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Lacroix Léa Université Rennes 2 Licence Pro USETIC Sciences de l'Education Juin 2012 Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ? Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 1

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Mémoire de Licence Pro Usetic, juin 2012. Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ? Ce document peut contenir des erreurs et les points de vue exprimés n'engagent que moi.Ce document est publié sous licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage à l'Identique 2.0 France (CC BY-NC-SA 2.0) . Vous êtes libre de reproduire, modifier et distribuer l’œuvre, à condition de citer l’auteur, de ne pas en faire une utilisation commerciale et de rediffuser l’œuvre sous une licence identique à celle-ci.

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Page 1: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Lacroix Léa Université Rennes 2

Licence Pro USETIC Sciences de l'Education

Juin 2012

Comment impliquer

les habitants d'un territoire

dans le processus d'ouverture

des données publiques ?

Ce document est publié sous licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage à l'Identique 2.0 France (CC BY-NC-SA 2.0) . Vous êtes libre de reproduire, modifier et distribuer l’œuvre, à condition de citer l’auteur, de ne pas en faire une utilisation commerciale et de rediffuser l’œuvre sous une licence identique à celle-ci.

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 1

Page 2: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

IntroductionDans le cadre de la Licence pro Usages Socio-éducatifs des TIC, j'ai

souhaité effectuer mon stage en alternance à Rennes Métropole, au

service Innovation Numérique. J'ai ainsi pu travailler durant dix mois sur le

projet d'ouverture des données publiques, ou open data.

Ce mouvement propose aux collectivités de mettre à disposition des

citoyens des informations et des données qu'elles possèdent, afin que

leurs administrés puissent les consulter et les réutiliser librement.

Ces réutilisations peuvent prendre la forme d'applications, d'infographies,

d'analyses, etc. développées par des particuliers, associations ou

entreprises, dans le but de rendre lisible et de comprendre le

fonctionnement de l'administration, de prendre part aux décisions

collectives, ou de créer de nouveaux services sur un territoire.

Lors de ce stage, mes missions étaient plutôt centrées sur le

fonctionnement interne du projet (dialoguer avec les services voisins,

préparer et mettre en ligne des données). Malgré ma demande, ma tutrice

n'avait pas souhaité y inclure l'animation de la communauté de

réutilisateurs et le dialogue avec les habitants, estimant que cela n'était

pas le rôle de l'administration productrice de données.

De ce refus est né mon questionnement. Je me suis d'abord demandé d'où

devait venir cette animation, et quelle devait être la relation entre

l'administration et les habitants. J'ai tenté de comprendre pourquoi

certaines villes prenaient une part active à l'animation de l'open data,

organisant des ateliers et des formations, accompagnant les acteurs

locaux, alors que d'autres maintenaient une distance entre habitants et

fournisseur de données. J'ai souhaité axer ma problématique sur une

comparaison entre plusieurs villes, afin de mettre en lumière leurs

différences de politique en terme d'animation.

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Page 3: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Ma première méthode de travail a donc été l'observation des

fonctionnements dans plusieurs collectivités. J'étais sur place à Rennes :

j'ai pu observer les actions menées autour de l'open data et mener des

entretiens avec plusieurs développeurs d'applications afin de récolter leurs

ressentis.

J'ai également souhaité me déplacer dans deux autres villes dont

j'estimais que la vision de l'open data était différente. Je me suis ainsi

déplacée plusieurs fois à Nantes, collectivité très dynamique sur le sujet,

où j'ai pu rencontrer différents acteurs gravitant autour du numérique et

de l'open data en particulier. Je me suis également rendue à Montpellier,

un autre territoire que je souhaitais étudier car j'avais beaucoup entendu

parler de sa réputation de collectivité très investie auprès de ses habitants

dans le domaine de l'open data. J'ai pu mener plusieurs entretiens avec les

personnes en charge du projet, et les citoyens impliqués. A Nantes comme

à Montpellier, j'ai assisté à différents évènements afin d'observer

directement la réalité sur le terrain.

Au cours de mon travail, après avoir observé plusieurs situations et pris du

recul sur mes réflexions, je me suis rendue compte que j'avais adopté un

point de vue beaucoup trop binaire. J'étais convaincue qu'il y avait une

bonne et une mauvaise manière de faire, et avais laissé mes préjugés

diriger mon travail de recherche. Il me fallait donc reformuler ma

problématique en élargissant le sujet. Plutôt que de juger les initiatives

existantes, je me suis demandé de quelles manières un acteur, quel qu'il

soit, pouvait intéresser les habitants aux données ouvertes et les inciter à

se les approprier.

Et pour mieux comprendre les enjeux de l'animation de la communauté de

réutilisateurs, j'ai décidé de mettre en pratique des actions d'animation à

mon niveau. Ainsi, j'ai créé en janvier 2012 le collectif Open Data Rennes,

rassemblement d'habitants du territoire qui souhaitent s'investir dans

l'open data.

Avec d'autres citoyens intéressés, nous avons mis en place des ateliers

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Page 4: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

d'initiation et de réflexion autour des données ouvertes.

Cette expérience a constitué ma deuxième méthode de recherche. En

effet, je ressentais le besoin, non seulement d'observer, mais également

d'agir directement afin de pouvoir tester des pistes, expérimenter sur le

terrain, l'action me permettant de progresser dans ma réflexion. Tout ce

que j'ai pu observer et expérimenter a donc nourri l'analyse qui va suivre.

Enfin, je me suis également documentée sur le sujet, son contexte et les

thèmes qui lui sont liés. L'open data étant un sujet nouveau, la littérature

était assez peu fournie. J'ai cependant eu la chance de rencontrer

régulièrement Simon Chignard, l'auteur rennais du premier ouvrage

francophone sur l'open data, publié en mars 2012. D'autre part, les

articles scientifiques ou journalistiques sur le web sont nombreux, rédigés

par des acteurs comme la fondation Internet nouvelle génération (FING).

J'ai donc pu enrichir mes observations empiriques d'éléments théoriques.

Le développement qui va suivre s'interroge sur les moyens d'impliquer les

habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données de leur

collectivité. Je définirai tout d'abord les notions d'open data et de

réutilisation des données, et j'expliquerai pourquoi ces processus doivent

nécessairement être accompagnés par les citoyens. Je tenterai ensuite de

définir une typologie de ces habitants qui s'emparent des informations

publiques. Enfin, je ferai un état des lieux des moyens d'impliquer les

publics dans l'open data, et proposerai des pistes vers des possibilités

d'animation.

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Page 5: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Sommaire

Introduction p.2

Sommaire p.5

L'ouverture des données publiques p.6

Des informations mises à disposition p.7

La réappropriation de ces données p.9

La co-production de données p.10

La participation des habitants p.12

Qui sont les réutilisateurs ? p.15

Leurs motivations p.16

Leurs compétences p.18

Animer le mouvement open data p.20

La création de services p.21

Le brassage d'idées p.22

Sensibiliser et former p.23

Conclusion p.25

Documentation p.26

Remerciements p.28

Résumé p.29

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Page 6: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

L'ouverture des données publiquesL'ouverture des données publiques, ou open data, est un mouvement

visant à rendre les informations détenues et produites par les institutions

publiques disponibles, accessibles et réutilisables librement par tous.

Ce mouvement, popularisé aux États-Unis en 2009 avec le gouvernement

Obama, fait partie d'une politique plus large : la transparence du

fonctionnement des administrations et des décisions publiques, la

participation, c'est à dire la possibilité pour les citoyens de donner leur

avis et contribuer à la construction des décisions politiques, et la

collaboration entre les différentes collectivités publiques, le tout via les

outils numériques1.

Repris rapidement dans les pays anglo-saxons, ce mouvement trouve un

écho en France avec la loi du 17 juillet 1978, appelée loi CADA, qui impose

aux institutions publiques de mettre à disposition des citoyens les

informations produites dans le cadre d'une mission de service public.

Concrètement, l'open data propose aux institutions publiques, de l'État

jusqu'aux mairies en passant par les universités, de mettre à disposition

de tous, sur une plateforme accessible via internet, des informations

brutes concernant le fonctionnement de cette institution.

1 OBAMA Barack. Memorandum « Transparency and Open Government » in CHIGNARD Simon. Open data – Comprendre l'ouverture des données publiques. FYP, mars 2012. p. 20-21

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Des informations mises à disposition

Que sont exactement les données publiques ? Ce sont des données

produites dans le cadre d'une mission de service public, ou qui donnent

des informations sur le fonctionnement de l'institution. Cela peut-être : les

horaires du service de transport en communs d'une ville, le budget de

l'État, le salaire des hauts fonctionnaires, les informations recensées par

l'INSEE, des chiffres sur l'état de l'environnement, air, eau, pollution, ou

encore les prénoms des enfants nés dans une ville.

Ces informations, regroupées sous formes de jeux de données, sont

soumises à plusieurs critères. Sans avoir de caractère légal, il s'agit de

recommandations élaborées par les usages ou la philosophie des

différentes communautés numériques2. Plusieurs organismes ont tenté de

définir ces critères.

La Sunlight Foundation, organisation à but non lucratif américaine, a

édicté en 2010 dix principes concernant l'ouverture des données

publiques.3 Le projet Opquast, porté par la société bordelaise Temesis,

recense quant à lui 72 bonnes pratiques concernant les données et les

plateformes sur lesquelles elles sont proposées. Ces critères ont été

élaborés collectivement par la communauté intéressée par l'open data.4

Pour résumer ces travaux, il y a trois grands principes à retenir concernant

les données publiées en open data.

Elles doivent être de préférence brutes, c'est à dire telles que collectées à

la source : non modifiées, non calculées (par exemple, donner un

pourcentage au lieu du chiffre exact) et non interprétées.

2 Le mouvement dit « libre », regroupant des communautés (les « libristes ») produisant des contenus ou des servicess de manière collaborative, ouverts et réutilisables, ont amené à préférer des formats de données ouverts et entièrement interopérables.

3 Sunlight Foundation. Ten principles for opening up government information. Août 2010. http://sunlightfoundation.com/policy/documents/ten-open-data-principles/

4 Opquast. Liste des bonnes pratiques Open Data. 2010. http://checklists.opquast.com/fr/opendata

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Page 8: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Elles doivent être accessibles à tous, sans restriction (ne pas réserver ces

informations à un public précis), et dans des formats accessibles (on

préférera des formats standards aux fichiers spécifiques à un seul logiciel).

Elles doivent être documentées et explicitées si besoin. Le plus souvent,

les données open data sont accessibles gratuitement.

Elles doivent être réutilisables : l'utilisateur doit pouvoir récupérer ces

données, tant concrètement (un document numérique sera préféré au

document papier) que légalement (une licence, la plus libérale possible,

indique les conditions de réutilisation).

En France, la loi CADA indique que les données dites « sensibles » ainsi

que toutes les données personnelles, c'est à dire mentionnant directement

des informations sur des personnes, n'entrent pas dans le champ de l'open

data.

Rennes Métropole a été la première collectivité française à se lancer dans

l'open data, en novembre 2010. Depuis, de nombreuses villes (Nantes,

Toulouse, Montpellier, Paris...), départements (la Saône-et-Loire, la Loire-

Atlantique) et régions (la Gironde, les Pays de la Loire) ont suivi le

mouvement, ainsi que l'État avec Etalab, une mission pilotée par le

Premier Ministre.

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Page 9: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

La réappropriation de ces données

Les données brutes mises en ligne ne sont pas toujours compréhensibles

directement par les citoyens non avertis. Il est donc important que des

intermédiaires, appelés réutilisateurs, par exemple des développeurs ou

des journalistes, s'emparent de ces informations et les mettent en forme

afin qu'elles soient compréhensibles par tous.

Dans son ouvrage Open Data, Simon Chignard recense quatre types

d'utilisations des données.5

La consultation : on affiche directement la source des données, comme

un tableau ou un classement.

La médiation ou visualisation permet au lecteur final d'accéder au sens

des données via une interface qu'il peut comprendre et manipuler, comme

des graphiques ou des cartes. La médiation se fait aussi par l'analyse et

l'explication de ces données. Le datajournalisme est un exercice qui mèle

journalisme et analyse de ces informations. Exemple : la visualisation du

budget de l'État par Jean Abbiatecci.6 Le média OWNI7 est devenu la

référence incontournable du datajournalisme en France.

Le développement d'applications propose un service, sur une

plateforme web ou mobile, à partir des données ouvertes. Il s'agit souvent

de données dynamiques, avec un aspect local et pratique, comme les

horaires de transport en commun. Exemple : Handimap, application de

transports doux et accessibilité aux personnes à mobilité réduite.8

Enfin, la réutilisation spécialisée concerne des acteurs qui ont un

besoin spécifique en matière d'informations, et qui proposeront des

services très pointus visant un public précis.

5 CHIGNARD Simon. Op. cit. p. 64-726 ABBIATECCI Jean. [DATA] Budget 2012 : 366 milliards, mais pour financer quoi ?. Octobre 2012.

http://voila-le-travail.data-projet.com/budget2012/7 OWNI, News, Augmented http://owni.fr8 Handimap. www.handimap.org

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Page 10: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

La co-production de données

Si les collectivités publiques sont de très gros possesseurs de données, et

donc de potentiels fournisseurs, ils ne sont pas l'unique source

d'informations. Je n'aborderai pas ici la problématique des données

privées, produites et possédées par les entreprises, qui mériterait une

analyse à part entière, mais celle du crowd sourcing, la « production par la

foule », soit la production de donnée par les habitants d'un territoire.

Au sens économique, la définition du crowdsourcing est la captation de la

créativité et l'intelligence d'un grand nombre de personnes, externes à

l'entité qui a besoin de cette intelligence. Dans de nombreux domaines, il

s'agit de proposer aux publics de donner des avis, des idées sur un sujet

donné. On retrouve la notion de crowdsourcing dans la philosophie libriste,

où les bénévoles contribuent au développement d'un logiciel ou la

rédaction de l'encyclopédie collaborative Wikipédia.

Dans l'univers des données, on parlera de co-production. Dans son article

L'enjeu de la coproduction9, Hubert Guillaud, rédacteur en chef

d'InternetActu et responsable de veille à la FING, explique comment

proposer aux habitants de produire eux-même des données peut

contribuer à dynamiser le mouvement et impliquer les citoyens dans la

démarche. Le principe se rapproche de celui de démocratie participative.

De nombreuses initiatives témoignent de l'intérêt du crowdsourcing pour

impliquer les habitants dans la création d'information, ou la participation

aux décisions publiques.

Le crowdsourcing commence dès l'évaluation des jeux de données sur les

plateformes fournies par les collectivités : idéalement, l'utilisateur devrait

pouvoir évaluer l'information, indiquer une erreur présente dans les

donnnées, voire proposer une correction.

Les habitants auraient la possibilité d'améliorer et de co-produire des

données avec l'administration publique, ou de créer de nouvelles données 9 GUILLAUD Hubert. Open data ; l'enjeu de la coproduction. Article publié sur InternetActu en juin 2012.

http://www.internetactu.net/2012/06/06/open-data-34-lenjeu-de-la-coproduction

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qui n'existent pas encore.10

La base de données géographiques libre Open Street Map (OSM) propose à

chacun de participer à la création de cette carte collaborative. En traçant

des zones géographiques ou en ajoutant des points d'intérêt sur la cartes,

les habitants peuvent ainsi enrichir la carte. La communauté OSM organise

partout dans le monde des « cartoparties » : ces évènements sur le terrain

rassemblent les cartographes amateurs, parfois autour d'une thématique

précise.

À Montpellier, la ville organise, en collaboration avec les associations

présentes sur le territoire, comme Montpell'Libre et Mandarine, des

cartoparties dans le but de collecter et d'améliorer les données concernant

la commune. J'ai notamment pu participer à une cartopartie sur le thème

de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Répartis en équipe,

des habitants d'horizons très divers ont parcouru les rues de la ville afin de

recenser les commerces accessibles ou non aux PMR. Les personnes

présentes étaient issus de communautés différentes : des habitués de

l'open data aux amateurs de cartographie, jusqu'aux passionnés de

randonnée, peu sensibilisés à l'ouverture des données mais rassemblés

dans un objectif commun, améliorer l'information sur l'accessibilité de la

ville.

Le citoyen peut être amené à partager des données sur une multitude de

thèmes. L'application brittanique FixMyStreet permet ainsi de répertorier

des problèmes concernant l'amménagement urbain. D'autres applications

permettent de recenser les arbres d'une ville, les retards d'un mode de

transport en commun, les radars sur les routes, le prix de l'eau11,

l'affluence dans un établissement public...

10 CHIGNARD SImon. Op. Cit. p.16311 KAYSER-BRIL Nicolas. Prix de l'eau : publions nos données. Article publié sur OWNI en mars 2011.

http://owni.fr/2011/03/22/prix-de-l-eau-crowdsourcing/

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La participation des habitants

Le choix de mettre à disposition des données publiques doit

nécessairement être une décision politique émanant de la collectivité :

même si la consultation est possible pour chacun, seul le détenteur peut

publier en masse. Néanmoins, il est important que les habitants soient

directement impliqués dans le processus.

Pour l'habitant d'un territoire, la publication des données publiques lui

permet de s'informer directement quant au fonctionnement de la

collectivité et aux décisions prises.

L'avis du Conseil National du Numérique sur l'ouverture des données

publiques, publié en juin 2012, indique : « Une meilleure compréhension

du fonctionnement du service public peut permettre à ces derniers

d’ajuster et formuler plus finement leurs attentes, et surtout d’y

participer. »12

Via cette transparence de l'information publique, le citoyen est plus

impliqué dans la vie de sa collectivité, et celle-ci se met dans une position

de « rendre compte » : elle doit montrer et expliquer ses décisions à ses

habitants dont les choix politiques par le vote et les impôts font

fonctionner cette entité. Le terme anglophone « accountability » exprime

cette responsabilité. Dominique Cardon, sociologue spécialisé dans les

usages des nouvelles technologies, le définit comme l'idée que, pour

justifier leurs actions, les acteurs publics doivent les rendre vérifiables,

attestées et justifiables auprès des citoyens.13

12 Avis n° 12 du Conseil national du numérique relatif à l’ouverture des données publiques (« Open data ») Juin 2012. Document PDF téléchargeable sur http://www.cnnumerique.fr/ouverture-des-donnees-publiques-lavis-du-cnnum

13 Ivan Jablonka & Pauline Peretz, «Open Data comme une clé pour l'autonomisation des citoyens. Un entretien avec Dominique Cardon », Livres & Idées, janvier 2012. http://www.laviedesidees.fr/Open-data-le-chemin-vers-une-vraie.html

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Le travail de Regards Citoyens illustre bien cette volonté de rendre visible

le fonctionnement des acteurs publics. Sur sa plateforme Nos Députés14,

l'association et tous les participants à ce travail collaboratif proposent de

rendre compte des activités des députés à l'Assemblée Nationale. Ainsi,

chacun peut consulter les propositions et délibérations de son député.

La mise à disposition des informations publiques permet non seulement au

citoyen de s'approprier les décisions de sa collectivité, mais l'amène

également à se questionner sur ces décisions, étant donné qu'il dispose

d'informations précises pour se forger une opinion. On assiste ainsi à un

accroissement de l'intérêt des habitants pour le fonctionnement des

entités qui le gouvernent, et de l'autonomie de ces habitants, qui ne se

contentent plus de vivre sous la tutelle de ces entités.

Rappaport, chercheur américain et co-fondateur de la discipline de la

psychologie communautaire, définit la notion d'empowerment par quatre

composantes : la participation, la compétence, l'estime de soi et la

conscience critique (conscience individuelle, collective, sociale et

politique).15 Dans le processus d'ouverture et de réutilisation des données

publiques, on retrouve ces quatre composantes. Via la réutilisation ou la

co-production de données, le citoyen peut participer à la vie de sa

collectivité ou son gouvernement. Il développe ainsi des compétences

propres à cette activité et acquiert une conscience aiguisée des

événements, d'où peut découler l'amélioration de l'estime de soi.

14 Nos Députés, observatoire citoyen de l'activité parlementaire http://www.nosdeputes.fr/15 RAPPAPORT Julian. Terms of empowerment/exemplars of prevention: toward a theory for community

psychology. Américan Journal of Community Psychologie. 1987. in : Définition de l'empowerment http://www.psychologue.levillage.org/sme1020/4a.html

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Page 14: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

L'ouverture des données publiques se positionne également en tant que

levier de l'animation d'un territoire. En effet, de la production et la

réutilisation de données découle l'apparition de nouveaux services,

proposés par des entreprises, des associations locales ou les habitants

eux-mêmes. Et même si le modèle économique de l'open data n'a pas

encore été clairement défini16, cette innovation engendre des réflexions et

des mouvements au sein du tissu économique local.

Enfin, le travail de réutilisation et de co-production de données engendre

du lien social sur le territoire : durant les ateliers de formations et de

travail autour des données, des personnes aux cultures et aux

compétences différentes sont amenées à se rencontrer et échanger.

16 GUIMARD Emmanuel. « Open data » : les collectivités sont en quête d'un modèle économique. Les Echos, juin 2012 http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202087398612-open-data-les-collectivites-sont-en-quete-d-un-modele-economique-329131.php

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 14

Page 15: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Qui sont les réutilisateurs ?Simon Chignard explique qu'il y a trois grands profils distiguant les acteurs

de l'ouverture des données : les détenteurs de données, les utilisateurs

finaux, et entre les deux, lien nécessaire à la mise en forme et la

vulgarisation de l'information brute, les réutilisateurs de données.17

Le premier concours d'applications en France a été lancé fin 2010 par

Rennes Métropole, peu après l'ouverture de leur plateforme open data. Il

proposait à des développeurs de réaliser des applications, sur téléphone

mobile ou site internet, réutilisant ces données pour rendre un service aux

habitants de l'agglomération. Au final, les services développés sont

principalement des applications mobiles proposant les horaires de bus et

métro, ainsi que des itinéraires, mais également d'autres thématiques,

comme l'accessibilité aux personnes à mobilité réduites, la recherche

d'infrastructures publiques ou d'évènements dans la ville.

Il est intéressant de constater que sur une quarantaine d'applications, un

tiers seulement ont été proposées par des entreprises : une majorité de

créateurs sont donc des participants individuels.18

Nous allons nous intéresser plus particulièrement à ces derniers.

17 CHIGNARD Simon. Op. Cit. p.90-9518 CHIGNARD Simon. Op. Cit. p.95

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 15

Page 16: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Leurs motivations

Lors de mes recherches, j'ai organisé des entretiens avec sept

participants ou équipes participantes au concours d'applications de

Rennes, et j'ai listé les motivations qui avaient conduit ces personnes

(essentiellement des développeurs possédant déjà des compétences

professionnelles en programmation) à créer une application dans le cadre

de ce concours.

Ces motivations étaient à la fois intrinsèques (conduites par l’intérêt et le

plaisir que l’individu trouve à l’action) et extrinsèques (provoquées par une

circonstance extérieure, contrainte ou récompense).19

Tout d'abord, l'attrait de la compétition, le court délai fixé couplé à la

nécessité de devoir rendre une appli opérationnelle a été un élément

déclencheur de la motivation de tous les participants.

En deuxième position se place le souhait d'offrir un service aux habitants,

pour répondre à un besoin encore non assouvi (71%).

Le défi technique et l'envie d'innover faisaient également partie des

motivations des développeurs (à 57%), d'autant que certains ont profité

du concours pour s'autoformer sur des technologies qu'ils ne

connaissaient pas encore, notamment le développement sur plateformes

mobiles.

Enfin, les centres d'intérêts personnels des participants (mobilité,

transports doux, développement durable) et l'accomplissement personnel

ont pris une part importante dans les motivations intrinsèques.

19 Richard M. Ryan and Edward L. Deci. Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being. revue American Psychologist. janvier 2000

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L'envie de réaliser quelque chose, permettant de se valoriser

professionnellement et d'être reconnu par ses pairs, ainsi que l'adhésion à

la philosophie libriste, basée sur l'ouverture et le partage, ont été évoqués

par 43 % des participants interrogés comme motivations pour créer une

application à partir de l'open data. La fierté d'avoir créé un service

profitant au public a également été évoqué.

La motivation économique, c'est à dire l'ambition de gagner de l'argent,

voire de créer une activité, à partir du service créé, n'a été que peu citée

dans les motivations des participants individuels (14% des personnes

interrogées).

L'enquête réalisée en 2011 par Socrata auprès de développeurs

d'applications open data américains confirme cette tendance : à la

question de la motivation, les deux premières réponses sont le souhait

d'impacter la vie quotidienne des utilisateurs (43%) et les notions de

plaisir et de compétition (20%).20

En ce qui concerne les entreprises et start-up, les motivations sont bien

entendu différentes : la production d'un service apporte la naissance d'un

marché et la création de richesse.

Ainsi, les principales motivations des réutilisateurs de données individuels

semblent être le fait de rendre un service utile à la communauté et

l'épanouissement personnel qu'ils ont à créer ce service.

20 Socrata. 2010 Open goverment data benchmark study. Mis à jour en janvier 2011. Document au format PDF accessible sur http://goo.gl/D1aPj

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Leurs compétences

Si l'open data et la réutilisation des données ont été dans un premier

temps des centres d'intérêt réservés aux « geeks », personnes déjà

initiées aux univers numériques, la culture des données se démocratise

progressivement.

Actuellement, trois grandes catégories professionnelles ont coutume d'être

répertoriées pour classer les réutilisateurs de données : les développeurs,

les designers et les journalistes. En réalité, il s'agit plutôt de classes de

compétences, qui ne sont pas cloisonnées : une même personne peut

posséder à la fois les compétences de l'une ou l'autre catégorie.

Le développeur possède les compétences techniques lui permettant

d'extraire et de traiter automatiquement les données, puis de les

réinjecter dans un programme, une application ou une page web.

Le designer s'occupe de la mise en forme, mais également de la clarté et

la lisibilité des données. Il réalise l'interface et pense les usages de

l'application en terme d'accessibilité et de compréhension de l'information.

Le journaliste, ou analyste, est chargé d'expliciter les données.

S'appuyant sur le contexte autant que sur les chiffres, il apporte un

complément d'information, une analyse et une ouverture.

Cependant, une multitude d'autres acteurs viennent compléter ce

microcosme de réutilisateurs, et il me semble important de mettre en

valeur un quatrième rôle significatif pour mettre en valeur les données

publiques : il s'agit du médiateur, qui peut être à la fois animateur et

formateur.

Ce médiateur serait à la fois chargé d'expliquer la démarche open data, de

faire le lien entre les réutilisateurs et le public, et de former à la « culture

des données ».

Il serait capable d'animer des ateliers autour de la réutilisation des

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 18

Page 19: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

données, d'intervenir auprès de divers publics afin d'impliquer les

habitants dans ces sessions d'appropriation des données, avec les

réutilisateurs possédant les compétences citées ci-dessus. Il peut

également amener ces réutilisateurs à s'investir sur la thématique de

l'open data.

A l'image de la School of Data, projet de formation aux données lancé en

2012 par l'Open Knowledge Foundation (OKF), le médiateur proposerait

des modules de formation adaptés aux niveaux des publics dans le but

d'acquérir les capacités de « trouver, extraire, nettoyer, manipuler,

analyser et représenter les différents types de des données »21.

Depuis l'apparition de l'open data en France, les associations et collectifs

citoyens se sont emparés de ce rôle d'animation et de médiation. De plus,

il peuvent sensibiliser les acteurs politiques et les potentiels détenteurs de

données. On citera par exemple l'association LiberTIC à Nantes, le collectif

Regards Citoyens, ou encore la FING.

Cependant, d'autres groupes de personnes, tels les rassemblements

d'utilisateurs de logiciels libres ou encore les associations militant pour la

démocratie participative, peuvent prendre part à la vulgarisation de

l'ouverture des données auprès du public.

21 Open Knowledge Foundation. Kick-starting the School of Data. Mai 2012. http://blog.okfn.org/2012/05/21/kick-starting-the-school-of-data/

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 19

Page 20: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Animer le mouvement open dataPour que l'ouverture des données porte ses fruits et que les habitants

s'emparent des informations publiques, il ne suffit pas que les producteurs

de données mettent en ligne celles-ci. Il est nécessaire d'amorcer une

dynamique afin d'impliquer les futurs réutilisateurs.

Hubert Guillaud définit l'animation comme « faire se croiser les acteurs ».22

Il est en effet primordial que les détenteurs de données, les réutilisateurs

et les publics finaux échangent entre eux et évoquent leurs idées, leurs

besoins, afin d'engendrer des réutilisations variées et adaptées au citoyen.

Simon Chignard évoque quatre objectifs de l'animation : favoriser la

découverte des données par les publics, stimuler la créativité, amorçer

une dynamique, et enfin s'assurer que le projet est viable, correctement

engagé et qu'il répondra aux attentes des réutilisateurs.23 Cette démarche

est également nécessaire pour s'assurer que les données ne seront pas

utilisées que par quelques uns : il faut tenter d'évoluer vers l'appropriation

par tous.

Lors de ce bref état des lieux des initiatives d'animation de l'open data,

nous nous centrerons sur les exemples collectivités françaises. Différentes

pistes de réflexions seront proposées pour impliquer les utilisateurs dans

cette démarche.

22 GUILLAUD Hubert. Open data : animer, animer et encore animer. Article publié sur InternetActu en mai 2012. http://www.internetactu.net/2012/05/31/open-data-24-animer-animer-et-encore-animer/

23 CHIGNARD Simon. Op. Cit. p.131

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 20

Page 21: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

La création de services

Le concours, porté par le détenteur de données, et proposant une

récompense, généralement financière, est basé sur un principe de

compétition avec un laps de temps assez court (quelques mois) durant

lequel les porteurs d'idées doivent préparer une application

opérationnelle.

Le premier concours en France a été lancé par Rennes Métropole en 2010,

suivi par la Gironde, la Saône-et-Loire, puis Etalab en 2012.

Deux reproches sont formulés à l'encontre du concours24 : la possible

redondance des services présentés, et le manque de pérennité de ces

services : les créateurs étant souvent des particuliers, on assiste au bout

de quelques mois à la disparition de certains services, faute de motivation,

de temps ou de moyens. Des pistes d'amélioration peuvent être trouvés

pour pallier à ce problème : par exemple, améliorer le suivi des projets

proposés, via une labellisation de l'application, ou une rémunération des

créateurs.

Proche du concours, l'appel à projets est également porté par les

collectivités. Il se déroule généralement sur un temps plus long, et permet

une approche des services plus pointue, plus qualitative, et permet de

toucher des publics plus éloignés de l'aspect technique, comme les

associations ou les étudiants. De nombreuses collectivités, comme Nantes

ou Montpellier, ont un ou plusieurs appels à projets en cours.

Le hackathon, aussi appelé barcamp, présente une autre forme de

stimulation des réutilisateurs. Généralement rassemblés en un même lieu,

répartis en équipes, les participants disposent d'un temps très court (une

journée, un week-end) pour se pencher sur une idée et s'approcher le plus

possible de sa réalisation. La dynamique créée par l'effet de groupe est

très forte, mais le risque est que les applications commencées ne soient

pas finalisées et pérénisées par la suite, une fois l'effervescence de

l'évènement retombée.

24 CHIGNARD Simon. Op. Cit. p.136-139

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 21

Page 22: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Le brassage d'idées

Si elles permettent de créer des applications concrètes, ces formes de

challenge présentent le défaut de s'adresser à une population déjà

sensibilisée à la compréhension et la réutilisation des données. En

revanche, la réflexion sur les besoins des habitants et le « brainstorming »

d'idées est accessible à tous.

Tous les publics, habitants, associations, entreprises mais aussi les

détenteurs de données eux-mêmes, peuvent ainsi participer à

l'élaboration de solutions à des besoins grâce aux données publiques.

Dans cet optique, un atelier ouvert est la solution la plus pratique pour

rassembler ces différents acteurs et les inciter à proposer des idées.

Différentes initiatives ont d'ores et déjà lieu sur les territoires français,

comme les ateliers organisés par LiberTIC à Nantes, ou par le collectif

Open Data Rennes.

Mais la démarche de concours peut également être utilisée pour générer

des idées : la SNCF par exemple, qui a initié en 2011 son processus

d'ouverture de données, a proposé le concours Open App Transilien qui

valorisait les meilleures idées d'applications proposées. Les deux idées

récompensées proposaient de valoriser la marche à pied en comptant les

calories dépensées entre deux stations, et de visualiser l'affluence dans

les trains à horaire fixe.

Ces échanges autour des idées permettent d'impliquer directement les

habitants et de les intéresser à la réutilisation des données publiques, car

elle concerne directement leur quotidien et leurs besoins.

Cependant, on peut rapidement se retrouver face à une dissonnance entre

les souhaits des habitants et les possibilités des données publiques. En

effet, les idées proposées font souvent entrer en jeux des informations qui

ne sont pas possédées par les services publics, qui sont privées ou

confidentielles, voire même qui n'existent pas encore !

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 22

Page 23: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Sensibiliser et former

Afin d'impliquer les habitants dans le processus d'ouverture des données

publiques, il est nécessaire de commencer par les sensibiliser à la

compréhension de la « culture des données ».

Cette démarche de vulgarisation concerne tous les publics, à commencer

par ceux qui sont peu familiers de l'univers du numérique. On peut

également imaginer y intégrer les enfants, dès le collège, dans le cadre de

leurs enseignements.

Cette campagne de formation partirait de la base : définition d'une

donnée, différence entre une donnée, une information, une statistique.

Les différents types de mise en forme de ces données pourrait également

constituer un module de formation.

Mais il est également important de former les publics à l'analyse critique

de la donnée. Simon Chignard nous propose plusieurs pistes de

réflexion25 : comment a été produite la donnée ? À qui et à quoi sert cette

donnée à l’origine ? Pourquoi a-t-elle été ouverte et dans quel but ? Que

nous apprend-t-elle, mais également que nous apprend-t-elle pas ?

Concrètement, Simon propose par exemple à Rennes des sessions de

« chasse aux données », accessibles à tous, qui proposent aux participants

d'explorer leur univers proche afin de détecter les données qui nous

entourent, et de réfléchir à la façon de les collecter et de les utiliser.26

25 CHIGNARD Simon. Animer l'open data ? Article publié en avril 2012. http://donneesouvertes.info/2012/04/06/animer-lopen-data/

26 CHIGNARD Simon. [Atelier] Comment parler des données ouvertes à des non-développeurs ? Article publié en mars 2012. http://donneesouvertes.info/2012/03/27/atelier-comment-parler-des-donnees-ouvertes/

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Page 24: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

A Nantes, l'association Médiagraph propose d’initier et de former aux

nouvelles technologies tous les publics qui en sont éloignés voire exclus.

Elle a inclus l'open data dans son programme d'éducation au numérique et

propose des ateliers ouverts à tous sur les données ouvertes et leur

réutilisation.27

D'autres formes d'animation sont bien sûr envisageables, et

complémentaires à celles détaillées ci-dessus.

On pensera notamment à la réflexion sur les infolabs, menée par la FING,

qui imagine des lieux dédiés à la manipulation des données, comme le

sont actuellement les matériaux numériques dans les fablabs.28

Enfin, l'animation en ligne reste primordiale en marge des évènements

réalisés sur le terrain : sur la plateforme hébergeant les données, celles-ci

doivent être décrites, mises en valeur, et le site devrait toujours proposer

un moyen pour les utilisateurs d'évaluer et de commenter les données, et

de proposer de nouvelles informations à libérer.

27 Association Médiagraph http://www.assomediagraph.fr28 GUILLAUD Hubert. Avons-nous besoin d'infolabs ? Article publié sur InternetActu en mai 2012.

http://www.internetactu.net/2012/05/15/avons-nous-besoin-dinfo-labs/

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ConclusionComme nous venons de le voir, l'open data est un mouvement très jeune

qui amorce à peine son adolescence : il se construit au fur et à mesure par

les acteurs qui s'en emparent, et personne ne peut prédire son avenir ou

les chemins qu'il pourra suivre.

Ce mouvement est en effet lié à son public. En plus des concours et des

hackathons, il est nécessaire d'aller vers ce public de réutilisateurs, en les

sensibilisant, en les formant et en faisant découvrir les intermédiaires

possibles ou leur montrant directement des outils permettant de

s'approprier les données.

Sans cette implication des habitants, les données publiques risquent ainsi

de se retrouver oubliées, non rentabilisées, faute de réutilisations. C'est

l'un des trois scénarios que Daniel Kaplan, délégué général de la FING,

propose dans son article « L'ouverture des données publiques, et

après ? »29 : si le mouvement reste une affaire d'initiés, que les données

ne sont réutilisées que par un petit nombre d'acteurs, alors les buts de

l'open data, la transparence politique, la participation des citoyens à la

démocratie et l'animation des territoires ne seront jamais atteints.

Il est donc indispensable de ne pas négliger l'implication et l'animation de

la communauté, et construire sur le long terme une démarche de

sensibilisation et de formation des habitants aux enjeux de l'open data.

29 KAPLAN Daniel. L'ouverture des données publiques, et après ? Article publié sur InternetActu en novembre 2010. http://www.internetactu.net/2010/11/09/louverture-des-donnees-publiques-et-apres/

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 25

Page 26: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

Documentation

Bibliographie

CASILLI Antonio. Les liaisons numériques – Vers une nouvelle sociabilité ? Seuil,

septembre 2010.

CHIGNARD Simon. Open data – Comprendre l'ouverture des données publiques. FYP, mars

2012.

PLANTARD Pascal. Pour en finir avec la fracture numérique. FYP, avril 2011.

Webographie

BLANC Sabine. Open data PéRennes. Article publié sur OWNI en février 2012.

http://owni.fr/2012/02/21/open-data-perennes/

CHIGNARD Simon. Où est le marché de l'open data ? Article publié en mars 2012.

http://donneesouvertes.info/2012/03/12/ou-est-le-marche-de-lopen-data/

CHIGNARD Simon. [Atelier] Comment parler des données ouvertes à des non-

développeurs ? Article publié en mars 2012.

http://donneesouvertes.info/2012/03/27/atelier-comment-parler-des-donnees-ouvertes/

CHIGNARD Simon. Animer l'open data ? Article publié en avril 2012.

http://donneesouvertes.info/2012/04/06/animer-lopen-data/

CHIGNARD Simon. En finir avec le mythe de la donnée brute. Article publié en juin 2012.

http://donneesouvertes.info/2012/06/01/en-finir-avec-le-mythe-de-la-donnee-brute/

CHIGNARD Simon. Le mobile, la mobilité et le numérique. Article publié en juin 2012.

http://donneesouvertes.info/2012/06/09/le-mobile-la-mobilite-et-lopen-data/

Conseil National du Numérique. France. Avis n° 12 relatif à l’ouverture des données

publiques « Open data »)

Juin 2012. Document PDF téléchargeable sur http://www.cnnumerique.fr/ouverture-des-

donnees-publiques-lavis-du-cnnum

GUILLAUD Hubert. Open Data : L’avenir de la réutilisation des données publiques. Article

publié sur le blog InternetActu Le Monde en décembre 2011.

http://internetactu.blog.lemonde.fr/2011/12/02/open-data-lavenir-de-la-reutilisation-

des-donnees-publiques/

GUILLAUD Hubert. Open data : où en est-on ? Article publié sur InternetActu en mai 2012.

http://www.internetactu.net/2012/05/30/open-data-14-ou-en-est-on/

GUILLAUD Hubert. Open data : animer, animer et encore animer. Article publié sur

InternetActu en mai 2012. http://www.internetactu.net/2012/05/31/open-data-24-

animer-animer-et-encore-animer/

GUILLAUD Hubert. Avons-nous besoin d'infolabs ? Article publié sur InternetActu en mai

2012. http://www.internetactu.net/2012/05/15/avons-nous-besoin-dinfo-labs/

GUILLAUD Hubert. Open data ; l'enjeu de la coproduction. Article publié sur InternetActu

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 26

Page 27: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

en juin 2012. http://www.internetactu.net/2012/06/06/open-data-34-lenjeu-de-la-

coproduction

GUILLAUD Hubert. Vers un nouveau monde de données. Article publié sur InternetActu en

juin 2012. http://www.internetactu.net/2012/06/01/vers-un-nouveau-monde-de-

donnees/

GUIMARD Emmanuel. « Open data » : les collectivités sont en quête d'un modèle

économique. Les Echos, juin 2012

http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202087398612-open-data-les-

collectivites-sont-en-quete-d-un-modele-economique-329131.php

JABLONKA Ivan & PERETZ Pauline, «Open Data comme une clé pour l'autonomisation des

citoyens. Un entretien avec Dominique Cardon », Livres & Idées, janvier 2012.

http://www.laviedesidees.fr/Open-data-le-chemin-vers-une-vraie.html

KAPLAN Daniel. L'ouverture des données publiques, et après ? Article publié sur

InternetActu en novembre 2010. http://www.internetactu.net/2010/11/09/louverture-

des-donnees-publiques-et-apres/

KAYSER-BRIL Nicolas. Prix de l'eau : publions nos données. Article publié sur OWNI en

mars 2011. http://owni.fr/2011/03/22/prix-de-l-eau-crowdsourcing/

LECHENET Alexandre. L'« open data », un outil pour la transparence des administrations.

Article publié sur Le Monde en novembre 2011.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/11/17/l-open-data-un-outil-pour-la-

transparence-des-administrations_1604390_823448.html

Open Knowledge Foundation. Kick-starting the School of Data. Mai 2012.

http://blog.okfn.org/2012/05/21/kick-starting-the-school-of-data/

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 27

Page 28: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

RemerciementsJe remercie les responsables de la filière USETIC, Pascal Plantard et

Françoise Bréant, ainsi que tous les enseignants et intervenants de la

formation, et notamment Pierre Pencolé pour le soutien sans faille apporté

aux étudiants depuis le premier jour.

Merci à Bernadette Kessler et toute l'équipe du service Innovation

Numérique pour m'avoir accueillie et initiée aux subtilités de

l'administration publique durant ces dix mois de stage.

Je remercie encore toutes les personnes qui ont accepté d'échanger avec

moi autour de l'open data et de bien d'autres sujets.

Entre autres : Claire Gallon, Cyrille Gicquello, Amandine Brugiere et toute

l'équipe de la FING, Cécile Thomas, et pour l'accueil incomparable des

Montpelliérains : Stéphane et Jérôme, Jeff, Jean-Marie Bourgogne, Jérémie

Valentin, Marie-Laure Vie et Pierre Brice.

Evidemment, je remercie chaleureusement toute la team rennaise qui

œuvre autour des données ouvertes. Hugues, Norbert, Simon, Richard,

Benoît, Florian, Julien, les participants passionnés du collectif, la NCO, la

« famille participative » et toute l'équipe de la Cantine Numérique : c'est

un plaisir quotidien de travailler avec vous.

Merci enfin à mon entourage, mes amis et mes collègues de la filière

USETIC qui m'ont aidée à venir à bout de ce mémoire !

Léa Lacroix – Thématique – Licence Pro Usetic – juin 2012 – 28

Page 29: Memoire Universitaire. Open Data : Comment impliquer les habitants d'un territoire dans le processus d'ouverture des données publiques ?

RésuméL'open data, ou ouverture des données publiques, est un mouvement qui

propose aux collectivités de mettre à disposition des citoyens des

informations et des données qu'elles possèdent, afin que leurs administrés

puissent les consulter et les réutiliser librement.

Ces réutilisations peuvent prendre la forme d'applications, d'infographies,

d'analyses, etc. développées par des particuliers, associations ou

entreprises, dans le but de rendre lisible et de comprendre le

fonctionnement de l'administration, de prendre part aux décisions

collectives, ou de créer de nouveaux services sur un territoire.

Les motivations des réutilisateurs de données sont variées mais se

concentrent autour de plusieurs points : le souhait d'apporter un nouveau

service aux habitants, l'attrait de la compétition et du défi technique, et

les centres d'intérêts de chacun.

Parmi les réutilisateurs, trois grands types de compétences se dessinent :

les développeurs, les designers et les journalistes. Mais il est également

important de développer l'aspect médiation et formation autour de l'open

data, afin d'initier le grand public à la culture des données.

Aujourd'hui, il existe de nombreux types d'incitations à participer à la

réutilisation des données : des concours aux hackathons en passant par

les appels à projets et les ateliers de réflexion, l'essentiel est de

sensibiliser les citoyens à la compréhension des données avant de les

inciter à produire des réutilisations.

Il est donc indispensable de ne pas négliger l'implication et l'animation de

la communauté, et construire sur le long terme une démarche de

sensibilisation et de formation des habitants aux enjeux de l'open data.

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