivité touristique exclusi vement balnéairequi constitue une des principales sourcesde devises du pays et sur laquelle s' appuiele développement actuel.

L' acuité de l' érosion et de la pollutiontient a des facteurs variés et spécifiquesaux petites iles tropicales montagneuses.Elles peuvent étre considérées pour desraisons tant humaines que naturellescornrne des entités a forte vulnérabilitéenvi-ronnementale et par conséquent afaible capacité de charge potentielle.

Les facteurs de vulné-rabilité des littoraux

Les conditions morphodynarniques quirégissent l' évolution des plages, la naturedes échanges hydrologiques entre la zonecótiereet les eaux du large, l' évolution ré-cente des conditions climatiques dans l' ar-chipel constituent des facteurs naturels devulnérabilité exacerbée des cates deMahé, auxquels s' ajoute la sensibilité desécosysternes et des especes. Cette situa-tion réduit encore la capacité de chargepotentielle des espaces cótiers.

L' alirnentation des plages dépend desmatériaux foumis par les récifs, les ap-ports continentaux n' intervenant que pour10% dans leur composition sédimentaire.En l' absence de déflation éolienne (ventsfaibles), la dynarnique sédimentaire desplages est essentiellement cornrnandée parles courants de dérive et par les vagues detempéte, aussi les plages sont-elles étroi-tes (30 metres de largeur maximale) etdénuées de dunes-réservoirs. Elles posse-dent par conséquent une faible capacitéd' amortissement des fortes houles excep-tionnelles et un stock sableux de réservequasiment nuloCertaines d' entre elles sontde surcroit situées a l' arriere d'un platierfossile sans dynarnique frontale active quipuisse générer un réapprovisionnementrégulier en matériaux biodétritiques. L' im-portance de la réfraction sur le platier ré-

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duit considérablement la capacité dechargedes vagues. Ces plages peuventétreconsidérées cornme fossiles et tout préle-vement s'y traduit par un déficit dans leurbudget sédimentaire. L' impact de l'hydro-logie continentale sur les cordons de plageaccroit encore a leur vulnérabilité al' éro-sion. Les ruptures de cordon par effet dechasse d' eau lors des crues operen: desprélevements sédimentaires ponctuelsmais massifs qui ne sont pas forcémentcompensés par les houles engraissantes etqui constituent des phases de recrudes-cence de l' érosion. L' évolution récente duclirnat (période 1982-1998) a eu pour con-séquences des ruptures de cordon plus fré-quentes et des hausses anormales du ni-veau de la mer qui ont accru les préleve-ments sédirnentaires. Pollution et érosionasphyxient les coraux et menacent les her-biers de phanérogames, déja tres dégra-dés dans l' est, alors qu'ils protegent lesplages par arnortissement des vagues. Lessites de reproduction des tortues marinesEretmochelys imbricata sont en dirninu-tion par destruction des bermes et ac-croisse-ment des nuisances.

La concurrence pour l' utilisation desespaces plans est a l' origine de la multipli-cation d' activités diverses incompatiblesentre elles (tourisme, élevage, cultures,conserverie de thon) qui accroissent lespressions sur le milieu écologique. Iln' existe pas de plan d' arnénagement duterritoire impératif qui permette de contró-ler le développement des espaces littorauxen fonction de vocations prédéfmies. Le

Plan d' Aménagement Indicatif du Terri-toire (PIAT) de 1989 ne définit que desvocations générales a petiteéchelleet n' estaucunement opératoire. Le retard de dé-veloppement de la République des Sey-cheUesjusqu'auxannées 1970 aété suivid' une période de transition démographi-que et de promotion touristique active cu-mulées jusqu' a la fin des années 1980. Cesdeux décennies de développement ont étécaractérisées par un important effet de rat-trapage en matiere de croissance écono-mique mais par une négligence des équi-pements structurels; les réseaux d' épura-tion et de traitement des eaux usées sontconstamment saturés et l'augmentation desbesoins ne parvient pas a étre couverte parl' augmentation de la capacité des stations.Le manque de fonds nationaux pourfinan-cer le développementcontraint l'Etat sey-chellois a dépendre a la fois d' orientationspolitiques régionales (dans le cadre de laCommission de l'Océan Indien) etde par-tenaires financiers privés étrangers dont lesinvestissementssontinversernentpropol1ion-nels aux contraintes locales.La dépendanceextérieure limitealors lapriseen comptedel' impact environnemental des projets dedéveloppement imposée récernment parl'Environmental Act de 1994.

Conclusion

Les plages de 1'ile de Mahé, déja sou-rnises a une forte pression anthropique etdégradées, possedent actuellement une ca-

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

pacité de charge d' autant plus faible queles dynarniques hydrosédimentaires et lafragilité des écosystemes les dotent d' unevulnérabilité plus élevée que par le passé,encore exacerbée par les interventions an-thropiques. En cet interface que sont lesplages, entre des dynarniques physiquescomplexes et évolutives et uneanthropisation toujours accrue aux formesdiversifiées, la vulnérabilité ne peut étreétablie qu' au cas par casoLa politique desquotas touristiques (150000 touristes/anpour l' archipel) des années 1980 est dé-passée. La constitution, aujourd'hui encours, d'une base de données standardi-sées permettra d' évaluer la capacité decharge de sites a développer, tres attrac-tifs par leur cadre paysager et peu vulné-rables en raison d'une ouverture sur lelarge cornme ceux d' Anse Intendance etd' Anse Bazarka dans le sud-ouest deMahé. Mais alors la charge écologiqueacceptable sera lirnitée par le retard dedéveloppement des infrastructuresélémen-taires. TI est certain que nombreuses sontaujourd'hui les contraintes a un dévelop-pement équilibré et écolo-giquement sou-tenable de l' espace seychellois. Promou-voir un déve-loppement écologiquementsoutenable constitue un véritable défi.

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46 Eludes de cas el réflexions - Littoral marin •

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MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE •••

REPENSER LA GESTIONDES ZONES HUMIDES COTIERES

"A MADAGASCAR?Jacques lItis *

Résumé

Une cinquantaine de grands marais a mangrove jalonne ledomaine cótier de I'Ouest malgache. La pression humaine etéconomique sur cet écosysteme a considérablement augmentédepuis la fin des années 1980. Elle se mesure a I'aune desbesoins croissants en terres cultivables, en bois et en char-bon de bois des populations riveraines, mais aussi aux con-fortables revenus de I'exploitation industrielle des ressour-ces naturelles. Avec le risque de cumul et d'interaction desimpacts, la contrepartie écologique du phénornene commencea étre préoccupante, notamment autour de certains centresurbains. La montée des enjeux écologiques, mais égalementsocio-économiques et fonciers, fait, a présent, ressortir unbesoin d'actions mieux coordonnées entre pouvoirs publics,communautés locales et opérateurs économiques.

Mots clés: Madagascar, marais, mangrove, gestion cótiere,capacité de charge, aquaculture, crevette.

AbstractMay coastal wetlands in Madagascar be

managed differently?

About fifty large tidal marshes stretch along the Westerncoast of Madagascar. Human and economic pressure on thisecosystem significantly increased since the end ofthe 1980's.Pressure is measurable through the comfortable incomes ofindustrial exploitation of related natural resources, but alsothrough increasing needs in agriculturalland, domestic woodand charcoal. Environmental experts fear an increase ofhazards, especially around urban areas, because ofaccumulated and interacted impacts of heterogeneous pro-duction systems. Rising environmental, as well as economic,ocial and land tenure stakes should now implicate better

coordinated actions between government agencies, localcommunities and economic operators.

«/f you think one year ahead, you will plant rice.1Iyou think J O years ahead, you will plant trees.But if you are thinking J 00 years ahead, you will educateyour people»

M.S. Swaminathan

Key words: Madagascar, wetlands, mangrove, coastal ma-nagement, stocking rate, aquaculture, shrimps.

,. ¡RD, Centre ORSTOM de Montpellier, LEA B.P. 5045, 34032 Montpellier cedex 1, France .

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TI

Introduction

Au dirigisme des années 1975-85, ont succédé dans lesrégions cótieres de Mada-gascar

-davantage que dans celles proches de lacapitale-, uneprésence amoindrie des ser-vices de l' Etat et une perte de dynamismede la plupart des sociétés nationales, ainsiqu' une dégradation accentuée des infra-structures etde l' environnement Surfondde plan d'ajustementstructurel, futprocla-mée l'ouverture de l' économie qui, de fait,a commencé a se concrétiser dans les an-nées L990. Sur le domainecótier du ver-sant occidental de LaGrande I1e,les zoneshumides a mangrove constituent un mar-queur paysagique de cette évolution. Dansla période actuelle, elles révelent aussi, aurnéme titre que les foréts de terre ferrne,les besoins croissants en terres cultivableset en bois domestique de communautéslocales recherchant des moyens de sub-sistance et diversifiant au maximum leursactivités. Et, surtout, elles refletent la nou-velle donne économique, celle d' opéra-teurs industriels pour la plupart extérieursa "la" cate -mais influents sur la scenenationale-obtenant avec des contre-partiesmini mes, tantót des droits de peche

creveniere, tantót des terrains en domainemari time pour l' aménagementde bassinsd'aquaculture.

Depuis plusieurs années, les grandsmarais cótiers de l' Ouest malgache et ledomaine mari time qui les jouxte consti-tuent l' écosysterne naturel ayant la valeuréconomique la plus grande sur la scénenationale, loin devant les autres écosyste-mes, continentaux ou littoraux. La man-grove, forét de palétuviers caractéristiquede ce milieu et point focal des enjeuxenvironnementaux en zone cótiere, en oc-cupe, dans des pro-portions variables, lesdeux tiers (320000 hectares), auxquelss'ajoutentdes tannes (presde Loo000 had' étendues sursalées, peu ou pasvégétalisées), des prairies et des forétsmarécageuses, ainsi que des vasieres, leplus souvent submergées. Cetécosystemeconstitue, tout a la fois, la niche écologi-que des jeunes crevettes pénéides, le subs-trat foncier d' activités aquacoles -ponc-tuelles, mais appelées a s' intensifier-, ungisementquasi-inépuisable de sel et, pourdes riverains tournés davantage versl' auto-subsistance, une réserve de terresculti vables en riz et un réservoir de res-sources Ligneuses(boisetcharbon de bois).Aveclapécbeetf'aquaculrurecreveméres,il est le support d' un secteur pourvoyeur

Défrichement rizicole illégal de la mangrove de la basse Tsiribihina

48 Eludes de cas el réflexions . Littoral marin

de la prerniere masse de devises du pays.Les seu les exportations de la pechecreveniere représentaient en valeur décla-rée 41 millions de $ US en 1991et 58 mil-lionsde$ US en 1994. C'estsur le littoraldu Nord-Ouest, qui regroupe laplupart desgrandes embouchures fluviales de l'ile,que la pression humaine et économique ale plus augmenté. S'y cumulentet, par-fois, interagissent les impacts écologiqueset socio-économiques, directs et indirects,de la plupart des activités précitées.

Paupérisation etstratégies de surviedes communautéslocales

Depuis le début des années 1990, onassisteá une prolifération dedéfiichementsagricoles, et princi-palement rizicoles, surle domaine cótier du versant occidental.Le phénomene est de méme nature quecelui qui affecte les massifs forestiers del' arriere-pays -préoccupant du reste lesautorités, une bonne partie de l' opinion etde nombreux experts, dont certains n' hé-sitent pas a prédire le pire-. Les défriche-ments se sont, surtout, intensifiés sur lafrange nord-ouest, de Majungajusqu'aDiego-Suarez. Des rizieres sont apparuesdans les marais a mangrove, mais égale-ment au contact de la terre ferrne et desmarais, oü elles supplantent la végétationnaturelle établie sur une nappe d' eau doucequasi-permanente (raphieres, prairies ma-récageuses, mangroves). Les paysans ontcompris le parti a tirer de ces petites zoneshumides, qui souvent prolongent un bas-fond cultivé en amont, et qu' ils s' appro-prient -plus ou moins rapidernent- de rna-niere coutumiere, ignorant généralementl' administration des domaines, en chargedu domaine maritime selon le droit for-mel, mais de plus en plus évanescente.

II en va ainsi également dans le delta dela Tsiribihina (Centre-Ouest), oü, depuisles années 1910, des migrants pratiquent

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un type original de riziculture sans poldersni mémediguenes, faisantappel aux seulsmouvements dedécrue fluviale et de ma-rée. Dans le systeme, vivace et rnéme encours d' inten-sification, la riziere profite,apres défrichement de la mangrove et re-piquage, de l' inondation saisonniere de laplaine deltaique par une eau quasimentdessalée. L' abattage des palétuviers est,depuis des années, proscrit par les agentsforestiers; mais l' interdiction s' apparentea un voeu pieux, tant est patente la discré-tion des agents et la prolifération des 10-pins -certains d' entre eux étant simplementdissimulés derriere un rideau d' arbres con-servé sur la berge-. Au bout de 3-4 ans,l' invasion des parcelles par les adventiceset les crabes incite les paysans a abandon-ner le terrain et a rechercher des terresneuves, de plus en plus pres de la mero

Autour des villes de la cóte, les préleve-ments de bois de mangrove sont aussi ennette augmentation. Des exploitants orga-nisés, mais aussi des paysans en a1temanceavec leurs activités agricoles, procedent ades caupes destinées a satisfaire la de-mande du petit marché imrnobilier urbain(perches, gaulettes). D'autres encore selancent dans la fabrication de charbon depalétuvier. Les grands peuplements matu-res a Rhizophoracées des estuaires duNord-Ouest sont les plus convoités, étant ala fois réserves de bois de service et debois-énergie. lls approvisionnent des ag-glomérations de taille moyenne, cornmeMajunga, ou plus petites, commeAntsohihy etMaromandia. Les riverains,par leurs ponctions spontanées et répétées(petit bois de chauffe, pieux de palissade) ,contribuent également a cette pressioncroissante sur des ressources ligneusesjusqu'alorsmarginales.Al'originedecespratiques, se trouvent, de rnaniere corrélée,les difficultés éconorniques grandissantesdes populations et le tarissement des res-sources ligneuses de terre ferme. Au palé-tuvier, les autochtones préferent générale-ment les bois de forét dense seche; mais,quand ceux -ei se font rares ou sont vendus

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

Dans un contexte souvent confus, il estpatent, sinon avéré, que la crevette estsurexploitée dans certaines zones et, audemeurant, le volume annuel des capturesplafonne.

La ruée vers la crevette est a la sourced' un autre désaccord entre pécheurs, Ceuxdu "cru" reprochent aux chalutiers, nonseulement de pécher quasirnent sur le ri-vage, mais aussi deles priverdu poissonpris dans les chaluts et presque toujoursrejeté dans la foulée. Les autorités ont eubeau légiférer pour inciter les bateaux adébarquer au rninimum 50 % du poissond'accompa-gnement; la mesure n'estguere suivie. Et en divers endroits, notam-ment a proxirnité des centres urbains, lesriverainspeinentdorénavantaremplirleursfilets. Entre toutes, la question sensible estdone celle de la crevette, péchée sans ga-rantie de renouvellement de la ressourceet source d' effets éconorniques et sociauxperverso La survie de l' activité paraít liéeal' application des dispositions préconiséespar certains experts, visant sirnultanémenta geler le nombre de licences de peche eta en augmenter le prix, a doter les autori-tés de moyens de neutralisation des ba-teaux clandestins et a développer la pro-duction de crevettes d' élevage (Griffin etal., 1998). Peut-étre faudra-t-il aussi queles autorités réservent des zones aux seuls

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a des prix jugés élevés, leur regard setoume vers la mangrove -source abondanteet tres accessible, physique-ment et éco-nomiquement. Déli vrer des autorisationsde coupe, dans un tel contexte, est devenuun acte un peu surréaliste!

La superexploitationde la crevette et lesespoirs suscités parI'aquaculture

Estuaires, deltas et baies du Nord-Ouestet, dan s une mesure moindre, ceux duCentre-Ouest concentrent des potentiali-tés en crevettes pénéides telles que beau-coup ont vu -et continuent a voir - en ellesun véritable" orrase". Certainesannées,la peche crevettiere constitue effective-ment la premiere source de devises dupays. Chalutiers et pirogues péchent sou-vent de conserve, mais sur fond d' un pro-fond désaccord. A10rsqu' une exploitationrationnelle impliquerait que la peche in-dustrielle s' intéresse au stock de la plate-forme continentale, et la peche artisanale'á celui du rivage, l'emballe-mentest telque les chalutiers s'affranchissentallegrement de la limite des deux milles etque, de leur cóté, les pirogues tiennent peucompte de la période de peche autorisée.

Page 50: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

T MlI

chalutiers. Adéfaut de mesures efficien-tes, la filiere pourrait un jour s' effondrer ...dans le fil historique des booms agricoleset des récessions subséquentes que l' Ouestmalgache a connus dans la premiere moi-tié du XXe siecle (pais du Cap, mais, ta-bac).

L'augmentationrégulieredelaconsorn-mation mondiale de crevettes pénéides etla variabilité des captures rendent le déve-loppement de l' aqua-culture inéluctable.Madagascar possede, dans cette optique,des atouts majeurs : ses conditions natu-reUes, ses réserves foncieres substantiel-les en domaine maritime -plus de SO (XX)hectares de tannes sont aménageables enbassins de grossissement-, des coüts demain d' oeuvre tres faibles et la libéralisa-tion -quoique inachevée- de son économie.La production potentieUe du secteur a étéestimée a plusieurs fois le total des captu-res de crevettes. En 1997, toutefois, la pro-duction effective, amorcée quatre ans plustót, s' élevait a peine au tiers du tonnagepéché; mais, s'agissantexcJusivementdePenaeus monodon -espece appréciée surle marché des pays du Nord-, eUe repré-sentait bien davantageen valeur.Acettedate, deux fermes avaient atteint le stadede la production industrieUe; avant la finde la décennie, trois autres unités de pro-duction devraient voir lejour sur le littoral

nord-ouest -qui focalise l' attention des in-vestisseurs, en particulier le tronconMahajamba-Majunga-Soalala

Etant donné la probable sur-exploitationdes stocks de crevette sauvage, les autori-tés délivrent, a présent, de maniere préfé-rentieUe des licences de peche aux opéra-teurs en mesure d' investir dans la filiereaquacole. Ceux -ci obtiennent en contre-partie de vastes terrains en marais mari-time et bénéficient du cadre fiscal avanta-geux des zones franches industrielles. Enl' absence de cadre juridique et adminis-tratif adapté a une activité économiquenouvelle, une dérogation aux príncipes dela domanialité est accordée aux sociétéspar le biais de baux emphytéotiques, en-trainant le déclassement, en général pourune durée de SO ans, des terrains du do-maine public maritime, voire de ceux dudomaine public légal, et leur affectationdans le domaine privé national.

L' impact sur l' environnement des pre-mieres fermesestresté.jusqu'a présent,modéré. En revanche, leur émergencedans des zones peu peuplées et économi-quement peu développées a entrainé unafflux de population. La perspective d' unemploi ou de revenus connexes a attirédes milliers de personnes extérieures auxrégions concemées et d' origine modeste.CeUes-ci ont, souvent, édifié a la háte un

Débarquement de bois de palétuvier dans le port de Mahajunga

50 Eludes de cas el réflexions . Littoral marin

habitat sornmaire et exercent sur les alen-tours une pression dont les effetsenvironnementaux sont nettement moinscontrólables qu' a la ferme. Face a des pro-blemes inédits, les autoritésontcornmencéa élaborer un schéma national d' aména-gement des fermes aquacoles, destiné aménager l' environnement cótier et a sau-vegarder les activités traditionnelles éven-tuelle-ment menacées. TIest vrai qu'uneemprise trop forte des infrastructuresaquacoles paurrait remettre en cause, iciou la, une coexistence jusqu' alors pacifi-que avec les populations riveraines. TIn' estpas non plus excJu que se développe, amoyen terme, une compétition fonciereentre opérateurs aquacoles eux -mémes,car peu nombreux sont, en définiti ve, lessites possédant l' ensemble des atouts pré-cités, auxquels ilconvientd' ajouter laproxi-mitéd'un centre urbain etd' équipementscollectifs.

Conclusion: unegestion mieuxInte~rée des zoneshumldes cñtieresest-elle posslblet

11 en est, al' heure actuelle, des zoneshumides cótieres de l' Ouest cornme desespaces naturels terrestres a Madaga-scar:la légalité des institutions et desreglementations offieielles n'y est pas ouplus légitimée, tandis que la légitimitédeslogiques et des pratiques locales n' est paslégalisée (O.N.E., 1997). Or, en une dé-cennie, les enjeux écologiques et foneierset, done, économiques et soeiaux, sontmontés considérablement. La néeessitéd' une gestion mieux intégrée de ces zonesressort a présent cJairement; elle est re-dondanted'un besoin deconcertation amé-liorée entre les parties impliquées : I'Etatet les coUectivités territoriales, les opéra-teurs économiques et les communautéslocales. La domanialité, tres artifieielle,n' est probablement pas le cadre juridieo-

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administratifle mieux approprié aux réali-tés de l' heure. Elle est rnéme contestéepar les populations riveraines, en tant quesymbole de la présence coloniale passée,puis d' une administration centrale interven-tionniste, du moins al' époque du tout-BatDans la période actueUe de reláchementde la présence de I'Etat, ces populationssont, d'ailleurs, tentéesd' occuperou d' ex-ploiter spontanément le domaine public,oü elles trouvent a bon marché des reme-des a court terme a leurs difficultés écono-miques. De leur cóté, les opérateurs éco-norniques, notamment ceux de l' aquacul-ture, sontactuellementen position favora-ble pour négocier, directement au niveaucentral, avec les pouvoirs pubLics en vued' acquisitions foncieres en zone maritime.

Dans le proche avenir, iIest important,autant pour l' harmonie des relations entrefermes aquacoles et riverains que pour unegestion durable des ressources naturelles,que les autorités procedent au déclasse-ment du domaine public de maniere me-surée. L'établissement d'un schémad' aménagement de la filiere devrait les yaider, sous reserve qu' iIprenne réeUementen considération les intéréts des commu-nautés locales, détentrices de droits histo-riques ou simples usagers des marais. Adéfaut de pondération, un déve\oppementincontrólé de filieres de production auxrationalités divergentes pourraits' ensuivreet engendrer des formes de concurrencespatiale et de profonds désaccords. Maispour l'heure, quand désaccord ily a, celui-ci est rarement exprimé en public et seregle le plus souvent al' arniable.

Pour ménager l' avenir, l' exécutif cen-tral et le législateur ont, en liaison avecl' appui technique bilatéral et intemational,posé les prerniers jalons d' une réformeadministrativeetfonciere a plusieurs com-posantes. L'une des composantes (Ges-tion Locale Sécurisée), au stade de loi-cadre, institue une possibilité de transfertdes ressources natureUes publiques auxcommunautés de base et de gestioncontractualisée de ces ressources. Les res-

MILlEUX INSULAIRES El CAPAClTf DE CHARGE

Extraction artisanale de sel sur le tanne de Belo-sur-Mer

core plus hardie, envisage a court termeune décentralisation administrati ve pous-sée, avec un élargissement des compé-tences des coUectivités locales et, surtout,provinciales. Dans ce cas, e'est en grandepartiedu devenird'une nation etde popu-lations conscientes de leur unité dont ils'agit'

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sources cótieres, pour certaines du moins,entreraient dans lechamp d' application dela loi, au rnéme titre que foréts et pátura-ges terrestres. L'on peut, toutefois, s' inter-roger a priori sur l' adhésion a de tellesdispositions des opérateurs industriels pri-vés des régions cótieres. Une autre corn-posante de la réforme en préparation, en-

1 A Madagascar, on distingue unepeche «srtisenele», pratiquée pardes embarcations motorisées demoins de 50 Cv, de lapeche «tre-ditionnetle», non motorisée oupratiquée a pied.

Page 52: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• T Ml

52 Eludes de cas el réflexions - Littoral marin •

Page 53: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

,LA PLAINE OCEANIQUE

ABYSSALE ET L'ASSAINISSEMENT""DES PETITES ILES: LE CAS DE LA,

POLYNESIE FRANCAISEFrancis Rougerie *

Résumé Abstract

Alors que la fonction «ressource» de l' océan tend a attein-dre ses limites (peche, aménagement des zones cótieres), lafonction «réceptacle» commence seulement a étre utilisée defacon rationnelle, en particulier gráce a la mise en service destuyaux-émissaires pour le rejet en subsurface des effluentsurbains et industriels non toxiques. De par ses dimensions, lazone abyssale océanique constitue notre seconde planéte etpossede un énorme potentiel de charge dont l'usage adéquatpeut alléger de facon significative les problernes de surchargedes Iles et des cates, en particulier dan s le domaine des dé-chets urbains. A l' inverse de la modestie des superficies in-sulaires émergées (4000km2 pour une centaine d'iles), la zoneocéanique économique exclusive de Polynésie couvre unesurface de 4 millions de km2 avec une profondeur moyennede 4 km. La prise en compte de cet arriere-pays océanique,

dont la partie profonde est caractérisée par le froid, l' obscu-rité totale et les hautes pressions, permet de proposer que laplaine abyssale soit utilisée pour le stockage et l'enfouisse-ment des déchets urbains.

Mots clés: Polynésie francaise, abysses, déchets, océan, im-mersion profonde, capacité de charge.

The ocean resource function is near the limit point forfisheries and coastal management, burthe dumping functionstart to be rationally used, specially with pipes for wastethrown out. The size of the abyssal zone represent a secondplanet with a considerable potential for waste dumping. Thiscan be a great solution to resolve island urban wastetreatment. Polynesian islands cover a small part (4 000 km2for a hundred or so islands) of the Pacific ocean (4 millionkm2), and this ocean where the deep part is cold, dark andsubmitted to very high pressures, can be used for waste dum-ping.

Key words: French polynesia, abyssal zone, waste, dumping,stocking rateo

.• IRD (ORSTOM), Observatoíre Océanologíque furopéen, avenue St Martín, 98000 Monaco.

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Page 54: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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les éléments contenus dans les déchetsménagers (matieres orga-niques, métaux,verres), etceux qui serontproduits par leurdécomposition éventuelle, ne peuvent enaucune maniere poser un probleme bio-chimique pour le milieu océanique ou lesédiment marin, oü ils sont naturellementprésents sous forme dissoute ouparticulaire: les fractions susceptibles dese dégrader en présence d' oxygene (dé-composition aérobie) enrichiront le réser-voir marin en matieres organiques, seisminéraux et métaux dissous; les fractionsplus réfractaires (verres, plastiques) serontprogressivement enfouies al' intérieur dusédiment et, sans contact avec l' oxygene,subiront une tres lente décomposition ana-érobie analogue a celle qui in fine conduitau pétrole, aux phosphorites ou aux nodu-les polymétalliques.

N'oublions pas aussi que la matiere or-ganique enfouie dans les abysses conservede ce fait une charge potentielle en gaz aeffet de serre (C02, CH4), qui seront ainsidurablement sequestrés en dehors de l' at-mosphere,

Application duconcept deI'immersion profonde:le cas de la Polynésie

Ce territoire est avant tout une provincemari time avec seulement 4 (XX) km2 émer-gés pour une zone océanique éconorniqueexclusive de4 rnillion de km', située aucentre d' un océan qui représente la moitiéde la superficie de la planete. De plus lesprofondeurs sont importantes, de 4 km enmoyenne au-dessus de la plaine abyssale.Les iles et atoUsreprésentent les sommetsde chaines sous-marines, issues d' un vol-canisme intraplaque alimenté par despoints chauds, puis ceinturés de récifs co-ralliens au fur et a mesure de la subsidencedesiles,

LE PROBLEME DES DÉCHETSURBAINS

Avec ses 150000 habitants a haut ni-veau de vie et une importation de plus de90% de ce qui est consommé, Tahiti pro-duit 150a300tonnesdedéchets parjour.Ces déchets sont déchargés dans des dé-potoirs en plein air installés de facon tradi-tionnelle dans les parties moyennes desvallées; la quasi-totalité des 10 grandesvaLléesde I'ile (a l' exception de la vaLléede Fataua qui fournit l' eau de Papeete) etdes 60 vaLlées secondaires est ainsi défi-gurée par ces dépotoirs fumants qui cons-tituent des zones d' insalubrité permanente(rats, moustiques, cafards; poLlution desrivieres, nappes phréatiques et lagons;odeurs, fumées, obstacle al' acces deshautes vaLléesetc).

En 1987, la décision fut prise de cons-truire a Tahiti une usine de traitement parincinération- méthanisation (procédéValorga, Arniens). L' usine fut construite aproximité de Papeete, au fond d' un cirquemontagneux, et entra en fonctionnementen 1991; cependant, apres une successionde mal-fonctionnements (mauvais triage,

Les abysses,notredeuxieme planete

11existe, dans la plupart desbassins océaniques et dans lesmers profondes, un découplage en-

tre la couche de surface (0-200 m) etl' océan profond, au dela de 500 metres.Cette stratification vertical e de l' océanassure une forte séparation entre la cou-che éclairée, oü est photo-synthétisée lamatiere vivante, et la partie abyssale froideet obscure, qui fonctionne comme un gi-gantesque bio-réacteur de régénération etd' accumulation sédimentaire. Tout rejetsous la barriere de densité constitue doncun aller simple et défmitif vers les abys-ses, et tout dépót d' une charge solide sur laplaineabyssaleconstituel'équivalentd'unenfouissement de type géologique.

Dans le cas des ordures ménageres etdéchets urbains, le respect de la loi et descontraintes océanographiques implique unprocessus d' immersion en trois étapes:• compression de lacharge brute avec une

presse a orc\ures ménageres; productionde baLlesde une a plusieurs tonnes et dedensi té proche de l' uni té, cerclées parfil métallique pour éviter leurdélitescence.

• chargementdecesbaLlesdansunebargeéquipéed'une benne abyssaleet trans-port au proche large, pour atteindre desfonds d' au moins 3 km.

• descente de la benne jusqu' a 500 m deprofondeur, ouverture automatique etlargage des balles.La surpression (50 kglcm2 a 500 m) et

les basses températures (inférieures a 10°Ca500meta5 OCa l000m.)conduisenta une augmentation de la densité des bal-les,qui couleront jusqu' au fond et tendronta s'enfoncer dans le sédimentargilo-vaseux. Le rejet a partir du mémepoint permettra de créer un dépotoir abys-sal sur une zone occupant quelques km',et done facile a suivre au plan technique etscientifique. TI est important de noter que

54 Etudes de cas et réflexions . Littoral marin

Page 55: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

insuffisance de rendement de lamét:hanisation, incinération incomplete) etd' atteinte a l' environnement (odeur, bruit,rabattementdes fumées sur la ville), l' usineest définiti vement fermée fin 1993. Cetteusine aura coüté 300 millions de francs, etapres beaucoupd'agitation politiqueetso-ciale est actuellement en phase de démo-lition.

D reste que le probleme des ordures estplus aigu que jamais, et que les tentativesde créer des dépotoirs a enfouissementcontrólé en zones reculées se heurtent al'opinion publique des communes concer-nées. Tahiti est malade de ses ordures,comme d' ailleurs la plupart des centresurbains des autres archipels polynésiens,iles hautes (Moorea, Bora-Bora, Tubuai)ou atolls (Rangiroa). Le probleme des ef-fluents urbains est également posé et unprojet devrait entrer en phase de réalisa-tion: il s'agit de créerun réseau decollectedes eaux usées qui, apres traitement préli-minaire, seront envoyées dans un émis-saire pour un rejet dans l' océan a 80 me-tres de profondeur, au droit de la digue duport de Papeete. On pourrait imaginer decoupler les deux futures usines de traite-ment, celle pour les eaux et celle pour lessolides; c' est ce qui a été fait a Monaco enpleine ville, avec :• traitement prirnaire des eaux;• rejet par tuyau-émissaire de 1 rnetre de

diametre a 100m de profondeur• incinération totaledes boues, déchets ur-

bains et ordures ménageres en vrac (ycompris les matieres plastiques et lespneus); on s' approche d' un degré zérode nuisance par triple nettoyage des fu-mées.L'electricitéproduitecorrespond al' éclai-

rage urbain (3% du total); cependant, outrela surface au sol occupée et les contraintesdu trafic des bennes de ramassage, le coütde cette filiere, de l' ordre du milliard pourchaque usine, rend ce choix irréaliste pourdes collectivités en voie de développementDe plus le probleme resterait entier dans lesautres Iles et archipels.

L'IMMERSION-STOCKAGE ABYS-SAL

Les Iles de plein océan comme Tahitisemblent particulierement adaptées a larnise en oeuvre de la filiere presse a ordu-res- barge- benne abyssale. Le processusse déroulerait comme suit:• Les ordures amenées par les carnions

de ramassage sont directement déver-sées dans une presse a ordure ména-gere installée en zone portuaire, et qui,selon les modeles, peut en traiter 10 a50 tonnes par heure.

• Les balles d' ordures compactées et cer-clées sont ensuite déposées dan s unebarge équipée d'une (ou de plusieurs)benne abyssale. Les jus de pressage sontégalement stockés dans la barge.

• La barge autotractée gagne en quelquesheures la zone de rejet, sur des fondsd' au-moins 3 km.

• La benne est descendue jusqu' a au-moins 500 mares de profondeurpar dé-roulement de son cable porteur; le pan-neau inférieur s' ouvreauto-matiquernentsous l' effet de la pression, libérant les

MILlEUX INSULAIRES El CAPACIT~ DE CHARGE

balles compactées qui vont continuerleur descente jusqu' au fondo

• Les jus de pressage sont déversés ensurface ou refoulés en subsurface (etfavoriseront la croissance du plancton).Une bargede25 mdelongpourraitainsi

transporter les 100 a 200 tonnes d' orduresquotidiennement produites dans l 'He deTahiti. D' autres presses de plus faible ca-pacité pourraient étre installées sur la pres-qu'ileetsur l'ile voisinedeMooréa. Unebarge-benne abyssale pourrait ramasserréguliere-rnent les balles compactées endifférents sites et les amener au prochelarge pour immersion. Le méme principepeut s' appliquer aux iles sous le vent etdans les autres archipels, chaque ile pro-duisant des balles compactées ramasséeslors de la toumée d' une barge.

La descente des balles et leur disperssionserontfonction de leurdensitéetde laforeedes courants océaniques; celles-ci sontfaibles en profondeur, de l' ordre de quel-ques cm/seconde, ce qui fait que les ballestendront a s' accumuler sur une surface dequelques km', au droit du point de rejet.Leur enfoncement dans le sédiment pro-fond sera progressif, inéluctable et défini-tifoL' impact sur les organismes bent:hiquessera trés localisé, une partie de la chargeorganique pouvant, avant eníouisse-ment,étre colonisée par des bactéries aérobiesou exploitée par des oursins, holoturies etétoiles de mer.

Ce procédé garanti que les ordures dujour seront dans les profondeurs océani-ques avant leur pourissement aterre, cequi est le cas actuellement Une résorptiondes anciens dépotoirs pourra étre entre-prise, assainissant défi-nitivement les val-lées et bandes cótieres. Outre l' impactpositif sur la pollution et les diverses nui-sanees associées, on peut penser que lavaleur des terrains ainsi récupérés seraprobablement supérieure au coüt total dela mise en oeuvre de ce procédé.

En Juin 1993, apres une enquéte contra-dictoire et une audition de plusieurs ex-perts et scientifiques, le Conseil Economi-

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Page 56: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

I T

que et Social de Polynésie Francaise avaitémis un avis favorable a un test de mise enservice de cette filiere presse a ordures-barge -benne abyssale.

Malheureusement, et malgré la ferme-ture de l' usine de traitement peu de tempsapres, les ordures ont continué a étre en-tassées et a polluer l' envi-ronnement, aupoint que ce probleme constitue un freinmajeur au développement de Tahiti, et unesourcede vive tension socialeet politiqueoUn premier pas vient toutefois d' étre fait(octobre 1997) avec I'immersion decar-casses compactées de voitures et de«monstres» électro-ménagers a 30 millesdans l' ouest de Tahiti, sur des fonds de 3,5km. Plusieurs milliers de tonnes de fer-raille et de plastiques composites ont ainsirejoint la plaine abyssale, soulageantd' autantla plainecóiere, Un projetde cons-truction d' une barge-benne est al' étude,etpourraitaboutiren 1998.

Conclusion

nexiste cepenc\ant un probleme d' ordrepsychologique dans l'utilisa-tion de l'océanprofond, un sorte de tabou diffus basé surune mauvaise connaissance des réalitésocéaniques. n faut done que les autoritéspolitiques et scientifiques fassent un grostravaiJ d'information etd'explication. Denombreux plaisanciers et pécheurs se po-

sent en défenseur d' un océan idéal, de-vant garder sa pureté originelle, sans réali-ser qu' ils rejettent eux aussi beaucoup dedéchets solides et liquides (la flottille mon-dialeestde I'ordredu million d'unités) etque la coque de leur báteau est enduited'un redoutable poison antiplanctonique !

La miseen servicedes tuyaux-émissai-res a constitué une prerniere applicationdu concept de rejet océanique ensubsurface, et a montré son efficacité. nreste simplement a ajouter que ce qui estvrai pour les rejets liquides l' est égalementpour les rejets solides. On cornmence abien connaitre les contraintes et les incon-vénients des traitements des déchets aterre, ainsi que les limites du recyclage, del' incinération (émission de gaz toxiques eta effet de serré) ou du stockage dit controlé(emprise au sol, percolation des eaux, pol-lution des nappes etc). Dans ce contextetendu, et c\ans la perspective d' un double-ment en 50 ans de la population mondiale(dont la moitié habite a moins de 200 kmdes rivages), il parait légitimede proposerque l' océan profond soit mis a contributionpour aider les hornmes a mieux gérer leursdéchets, en complément aux multiples pro-cédés utilisés a terre, Et pour les lles etzones cótieres déja surchargées, et bor-dées d' océans ou de mers profonds, l' im-mersion océanique peut constituer l' acresa un nouvel espace, une nouvelle ressourcepour le siecle a venir.

56 Etudes de cas et réflexions . Littoral marin

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MILlEUX INSULAIRES El CAPACIT~ DE CHARGE

CAPACITE D'ACCUEIL ETGESTION DES SITES NATURELS

DES HAUTS DE L'iLE DE LA REU1JIONRené Robert *

Résumé

Les hautes terres de la Réunion sont de plus en plus visi-tées. Elles offrent des paysages volcaniques remarquables etaussi des lieux de loisirs familiaux. Terres inhabitées, ellessont traversées par différentes voies mises en place par l'Of-fice National des Foréts. Leur fréquentation entraine des dif-ficultés de gestiono 11est pourtant souhaitable que I'accueildu public y soit favorisé, avec quelques précautions.

Abstraet

More and more tourists and residents visit the high volcaniclands of La Réunion island, which offer exceptionallandscapes. The Forestry National Service created roads thatmade these uninhabited areas accessible. This recent humanpressure leads to managements problems as it seemsnecessary to promote a well controlled development.

...

Mots clés: tourisme, loisirs, capacité d'accueil, les hauts, laRéunion, capacité de charge.

Key words: tourism, recreational activities, ecological capacity,Réunion island, stocking rateo

* Laboratoire de Géographie de l'Environnement, Université de la Réunion, BP 7151, St Denis, 97715 La Réunion, Frsnce.

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Page 58: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

-_. , Ml

Introduction

Les difficultés économiquesde la Réunion avaientpoussé les responsables a pro-

mouvoir le tourismedans l'ile, comme celaavait été le cas dans les iles voisines (Sey-chelles, Maurice). La promotion s'estd' abord intéressée aux quelques sites bal-néaires de l' ouest et du sud. Puis l' intérétdes hautes terres s' est rapidement déve-loppé. Des pistes forestieres et des sen-tiers de randonnée, imaginés et créés parI'ONF, ont perrnis la découverte de sitesattractifs.

En 1997, des enquétes sur la route fo-restiere du Volcan ont montré que les utili-sateurs étaient différents. Les uns sont destouristes qui viennent découvrir les grandspanoramas du volcan de la Fournaise. Lesautres viennent y chereher une aire de pi-que-nique agréable.Les uns vont jusqu' aubout de la piste; les autres, promeneurs dudimanche, s' arrérent le long du chemin des

le moment oü un espace intéressant a étérepéré. En semaine les touristes représen-tent la presque totalité du flux; le diman-che ils ne représentent plus que 50% de ceflux. D' autres enquétes ont montréque lephénomene est identique sur les autres pis-tes des hauts de l'ile.

Les pression exercées sur la nature sontdifférentes dans l' un et l' autre caso Lespassages de touristes vont augmenter dansles prochaines années; les besoins en loi-sirs dominicaux, également. La qualité dessites est pour le moment maintenue artifi-ciellement avec des fonds publics, maiselle est insidieusement dégradée. L' étudedissocie les valeurs et inconvénients dutourisme de ceux des loisirs dorninicaux.

Les sites uniques:une protection arenforcert

L' originalité de la Réunion parmi les ilesde I'océanIndien setrouvedans ses par-

Situation des zones de végétation altimontaine et des routes iorestiéres dedesserte

o;..~_~.;.1Okm Saint-Derus

Saint-Gilles•Saint-Benoit

Plaint:'-des-Cafres

58 Etudes de cas et réflexions . Littoral terrestre et intérieur

ties centrales. La multiplicité des paysa-ges volcaniques originels ou issus de latectoniqued'effondrementetla variétédesouvrages de l' érosion torrentielle sont re-marquables (Robert, 1996). Les hautes ter-res de l' intérieur ont aussi un climat agréa-ble et attractif pour les personnes qui vi-vent sur le littoral a climat tropical chaud.

LES GRANDS SITES

Ce sont des espaces a petite échelle,faciles a contempler. Dans le nord-ouest,le massif du Piton-des-Neiges, qui culminea plus de 3 000 m, offre un bastion de hau-tes ruines centrales entouré de grandesexcavations (les cirques de Salazie,Mafate, Cilaos, Bébourg). Ces cirques sontdominés par les remparts des planezes dontles sommets perrnettent de découvrir despanoramas grandioses (Roche Ecrite,Maido, les Makes, Dimitile). Au sud-est,le second volcan, la Foumaise, encoreactif, offre une succession de calderasemboitées dont les deux dernieres, lescalderas des Sables et de l'Enclos, sontdes sites tres attractifs. Tous les documentsde publicité touristique proposent la décou-verte de ces grands sites.

L'OUVERTURE DES GRANDSSITES AU PUBLlC

L' ONF contrOle environ 100000 ha, soit40% de la surface total e de la Réunion(Dournenge et Renard, 1989). Pour desser-vir les grands sites, il a créé des pistes fo-restieres (350 km), des sentiers de granderandonnée et des sentiers locaux (environ1000 km). Les principales routes menentvers le Volcan de la Fournaise, vers la Fe-nétre des Makes (panorama sur Cilaos),vers le Maído (panorama sur Mafate), versBébourg et Bélouve (panorama surSalazie). Les principaux sentiers vont versles sommets de la Fournaise et du Pitondes Neiges ou vers les sommets des pla-

Page 59: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

nezes : Roche Ecrite (panoramas surSalazie et Mafate), Grand Bénard (pano-ramas sur Mafate et Cilaos), Dirnitile (pa-norama sur Cilaos), Plaine des Fougeres(panorama sur Salazie )... Ces voies sontde plus en plus utilisées.

LES DIFFICULTÉS DE GES-TlON

Les enquétes faites sur la piste du vol-can ne montrent pas une surfréquentation:300 a 400 véhicules vont jusqu' au bout dela piste le dimanche (soit 1 000 al 200personnes). Les superbes coulées de mars1998, visibles du terminus de la route,étaient attendues depuis 1992. Le flux decurieux a été tel que la pratique de la routeest devenue rapidement impossible et lagestion de ladifficulté a demandé de nom-breux efforts financiers et autres. Les struc-tures d' accueil de J' ONF ont montré leurslimites devant dette invasion touristique:les capacités n' étaient pas prévues pources finalités.

Sur les grands sites, la premiere diffi-culté est celle des déchets, laissés surplace, cachés dans les fourrés arbustifs,glissés dans les diac\ases des roches vol-caniques. La solution n' a jamais été trou-vée et les incitations diverses n' ont jamaisété suivies d' effets valables. Le finance-ment public assure un nettoyage, mais ladécision de contróle, voire d' attitude ré-pressive, divise les responsables.

Les pluies sont rares dans les hauts, enraison de la structure de la basse atmos-phere et les structures de surface sont tresperméables. L' écouJement de surface estabsent: il est impossible de trouver de l' eausur place pour les besoins des touristes etles besoins de lutte contre les incendies.La seule solution consisterait a transporterde l' eau de l' aval vers les hauts et a lastocker dans les citemes.

Les grands sites font de plus en plus l' ob-jet de réflexions diverses visant a leur uti-lisation et a leur protection (Robert, a pa-

MILlEUX INSULAIRES El CAPACIT~ DE CHARGE

LES RÉGIONS DE LOISIRS DANSLES HAUTS

Toutes les pistes sont utilisées,mais deuxseules menent a des altitudes supérieuresa 2000 metres, perrnettant de gagner cetterégion oü l' arbre disparait et oü une landeoriginal e se développe. La plus fréquen-tée est cel1edu volcan de la Foumaise oüles pique-niqueurs se massent surtout en-tre 1300 et 1500 m. Les aires aménagéesne sont plus suffisantes depuis longtemps.Ensuite vientcelledu Maído dans les hautsde l'ouest: les flux concement environ 500a 700 personnes le dimanche. Les airesd' accueil sont de deux types: aires amé-nagées et aires sauvages. Les aires amé-nagées profitent de trois ambiances diffé-rentes: sous la fütaie de cryptomerias(Cryptomeriá japonica), résineux introduitpoursylviculturepar I'ONF), souslafütaiede tamarins des hauts (Acaciaheterophylla), endérnique présent sur tou-tes les pentes moyennes) et sur les landesalti-montaines.

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raitre). Les deux démarches peuvent étreen opposition. Le constat actuel est celuid' un effort considérable pour ouvrir leshauts et accueillir les touristes. En contre-partie, les difficultés apparaissent : con-tróle et organisation des flux ponctuels,enlaidissement des sites par les déchets,ravitaillement en eau, arrivée d' especesexotiques envahissantes ...La solution nepeut venir que d' une politique globale: lasolution du pare naturel est al' ordre duJOUf.

Les espaces delandes et pelousesaltimontaines:une adaptationnécessai re?

Sur les chernins qui menent aux grandssites, le long des pistes forestieres, s' accu-mule le dimanche surtout, et aussi pendantles vacances scolaires, un nombre crois-sant de personnes. Elles ont quitté le litto-ral pour passer quelques heures agréablesdans les hauts. L' association déterrninanteest done la voiture / le pique nique / leshauts.

Page 60: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

• I S LA E , OPICA

des deux massifs volcaniques et offre desespaces largement ouverts plus faciles aaménager et a vivre que les sous-bois desforéts situées en aval. S'il est nécessairede mener une poIitique préventi ve dans lecadre de l' aménagement des hauts pouraccueillirdavantage de visiteurs, iIest vraique les landes offrent un vaste domaine oüla dégradation peut étre évitée au maxi-mum. Les conditions favorables sont mul-tiples: absenceou raretédes sols, ouver-tures natureUes disponibles entre les four-rés, situation au-dessus de la couche d' in-version des alizés assurant un ensoleille-ment plus fort quecelui des pentes moyen-nes, faibles menaces d'y voir sedévelop-per des exotiques envahissantes ...Ces ré-gions ne sont pas accessibles partout parles routes (e' est le cas des sommets de laplaneze de la Roche Ecrite) et ne sont pastoutes a mettre en aménagement,

Conclusion

Le développement du tourisme et desloisirs est un phénomene de société quin'a rien d'original. Les différents flux serépartissent sur les stations baInéaires et

Végétation altimontaine des Hauts de la Fournaise

dans les hauts. Les discussions portentactueUement sur la capacité d' accueil deces sites, sur les difficultés rencontrées,en distinguant les sites majeurs dontl' attractivité est le moteur du tourismedans les hauts et le besoin d'évasion desautochtones. Elles n'ont pas permis en-core de décider d'une politique pour de-main. Les moyens de controle ne sontque ponctuels et insuffisants : il est possi-ble que cette mésentente vienne du nom-bre important d' interlocuteurs sur ceméme théme.

Beaucoup pensent, dans ces conditions,que la solution la meilleure est celle de larnise en place d'un pare naturel dans leshauts. L' unicité directionnelle du parepermettrait sans doute de pallier un défi-cit de décisions nécessaires. ElIe permet-trait d' orienter les charges d'un ensem-ble décosystemes pour éviter lasurfréquentation. Le cahier des chargesde ce pare a été agréé en février 1988par le Conseil Régional, et la création estprévue vers 2002-2003. L'adéquationentre besoins de I'homme et possibilitésde la nature est au centre des futures dis-cussions.

Bibliographie

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ROBOOR. - aparaitre -la gestion ella valorisation dudomaine public dans les hauts de l'ile de la Réunion(océan inclien);AnnaJes de Géogmphie, Paris

LES MENACES SUR LA LANDE

La lande a1timontaine s'est développéesur une aire de grande importance: e' est lecas pour l' étage terminal au-dessus de1800-2CXX)m (Cadet, 1980) oú sejuxtapo-sent des fourrés et des pelouses. Aucuneespere végétale n' y est menacée d'extinc-tion, a la différence des autres strates vé-gétales. Mais pour réchauffer ou cuire lesaIirnents du pique-nique, le visiteurs du di-manche utilisent les branches mortes desbruyeres. Ce geste répété par des milliersde personnes en quelques années a finipar réduire les fourrés le long de la routeforestiere: iI faut chercher le bois mort deplus en plus loin. Faute de bois mort aproxi-mité, des arbustes vivants sont maintenantarrachés. Les agents de I'ONF l'ontre-marqué sur des sites particuliers.

UNE NÉCESSAIREADAPTATION

Pourtant cette région de landes est inté-ressante parcomparaison avec les autresstrates de végétation oü se fait l' accueildes visiteurs. ElIe est présente au sommet

60 Etudes de cas et réflexions . Littoral terrestre et intérieur

Page 61: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

LE TOURISME RURAL DANS LADERNIERE ETAPE DU NOUVEAU MODELE

TERRITORIAL DE L'iLE DE MAJORQUEJaume Binimelis Sebastián, Antoni Ginard Bujosa, Joana Maria Seguí Pons*

Résumé

Le développement du tourisme de masse dans les iles Ba-léares a généré un nouveau modele économique, social etterritorial. La dominance des espaces ruraux a disparu au pro-fit des zones urbaines et de la dynamique d' aménagement dulittoral. Ces dernieres années, les espaces ruraux ont suc-combé a la dynamique globale de la "rururbanisation". Letourisme rural et I'écotourisme, formes nouvelles de spéciali-sation du tourisme, représentent un facteur de pénétrationurbaine vers l' intérieur des terres. Le tourisme rural ne corres-pond pas a une stratégie d'aide au développement des ex-ploitations agricoles mais exprime la réponse a l' offre touris-tique, présenté comme une alternative au tourisme de masse.

Mots clés: tourisme de masse, Iles Baléares, tourisme rural,écotourisme, insulaire.

Resumen

Al final de siglo, no hay dudas que la transformacióneconómica, social y territorial producida en las Islas Balearesen la segunda mitad del siglo XX es un efecto del impacto delproceso de desarrollo basado en el turismo de masas, que haprovocado una ruptura radical en la dinámina de lasestructuras preexistentes, acelerando la introducción denuevos modelos de comportamiento a todos los niveles. Lapersonalidad de las Islas se ha tambaleado en un período detiempo muy corto: en poco más de treinta años se haconsolidado el paso de una sociedad tradicional rural y agraria,característica del sur del Mediterráneo, a una sociedadmoderna. La impronta ha sido tan profunda que cabe distinguirentre la sociedad de antes y la de después del inicio del turismode masas. En este sentido, puede hablarse de una sociedadpre-turistica y de una sociedad nueva, que está devorandola herencia del pasado reciente y que ha estructurado unnuevo esquema económico, social y territorial.

Palabras clave: turismo de masas, Islas Baleares, turismo ru-ral, ecoturismo, insular.

* Universitat de les lIes Balears, Crts Valldemosa, km 7,5 i 07071 Palma, Mallorca, Espagne.

• 61

Page 62: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

lE EAU I SULAIRE , PICAL El Ml RA E

Introduction

L'éVolutionéconomique, socialeet territoriale qui s' est produitedan s les iles Baléares dan s la

deuxieme moitié du Xxeme siecle est larésultante de I'impactdu processus dedéve-Ioppement basé sur le tourisme demasse. Ce demier a provoqué une ruptureradicale dans la dynamique des structurespréexistantes, en accélérant l' introductionde nouveaux modeles de comportementsa tous les niveaux.

En un peu plus de trente ans, les ilesBaléares sont passées d'une société ru-raJe et agraire, caractéristique du sud-mé-diterranéen, a une société moderne. Cettemutation a été si profonde qu' il faut faireune distinction entre la société d' avant et .celle d' apres le début du tourisme demasse. Dans ce sens, on peut parler d' une«société pré-touristique» et d' une nouvellesociété, refusant I'héritage d' un passé ré-cent et construisant un nouveau schémaéconomique, social et territorial.

L'évolution dumodele territorial

Bien que l' on puisse introduire quantitéde nuances, l' évolution du modele territo-rial des iles Baléares (en particulier celuide Majorque) s' est fait en quatre grandesphases.

SOCIÉTÉ AGRAIRE ElDÉBUTS DU TOURISME(1930-1950/1960)

La situation qui précéde le développe-ment du tourisme aux Baléares se défini tpar la persistance d'une base économi-que et sociale archaique et apparemrnentimmuable, composée par un grand con-tingent de la population rurale active (plusde 50 % avant ] 950). La «grande pro-priété» dominante coexistait avec une

structure de petites et moyennes proprié-tés d'artisans, de petites industries et decommercants. Dans la premiere moitiédu XXeme siecle, en l' absence desgrands courants sur l' industrialisation etl' urbanisation, une économie agraire, pra-tiquement d' auto-consommation, semaintenait dans un tissu social plutót sta-tique et conservateur. La société tradi-tionnelle se confortait dans un territoireconfiguré par des espaces ruraux de pro-duction agricole et situés al' intérieur desiles (le littoraJ et la montagne étaient desaires marginales). L' occupation des ter-res agricoles était basée sur des syste-mes a caractere extensif. Les ilots depopulation a I'intérieur vivaient le dostourné a la mer. Exception faite des petitsports, la cate avait une rnaigre activité.Les capitales régionales, surtout Palma(Mayorque) concentraient la fonction di-recti ve sans que cela atteigne la sociététra-ditionnelle.

A I'aubedu tourisme,etmalgré la per-sistance du modele traditionnel agraire, lapériode des années 50 représente une étapetransitoire, avec des effets territoriaux im-portants. Le secteurprimaire perd unegrande partie de ses effectifs au profitd' autres secteurs entrainant un exode ru-ral vers les zones urbaines les plus dyna-miques. C' est le début du boom hótelieraux environs de Palma.

62 Etudes de cas et réflexions . Littoral terrestre et intérieur

TOURISME DE MASSE ElDÉCADENCE AGRICOLE(1960-1973)

En 1960débute la grande vague du tou-risme qui augmente progressivement jus-qu' a la crise économique de 1973. Dansles Baléares, la spécialisation économiquebasée sur le tourisme de masse joue leróle de facteur de changement du modeleéconomique et territorial qui débouche surlaconstitution d'unesociété urbaineetdeservices. Le tourisme de masse apparaitcomrne une conséquence des échangesopérés de l' extérieur plus que comrne unprocessus a caractere endogene, La crois-sanee de l' éconornie en Europe Occiden-tale, ainsi que le développement desmoyens de transport (surtout l' av ion) fa-vorisent l' arrivée de grands contingents detouristes dans les régions périphériques del'Europe du sud a la recherche du soleil etdesplages.

L' irnage des Baléares (beauté du Iitto-ral, douceur du climat, société tradition-nelJe et bas niveau de vie, proximité géo-graphique) est extréme-ment favorable.

Le développement d' une éconornie tresspécialisée dans les services touristiquesel dépendante de la conjoncture extérieure,a ainsi bouleversé le modele traditionnel.L'omniprésente agriculture pluviale exten-siveentraitdans un déclin irréversible, lais-

Page 63: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

sant la place aux cultures intensives irri-guées, pour réponclre a la demande du nou-veau marché urbain et touristique. Le trans-fert de la population active vers la cons-truction et les services, directement ou in-directementreliés al' activité touristique,vidait ainsi les actifs des zones rurales.

Entre 1960et 1973, ledéveloppementdu tourisme est concentré sur le littoral.Globalement, le changement du modeletenitorial se caractérise a la fois par l' ac-croissement des zones urbaines dans unedynamique du littoral et par lamarginalisation des espaces agricoles. Les

.espaces ruraux, qui avaient été le supportde l' économie traditionnelle, perdent leurróle principal et se convertissent en réser-ves de résidences de loisirs ou d' espacesnaturels protégés.

TOURISME, RÉSIDENCE ElABANDON DE L'AGRICUL-TU RE (1980-1990)

Dans les années 80, apres une période destagnation etde baisse, on constate une nou-velle période de croissance du tourisme demasse. A l' organisation hóteliere se substi-tue progressivementcelle des appartementslégaux (ou illégaux) et pour répondre a la

saturation des anciennes zones touristiqueslittorales, de nouvelles se créent.

Des 1985, on constate un vieillisse-mentalarmant de la population acti ve dans lesecteur primaire et un recul des exploita-tions iniguées auparavant rentables. C' estle début d' un abandon généralisé de l' agri-culture. L' altemative au processus de «fos-silisation» des paysages et des activitésdans les zones rurales est représentée parl' agriculture a temps partiel et lejardinagede loisirs. En mérne temps, l' expansiondes grandes zones urbaines s'intensifie.Dans les espaces ruraux, la colonisationurbaine prend la forme de résidences se-condaires ou principales destinées a la po-pulation locale. C'estaussi I'anivéedespremiers résidents étrangers al' intérieurdes terres et le début du tourisme rural.

URBANISATION RURALE ElSOCIÉTÉ TOURISTIQUE(1990-2000)

Ces dernieres années, cette spécialisa-tion touristique s' est maintenue. La dispa-rition des activités rurales devient un faitincontestable (bien que nuancé par l' agri-culture a temps partiel et le jardinage deloisirs). La fonction résidentielle dans les

Répartition des établissements hiiteliers sur /'i/e de Mayorque

DISTRIBUCIÓN DE AGROTURISMOS y HOTELES RURALESEN LA ISLA DE MALWRCA ft4~l!l"''''

10 15 Kms

N

A

Plv.as ofenedas• 0-4• l·10

• 11-16

.11-2>.,.,._ Espacios protegidos

f\IiIne~,..-.,...*_ •••c- ••J_ ••u..- •........•.,

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITE DE CHARGE

zones rurales se consolide, aussi bien pourla population locale que pour les résidentsétrangers, et le processus d'urba-nisationdes campagnes se généralise.

La derniere phase du processus d' urba-nisation des carnpagnes a été spécialementétudiée par Jaume Binimelis Sébastien(1996) qui releventl' apparition d'un agentsignificatif de la colonisation tenitoriale,celui de l' accroissement des établisse-ments d' éco-tourisme,

Le tourisme ruraldans la derniereétape de la définitiondu modele territoriala Mayorque

Le tourisme rural et l' éco-tourisme for-ment la partie de ce que communémentl' on nomme le tourisme altematif (expres-sionquidésignel'ensembledel'offretou-ristique). En principe, le tourisme rural etl' éco-tourisme sont concus comme desdispositifs de relance sociale et économi-que des zones rurales défavorisées. lisconstituent des formes d' offres touristiquesfavorisées par Bruxelles pourdiminuerl' exode rural et pour offrir une altemati vea la sauvegarde du patrirnoineculturel etpaysager des espaces agraires. Sous ré-serve de validation, nous considérons queles théories mentionnées ci-dessus ne con-cement que le tourisme rural et l' éco-tou-risme dans I'ile de Mayorque. De notrepoint de vue, le tourisme rural et l' éco-tourisme sont des typologies de l'offre tou-ristique qui engendrent la derniere étapedans la construction du modele tenitoriald' origine touristique sur Mayorque.

La deuxieme phase de la définition dumodele tenitorial se caractérise done parla colonisation des espaces ruraux al' inté-rieur de l'ile. C' est un processus d' origineurbaine qui transforme les zones agricolespaupérisées en zones résidentielles tem-poraires ou per-manentes. La demandeprovient aussi bien de la population locale

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Page 64: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

,

(surtout de Palma, princi pal émetteur dedemandes urbanistiques), que des résidentsétrangers en augmentation depuis les an-nées 1990. Le processus d' urba-nisationrurale se base sur l' utilisation des terres enzones résidentielles comme principal mo-teur du changement des es paces rurauxde l' intérieur. Néanmoins, nous considé-rons que le tourisme rural et l'éco-tourismedoiventétreintégrésdansladerniereétapede l' arnénagement du territoire en tant quenouvel élément de colonisation basé surune nouvelle spécialisation du tourisme.lls suivent, en tantqu'offretowistique plusélitiste, un modele de développement etde comportement spatial tres proche decelui de la demande de résidences étran-geres,

La majorité des installations du tourismerural actuellement en acti vité a donc étécréé dans les années 1990. Ainsi, il estpossible de détecter différentes zones deprédilection pour le tourisme rural et l' éco-tourisme:a En premier lieu, la plus grande concen-

tration d' établissements d' éco-tourismeet de tourisme rural se trouve dans laSerra de Tramuntana, surtout dans lescommunes situées aux alentours del' axe «Palma-Soller».

b Un second groupe d' établissements sesitue dans les communes de l' est de l'ile,Il s'agitd'une zonea la topographie ac-cidentée, par oü coulent «las serres dellevant».

e Un troisieme groupe forme une cein-ture autour du rivage de «Sa Rapita- EsTrenc», au sud de I'ile, comcidant avecun des rares sites oü le littoral a été pro-tégé.

d Un demier groupe d' établissements estlocalisé a proxirnité de «Randa» (dansle centre de I'He) ou de «Raiguer», lepiémont de la «Serra de Tramuntana»,dans l' axe «Palma-Alcudia».En résumé, le tourisme rural et l' éco-

tourisme se situent dans les zones oü l'agri-culture traditionnelJe a été abandonnée ousubsiste de rnaniere marginale. Par con-

tre, ce sont des zones privilégiées du pointde vu)paysage (montagne et littora! sonttoujours présents). Il existe un certain de-gré de correspondance spatiale entre ledéveloppement du tourisme rural et lesaires protégées.

En défmitive, a Mayorque, le nouveaumodele de tourisme alternatif s' articuleautour des aires protégées de la prédationurbaine et qui ont une qualité paysagereindéniable. Par conséquent, nous considé-rons que la disparition des activités agrico-les et l' ani vée du tourisme rural et de l'éco-tourisme ne sontqu'une stratégie de sur-vie de l' exploitation agraire farniliale quin'estqu' une nouvelJe expression de l' of-fre touristique de masse etqui, a son tour,est orientée vers une demande socialementdifférenciée, utilisant l' irnage des airesprotégées. Pendant ce temps, les petitsespaces ruraux traditionnels de l' intérieurse trouventdans une situation de subsis-tance, sans doute transitoire, mais en de-hors du processus global de transforma-tion.

Conclusion

Le développement du tourisme demas se dans les Iles Baléares s' est traduitpar un modeled' organisation du territoireen opposition au modele traditionnel. Pa-rallelement au déclin de l' activité agricole,l'évolution du secteur touristique a généréune nouvelle image territorialequi sedéfi-nie par une domination des grandes zonesurbaines et une dynamisation des frangeslittorales.

L' étape finale de ce processus est ac-tuelJement la saturation des zones touristi-ques concentrées sur le littoral et la miseen placed'une politique globaled'urbani-sation des espaces ruraux. Le demier cha-pitre de lacolonisation urbaine affecte plei-nement les aires traditionnelJes de l' inté-rieur, surtout pour un usage résidentiel. Letourisme rural et l'éco-tourisme (nouvelleforme de spécialisation du tourisme) re-

64 Etudes de cas et réflexions . Littoral terrestre et intérieur

présentent un facteurde pénétration wbainevers l' intérieur

Dans les années 1990, le tourisrne et lademande résidentielJe se sont concentrésdans les zones rurales en fonction de laqualité du paysage, sans que le tourismerural ne réponde a une stratégie de surviedes exploitations agricoles TIest pluíót l'ex-pression d'une nouvelJe manifestation del' offre touristique, présentée comme unealternati ve au tourisme de masse. L' ex-pansion urbaine ettouristique vers l' inté-rieur des Iles apparait comme un proces-sus de transformation a caractereglobalisateur.

Le secteur tertiaire et les services, enplus de l' activité touristique, repré-sententun segment stratégique des iles Baléarespuisqu' iJgénere entre 60 et 80 % de PISdans l' économie insuJaire et occupe 65 %de la population active.

En définiti ve, les Iles Baléares s' appro-chent du troisieme millénaire avec unestructure économique et territoriale qui ré-pond aux parametres d' une société urbaineet touristique.

Bibliographie

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Page 65: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE •••

LOGIQUES UTILITARISTESET LOGIQUES SOCIALES:

ASPECTS DE L'EXPANSION DE L'ELEVAGE BOVIN ENMILIEU MÉLANÉSIEN DE NOUVELLE-CALÉDONIE

Patrick Pillan *

RésuméLes i'les et archipels d'Océanie ne connnaissaient pas de

production marchande avant que les Européens ne s'y ins-tallent et ne les colonisent. Dans des contextes et avec desmodalités variables, les formes d'organisation précoloniale-ou ce qui en tient lieu apres l' imposition des législations etdes dispositions coloniales - y restent le référent de l' organi-sation sociale et de la production en milieu rural; meme trans-formées, les relations sociales y demeurent d'inflexion néo-traditionnelles, les obligations, solidarités ou entraides nes'inscrivant pas dans les échanges marchands ou utilisantceux-ci a d'autres fins. Les mouvements identitaires et cultu-rels qui se sont multipliés de par le monde depuis les années1960 - et en Océanie plus particulierement dan s le courant desannées J 970 - ainsi que les enjeux économiques et politiquesinternes aux populations sont allés dans le meme sens. De cefait, il n'existe fréquemment pas encore de petites paysanne-rie en Océanie, a savoir d'individus travaillant dans le cadre"d'une exploitation" et se dédiant de maniere centrale a laproduction marchande ; un support de la production aussiessentiel que la terre est souvent d'appropriation supra-fami-liale, dépassant le cadre de I'unité domestique, lorsqu' il n' estpas devenu d'appropriation plus ou moins "communautaire"dan s le cadre d'évolutions anciennes ou d'enjeux récents. IIest devenu I'objet d'enjeux majeurs. Dans de tels contextes,les politiques et les opérations de développement ont étésouvent en porte a faux au regard du milieu social ou détour-nées a d'autres fins. Les élevages bovins de groupe chez lesMélanésiens de Nouvelle-Calédonie montrent aquel point lamobilisation de la force de travail ou celle de la terre toutcomme la nature des engagements dans la production peu-vent y étre éloignées des visées et des conceptions qui sontcelles des services de développement.

Mots clés: Océanie, Nouvelle Calédonie, élevage bovin, dé-veloppement, logique sociales, capacité de charge.

AbstraetUtilitarian and social logics:

Aspects of the expansion of cattle breeding in theMelanesian surroundings in New Caledonia

The islands and archpelagos in Oceania did not have com-mercial production before Europeans took over the islandsand colonized them. Within variable contexts and modalities,the forms of pre-colonial organisation - or what stands of itafter colonial legislations and dispositions were laid down -remain the referent of social organisation and production inrural areas. Here, social relationships, even altered, keep aneo-traditional bend, obligations, solidarities and mutual aidsdo not fit in commercial trade or else use it for other purposes.The identification and cultural movements which increasedthroughout the world since the sixties, and more specificallyin Oceania during the seven ties, as well as the economicalinterests and the politics connected to the populations, allfollowed the same line. Therefore, most of the time there areno small peasantry in Oceania that is individuals workingwithin the structure of a farm to the production of surplus forthe market. A medium of production as essential as land isoften of supra-family appropriation, outgrowing the limits ofdomestic unity, sometimes becoming more or less a" community " appropriation within the context of ancientevolutions or new stakes. It has become the subject of majorinterests. Within such contexts, politics and developmentprocess have often been particularly out of place from thesocial point of view, or they were diverted for other purposes.Melanesian group cattle breeders in New Caledonia showhow far the mobilisation of the labour forces, the kind ofinvolvement in production, or the concerns in terms ofstocking rate can be from the aims and ideas which are thoseof the departments for development.

Key words: Oceania, New Caledonia, cattle breeding,development, social trends, stocking rateo

* ¡RD, Centre ORSTOM de Montpel/ier, LEA B.P. 5045, 34032 Montpel/ier cedex 1, France .

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Page 66: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

I T"u.-"unL

L'impératif dudéveloppement

Uanalyses critiques de la notionde «développement», des

résupposés dont elle est porteuseet des opérations auxquelles elle a pu don-ner lieu abondentdans les écrits sociologi-ques et anthropolo-giques. Le «dévelop-pement» qui, depuis le début des années1960 estdevenu un impératif politiqueetidéologique est avant tout interventiond' états ou d' instances intemationales surdes ruraux des pays aujourd'hui dits «duSud» (et pour certains «moins dévelop-pés»), ceux-la mérnes qui étaient autre-foisdénommés «sous-déve-loppés». Deces actions concues a des fins d' accrois-sement de la production, sociologues etanthropo-logues ont montré depuis long-temps qu' elles confrontaient souventdeux logiques, celle instrumentale despromoteurs et des concepteurs des poli ti-ques de développement (dans laquelle lesacteurs sociaux sont percus commeautant «d'homo oeconomicus» inscritsdans des universaux) et celles souventfort différentes des «sociétés» qui en fontl' objet : dépasser cette distorsion inhé-rente a la nature politique du développe-ment a des lors amené les chercheurs aenvisager ces interventions comme desmodalités contemporaines du change-ment social, comme des preces de trans-formation sociale (Olivier de Sardan,1997). Avec l' accumulation des connais-sanees, l' objecti vation des relations so-ciales et l' extension des pratiques démo-cratiques, une autre dimension a dü étreconsidérée, celled'individus se pensantcomme «les acteurs de leur histoire», etpouvant faire autant d' enjeux des inter-ventions les plus diverses. C'estdanscecadre analytique que nous voudrions re-placer certains aspects des groupementsd' élevage bovin fonnalisés en milieu mé-lanésien de Nouvelle-CaIédonie au regardde la notion de «capacité de charge».

M1

Apercus sur l' élevagebovin en NouvelleCalédonie

L'élevage bovin occupe une place cen-trale dans I'histoire de la Nouvelle-Calé-donie, tant au regard des relations entrecolonisateurs et populations autochtonesqu'acelui de1a mise en valew·agricoledupays. Ces ten-esdevenues francaises pourl' essentiel en 1853 se composent d' une Ileprincipaleappelée«Grande-Terre»etd'unarchipel des «lles Loyauté» éloignéde centkilornetres environ ; leur superficie est de19 100km', laGrande-Terrecomptant pour168~ krrr.Imroduirs dans lesannées 1840dans un environnement n' ayant comprisavant les atterrages européens d'autresanimaux de l' ordre des mammiferes quedes rats et des chauve-sowis, les bovidésdeviendront le support de la productionagricole dominante en valeur et en super-ficies. Longtemps pratiqué de maniereextensive, l' élevage s' installe tres tót surses espaces d' élection en prenant appuisur la volonté de I'Etat d' une mise en va-

leur rapide de la colonie et sur la modicitédu coüt de terres captées aux autochtones.Une forte demande de viande suscitée parl' installation d' un bagne en 1864 étendraI'activité d'autant plus rapidement. En1881 , le cheptel est de 104 (XX) tétes alorsqu'il estde 121 (XX) en 1983.

PIusieurs traits ressortent de cette pé-riade initiale dont certains demeurent. Enpremier lieu, la constitution de grands do-maines fonciersde plusieurs milliersd'hec-tares consacrés a l' élevage sous la formede sociétés détenues par les famiJles euro-péennes les plus fortunées - ceci le plussouvent en association avec des intérétsen secteur rninier et dans le domaine ducommerce et de l' import-export. Egale-ment, la prépondérance des Européens enmatiere d' élevage, celui-ci ayant été long-temps leurapanage pour devenir communa une majorité d' entre eux avec les recon-versions entraínées apres la SecondeGuerre mondiale par l' effondrement de lacaféiculture et par la montée d' un désen-gagement agricole multipliant les double-actifs; I'élevageest aussi devenu I'acti-

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vité par excellence des ruraux européensdu fait de la genere coloniale de l' occupa-tion contemporaine du pays et de la cons-titution d' une réserve fonciere domanialepouvant faire l' objet de demandes: l' at-trait des Européens pour les propriétés «debrousse» sur lesquelles pécher, chasser etlácher des bovidés a de méme multipliéles troupeaux. L' élevage est devenu em-blématiquedu ebroussard» et les «rodéos»ont été intégrés au folklore. De l' implanta-tion colonialedatentaussi les positions fon-cieres de longue durée des Européens etdes autochtones : faites de disproportionsquantitatives etqualitatives, elJes débou-chent dans les années 1960 sur des com-pétitions de plus en plus aigues pour lesterres domaniales puis a la fin des années1970 sur des occupations de ten-es de co-lons. Les réformes foncieres de 1978, de1982 et de 1985 en sont l' aboutissement.Contrainte par ce partage foncier, la pré-sence des bovins en milieu mélanésien estlongtemps restée faible, etdévolue aux tri-bus de montagne oü les éleveurs européensont recruté tres tót (pillon, 1989a). Géo-graphie et histoire ont ainsi débouché surune production marquée par l' oppositionentre une cóte ouest de piedmonts et deplaines a1luviales étendues ou se concen-tre le bétail et une cóteest dont les bandescótieres n'accueillentque peu d'animaux.Des les origines, l' élevage européen a ac-caparé la prerniere, notarnment sous laforme des grandes propriétés ; la secondeestdevenue ultérieurement le lieu d'irn-plantation d'un petitcolonat, a l'origine plusagriculteur qu' éleveur. L' élevage mélané-sien a été longtemps restreint aux zonesde montagne avant que les affrontementspolitiques de 1984-1985 et que les réfor-mes foncieres ne redistribuent les irnplan-tations par le départ des petits colons de lacóte est et le transfert de propriétés euro-péennes de la cóte ouest. La dualité entreélevages européens et méla-nésiens restetoutefois marquée, les premiers constituantune plus forte proportion du cheptel, étantencore largement représentés sur les ter-

res les plus propices, étantdanscertaineslimites plus étendus, plus capitalisés, plusintensifs et plus performants que les se-conds (Delzescaux, 1991); les deux popu-lations contrastent également a grandstraits une production et une propriété indi-viduelles de la terre et une production etune propriété de groupe qui ne sont pas«radiuonnelles» pour autant.

Dans lecadred'uneagriculturequi nefournit plus depuis la fin des années 1960qu' une faible part du produit intérieur brut,l' élevage bovin conserve sa place prépon-dérante : en 1991, le nombre de bovidésest estimé a 125 (XX) téres réparties sur 216(XX) ha, soitsur94 % de la surfaceagricoleutile (I.T.S.E.E., 1993). Dans le courantdes années 1960, des efforts d'intensi-fication ont été accomplis, qui se sont ac-centués avec le retoumement de la con-joncture économique de la seconde moitiédes années 1970; ils ont surtout été le faitd' éleveurs européens (Delzescaux, 1991).Plusieurs facteurs d' ordre géographique,social et économique font ainsi que norn-bred' élevages de Nouvel1e-Calédonie sont

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

menés selon des approches extensives ala fin des années 1990. Au recensementde 1996, la population est estimée a 196836 personnes composées a 34, l %d'Européens, a 44, 1% de Mélanésiens eta 9% de WaIlisiens et Futuniens (Ahmed-Michaux.Roos, 1997: 22).

Les groupementsd'élevage formalisésen milieu mélanésien

RÉFORMES FONCIERES, MISEEN VALEUR El ENCADRE-MENT DU SECTEUR RURAL

Des prodromes des années 1860 a lapériodecontemporaine, I'élevageen mi.lieu mélanésien s' est effectué dans desconditions diversifiées quant aux caracté-ristiques des acteurs, aux modalités d' exer-cice, aux acces fonciers, au cadre juridi-que, al' encadrement technique et auxmoyens financiers ; les parametres ont étéceux des élevages individuels et des éle-

E1eveur Mélanésien

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vages de groupe, de la production en ré-serve ou sur terres privées, des pratiquesinformelles ou de celles associées a unstatut juridique, a un encadrement techni-que et a des aides financieres (Pillon,1989a). Cette recomposition de l' espacesocial qui se dessine avec la création duprernier organisme d' aide au développe-ment en milieu rural mélanésien peu avant1978 s' institutionnalise avec la rnise enplace des provinces en 1985, et plus en-core avec celle des régions en 1989 (Pillon,1989b). Elle a présidé aux transferts deterres inscrits dans les dispositions de 1982et de 1985 qui ont été liés deJacto ou parréglementation a des obligations de rniseen valeur.Entre 1978et 1988, l00(xx)hec-tares environ ont changé de mains, les su-perficies attribuées revenant a des Méla-nésiens (Mapou, 1998) ;les transferts s' ac-compagnent d' autant plus facilement dela création de groupements que les terressont déja consacrées al' élevage. Les grou-pements devant revétir une forme juridi-que afin de bénéficier d' aides et de sub-ventions, le statut prépondérant a d' abordétécelui du «Groupement d'intérét éco-nomique» (ou GIE) jusqu' a ce que les dis-positions de 1985 et que la rnise en placedes provinces ne généralisent le «Groupe-menidedroapaniculierlocal» (ou GDPL):alorsqu'il n'existait pratiquement que desassociations informelles d' élevage en sec-teur mélanésien jusqu' au rnilieu des an-nées 1970, les réformes foncieres multi-plient les groupements a statut juridique,les provinces en faisant a leur tour un cadrelégald' intervention.Au nombred' unedemi-douzaineen 1975etd' une vingtaineen 1978,les groupements d' élevage formalisés at-teignent la centaine en 1987 ; ils sont esti-mésa 120 en 1992pourla seuleProvincenord a majorité démographique mélané-sienne (loor de cóie, 1992: 6).L' expansionde la formule est toutefois souvent allée depaireavec des difficultés de fonctionnernentet de nécessaires évolutions de mémequ' avec la faiblesse des revenus monétai-res dégagés et redistribués.

LOGIQUES DEDÉVELOPPEMENT ElLOGIQUES SOCIALES

A la fin des années 1990, les groupe-ments d'élevage formalisés en milieumélanésien datent pour les plus anciensde pres de vingt ans. Les études technico-éconorniques indiquent alors que certainsd' entre eux ont intégré la fraction des éle-vages les plus performants du pays au re-gard des marges brutes et des revenus aI'hectare. Arriventa leursuitedes groupe-ments qui, bien que composés de mem-bres dotés d'une maítrise technique suffi-sante relevent des pratiques extensi ves etdégagent peu d' argent. La demiere caté-gorie est faite de groupes en proie a deprofondes dissensions dontles activités sontau point mort (Delzescaux, 1991 :47). Cesgroupements n' en perdurent pas moinspour autant, ce qui doit ouvrir l' approcheanalytique a d' autres considérations. Eneffet, bien que les groupements d' élevageformalisés aient été générés par un con-texte ayant débouché sur]' inscription deleur finalité dans la rationalité économi-

68 Eludes de cas et réflexions . Littoral terrestre el intérieur

que, il doit étre affirmé que nul ne sauraitsaisir le fonctionnement des espaces so-ciaux qu' ils constituent en dehors de signi-fications, de pratiquesetd'enjeux d'unetout autre nature - ceci restant vrai rnérnesi la dirnension éconornique a pu interve-nir dans la constitution de tel ou tel d' entreeux, et méme s' il en est qui dégagent desmarges appréciables (pillon, 1993).

En secteur rural mélanésien en effet,les phénornenes ne relevant pas des con-duites reconnues aux acteurs sociaux parla théorie éconornique classique sont nom-breux, sans qu'il puisseétredit pourautantquel'éconorniemarchanclen'yrecomposepas les relations sociales (pillon, 1989a,1993). Dans lacontinuitédecequi a puérre noté au débutdu mouvement, nombrede groupements formalisés ne distribuentque fort peu d' argent, les bénéfices étantutilisés aux remboursements d' emprunts,aux versements de quelque salaire et plusfréquernment encore a des rémuné-rationsala tache; certains d'entreeux recourentencore a une main-d' oeuvre bénévole, lapratique ayant été autrefois générale(Pillon, Ward, 1990: 54-55). De méme lesaccumulations monétaires éventuellementdégagées au fil des année ne sont-ellespas investies. La dimension la plus mar-quante du fonctionnement des groupe-ments reste toutefois que méme ceux do-tés des assises économiques les plus lar-ges ne rapportent que de faibles sornmes aleurs ayant -droit :de maniere générale eneffet, ils ne renvoient pas a des associa-tions de producteurs mais aux composan-tes paren tales dont celJes-ci sont l' émana-tion : le nombre de membres n' est en rienlié aux capacités éconorniques des éleva-ges ni rnérne a la quantité de travail néces-saire. Quel que soit le statut juridique dugroupement - et, dans le cas des GIE, lenombre de membres affiché -, ce sont desgroupes de parenté lignagere associés en-tre eux selon des modalités différentespouvant aller jusqu'a recouvrir l' ensem-ble d' une tribu qui sont les tenants des grou-pements (pillon, 1993). Ceci rend compte

•,

Page 69: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

de pratiques aussi di verses que l' impor-tance du bénévolat, que le traitement «so-cial» de l' acres aux rémunérations (effec-tifs sumuméraires, travaux réservés a telleou telle catégorie d' actifs) ou que des dis-tributions de profit indépendantes du tra-vail accompli jusqu' a étre affectées a desfins communautaires (et ainsi bénéficier ades individus n' ayant pas travaillé). Rele-vant de la catégorie que la théorie écono-rnique appréhenderait comme la relationentre travail etrémunération est la prati-que des plus répandues des don s d' ani-maux aux membres effectifs ou putatifsdu groupement ; ces bétes ne sont alorspas pour autant retirées du troupeau com-mun, des animaux d' appropriation indivi-duelle d' une autre origine pouvant mémes' y ajouter. TIen découle que les páturagessur lesquels reposent projections et rem-bourse-ments d' emprunt servent a nourrirdes retes d' appropriation individuel1e quisont menées avec le troupeau au titre desfrais généraux ; une surcharge en découlegénéralement. De tels exemples illustrentque deux logiques sociales sont a l' oeuvre,et que la rationalité sous-jacente aux éle-vages formalisés est ailleurs que dans lesvisées éconorniques ayant présidé au lan-cement du mouvement, a savoir dans lerapport parental a la terre et dans la cons-truction d'un espace territorialetd'un or-dre socio-politique fait de relations statu-taires et fonctionnelles entre les compo-santes parentales constitutives des grou-pements. En effet, la position qu' un lignageoccupe au regard de la terre sur laquellese déroule l' acti vité comme au regard del' ordre socio-politique du territoire localsont les deux dirnensions des forces et desfaiblesses statutaires de ce groupe de pa-renté vis a vis des autres. Avec l' élevage,le droit a la terre en est venu a commanderl' acces aux produits et aux productions dufait que des dissensions ancrées dans lesdisparités foncieres réduiraient l' activité anéant (pillon, 1993 :715-720) ;ceci, allié al' autonomiedes lignages ou des hiérarchieslignageres qui faitqu'un membred'une

paren té ne saurait étre dirigé par un res-sortissantd'uneautre parenté, rend comptedes situations de blocage qui confrontentnombre de groupements. TIest ainsi aiséde comprendre que tant la notion de «ca-pacité de charge» que le traitement desquestions d' intensification ou d' accroisse-ment de la capitalisation que les servicestechniques envisagenttót ou tard sont d' ap-plication délicate dans de tels contextessociaux. Assez fréquemment d' ailleurs, lesbases mémes sur lesquelles les groupe-ments se sont établis ont résulté de luttespolitiques ou parentales inscrites pour lesprernieres dans des projets sociaux alter-natifs qui ne sont pas neutres au regard despratiques éconorniques puisqu' ils visenttoujours - quoique sous des formes diffé-rentes -le maintien de formes de contrólede groupe de la terre, et tres fréquemmentde son utilisation (Pillon, L993). Ce sont detel1esdirnensions qui conditionnent pour-tant l' avenir du projet qu' el1es se donnentque des notions telles que «le développe-ment» ou que «la capacité de charge» opa-cifient.

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

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Page 70: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

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70 Etudes de cas et réflexions - Littoral terrestre et intérieur •

Page 71: Milieux Insulaires et Capacité de Charge

MILlEUX INSULAIRES El CAPAC!H DE CHARCE •••

UN MILIEU CONTINENTAL ENCLAVE:LA CUVETTE DU LAC DE R'KIZ

(MAURITANIE)

G Forgiarini, F Besse, l. Toure et G Mandret *

Résumé

La notion d' insularité s' applique en général aux iles océa-niques. Pourtant de nombreux milieux continentaux enclavésrelevent d'une problématique insulaire du fait de leur isole-ment. La cuvette du lac de R' Kiz en Mauritanie en est l' exem-pie mérne. De nombreuses analogies avec les iles océanien-nes sont relevées : espace restreint, fragilité du milieu, res-sources Iimitées, isolement... La présence du lac et des syste-

. mes de production qu'il induit font de cette cuvette un póled' attraction pour la production agricole et l' élevage. La capa-cité de charge tres élevée de ce milieu, par rapport a celle despáturages dunaires environnants, attire tous les troupeauxde la région au risque d'étre dépassée tres rapidement et dedéboucher sur une dégradation irréversible des ressourcesfourrageres naturelles. L' utilisation de modeles de gestiondes milieux insulaires serait nécessaire pour assurer un dé ve-loppement durable de ce type de milieu continental enclavé.La cartographie de la cuvette a permis de mettre en évidencela dynamique des flux sur cet espace particulier.

AbstraetA continentallandlocked surroundings:

the basin of lake R'Kiz in Mauritania

The notion of insularity generally applies to oceanic islands.However, many continental landlocked surroundings, as aresult oftheir isolation, come within the insular problematics.The basin ofthe lake R'Kiz in Mauritania is the very exempleof a continental insular surroundings. Numerous analogieswith the oceanic islands can be found (restricted area, fragilityof the surroundings, limited resources, isolation'«). The lakeand the production systems induced by it, lead this basin tobecome a centre of attraction for agricultural production andcattle breeding. The very high stocking rate of this area,compared to the stocking rate of the surrounding sand dunepastures, attracts all the cattle of the region, and the risk ofbeing very quickly overload might lead to irreversible damagesof the natural fodder resources. The use of insular manage-ment patterns would be necessary to insure a sustainabledevelopment of this type of continental landlockedsurroundings. The cartography of this basin has revealedthe dynamic of the flows in this particular area.

Motsclés: milieu enclavé, milieu continental, Mauritanie, R'Kiz,SIG, páturages, élevage, milieu insulaire, capacité de charge.

Key words: landlocked surroudings, continentalsurroundings, Mauritania, R' Kiz basin, GIS, pasture, cattlebreeding, insular surroundings, stocking rateo

* ORAD, départements EMVT, FORETet TERA,Campus international de Baillarguet, BP 5035, 34032 Montpellier Cedexl,France.

• 71

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, IIII

Présentation

La cuvette du lac de R'kiz estsituée dans la vallée fossilede l' Aftout ech Chergui (ancien

litdu fleuveSénégal)au milieu d'unesuc-cession de dunes et dépressionsinterdunaires a1ignées parallelementdansla méme orientation que les vents dorni-nants : nord est - sud ouest. Cette granderégion dunaire, couvre une superficied' en-viran 500 ()()()ha oü la cuvette du lac deR'kiz ne représente que 8 533 ha. Elle aune a1titudeinférieure au niveau de la mer,etest inondée par le Laouvaja, défluentdufleuve Sénégal.

Cette succession de dunes et dépres-sions interdunaires accueille 114 villagesreprésentant une popuJation totale de J03663 habitants (BesseF., etal., 1996).

Identification de lacapacité charge parI'outil SIG

L'OUTIL SIG

La cuvettedu Jac de R'Kiza fait l' objetd'unecartographie préciseetd'un inven-taire floristique exhaustif (Forgiarini et al,1994et 1995). Complé-tées par les limitesdes ouvrages hydrauliques et celles desparcelJes cultivées, ces données ont forméla base d' un systeme d' information géo-graphique(fouré, 1997). CeSIGconstitueun outil de gestion, de prévision etde suiviindispensable pour un milieu fragiJe oü secótoient quotidiennement des agriculteurset des éleveurs .Les enquétes de terrain,saisies dans une base de données, peuventétre réactualisées en cas de changementsdans l' occupation du sol ou dans les sysre-mes de production.

L'outiJ SIG permet de représenter l' étatdes ressources naturelJes et de l' environ-nementet leurévolution afinde mieux iden-tifier la capacité de charge du milieu. ]]estun instrument indispensable de dialogue etd'aidea la prisededécision colJectivedansla gestion de cette cuvette. L' acres al' in-formation spatialisée permet d' orienter ladécision des acteurs dans la réglernenta-tion des usages et la gestion du milieu SW"

cetespace.La carte numérisée sous SIG de l' occu-

pation du sol, représente onze unités car-tographiques identifiées par l'émdedeter-rain et leur limites par photo-interpréta-tion, et désignées par le nom de la plantequi domine dans le cortege floristique.D'une superficie de 5741 ha la cuvetteoriental e est subdivisée en quatre bassinsséparés par des digues, d' a1titudedégres-sive depuis le déversoir de controle deGouelid. Les cultures sont localisées es-

Csrte de la cuvette orientale du lac de R'Kiz

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1515 N ,ºj(E,:~:JJ"i"\tr 'e,~ 'J.; ,')(( 11'1 _i" 'ITJ)G- "'¡'~02~ " -». ;vl:='jí ~,'o)1 =:\II~'F~1,,0\ 1;::'

CFD, CIRAD-EMVT, SONADER

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r LÉGENDE

_ Cultures

r CypéracéesI Cypéracées el Sol nu_ Indigofera

L Indigofera el CypéracéesO Indigofera el Cullures

1_ Bourgou el Riz sauvageRiz sauvage el CypéracéesRiz sauvage (parfois avec Vossia)

r Bourgou el Sol nuD Balaniles el Sol nuI?'Z Urbain

Piste

Piege

,....-_....;1.5 Kilomét~es

1.5 Miles

1515

1515 D'apres la couvertune aénenne MAUO 15/400 P, IGN du 21·11·93

.- .- ~ ...72 Etudes de cas et réflexions - Littoral terrestre et intérieur

0' •

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sentiellement dans les parties hautes etpériphériques de la cuvette. Les cypéra-cées sont largement dominantes dans lapartie centrale.

Les cypéracées composées de trois es-peces ptincipales, préjudiciables pour laculture, non appétées par les animaux etde faible valeur fourragere, sont enva-hissantes. Le bourgou I et le riz sauvageparfois associés a d' autres especes sontlocalisés dans la zone d' inondation pro-longée sur sols argileux. Le sol nu estsitué dans le bassin le plus profond, maispas exclusivement, car on le trouve aussien mélange avec le bourgou au fond duchenal d' inondation. Les lndigcfera sontlocalisées dans la séquence écologiquede bordure du lac.

Capacité de char~edu milieu enclave

La cuvettedu lacdeR'Kizconstitue unpóle d' attraction important pour le milieuextérieur. La présence du lac et des syste-mes d' exploitation des ressources qu' elleinduit, entraine des flux centripetes du faitdu potentiel de développement de cettecuvette pour la région environnante.

Avant la construction des barrages deDiama et de Manantali sur le fleuve Séné-gal, le lacde R'Kizconstimaitdéjaun pointdepassageetderassemble-mentdestrou-peaux de bovins, de dromadaires, de che-vres et de moutons. Apres l' achevementdes travaux et la domestication des crues,l'importancedu plan d'eau du lac s'estconsidérable-ment accrue, tant pour lemaintien du bétail que pour la productionvivriere, Le systeme est done remarqua-ble parsa bipolarité, production fourragereet production agricole, dan s un envi-ronnement social caractérisé par le fait quela cuvette n' est habitée que pendant la pé-riode de labour et de récolte, les agricul-teurs retoumant ensuite dans leurs villagesrespectifs disséminés dans un rayon de 40a50km

Cette cuvette est occupée par des for-mations végétales hydrophiles pouvantavoir, selon leur cortege floristique, tem-porairement une valeur et une producti-vité fourragere exceUentes (de l' ordre de15 a 20 tonnes de matiere fourragere se-che par hectare, soit dix fois plus que laproduction a J'hectaredu milieu dunaire).Leur intérét vient surtout de leur entréeen production et en accessibilité en sai-son seche, apres épuisement des pátura-ges dunaires dont elles assurent le relais.La cuvette attire ainsi 76% du cheptelbovin de la région pendant six mois surune surface qui ne représente que 1,9%de la zone.

Analogies entremilieu continentalenclave et milieuinsulaire

ISOLEMENT

Dans un milieu dunaire caractérisé parl' absence d' eaux de surface, cette cuvetteconstitue un póle d' attraction tres fort (ileverte au milieu d' un environnement aride)ou de nombreux puits et puisards subvien-

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

nent aux besoins de cette population, a leurcheptel et aux nomades de passage. De cefait, la strate herbeuse de certaines zones,relativement importantes et éloignées despoints d' eaux, reste intacte et non exploi-tée.

La vallée du fleuve Sénégal, a traversses hydrosystemes les plus septentrionauxcomme le lac de R'kiz, est menacée pardes processus érosifs éoliens propres auxconditions désertiques (Dieng, 1997 ;Ro-gnon, 1997) et qui sont accentués par uneforte pression animale autour des puits dansun environnement pastoral composé depáturages naturels faits de steppes arbusti-ves épineuses.

FRAGILITÉ

La pérennité des ressources agro-pas-torales de cette cuvette est menacée, d' unepart par la surexploitation des surfacespáturables par les troupeaux qui conver-gent de toute la région et, d' autre part, parle niveau d' inondation contrólé al' amontdu fleuve Sénégal, dont les conséquencesécologiques sont importantes et sous esti-mées.

Le bourgou et le riz sauvage, parfoisassociés a d' autres especes, représentent15% de la superficie total e et sont locali-sés dans la zone d' inondation prolongée,sur sois argileux. IIs constituent lesmeilleurs páturages a partir de janvier-fé-vrier et foumissent du fourrage au bétailde la région, a la période de soudure, cequi représente une charge en bestiaux de90000UB'P pour un milieu qui ne peuten supporter que 10fois moins.

Les conséquences les plus spectaculai-res du surpáturage et de l' inondation pro-voquée sur ces páturages sont la modifi-cation de la flore herbacée, notammentJ'envahissement par les cypéracées, et ladisparition des arbres et arbustes qui ne

, Graminée «Echinocloe pyramidalis»2 Unité de Bétail Tropical

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I ,supportent pas l' inondation prolongée deleurs racines et la salinisation des terrespar remontées capiJlaires.

RESSOURCES LlMITÉES

L'envahissement de la zone inondablepar les cypéracées, tres difficiles a éradi-quer par les moyens traditionnels, est unhandicap majeur pour la progression descultures. Par ailleurs, 3 % de la superficietotale de la cuvette est en sol nu et impro-ductif (partie basse).

De ce fait, les cultures n' occupent que32% de la superficie totale, alors qu' onprévoyait au début de l' aménagementhydro-agricole de cette cuvette la rnise enculture de la presque totalité de la superfi-cie. Ces cultures sont localisées essentiel-lement cIans les parties hautes et périphé-riques de la cuvette.

Certaines especes végétales de transi-tion, comme les lndigoera; sont localiséesdans la séquence écologique de borduredu lacque l' on défriche pourcultiveretquireprésentent 13% de la superficie totale.Toutefois, cette espece participe active-ment au maintien de la fertilité et a la struc-turation du sol, et son éradication risque defragiliser encore plus le milieu.

Conclusion

La notion d' insularité est bien souventattachée a la représentation d'un milieuisolé dans un environnement océanique.Dans le cas de la cuvette du lac de R' Kizle rnilieu est enclavé dans un ensembledunaire etrépond aux mémes dynami-ques liées a I'isolement, a I'espace res-treint et tres fragile, aux ressources limi-tées et a la compétition pour l' espacequ'un rnilieu insulaire.Il y a des analo-gies dans la gestion des flux entre un mi-lieu continental enclavé et un milieu in-sulaire océanique.

Mt

Le róle de régulation et de sauvegardeque joue cette cuvette de R'Kiz, par rap-port a la pauvreté du rnilieu extérieur etaux risques de rupture dans la chaine ali-mentaire que ce dernier entraine, est al'imagedel'ileprovidencequesefaisaientles voyageurs aux siecles précédents.

TI n' est pas habituel d' aborder la gestiond'un espace enclavé en termes d' insula-rité. Pourtant iJest confronté aux mémesproblemes de capacité de charge et degestion de l' espace qu' une lle océanique.Les dynamiques sociales ne sont pas for-cément identiques mais elles ont bien despoints communs. La aussi l' informationspatialisée permet de mieux appréhenderla capacité de charge du milieu a l' échellerégionale, facilitant la participation desacteurs aux décisions stratégiques de ges-tion de l'espacedans lecadred'un équili-bre entre la génération de plus values etune meilleure rnaitrise des risques.

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74 Etudes de cas et réflexions . Littoral terrestre et intérieur •

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MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHUCE •••

ORGANISATION SOCIALE, GESTION DEL'ESPACE ET DES RESSOURCES

EN MILIEU INSULAIRE

Les faits de société, les modes de ges-tion des ressources et l' aménage-ment del' espace, en milieu insulaire, ont alimentéune littérature volumineuse, depuis desdécennies. Pourtant, en 1998, les milieuxinsulaires inférieurs a 100 (XX) km2, com-portant moins de un million d'habitants, onten général besoin d' aides financieres ex-térieures pour convenablement fonction-ner. La dépendance semble d' autant plusgrande que le niveau de vie a préserver estélevé. La notion d' «auto-suffisance» setrouve ainsi dévalorisée ou, du moins, sapertinence n' apparait plus opérante, saufpeut -étre dans les sociétés acceptant devivre dans une relative frugalité, en margede la grande consomrnation de masse in-duite par la diffusion planétaire des bienset des services, plus connue sous le nomde «mondialisation».

Des l' instant oü une société insulaireouvre son économie sur l' extérieur, le vo-lume et la valeur des importations ont ten-dance a s' accroitre rapidement, alorsrnérne que les exportations peuvent sta-gner ou s' effondrer, sous l' effet de la con-currence intemationale. Ceci survientaussien milieu continental, lorsqu' un pays baseson économie sur l' écoulement, sur lemarché mondial, de produits agricoles ouminiers, peu ou pas transformés, done afaible valeur ajoutée. Mais un pays conti-nental peut parfois obtenir pour un produitune place dominante al' écheUe planétaire.Ce n' est jamais le cas d'un petit pays insu-laire.

Trop souvent l' espace de mise en va-leurd'un pays insulairese limite a des plai-nes littorales étroites et a quelques pied-

Jean-Pierre Doumenge*

monts. N ulle production agricole de massene peut s' y développer pour l' exportationsans ]' aide financiere d'une métropole oud' une zone d' échanges pri vilégiés (typeu.EJA.c.P), car les coüts de la récolte sonttoujours supérieurs a ce qu' ils seraient enmilieu continental, compte tenu de surfa-ces mises en cultures infiniment plus vas-tes. Néanmoins, pour une ressource rare,al' échelle du monde, un espace insulairepeut tirer sa carte du jeu (cas actueUementd'Hawaii et des Canaries en rnatiere detourisme de masse, cas aussi de la Poly-nésie francaise, fournisseur excIusif duJapon pour la perle noire, ou de 1'ile Mau-rice pour la production, en franchise detaxe, de textiles de qualité pour le marchéeuropéen ;précédemrnent, cas de plusieurslles pour la production d' épices rares et devanille). Bien évidemment, encore faut -ilque l' es pace insulaire ne connaisse pastrop vite de saturation ou de dégradation,

faute de quoi la ressource privilégiée peutdevenir calarnité; en effet le caractere fin¡du territoire insulaireempéche toute recons-truction par les marges. Unecalarnité natu-reUe(éruption volcanique, tremblement deterre, séisme, tsunarni, cyclone voiregrandesécheresse) ou anthropique (épuisernentd' une ressource miniere, surexploitationpastorale, érosion par déficit d' aménage-mentagricole) majeureestunecatastropheirrémédiable pour une petite Ile,

Dans un contexte de grande fragilité,I'évaluationd'unecapacitédechargepre-nant en compte divers aspects de l' activitéhumaine et de la conservation de son envi-ronnement est done extrérnement utile.Selon le milieu culturel de référenceet l' im-portance d' un stock biologique particulier,la capacité de charge peut varier. Certai-nes contributions montrent c1airementqu' elle découle d' un processus spécifiquede socialisation d'un espace géographiqueparticulier pour une durée donnée : uneprédation lirnitée dans le temps peut nepas entrainer de détérioration du milieu ;parcontre les signes de surexploitation vontapparaí'tre si la prédation se maintient demaniere excessive dans le temps.

La capacité de charge a d' abord été uti-lisée pourévaluer I'étenduede páturagenécessaire a la bonne tenue d' un troupeausans entrainer de détérioration du stockvégétal. Au plan humain, le rapport al' es-pace est plus complexe; mais il est main-

* Dírecteur du Centre des Hautesftudes sur /'Afríque et /'Asíe Mo-demes, 13 rue du Four, 75006 Pa-rís, France.

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·~~~ • SEAU I SULAIRE , OPICAL El M~ RRA E N

tenant bien eonnu qu' en fonetion de cer-taines technologies, certains seuils de den-sité de population ne peuvent pas étre dé-passés, au risque de faire éclater l' édifieesocial préétabli. Si bien que le développe-ment humain, et pas seulement dans lesIles se fait le plus souvent a travers la réso-lution de erises.

Par ailleurs, un territoire humain a uneétendue et une strueture bien plus grandeou complexe qu'un páturage, Toutefoislorsqu' on observe, souvent empirique-ment, le rapport qui existe entre le nombred'habitants et le nombre de touristes sé-joumant sur un méme territoire insulaire,on peut eonstater que plus le séjourtowis-tique par individu est long moins les iliensne supportent un grand nombre de «gensde passage». Selon l' organisation de lasociété insulaire, selon la qualité de sesaménagements permanents, un plus oumoins grand «filtrage» des touristes auralieu. C' est ee qui explique que dans cer-tains eas le maintient d' un équilibre doivepasser par l' édietion d' une législationstricte, dans d' autres eas la régulation se

76 Conclusion générale

fait par persuasión ou pression exercée parla population locale sur celle de passage.

L' analogie de la gestion des touristesd' avec la gestion des ressources halieuti-ques est imagée et parfai tement valable aeeei pres q u' on demande al' aeti vi té depeche de maintenir un stock halieutiquestable alors que la qualité des touristes peutnuancer l' importance de la pression exer-cée par leur nombre.

Sou vent e' est par la eontrainte de l' ap-provisionnement que l' on situe aquel ni-veau doit se situer une société insulaire sielle veut bien se reprocluire. Mais la eneoreon butera sur des estimations, des approxi-mations, voire des a priori, Selon son idéo-logie, un insulaire pourra voir dans la ville,capitale «une enclave du monde extérieur-et un «lieu d' agression» ou au contraire «unpóle d' épanouisse-ment» et «le moteurdela moclemité». A partir de la, on entre dansun débat politique, en saisissant au passageune des caractéristiques majeures des mi-lieux insulaires, celle d' érre des conserva-toires de «la tradition», des lieux de conser-verisrrewulu.Lamergedemarreuvred'm

individuoud'ungroupeentreprenantyestdone toujours limité, ear toutes les partiesprenantes de la société tiennent a préserverl'équilibreétabli.

C' est ee qui explique qu' il faille beau-eoup de temps pour aeelimater une nou-velle technologie, un nouveau moclede pro-doction, une nouvelle pratiquecommerciale,leehangementdescomportementspouvantprovoquer un déséquilibre fatal. Done onfreine, par rétlexe de survie, toute modifi-carionimempestivedes ereglesconruesdujeu» social, économique ou politiqueo

Méme si les «spécifieités» d' une L1esontdiffieiIement transposables dans une autre,rendant ainsi hasardeuse une prévision desproblemes par observa-tion analogique, onpeut tout de méme préparer des procédu-res de protection de l' environnement Cer-taines lois physiques s' expriment indiffé-remment dans tous les milieux. Done onpeut entreprendre la protection des litto-raux et des pentes eontre l' érosion, eeluides basses plaines eontre les inondationset done infléehir durablement l' aména-gement de l' espaee et son coüt.

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On a souvent mésestimé le sens empiri-que de]' observation qu' ont la plupart lesiliens et qui explique leurs réflexes con-servateurs (car conserva-toires). Le main-tien de certaines acti vités agricoles jugéesactuellement peu compétitives peuventtoutefois se comprendre, méme fortementsub-ventionnées, si cela permet aux plusgrandsnombresd'avoiruneactivitérému-nérée et al' environnement de bénéficierd'un entretien. Toutefois, ce n' est plus ac-tuellement le maintien d' une productionagricole al' identique des décennies pré-cédentes qui est enjeu, mais sa réutilisationdans une éconornie centrée sur l' acti vitétouristique. De plus en plus, l'ile est un es-paceculturel de loisir: on vient s'y déten-dre, oublier les soucis de la vie urbainecontinentale, s' y ressourcer. On l' identifiea tort ou a raison cornrne un havre de paix,cornme un espace de «plus grande liberté,de «grande qualité de vie».

Une agricuJture florale ou d' épices rarespeutétre valorisée par le tourisme, de mémeque la peche des crustacés ou une aquacul-ture a haute technologie. Certains caracte-res pittoresques de certaines formes d' éle-

vage peuvent aussi servir de support a desactivités ludiques (randonnées, rcx!éos1j¡).

De plus en plus le tourisme devra pro-poser des services diversifiés. Le marchédes «Sand, Sun, Sex» est déjá phagocytépar quelques grandes places fonctionnantcornrne des enclaves extra tenitoriales ins-tallées dans la Caraíbe, le Pacifique et ex-ceptionneUement l'Océan indien. Le mar-ché du tourisme tres haut de gamme est luiaussi pris. Par contre, ]'élévation généraledu niveau de vie dans les pays déveJoppéset le vieillissement rapide de leur popula-tion va accroitre rapidement la demandede lieux confortables de séjour hivemaJ.Le phénomene d' extension de « riviera »va se propager dans le monde en dévelop-pement des iles tropicales et subtropicalescomme il existe déjá dans les grands paysdéveloppés : en basse Californie, en Flo-ride et aux Hawaii dans la sphere améri-caine, sur la Cate d' Azur, le littoral du golfede Genes, la Costa Brava, les Canaries,les Baléares.

Le phénomene de propagation d' une«riviera» n' est pas seulement un aspect del' économie touristique; e' est bien plus la

MILlEUX INSULAIRES El CAPACITÉ DE CHARGE

construction d' un espace de développe-ment intellectuel et industriel a haute va-leur ajoutée. Pour se référer au seul es-pace d' Outre- mer francais, certaines ilespourraient proposer, gráce a leurs infras-tructures urbaines, des centres de«télétravail» bancaire ou d' assurance etsurtout des lieux de confection de produitsélectroniques de cornrnunication, de pro-duits de haute couture ou de parfumerie,des produits pharmaceutiques (dérivés desimples botaniques endérniques ou d' élé-ments marins), sans oublier une boissonemblématique, le rhum (dans sa formeagricole, vieilli en füt de chéne comme uncognac).

Ce sont les prerniers qui prendront placesurces «segments éconorni-ques» qui « ré-cupéreront la rnise; cornrne dans un jeu ilya beaucoup de gain a gagner, mais pourpeu de joueurs. TI sera bon d' anticiper cesgains par des équipements adéquats, sansoublier les conséquences d'une pressionhumaine accrue sur l' environnement (enterme de salubritéen particulier). La pro-blématique insulaire est done loin d' étreépuisée.

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I E LAIRE , PI A T_1 AN

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SornrnetSolairedes Iles

ENERGIES DURABLESpour construire I'avenir insulaire

EFFICACITE + ENERGIES RENOUVELABLES

6-8 mai 1999TENERIFE - ILES CANARIES

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Instltute of TechnO!!~d~enewableEnerglesPolígono Industrial de Granadilla

38594 Tenerife - lIes Canaries - EspagneTel: +34 922 230 688Fax:+34 922 200951

E-mail: [email protected]

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