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Master Physique & Physique Numérique Mécanique Quantique David Viennot

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Page 1: Master Physique & Physique Numérique Mécanique Quantiqueperso.utinam.cnrs.fr/~viennot/doc/cours_MQ.pdf · Sur les origines de la mécanique quantique À la fin du XIXème siècle,

Master Physique & Physique Numérique

Mécanique Quantique

David Viennot

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Table des matières

Sur les origines de la mécanique quantique 5

1 Fondements de la mécanique quantique 7

1.1 Postulats, états et observables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.1.1 Notions d’états et d’observables en physique classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.1.2 L’expérience des trous d’Young et l’espace des états . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.1.3 Complétude topologique de l’espace des états . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.1.4 Complétude algébrique dans l’espace des états . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.1.5 L’expérience des trous d’Young et les observables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.1.6 Sur les probabilités quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.1.7 Sur la non-commutativité des observables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131.1.8 Règles de quantification canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

1.2 Interprétations de la mécanique quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161.2.1 La parabole du chat de Schrödinger et l’interprétation de l’École de Copenhague . . . 161.2.2 Les autres interprétations de la mécanique quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.3 Observables et transformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181.3.1 Domaine d’un opérateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181.3.2 Transformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191.3.3 Opérateur hermitien vs autoadjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2 Position, impulsion, moment cinétique et énergie en mécanique quantique 23

2.1 États préparables, accessibles et non-normalisables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.2 Les représentations continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

2.2.1 La représentation |x〉 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242.2.2 La représentation |p〉 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2.3 Analyse spectrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272.3.1 Spectre d’une observable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272.3.2 Calcul fonctionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292.3.3 La résolvante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2.4 Théorie du moment cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.4.1 Le spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.4.2 Moments cinétiques atomiques et moléculaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322.4.3 Composition de moments cinétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3 Dynamique quantique 37

3.1 L’équation de Schrödinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.1.1 De l’équation stationnaire à l’équation dépendante du temps . . . . . . . . . . . . . . 373.1.2 Le paradoxe de Zénon quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393.1.3 Courants et flux de probabilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

3.2 L’opérateur d’évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403.2.1 Définition et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403.2.2 Représentation de Heisenberg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423.2.3 Intégrales de chemin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3.3 Régimes soudain et adiabatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

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4 TABLE DES MATIÈRES

4 Théorie des perturbations 47

4.1 Perturbations stationnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474.1.1 Méthode de Rayleigh-Schrödinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 474.1.2 Méthode de Wigner-Brillouin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 484.1.3 Cas dégénéré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

4.2 Perturbations dépendantes de temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 514.2.1 Couplage interne au spectre pur point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 514.2.2 Couplage entre le spectre pur point et le continuum : la règle d’or de Fermi . . . . . . 52

5 Théorie de la seconde quantification 55

5.1 Systèmes de particules discernables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 555.2 Systèmes de particules indiscernables : cas des bosons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 565.3 Systèmes de particules indiscernables : cas des fermions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585.4 Discussion sur le rôle de la seconde quantification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

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Sur les origines de la mécanique

quantique

À la fin du XIXème siècle, la physique repose sur deux piliers, la mécanique Newtonienne et la théorieélectromagnétique de Maxwell. Quatre phénomènes posaient alors problème dans ce cadre théorique :

– les expériences de Michelson-Morley n’ont pu mettre en évidence la vitesse de la Terre dans la référentielde l’éther (support physique hypothétique des ondes électromagnétiques) ce problème sera résolu parEinstein en 1905 par l’introduction de la théorie de la relativité restreinte ;

– le spectre expérimental du rayonnement d’un corps noir ne coïncidait pas avec la théorie qui prévoyaitune divergence dans l’ultraviolet (divergence conduisant à une quantité infinie d’énergie émise par lecorps ⇐⇒ la catastrophe ultraviolette) ;

– les atomes ne devraient pas être stables, l’électron en orbite autour du noyau devant perdre continuel-lement de l’énergie par radiation électromagnétique, il devrait s’effondrer en spirale sur le noyau aucours du temps ;

– l’observation de spectres d’émission et d’absorption de la lumière par la matière sous forme de suitesde raies fines était en contradiction avec la théorie qui prévoyait des bandes continues d’émission oud’absorption.

Pour expliquer les trois derniers problèmes, trois théories concurrentes furent proposées :– La théorie des quanta : En 1900, pour expliquer le rayonnement du corps noir, Max Planck pro-

pose que l’énergie électromagnétique n’est pas émise de façon continue mais par paquet d’énergie n~ω(n ∈ N∗). ~ω étant le quantum d’énergie insécable pouvant être émis. En 1905, pour expliquer l’ef-fet photoélectrique, Albert Einstein propose que la lumière est constituée de particules individuelles(photons) transportant un quantum d’énergie ~ω. En 1913, pour expliquer le spectre et la stabilitéde l’atome d’hydrogène, Niels Bohr propose que les orbites circulaires de l’électron ne peuvent pasavoir un rayon quelconque, mais que seules une quantité dénombrable d’orbites sont autorisées. Cettehypothèse revient à quantifier suivant une suite E0

n2 n∈N∗ les énergies accessibles à l’atome. En 1916,Arnold Sommerfeld généralise le modèle de Bohr aux orbites elliptiques. En 1917, Albert Einstein gé-néralise l’approche de Borh-Sommerfeld à tout système intégrable. En 1925, Wolfgang Pauli proposeque deux fermions identiques ne peuvent occuper un même état d’énergie quantifiée afin d’expliquerpar une structure en couches électroniques les propriétés chimiques des atomes polyélectroniques.

– La mécanique ondulatoire : En 1923, Louis de Broglie postule que les particules matérielles sontassociées à une onde (comme l’onde électromagnétique est associée aux photons). En 1926, ErwinSchrödinger postule l’équation fixant l’onde de de Broglie d’une particule matérielle. En 1927, WalterHeitler utilise l’équation de Schrödinger pour expliquer la formation des liaisons covalentes. En 1928,Linus Pauling généralise les travaux de Heitler à tout type de liaison chimique.

– La mécanique des matrices : En 1925, Werner Heisenberg, Max Born et Pascual Jordan formulèrentune description de la mécanique à l’échelle microscopique fondée sur le remplacement des observablesclassiques par des matrices. La quantification de l’énergie étant associée au spectre de la matriceremplaçant l’observable énergie. La notion de trajectoire de phase y ait totalement absente.

Suite à des découvertes dans le domaine des mathématiques (analyse fonctionnelle et théorie des opérateurs) ;en 1930, Paul Adrien Maurice Dirac prouve que les trois théories sont en fait trois aspects d’une uniquethéorie cohérente, la mécanique quantique ; dans laquelle les matrices de Heisenberg sont généralisées enopérateurs qui ont pour vecteurs propres les fonctions d’onde de Schrödinger et pour spectre les suites de lathéorie des quanta de Borh-Sommerfeld.

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6 TABLE DES MATIÈRES

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Chapitre 1

Fondements de la mécanique quantique

1.1 Postulats, états et observables

1.1.1 Notions d’états et d’observables en physique classique

La pratique de la physique suppose l’intervention de deux entités, le système physique étudié, et l’observa-teur qui l’étudie. La modélisation d’une théorie physique doit donc faire intervenir des objets qui caractérisentces deux entités. Le système physique va être caractérisé par des états, c’est à dire des quantités mathé-matiques décrivant les propriétés intrinsèques du système. L’intervention de l’observateur, qui effectue desmesures sur le système, va être caractérisée par des observables, c’est à dire des quantités mathématiquesqui vont décrire les résultats des mesures effectuées sur le système en fonction de l’état de celui-ci. Parexemple en mécanique classique, si l’on ne considère qu’une particule, celle-ci sera caractérisée par sa posi-tion dans l’espace et par son impulsion : (x, y, z, px, py, pz), un état est donc un point de R6. Les observablesseront alors des fonctions de R6 qui évaluées en un point donnent le résultat d’une mesure sur une particulecaractérisée par ce point. Les notions d’observable et d’état sont souvent confondues en mécanique classiquedu fait que la position et l’impulsion sont aussi des observables : l’observable position suivant l’axe x est lafonction fx telle que fx(x, y, z, px, py, pz) = x, ce que l’on interprète par “si on mesure la position (action del’observable fx) de la particule qui se trouve dans l’état (x, y, z, px, py, pz) le résultat de la mesure sera x”.

Un autre exemple est l’observable énergie cinétique, qui est la fonction EK(x, y, z, px, py, pz) =p2x+p

2y+p

2z

2m ;(m étant la masse de la particule).

1.1.2 L’expérience des trous d’Young et l’espace des états

Afin d’établir la structure du modèle de la mécanique quantique, considérons l’expérience des trousd’Young avec des particules matérielles. On dispose d’une source émettant une particule à la fois, envoyéesur écran percé de deux trous. Les particules heurtent ensuite un écran qui fait apparaître une tâche auniveau du point d’impact, mesurant ainsi la position des particules après le passage des trous.On observe que les points d’impact se répartissent aléatoirement sur l’écran tout en formant une figured’interférences caractérisée par des franges sombres (peu d’impacts) et des franges brillantes (beaucoupd’impacts). Si on bouche l’un des trous, les impacts se répartissent toujours de façon aléatoire mais sansreproduire une figure d’interférence.Interprétation :

1. la figure d’interférences étant caractéristique d’un phénomène ondulatoire, on en déduit que les particulesne sont pas que des objets ponctuels mais qu’elles sont associées à une onde, c’est la dualité onde-corpuscule de de Broglie. C’est la réciproque de l’interprétation de l’effet photoélectrique qui veut que lesondes électromagnétiques soient composées de photons. L’état d’une particule sera donc caractérisé parune fonction d’onde ψ(x, y, z).

2. les impacts se répartissant suivant un processus aléatoire, on en déduit que la mesure de la position desparticules est gouvernée par une loi de probabilité associée à la figure d’interférences. Il existe donc une loide probabilité ρ(x, y, z) telle que ρ(x, y, z)dxdydz soit la probabilité de trouver la particule dans une cubede volume dxdydz dont l’un des sommets se trouve au point (x, y, z). Ou en d’autres termes, si D ⊂ R3

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8 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

est une région de l’espace, alors∫∫∫

D ρ(x, y, z)dxdydz est la probabilité de trouver la particule dans cetterégion.

3. soit ψ1 la fonction d’onde de la particule lorsqu’elle passe par le trou 1 sachant que le trou 2 est bouché,et ψ2 la fonction d’onde dans le cas réciproque. Lorsque aucun des trous n’est bouché, la présence dela figure d’interférences induit que la fonction d’onde n’est ni ψ1 ni ψ2 mais ψ ∝ ψ1 + ψ2 (il faut deuxsources d’ondes — les trous — pour produire des interférences). Les particules étant émises une à une, onen déduit qu’une unique particule se trouve dans un état où elle est passée à la fois par le trou 1 et par letrou 2, c’est une superposition d’états (ou un chat de Schrödinger). On en déduit donc que l’espace desétats a une structure d’espace vectoriel (puisque l’on doit pouvoir additionner deux états).

4. soit ρ1 la loi de probabilité associée à ψ1, ρ2 celle associée à ψ2 ; et ρ la densité de probabilité associée àψ ∝ ψ1 + ψ2. On doit avoir ρ(x, y, z) = ρ1(x, y, z) + ρ2(x, y, z) + 2 cos(χ12(x, y, z)) où le terme cos(χ12)est la modulation nécessaire pour décrire la figure d’interférences. La présence de ce terme est typique dela structure du corps des nombres complexes : ∀z1, z2 ∈ C, |z1 + z2|2 = |z1|2 + |z2|2 + 2 cos(arg(z1z2)).L’espace vectoriel des états est donc construit sur le corps C.

En combinant tous ces points, on en déduit qu’un état d’une particule est une fonction ψ de l’espace

à valeurs dans C telle que ρ(x, y, z) = |ψ(x,y,z)|2R

R3 |ψ(x,y,z)|2dxdydz soit la densité de probabilité de présence de la

particule. On doit donc avoir∫

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz <∞. D’où

Postulat 0 (Espace des états (forme faible)). L’espace des états d’un système régi par la mécanique quantiqueest représenté par un espace pré-Hilbertien, c’est à dire un C-espace vectoriel muni d’un produit scalairehermitien.

Un produit scalaire hermitien étant défini par :

Définition 1 (Produit scalaire hermitien). Soit H un C-espace vectoriel. Un produit scalaire hermitien estune application 〈.|.〉 : H×H → C (une application qui à deux vecteurs associe un scalaire) telle que

– elle est linéaire à droite et antilinéaire à gauche :

∀ψ, φ, χ ∈ H, α, β ∈ C, 〈ψ|αφ+ βχ〉 = α〈ψ|φ〉 + β〈ψ|χ〉〈αψ + βφ|χ〉 = α〈ψ|χ〉 + β〈φ|χ〉

– elle est hermitienne :∀ψ, φ ∈ H 〈ψ|φ〉 = 〈φ|ψ〉

– elle est définie positive‖ψ‖2 = 〈ψ|ψ〉 ≥ 0

‖ψ‖2 = 〈ψ|ψ〉 = 0 ⇐⇒ ψ = 0

La nécessité d’équiper l’espace des états d’un produit scalaire et non simplement d’une norme provientdes postulats qui vont suivre.L’espace pré-Hilbertien en question pour une particule seule semble être L2(R3, dxdydz) l’espace des fonctionsde R3 (l’espace physique) à valeurs dans C et de carré intégrable, c’est à dire telles que

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz <∞. La fonction ψ ∈ L2(R3, dxdydz) est interprétée comme l’amplitude de probabilité de présence de laparticule, ainsi la probabilité de trouver la particule dans une portion Ω de l’espace est égale à P (Ω) =∫

Ω |ψ(x, y, z)|2dxdydz si on a normé la fonction d’onde, i.e.∫

R3 |ψ(x, y, z)|2dxdydz = 1. Le produit scalairedans L2(R3, dxdydz) est

〈ψ|φ〉 =

R3

ψ∗(x, y, z)φ(x, y, z)dxdydz

On notera néanmoins un problème, il existe des fonctions non-nulles ψ ∈ L2(R3, dxdydz) telles que‖ψ‖ = 0, par exemple la fonction :

ψ(x, y, z) =

0 si (x, y, z) 6= (0, 0, 0)

1 si (x, y, z) = (0, 0, 0)

On note K = ψ ∈ L2(R3, dxdydz), ‖ψ‖ = 0. K est composé de fonctions qui ne différent de la fonctionidentiquement nulle que sur un “ensemble discret” de points (on dit que ces fonctions sont nulles presquepartout). D’autre part, l’interprétation physique d’une fonction d’onde en tant qu’amplitude de probabilité

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1.1. POSTULATS, ÉTATS ET OBSERVABLES 9

de présence, fait que deux fonctions qui ne différent que sur un “ensemble discret” de points (deux fonctionségales presque partout) ont le même sens physique, car ∀Ω ⊂ R3,

Ω|ψ|2dτ =

Ω|φ|2dτ si ψ − φ ∈ K. Dans

L2(R3, dτ) on ne doit donc pas faire de différence entre deux fonctions qui ne différent que par l’additiond’une fonction de K. En d’autres termes on doit prendre la relation d’équivalence ψ ∼ φ ⇐⇒ ψ − φ ∈ Kcomme une égalité au sens physique. On note L2(R3, dxdydz) = L2(R3, dxdydz)/K l’espace des fonctionsde carré intégrable dans lequel on ne distingue pas les fonctions égales presque partout. L2(R3, dxdydz) estbien un espace pré-Hilbertien qui est le bon espace des états.

1.1.3 Complétude topologique de l’espace des états

Supposons que l’on puisse procèder à une expérience pour déterminer l’état d’un système quantique.Notons ψ0 le résultat d’une première estimation de celui-ci. À partir de ce résultat, on affine les mesures pourobtenir une meilleure estimation que l’on note ψ1. On suppose que l’on peut procéder ainsi indéfinement ettoujours améliorer l’estimation sur l’état. On a alors une suite d’estimations (ψn)n. On se donne une précisionǫ > 0 que l’on veut atteindre. On atteint cette précision à la nǫ occurence si les mesures ne “bougent” plusau delà de la précision souhaitée après le rang nǫ :

∀n > p ≥ nǫ, ‖ψn − ψp‖ ≤ ǫ (∗)

Si c’est le cas, on peut dire que ψn pour n ≥ nǫ est une approximation à ǫ près de ψ⋆ l’état réel du système.Cet état ψ⋆ existe au sens où un système physique a forcément un état. On a envie d’écrire que

limn→+∞

ψn = ψ⋆

qui doit signifier quelim

n→+∞‖ψn − ψ⋆‖ = 0

Le problème est que dans un espace pré-Hilbertien de dimension infinie, E , il existe des suites (ψn)n qui∀ǫ > 0 vérifient (∗) (on dit qu’il s’agit de suites de Cauchy) mais qui n’ont pas de limite dans E (6 ∃ψ⋆ ∈ E telque limn→+∞ ‖ψn − ψ⋆‖ = 0). Une telle situation n’aurait pas de sens physique, les mesures expérimentalesy seraient convergentes (elles se stabilisent à ǫ près) sans que le système se trouve dans un état existant.Il faut donc restreindre les espaces des états à des espaces pré-Hilbertiens dans lesquels toutes les suites deCauchy ont une limite. De tels espaces sont dit topologiquement complets, et on les appelle des espaces deHilbert.

Postulat 1 (Espace des états (forme forte)). L’espace des états d’un système régi par la mécanique quantiqueest représenté par un espace de Hilbert, c’est à dire un C-espace vectoriel muni d’un produit scalaire hermitienet topologiquement complet pour la norme induite par ce produit scalaire.

Les espaces pré-Hilbertiens de dimension finie sont automatiquement topologiquement complets, de plusles espaces L2 sont topologiquement complets (et constituent les exemples fondamentaux d’espace de Hilbertde dimension infinie).

Quelques exemples d’espace des états :– particule sur un axe : H = L2(R, dx)– particule dans une boîte 1D [0, L] : H = ψ ∈ L2([0, L], dx), ψ(0) = ψ(L) = 0 (les conditions aux

bords assurent que la fonction d’onde ne “s’échappe pas” de la boîte.– particule dans un cristal périodique 1D de maille [0, L] : H = ψ ∈ L2([0, L], dx), ψ(0) = ψ(L) (les

conditions aux bords assurent la périodicité).– rotateur rigide (molécule diatomique rigide) : H = L2(S2, dθdϕ4π ) (S2 est la sphère représentant toutes

les directions que peut prendre le rotateur, (θ, ϕ) est un système de coordonnées sphériques sur S2).

1.1.4 Complétude algébrique dans l’espace des états

Définition 2 (Base (orthonormée)). Soit H un espace de Hilbert. On appelle base de cet espace un ensembleordonné dénombrable de vecteurs linéairement indépendants (φn)n=1,...,dimH tel que

∀ψ ∈ H, ∃cn ∈ C, ψ =

dimH∑

n=1

cnφn

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10 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

(tout état peut se décomposer en une superposition d’états de la base). La base est dite orthonormée si

∀n, p 〈φn|φp〉 = δnp

Dans le cas d’une base orthonormée, ψ =∑dimH

n=1 cnφn ⇒ cn = 〈φn|ψ〉.On rappelle qu’un ensemble de vecteurs est linéairement indépendant si

n

αnφn = 0 ⇒ ∀n, αn = 0

En dimension finie, pour qu’un ensemble orthonormé soit une base, il faut et il suffit que le nombred’éléments de cet ensemble soit égale à la dimension de H. En dimension infinie, il n’est pas suffisant detrouver une infinité de vecteurs orthonormés pour que ce soit une base. Un contre-exemple trivial : si (φn)n∈N

est une base orthonormée alors (φ2p)p∈N est un ensemble infini de vecteurs orthonormés mais n’est pas unebase (car les vecteurs à indice impaire φ2p+1 ne peuvent se décomposer sur cet ensemble). Lorsqu’il y a dans unensemble de vecteurs orthonormés suffisamment d’éléments pour générer totalement H, on dit que l’ensembleest algébriquement complet. Pour des espaces de Hilbert de dimension finie ou de la forme L2(M,dτ) (avecM = R

ℓ ou toute sous-variété de Rℓ, avec ℓ < +∞) il existe toujours des bases orthonormées.

Propriété 1 (Propriétés utiles). Quelques propriétés vérifiées dans un espace de Hilbert équipable d’une baseorthonormée :

• Inégalité triangulaire : ∀φ, ψ ∈ H‖ψ + φ‖ ≤ ‖ψ‖ + ‖φ‖

• Règle du parallélogramme : ∀φ, ψ ∈ H

‖ψ + φ‖2 + ‖ψ − φ‖2 = 2‖ψ‖2 + 2‖φ‖2

• Inégalité de Cauchy-Schwarz : ∀φ, ψ ∈ H

|〈φ|ψ〉| ≤ ‖ψ‖ · ‖φ‖

• Théorème de Pythagore : (φ1, ..., φn) orthonormé non-complet (n ≤ dimH), ∀ψ ∈ H

‖ψ‖2 =

n∑

i=1

|〈φi|ψ〉|2 + ‖ψ −n∑

i=1

〈φi|ψ〉φi‖2

• Inégalité de Bessel : (φ1, ..., φn) orthonormé non-complet (n ≤ dimH), ∀ψ ∈ Hn∑

i=1

|〈φi|ψ〉|2 ≤ ‖ψ‖2

• Identité de Perseval : (φi)i=1,...,dimH une base orthonormée, ∀ψ ∈ H

‖ψ‖2 =

dimH∑

i=1

|〈φi|ψ〉|2

• Relation de fermeture : (φi)i=1,...,dimH une base orthonormée, ∀ψ, χ ∈ H

〈χ|ψ〉 =

dimH∑

i=1

〈χ|φi〉〈φi|ψ〉

Preuve : On s’intéresse à l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Soit le vecteur χ = ψ − 〈φ|ψ〉

‖φ‖2 φ.

〈χ|χ〉 ≥ 0 ⇐⇒ ‖ψ‖2 +|〈ψ|φ〉|2

‖φ‖2−

〈φ|ψ〉

‖φ‖2〈ψ|φ〉 −

〈φ|ψ〉

‖φ‖2〈φ|ψ〉 ≥ 0

⇐⇒ ‖ψ‖2 −|〈φ|ψ〉|2

‖φ‖2≥ 0

⇐⇒ ‖ψ‖2‖φ‖2 ≥ |〈φ|ψ〉|2

Les preuves des autres propriétés sont laissées en exercice.

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1.1. POSTULATS, ÉTATS ET OBSERVABLES 11

Nous allons maintenant revenir à l’interprétation probabiliste des états. ψ ∈ H représente la loi générale deprobabilité lorsque le système est dans l’état décrit par ψ. Mais pour pouvoir faire des calculs de probabilités,il faut considérer des règles qui à un événement “élémentaire” associe sa probabilité de survenue lorsquele système est dans l’état ψ. On a donc besoin de considérer des applications qui aux états associent desamplitudes de probabilité (pour ces événements élémentaires), donc de considérer des applications ℓ : H → C

(la probabilité étant donnée par |ℓ(ψ)|2 avec ‖ψ‖ = 1). Afin d’être cohérent avec la superposition d’états etla physique des interférences, ces applications doivent être linéaires (ℓ(αψ + βφ) = αℓ(ψ) + βℓ(ψ)). Enfin sion reprend la discussion de la section précédente sur la complétude topologique, si limn→+∞ ψn = ψ⋆ (ausens où limn→+∞ ‖ψn−ψ⋆‖ = 0) alors limn→+∞ ℓ(ψn) = ℓ(ψ⋆) (les probabilités approchées doivent tendrentvers les probabilités réelles). Finalement l’ensemble des ces lois qui permettent de définir les probabilités desévénements élémentaires sont

Définition 3 (Fonctionnelles linéaires continues). On appelle fonctionnelle (ou forme) linéaire continue deH, une application linéaire ℓ : H → C qui est continue sur H au sens où ℓ(ψn) → ℓ(ψ⋆) si ψn → ψ⋆.L’ensemble des fonctionnelles linéaires de H est noté H∗ et s’appelle le dual algébrique de H.

Remarque : en dimension finie (dimH < +∞) la continuité est automatiquement assurée, il n’est doncpas nécessaire de la vérifier.H∗ est aussi un espace de Hilbert, il a donc aussi un dual algébrique qui n’est autre que H lui-même :H∗∗ = H. Un résultat très important pour manipuler en pratique les fonctionnelles linéaires continues (lesapplications donnant les amplitudes de probabilités élémentaires) :

Théorème 1 (Théorème de Riesz).

∀ℓ ∈ H∗, ∃!ηℓ ∈ H, tel que ∀ψ ∈ H ℓ(ψ) = 〈ηℓ|ψ〉

Autrement dit, les fonctionnelles linéaires continues sont des produits scalaires partiels avec un état deH :

ℓ = 〈ηℓ|.〉 ≡ 〈ηℓ|Il est d’usage de noter ce produit scalaire partiel uniquement par le membre de gauche du crochet (〈ηℓ|). Dela même façon, un vecteur de H étant une fonctionnelle linéaire continue de H∗, il est d’usage de le noterégalement comme un produit scalaire partiel :

ψ = 〈.|ψ〉 ≡ |ψ〉

Les notations ψ et |ψ〉 sont équivalentes du fait que H∗∗ = H. 〈ηℓ| est appelé un bra et |ψ〉 est appelé unket (cette terminologie vient de la coupure du mot “braket” – crochet en anglais –). Le système de notationest appelé notations de Dirac.Il est bien important de comprendre que si un ket un état quantique, ce n’est pas le cas d’un bra. Un braest une application (donc quelque chose qui demande à être évaluée sur un état) qui fournit des amplitudesde probabilités.

1.1.5 L’expérience des trous d’Young et les observables

Reprenons l’expérience des trous d’Young, mais cette fois avec un détecteur de particules au niveau dutrou 1. On sait à quel instant la source émet une particule si bien que si le détecteur donne une réponsepositive, on sait que la particule est passée par le trou 1, sinon, on sait qu’elle est passée par le trou 2. Iln’y a donc que deux états “fondamentaux” par rapport à cette expérience, l’état dans lequel la particule estpassée par le trou 1 que l’on va noter |1〉 , et |2〉 l’état pour lequel elle est passée par le trou 2. L’espace deHilbert est donc simplement C2, et du fait de la superposition d’états, on peut avoir un état |ψ〉 = α|1〉+β|2〉tel que |α|2 + |β|2 = 1. Le produit scalaire est défini dans ce cas par

∀|ψ〉 =

(ψ1

ψ2

)

, |φ〉 =

(φ1

φ2

)

∈ C2, 〈ψ|φ〉 =

(ψ∗

1 ψ∗2

)(φ1

φ2

)

= ψ∗1φ1 + ψ∗

2φ2

On place la source de telle sorte qu’il y ait “classiquement” une chance sur 3 pour que la particule passepar le trou 1 et 2 chances sur 3 pour qu’elle passe par le trou 2. Conformément aux résultats précédents, on

a donc |ψ〉 = 1√3|1〉 +

√23 |2〉.

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12 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

Résultat de l’expérience : on mesure dans 1/3 des cas une particule passant par 1 et dans 2/3 des cas uneparticule passant par 2, et sur l’écran final, on n’observe pas de figure d’interférences. Si on change lescoefficients de la superposition d’états, les lois de probabilité changent en conséquence, ainsi si on fait ensorte de mettre la source de telle sorte que la particule ne puisse passer que par le trou 1, le détecteur donneraune réponse positive à chaque fois, et négative à chaque fois si on fait en sorte que la particule ne passe quepar le trou 2.Interprétation :

1. l’absence de figure d’interférences indique que le fait de mesurer la position de la particule à la sortie destrous a détruit la superposition d’états.

2. les statistiques des mesures de passage par un trou ou l’autre correspondant à la loi de probabilité de lasuperposition d’états, on en déduit que le fait de mesurer par quel trou passe la particule projette l’étatde celle-ci soit sur |1〉 soit sur |2〉 suivant un processus aléatoire tel que P (1) = |〈1|ψ〉|2 et P (2) = |〈2|ψ〉|2.

3. soitA l’observable associée au détecteur de particules. A n’a que deux réponses, 1 s’il détecte une particule,0 sinon. Le fait que la réponse est toujours positive si la particule passe par le trou 1, indique quel’évaluation de A sur |1〉 doit donner 1. De même l’évaluation de A sur |2〉 doit donner 0. Ainsi A peutêtre vue comme un opérateur tel que A|1〉 = |1〉 et A|2〉 = 0, et donc A a pour matrice dans la base

(|1〉, |2〉) :

(1 00 0

)

. Les résultats possibles sont les valeurs propres de A, et les états sans superposition

et donc sans processus aléatoire, |1〉 et |2〉, sont les états propres associés.

D’où

Postulat 2 (Observables). Les observables, c’est à dire les grandeurs physiques mesurables expérimentale-ment sont décrites par des opérateurs agissant sur l’espace des états.

On note L(H) l’ensemble des opérateurs d’un espace de Hilbert H (ensemble des endomorphismes de H,i.e. applications linéaires de H dans H).

Postulat 3 (Résultats d’une mesure). La mesure d’une grandeur physique associée à un opérateur A ne peutdonner qu’une valeur propre de cet opérateur. Si α est une valeur propre de A nα fois dégénérée, associéeaux vecteurs propres |α, i〉i=1,...,nα, alors la probabilité de trouver α comme résultat de la mesure de A surun système dans l’état ψ est donnée par P (α) =

∑nαi=1 |〈α, i|ψ〉|2.

On note Sp(A) l’ensemble des valeurs propres de A (que l’on appelle le spectre de A).

Postulat 4 (Principe de projection de Born). Si une mesure d’une observable A sur un système dans l’état ψa donné comme résultat α, alors après la mesure, le système se trouve dans l’état 1√

Pnαj=1 |〈α,j|ψ〉|2

∑nαi=1〈α, i|ψ〉|i, α〉,

où |α, i〉i=1,...,nα sont l’ensemble des états propres caractérisés par la valeur propre α de A (états pour les-quels, la probabilité de trouver α comme résultat est 1).

Revenons à l’interprétation de H∗. |ℓφ(ψ)|2 = |〈φ|ψ〉|2 peut s’interpréter comme la probabilité de tran-sition de ψ vers φ due à une mesure dont φ est état propre de l’observable associée (les transitions d’unétat vers un autre sont les événements élémentaires que l’on n’avait pas vraiment définis dans la sectionprécédente).

Soit (φn)n=1,...,dimH une base orthonormée. Dans les notations de Dirac, la décomposition d’une obser-vable A ∈ L(H) sur la base est (modulo quelques précautions en dimension infinie dont on parlera plustard) :

A =dimH∑

n,p=1

〈φp|Aφn〉|φp〉〈φn|

NB : on note souvent 〈ψ|A|φ〉 à la place de 〈ψ|Aφ〉. |ψ〉〈φ| = ψ ⊗ ℓφ est une application qui fait agir lafonctionnelle linéaire continue 〈φ| et multiplie ψ par le résultat :

|ψ〉〈φ|χ〉 = ℓφ(χ)ψ = 〈φ|χ〉|ψ〉

Ce sont les opérateurs les plus simples. Les opérateurs de la forme Pφ = |φ〉〈φ| avec ‖φ‖ = 1 sont appelésprojecteurs orthogonaux de rang 1. P =

∑ni=1 Pφi avec (φi)i=1,...,n<dimH orthonormée, sont appelés pro-

jecteur orthogonaux de rang n. Un projecteur vérifie P 2 = PP = P . Enfin si on considère une base (un

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1.1. POSTULATS, ÉTATS ET OBSERVABLES 13

ensemble orthonormé complet), on trouve l’opérateur identité (que l’on écrit par abus de notation 1) :

1 =

dimH∑

i=1

|φi〉〈φi|

Cette expression est souvent utilisée comme une reformulation de la relation de fermeture :

〈χ|ψ〉 = 〈χ|1|ψ〉 = 〈χ|(

dimH∑

i=1

|φi〉〈φi|)

|ψ〉 =

dimH∑

i=1

〈χ|φi〉〈φi|ψ〉

De même la décomposition de A ∈ L(H) peut être obtenue en écrivant que A = 1A1.

1.1.6 Sur les probabilités quantiques

Les probabilités que l’on utilise en mécanique quantique sont différentes des probabilités statistiquesusuelles (comme celles utilisées en mécanique statistique classique). Les probabilités statistiques usuellesvérifient ce que l’on appelle les axiomes de Kolmogorov, en particulier elles sont disjonctives :

p(A) = p(A sachant B)p(B) + p(A sachant non B)p(non B)

Dans l’expérience des trous d’Young, prenons comme événements A=”la particule se trouve au point (x, y, z)à dxdydz près” et B=”la particule passe par le trou 1”. On a alors

p(A sachant B) = |ψ1(x, y, z)|2dxdydz p(A sachant non B) = |ψ2(x, y, z)|2dxdydz

p(B) = p(non B) =1

2

et

p(A) =1

2|ψ1(x, y, z)|2dxdydz +

1

2|ψ2(x, y, z)|2dxdydz + cos

(

arg(ψ1(x, y, z)ψ2(x, y, z)))

dxdydz

Les termes d’interférences ondulatoires rendent les probabilités quantiques non disjonctives :

p(A) = p(A sachant B)p(B) + p(A sachant non B)p(non B) + interférences

Les probabilités quantiques ne satisfont donc pas à la théorie usuelle des probabilités, c’est pour cela qu’enmécanique quantique on utilise peu le formalisme de celle-ci y préférant celui des espaces de Hilbert.

1.1.7 Sur la non-commutativité des observables

L’un des aspects les plus importants de la mécanique quantique est la conséquence de la non-commutativitédes observables, en général pour deux observables A,B ∈ L(H) on a

[A,B] = AB −BA 6= 0

[A,B] est appelé commutateur de A et B.Soit aii = Sp(A) et bjj = Sp(B) les valeurs propres de A et B que l’on supposera toutes non-dégénérées(la généralisation aux cas dégénérés ne pose pas de difficultés). On note φaii et φbjj les vecteurs propresassociés. Ces deux ensembles de vecteurs sont différents, car sinon

∀i, (AB −BA)φai = A(biφi) −B(aiφi)

= biAφi − aiBφi

= biaiφi − aibiφi

= 0

où on a noté φi = φai = φbi . Cette dernière relation étant vraie pour tout vecteur φi, l’ensemble de vecteursétant une base de H, on aurait alors AB − BA = 0. Donc si les opérateurs ne commutent pas, les deux

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14 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

ensembles de vecteurs propres sont nécessairement différents.Soit ψ ∈ H un état quelconque. Les vecteurs propres formant une base de H on a

ψ =∑

i

ca,iφai =∑

j

cb,jφbj ca,i, cb,j ∈ C

avec ∑

i

|ca,i|2 =∑

j

|cb,j |2 = 1

Supposons que l’on mesure l’observable A sans avoir fait de mesure sur B, la probabilité d’obtenir commerésultat ai est de |ca,i|2. Supposons maintenant qu’on mesure tout d’abord l’observable B, et que l’on aittrouvé comme résultat bj. Alors d’après la règle de projection de Born, après cette mesure l’état du systèmeest

ψaprès = φbj =∑

i

〈φai |φbj 〉φai

Si on mesure maintenant A, la probabilité de trouver ai est maintenant de |〈φai |φbj 〉|2 6= |ca,i|2 puisque

ca,i =∑

j

cb,j〈φai |φbj 〉

Ainsi le résultat de la mesure de A dépend du fait que l’on ait ou pas mesurer B avant A. Les résultats desmesures dépendent de l’ordre dans lequel on procède à celles-ci.

On note 〈A〉ψ la moyenne de l’observable A dans l’état ψ (la moyenne des résultats que l’on pourraitobtenir pondérée de la probabilité de survenue de ceux-ci, c’est la moyenne des résultats si on fait une sériede mesures sur un grand ensemble de systèmes identiques qui n’interfèrent pas entre eux, tous dans l’étatψ) :

〈A〉ψ = 〈ψ|Aψ〉=

i

|ca,i|2ai

On note ∆Aψ l’écart-type des résultats des mesures de A (la dispersion moyenne des résultats autour de lamoyenne), que l’on considère comme l’incertitude sur le résultat de A :

∆Aψ =√

〈A2〉ψ − 〈A〉2ψ

Propriété 2 (Relation d’incertitude de Heisenberg). Soient A,B ∈ L(H) deux observables hermitiennes(i.e. 〈ψ|Aφ〉 = 〈Aψ|φ〉 pour tout ψ, φ). Alors les incertitudes sur A et B sont reliées par la relation

∆Aψ∆Bψ ≥ 1

2|〈[A,B]〉ψ |

Preuve : On pose A′ = A− 〈A〉 et B′ = B − 〈B〉. Soit φ = (A′ + ıxB′)ψ avec x ∈ R.

〈φ|φ〉 ≥ 0 ⇐⇒ 〈ψ|(A′ − ıxB′)(A′ + ıxB

′)|ψ〉 ≥ 0

⇐⇒ 〈(A′)2〉 + ıx〈[A,B]〉 + x2〈(B′)2〉 ≥ 0

Le polynôme 〈(B′)2〉x2 + 〈ı[A,B]〉x + 〈(A′)2〉 doit donc toujours être positif, ce qui nécessite qu’il ne

présente pas de racine réelle ou une seule racine double. Son discriminant doit donc vérifier

∆ ≤ 0 ⇐⇒ 〈ı[A,B]〉2 − 4〈(B′)2〉〈(A′)2〉 ≤ 0

ı〈ψ|[A,B]|ψ〉 = −ı〈ψ|[B,A]|ψ〉 = ı〈ψ|[A,B]|ψ〉 ⇒ 〈ı[A,B]〉 ∈ R. En remarquant que 〈(A′)2〉 = 〈A2〉 −〈A〉2, la propriété est démontrée.

La signification de cette propriété est la suivante : soit γ = infψ,‖ψ‖2=112 |〈[A,B]〉ψ |. On suppose que γ > 0

(ce n’est pas toujours le cas). Alors si on s’arrange pour trouver un état ψ tel que ∆Aψ soit très petit, alors∆Bψ ≥ γ

∆Aψest très grand. Si on veut avoir des mesures de très grandes précisions sur A, alors elles seront

très dispersées sur B (et réciproquement). On parle alors de principe d’incertitude de Heisenberg.

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1.1. POSTULATS, ÉTATS ET OBSERVABLES 15

1.1.8 Règles de quantification canonique

Soit une particule d’espace de Hilbert H = L2(R3, dxdydz). Comment trouve t-on les observables quan-tiques pertinentes pour le système ? Il faut passer des observables classiques qui sont connues vers leurséquivalentes quantiques, un procédé que l’on appelle quantification. Un tel procédé n’est pas naturel, lamécanique quantique est plus fondamentale que la mécanique classique qui n’est qu’une approximation decelle-ci. Le passage naturel est donc du quantique vers le classique et non l’inverse. Mais comme nous vivonsà une échelle où l’approximation classique est pleinement justifiée, on ne connaît en premier lieu que lesobservables classiques. Il faut donc un moyen de procéder à la quantification. Pour ce faire il existe une règledite de quantification canonique :Le principe est le suivant

V (x, y, z, t) 7→ V (x, y, z, t)×~p 7→ −ı~~∇

où V est une fonction de l’espace et du temps et ~p = m~v la quantité de mouvement classique.Ainsi pour une particule de masse m et charge q dans un champ électromagnétique de potentiels (V, ~A),l’hamiltonien classique

H(~x, ~p) =1

2m(~p− q ~A(~x))2 + qV (~x)

devient l’hamiltonien quantique (l’observable énergie) H ∈ L(L2(R3, dτ)) qui agissant sur un état donne

Hψ(~x) =1

2m(−ı~~∇− q ~A(~x))2ψ(~x) + qV (~x)ψ(~x)

En l’absence de potentiel magnétique ~A = ~0 on trouve

Hψ = − ~2

2m∆ψ + qV ψ

On ne sait pas justifier les règles de quantification canonique, la seule chose que l’on puisse dire est quede les appliquer fournit des résultats cohérents avec l’expérience. Ce n’est bien sûr pas très satisfaisant, etla recherche d’une théorie de quantification est un sujet très actif dans la recherche contemporaine. Aucunedes théories de quantification proposée jusqu’à présent n’est pleinement satisfaisante.

On notera que la règle de quantification canonique est porteuse d’un problème connu comme l’ambiguïté

de quantification. Soit H = L2(R, dx). Les observables quantiques x ∈ L(H) et p = −ı~ ddx ∈ L(H) ne

commutent pas :

[x, p]ψ(x) = xpxψ(x) − pxxψ(x)

= −ı~xψ′(x) + ı~d

dx(xψ(x))

= −ı~xψ′(x) + ı~ψ(x) + ı~xψ′(x)

= ı~ψ(x)

On a donc [x, p] = ı~1 (toujours en notant l’opérateur identité par 1). Au passage nous voyons que le principed’incertitude de Heisenberg est pour ces observables

∆x∆p ≥ ~

2

quelque soit l’état considéré (ceci constitue le principe d’incertitude de Heisenberg “historique”).Revenons au problème de quantification. Considérons l’observable classique A(x, p) = xp. En mécaniqueclassique les observables commutent, donc A(x, p) = xp = px = 1

2 (xp + px) = .... Quelle est alors la bonneobservable quantique : A1 = xp, A2 = px, A3 = 1

2 (xp + px), etc ? Du fait de la non-commutativité de xavec p elles sont toutes différentes. Il n’y a pas de réponse simple à cette question, c’est suivant le contexteet l’expérience que l’on trouve la bonne observable quantique. C’est là l’ambiguïté de quantification. Une“bonne” théorie de la quantification devrait éviter cet écueil.

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16 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

1.2 Interprétations de la mécanique quantique

1.2.1 La parabole du chat de Schrödinger et l’interprétation de l’École de Co-penhague

L’interprétation de la mécanique quantique, en particulier de la structure d’espace vectoriel et du principede projection de Born, est généralement étudiée à travers la parabole du chat de Schrödinger. Il s’agit del’expérience de pensée suivante : On dispose d’un noyau d’Uranium, d’un détecteur de radio-activité, d’unefiole de poison, d’un chat et d’une boîte. On place dans la boîte, le noyau, le chat, et un dispositif chargé debriser la fiole de poison si le détecteur mesure la désintégration du noyau. On ferme la boîte et on supposeque pendant la durée de l’expérience, il y a une chance sur deux pour que l’uranium se désintègre. Lorsqu’onouvre la boîte, on a donc une chance sur deux de trouver le chat en vie, et une chance sur deux de le trouvermort. Il y a donc deux états propres : |vie〉 et |mort〉.La question est quel est l’état du chat juste avant l’ouverture de la boîte ? Suivant la structure d’espacevectoriel, appelé aussi principe de superposition, celui-ci s’écrit formellement :

|boîte fermée〉 =1√2

(|vie〉 + |mort〉)

et suivant le principe de projection de Born, à l’ouverture de la boîte, on mesure l’état du chat, ce quile projette dans l’un des deux états. C’est l’interprétation de la superposition d’états qui pose problème.L’école d’interprétation dominante, dite école de Copenhague, considère qu’il faut interpréter littéralementla superposition d’états : le chat est à la fois mort et vivant, la nature ignore le principe du tiers exclu et ilest possible qu’un système présente simultanément deux états incompatibles (orthogonaux dans l’espace deHilbert).À ce stade, il convient de bien distinguer les probabilités quantiques des probabilités statistiques. En physiquestatistique, on dirait que tant que la boîte est fermée il y a une distribution d’états p telle que pvie = 1

2 etpmort = 1

2 . Cette distribution d’états n’est pas une propriété intrinsèque de la Nature, elle modèlise notreméconnaissance du système, c’est à dire le fait qu’il manque au physicien de l’information. Il y a donc del’information cachée dans la boîte. En mécanique classique, on dirait que l’état du chat dans la boîte est soitvivant soit mort, l’information nous est cachée (le principe du tiers exclu s’applique donc). En mécaniquequantique, il n’y a pas d’information cachée dans la boîte, on connaît l’état du chat :|boîte fermée〉 =1√2

(|vie〉 + |mort〉). La règle de projection de Born, est un processus aléatoire intrinsèque qui change l’état duchat lorsque l’on observe celui-ci. Les probabilités quantiques ne modélisent pas un manque d’information. Lesexpériences d’Aspect portant sur le paradoxe EPR et les inégalités de Bell prouvent qu’il n’a pas d’informationcachée locale en mécanique quantique (c’est à dire d’information cachée dans la boîte du chat de Schrödinger) ;cf. cours d’optique quantique d’E. Lantz.

1.2.2 Les autres interprétations de la mécanique quantique

L’interprétation de Copenhague n’est pas sans poser différents problèmes, en particulier en ce qui concernele principe de projection de Born. Qu’est-ce qui définit une mesure capable de projeter l’état ? Le chat n’est-ilpas en mesure de mesurer lui-même son état et ainsi de le projeter alors que la boîte est encore fermée ? Faut-il l’intervention de la conscience pour projeter l’état (le chat a t-il suffisamment de conscience) ? Ce problèmeest représenté par la parabole de l’ami de Wigner. Wigner réalise une expérience de chat de Schrödinger dansun laboratoire fermé. Un ami de Wigner se tient à la porte du laboratoire. La question est cette fois quel estl’état de Wigner quand la boîte est ouverte mais que la porte du laboratoire est fermée. L’application naïvedes principes de la mécanique quantique donne pour état à Wigner

|porte fermée〉 =1√2

(|Wigner voit le chat vivant〉 + |Wigner voit le chat mort〉)

État qui sera projeté dans l’un des deux états propres lorsque la porte du laboratoire sera ouverte. La para-bole de l’ami de Wigner a conduit à proposer une interprétation “relationniste” où la mécanique quantique nedécrit pas les propriétés d’un objet mais la relation entre deux objets (le système et l’observateur). La réalitéest alors “relative” au choix de l’observateur (un peu comme la vitesse en mécanique classique est relativeau choix de référentiel). La fonction d’onde est alors interprétée comme la description des correlations entrel’observateur et le système observé.

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1.2. INTERPRÉTATIONS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE 17

Les paradoxes de l’interprétation de l’école de Copenhague ont conduit certains physiciens à proposer d’autrestypes d’interprétations. Dans l’interprétation des mondes parallèles d’Everett, il existe deux mondes paral-lèles, l’un dans lequel le chat est vivant dans la boîte fermée, l’autre dans lequel il est mort. Lorsqu’on ouvrela boîte, on découvre simplement dans lequel des deux mondes on se trouve. Dans cette interprétation, il y aune information cachée, mais elle n’est pas dans la boîte, elle est reportée dans l’ensemble de l’univers. Cetteinterprétation est compatible avec les inégalités de Bell, car il n’est pas possible de tester ces inégalités surl’ensemble de l’univers (car il faut être extérieur au système pour les tester). Par contre pour expliquer lesinterférences, on doit supposer que lors des superpositions d’états, les mondes parallèles associés ne sont passéparés et interferfèrent les uns avec les autres, ce qui engendre de nouveaux paradoxes.La dualité onde-corpuscule de de Broglie pose également des problèmes d’interprétation. Ainsi deux parti-cules indiscernables ne sont pas séparables (leurs fonctions d’onde “fusionnent”). Du coup la notion même departicule individuelle n’est pas claire. Cette question a donné lieu à deux cadres d’interprétation. L’interpré-tation de l’onde pilote de Bohm-de Broglie suppose qu’il existe deux entités physiques distinctes, la particulebien corpusculaire qui “flotte” sur un “fluide de probabilités” parcouru par l’onde associée par le principe dedualité. Ainsi dans l’expérience des trous d’Young, l’onde passe par les deux trous et interfère, alors que laparticule, “emportée par celle-ci”, ne passe que par un trou. Mais l’ensemble des particules reforment bienla figure d’interférence car elles sont portées par l’onde (dont les “courants” ne peuvent les porter vers lesfranges sombres). Cette interprétation n’est pas libre de paradoxes. Si le fluide de probabilité est bien décritpar une équation hydrodynamique, celle-ci est gouvernée par un potentiel non local (associé à l’informationcaché de la théorie, les “forces quantiques” agissant sur le fluide). Ainsi dans l’expérience des trous d’Young,les courants de probabilité sont modifiés non-localement par la présence d’un détecteur de particules auniveau d’un trou.L’autre cadre proposé suite à la dualité onde-corpuscule est la famille des interprétations non ontologiques.Il s’agit de considérer que l’ontologie n’a pas de sens en physique quantique, c’est à dire que les objets (lesessences) n’ont pas de réalité. Ainsi le terme de particule ne reflète aucune réalité objective. Il s’agit làd’interprétations idéalistes (au sens de Kant ou de Berkeley), une réalité unique indépendante peut existermais elle est essentiellement inconnaissable.L’interprétation des histoires consistantes de Griffiths consiste à ne pas considérer les événements individuel-lement, mais toute la chaîne temporelle d’événements, appelée “une histoire”. Considérant toutes les histoirescohérentes (consistantes) avec les informations connues, on peut interpréter la mécanique quantique en élimi-nant les paradoxes de l’école de Copenhague. Le prix à payer étant justement la définition de la consistancequi interdit de poser certaines questions (dites inconsistantes). Le fait que des questions naturelles soientinconsistantes constitue alors un nouveau paradoxe. La question “Quel est l’état du chat lorsque la boîte estencore fermée ?” est l’une de ces questions inconsistantes que l’on n’aurait pas le droit de poser.Il existe beaucoup d’interpétations, toutes sont porteuses de paradoxes. Changer d’interprétation ne faitque déplacer le problème. C’est aussi pour cela que beaucoup de physiciens choisissent une interprétationinstrumentaliste : “la physique n’a avoir qu’avec la prédiction expérimentale et ne dit rien sur la réalité dela Nature”.Les différentes interprétations peuvent être caractérisées par quatre questions :

– L’interprétation est-elle déterministe ? Le comportement des systèmes quantiques est-il par nature aléa-toire ou déterminé par l’influence de quelque chose de non mesurable (comme le fluide de probabilité) ?

– Y a t-il de l’information cachée non-locale (hors de la boîte) ?– La fonction d’onde a t-elle une réalité objective (est-ce une essence, un objet physique “concret”) ou

n’est-ce qu’un intermédiaire mathématique ?– La réalité est-elle unique ou existe t-il plusieurs réalités (mondes parallèles, histoires parallèles) ?

Interprétations Déterministe Information Réalité de la Unicité decachée non-locale fonction d’onde la réalité

Copenhague non non non ouiMondes parallèles oui oui non non

Onde pilote oui (mais non local) oui oui ouiHistoires consistantes agnostique non agnostique non

Relationnisme non non oui nonIdéalisme agnostique agnostique non oui

Instrumentalisme agnostique agnostique agnostique agnostique

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18 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

1.3 Observables et transformations

1.3.1 Domaine d’un opérateur

Considérons l’espace des états H = L2(R, dx) (particule sur un axe). Soit ψ(x) = 1√1+x2

.

∫ +∞

−∞|ψ(x)|2dx =

∫ +∞

−∞

dx

1 + x2= [arctanx]+∞

−∞ = π < +∞

ψ ∈ L2(R, dx) est donc bien un état admissible. Mais considérons la fonction xψ :

xψ(x) = xψ(x) =x√

1 + x2

∫ +∞

−∞|xψ(x)|2dx =

∫ +∞

−∞

x2dx

1 + x2=

∫ +∞

−∞

1 + x2 − 1

1 + x2dx = [x− arctanx]+∞

−∞ = +∞

Donc xψ 6∈ L2(R, dx). L’action de l’opérateur x sur l’état ψ n’est pas un état (car on ne peut le normer pouren faire une amplitude de probabilité). On ne devrait donc pas avoir le droit de faire agir x sur ψ. Pourchaque observable, il faut restreindre l’espace des états aux états admissibles.

Définition 4 (Domaine). Soit A ∈ L(H) un opérateur. On appelle domaine de A le sous-espace de H :

DomA = ψ ∈ H tel que Aψ ∈ H

DomA est un espace pré-Hilbertien mais il n’est pas nécessairement topologiquement complet, lorsquec’est le cas on dit que A est un opérateur fermé. Lorsqu’on définit une observable, on doit donner l’expressionde son opérateur mais aussi le domaine sur lequel il est defini. On peut bien sûr pour un opérateur donnéchercher le domaine maximal sur lequel on peut l’étendre. Ainsi les domaines maximaux des opérateursposition et impulsion dans L2(R, dx) sont

Domx = ψ ∈ L2(R, dx)|∫ +∞

−∞x2|ψ(x)|2dx <∞

Domp = ψ ∈ L2(R, dx)|ψ est dérivable,∫ +∞

−∞|ψ′(x)|2dx <∞

Dans certains espaces de Hilbert, les domaines des opérateurs doivent inclure des conditions aux bords.Ainsi dans L2([0, 1], dx), p peut être défini sur le domaine ψ ∈ L2([0, 1], dx)|ψ′ ∈ L2([0, 1], dx), ψ(0) =ψ(1) (conditions aux limites périodiques) ou sur ψ ∈ L2([0, 1], dx)|ψ′ ∈ L2([0, 1], dx), ψ(0) = ψ(1) = 0(conditions aux limites strictes). p défini sur le premier domaine est un opérateur différent de p défini surle second domaine.

Définition 5 (Norme d’un opérateur). Soit A ∈ L(H) un opérateur. On appelle norme de A la quantité

‖A‖ = supψ∈H,ψ 6=0

‖Aψ‖‖ψ‖ = sup

ψ∈H,‖ψ‖=1

‖Aψ‖

Un opérateur A est dit borné si ‖A‖ < +∞. On note B(H) l’ensemble des opérateurs bornés.

Le norme d’un opérateur mesure l’effet maximal qu’a celui-ci sur les états. Par définition on a

A ∈ B(H) ⇐⇒ DomA = H

En dimension finie tous les opérateurs sont bornés, donc tous les domaines sont la totalité de l’espace deHilbert.Par construction on a ‖Aψ‖ ≤ ‖A‖ · ‖ψ‖.

Quelques précautions à prendre avec les opérateurs non-bornés :

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1.3. OBSERVABLES ET TRANSFORMATIONS 19

– la notation de Dirac A =∑+∞i,j=1〈φi|Aφj〉|φi〉〈φj | avec (φi)i=1,...,∞ base de H reste valide (si ∀i,

φi ∈ DomA) mais on n’a pas le droit de l’appliquer à des vecteurs ψ 6∈ DomA car la série ne convergepas :

ψ 6∈ DomA⇒∞∑

i,j=1

|〈φi|Aφj〉〈φj |ψ〉|2 = +∞

– le commutateur [A,B] de deux opérateurs non-bornés est defini seulement sur le domaine conjointDom(AB) ∩ Dom(BA).

Définition 6 (Adjoint d’un opérateur). Soit A ∈ L(H). On appelle adjoint de A, l’opérateur noté A† définisur le domaine

DomA† = ψ ∈ H|∃Cψ ∈ R+∗, ∀φ ∈ DomA, |〈ψ|Aφ〉| ≤ Cψ‖φ‖

et tel que ∀ψ ∈ DomA†, ∀φ ∈ DomA

〈ψ|Aφ〉 = 〈A†ψ|φ〉

Le rôle des adjoints est de renverser le point de vue : avec les opérateurs directs on transforme les états paraction des opérateurs puis on mesure les amplitudes de probabilité dont les fonctionnelles n’ont pas changé ;alors qu’avec les adjoints on transforme les fonctionnelles puis on fait agir le résultat de ces transformationssur les états qui sont resté inchangés. Le théorème de Riesz entraîne que l’adjoint est aussi un opérateur.La définition de DomA† est posée pour que l’inégalité de Cauchy-Schwarz soit vérifiée avec φ et A†ψ assurantque A†ψ ∈ H.Remarque sur les notations de Dirac :

〈ψ|Aφ〉 = 〈A†ψ|φ〉 = 〈ψ|A|φ〉

⇒ A|φ〉 = |Aφ〉 〈ψ|A = 〈A†ψ|

Définition 7 (Opérateur hermitien). Un opérateur A ∈ L(H) est dit hermitien si DomA ⊂ DomA† et

∀ψ ∈ DomA, Aψ = A†ψ

On note A ⊂ A†.

Les opérateurs hermitiens sont les observables physiques naturelles car leur action est symétrique dansle passage des vecteurs aux fonctionnelles. On verra un peu plus loin pourquoi ces opérateurs sont les plusimportants en physique. Néanmoins la dissymétrie des domaines peut être gênante, on introduit alors lanouvelle définition :

Définition 8 (Opérateur autoadjoint). Un opérateur A ∈ L(H) est dit autoadjoint si DomA = DomA† et

∀ψ ∈ DomA, Aψ = A†ψ

On note A = A†.

Exemple : les projecteurs orthogonaux sont des opérateurs autoadjoints, P † = P . Un opérateur hermitienborné est autoadjoint car DomA = DomA† = H (∀ψ, |〈ψ|Aφ〉| ≤ ‖ψ‖ · ‖Aφ‖ ≤ ‖ψ‖ · ‖A‖ · ‖φ‖).

1.3.2 Transformations

Jusqu’ici on n’a considéré que deux types d’entités, les états qui décrivent les propriétés intrinsèques dessystèmes quantiques et les observables qui décrivent les actions de mesures par l’observateur. Mais il y a untroisième type d’entités, les transformations qui correspondent à une modification non active sur le système(modifications qui n’affectent pas intrinséquement le système), comme transporter le système d’un pointvers un autre, ou tourner le système. Une transformation va être décrite par un opérateur U tel que Uψ soitl’état du système après la transformation si avant celle-ci il était dans l’état ψ. Le point important est quesi on transforme le système on ne change pas les probabilités. On doit donc avoir |〈Uφ|Uψ〉|2 = |〈φ|ψ〉|2 (sion “tourne” simultanément le système et l’instrument qui permet d’évaluer les probabilités de transition, onne change pas le résultat de l’évaluation).

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20 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

Définition 9 (Opérateurs unitaires). Un opérateur U ∈ L(H) est dit unitaire si

∀ψ, φ ∈ H, 〈Uφ|Uψ〉 = 〈φ|ψ〉

On note U(H) l’ensemble des opérateurs unitaires.

Il est clair queU ∈ U(H) ⇒ U † = U−1

Une transformation est un opérateur unitaire 1.

Soit Aψ un vecteur après action d’une observable A. Si on transforme le résultat par U ∈ U(H) on a

UAψ = UAU−1Uψ = (UAU †)Uψ

“Tourner” Aψ est équivalent à tourner le système Uψ, “tourner” l’appareil de mesure UAU † et faire agirl’observable “tournée”. L’opérateur transformé est donc UAU †. Si on transforme le système sans transformerl’instrument de mesure on a AUψ et si on fait la transformation inverse après avoir fait agir l’observable, ontrouve U †AUψ. U †AU est donc aussi un opérateur transformé. Il conviendra lorsqu’on parlera d’opérateurtransformé de bien distinguer le cas où on transforme simultanément système et instrument de mesure ducas où on tourne seulement l’un des deux.

Il faut noter que très souvent on n’a pas une transformation unique mais en ensemble de transformationsdont “l’amplitude” est définie par un paramètre (comme pour les rotations autour d’un axe, où le paramètreest l’angle de rotation) :

Définition 10 (Groupe continu de transformations unitaires à un paramètre). On appelle groupe continude transformations à un paramètre, un ensemble G = Uλ ∈ U(H), λ ∈ R tel que

• U0 = 1• UλUµ = Uλ+µ

• U−λ = U †λ = U−1

λ

• ∀φ ∈ H, limλ→µ ‖(Uλ − Uµ)φ‖ = 0 (∀µ ∈ R).

On peut considérer l’opérateur suivant :

A = ı~dUλdλ

∣∣∣∣λ=0

qui est appelé générateur du groupe de transformations.

Propriété 3. Soit Uλ ∈ L(H) une famille d’opérateurs inversibles dérivable. Alors

dU−1λ

dλ= −U−1

λ

dUλdλ

U−1λ

Preuve :

U−1λ Uλ = 1 ⇒

dU−1λ

dλUλ + U

−1λ

dUλ

dλ= 0

On a donc

A† = −ı~ dU−1λ

∣∣∣∣λ=0

= −ı~(

−U−1λ

dUλdλ

U−1λ

)

λ=0

= ı~U−10

dUλdλ

∣∣∣∣λ=0

U−10

= A

puisque U0 = 1. A est donc hermitien.

1. On notera qu’en toute rigueur, puisque la condition physique est |〈Uφ|Uψ〉|2 = |〈φ|ψ〉|2, ce sont les opérateurs unitairesà une phase près (on dit projectivement unitaires) que l’on devrait considérer. On n’insistera néanmoins pas sur ce point ici.

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1.3. OBSERVABLES ET TRANSFORMATIONS 21

Théorème 2 (Théorème de Stone). Soit Uλλ∈R un groupe continu de transformations unitaires à unparamètre, et A = ı~ dUλ

∣∣λ=0

le générateur du groupe. Alors ∀λ ∈ R on a

Uλ = e−ı~−1λA

L’exponentielle d’opérateur est définie par

e−ı~−1λA =

+∞∑

n=0

(−ı~−1λA)n

n!

On peut remarquer que

UλA =

+∞∑

n=0

(−ı~−1λ)n

n!An+1 = AUλ

donc UλAU−1λ = A, le générateur du groupe est invariant sous l’action de celui-ci. C’est là l’importance des

observables hermitiennes, pour toute observable hermitienne il existe un groupe de transformations unitaireslaissant celle-ci invariante, et réciproquement pour tout groupe de transformations unitaires il existe uneobservable hermitienne invariante sous l’action de celui-ci.

Exemple (le groupe de translation de L2(R, dx)) : Soit Uλ le groupe de transformations unitaires générépar p = −ı~ d

dx .

Uλ = e−ı~−1λp

Soit ψ ∈ DomU (ψ ∈ L2(R, dx), et ψ est analytique et donc de classe C∞).

Uλψ(x) = e−ı~−1λpψ(x)

= e−λddxψ(x)

=+∞∑

n=0

(−λ)nn!

dnψ

dxn

= ψ(x) − λψ′(x) +λ2

2ψ′′(x) − λ3

3!ψ′′′(x) + ...

= ψ(x− λ)

Uλψ est donc la fonction d’onde qui a été translatée de λ dans la direction des x > 0. Le générateur dugroupe de translation est donc l’observable impulsion.Toute cette discussion sur les groupes de transformations en mécanique quantique pourra être rapprochéedes discussions autour du théorème de Nœther en mécanique classique.

Soient A et B deux opérateurs de H qui ne commutent pas. [A,B] 6= 0 ⇒ eAeB 6= eA+B. Le théorèmesuivant nous donne des versions faibles de la règle des exponentielles :

Théorème 3. Soient A,B ∈ L(H) deux opérateurs autoadjoints. On a alors• Formule de Trotter : ∀φ ∈ DomA ∩ DomB

limn→+∞

(

eAn e

Bn

)n

φ = eA+Bφ

• Formule de Baker-Campbell-Hausdorff : si dimH < +∞ alors

eAeB = eA+B+ 12 [A,B]+ 1

12 [A,[A,B]]− 112 [B,[A,B]]− 1

24 [B,[A,[A,B]]]+...

1.3.3 Opérateur hermitien vs autoadjoint

En mécanique quantique, en général, on ne considère pas les opérateurs non-hermitiens. En effet ceux-ciprésentent un spectre quelconque dans C n’ayant pas d’interprétation physique. Dit autrement, un opérateurnon-hermitien engendre un groupe continu de transformations non-unitaires. Si l’opérateur en question pré-sente une valeur propre de partie imaginaire positive, alors le groupe de transformations associé fait croître la

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22 CHAPITRE 1. FONDEMENTS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

norme de certains états. Cette norme représentant la probabilité totale, cela n’a pas de sens qu’elle dépasse 1.Par contre pour les systèmes quantiques ouverts présentant une dissipation de leur énergie et de leur matièrepar l’environnement, il existe des modèles faisant intervenir des opérateurs non-hermitiens ne présentant quedes valeurs propres à parties imaginaires négatives. On ne parlera pas de cela dans le cadre de ce cours quise limite aux systèmes quantiques fermés.Les opérateurs hermitiens présentent toujours du spectre réel. Mais si les opérateurs autoadjoints ne pré-sentent que du spectre réel, les opérateurs hermitiens non-autoadjoints possèdent également du spectrecomplexe. Ces opérateurs ne définissent donc pas des groupes de transformations valides. Un exemple per-met de comprendre ce problème. Considérons l’opérateur impulsion p pour une particule sur une droite, alorsDom(p) = ψ ∈ L2(R, dx)|ψ est dérivable, ‖ψ′‖ < +∞. Cet opérateur est autoadjoint. Par contre pour uneparticule dans une boîte, on a Dom(p) = ψ ∈ L2([0, ℓ], dx)|ψ est dérivable, ‖ψ′‖ < +∞, ψ(0) = ψ(ℓ) = 0.Cet opérateur est hermitien mais n’est pas autoadjoint car Dom(p†) = ψ ∈ L2([0, ℓ], dx)|ψ est dérivable, ‖ψ′‖ <+∞. Les conditions aux bords ne sont pas vérifiées pour le domaine adjoint. L’origine de cette situation estsemblable à ce qui se passe en mécanique classique. Pour une particule classique sur une droite, l’impulsionest une constante du mouvement (une intégrale première), par contre ce n’est pas le cas dans une boîte.Lorsque la particule frappe le bord de la boîte, son impulsion est reflétée : ~p → −~p. L’impulsion n’est doncpas une intégrale première, elle n’est donc pas liée à une symétrie Lagrangienne par le théorème de Nœther.Il en est de même en mécanique quantique, le problème des conditions aux bords induit que l’opérateurimpulsion d’une particule dans une boîte n’est pas autoadjoint et n’engendre donc pas un groupe de trans-formations unitaires valable.Un opérateur hermitien non-autoadjoint n’est donc pas une bonne observable quantique pour décrire unsystème.

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Chapitre 2

Position, impulsion, moment cinétique et

énergie en mécanique quantique

2.1 États préparables, accessibles et non-normalisables

Nous revenons ici à la question de l’estimation de l’état du système par une suite (ψn)n obtenue paraméliorations successives des qualités des mesures expérimenales. On avait considéré que l’expérience pouvaitdonner une estimation directe de l’état du système. Or en pratique, du fait de la règle de projection de Born,il est extrêmement difficile de reconstruire la fonction d’onde en procédant à des mesures expérimentales(même si un procédé appelé tomographie quantique permet de le faire). Il est plus probable que des séries demesures ne permettent que d’estimer des probabilités de transition. On supposera donc que l’ensemble dessuites ℓφ(ψn) = 〈φ|ψn〉 sont disponibles. On restreindra néanmoins la suite (ψn)n à une classe particulièred’états. Les instruments de mesure réalistes ne sont pas capables de procéder à des mesures sur un domaineinfini, mais seulement dans un voisinage de ses détecteurs. Si on considère le renversement de point de vue,de ℓφ ∈ H∗ vers φ ∈ H, le pendant de cette remarque est qu’un dispositif expérimental réaliste n’est pascapable de préparer un système quantique dans un état qui “s’étale à l’infini”, mais seulement des étatsfortement localisés dans le voisinage du dispositif. On distinguera donc les états préparables, dont l’ensemblesera noté S, des états accessibles au système à savoir la totalité de H. Avec H = L2(R, dx) on peut identifierS à l’espace de Schwartz (fonctions qui décroissent rapidement vers 0 en l’infini) :

S = ψ ∈ L2(R, dx)|∀n, p ∈ N, limx→±∞

∣∣∣∣xpdnψ(x)

dxn

∣∣∣∣= 0

Ayant défini les états préparables, on suppose donc que l’on dispose des suites ℓφ(ψn) = 〈φ|ψn〉, ∀φ ∈ S et∀n ψn ∈ S. On suppose qu’après un suffisamment grand nombre d’améliorations des mesures, les résultatsde l’estimation des probabilités de transition restent constant à la précision que l’on s’est donné :

∀ǫ > 0, ∀φ ∈ S, ∃nǫ,φ ∈ N∗, ∀n > p ≥ nǫ,φ, |〈φ|ψn − ψp〉| < ǫ

Comme dans le cas du premier chapitre, on souhaiterait qu’il existe un état |ψ⋆〉 tel que

∀φ ∈ S, limn→+∞

〈φ|ψn〉 = 〈φ|ψ⋆〉

ce qui dans l’exemple avec H = L2(R, dx) donnerait

∀φ ∈ S, limn→∞

∫ +∞

−∞φ(x)ψn(x)dx =

∫ +∞

−∞φ(x)ψ⋆(x)dx

Néanmoins, en général il n’existe aucun état ψ⋆ qui vérifie cela dans H. On peut voir ceci par un contre-exemple :

ψn(x) =

n si x ∈ [− 12n ,

12n ]

0 sinon

23

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24CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

‖ψn‖ =

√∫ 1/(2n)

−1/(2n)

n2dx =√n⇒ lim

n→+∞‖ψn‖ = +∞

Il est donc clair que (ψn)n n’a pas de limite dans L2(R, dx), mais ∀φ ∈ S

〈φ|ψn〉 = n

∫ 1/(2n)

−1/(2n)

φ(x)dx = n(Φ(1

2n) − Φ(− 1

2n))

où Φ est une primitive de φ.

limn→+∞

〈φ|ψn〉 = lima→0

Φ(a2 ) − Φ(−a2 )

a= φ(0)

c’est à dire

limn→∞

∫ +∞

−∞φ(x)ψn(x)dx = φ(0)

Il est donc clair que|ψ⋆〉 = δ(x)

Donc (ψn)n converge au sens des probabilités de transition (on dit converge faiblement) vers une distri-bution singulière.D’une manière générale, les états préparables de S qui sont des suites de Cauchy faibles, convergent faible-ment dans S′ l’ensemble des distributions antilinéaires tempérées. Ces états hors de H sont nommés étatsnon-normalisables. S ⊂ H ⊂ S′ est appelé un triplet de Gel’fand (ou espace de Hilbert rigidifié). Ondit aussi que S′ est le dual topologique de S. Les états non-normalisables ne sont pas des états physiquespuisque par définition on ne peut pas définir d’amplitude de probabilités de présence avec eux. Ce ne sont quedes idéalisations d’états (lorsque l’état réel du système est ψn avec n grand). Ainsi l’état non-normalisable|x0〉 = δ(x − x0) est l’idéalisation d’un paquet d’ondes centré sur x0 et dont on néglige la largeur ; et l’étatnon-normalisable |p〉 = |e−ı~−1px〉 (onde plane, il s’agit d’une distribution régulière d’une fonction qui n’estpas dans L2) est l’idéalisation d’un paquet d’ondes très large lorsqu’on néglige les effets de bord.De la même façon on peut définir S∗ ⊂ H∗ ⊂ S× où S× est l’ensemble des distributions linéaires tempérées(fonctionnelles linéaires faiblement continues).

Il est important de revenir sur les notations de Dirac, si ψ ∈ H (état accessible), on peut écrire ψ = |ψ〉où le ket désigne un élément de H∗∗. Par contre pour |ψ〉 ∈ S′, il est impropre d’écrire ψ = |ψ〉 et mêmed’écrire simplement ψ, car le ket désigne ici une distribution. Or les distributions n’ont pas sens en dehorsd’une intégrale. D’ailleurs, si |ψ〉 ∈ S′ et φ ∈ H, 〈φ|ψ〉 ne désigne pas en toute rigueur un produit scalaire,mais l’action de la distribution |ψ〉 sur φ. Enfin, pour |ψ〉 ∈ S′ et 〈φ| ∈ S× il faut bien comprendre quel’expression 〈φ|ψ〉 n’a aucun sens (on ne peut pas faire agir une distribution sur une autre distribution).L’interprétation des bras comme des applications qui à un état associe l’amplitude de probabilité d’un éve-nement élémentaire dans cet état reste valable. Considérons 〈x| ∈ S×, alors |〈x|ψ〉|2dx = |ψ(x)|2dx est laprobabilité de trouver le système en position x (à une incertitude infinitésimale dx près).

En dimension finie cette discussion n’a pas lieu d’être, tout état est normalisable et les suites de Cauchyfaibles sont aussi suites de Cauchy fortes et convergent donc dans H.

2.2 Les représentations continues

2.2.1 La représentation |x〉On se place dans H = L2(R, dx) et on considère les états non-normalisables |x〉 ∈ S′ et 〈x| ∈ S× définis

comme des distributions de Dirac : ∀ψ ∈ H

〈x|ψ〉 =

∫ +∞

−∞δ(x′ − x)ψ(x′)dx′ = ψ(x)

〈ψ|x〉 =

∫ +∞

−∞ψ(x′)δ(x′ − x)dx′ = ψ(x)

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2.2. LES REPRÉSENTATIONS CONTINUES 25

Il est intéressant de noter que ∀ψ, φ ∈ H

〈φ|ψ〉 =

∫ +∞

−∞φ(x)ψ(x)dx =

∫ +∞

−∞〈φ|x〉〈x|ψ〉dx

On pourrait donc écrire une “fausse relation de fermeture”

∫ +∞

−∞|x〉〈x|dx = 1

mais on remarquera que cette expression n’a de sens que si on l’a fait agir à gauche et à droite sur desvecteurs. Enfin pour une opérateur A ∈ L(H) on peut écrire

〈φ|Aψ〉 =

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞〈φ|x〉〈x|A|y〉〈y|ψ〉dxdy

ce qui tendrait à permettre d’écrire

A =

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞〈x|A|y〉|x〉〈y|dxdy

On dit qu’il s’agit de la représentation |x〉 de l’opérateur A, où 〈x|A|y〉 serait une fonction de deux variablesappelée le noyau intégral de A. Malheureusement le noyau intégral est bien défini comme une fonctionseulement pour une toute petite classe d’opérateurs que l’on appelle les opérateurs de Hilbert-Schmidt. Onnote T2(H) la classe de Hilbert-Schmidt. T2(H) est un sous-ensemble de l’ensemble des opérateurs compactsC(H) (opérateurs qui sont limites de suites d’opérateurs de rang fini), lui-même sous-ensemble de l’ensembledes opérateurs bornés B(H) (T2(H) ⊂ C(H) ⊂ B(H) ⊂ L(H)). La plupart des opérateurs utiles en mécaniquequantique ne sont pas compacts. Pour voir ce qu’il se passe dans le cas général, considérons le noyau intégralassocié à l’opérateur position x.

〈φ|xψ〉 =

∫ +∞

−∞φ(x)xψ(x)dx

Par conséquent〈x|x|y〉 = xδ(y − x)

Le noyau intégral n’est donc pas une fonction mais à nouveau une distribution. Il vient que la représention|x〉 de x est

x =

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞xδ(y − x)|x〉〈y|dxdy

Même s’il peut être pratique d’écrire ce genre de chose, il faut bien remarquer que ce produit de troisdistributions n’a que très peu de sens et est à prendre et à manipuler avec beaucoup de précautions. Onpeut de plus écrire du fait de la “diagonalité induite par δ(y − x)”, après une succession d’abus de notationque la représentation |x〉 de x est

x =

∫ +∞

−∞x|x〉〈x|dx

Pour p :

〈φ|pψ〉 = −ı~∫ +∞

−∞φ(x)ψ′(x)dx = −ı~

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞φ(x)δ′(y − x)ψ(y)dydx

donc

p = −ı~∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞δ′(y − x)|x〉〈y|dxdy

2.2.2 La représentation |p〉Soit ψ ∈ L2(R, dx), on pose ψ sa transformée de Fourier

ψ(p) =1√2π~

∫ +∞

−∞e−ı~

−1pxψ(x)dx

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26CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

D’après le théorème de Parseval-Plancherel : ∀ψ, φ∫ +∞

−∞φ(x)ψ(x)dx =

∫ +∞

−∞φ(p)ψ(p)dp

La transformée de Fourier se comporte donc comme une transformation unitaire F de L2(R, dx) versL2(R, dp) (Fψ = ψ). La transformation inverse étant

(F−1ψ)(x) =1√2π~

∫ +∞

−∞eı~

−1pxψ(p)dp = ψ(x)

ψ est l’amplitude de probabilité d’impulsion de la particule, i.e. la probabilité pour que l’impulsion de laparticule soit comprise dans [p1, p2] est

P (p ∈ [p1, p2]) =

∫ p2

p1

|ψ(p)|2dp

ψ est appelé la représentation |p〉 de ψ et on a

ψ(p) = 〈p|ψ〉 〈p| = 〈eı~−1px| ∈ S×

Avec toutes les précautions liées à l’usage d’états non-normalisables, on peut écrire avec |p〉 = |e−ı~−1px〉 ∈ S′

〈φ|ψ〉 = 〈φ|ψ〉 =

∫ +∞

−∞〈φ|p〉〈p|ψ〉dp

et la fausse relation de fermeture ∫ +∞

−∞|p〉〈p|dp = 1

On peut introduire la représentation |p〉 d’un opérateur

A = FAF−1 =

∫ +∞

−∞〈p|A|q〉|p〉〈q|dpdq

et même écrire la transformée de Fourier comme

F =1√2π~

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞e−ı~

−1px|p〉〈x|dxdp

avec les mêmes commentaires que pour la représentation |x〉.

Soit p l’opérateur impulsion. Par une intégration par partie, on a

(F pψ)(p) = − ı~√2π~

∫ +∞

−∞e−ı~

−1pxψ′(x)dx

=1√2π~

∫ ∞

−∞pe−ı~

−1pxψ(x)dx

= p(Fψ)(p)

On en déduit que la représentation |p〉 de p est

ˇp = F pF−1 =

∫ +∞

−∞p|p〉〈p|dp

de mêmeˇx = F xF−1 = −ı~−1

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞δ′(q − p)|p〉〈q|dpdq

C’est à direˇpψ(p) = pψ(p)

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2.3. ANALYSE SPECTRALE 27

ˇxψ(p) = −ı~dψdp

Les rôles des opérateurs position et impulsion sont inversés dans l’espace de Fourier.

〈φ|pψ〉 = 〈φ| ˇpψ〉

=

∫ +∞

−∞φ(p)pψ(p)dp

=1

2π~

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞peı~

−1p(y−x)φ(y)ψ(x)dpdxdy

Cette dernière expression permet d’écrire d’une autre façon p en représentation |x〉 :

p =1

2π~

∫ +∞

−∞

∫ +∞

−∞

(∫ +∞

−∞peı~

−1p(y−x)dp

)

|y〉〈x|dxdy

2.3 Analyse spectrale

2.3.1 Spectre d’une observable

On a vu l’importance qu’avait le spectre d’une observable, à savoir l’ensemble des résultats possiblesd’une mesure réalisée avec l’instrument associé à l’observable. Nous allons définir de façon plus rigoureusela notion de spectre.

Définition 11 (Spectre). Soit A ∈ L(H) une observable autoadjointe. On appelle spectre de A, l’ensemble desnombres réels Sp(A) tel que ∀λ ∈ Sp(A), il existe une suite (φλ,n)n∈N d’états normés de DomA convergeantfaiblement qui vérifie

limn→+∞

‖(A− λ)φλ,n‖ = 0

(φλ,n)n est appelée suite de Weyl associée à λ.

La suite de Weyl est une suite qui approche le vecteur propre, au sens où des mesures expérimentalesaméliorées successivement et portant sur les probabilités de transition (convergence faible) donnerontpour estimations de l’état, une suite de Weyl. Il convient néanmoins de distinguer deux cas :

Définition 12 (Spectre purement ponctuel et spectre continu). Soit λ ∈ Sp(A) et φλ,⋆ tel que Aφλ,⋆ = λφλ,⋆(un vecteur propre associé). Alors

– si φλ,⋆ ∈ H est un état accessible (normalisable), alors on dit que λ est dans le spectre pur point de A ;– si φλ,⋆ ∈ S′ est un état non-normalisable, alors on dit que λ est une valeur spectrale du spectre continu

de A.On note Sppp(A) et Spcont(A) les spectres pur point et continu de A, Sppp(A) ∪ Spcont(A) = Sp(A).

Comme leurs noms le laissent entendre, le spectre pur point est formé d’un ensemble non dense de pointsdans R alors que le spectre continu forme des continua dans R.

On remarquera que dans le cas du spectre continu, la suite de Weyl converge faiblement vers 0. En effetsoit (φλ,n)n une suite convergeant faiblement vers un état non-normalisable

∀ψ, limn→+∞

〈ψ|φλ,n〉 = 〈ψ|φλ,⋆〉

limn→+∞

‖φλ,n‖ = +∞

mais telle que

limn→+∞

‖(A− λ)φλ,n‖‖φλ,n‖

= 0

alors la suite φλ,n =φλ,n

‖φλ,n‖est une suite de Weyl, car elle est normée. De plus elle converge faiblement vers

0 :

limn→+∞

〈ψ|φλ,n〉‖φλ,n‖

=〈ψ|φλ,⋆〉

+∞ = 0

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28CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

Exemple : p dans L2(R, dx).

−ı~ d

dxe−ı~

−1px = pe−ı~−1px

Cette équation étant vraie ∀p ∈ C. On ne peut néanmoins pas en conclure que tout nombre complexe estvaleur spectrale de p. Soit

ψn,p0(p) =

n si p ∈ [p0 − 12n , p0 + 1

2n ]

0 sinon

avec p0 ∈ R. (ψn,p0 = F−1ψn,p0) converge faiblement vers e−ı~−1p0x car ψn,p0 converge faiblement vers

δ(p− p0). De plus ‖ψn,p0‖ =√n, donc

limn→+∞

‖(p− p0)ψn,p0‖‖ψn,p0‖

= limn→+∞

√√√√

∫ p0+ 12n

p0− 12n

(p− p0)dp = 0

Donc (ψn,p0/‖ψn,p0‖)n est une suite de Weyl associée à p0. On en conclut que p0 ∈ Sp(p).Si p ∈ C \R était une valeur spectrale, alors e−ı~

−1px devrait être un état non-normalisable. La fonction estbien non-normalisable mais pour ψ(x) = 1√

1+x2on a

∫ +∞

−∞ψ(x)e−ı~

−1ℜ(p)xe~−1ℑ(p)xdx = +∞

car le terme e~−1ℑ(p)x diverge en x→ sgn(ℑp)∞ plus vite que ne converge ψ vers 0. Mais si e−ı~

−1px était unétat non-normalisable, il existerait une suite faiblement convergeante vers lui, ce qui est impossible puisqueson action sur φ est divergente (un état non-normalisable n’induit pas des probabilités de transitions infi-nies !). e−ı~

−1px 6∈ S′. Donc p 6∈ Sp(p).Finalement, Spcont(p) = R et Sppp(p) = ∅ ; C \ R ne fait pas partie du spectre.

À ce stade, on peut résumer les interprétations des bras et des kets. On se place dans L2(R, dx) et onconsidère H opérateur hamiltonien avec φ vecteur propre de H associé à λ0 ∈ Sppp(H) et |ζ〉 vecteur proprenon-normalisable associé à λ ∈ Spcont(H). Soit ψ l’état du système.

– Kets : états accessibles ou idéalisés du système :– |φ〉 ∈ H : état d’énergie λ0,– |x〉 ∈ S′ : idéalisation d’un paquet d’ondes très resserré dont on néglige la largeur,– |p〉 ∈ S′ : idéalisation en onde plane d’un paquet d’ondes très étalé dont on néglige les effets de bord,– |ζ〉 ∈ S′ : idéalisation d’un état dont l’énergie est entre λ et λ + ∆λ lorsqu’on néglige l’incertitude

∆λ ;– Bras : fonctionnelles fournissant les amplitudes de probabilités des événements élémentaires :

– 〈φ| ∈ H∗ : |〈φ|ψ〉|2 probabilité de transition de l’état ψ vers l’état φ lors de la mesure de l’énergiedu système (probabilité de trouver une énergie de λ0 si on mesure celle-ci),

– 〈x| ∈ S× : |〈x|ψ〉|2dx probabilité de trouver le système dans l’intervalle [x, x + dx] si on mesure saposition,

– 〈p| ∈ S× : |〈p|ψ〉|2dp probabilité de trouver l’impulsion du système dans l’intervalle [p, p+ dp] si onmesure celle-ci,

– 〈ζ| ∈ S× : 〈ζ|ψ〉|2dλ probabilité de trouver l’énergie du système dans l’intervalle [λ, λ + dλ] si onmesure celle-ci.

Les états propres associés à Sppp(H) sont généralement appelés des états liés et les états non-normalisablesassociés à Spcont(H) des états se propageant ou états de diffusion. Cette terminologie vient de l’inter-prétation des ces états pour les systèmes atomiques et moléculaires. Les états liés d’un atome correspondentaux états où l’électron est en “orbite” autour du noyau. Ces états sont associés au spectre pur point généra-lisation de la règle de quantification de Bohr de l’atome d’hydrogène. Les états de diffusion sont associés àl’ionisation de l’atome, l’électron est libre de s’échapper de l’attraction électrostatique de l’atome. De mêmeles états liés pour une molécule correspondent à une liaison chimique établie, alors que les états de diffusioncorrespondent à la molécule dissociée (les fragments de la molécule sont libres de s’éloigner l’un de l’autre).

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2.3. ANALYSE SPECTRALE 29

2.3.2 Calcul fonctionnel

Soit A ∈ L(H) un opérateur auto-adjoint. Soit Sppp(A) = λjj=1,...,jmax son spectre pur point (le casjmax = +∞ n’est pas exclu). On note (|j, n〉)n=1,...,nj une base orthonormée du sous-espace propre associéà λj (nj est la multiplicité de λj). Pour λ ∈ Spcont(A), on note E[λ−ǫ,λ+ǫ] ⊂ H l’espace des états tels que∀ψ ∈ E[λ−ǫ,λ+ǫ], il existe une fonction f(λ) telle que

∀φ ∈ H, 〈φ|ψ〉 =

∫ λ+ǫ

λ−ǫf(λ)〈φ|λ〉dλ

où |λ〉 ∈ S′ sont des états non-normalisables associés à λ. On pourrait écrire improprement

ψ =

∫ λ+ǫ

λ−ǫf(λ)|λ〉dλ

Soit P[λ−ǫ,λ+ǫ] le projecteur orthogonal sur le sous-espace E[λ−ǫ,λ+ǫ]. Enfin on pose

dPλ = P[λ− 12dλ,λ+ 1

2dλ]

On peut alors écrire

A =

jmax∑

j=1

nj∑

n=1

λj |j, n〉〈n, j| +∫

Spcont(A)

λdPλ

Cette expression porte le nom de représentation spectrale de A. Souvent on peut voir la notation suivante :

dPλ ≃ |λ〉〈λ|ρ(λ)dλ

où |λ〉 ∈ S′ est un état propre non-normalisable associé à λ et où la fonction ρ(λ) dite densité d’étatsd’énergie λ est une sorte de “degré continu” de dégénéréscence (ρ(λ)dλ est le nombre d’états d’énergie λ àdλ près). On a alors

A ≃jmax∑

j=1

nj∑

n=1

λj |j, n〉〈n, j| +∫

Spcont(A)

λ|λ〉〈λ|ρ(λ)dλ

Cette notation est plus symbolique qu’autre chose. Néanmoins, on peut noter qu’il existe un opérateur(λ) = dPλ

dλ (qui n’est pas un projecteur orthogonal) tel que

A =

jmax∑

j=1

nj∑

n=1

λj |j, n〉〈n, j| +∫

Spcont(A)

λ(λ)dλ

Il arrive que les quantités utiles ne soient pas directement celles qui sont mesurées expérimentalement,mais des fonctions de celle-ci. Ces fonctions sont de nouvelles observables à qui doivent être associés de nou-veaux opérateurs “fonction” des opérateurs associés aux mesures (comme les fonctions de variables aléatoiresen probabilités classiques). C’est la représentation spectrale qui permet de définir les fonctions d’opérateurs.Soit A ∈ L(H) une observable autoadjointe et f une fonction à variable réelle telle que Sp(A) ⊂ Domf .Alors on définit l’opérateur f(A) comme

f(A) =

jmax∑

j=1

nj∑

n=1

f(λj)|j, n〉〈n, j| +∫

Spcont(A)

f(λ)dPλ

On peut vérifier que– si f est un polynôme, f(x) =

∑ni=0 aix

i alors f(A) =∑ni=0 aiA

i ;– si f est la fonction exponentielle, f(x) = ex alors f(A) = eA =

∑∞n=0

An

n! ;– si f est la fonction inverse, f(x) = 1

x alors f(A) = A−1 (Sp(A) ⊂ Domf implique que A est inversible) ;– si f est la fonction racine, f(x) =

√x alors f(A)2 = A et on note f(A) =

√A (Sp(A) ⊂ Domf implique

que Sp(A) est positif).Exemple :

p =

∫ +∞

−∞~kdPk ⇒ − ~2

2m

d2

dx2=

p2

2m=

∫ +∞

−∞

~2k2

2mdPk =

∫ +∞

0

~2k2

2mdPk

avec dPk = dPk + dP−k et dPk ≃ |eıkx〉〈eıkx|dk. Donc Sp(− ~2

2md2

dx2 ) = [0,+∞[.

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30CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

2.3.3 La résolvante

Définition 13 (Résolvante). Soit A ∈ L(H) un opérateur auto-adjoint. On appelle résolvante de A, lafonction de variable complexe et à valeurs opérateurs C ∋ z 7→ RA(z) = (z −A)−1 ∈ L(H).

La résolvante est directement liée au spectre de A par la relation 1 :

RA(z) ∈ B(H) ⇐⇒ z ∈ C \ Sp(A)

Autrement dit, le spectre de A est constitué des pôles et des singularités de la résolvante de A. Ainsi denombreuses formules ou méthodes en mécanique quantique font intervenir la résolvante plutôt que l’opérateurlui-même. La plus importante est la suivante :

Propriété 4 (Formule de Riesz). Soit A un opérateur autoadjoint et λ ∈ Sppp(A) une valeur propre de Aisolé. Soit RA(z) = (z − A)−1 la résolvante de A (λ est un pôle de RA(z)). Le projecteur spectral associé àλ (le projecteur sur le sous-espace propre associé à λ) est le résidu de RA(z) en λ :

Pλ =1

2πı

CλRA(z)dz

pour tout chemin fermé Cλ dans C, orienté dans le sens direct, entourant λ et n’entourant aucune autrevaleur propre de A.

Preuve : On pose Sppp(A) = λ, µ1, µ2, ... et

A = λPλ +X

i

µiPi +

Z

Spcont(A)

µdPµ

Par le calcul fonctionnel on a

RA(z) =1

z − λPλ +

X

i

1

z − µiPi +

Z

Spcont(A)

1

z − µdPµ

| z

RA(z)

H

CλRA(z)dz = 0 car RA(z) est clairement holomorphe sur le domaine délimité par Cλ. Il ne reste qu’a

constater que le résidu de 1z−λ

est 1.

Si la valeur propre λ n’est pas isolée dans le plan complexe, il existe une autre formule (que l’on nedémontrera pas) :

∀φ ∈ H, Pλφ = limǫ→0±

ıǫRA(λ+ ıǫ)φ

2.4 Théorie du moment cinétique

2.4.1 Le spin

On caractérise les particules à l’aide de quantités physiques mesurables. La distinction entre deux parti-cules de nature différente (comme entre un proton et un électron) se fait par rapport à ces quantités, c’est àdire que deux particules sont de natures différentes si et seulement si ces quantités caractéristiques sont diffé-rentes. Ces quantités, appelées nombres quantiques internes, ne doivent donc pas dépendre de l’état danslequel se trouve la particule, ni du “référentiel” dans lequel on la regarde. Ainsi de telles quantités doivent êtreinvariantes par rotation et translation. Rigoureusement, comme la relativité restreinte est plus fondamentaleque le relativité galiléenne, c’est par translation et rotation d’espace-temps (ce que l’on appelle les transfor-mations de Lorentz-Poincaré, cf. cours de relativité) que doivent être invariantes ces quantités. La théoriemathématique qui décrit les symétries, la théorie des groupes, montre que les états invariants sous de tellestransformations sont caractérisés par deux nombres m et s tels que m ∈ R et s ∈ 0, 1

2 , 1,32 , 2,

52 , 3, ... = 1

2N.On identifie m à la masse des particules (on ajoute alors la condition m ≥ 0), le nombre s est appelé spin.Le spin a été caractérisé expérimentalement par l’expérience de Stern-Gerlach : un jet de particules neutresest envoyé dans une cavité où règne un champ magnétique non-uniforme et statique. On constate que les

1. la résolvante est même holomorphe sur tout domaine simplement connexe (un seul tenant et pas de trou) de C necomportant pas de spectre de A

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2.4. THÉORIE DU MOMENT CINÉTIQUE 31

particules en question sont déviées dans deux directions symétriques par rapport à l’axe du jet. On en déduitque les particules sont dotées d’un moment magnétique intrinsèque qui n’existe que dans deux directions del’espace (haut et bas), c’est le spin (ici de valeur 1

2 et avec deux projections possibles sur l’axe du champmagnétique, + 1

2 pour haut et − 12 pour bas.).

Le spin est donc une quantité mesurable qui s’identifie pour les particules couplées au champ électromagné-tique à un moment magnétique intrinsèque (~s correspondant au module de ce moment magnétique, ce n’estpas une observable quantique – voir la suite –).

Dans le cas d’une particule de masse non-nulle m > 0, l’espace des états d’une particule de spin s, quel’on notera Hs, est de dimension 2s+ 1 avec pour base orthonormée de l’espace des états de spin :

(|s,ms〉,ms = −s,−s+ 1, ..., s− 1, s)

La quantité mesurable expérimentalement est ~ms, ms est appelée projection de spin (c’est la valeur du mo-ment angulaire magnétique projeté sur l’axe du champ magnétique utilisé pour mesurer le spin). L’état despin |s,ms〉 correspond à une particule de spin s dans un état où sa projection de spin vaut ms, s caractérisele type de particule, alors que ms caractérise son état.

Pour les particules de masse nulle la projection de spin ne peut prendre que deux valeurs, ms = ±s, iln’y a donc que deux états de spin |s,+s〉 et |s,−s〉.Ainsi, on classe les particules en deux familles distinctes, les particules massives et les particules non-massives.Ces deux familles correspondent à deux comportements différents des particules vis-à-vis de la mesure deleur projection de spin. Ainsi il est important de remarquer que les particules de masse nulle ne sont pas lalimite à m→ 0 des particules massives.

Postulat 5 (Principe d’exclusion de Pauli). Deux particules de spin demi-entier de même nature d’un mêmesystème ne peuvent en aucun cas être dans le même état, alors que deux particules de spin entier le peuvent.

Le principe d’exclusion de Pauli est posé pour expliquer la répartition en couches des électrons sur unatome. Sans ce principe, les électrons s’accumuleraient sur l’état fondamental, et la formation de liaisonschimiques stables serait impossible. De plus c’est l’effet dominant dans la non interpénétration des nuagesélectroniques des atomes formant des corps solides (il est plus fort que la simple répulsion électrostatique).Il est donc à l’origine des réactions de support solide à l’échelle macroscopique.

Suivant si s est entier ou demi-entier, le comportement des particules est très différent. Ceci nous donneune deuxième classification :

Définition 14 (Bosons et fermions). On appelle une particule de spin entier boson, et une particule de spindemi-entier fermion.

Définition 15 (Matrices de Pauli). On appelle matrices de Pauli, les matrices :

σ1 =

(0 11 0

)

σ2 =

(0 −ıı 0

)

σ3 =

(1 00 −1

)

Pour une particule de spin 12 l’observable caractérisant la mesure de la projection de spin est Sz = ~

2σ3.Les observables Sx = ~

2σ1 et Sy = ~

2σy correspondent à la mesure du spin dans des directions différentesde l’axe principal z. Ce choix d’axe principal est purement arbitraire et est associé à la façon dont sontpréparées initialement les particules (direction de polarisation initiale). Une autre observable importante estS2 = S2

x + S2y + S2

z qui mesure “le carré” du spin. D’une manière générale on a :

Définition 16 (Observables de spin). On appelle carré de spin et projection de spin les observables S2 etSz de L(Hs) définies par

Sz|s,ms〉 = ~ms|s,ms〉S2|s,ms〉 = ~

2s(s+ 1)|s,ms〉Les autres observables peuvent aussi être généralisées :

Définition 17 (Algèbre su(2)). On appelle algèbre su(2) un ensemble d’observables engendré par troisobservables (Sx, Sy, Sy) telles que

[Sx, Sy] = Sz [Sy, Sz] = Sx [Sz, Sx] = Sy

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32CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

En tant qu’opérateurs de Hs ce sont les observables de spin d’une particule de spin s 2.

Une particule de spin 12 , comme un électron, aura donc ses états à la fois caractérisés par une amplitude

de probabilité de présence et par une projection de spin. L’espace des états de probabilité de présence esttoujours L2(R3, dxdydz) et celui des projections de spin est C2. L’espace total des états est donc H =L2(R3, dxdydz) ⊗ C2 dont les éléments sont de la forme :

ψ(x, y, z) =

(ψ+(x, y, z)ψ−(x, y, z)

)

où ψ+ est l’amplitude de probabilité de présence de l’électron sachant que sa projection de spin est +~

2 ,ψ− est l’amplitude de probabilité de présence de l’électron sachant que sa projection de spin est −~

2 . ψ estappelé un spineur.La probabilité de trouver l’électron dans une région Ω de l’espace est

p(Ω) =

∫ ∫ ∫

Ω

(|ψ+(x, y, z)|2 + |ψ−(x, y, z)|2)dxdydz

La probabilité de trouver la projection de spin de l’électron égale à +~

2 est

p+ =

∫ ∫ ∫

R3

|ψ+(x, y, z)|2dxdydz

La probabilité de trouver l’électron dans une région Ω de l’espace avec une projection de spin égale +~

2 est

p+(Ω) =

∫ ∫ ∫

Ω

|ψ+(x, y, z)|2dxdydz

2.4.2 Moments cinétiques atomiques et moléculaires

On considère l’espace des états H = L2(S2, dθdϕ4π ) des fonctions de carré intégrable sur la sphère S2 muniedes coordonnées sphériques (θ, ϕ). Cet espace des états peut être associé à :

– un rotateur moléculaire : H décrit les états d’orientation de la molécule dans l’espace (on la supposeradiatomique pour simplifier) ;

– un électron atomique : H décrit les densités de probabilités de présence angulaire de l’électron autourdu noyau.

L’espace des états correpondant à des états d’orientation, les mouvements associés sont des rotations etl’observable classique caractéristique est le moment cinétique ~L =

−−→OM ∧ ~p (où O est le centre de masse de

la molécule ou la position du noyau atomique, et M est la position d’un atome de la molécule ou celle del’électron). L’observable quantique moment cinétique est donnée par la règle de quantification canonique :

Définition 18 (Observable moment cinétique). L’observable moment cinétique est l’opérateur de L2(R3, dxdydz)défini par

~L = ~r ∧ ~p

= −ı~

y ∂∂z − z ∂

∂y

z ∂∂x − x ∂

∂z

x ∂∂y − y ∂

∂x

On en fait une observale de L2(S2, dθdϕ4π ) en passant en coordonnées sphériques (x = r sin θ cosϕ, y =r sin θ sinϕ, z = r cos θ) :

~L = ı~

sinϕ ∂∂θ + cotan θ cosϕ ∂

∂ϕ

− cosϕ ∂∂θ + cotan θ sinϕ ∂

∂ϕ

− ∂∂ϕ

(le vecteur est toujours écrit dans la base cartésienne). On peut de plus introduire l’opérateur

L2 = L2x + L2

y + L2z = −~

2

(1

sin θ

∂θ

(

sin θ∂

∂θ

)

+1

sin2 θ

∂2

∂ϕ2

)

2. plus rigoureusement on dit que Hs est la représentation irréductible de dimension 2s+ 1 de l’algèbre su(2).

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2.4. THÉORIE DU MOMENT CINÉTIQUE 33

Figure 2.1 – |Ylm(θ, ϕ)|2 : densités de probabilité sur la sphère S2 pour les harmoniques sphériques de l = 1à l = 10 (de haut en bas) et de m = 0 à m = l (de gauche à droite). N.B. : Yl,−m(θ, ϕ) = (−1)mYlm(θ, ϕ)∗

Propriété 5.

[Lx, Ly] = ı~Lz [Ly, Lz] = ı~Lx [Lz, Lx] = ı~Ly

ce que l’on peut réécrire~L ∧ ~L = ı~~L

Les opérateurs moments cinétiques forment donc l’algèbre su(2). dimL2(S2, dθdϕ4π ) = +∞ il ne peut pass’identifier à une unique espace Hl (avec les mêmes notations qu’au chapitre précédent). En fait

L2(S2,dθdϕ

4π) =

+∞⊕

l=0

Hl

La somme directe “⊕” signifiant que tout état de L2(S2, dθdϕ4π ) est une combinaison linéaire d’états de Hll∈N

et que le seul vecteur commun aux espaces sommés est 0. La somme est prise sur les entiers, les espacesd’indices demi-entiers ne participent pas. On a donc une base (|l,m〉)l∈N,m=−l,...,+l de L2(S2, dθdϕ4π ) telle que

L2|l,m〉 = ~2l(l+ 1)|l,m〉

Lz|l,m〉 = ~m|l,m〉Les fonctions Ylm(θ, ϕ) = 〈θ, ϕ|l,m〉 sont appelées harmoniques sphériques, elles sont définies par les équa-tions différentielles obtenues en écrivant les deux relations précédentes en représentation |θ, ϕ〉.

L2 et Lz ne sont pas bornées, et leurs domaine peut être défini à partir des nombres quantiques (l,m) :

ψ ∈ DomL2 ssi ψ =

+∞∑

l=0

+l∑

m=−lclm|l,m〉 avec

+∞∑

l=0

+l∑

m=−ll2(l + 1)2|clm|2 < +∞

ψ ∈ DomLz ssi ψ =+∞∑

l=0

+l∑

m=−lclm|l,m〉 avec

+∞∑

l=0

+l∑

m=−lm2|clm|2 < +∞

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34CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

La convergence des séries implique qu’une condition nécessaire (mais non suffisante) à ce que ψ soit dans lesdomaines de L2 et Lz est que |clm| = |〈l,m|ψ〉| tende vers 0 en l → +∞ plus vite que ne diverge l2.Par analogie avec l’impulsion on peut remarquer que le groupe continu de transformations unitaires à unparamètre de générateur La avec a = x, y ou z

Uφ = e−ı~−1φLa

est le groupe des rotations autour de l’axe a (le paramètre φ étant l’angle de la rotation).

En l’absence de moment de force extérieur, l’hamiltonien classique du système est H =~L2

2I où I est lemoment d’inertie du système, donc l’observable hamiltonien est

H =1

2IL2

on a donc

Sp(H) = Sppp(H) = ~2l(l+ 1)

2Il∈N Spcont(H) = ∅

la valeur propre ~2l(l+1)

2I étant 2l + 1 fois dégénérée.

Finalement, on introduit les observables

L+ = Lx + ıLy L− = Lx − ıLy

Propriété 6.

[Lz, L±] = ±L± [L+, L−] = 2Lz [L2, L±] = 0

Le rôle de ces observables est d’incrémenter ou de décrémenter les projections de moment cinétique :

Propriété 7.

L+|l,m〉 =√

l(l + 1) −m(m+ 1)|l,m+ 1〉 ∀l < m; L+|l, l〉 = 0

L−|l,m〉 =√

l(l+ 1) −m(m− 1)|l,m− 1〉 ∀l > −m; L−|l,−l〉 = 0

2.4.3 Composition de moments cinétiques

Soient ~J1 et ~J2 deux moments cinétiques classiques, alors ~J1 + ~J2 est aussi un moment cinétique. Demême en mécanique quantique, la somme de deux moments cinétiques, ~J1 et ~J2 (par exemple le momentcinétique orbital et le spin d’un électron atomique), est aussi un moment cinétique. Il existe donc deux basespour représenter les états du système, la base engendrée comme le produit des vecteurs de base de chacundes moments cinétiques :

|j1,m1; j2,m2〉 = |j1,m1〉 ⊗ |j2,m2〉et la base du moment cinétique total ~J = ~J1 + ~J2

|(j1, j2)J,M〉

avecJ1z|j1,m1; j2,m2〉 = ~m1|j1,m1; j2,m2〉

J21 |j1,m1; j2,m2〉 = ~j1(j1 + 1)|j1,m1; j2,m2〉J2z|j1,m1; j2,m2〉 = ~m2|j1,m1; j2,m2〉

J22 |j1,m1; j2,m2〉 = ~j2(j2 + 1)|j1,m1; j2,m2〉J2

1 |(j1, j2)J,M〉 = ~2j1(j1 + 1)|(j1, j2)J,M〉

J22 |(j1, j2)J,M〉 = ~

2j2(j2 + 1)|(j1, j2)J,M〉Jz|(j1, j2)J,M〉 = ~M |(j1, j2)J,M〉

J2|(j1, j2)J,M〉 = ~2J(J + 1)|(j1, j2)J,M〉

Les coefficients des matrices de changement de base

〈j1,m1; j2,m2|(j1, j2)J,M〉

sont appelés coefficients de Clebsch-Gordan.

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2.4. THÉORIE DU MOMENT CINÉTIQUE 35

Propriété 8 (Règles de selection pour la composition de moments cinétiques). Les coefficients de Clebsch-Gordan non nuls sont tels que

M = m1 +m2

|j1 − j2| ≤ J ≤ j1 + j2

La projection totale est la somme des deux projections. Si les deux moments cinétiques sont parallèlesdans la direction z (↑↑), alors les deux moments cinétiques se “renforcent” (j1 + j2), par contre s’ils sontantiparallèles (↑↓) ils se “compensent” (|j1 − j2|) ; on a ensuite les cas avec des projections intermédiaires.Ainsi

|j1,m1; j2,m2〉 =

j1+j2∑

J=max(|j1−j2|,|m1+m2|)〈J,m1 +m2(j1, j2)|j1,m1; j2,m2〉|(j1, j2)J,m1 +m2〉

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36CHAPITRE 2. POSITION, IMPULSION, MOMENT CINÉTIQUE ET ÉNERGIE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE

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Chapitre 3

Dynamique quantique

3.1 L’équation de Schrödinger

3.1.1 De l’équation stationnaire à l’équation dépendante du temps

Un système hamiltonien classique (conservatif) a sa dynamique décrite (au moins) par l’équation

H(q(t), p(t)) = E

où E ∈ R est une constante (l’Hamiltonien H est une intégrale première). Si de plus le système est intégrable,il existe 2ℓ− 2 autres intégrales premières Aii=1,...,2ℓ−2 (ℓ est le nombre de degrés de liberté) qui vérifient

dAi(q, p)

dt= Ai,H = 0

où ., . est le crochet de Poisson (Ai,H =∑ℓk=1

(∂Ai∂qk

∂H∂pk

− ∂Ai∂pk

∂H∂qk

)

).

La quantification canonique de l’équation H = E donne

HψE = EψE

où H est l’observable hamiltonien quantique. Cette équation est appellée équation de Schrödinger sta-

tionnaire, elle indique que les états stationnaires (i.e. les états caractéristiques d’un “équilibre dynamique”)sont les vecteurs propres de l’hamiltonien. La notion d’équilibre dynamique est à prendre en un sens pluslarge que la notion d’équilibre en dynamique classique, il peut s’agir d’équivalent d’états d’équilibre clas-siques (points fixes de l’espace de phase), d’orbites fermées dans l’espace de phase, ou d’orbites s’enroulantsur un tore dans l’espace de phase.Pour un système intégrable, les autres intégrales premières satisfont le long de la dynamique Ai(q(t), p(t)) =ai avec ai ∈ R des constantes. La quantification canonique de ces relations donne

AiψE = aiψE

mais il faut bien noter que ψE est commun à toutes les observables quantiques (H, Aii) comme l’étatclassique t 7→ (q(t), p(t)) était commun à toutes les obserbables classique (H, Aii). (H, Aii) ont doncleurs vecteurs propres en commun, et ont donc la même base de diagonalisation. Cela dignifie que

[H,Ai] = 0 [Ai, Aj ] = 0 ∀i, j

(H, Aii) est appelé un ensemble complet d’observables qui commutent (ECOC). Le nombre d’obser-vables supplémentaires à H dépend de la structure du spectre. Si aucune valeur propre de H n’est dégénéréel’équation Hψ = Eψ suffit à elle seule à déterminer ψ. Par contre si E est dégénérée, ψ n’est pas fixé (ilappartient seulement au sous-espace propre). Si A1 restreinte à n’importe quel sous-espaces propre de H aun spectre non-dégénéré, alors l’équation A1ψ = a1ψ fixe ψ. Sinon il faut ajouter A3, etc. Un ECOC estdonc un ensemble d’observables qui commutent deux à deux, comprenant l’hamiltonien, et tel qu’il existeune unique base orthonormée (aux phases près) de diagonalisation.

37

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38 CHAPITRE 3. DYNAMIQUE QUANTIQUE

Propriété 9. L’équation de Schrödinger stationnaire est équivalente (si H est une observable indépendantedu temps) à l’équation de Schrödinger dépendante du temps :

ı~dψ(t)

dt= Hψ(t) ψ(0) = ψE

Preuve : Il suffit de remarquer que

ψ(t) = e−ı~−1Et

ψE

ı~dψ

dt= Ee

−ı~−1EtψE = Eψ(t)

Hψ(t) = e−ı~−1Et

HψE = e−ı~−1Et

EψE = Eψ(t)

Le choix de cette forme pour l’équation de Schrödinger vient aussi d’un argument relativiste : la règle dequantification canonique ~p → −ı~~∇ peut être étendue aux quadrivecteurs impulsion de la relativité res-treinte, p = (E/c, ~p), ce qui donne E/c → ı~ d

cdt . En utilisant cette règle de quantification canonique à lalimite non-relativiste, H = E donne Hψ = ı~ d

dtψ.

On peut étendre le domaine de validité de l’équation de Schrödinger à toutes les situations (conditioninitiale en chat de Schrödinger, hamiltonien dépendant explicitement du temps) :

Postulat 6 (Équation de Schrödinger). Soit un système dynamique quantique d’hamiltonien H(t) ∈ L(H)qui à l’instant t = 0 se trouve dans l’état ψ0 ∈ H (non-nécessairement état propre de H(0)). Alors l’évolutionde cet état est donnée par

ı~dψ(t)

dt= H(t)ψ(t) ψ(0) = ψ0

Ce principe n’est justifié que par le fait qu’il est validé expérimentalement, le passage de l’équation sta-tionnaire à l’équation générale dépendante du temps (ainsi que le statut du temps en mécanique quantique)est toujours aujourd’hui sujet à débat.

Avec un système quantique libre (H indépendant du temps), mais avec une condition initiale en chat deSchrödinger on a

ψ(0) = c1ψE1 + c2ψE2 |c1|2 + |c2|2 = 1

HψEi = EiψEi

ı~dψ

dt= Hψ ⇒ ψ(t) = c1e

−ı~−1E1tψE1 + c2e−ı~−1E2tψE2

ainsi si H = L2(R, dx) on a

|ψ(x, t)|2 = |c1|2|ψE1(x)|2 + |c2|2|ψE2(x)|2 + 212(x) cos(~−1(E2 − E1)t+ ϕ12(x))

où ϕ12(x) = arg(c1c2ψ1(x)ψ2(x)) et 12(x) = |c1c2ψE1(x)ψE2(x)|. Les interférences subissent donc uneoscillation temporelle de pulsation ω12 = E2−E1

~. De même la probabilité de trouver le système dans un état

φ ∈ H à l’instant t est donnée par

|〈φ|ψ(t)〉|2 = |c1|2|〈φ|ψE1〉|2 + |c2|2|〈φ|ψE2〉|2 + 212(φ) cos(~−1(E2 − E1)t+ ϕ12(φ))

avec ϕ12(φ) = arg(c1c2〈ψE1 |φ〉〈φ|ψE2 〉) et 12(φ) = |c1c2〈ψE1 |φ〉〈φ|ψE2 〉|. On observe les mêmes oscillationsdans le temps. Ce phénomène est appelé oscillations de Rabi. On l’interprète en remarquant que ~ω12

est l’énergie de transition entre les états ψE1 et ψE2 , les oscillations de Rabi sont dues à des transitionspériodiques au cours du temps entre les deux états d’énergie.

Lorsque H dépend explicitement du temps, on dit que le système est forcé. Cette situation ne peutsurvenir que si on agit sur le système à l’aide d’un instrument décrit classiquement. Exemple : une moléculede moment dipolaire électrique ~µ sur laquelle on faire agir un champ électromagnétique classique (en jaugede Coulomb) :

H(t) = − ~2

2m∆ + ~µ · ~E(t)

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3.1. L’ÉQUATION DE SCHRÖDINGER 39

3.1.2 Le paradoxe de Zénon quantique

Considérons un système quantique qui est dans l’état ψ0 à la date t = 0. Soit H son Hamiltonien (on lesupposera indépendant du temps et tel que 〈ψ0|Hψ0〉 = 0, la discution pouvant être généralisée en l’absencede ces hypothèses). On décide de mesurer l’énergie du système à intervalle régulier n∆ (n ∈ N), avec ∆t≪ 1.On s’intéresse à la probabilité de survie de l’état initial. À la première mesure on a

ψ(∆t) = ψ(0) + ψ′(0)∆t+ O(∆t2)

= ψ0 − ı~−1Hψ0∆t+ O(∆t2)

Ainsi la probabilité de survie à la première mesure est

p1 = |〈ψ0|(ψ0 − ı~−1Hψ0∆t)〉|2 + O(∆t2)

= 1 + O(∆t2)

En réitérant ce raisonnement à toutes les dates, on voit que pn = 1+O(∆t2). Ainsi si on mesure très souventle système, la probabilité de survie de l’état initiale reste quasiment de 1. En effet, en mesurant le système àune date ∆t très petite, il y a une très forte probabilité de reprojeter le système dans son état de départ. Ainsien le mesurant tous les ∆t, il y a une très forte probabilité de maintenir le système dans son état de départdu fait de la projection de Born. À la limite (impossible physiquement) où on observerait continument lesystème (∆t → 0), l’état de celui-ci n’évoluerait plus du tout. Plus on observe un système quantique, moinscelui-ci à une chance d’évoluer. C’est ce que l’on appelle le paradoxe de Zénon quantique.Cet effet met en lumière un fait important : le temps n’à qu’un très faible sens ontologique en mécaniquequantique ; c’est à dire qu’il est essentiellement fictif. Contrairement à la mécanique classique où (x(t), p(t))est une interpolation de la position et de l’impulsion du système que l’on observé très régulièrement, ψ(t)est une extrapolation pour t > 0 d’un système que l’on n’a observé qu’à la date t = 0. |〈φ|ψ(t)〉|2 n’est passtricto-sensus la probabilité au cours du temps que le système soit dans l’état φ (bien qu’on le dise ainsi parabus de langage), mais la probabilité de projection du système dans l’état φ si on l’avait mesurer à la date t.Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un événement fictif car si on le mesurait à toutes les dates t, le systèmen’évoluerait pas. Et si on le mesure effectivement à une date t∗, |〈φ|ψ(t∗)〉|2 est la probabilité pour qu’il soitprojeté dans l’état φ ; mais ψ(t) pour t > t∗ n’a plus de sens (il y a une nouvelle évolution dépendante durésultat réel de la mesure qui fixe une nouvelle condition initiale à t∗) et ψ(t) pour 0 < t < t∗ ne représentequ’une extrapolation par des évenements fictifs connectant les événements réels aux dates t = 0 et t = t∗.Notons que ces dates sont donc associées à l’observateur et non au système. Comme en relativité restreinte, onpourrait décrire l’évolution du système quantique comme s’il s’écoulait pour le système une durée différentede t∗ − 0. Mais il ne s’agirait pas vraiment d’un temps propre, car l’horloge interne du système, si celle-ci aun sens, n’est pas accessible l’observation. De fait, on peut interpoler temporellement de bien des manièresdifférentes en mécanique quantique. Par exemple dans la théorie (t, t′) on décrit le temps comme un espaceà 2 dimensions (deux temps indépendants). On a alors des fonctions d’onde ψ(t, t′) dépendantes de deuxvariables indépendantes de temps. Cela ne pose pas de problème étant donné le caractère fictif du tempsen mécanique quantique. La seule contrainte est que lorsque l’observateur mesure le système à une date t∗(pour son horloge), les deux horloges (fictives) indépendantes du système sont synchronisée avec celle del’observateur : |〈φ|ψ(t = t∗, t′ = t∗)〉|2. Épistémologiquement parlant, cet état de fait pose un problème dansla définition même du temps de l’observateur, car le temps des observateurs se réfère à des horloges atomiques(la seconde est la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre lesniveaux hyperfins F = 3 et F = 4 de l’état fondamental 6S1/2 de l’atome de césium 133). Néanmoins enpratique il n’y a pas de difficulté car on mesure en fait la fréquence (et donc l’énergie) des photons émis lorsd’une transition atomique (et donc non-directement le temps à l’échelle de l’atome).

3.1.3 Courants et flux de probabilités

On se place dans le cas où H = L2(R3, dxdydz), avec pour hamiltonien

H = − ~2

2m∆ + V

V est l’énergie potentielle du système.

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40 CHAPITRE 3. DYNAMIQUE QUANTIQUE

Propriété 10. L’évolution de la densité de probabilité de présence ρ(~r, t) = |ψ(~r, t)|2 est donnée par l’équa-tion de continuité

∂ρ(~r, t)

∂t+ div~j(~r, t) = 0

~j = −ı ~

2m

(

ψ~∇ψ − ψ~∇ψ)

=1

mℜe(

ψ~pψ)

est appelé courant de probabilité.

On retrouve l’équation de continuité de la mécanique des fluides ou de l’électromagnétisme (charges/courants).Elle permet d’interpréter les probabilités comme un fluide parcouru de courants. C’est la base de l’interpré-tation de de Broglie-Bohm où “les corpuscules flottent sur le fluide de probabilité entrainés par les ondes decelui-ci”.

Plus prosaïquement le courant de probabilité indique dans quel sens “s’écoulent” les probabilités.Soit S une surface fermée, on appelle flux de probabilités à travers cette surface la quantité

ΦS(t) =

S~j(~r, t) · d~S

où d~S est le vecteur surface. ΦS(t) > 0 indique que la probabilité pour que le système se trouve à l’intérieurde S décroît (du flux de probabilité s’échappe de S).

3.2 L’opérateur d’évolution

3.2.1 Définition et propriétés

Théorème 4 (Théorème EP). Soit t 7→ H(t) un hamiltonien autoadjoint dépendant du temps de domaine

constant. Si ∀φ ∈ DomH, (s, t) 7→(

(H(t)+ı)(H(s)−ı)−1

t−s − 1)

φ est continue sur R2, alors il existe un opérateur

unitaire U(t, t0) ∈ U(H) tel que ψ(t) = U(t, t0)ψ0 soit solution de l’équation de Schrödinger ı~dψdt = Hψ avecψ(t0) = ψ0.U(t, t0) est appelé opérateur d’évolution.

La condition d’existence de l’opérateur d’évolution n’a aucun interêt physique (c’est un point techniquepour la démonstration mathématique), elle automatiquement vérifiée en dimension finie et on admettra quel’opérateur d’évolution existe toujours en dimension infinie dans des conditions physiques raisonnables.

Propriété 11. L’opérateur d’évolution est solution de l’équation de Schrödinger :

ı~dU(t, t0)

dt= H(t)U(t, t0) U(t0, t0) = 1

U(t, t0)† = U(t, t0)

−1 = U(t0, t)

U(t2, t1)U(t1, t0) = U(t2, t0)

Si H est indépendant du temps, on a

U(t, t0) = e−ı~−1H(t−t0)

Ainsi U(t, t0) ≡ Ut−t0 est un groupe de transformations continues à un paramètre de générateur l’hamilto-nien (avec les durées pour paramètre).

Dans le cas où H dépend explicitement du temps, on note par analogie

U(t, t0) = Te−ı~−1

R

t

t0H(t′)dt′

où Te s’appelle l’exponentielle ordonnée en temps. Elle ne s’identifie pas à l’exponentielle des opérateurs, carelle est définie par une autre série :

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3.2. L’OPÉRATEUR D’ÉVOLUTION 41

Propriété 12 (Série de Dyson).

Te−ı~−1

R

t

t0H(t′)dt′

= 1 +

+∞∑

n=1

(−ı~−1)n∫ t

t0

∫ t1

t0

...

∫ tn−1

t0

H(t1)H(t2)...H(tn)dtn...dt2dt1

Preuve :

ı~dU(t, t0)

dt= H(t)U(t, t0) ⇒ U(t, t0) − U(t0, t0) = −ı~−1

Z t

t0

H(t1)U(t1, t0)dt1

donc

U(t, t0) = 1 − ı~−1

Z t

t0

H(t1)U(t1, t0)dt1

En injectant cette expression dans elle-même pour remplacer U(t1, t0) on trouve

U(t, t0) = 1 − ı~−1

Z t

t0

H(t1)

1 − ı~−1

Z t1

t0

H(t2)U(t2, t0)dt2

«

dt1

= 1 − ı~−1

Z t

t0

H(t1)dt1 + (−ı~−1)2Z t

t0

Z t1

t0

H(t1)H(t2)U(t2, t0)dt2dt1

On réitère l’opération pour exprimer U(t2, t0) et ainsi de suite.

Comme pour l’exponentielle d’opérateur, pour H = H1 +H2

Te−ı~−1

R

t

t0(H1(t′)+H2(t

′))dt′ 6= Te−ı~−1

R

t

t0H1(t′)dt′

Te−ı~−1

R

t

t0H2(t′)dt′

Théorème 5 (Théorème de la représentation intermédiaire).

Te−ı~−1

R

t

t0(H1(t′)+H2(t

′))dt′= Te

−ı~−1R

t

t0H1(t

′)dt′Te

−ı~−1R

t

t0Teı~−1 R t′

t0H1(t′′)dt′′

H2(t′)Te−ı~−1 R t′

t0H1(t′′)dt′′

dt′

Preuve :

ı~d

dtU

−1A = −ı~U−1

A UAU−1A = −U−1

A A⇒ A = −ı~UAd

dtU

−1A

ı~UA+B = (A+B)UA+B

ı~UA+B = −ı~UAdU−1

A

dtUA+B +BUA+B

ı~U−1A UA+B = −ı~

dU−1A

dtUA+B + U

−1A BUA+B

ı~U−1A UA+B + ı~

dU−1A

dtUA+B = U

−1A BUA+B

ı~d

dt

`U

−1A UA+B

´= U

−1A BUAU

−1A UA+B

On voit donc que U−1A BUA est le générateur de U−1

A UA+B , donc

U−1A UA+B = U

U−1A

BUA⇒ UA+B = UAUU−1

ABUA

On peut réecrire la représentation intermédiaire en notant explicitement le générateur de l’opérateurd’évolution :

UH1(t)+H2(t)(t1, t0) = UH1(t)(t1, t0) + UUH1(t)(t,t0)−1H2(t)UH1(t)(t,t0)(t1, t0)

On ne peut séparer l’opérateur d’évolution que sous la condition drastique : [H1(t1), H2(t2)] = 0 ∀t1, t2.

Théorème 6 (Série de Magnus). On peut écrire l’opérateur d’évolution comme une exponentielle d’opéra-teurs ordinaire :

U(t, t0) = Te−ı~−1

R

t

t0H(t′)dt′

= e−ı~−1Ω(t,t0)

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42 CHAPITRE 3. DYNAMIQUE QUANTIQUE

où l’opérateur Ω(t, t0) est défini par la série de Magnus :

Ω(t, t0) =

+∞∑

k=1

Ωk(t, t0)

avec

Ω1(t, t0) =

∫ t

t0

H(t1)dt1

Ω2(t, t0) =1

2

∫ t

t0

∫ t1

t0

[H(t1), H(t2)]dt2dt1

Ω3(t, t0) =1

6

∫ t

t0

∫ t1

t0

∫ t2

t0

([H(t1), [H(t2), H(t3)]] + [H(t3), [H(t2), H(t1)]])dt3dt2dt1

...

3.2.2 Représentation de Heisenberg

Dans la première partie de ce chapitre on a considéré que les états évoluaient avec le temps :

ψ(t) = U(t, 0)ψ0

c’est ce que l’on appelle la représentation de Schrödinger. Soit A une observable (indépendante du tempspour l’instant) et φ(t) = U(t, 0)φ0 un autre état. L’amplitude de probabilité de transition de ψ vers φ induitepar l’action de A sur ψ à la date t est

〈φ(t)|A|ψ(t)〉 = 〈φ0|U(t, 0)†AU(t, 0)|ψ0〉On voit qu’au lieu de considérer que les états évoluent avec le temps, on peut considérer que c’est l’observableA qui évolue, avec AH(t) = U(t, 0)†AU(t, 0). AH(t)ψ0 est alors l’état obtenu après action de l’observable quia évoluée sur un temps t. On appelle cette façon de voir les choses, la représentation de Heisenberg. On peutl’étendre à une observable dépendante explicitement du temps :

AH(t) = U(t, 0)†A(t)U(t, 0)

Théorème 7 (Équation de Heisenberg). Une observable en représentation de Heisenberg satisfait à l’équation

ı~dAH(t)

dt= ı~

(∂A(t)

∂t

)

H

+ [AH(t), HH(t)]

où(∂A(t)∂t

)

H= U(t, 0)† ∂A∂t U(t, 0).

Cette équation est à rapprocher de l’équation pour les observables classiques d’un système hamiltoniendAdt = ∂A

∂t + A,H. On a également

Théorème 8 (Théorème d’Ehrenfest). Soit A(t) une observable quantique et 〈A〉(t) = 〈ψ(t)|A(t)|ψ(t)〉 =〈ψ0|AH(t)|ψ0〉 sa moyenne au cours du temps. Alors

d〈A〉dt

= 〈∂A∂t

〉 − ı~−1〈[A,H ]〉

En particulier, si H = L2(R3, dxdydz) et H = − ~2

2m∆ + V on a

〈px〉 = md〈x〉dt

d〈~p〉dt

= −〈~∇V 〉

Le théorème d’Ehrenfest nous apprend que les moyennes des observables quantiques se comportent commeles observables classiques. On peut même écrire l’équivalent de l’équation de Newton

md2〈~r〉dt2

= 〈~Fext〉 avec ~Fext = −∇V

Il faut faire attention qu’il ne s’agit là que du comportement de la moyenne sur un très grand nombred’expériences réitérées. Le comportement individuel (pour une expérience unique) est indéterministe. Enfinon a le résultat suivant sur les résultats possibles d’une mesure :

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3.2. L’OPÉRATEUR D’ÉVOLUTION 43

Théorème 9 (Théorème de Hellmann-Feynman). Soit A(t) une observable dépendant explicitement dutemps et λ(t) ∈ Sppp(A(t)) avec φλ(t) un vecteur propre normé associé. On a alors

dλ(t)

dt= 〈φλ(t)|

∂A(t)

∂t|φλ(t)〉

3.2.3 Intégrales de chemin

On se place dans H = L2(R, dx). Soit ψ(t) solution de l’équation de Schrödinger. En utilisant la repré-sentation |x〉 on peut écrire que

ψ(x, t) = 〈x|ψ(t)〉= 〈x|U(t, t0)|ψ(t0)〉

=

R

〈x|U(t, t0)|x0〉〈x0|ψ(t0)〉dx0

=

R

G(x, t;x0, t0)ψ(x0, t0)dx0

avec G(x, t;x0, t0) = 〈x|U(t, t0)|x0〉 le noyau intégral de l’opérateur d’évolution. Comme le montre l’équationprécédente il s’agit de l’objet qui permet de trouver la fonction d’onde au point x à l’instant t connaissantcelle-ci en tout point x0 à l’instant t0. On dit que G est la fonction de Green de l’équation de Schrödinger.On constatera que contrairement à ce que laisse entendre son nom, ce n’est pas nécessairement une fonction :par exemple

G(x, t0;x0, t0) = δ(x− x0)

Pour une particule libre, H = p2

2m , on a en utilisant la représentation |p〉 de H (qui est diagonale)

G(x, t;x0, t0) = 〈x|e−ı~−1H(t−t0)|x0〉

=

R

〈x|p〉e−ı~−1 p2

2m (t−t0)〈p|x0〉dp

=1

2π~

R

e−ı~−1

p(x0−x)− p2

2m (t−t0)”

dp

=

√m

2πı~(t− t0)eı~−1m(x−x0)2

2(t−t0)

En utilisant les propriétés de l’opérateur d’évolution, il vient

G(x, t;x0, t0) =

R

G(x, t;x′, t′)G(x′, t′;x0, t0)dx′

On peut donc décomposer le propagateur en étapes infinitésimales

G(x, t;x0, t0) =

R

...

R

G(xn, tn;xn−1, tn−1)...G(x1, t1;x0, t0)dx1...dxn−1

avec ti+1 = ti + ∆t pour ∆t au voisinage de 0. Soit H = p2

2m + V (x) l’hamiltonien du système. On a alors

[p2∆t, V∆t] = O(∆t2)

p2∆t et V∆t commutent donc à un reste d’ordre 2 près. On peut donc écrire en utilisant la forme Baker-Campbell-Hausdorff au premier ordre :

e−ı~−1( p

2

2m+V )∆t ≃ e−ı~−1 p2

2m∆te−ı~−1V∆t

Il vient donc

G(xi+1, ti+1;xi, ti) = 〈xi+1|e−ı~−1( p

2

2m+V )∆t|xi〉

≃ 〈xi+1|e−ı~−1 p2

2m∆t|xi〉e−ı~−1V (xi)∆t

≃√

m

2πı~∆teı~

−1m(xi+1−xi)2

2∆t e−ı~−1V (xi)∆t

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44 CHAPITRE 3. DYNAMIQUE QUANTIQUE

mais on peut écrire que pour une trajectoire classique x(t) on a

xi+1 − xi∆t

=x(ti + ∆t) − x(ti)

∆t≃ x(ti)

ainsi on peut faire l’identificationm(xi+1 − xi)

2

∆t≃ mx(ti)

2∆t

Au final

G(xi+1, ti+1;xi, ti) ≃√

m

2πı~∆teı~

−1( 12mx(ti)

2−V (xi))∆t

on voit donc apparaître le Langrangien classique L(x, x) = 12mx

2 − V (x).

G(xi+1, ti+1;xi, ti) ≃√

m

2πı~∆teı~

−1Li∆t

On en déduit que

G(x, t;x0, t0) ≃∫

R

...

R

eı~−1Pn−1

i=0 Li∆t( m

2πı~∆t

)n−12

dxn−1...dx1

Feynman conjectura l’exitence d’une limite continue de cette expression, que l’on appelle l’intégrale de

chemin de Feynman

G(x, t;x0, t0) =

∫ (x,t)

(x0,t0)

eı~−1S(x(t))Dx(t)

où S(x(t)) =∫ t

t0L(x(t′), x(t′))dt′ est l’action classique du système et où

Dx(t) = limn→+∞,∆t→0

( m

2πı~∆t

)n−12

dxn−1...dx1

Cette limite, la mesure Dx(t) et l’intégrale de chemin n’ont pas de sens mathématiques connus, la recherched’une formulation rigoureuse de l’approche de Feynman est encore une question ouverte.

L’interprétation de l’intégrale de Feynman est très importante. Supposons que l’on sache qu’à l’instantt0 le système se trouve en x0. La probabilité de trouver le système au point x à l’instant t est alors

P(x0, t0 → x, t) = |〈x|U(t, t0)|x0〉|2 = |G(x, t;x0, t0)|2

Supposons maintenant que l’on mesure la position de la particule à deux instants t2 > t1 > t0. La probabilitéde trouver d’abord le système au point x1 puis au point x2 est

P(x0, t0 → x1, t1 → x2, t2) = |G(x2, t2;x1, t1)G(x1, t1;x0, t0)|2dx1

Si on mesure la position du système à intervalles ∆t ≪ 1, la probabilité de voir le système “suivre” latrajectoire discrète x0 → x1 → ...→ xn est

P(x0, t0 → ...→ xn, tn) ≃( m

2π~∆t

)n−1

dxn−1...dx1

G(x, t;x0, t0) est donc l’amplitude de probabilité de voir le système passer du point x0 au point x entre les

dates t0 et t. La signification de l’intégrale de chemin G(x, t;x0, t0) =∫ (x,t)

(x0,t0)eı~SDx est que cette amplitude

est la somme des amplitudes de probabilité de suivre chaque chemin joignant x0 et x. Ainsi on peut voir ladynamique quantique comme une superposition de toutes les trajectoires classiques (le système ne suit pasune trajectoire unique, mais toutes les trajectoires simultanément). On notera le rôle important de l’actionclassique dans les interférences entre trajectoires. Pour étudier ce fait, considérons une trajectoire x(t) etune trajectoire proche x(t) + δx(t) (avec |δx(t)| ≪ 1). La superposition de ces deux trajectoires donne

|eı~−1S + eı~−1(S+δS)|2 = |1 + eı~

−1δS |2 = 2 + 2 cos(~−1δS)

L’interférence est constructive si δS = 0. On trouve ainsi la version quantique du principe de moindre action :dans la superposition quantique de toutes les trajectoires classiques, la trajectoire la plus probable (au sensoù c’est la trajectoire la plus favorisée par les interférences) est celle qui minimise l’action classique δS = 0.

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3.3. RÉGIMES SOUDAIN ET ADIABATIQUE 45

3.3 Régimes soudain et adiabatique

On procède au changement de variable dans l’équation de Schrödinger consistant à passer en temps réduits = t

T ∈ [0, 1] où T est la durée de l’interaction considérée.

ı~dUT (s, 0)

ds= TH(s)UT (s, 0)

On s’intéresse aux deux régimes dynamiques extrêmes, le régime soudain où T ∈ V(0) (l’interaction est trèsrapide), et le régime adiabatique où T ∈ V(+∞) (l’interaction est très lente).

Dans le régime soudain on a

UT (s, 0) = 1 − ı~−1T

∫ s

0

H(s′)U(s′, 0)ds′ = 1 + O(T )

En première approximation, pour une interaction très rapide, l’opérateur d’évolution est réduit à l’identité.Le système n’ayant pas le temps de s’adapter à la modification, il reste sur son état originel. Supposons parexemple que H(t) = H0 pour t < 0 et H(t) = H1 pour t > T avec T au voisinage de 0. Si l’état initialdu système était un état propre ψ0 de H0, après l’interaction ψ0 est toujours l’état du système. Il n’estplus néanmoins état propre de l’Hamiltonien qui est devenu H1 et un phénomène d’oscillations de Rabi doitapparaître.L’erreur commise dans l’approximation soudaine est

e = 〈ψ0|UT (1, 0)†(1 − |ψ0〉〈ψ0|)UT (1, 0)|ψ0〉

avec ψ0 état inital normé. En utilisant la décomposition de UT (1, 0) en série de Dyson, il vient

e = ~−2T 2

∫ 1

0

∫ 1

0

〈ψ0|H(s1)H(s2)|ψ0〉ds1ds2 − ~−2T 2

∫ 1

0

∫ 1

0

〈ψ0|H(s1)|ψ0〉〈ψ0|H(s2)|ψ0〉ds1ds2 + O(T 3)

On note ∆H2 = 〈H2〉 − 〈H〉2 la variance dans l’état ψ0 de la moyenne temporelle de l’hamiltonien H =∫ 1

0 H(s)ds, on a alorse = ~

−2T 2∆H2 + O(T 3)

On voit donc que la condition pour que l’approximation soudaine soit valide est

T ≪ ~

∆H

Dans le régime adiabatique, on a le résultat suivant :

Théorème 10 (Théorème adiabatique). Soit H(s) un hamiltonien hermitien. Soient λi(s) les valeurspropres instantanées du spectre pur point de H(s) et Pi(s) les projecteurs orthogonaux sur les sous-espacespropres instantanés associés. On suppose que λi(s) est isolé tout au long de l’évolution du reste du spectre,i.e. ∀s ∈ [0, 1], ∀j 6= i, λi(s) 6= λj(s). On suppose de plus que Pi(s) est de classe C2 par rapport à s sur [0, 1].Alors

UT (s, 0)Pi(0) = Pi(s)UT (s, 0) + O(1

T)

Le théorème adiabatique énonce donc que si la condition initiale est choisie sur un état propre de l’Ha-miltonien, il reste sur l’état propre relié au premier par continuité en s (si la valeur propre associée resteisolée dans le spectre). L’idée est que l’évolution étant très lente, le système a toujours le temps de s’adapterau changement. Si à l’instant initial il se trouve sur un état propre (version quantique d’un état d’équilibre),il restera sur la déformation avec le temps de cet état propre (le “transport lent” du système ne lui fait pas“perdre l’équilibre”).On ne donnera pas de démonstration rigoureuse du théorème adiabatique. On va néanmoins donner un ar-gument dans un cas simple. Supposons tout d’abord que H ne présente que du spectre purement ponctuelet pour simplifier que ces valeurs propres sont non-dégénérées (la généralisation aux cas dégénérés ne posepas de problème particulier). Soit φj(s) le vecteur propre instantané associé à λj(s) :

H(s)φj(s) = λj(s)φj(s)

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46 CHAPITRE 3. DYNAMIQUE QUANTIQUE

On suppose que ψ(0) = φi(0). L’ensemble des vecteurs propres formant une base orthonormée, ψ(s) peut àtout instant être décomposé sur celle-ci :

ψ(s) =∑

j

cj(s)e−ı~−1T

R

s

0λj(s)dsφj(s)

où on a choisi de “sortir” les phases dynamiques des coefficients de décomposition cj . On a alors

ı~

Tψ′ = Hψ ⇐⇒

j

(ı~

Tc′je

ıϕjφj + cjλjeıϕjφj +

ı~

Tcje

ıϕjφ′j

)

=∑

j

cjeıϕjλjφj

En projetant cette dernière équation sur e−ıϕi〈φi| on trouve

c′i = −∑

j

eı~−1T

R

s

0(λi(s)−λj(s))ds〈φi|φ′j〉cj

et donc

ci(s) = ci(0) −∑

j

∫ s

0

eı~−1T

R

s

0(λi(s)−λj(s))ds〈φi|φ′j〉cj(s)ds

Si les valeurs propres étaient indépendantes du temps (mais pas les vecteurs propres), alors on aurait pourj 6= i

∫ s

0

eı~−1T (λi−λj)s〈φi|φ′j〉cj(s)ds =

[

eı~−1T (λi−λj)s〈φi|φ′j〉cj(s)ı~−1T (λi − λj)

]s

0

−∫ s

0

eı~−1T (λi−λj)s

ı~−1T (λi − λj)

d

ds

(〈φi|φ′j〉cj(s)

)ds

= O(1

T)

Ce resultat reste vrai avec des valeurs propres dépendantes du temps (théorème de Riemann-Lebesgue :l’intégration d’une fonction complexe ayant une phase oscillant à une “vitesse infinie” est nulle). Il vient doncque

ci(s) = ci(0) −∫ s

0

〈φi|φ′i〉ci(s)ds+ O(1

T)

On reconnaît là une propriété de la fonction exponentielle :

ci(s) = e−R

s

0〈φi|φ′

i〉dsci(0) + O(1

T)

or ci(0) = 1 et 〈φi|φ′i〉 ∈ ıR (car 〈φi|φi〉 = 1 ⇒ 〈φ′i|φi〉 + 〈φi|φ′i〉 = 2ℜe〈φi|φ′i〉 = 0). On a donc |ci(s)| = 1.L’évolution conservant la norme, il vient que cj(s) = 0 ∀j 6= i. Finalement

ψ(s) = e−ı~−1T

R

s

0λi(s)dse−

R

s

0〈φi(s)| dds |φi(s)〉dsφi(s) + O(

1

T)

Ce qui prouve l’approximation adiabatique dans les conditions énoncées plus haut. Le terme e−R

s

0〈φi(s)| dds |φi(s)〉ds

est appelé phase de Berry ou phase géométrique. On terminera cette analyse par remarquer que la conditionde validité de l’approximation adiabatique est

T ≫ ~ sups∈[0,1]

∣∣∣∣∣

〈φi| dds |φj〉λi(s) − λj(s)

∣∣∣∣∣

∀j 6= i

Ce qui suppose que la durée de l’interaction T soit beaucoup plus grande que les durées de transition entreles états propres ~

|λi−λj | et que les couplages non-adiabatiques |〈φi| dds |φj〉| soient petits.

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Chapitre 4

Théorie des perturbations

La théorie de perturbation est une méthode permettant d’étudier un Hamiltonien auto-adjoint de la formeH = H0 + λV lorsque |λ| ≪ 1. λV est alors considéré comme une perturbation du système d’HamiltonienH0. Il s’agit alors de trouver les propriétés de H à partir de celles de H0 (supposées connues).

4.1 Perturbations stationnaires

Dans un premier temps, on va considérer des Hamiltoniens indépendants du temps. Il s’agit donc derechercher les valeurs propres et les vecteurs propres de H à partir de ce ceux de H0. On suppose donc que

H0φn = ǫnφn

avec Sppp(H0) = ǫnn (on ne traitera pas ici de la perturbation du continuum). Dans un premier temps,on supposera non-dégénérées ces valeurs propres. On cherche donc Sppp(H) = Enn avec

HΦn = EnΦn (4.1)

L’idée est de chercher les valeurs et les vecteurs propres sous forme de séries en λ :

En =

+∞∑

p=0

λpE(p)n Φn =

+∞∑

p=0

λpΦ(p)n telle que 〈φn|Φ(p)

n 〉 =

1 si p = 0

0 si p 6= 0

avec E(0)n = ǫn et Φ

(0)n = φn. E

(p)n et Φ

(p)n sont appelées corrections perturbatives d’ordre p. En pratique, on

ne considère pas la série complète, on la tronque à un ordre p∗ ;∑p∗p=0 λ

pE(p)n et

∑p∗p=0 λ

pΦ(p)n sont alors des

approximations à l’ordre p∗ de perturbation des valeurs et vecteurs propres. Il s’agit alors de calculer cescorrections perturbatives et de s’assurer que les séries convergent (sans quoi les approximations n’auraientpas de sens et seraient fausses). La méthode de calcul des corrections perturbatives est donnée ci-après. Laconvergence des séries est assurée par un théorème de Kato si V est un opérateur borné (cette conditionpeut être affaiblie par des considérations mathématiques que l’on n’abordera pas ici) et si |λ| < Rn où

Rn =1

4 max (‖V |φn〉〈φn|‖2, ‖V Sn‖2, ‖Sn‖2, 1)Sn = (H0 − ǫn)

−1(1 − |φn〉〈φn|)

Rn est appelé rayon de convergence du développement perturbatif. La démonstration de ce théorème deKato étant particulièrement longue et compliquée, on ne l’abordera pas ici.

4.1.1 Méthode de Rayleigh-Schrödinger

Le principe pour trouver les corrections perturbatives jusqu’à l’ordre p∗ consiste à introduire les approxi-mations perturbatives à l’ordre p∗ dans l’équation (4.1). On trouve alors une égalite entre deux polynômesen λ d’ordre p∗. On identifie les coefficients des polynômes terme à terme, on obtient alors p∗ équations. Enprojetant celles-ci sur φn, on obtient les corrections perturbatives des valeurs propres, et en les projetant sur

47

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48 CHAPITRE 4. THÉORIE DES PERTURBATIONS

φl (l 6= n) on obtient les corrections perturbatives des vecteurs propres.Par exemple, pour p∗ = 2 :

HΦn = EnΦn ⇒ (H0 + λV )(φn + λΦ(1)n + λ2Φ(2)

n ) = (ǫn + λE(1)n + λ2E(2)

n )(φn + λΦ(1)n + λ2Φ(2)

n ) + O(λ3)

⇒ H0φn+λ(H0Φ(1)n +V φn)+λ2(H0Φ

(2)n +VΦ(1)

n ) = ǫnφn+λ(ǫnΦ(1)n +E(1)

n φn)+λ2(ǫnΦ(2)n +E(1)

n Φ(1)n +E(2)

n φn)+O(λ3)

H0φn = ǫnφn

H0Φ(1)n + V φn = ǫnΦ

(1)n + E

(1)n φn

H0Φ(2)n + V Φ

(1)n = ǫnΦ

(2)n + E

(1)n Φ

(1)n + E

(2)n φn

On projette l’équation d’ordre 1 sur φn, on obtient (〈φn|H0 = ǫn〈φn| et 〈φn|Φ(1)n 〉 = 0)

E(1)n = 〈φn|V φn〉

On projette l’équation d’ordre 1 sur φl (l 6= n), on obtient

ǫl〈φl|Φ(1)n 〉 + 〈φl|V φn〉 = ǫn〈φl|Φ(1)

n 〉

⇒ 〈φl|Φ(1)n 〉 =

〈φl|V φn〉ǫn − ǫl

⇒ Φ(1)n =

l 6=n〈φl|Φ(1)

n 〉φl

=∑

l 6=n

〈φl|V φn〉ǫn − ǫl

φl

On projette l’équation d’ordre 2 sur φn :

E(2)n = 〈φn|VΦ(1)

n 〉 =∑

l 6=n

|〈φl|V φn〉|2ǫn − ǫl

On projette l’équation d’ordre 2 sur φl (l 6= n) :

ǫl〈φl|Φ(2)n 〉 + 〈φl|V Φ(1)

n 〉 = ǫn〈φl|Φ(2)n 〉 + E(1)

n 〈φl|Φ(1)n 〉

⇒ 〈φl|Φ(2)n 〉 =

〈φl|(V − E(1)n )Φ

(1)n 〉

ǫn − ǫl

⇒ Φ(2)n =

l 6=n

〈φl|(V − E(1)n )Φ

(1)n 〉

ǫn − ǫlφl

=∑

l 6=n

k 6=n

〈φl|V φn〉〈φl|(V − 〈φn|V φn〉)φl〉(ǫn − ǫl)2

La présence des diviseurs ǫn − ǫl indique que s’il existe une valeur propre proche de ǫn, alors les correc-tions perturbatives seront grandes. L’ordre p∗ auquel on doit faire le développement perturbatif pour quel’approximation perturbative soit satisfaisante dépend donc inversement de la distance de ǫn à la valeurpropre la plus proche.

4.1.2 Méthode de Wigner-Brillouin

La méthode Wigner-Brillouin pour trouver les corrections perturbatives consiste à considérer l’équationaux valeurs propres exacte en isolant le terme perturbatif. En projetant celle-ci sur φl (l 6= n) on obtientune expression implicite de Φn (i.e. Φn fonction d’elle-même). En injectant cette expression dans elle-même(et en réitérant l’opération p∗ +1 fois) on obtient les p∗ premières corrections perturbatives de l’état propre.En projetant sur φn on obtient une expression de En dépendante de Φn et en injectant l’expression de l’état

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4.1. PERTURBATIONS STATIONNAIRES 49

propre, on obtient les corrections perturbatives sur la valeur propre.Exemple, pour p∗ = 2 ;

HΦn = EnΦn ⇒ (En −H0)Φn = λV Φn

On projette sur φl (l 6= n), on obtient

(En − ǫl)〈φl|Φn〉 = λ〈φl|V Φn〉

⇒ Φn = φn +∑

l 6=n〈φl|Φn〉φl

= φn + λ∑

l 6=n

〈φl|V Φn〉En − ǫl

φl

= φn + λ∑

l 6=n

〈φl|V(

φn + λ∑

k 6=n〈φk|VΦn〉En−ǫk φk

)

〉En − ǫl

φl

= φn + λ∑

l 6=n

〈φl|V φn〉En − ǫl

φl + λ2∑

l 6=n

k 6=n

〈φl|V φk〉〈φk|V Φn〉(En − ǫl)(En − ǫk)

φl

= φn + λ∑

l 6=n

〈φl|V φn〉En − ǫl

φl + λ2∑

l 6=n

k 6=n

〈φl|V φk〉〈φk|V φn〉(En − ǫl)(En − ǫk)

φl + O(λ3)

On projette sur φn, on obtientEn − ǫn = λ〈φn|V Φn〉

⇒ En = ǫn + λ〈φn|V Φn〉

= ǫn + λ〈φn|V φn〉 + λ2∑

l 6=n

|〈φn|V φl〉|2En − ǫl

+ O(λ3)

On remarquera que les solutions ainsi obtenues sont des solutions implicites, les corrections perturbativesdépendent de En qui est inconnu. En pratique il suffit de remplacer En par son approximation d’ordre p− 1ou p dans les corrections perturbatives d’ordre p pour avoir un résultat explicite :

E(1)n = 〈φn|V φn〉

E(2)n =

l 6=n

|〈φn|V φl〉|2ǫn + λ〈φn|V φn〉 − ǫl

Φ(1)n =

l 6=n

〈φl|V φn〉ǫn + λ〈φn|V φn〉 − ǫl

φl

Φ(2)n =

l 6=n

k 6=n

〈φl|V φk〉〈φk|V φn〉

ǫn+λ〈φn|V φn〉+λ2Pm 6=n

|〈φn|V φm〉|2

ǫn+λ〈φn|V φn〉−ǫm−ǫl

!

ǫn+λ〈φn|V φn〉+λ2Pm 6=n

|〈φn|V φm〉|2

ǫn+λ〈φn|V φn〉−ǫm−ǫk

!φl

L’interêt de la méthode de Wigner-Brillouin est que les séries perturbatives convergent beaucoup plusrapidement que celles de la méthode de Rayleigh-Schrödinger. Ce qui signifie qu’en pratique, pour la mêmeprécision dans l’approximation, on a besoin de moins d’ordre de développement p∗. La raison en est évidente,ce qui pose problème dans la série perturbative de Rayleigh-Schrödinger sont les petits diviseurs ǫn − ǫl(existence d’une valeur propre proche de celle perturbée). La méthode de Wigner-Brillouin remplace cesdiviseurs par ǫn − ǫl + λ〈φn|V φn〉 (à l’ordre 2) ; en quelque sorte elle éloigne les valeurs propres d’unedistance λ〈φn|V φn〉. Ce genre de méthodologie consistant à éloigner les valeurs propres les unes des autrespour faciliter une approximation est très courant en mécanique quantique.

4.1.3 Cas dégénéré

Dans le cas d’une valeur propre dégénérée, H0φn,r = ǫnφn,r (avec r = 1, ...,deg(ǫn)), on cherche lesvaleurs et vecteurs propres perturbés tels que HΦn,r = En,rΦn,r (il n’y a pas de raisons que la perturbation

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50 CHAPITRE 4. THÉORIE DES PERTURBATIONS

de ǫn conduise à une unique valeur propre perturbée ; au contraire il y a toute chance que la perturbationlève la dégénérescence et qu’on obtienne deg(ǫn) valeurs propres perturbées différentes). On procède commedans le cas non-dégénéré mais en manipulant les matrices du bloc dégénéré, avec la différence qu’en généralΦ

(0)n,r 6= φn,r (le choix de (φn,r)r=1,...,deg(ǫn) la base du sous-espace propre est arbitraire, il n’y a aucune raison

pour qu’au départ il s’agisse de celui qui soit cohérent avec la perturbation, i.e. limλ→0 Φn,r = Φ(0)n,r 6= φn,r).

Par exemple pour p∗ = 2 on a

∀r,

H0Φ(0)n,r = ǫnΦ

(0)n,r

H0Φ(1)n,r + V Φ

(0)n,r = ǫnΦ

(1)n,r + E

(1)n,rΦ

(0)n,r

H0Φ(2)n,r + V Φ

(1)n,r = ǫnΦ

(2)n,r + E

(1)n,rΦ

(1)n,r + E

(2)n,rΦ

(0)n,r

On pose φn la “matrice” de Hdeg(ǫn) ≃ MdimH×deg(ǫn)(C) constituée par les vecteurs propres associés à ǫnplacés en colonne :

φn =(φn,1;φn,2; ...;φn,deg(ǫn)

)=

〈1|φn,1〉 〈1|φn,2〉 ... 〈1|φn,deg(ǫn)〉〈2|φn,1〉 〈2|φn,2〉

......

. . ....

〈dimH|φn,1〉 〈dimH|φn,2〉 ... 〈dimH|φn,deg(ǫn)〉

où (|i〉)i=1,...,dimH est une base orthonormée de H. De même on définit Φ(p)n = (Φ

(p)n,1; ...; Φ

(p)n,deg(ǫn)) et E

(p)n

la matrice diagonale de Mdeg(ǫn)×deg(ǫn)(C) définie par

E(p)n =

E(p)n,1 0

. . .

0 E(p)n,deg(ǫn)

Ce qui permet de réécrire les équations sous la forme

H0 Φ(0)n = ǫn Φ(0)

n

H0 Φ(1)n + V Φ(0)

n = ǫn Φ(1)n + E

(1)n Φ(0)

n

H0 Φ(2)n + V Φ(1)

n = ǫn Φ(2)n + E

(1)n Φ(1)

n + E(2)n Φ(0)

n

On projette l’équation d’ordre 1 sur φn (la projection se faisant par φn†), on obtient

φn†H0 Φ(1)

n + φn†V φn φn

†Φ(0)n = φn

†E

(1)n φn φn

†Φ(0)n

On remarquera que φn φn†

=∑deg(ǫn)

r=1 |φn,r〉〈φn,r | est le projecteur orthogonal sur le sous-espace propre

associé à ǫn. φn†H0 Φ(1)

n = ǫn φn†

Φ(1)n = 0, et comme

φn†E

(1)n φn =

E(p)n,1〈φn,1|φn,1〉 ... En,deg(ǫn)〈φn,1|φn,deg(ǫn)〉

.... . .

...

E(p)n,1〈φn,deg(ǫn)|φn,1〉 ... En,deg(ǫn)〈φn,deg(ǫn)|φn,deg(ǫn)〉

= E(1)n

il vient

(V − E(1)n ) φn

†Φ(0)n = 0 (4.2)

avec

V = φn†V φn =

〈φn,1|V φn,1〉 ... 〈φn,1|V φn,deg(ǫn)〉...

. . ....

〈φn,deg(ǫn)|V φn,1〉 ... 〈φn,deg(ǫn)|V φn,deg(ǫn)〉

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4.2. PERTURBATIONS DÉPENDANTES DE TEMPS 51

L’équation 4.2 est une équation aux valeurs propres dans Mdeg(ǫn)×deg(ǫn)(C) :

(V − E(1)n ) φn

†Φ(0)n = 0 ⇐⇒

(

(V − E(1)n,1)[Φ

(0)n,1](φn,r)r ; ...; (V − E

(1)n,deg(ǫn))[Φ

(0)n,deg(ǫn)](φn,r)r

)

où [Φ(0)n,r](φn,r)r est la représentation matricielle de Φ

(0)n,r dans la base (φn,r)r, i.e.

[Φ(0)n,r](φn,r)r =

〈φn,1|Φ(0)n,r〉

...

〈φn,deg ǫn |Φ(0)n,r〉

Ainsi on obtient E(1)n,rr comme les valeurs propres de V et Φ(0)

n,rr comme les vecteurs propres associés.On projette l’équation d’ordre 1 sur φl (l 6= n), on obtient

ǫl φl†

Φ(1)n + φl

†V φn φn

†Φ0n = ǫn φl

†Φ(1)n

⇒ φl†

Φ(1)n =

φl†V φn φn

†Φ0n

ǫn − ǫl

⇒ Φ(1)n =

l 6=n

φl φl†V φn φn

†Φ(0)n

ǫn − ǫl

et donc pour un r donné

Φ(1)n,r =

l 6=n

deg(ǫn)∑

r′=1

deg(ǫn)∑

r′′=1

〈φl,r′ |V φn,r′′〉〈φn,r′′ |Φ(0)n,r〉

ǫn − ǫlφl,r′

On procède de façon identique pour toutes les autres généralisations du cas non-dégénéré au cas dégénéré.

4.2 Perturbations dépendantes de temps

4.2.1 Couplage interne au spectre pur point

On considère cette fois un Hamiltonien auto-adjoint de la forme H(t) = H0 + λV (t) avec H0 constant.On considère donc l’équation de Schrödinger dépendante du temps :

ı~dψ

dt= H(t)ψ(t)

avec pour condition intialeψ(0) = φi

φi étant toujours un état propre de H0. On s’intéresse aux probabilités de transition entre les états propresde H0 induites par la perturbation, à savoir

Pi→f (t) = |〈φi|ψ(t)〉|2 = |〈φf |U(t, 0)φi〉|2

Par le théorème de la représentation intermédaire, on a

U(t, 0) = U0(t, 0)UI(t, 0)

avecU0(t, 0) = e−ı~

−1H0t

etUI(t, 0) = Te−ı~

−1λR

t

0U0(t′,0)†V (t′)U0(t′,0)dt′

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52 CHAPITRE 4. THÉORIE DES PERTURBATIONS

La dynamique engendrée par UI(t, 0) est appelée représentation d’interaction.

Pi→f (t) = |〈φf |U0(t, 0)UI(t, 0)φi〉|2

= |〈U0(t, 0)†φf |UI(t, 0)φi〉|2

= |〈eı~−1ǫf tφf |UI(t, 0)φi〉|2

= |〈φf |UI(t, 0)φi〉|2

λ étant au voisinage de 0, il suffit alors de tronquer la série de Dyson de UI(t, 0) à l’ordre souhaité. Aupremier ordre de perturbation, on a donc

UI(t, 0) = 1 − ı~−1λ

∫ t

0

U0(t′, 0)V (t′)U0(t

′, 0)dt′ + O(λ2)

et donc

Pi→f (t) =

∣∣∣∣〈φf |φi〉 − ı~−1λ

∫ t

0

〈φf |U0(t′, 0)V (t′)U0(t

′, 0)φi〉dt′ + O(λ2)

∣∣∣∣

2

=

∣∣∣∣δi,f − ı~−1λ

∫ t

0

eı~−1(ǫf−ǫi)t′〈φf |V (t′)φi〉dt′

∣∣∣∣

2

+ O(λ3)

Donc pour f 6= i la probabilité de transition est

Pi→f (t) ≃|λ|2~2

∣∣∣∣

∫ t

0

eıωif t′〈φf |V (t′)φi〉dt′

∣∣∣∣

2

ωif =ǫf−ǫi

~étant la fréquence de transition entre les deux états.

On notera que si l’écart entre les deux niveaux est très grand |ωif | ≫ 1 (avec un couplage 〈φf |V (t′)φi〉 quireste modéré), cette probablité de transition devient négligeable :

∫ t

0

eıωif t′〈φf |V (t′)φi〉dt′ =

[

eıωif t′

ıωif〈φf |V (t′)φi〉

]t

0

−∫ t

0

eıωif t′

ıωif

d

dt′〈φf |V (t′)φi〉dt′

= O(1

ωif)

4.2.2 Couplage entre le spectre pur point et le continuum : la règle d’or deFermi

Dans cette partie, nous allons considérer les transitions d’un état du spectre pur point φi vers les étatsdu spectre continu. Soit α ∈ Spcont(H0) et φα ∈ E[α−δα,α+δα], i.e.

∀χ ∈ H, 〈φα|χ〉 =

∫ α+δα

α−δα

ρ(β)〈β|χ〉dβ

avec 〈β| ∈ S× la fonctionnelle associée à β ∈ Spcont(H0). Physiquement on va identifier ρ(β) à “la densitéd’états par unité d’énergie”, bien que cela ne repose sur aucune formulation rigoureuse. La probabilité detransition de l’état φi vers un état d’énergie α à δα près, est donc (si δα ≪ 1)

δPi→α(t) = |〈φα|U(t, 0)φi〉|2

≃∫ α+δα

α−δα|〈β|U(t, 0)φi〉|2ρ(β)dβ

En utilisant la représentation d’interaction comme dans la section précédente, on trouve

δPi→α(t) ≃ |λ|2~2

∫ α+δα

α−δα

∣∣∣∣

∫ t

0

eıωi(β)t′〈β|V (t′)φi〉dt′∣∣∣∣

2

ρ(β)dβ

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4.2. PERTURBATIONS DÉPENDANTES DE TEMPS 53

avec ωi(β) = β−ǫi~

.

Dans le cas où V est indépendant du temps, on a

δPi→α(t) ≃ |λ|2~2

∫ α+δα

α−δα|〈β|V φi〉|2t2sinc2(ωi(β)t/2)ρ(β)dβ

car∫ t

0

eıωit′

dt′ =eıωit − 1

ıωi

= eıωit/2eıωit/2 − e−ıωit/2

ıωi

= −ıeıωit/2t sin(ωit/2)

ωit/2

mais (on ne démontrera pas ce point)

t2sinc2

(β − ǫi

2~t

)

∼t∈V(+∞)

2π~tδ(β − ǫi)

Il vient donc

δPi→α(t) ∼t∈V(+∞)

2π~−1t|λ|2

∫ α+δα

α−δα|〈β|V φi〉|2δ(β − ǫi)ρ(β)dβ

2π~−1t|λ|2 |〈β|V φ〉β=ǫi |2 ρ(ǫi) si ǫi ∈ [α− δα, α + δα]

0 sinon

Ce résultat est connu sous le nom de règle d’or de Fermi. On notera qu’à long terme, une transition d’unétat lié vers le continuum sous l’effet d’une perturbation n’est possible que si la valeur pur point de l’état liéinitial est immergée dans le continuum.

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54 CHAPITRE 4. THÉORIE DES PERTURBATIONS

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Chapitre 5

Théorie de la seconde quantification

5.1 Systèmes de particules discernables

On considère deux particules différentes et parfaitement discernables, un électron et un proton parexemple. On note H1 et H2 les espaces des états de chacune des particules. On note H1 ⊗ H2 l’espacedes états du système composite, et ψ1 ⊗ ψ2 l’état du composite lorsque la particule 1 se trouve dans l’étatψ1 et la particule 2 dans l’état ψ2. Soient a1 et a2 deux évenements élémentaires associés à chacune desparticules. Même si les deux particules sont en interactions l’une avec l’autre, les événements élémentairessont indépendants (au sens probabiliste du terme). L’interaction joue sur l’évolution des états des systèmes.Ainsi

P (a1 et a2) = P (a1)P (a2)

On note ℓ1 ∈ H×1 et ℓ2 ∈ H×

2 les fonctionnelles associées aux deux évenements élémentaires. L’indépendancedes probabilités donne

ℓ1 ⊗ ℓ2(ψ1 ⊗ ψ2) = ℓ1(ψ1)ℓ2(ψ2)

En utilisant le théorème de Riesz pour les fonctionnelles fortement continues, on voit que H1⊗H2 est équipédu produit scalaire

〈φ1 ⊗ φ2|ψ1 ⊗ ψ2〉 = 〈φ1|ψ1〉〈φ2|ψ2〉D’une manière générale, les états du système de deux particules sont de la forme

j

ψ1j ⊗ ψ2j ∈ H1 ⊗H2

qui correspond à une superposition de “la particule 1 est dans l’état ψ1j et la particule 2 dans l’état ψ2j”. Si(φ1j)j=1,...,dimH1 et (φ2k)k=1,...,dimH2 sont des bases orthonormées, alors une base orthonormée de H1 ⊗H2

est (φ1j ⊗ φ2k)j=1,...,dimH1;k=1,...,dimH2 , ainsi dim(H1 ⊗ H2) = (dimH1)(dimH2). Lorsqu’on peut mettrel’état du système composite sous la forme ψ1 ⊗ ψ2 on dit que l’état est factorisable. Si on ne peut l’écrireque sous la forme d’une superposition de produits de deux états, on dit qu’il est intriqué.

Soient A1 ∈ L(H1) et A2 ∈ L(H2) deux opérateurs. Ces opérateurs peuvent être étendus à H1 ⊗ H2

comme A1 ⊗ 1 et 1 ⊗A2 :A1

j

ψ1j ⊗ ψ2j =∑

j

(A1ψ1j) ⊗ ψ2j

A2

j

ψ1j ⊗ ψ2j =∑

j

ψ1j ⊗ (A2ψ2j)

Enfin on peut introduire l’opérateur couplé A1 ⊗A2 :

A1 ⊗A2

j

ψ1j ⊗ ψ2j =∑

j

(A1ψ1j) ⊗ (A2ψ2j)

En général, l’hamiltonien d’un système composite est de la forme

H = H1 ⊗ 1 + 1 ⊗H2 + V1 ⊗ V2

55

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56 CHAPITRE 5. THÉORIE DE LA SECONDE QUANTIFICATION

V1⊗V2 est l’opérateur de couplage entre les deux particules, c’est l’énergie potentielle d’interaction mutuelle.Pour deux particules sans interaction mutuelle (V1 ⊗ V2 = 0) l’opérateur d’évolution est de la forme

U(t, 0) = U1(t, 0) ⊗ U2(t, 0)

et les deux particules évoluent indépendamment l’une de l’autre. Dans le cas où les particules sont en inter-action, même si l’état initial est factorisable, l’évolution le transformera en état intriqué.

Cette discussion peut être étendue sans difficulté à un ensemble de N particules discernables.

5.2 Systèmes de particules indiscernables : cas des bosons

On considère un système composé de deux particules identiques de type boson (deux photons parexemple). Conformément à la discussion précédente, l’espace des états est H ⊗ H = H⊗2. Si les deuxbosons sont dans le même état ψ alors l’état du système est ψ ⊗ ψ. Maintenant supposons qu’une particulesoit dans l’état ψ1 et l’autre dans l’état ψ2. Les deux particules étant identiques, la délocalisation spatiale, leprincipe d’incertitude de Heisenberg et la règle de projection de Born, vont empêcher de pouvoir discernerles particules. Par conséquent on ne sait pas attribuer l’un des états à l’une des particules. Ainsi l’état ducomposite doit être une superposition de “le boson 1 se trouve dans ψ1 et le boson 2 dans ψ2” avec “le boson1 se trouve dans ψ2 et le boson 2 dans ψ1”, c’est à dire

ψ1 ∨ ψ2 =1

2(ψ1 ⊗ ψ2 + ψ2 ⊗ ψ1)

∨ porte le nom de produit tensoriel symétrisé. H⊗2 est donc “trop grand”, il comporte des états qui nepeuvent pas être accessibles (comme ψ1 ⊗ ψ2). Le véritable espace des états du système est H ∨H = H∨2.Pour un système de trois bosons identiques, l’espace des états sera H∨3 qui comporte les superpositionsd’états de la forme

ψ1 ∨ ψ2 ∨ ψ3 =1

6(ψ1 ⊗ ψ2 ⊗ ψ3 + ψ2 ⊗ ψ3 ⊗ ψ1 + ψ3 ⊗ ψ1 ⊗ ψ2

+ψ2 ⊗ ψ1 ⊗ ψ3 + ψ1 ⊗ ψ3 ⊗ ψ2 + ψ3 ⊗ ψ2 ⊗ ψ1)

D’une manière générale, pour un sysème à n bosons, H∨n est composé de superpositions d’états de la forme

n∨

i=1

ψi =1

n!

σ∈Snψσ(1) ⊗ ψσ(2) ⊗ ...⊗ ψσ(n)

où Sn est l’ensemble des permutations de (1, 2, ..., n) (σ ∈ Sn est une application qui modifie l’ordre deschiffres par exemple σ(1) = 2 , σ(2) = 1, σ(3) = 3 avec σ ∈ S3 ; on montre que Sn comporte n! permutationsdifférentes).

Jusqu’à présent on a supposé que le nombre de bosons dans l’ensemble était connu et fixe, mais supposonsque ce ne soit pas le cas et que des processus quantiques modifient ce nombre (par exemple des photonspeuvent être absorbés ou émis par la matière). Dans ce cas, on doit considérer des états de la forme

ψ0 + ψ1 ∨ ψ2

Il s’agit d’un chat de Schrödinger où l’ensemble est dans une superposition de “un seul boson dans l’état ψ0”et de “deux bosons dans les états ψ1 et ψ2”. Cet état appartient à l’espace H⊕H∨2. La somme directe “⊕”signifie que l’on considère des combinaisons d’états des deux espaces, et que le seul vecteur commun est 0.Comme le nombre de bosons n’est pas fixé, l’espace total des états est

F+(H) =+∞⊕

n=0

H∨n

avec pour convention H∨0 = H⊗0 = C : C est l’espace des états quand il n’y a aucune particule dans l’en-semble, par définition c’est un espace de Hilbert de dimension 1 puisqu’il n’y a aucun degré de liberté. F+(H)s’appelle un espace de Fock bosonique. L’écriture des états et même d’une base orthonormée de l’espacede Fock est quelque peu délicate. Il existe une représentation qui facilite les choses, dite représentation

nombre de particules. Soit (φi)i=1,...,dimH une base orthonormée de H. On adopte la notation suivante :

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5.2. SYSTÈMES DE PARTICULES INDISCERNABLES : CAS DES BOSONS 57

– l’état normé lorsque l’ensemble ne comporte aucun boson est noté |0〉 (|0〉 est donc la base de C ;〈0|0〉 = 1, il faut faire attention au fait que |0〉 6= 0), on l’appelle le vide quantique,

– les états orthonormés constituant la base de H sont notés |1i〉 = φi (|1i〉 s’interprète comme l’état danslequel il y a un seul boson dans l’état φi),

– les états orthonormés constituant la base de H∨2 sont notés |2i〉 = φi ⊗ φi (deux bosons chacun dansl’état φi) et |1i1j〉 = φi ∨ φj (deux bosons dans deux états différents φi et φj).

– les états orthonormés consituant la base de H∨3 sont notés |3i〉 = φi ⊗ φi ⊗ φi, |1i2j〉 = φi ∨ φj ∨ φj),|1i1j1k〉 = φi ∨ φj ∨ φk ;

– etc...d’une manière générale, la base de l’espace de Fock F+(H) est (|n1n2...ndimH〉)ni∈N (et il est d’usage de nepas écrire les zéros et d’écrire |0〉 pour |01...0dimH〉). |n1n2...ndimH〉 est l’état avec ni boson(s) dans l’étatφi. Souvent on désigne le fait qu’un boson est dans l’état φi comme le fait qu’un boson occupe le mode i.Ainsi dans |n1n2...ndimH〉 on dira que le mode i est peuplé de ni boson(s). Un état quelconque de l’espacede Fock F+(H) sera une superposition d’états de peuplement des modes.

Définition 19 (Opérateurs créations et annihilations bosoniques). On appelle opérateur de création sur lemode i et opérateur d’annihilation sur le mode i, les opérateurs a+

i et ai définis par

a+i |...ni...〉 =

√ni + 1|...ni + 1...〉

ai|...ni...〉 =√ni|...ni − 1...〉 si ni > 0

ai|...0i...〉 = 0

a+i crée un boson dans le mode i et ai détruit un boson dans le mode i.

Propriété 13.

[ai, aj ] = 0 [a+i , a

+j ] = 0 [ai, a

+j ] = δij

On appelle (ai, a+i , 1)i=1,...,dimH une algèbre CCR (pour relation de commutation canonique).

Soit H l’hamiltonien d’un boson. On suppose que les bosons n’interagissent pas entre eux et que (φ)i estune base de vecteurs propres associée à H (on suppose ici que Spcont(H) = ∅ et que DomH = H). Il s’ensuit que l’hamiltonien de l’ensemble est

dΓ(H) =

+∞∑

n=1

n∑

i=1

1 ⊗ ...⊗position i

↓H ⊗ ...⊗ 1

︸ ︷︷ ︸

n termes

en écrivant Hφi = ~ωiφi on a

dΓ(H) =

+∞∑

i=1

~ωia+i ai

Un ensemble de bosons qui n’interagissent pas entre eux se comporte comme un gaz parfait d’oscillateursharmoniques. On peut éventuellement ajouter un terme ~ω0 représentant l’énergie du vide (l’état |0〉). dΓ(H)s’appelle la version de seconde quantification de H . D’une manière générale pour un opérateur A ∈ L(H),avec

A =∑

ij

〈φi|A|φj〉|φi〉〈φj |

on a sa version de seconde quanfitication :

dΓ(A) =

+∞∑

n=1

n∑

i=1

1 ⊗ ...⊗position i

↓A ⊗ ...⊗ 1

︸ ︷︷ ︸

n termes

qui peut être mise sous la forme

dΓ(A) =∑

ij

〈φi|A|φj〉a+i aj

a+i aj détruit un boson sur le mode j et crée un boson sur le mode i.

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58 CHAPITRE 5. THÉORIE DE LA SECONDE QUANTIFICATION

5.3 Systèmes de particules indiscernables : cas des fermions

On considère un ensemble de particules identiques de type fermion. La discussion précédente sur l’indis-cernabilité continue de s’appliquer mais de plus il faut tenir compte du principe d’exclusion de Pauli. Ainsideux fermions peuvent être dans des états différents ψ1 et ψ2 mais pas simultanément dans même l’état ψ1.Pour tenir compte de ce fait, l’état sera

ψ1 ∧ ψ2 =1

2(ψ1 ⊗ ψ2 − ψ2 ⊗ ψ1)

où ∧ est le produit tensoriel antisymétrisé. Ainsi à n fermions, les états de H∧n seront des combinaisonsd’états de la forme

n∧

i=1

ψi =1

n!

σ∈Sn(−1)σψσ(1) ⊗ ...⊗ ψσ(n)

où (−1)σ est la signature de la permutation σ ((−1)σ = 1 si σ est une permutation circulaire de (12...n), et= −1 sinon). L’espace total des états est donc l’espace de Fock fermionique

F−(H) =+∞⊕

n=0

H∧n

avec par convention H∧0 = H⊗0 = C. Avec (φi)i=1,...,dimH une base orthonormée de H, la base de l’espacede Fock en représentation nombre de particules est (|n1...ndimH〉)ni=0 ou 1 (le nombre de fermions sur unmême mode ne pouvant dépasser 1). Attention : du fait de l’antisymétrie, l’ordre compte :

|1112〉 =1

2(φ1 ⊗ φ2 − φ2 ⊗ φ1) = −1

2(φ2 ⊗ φ1 − φ1 ⊗ φ2) = −|1211〉

D’une manière générale|...1i...1j ...〉 = −|...1j...1i...〉

les états sont antisymétriques par échange de deux particules.

Définition 20 (Opérateurs créations et annihilations fermioniques). On appelle opérateur de création surle mode i et opérateur d’annihilation sur le mode i, les opérateurs c+i et ci définis par

ci|0i...〉 = 0

ci|...1i...〉 = |...0i...〉c+i |0i...〉 = |1i...〉

c+i |...1i...〉 = 0

Propriété 14.

ci, cj = 0 c+i , c+j = 0 c+i , cj = 1

où A,B = AB + BA est l’anticommutateur. On appelle (ci, c+i , 1)i=1,...,dimH une algèbre CAR (pour

relation d’anticommutation canonique).

Comme pour les bosons, une observable a pour version de seconde quantification

dΓ(A) =∑

ij

〈φi|A|φj〉c+i cj

5.4 Discussion sur le rôle de la seconde quantification

La théorie de la seconde quantification est indispensable en mécanique statistique quantique pour décrireun système en interaction avec un réservoir (échanges d’énergie et de particules possibles entre le système etle réservoir ; i.e. l’ensemble grand-canonique à l’équilibre). Elle est également indispensable pour décrire lathéorie quantique des champs, à savoir décrire de façon quantique les champs d’interaction. Par exemple, ladescription quantique du champ électromagnétique (en terme de photons) passe par l’usage d’un espace deFock bosonique et d’une algèbre CCR (cf. cours d’optique quantique d’E. Lantz). Il en est de même pour les

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5.4. DISCUSSION SUR LE RÔLE DE LA SECONDE QUANTIFICATION 59

interactions nucléaires faible (bosons W+, W−, et Z0) et forte (gluons). Le terme de seconde quantificationvient de là ; la première quantification est la quantification de l’énergie ; la seconde est celle du rayonnement.Les particules matérielles (électrons, neutrinos, quarks) sont également décrites par la seconde quantification(à l’aide d’espaces de Fock fermioniques et d’algèbres CAR). C’est la possibilité qu’une paire particule-antiparticule “surgisse” du vide et qu’une telle paire puisse s’annihiler, qui nécessite l’usage de la secondequantification (le nombre de fermions n’est pas fixe). Dans cette optique, la notion de “champ” prend le passur celui-ci de “particule”. Les champs composés de fermions de spin 1

2 , que l’on appelle champs de Diracsont plus significatifs que la notion de fermion individuel (comme la notion de champ électromagnétique estplus pertinente que celle de photon individuel). Les états |n1, ...〉 sont des états du champ, le vide quantiqueétant lui-même un état du champ. La notion de particule étant réduite à la définition faible d’une excitationdu champ sur un mode donné. Ontologiquement cela a une importance capitale, on avait déjà remarqué quela notion de particule était délicate du fait de l’inséparabilité quantique de deux particules indiscernables(“fusion” de leurs fonctions d’onde). La théorie de la seconde quantification induit que même une notion flouede particule pose problème (dans le cas général on ne peut pas parler d’états des particules, mais de l’état duchamp). Un autre aspect qui renforce la notion de champ face à celle de particule, et que pour de nombreusesobservables on a ∆A2

0 = 〈0|A2|0〉 − 〈0|A|0〉2 6= 0. L’incertitude de l’observable A dans le vide quantiqueest non-nulle. Cela signifie que si on fait une série de mesures de A sur le vide (aucune particule), alors onobservera des fluctuations statistiques (intrinsèques à la Nature et non dues à des problèmes expérimentaux).En mécanique quantique, il se passe des choses dans le vide. On interprète ces fluctuations par le faitqu’en permanence des paires particules-antiparticules surgissent spontanément et s’annihilent sur une trèscourte distance. Ces fluctuations du vide quantique ont été observées expérimentalement (comme avec l’effetCasimir). Comment la notion de particule pourrait être porteuse de l’essence physique si des effets existent enleur absence ? Au contraire le champ existe toujours et l’état vide n’est que l’un de ses états parmi d’autres.De fait, il semble que le champ est une meilleure essence physique que la particule.

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60 CHAPITRE 5. THÉORIE DE LA SECONDE QUANTIFICATION

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Bibliographie

• Ouvrages de base : A. Messiah, Mécanique quantique vol. 1 & 2 (Dunod, 1958 & 1961). E. Elbaz, Quantique (Ellipses, 1995) / Quantum (Springer, 1998).

• Ouvrages plus techniques : M. Reed & B. Simon, Methods of modern mathematical physics vol. 1 à 4 (Academic Press, 1975,

1978, 1979 & 1980). P.D. Hislop & I.M. Sigal, Introduction to spectral theory (Springer, 1996).

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