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M ´ ethode des ´ El ´ ements Finis en ´ Elasticit ´ e B. Maury

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Methode des Elements Finis

en Elasticite

B. Maury

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Table des matieres

partie 1. Modelisation numerique en elasticite lineaire 7

Chapitre 1. Methode des elements finis : demarche generale 91.1. Demarche generale 91.1.1. Probleme de Poisson 91.1.2. Equations de l’elasticite lineaire 141.2. Fondements theoriques 181.2.1. Espaces fonctionnels 181.2.2. Cadre abstrait 221.3. Resolution des systemes lineaires 231.3.1. Conditionnement 241.3.2. Methodes directes 271.3.3. Methodes iteratives 281.4. Exercices 30

Chapitre 2. Prise en compte de contraintes 352.1. Preliminaires, introduction 352.2. Cadre theorique 372.3. Contraintes en elasticite 382.3.1. Fixation repartie 382.3.2. Obstacle 392.3.3. Inclusion rigide 412.4. Exercices 41

partie 2. Aspects theoriques et complements mecaniques 51

Chapitre 3. Espaces de Hilbert 533.1. Premieres proprietes, theoreme de Lax-Milgram 533.2. Convergence faible 573.3. Complements theoriques 593.4. exercices 60

Chapitre 4. Espaces de Sobolev 614.1. Rappels sur l’espace L2(Ω) 614.2. Definitions, proprietes generales 624.3. Traces 664.4. Injections 704.5. Champs de vecteurs 714.6. Inegalites de Poincare, de Korn 724.7. Problemes aux limites elliptiques 744.7.1. Existence et unicite de solutions 744.7.2. Regularite des solutions faibles 76

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4 TABLE DES MATIERES

4.8. Complements 774.8.1. Espaces de Sobolev et transformation de Fourier 774.8.2. Approche Hdiv 784.9. Exercices 80

Chapitre 5. Bases theoriques de la methode des elements finis 815.1. Approximation de Lagrange 815.1.1. Preliminaires 815.1.2. Approximation sur un simplexe (elements d’ordre 1) 825.1.3. Approximation sur un domaine 835.1.4. Approximation d’ordres superieurs 845.2. Principes abstraits 845.2.1. Approche directe 845.3. Resolution de problemes elliptiques par elements finis 86

Chapitre 6. Optimisation sous contrainte 896.1. Introduction 896.2. Approche duale 906.3. Penalisation 95

Chapitre 7. Resolution de grands systemes lineaires 997.1. Definitions, preliminaires 997.2. Methodes directes 1007.3. Methodes iteratives 1017.3.1. Methode du gradient a pas fixe (Richardson) 1017.3.2. Methode du gradient a pas optimal 1027.3.3. Methode du gradient conjugue 103

Chapitre 8. Complements theoriques et techniques 1058.1. Valeurs propres, vecteurs propres 1058.1.1. Estimation des valeurs propres 1058.1.2. Spectre du Laplacien discret 1058.1.3. Valeurs propres du Laplacien 1068.2. Assemblage 1068.2.1. Integrale de fonctions barycentriques dans un simplexe 1068.3. Formules d’integration par partie 1068.4. Operateurs differentiels en coordonnees curviligne 106

Chapitre 9. Complements mecaniques 1099.1. Coefficient de Poisson, module d’Young, et parametres de Lame 1099.1.1. Definitions, relations 1099.2. Cercles de Mohr et limite elastique 1109.2.1. Elasticite bi-dimensionnelle 111

Bibliographie 115

Index 117

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TABLE DES MATIERES 5

Avertissement

La structure de ce cours, peu usuelle, appelle quelques commentaires.

La premiere partie decrit la demarche de modelisation, de discretisation, une description dela demarche d’analyse theorique, et contient un grand nombre de remarques, en generalnon strictement formalisees mathematiquement, qui nous paraissent essentielles a unebonne comprehension de l’utilisation effective de la methode des elements finis appliqueea l’elasticite. Cette premiere partie fait reference a des elements de la seconde partie, quielle ne contient que des elements formalises de facon stricte, et presentes sous la forme depropositions, theoremes, etc.., presentes en general sans justification, que l’on peut voircomme des elements d’une bibliotheque dans laquelle on va puiser au gre des besoins dela modelisation et du developpement de methodes numeriques.

Nous nous sommes efforces de limiter les aspects mathematiques aux elements qui presententun interet pour le modelisateur, qu’il s’agisse du cadre theorique de modeles concrets, del’analyse numerique des methodes presentees (convergence de la solution discrete vers lasolution exacte quand le parametre de discretisation tend vers 0), ou de l’interpretationen termes de modelisation de questions de regularite de fonctions.

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Premiere partie

Modelisation numerique en elasticitelineaire

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CHAPITRE 1

Methode des elements finis : demarche generale

Dans ce chapitre nous presentons dans son ensemble la demarche qui permet de passer d’unprobleme de modelisation concret a la resolution effective de ce probleme sur ordinateur.Tous les aspects de cette demarche sont evoques, pour le cas de l’equation de la chaleur,et pour un probleme modele en elasticite lineaire. Les sections suivantes sont consacreesa l’approfondissement des differents aspects evoques dans la premiere section.

1.1. Demarche generale

Nous decrivons ici la demarche qui permet de passer d’un probleme physique a la resolutioneffective de ce probleme sur ordinateur, dans le cas de l’equation de Poisson et de l’equationde l’elasticite linearisee.

1.1.1. Probleme de Poisson. On considere un materiau bidimensionnel conducteurde la chaleur occupant le domaine Ω =]0, 1[×]0, 1[. On note k(x) la conductivite thermiqueau point x, de telle sorte que le flux de chaleur s’ecrive J = −k∇u, ou u represente lechamp de temperature. On suppose la conductivite minoree sur le domaine : k ≥ η > 0. Oncherche a determiner la conductivite equivalente du materiau, en considerant la situationsuivante : on suppose la temperature fixee aux bords inferieur et superieur aux valeurs 0et 1 respectivement, on suppose les bords lateraux isoles thermiquement, et l’on cherchea determiner le facteur de proportionalite entre le saut de temperature (ici egal a 1) et leflux de chaleur qui traverse l’echantillon de bas en haut, qui s’exprime

Φ = −∫

Γ1

k∂u

∂n.

La conservation de la chaleur et les conditions au bord s’expriment

−∇ · k∇u = 0 in Ω

u = 0 sur Γ1

u = 1 sur Γ3

k∂u

∂n= 0 sur Γ2

⋃Γ4

(1.1)

Formulation variationnelle. On obtient la formulation variationnelle de ce problemeen multipliant la premiere equation par une fonction test v reguliere qui s’annule sur lapartie du bord ou la temperature est imposee. On obtient apres integration par parties

Ωk∇u ·∇v −

Γkv∂u

∂n=∫

Ωfv

9

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10 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

∂u

∂n= 0

∂u

∂n= 0

u = 0

u = 1

Ω

k(x)

Fig. 1.1. Conditions aux limites

d’ou (les termes de bord s’annulent sur Γ1 ∪Γ3 du fait de la nullite de v, et sur Γ2 ∪Γ4 depar la condition aux limites sur le flux)

Ωk∇u ·∇v = 0

Cette demarche d’elaboration de la formulation variationnelle n’est pas a proprementparler mathematique : ni l’espace dans lequel est cense vivre la solution, ni le sens que l’onpeut donner a l’equation de depart, n’ont ete precises. C’est cette formulation variationnellequi va permettre justement de donner un cadre theorique precis au modele.

Cadre theorique. Ce probleme se met donc sous la forme

a(u, v) = 0 ∀v ∈ V,

ou a(·, ·) est une forme bilineaire sur un espace affine ferme V 1 d’un espace de HilbertV , V 0 est l’espace vectoriel sous-jacent. L’espace V est l’espace de Sobolev H1(Ω) (voirchapitre 4) des fonction de L2 dont les derivees partielles sont aussi dans L2, le sous-espaceaffine V 1 est le sous-espace des fonctions de V qui verifient les conditions aux limites deDirichlet imposees, et l’espace V 0, ensemble des u2 − u1 pour u1 et u2 decrivant V 1, estl’espace des champs qui sont nuls sur les parties de la frontiere ou u est imposee1 :

V 0 =v ∈ H1(Ω) , u|Γ1

= 0 , u|Γ3= 0

.

On se ramene a un probleme homogene en recherchant u sous la forme u0 + u, ou u0 estun element quelconque de V 1 (il s’agit donc d’un relevement des conditions aux limites deDirichlet), pour obtenir

a(u, v) = −a(u0, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V 0,

ou a(·, ·) est une forme bilineaire continue symetrique sur l’espace de Hilbert V 0, et ϕ uneforme lineaire continue sur V 0. Dans le cas ou la forme bilineaire a(·, ·) est coercive, c’esta dire (voir definition 3.13) s’il existe α > 0 tel que a(v, v) ≥ α |v|2 pour tout v dans V 0,le theoreme de Lax Milgram (theoreme 3.16) assure l’existence et l’unicite d’une solutiondans V 0.

1Le sens precis que l’on peut donner a l’expression u|Γi= 0 est precise dans la section 4.3, page 66.

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1.1. DEMARCHE GENERALE 11

Le point essentiel pour pouvoir utiliser le theoreme de Lax-Milgram est la coercivite dela forme bilineaire, dont nous verrons qu’elle peut etre mise a mal pour des materiauxdegeneres. Ici, la coercivite de la forme bilineaire est assuree d’une part par l’hypothesek ≥ η > 0, et d’autre part par le fait que l’on peut choisir la quantite (

∫|∇u|2)1/2

comme norme sur l’espace V 0, grace a l’un des corrolaires de l’inegalite de Poincare (voircorollaire 4.51 et remarque 4.52, page 73).

Retour a l’equation de depart. La formulation variationnelle ayant ete construite defacon informelle, il est important de preciser en quel sens le probleme mis sous formevariationnelle correspond bien au probleme initial. Cette etape peut etre tres delicatedans certains cas (la difficulte dependant de la regularite de la frontiere du domaine,et des conditions aux limites considerees). Le premier pas consiste a etablir a partir dela formulation variationnelle que la solution est en fait plus reguliere2 que la regularitenaturelle H1 (qui intervient dans le cadre de l’utilisation du theoreme de Lax-Milgram).Nous admettrons ici que la solution appartient en effet a un espace de fonctions plusregulieres, l’espace H2(Ω) (voir definition 4.21), de telle sorte que ∇ ·∇u est defini commefonction de L2(Ω), et que l’on peut ecrire

−∇k ·∇u = f p.p. sur Ω.

Precisons que l’appartenance a H2(Ω) ainsi que l’ecriture de l’equation ci-dessus utilisentuniquement la formulation variationnelle pour des fonctions tests a support compact dansΩ (qui sont en particulier nulles au bord).

Les conditions aux limites de Dirichlet en haut et en bas sont contenues dans l’appar-tenance de u a l’espace V 1 (on parle de conditions essentielles). Pour les conditions auxlimites de Neuman, sur les bords lateraux, on considere des fonctions ϕ regulieres apparte-nant a V 0, mais non necessairement nulles au bords Γ2 et Γ4, et l’on integre la formulationvariationnelle par la seconde formule de Green (la fonction u etant dans H2, sa deriveenormale est notamment dans L2 du bord) :

−∫

Ωϕ∇ · k∇u +

Γ2∪Γ4

ϕk∂u

∂n= 0,

On a donc ∫

Γ2∪Γ4

k∂u

∂nϕ = 0

pour toute fonction-test reguliere de V , de telle sorte que k∂u/∂n est bien egal a 0 presquepartout sur Γ2 ∪ Γ4.

Discretisation en espace. L’approximation de la solution u du probleme de depart estbasee sur l’introduction d’espaces Vh de fonctions, de dimension finie. Dans le cadre dela methode des elements finis dits P 1 (pour polynome de degre 1), on se donne une suitede triangulations Th (voir definition 5.8, page 83, pour une definition precise de ce quenous entendons par triangulation), ou h est un petit parametre destine a tendre vers 0,qui mesure la finesse de la triangulation. On definit alors V 1

h comme l’espace des fonctionscontinues, qui verifient la condition aux limites sur les bords superieur et inferieur, et dontla restriction a chaque triangle de Th est affine :

V 1h =

vh ∈ V 1 , vh|K est affine sur tout K ∈ Th

.

2Precisons que ce resultat de regularite interviendra de facon essentielle dans l’analyse d’erreur de lamethode de discretisation.

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12 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

Le probleme discret s’ecrit

Trouver uh ∈ V 1h tel que

Ωk∇uh ·∇vh = 0 ∀vh ∈ V 0

h .(1.2)

ou Γ! = Γ2 ∪ Γ4 est la frontiere laterale. Si l’on note u0h un relevement de la condition de

Dirichlet non homogene (on pourra prendre par exemple la fonction qui prend la valeur 1sur Γ3, et la valeur 0 en tous les sommets du maillage qui n’appartiennent pas a Γ3), onse ramene a un probleme sur V 0

h (en ecrivant la solution uh = u0h + uh),

Trouver uh ∈ V 0h tel que

Ωk∇uh ·∇vh = −

Ωk∇u0

h ·∇vh ∀vh ∈ V 0h .

(1.3)

Formulation matricielle. On numerote i = 1, 2, . . ., Nh les nœuds de la triangulation quicorrespondent a des degres de liberte (c’est a dire les sommets de Th qui n’appartiennentni a Γ1 ni a Γ3), et l’on note wi la fonction de Vh qui prend la valeur 1 au sommet i. Lasolution recherchee uh peut s’ecrire

uh = u0h +

Nh∑

j=1

ujwj,

de telle sorte que (1.2) se ramene au systeme matriciel (on garde la notation uh pourdesigner le vecteur (u1, . . . , uNh)

Auh = bh,

ou A est une matrice carree d’ordre N , et bh ∈ Nh :

A = (Aij) =(∫

Ωk∇wi ·∇wj

), bh =

(−∫

Ωk∇wi ·∇u0

h

)

i

.

La solution approchee uh est alors definie par u0h + uh.

Implantation sur Freefem++ . Le logiciel Freefem++ permet de calculer uh en quelqueslignes. Precisons que l’assemblage de la matrice et la resolution des systemes sont gerespar le logiciel sans que l’utilisateur ait a intervenir (si ce n’est pour preciser eventuellementle choix de telle ou telle methode de resolution). D’autre part, les conditions de Dirichletnon homogenes (conditions u = 1 sur Γ3) ne necessitent pas l’introduction explicite d’unrelevement de cette condition au bord.

int np=50;mesh Th=square(np,np);

fespace Vh(Th,P1);Vh u,tu ;func k = 1+0.5*sin(y*4*pi) ;plot(Th,wait=1);

problem Poisson(u,tu)=int2d(Th)(k*(dx(u)*dx(tu)+dy(u)*dy(tu)))

+on(1,u=0)+on(3,u=1);

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1.1. DEMARCHE GENERALE 13

Poisson ; plot(u, wait=1);

Estimation de la quantite d’interet. Au dela de la representation graphique de lasolution dans son ensemble, l’objectif du calcul est en general l’estimation d’une ou dequelques valeurs numeriques. Pour le cas que nous avons considere ici, il s’agissait d’estimerle flux

Φ = −∫

Γ1

k∂u

∂n.

S’il est possible d’estimer directement cette quantite (le logiciel Freefem++ permet d’esti-mer directement des integrales curvilignes sur une partie de la frontiere), on se ramene engeneral a une integrale en volume, qui permet d’utiliser un produit matrice vecteur dejadisponible. Cette transformation est basee sur la formule de Green, valable pour toutefonction ϕ reguliere ∫

Ωϕ∇ · k∇u +

Ωk∇ϕ ·∇u =

Γϕk∂u

∂n.

Notons que la fonction integree sur la frontiere s’annule sur Γ2 et Γ4. Si l’on choisit unefonction ϕ identiquement egale a 1 sur Γ1 et nulle sur Γ3 (par exemple ϕ(x1, x2) = 1−x2,on obtient (en utilisant le fait que u verifie l’equation de Poisson)

−∫

Γ1

k∂u

∂n= −

Ωk∇ϕ ·∇u.

On approche ainsi le flux par l’expression

Φh = −∫

Ωk∇ϕ ·∇uh,

ou uh = u0h + uh est la solution calculee.

L’instruction suivante sous Freefem++ renvoie ainsi la valeur recherchee :

tu = 1-y ;cout<< "flux= " << -int2d(Th)(k*(dx(u)*dx(tu)+dy(u)*dy(tu))) << endl ;

Noter que l’expression du flux sous la forme d’une integrale sur Γ1, qui correspond al’instruction

cout<< "flux= " << -int1d(Th,1)(k*(dx(u)*N.x + dy(u)*N.y)) << endl ;

donne en general un resultat different3.

Erreur sur la solution calculee. Il est bien sur essentiel d’estimer la confiance que l’onpeut avoir dans l’approximation calculee. Considerons tout d’abord l’estimation de l’erreurcommise sur la solution dans son ensemble. Cette estimation se base sur 2 ingredients.

3On retrouvera ce phenomene dans un grand nombre de situations : une quantite peut s’exprimerde diverses manieres equivalentes au niveau continu, mais le fait de choisir telle ou telle expression pourl’estimation numerique conduit a des resultats differents. On peut choisir l’expression qui conduit a lamise en œuvre la plus facile, ou privilegier l’expression qui peut etre etayee par une estimation d’erreurrigoureuse (ces deux criteres conduisent parfois a des choix differents). Dans le cas presents, ces deuxcriteres incitent a utiliser une formulation en integrale de volume plutot qu’en integrale de bord.

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14 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

1) En premier lieu, il s’agit d’etablir une inegalite d’approximation du type

infvh∈Vh

|vh − u| ≤ ε(h, u),

ou u est la solution exacte du probleme initial, et ε(h, u) tend vers 0 quand le parametrede discretisation h tend lui-meme vers 0. Pour le cas des elements finis d’ordre 1 quenous avons consideres ici, ε est du type Ch ‖u‖H2 , ou H2 designe l’espace de Sobolev desfonctions de L2 dont toutes les derivees secondes sont de carre integrable. Noter que laregularite de la solution donnee par le theoreme d’existence et d’unicite est simplementH1. Il sera donc necessaire de montrer que la solution est plus reguliere que cela.

2) Le fait que l’estimation d’approximation precedente puisse conduire a une estimationd’erreur sur la solution effectivement calculee (qui n’a aucune raison d’etre la meilleureapproximation de u par un element de Vh) se base sur le lemme de Cea (voir chapitre 5),qui utilise encore une fois la coercivite de la forme bilineaire a(·, ·), et s’exprime ici

‖u − uh‖ ≤ C infvh∈Vh

|vh − u| ,

ou C est une nouvelle constante qui depend des proprietes de la forme bilineaire. Nousverrons que dans le cas de materiaux inhomogenes cette constante est susceptible d’etretres grande, ce qui suggere une degradation de la precision numerique.

Erreur sur l’objectif. Nous avons approche le flux par la quantite

Φh = −∫

Ωk∇ϕh ·∇Uh,

de telle sorte que

|Φh − Φ| =∣∣∣∣

Ωk (∇ϕh ·∇Uh − k∇ϕ ·∇U)

∣∣∣∣

≤∫

Ω|k∇ϕ ·∇(Uh − U)| +

Ω|k∇Uh ·∇(ϕh − ϕ)|

≤ C (|ϕ|1 |Uh − U |1 + |Uh|1 |ϕh − ϕ|1) .

Noter que si l’on choisit pour ϕ une fonction affine, le second terme s’annule, et l’ondeduit l’estimation d’erreur sur Φ de l’estimation d’erreur sur U . Si ϕ n’est pas affinemais reguliere, les proprietes d’approximation de l’operateur d’interpolation permettentde majorer le second terme comme le premier.

1.1.2. Equations de l’elasticite lineaire. On considere maintenant un materiauelastique non homogene occupant le meme domaine Ω de 2. Un probleme analogue a ce-lui considere pour l’equation de la chaleur consiste a rechercher certaines caracteristiquesapparentes du materiau. L’inconnue u represente maintenant un champ de deplacementelementaire (dans la realite, le champ de deplacement effectif s’ecrira εu, ou ε est suffisa-ment petit pour que les conditions de l’elasticite lineaires soient verifiees). On suppose ledeplacement vertical nul sur le bord du bas, et prescrit a la valeur 1 sur le bord du haut.Pour des raisons qui apparaıtront plus tard, on se propose de ne considerer qu’une moitied’echantillon (ce qui est licite si l’on fait des hypotheses de symetrie sur le materiau), detelle sorte que la paroi de gauche (Γ4) est en fait une ligne de symetrie, vue par le materiaucomme une paroi glissante sans frottement.

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1.1. DEMARCHE GENERALE 15

−∇ · σ = 0 dans Ω

u · n = 0 , t · σ · n = 0 sur Γ1

u · n = 1 , t · σ · n = 0 sur Γ3

σ · n = 0 sur Γ2

u · n = 0 , t · σ · n = 0 sur Γ4

(1.4)

avec σ = µ(∇u + t∇u) + λ (∇ · u) Id.

Noter que dans le cas ou λ et µ sont constants (materiau homogene), on connait la solutionexplicite (voir page 109) :

u(x1, x2) =(

−ν"x1

x2

)

ou ν" = λ/(λ + 2µ) est le coefficient de Poisson du materiau bidimensionnel (voir sec-tion 9.2.1, page 111).

On choisit de s’interesser ici a l’evaluation du module d’Young apparent, qui est la constantede proportionalite entre la contrainte normale moyenne sur Γ3 et le deplacement vertical.Ce coefficient s’ecrit donc

E =∫

Γ3

n · σ · n.

On peut definir de meme un coefficient de Poisson apparent lie a la deformation (naturelle)dans la direction orthogonale a la deformation imposee (verticale) :

ν = −∫

Γ2

u · e1.

Formulation variationnelle. La formulation variationnelle s’obtient en multipliant l’equationd’equilibre des forces par un champ v cinematiquement admissible a zero (pour toute condi-tion au bord de deplacement impose dans une direction, la composante correspondante dev est nulle), et en integrant par parties :

12

Ωµ(∇u + t∇u) : (∇v + t∇v) +

Ωλ(∇ · u)(∇ · v) −

Γv · σ · n = 0.

Du fait des conditions sur u et sur v, on verifie que le terme de bord s’annule.

Cadre theorique. Ce probleme se ramene donc a la recherche de u dans V 1 d’une solutiona

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V 0,

ou a(·, ·) est une forme bilineaire sur un espace de Hilbert V , V 1 est un sous-espace affineferme de V , V 0 est l’espace vectoriel sous-jacent, et ϕ une forme lineaire continue sur V .L’espace V est l’espace H1(Ω)2, le sous-espace affine V 1 est le sous-espace des fonctions deV qui verifient les conditions aux limites de Dirichlet imposees, et l’espace V 0, ensemble desu2 −u1 pour u1 et u2 decrivant V 1, est l’espace des champs cinematiquement admissiblesa zero. On se ramene a un probleme homogene en recherchant u sous la forme u0 + u,ou u0 est un element quelconque de V 1 (il s’agit donc d’un relevement des conditions auxlimites de Dirichlet), pour obtenir

a(u,v) = 〈ϕ , v〉 − a(u0,v) ∀v ∈ V 0,

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16 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

Ici, encore, c’est le theoreme de Lax-Milgram applique sur l’espace de Hilbert V 0 qui assurel’existence et l’unicite d’une solution dans une sous-espace de H1(Ω)N . La coercivite de laforme bilineaire est plus delicate que dans le cas scalaire. Elle fait appel a une inegalite ditede Korn, dont l’une des consequences (voir corollaire 4.54) est que, dans un sous-espacede H1(Ω)N qui ne contient aucun mouvement rigide elementaire autre que 0, la norme L2

du tenseur des taux de deformations e(u) = (∇u+ t∇u)/2 est equivalente a la norme H1.

Retour a l’equation de depart. Comme dans le cas scalaire etudie dans la section 1.1.1,le premier pas consiste a etablir a partir de la formulation variationnelle que la solutionest en fait plus reguliere que la regularite naturelle H1 (qui intervient dans le cadre del’utilisation du theoreme de Lax-Milgram). Nous admettrons ici que la solution appartienten effet a un espace de fonctions plus regulieres, l’espace H2(Ω)2 (voir definition 4.21), detelle sorte que toutes les derivees secondes sont definies comme fonctions de L2(Ω)2, etque l’on peut ecrire

−∇ · σ = 0 p.p. sur Ω.

Precisons que l’appartenance a H2(Ω) ainsi que l’ecriture de l’equation ci-dessus utilisentuniquement la formulation variationnelle pour des fonctions tests a support compact dansΩ (qui sont en particulier nulles au bord).

Les conditions aux limites de Dirichlet en haut et en bas sont contenues dans l’appar-tenance de u a l’espace V 1 (on parle de conditions essentielles). Pour les conditions auxlimites de Neuman, sur les bords lateraux, on considere des fonctions ϕ regulieres apparte-nant a V 0, mais non necessairement nulles aux bords Γ2 et Γ4, et l’on integre la formulationvariationnelle par la seconde formule de Green vectorielle (voir proposition 4.46, page 71).Les integrales volumiques s’annulent du fait de ce que precede, et il reste les termes debord ∫

Γ2∪Γ4

(σ · n) · ϕ = 0

pour toute fonction-test reguliere de V 0. L’appartenance a V 0 imposant la nullite de lacomposante normale sur Γ4, on en deduit donc bien t · σ · n = 0 sur Γ4 et (ϕ est enrevanche libre sur Γ2), σ · n = 0 sur Γ2. Noter que, du fait de l’appartenance admise dela solution a H2(Ω), la quantite σ · n est bien definie au bord comme fonction de L2, detelle sorte que l’on peut ecrire presque partout a cote de ces conditions aux limites4.

Bilan energetique. Il peut etre important, des que les situations deviennent complexes(voir par exemple les exemples chapitre 2) de conforter la pertinence du modele en ecrivantle bilan energetique associe a la deformation elementaire effective. On part pour cela del’equation aux derivees partielles qui traduit l’equilibre des forces au sein du materiau, eton multiplie par le champ de deformation effectif u :

−∇ ·(µ(∇u + t∇u) + λ (∇ · u)

)= 0,

4On peut donner un sens rigoureux a l’equation de depart sans admettre la regularite H2, ce qui peutetre particulierement interessant quand la solution n’a pas cette regularite. Cette approche est preciseedans la section 4.8.2, page 78, dans le cas scalaire. Pour l’elasticite, elle consiste a definir la divergencedu champ σ(u) dans un sens faible, ce que permet la formulation variationnelle. On dira que σ(u) admetune divergence faible L2, et l’on pourra ainsi ecrire −∇ · σ = 0 (dans L2(Ω)4, ou presque partout), sanspasser par l’appartenance de l’ensemble des derivees secondes a L2(Ω). On peut aussi definir une notion detrace normale du tenseur des contraintes (voir remarque 4.74 dans le cas scalaire), qui permet par exempled’ecrire σ ·n = 0 sur Γ4. Mais cette identite est alors ecrite dans un sens faible, de telle sorte qu’il est parexemple illicite de rajouter presque partout.

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1.1. DEMARCHE GENERALE 17

conduit a12

Ωµ∣∣∇u + t∇u

∣∣2 +∫

Ωλ(∇ · u)2 −

Γu · σ · n = 0.

On verifie que l’integrale de bord s’annule sur les composantes 1, 2, et 4 de la frontiere.Sur la composante 3, u s’identifie a n. On obtient donc finalement, en divisant par deux5,

Ωµ |e(u)|2 +

12

Ωλ(∇ · u)2

︸ ︷︷ ︸Energie de deformation elastique

=12

Γ3

n · σ · n︸ ︷︷ ︸

Travail des forces exterieures

(1.5)

Implantation sur Freefem++ .

int np=40;mesh Th=square(np,np);fespace Vh(Th,P1);Vh ux,uy,vx,vy;func mu = 1 + 10* (y>0.5) ;func la = 1 + 10* (y>0.5) ;

problem Lame([ux,uy],[vx,vy])=int2d(Th)((2*dx(ux)*dx(vx)+2*dy(uy)*dy(vy)+

dx(uy)*dx(vy)+ dy(ux)*dy(vx)+dx(uy)*dy(vx)+ dy(ux)*dx(vy))*mu)

+int2d(Th)((dx(ux)+dy(uy))*(dx(vx)+dy(vy))*la )+on(1,uy=0)+on(3,uy=1)+on(4,ux=0);

Lame ; plot([ux,uy], wait=1);

Estimation de la quantite d’interet. Comme pour l’equation de la chaleur, on ramenel’expression en integrale curviligne de la force exercee sur l’echantillon a une integrale envolume. On choisit pour cela un champ v qui vaut e2 sur Γ3, 0 sur Γ1, et de composantehorizontale nulle sur Γ4, et l’on ecrit

E =∫

Γ3

n · σ · n =∫

Γ3

v · σ · n =12

Ωµ(∇u + t∇u) : (∇v + t∇v) +

Ωλ(∇ · u)(∇ · v),

les termes de bord sur Γi, i = 1, 2 et 4 s’annulant du fait du choix de v et des conditionsaux limites sur u. Cette expression se traduit en language Freefem++ par

vx = 0 ; vy = y ;

5Si l’on note g la contrainte en surface, l’etat correspondant au deplacement u est atteint par unesuite d’etats statiques λu, λg, pour λ variant continument de 0 a 1, de telle sorte que le travail elementaires’ecrit dW = λdλ

RΓ3

u · g. L’integration de 0 a 1 fait apparaıtre le facteur 1/2. On notera que, bien que le

deplacement u soit considere sur le plan de la modelisation comme un deplacement elementaire (hypotheseessentielle a la validite du modele lineaire), le modele mathematique obtenu met en jeu des deplacementnon infinitesimaux. Ce bilan est exprime par exemple dans [6] sous la forme d’un Theoreme du travail,selon lequel le travail des forces imposees dans le deplacement solution est egal au double de l’energie dedeformation emmagasinee dans le corps elastique. Ce paradoxe apparent est lie au terme un peu ambigu detravail des forces imposees, qui designe

RΓ3

u · g dans le cadre du theoreme, ou la moitie de cette quantite

si l’on se refere a la succession d’etats statiques selon le scenario decrit ci-dessus.

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18 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

real E = int2d(Th)((2*dx(ux)*dx(vx)+2*dy(uy)*dy(vy)+dx(uy)*dx(vy)+ dy(ux)*dy(vx)+dx(uy)*dy(vx)+ dy(ux)*dx(vy))*mu)

+int2d(Th)((dx(ux)+dy(uy))*(dx(vx)+dy(vy))*l ) ;

Erreur sur la solution calculee. Comme dans le cas scalaire, l’estimation d’erreur estbasee sur une premiere propriete d’approximation du type

infvh∈V 1

h

‖vh − u‖H1(Ω) ≤ h |u|2,Ω ,

ou |u|2,Ω represente la norme L2 de la matrice Hessienne de u (nous avons admis l’appar-tenance a H2), et sur le lemme de Cea (voir la proposition 5.15, page 86, pour la versionaffine de ce lemme), qui permet de controler l’erreur commise par la distance de la solutionexacte a l’espace d’approximation :

‖u − uh‖H1(Ω) ≤ C infvh∈V 1

h

|vh − u| ,

ou C est une nouvelle constante qui depend des proprietes de la forme bilineaire.

Erreur sur la quantite d’interet. L’approche presentee conduit a estimer le moduled’Young apparent par

Eh = 2∫

Ωµe(uh) : e(vh) +

Ωλ(∇ · uh)(∇ · vh),

ou vh est dans V 1h (prendre par exemple6 le champ x2e2). On a donc

|E − Eh| =∣∣∣∣2∫

Ωµe(u − uh) : e(vh) +

Ωλ(∇ · (u− uh))(∇ · vh)

∣∣∣∣

≤ C |u − uh|1,Ω |vh|1,Ω .

1.2. Fondements theoriques

Les bases theoriques sur lesquelles s’appuient la demarche presentee precedemment sontdetaillees dans la seconde partie de ce cours. Nous nous limitons ici a des commentaires surles aspects les plus cruciaux de ces bases, leur interpretation en termes de modelisation, etnous donnons un certain nombre d’exemple de situations dans lesquels le cadre theoriqueest mis a mal.

1.2.1. Espaces fonctionnels. Nous developpons ici les points du chapitre 4 quisont particulierement importants en termes de modelisation et de resolution numerique.Avant de justifier l’introduction des espaces de Sobolev, on peut se demander quel estl’interpretation de la norme L2 (definition 4.1). Le sens en est clair dans un contextedynamique, ou les champs de vecteur u ∈ L2(Ω)N correspondent a des champ de vitesse

6On verifie immediatement que, du fait que uh est solution du probleme discret, le resultat nedepend pas du choix de vh dans V 1

h . Attention : l’estimation obtenue ensuite depend elle du choix devh. Concretement, on pourra prendre pour vh, dans le calcul effectif de Eh, un relevement de e2 supportepar la premiere couche d’elements au voisinage de Γ3, mais prendre garde au fait qu’alors |vh|1,Ω tend vers+∞ quand h tend vers 0. La demonstration de l’estimation devra en revanche etre basee sur une fonctiondu type de celle proposee, dont la norme H1 n’explose pas.

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1.2. FONDEMENTS THEORIQUES 19

dans un domaine materiel occupant Ω. Dans le cas ou la densite ρ de matiere (fluide ousolide), est constante, l’energie cinetique du systeme s’ecrit

Ec =12

Ωρ |u|2 ,

de telle sorte que L2(Ω)N est l’ensemble des champs de vitesse d’energie cinetique associeefinie.

Dans un contexte d’elastostatique sa legitimite est moins manifeste. On peut neammoinsconcevoir un materiau du type de certains paillassons, constitues de petits segmentsdeformables encastres dans une matrice rigide plane. L’energie potentielle de deformationd’un de ces brins sera proportionnelle au deplacement horizontal de son extremite haute,de telle sorte que l’energie totale emmagasinee peut s’ecrire

12

Ωk |u|2 ,

ou u est un champ de deplacements, et k une constante d’elasticite (egale a la raideurindividuelle des brins multipliee par le nombre de brins par unite de surface). Noter quecette approche s’applique a des materiaux sans aucune coherence spatiale7 (tout sous-paquet de brins reagit a la deformation comme s’il etait isole du reste). On pourra enparticulier imposer des champ de deplacements discontinus (ce qui se passe quand on sebrosse les pieds).

Legitimite des espaces de Sobolev. Nous considerons ici une situation du type decelle de la section 1.1.2, et precisons en quoi les espaces de Sobolev qui font l’objet duchapitre 4 sont des espaces naturels. L’energie de deformation associee a un deplacementelementaire, dans le cadre de l’elasticite linearisee (pour un materiau homogene isotrope),s’ecrit

µ

Ω|e(u)|2 +

12λ

Ω|∇ · u|2 .

Il est donc naturel de chercher le u dans un espace de champs de vecteurs tels que cettequantite soit bornee. On pourrait penser a des fonctions telles que toutes les deriveespartielles sont definies dans un sens classique, i.e. des champs de vecteurs dont les compo-santes sont continument differentiables. Mais l’ensemble de tels champs tels que l’energiede deformation exprimee ci-dessus soit finie n’a pas de bonnes proprietes. C’est un espacevectoriel norme, muni d’un produit scalaire, mais il n’est pas complet (il ne rentre doncpas dans le cadre du chapitre 3 sur les espaces de Hilbert). En particulier, la projectiond’un element sur un convexe ferme, et par suite le theoreme de Lax-Milgram, ne sont pasverifies. Ce cadre ne permet donc pas de donner des resultats d’existence generaux auprobleme pose en consistance avec l’energie naturelle associee au probleme physique. Labonne approche consiste a prendre l’espace le plus grand possible des champs d’energiefinie. Grace a l’inegalite de Korn, nous verrons que cela se ramene a demander que lacarre de chaque derivee partielle (et non pas seulement les combinaisons impliquees dansl’expression de l’energie) soit integrable sur le domaine.

7La realisation de tels materiaux peut etre un enjeu majeur dans certains domaines de grande impor-tance. On pourra penser a certains types de matelas (a ressorts ensaches par exemple) concus pour pouvoirse deformer localement en reponse a l’application d’un effort vertical, sans que la deformation n’affecte leszones non sollicitees. La version idealisee d’un tel objet (dans la realite la deformation n’est pas strictementlocalisee) est nantie d’une energie de deformation proportionnelle a la norme L2 du deplacement vertical.

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20 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

Pour preciser cette construction, on peut se placer dans le cadre de la theorie des distri-bution, et construire l’espace des champ qui sont dans L2(Ω), tels que toutes les deriveespartielles soient elle-memes dans L2(Ω). Nous proposons (voir debut du chapitre 4) uneautre construction qui ne fait pas directement appel a la theorie des distributions.

Regularite des fonctions d’energie finie. Les fonctions de H1, qu’on peut appelerenergetiquement admissibles, possedent une certaine regularite (que l’on peut voir commecorrelation spatiale entre les valeurs en des points proches). Dans le contexte de l’elasticitelineaire, ou les valeurs des champs correspondent a des deplacements elementaires, il estnaturel de se demander par exemple si les modules de ces deplacements restent bornes. Lareponse est en fait negative des la dimension 2, comme le precise l’exercice 4.2, page 80.Ils le sont encore moins en dimension 3, si l’on peut dire (au sens ou les contre-exemplessont plus facile a construire). Ce caractere a priori non borne invalide les hypotheses depetits deplacement sur lesquels se fonde l’elasticite linearisee. Nous verrons cependantque, dans la plupart des situations, la regularite de la solution est en fait superieure asa regularite natale (la regularite associee au theoreme d’existence). En particulier, leschamps solutions auront (au moins par morceaux) une regularite H2 (les composantesdu gradient sont elles-memes dans H1, voir definition 4.21, page 65), qui elle assure lecaractere borne (voir theoreme 4.41, page 70).

Traces. Pour donner un sens a la notion de conditions aux limites, qu’il s’agisse dedeplacement impose ou de contrainte prescrite, il est essentiel de verifier que l’on peutdefinir des valeurs au bord pour ces champs de H1(Ω)N , et eventuellement pour le tenseurnormal des contraintes σ · n.

Notons tout d’abord que, les fonctions considerees etant des classes de fonctions (a un en-semble de mesure nulle pres), et les hypersurfaces que sont les frontieres des domaines etantde mesure nulle, la restriction d’une fonction au bord n’a aucune signification. Prenonsl’exemple d’une fonction de L2(]0, 1[) definie comme suit

f(x) =

∣∣∣∣∣ln x si x ∈

]1/22n+1, 1/22n

[

0 sinon

Il est manifestement inutile d’esperer definir une valeur en 0 de cette fonction. Mais ilest difficile d’imaginer qu’un tel champ de defomation puisse etre applique a un materiauelastique (hors des materiaux sans coherence spatiale que nous avons evoques ci dessus),qui penalise le mouvement relatif de points proches. En effet, il est possible de montrerque le fait d’imposer l’integrabilite des gradients exclut ce type de comportement. Pourdefinir effectivement les traces de fonctions sur le bord ou sur des hypersurfaces internes,on part de ce que l’on connait, a savoir prendre la restriction d’une fonction reguliere,et on raisonne par densite. Le principe est le suivant : prenons Ω un domaine regulier,et notons γ0 l’application de restriction des fonctions de D(Ω) (fonctions regulieres) aubord Γ = ∂Ω. L’application γ0 envoie D(Ω) dans L2(Γ), et l’on peut montrer que γ0 estcontinue de D(Ω) (pour la norme H1) dans L2(Γ). Par densite de D(Ω) dans H1(Ω), onprolonge γ0 en une application de H1(Ω) dans L2(Γ).

L’ensemble des applications de ∂Ω dans ainsi obtenu est strictement inclus dans L2(Γ),il s’agit de l’espace note H1/2(Γ) (voir definition 4.31, page 68), espace de fonctions quipossedent une certaine regularite en espace (que l’on peut definir precisement a l’aide dela transformee de Fourier). Il est important d’avoir une idee de cet espace, puisqu’il donne

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1.2. FONDEMENTS THEORIQUES 21

precisement l’ensemble des conditions de Dirichlet admissible energetiquement qu’il estpossible de prescrire. On notera en particulier (voir remarque 4.32) que l’appartenancea H1/2 exclut les discontinuites franches au travers d’hypersurfaces (hypersurfaces dubord, donc il s’agit de lignes en dimensions 3, de simples points en dimension 2). A titred’exemple, considerons le materiau bidimensionnel de la section 1.1.2. Il est impossible de« dechirer » le materiau au sens suivant : il n’est pas licite de prescrire par exemple sur Γ1

un deplacement horizontal constant vers la droite sur la partie droite, vers la gauche surla partie gauche. Plus precisement, on pourrait construire la solution d’un tel probleme,mais cette solution n’est pas dans H1(Ω)2 : l’energie de deformation (et donc l’energiequ’il faut fournir au systeme) est infinie8.

Remarque 1.1. Cette construction peut etre invalidee dans le cas d’espaces a poids, quipeuvent modeliser par exemple des materiaux mous au voisinage du bord, plus precisementdes materiaux non homogenes dont les constantes de Lame µ(x) et λ(x) tendent vers 0lorsque x se rapproche du bord. Si cette decroissance est suffisamment forte, on peut avoirD(Ω)N dense dans H1(Ω)N , de telle sorte que l’espace abstrait H1/2 = H1(Ω)/H1

0 (Ω)(voirdefinition 4.23, page 66) soit reduit au singleton 0. On pourrait penser que, H1

0 s’iden-tifiant alors a H1, le seul deplacement permis au bord est 0. La realite est d’une certainemaniere inverse, au sens ou tout champ de deplacement sur le bord peut etre releve parun champ de deplacement en volume d’energie arbitrairement petite : le materiau ne voitpas (energetiquement) ce qui se passe sur le bord. Mathematiquement, la consequence estque l’on s’interdira de parler de valeurs au bord du deplacement. Le lecteur est encouragea se demander ce qui se passe pour des materiaux dont seule la constante µ tend vers 0au bord, le parametre λ etant par exemple constant sur l’ensemble du domaine.

Regularite des solutions de problemes elliptiques.

La regularite intervient de facon essentielle dans les estimations d’erreur pour la methodedes elements finis. Pour un element d’ordre p (polynome de degre total egal a p dans chacundes elements de la triangulation), la regularite qui permet d’obtenir l’estimation optimale9

est Hp+1. Dans le cas des elements finis d’ordre 1, c’est donc la regularite H2 qui joue unrole central. Il est aise de montrer (dans le cas ou le second membre et les coefficient quiinterviennent dans l’integrale d’energie sont reguliers) cette regularite localement, c’est adire loin du bord : c’est l’objet de la proposition 4.60, page 76. Nous admettrons la validitede cette propriete dans le cas de l’elasticite lineaire. Le voisinage du bord est plus delicat agerer, meme dans le cas du Laplacien. Dans le cas de conditions de Dirichlet homogenes surl’ensemble du domaine, si la frontiere est lisse (regularite C2), alors la solution est bienreguliere (i.e. dans H2(Ω). Ce resultat s’applique aux cas, tres importants en pratique,de domaine polyedraux convexes. Pour des conditions de Dirichlet non homogenes, onse ramera au cas precedent en relevant les conditions au bord par un champ H2, ce quin’est possible que si la condition au bord est elle-meme reguliere (dans H3/2 pour etreprecis). Pour des conditions de Neuman sur l’ensemble de la frontiere on a des resultats

8Noter cependant que ce dechirement est presque possible : la discontinuite franche appartient auxespaces H1/2−ε(Γ) pour tout ε strictement positif. On pourra mettre en evidence ce fait numeriquement enresolvant numeriquement le probleme de dechirement : la norme H1 de la solution numerique uh obtenueva tendre vers +∞, mais mollement (plus lentement que toute puissance de 1/h).

9On pourra garder a l’esprit le fait que la regularite optimale est celle qui fait intervenir les premieresderivees qui annulent tout polynome d’ordre p, comme le precise la demonstration du lemme abstrait 5.3,page 81.

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22 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

de regularite analogues. Les cas qui sortent de ce cadre (nombreux en pratique) sont plusdelicats a traiter. Nous nous contenterons d’indiquer ici un certain nombre de situationsdans lesquelles la solution a un probleme elliptique peut ne pas etre reguliere (i.e. ne pasappartenir a H2). On notera que pour toutes ces situations, la perte de regularite estlocalisee au voisinage d’une hypersurface du bord (ex. : point en dimension deux pour uncoin rentrant ou passage brusque de Dirichlet a Neuman), ou d’une hypersurface au seindu materiau (interface entre deux materiaux homogenes differents).

Perte de regularite.

(i) Le coefficient k de conductivite (ou les coefficient de Lame pour l’elasticite) sontconstants par morceaux. On a alors regularite H2 sur les sous-domaines correspon-dant aux divers materiaux, mais le fait que l’on n’ait pas raccord des derivees normalesa travers les interfaces entre materiaux exclut l’appartenance a H2 de la solution10.

(ii) Le domaine presente des singularites. Noter que si le domaine est convexe, la solutionreste H2 pour des singularites Lipschitziennes. Pour des coins rentrants en revanche, lasolution n’est pas H2. On se reportera a l’exercice 4.5, page 80, pour un exemple defonction harmonique non reguliere au voisinage d’un coin rentrant. Un cas extreme decette situation se rencontre dans le cas de fissures au sein d’un materiau : le domaine estalors le domaine initial moins la fissure (noter que ce cas ne rentre pas dans le cadre dela definition 4.26, page 67, car le domaine n’est plus d’un seul cote de sa frontiere). Onaurait donc un coin rentrant d’angle 2π, ce qui favorise l’apparition d’une singularite auvoisinage de l’extremite de la fissure, de nature (par apparition de tres fortes contraintessusceptible d’endommager localement le materiau) a propager cette fissure.

(iii) Passage d’une condition aux limites de Dirichlet (valeur/deplacement imposee) aune condition de Neuman (flux/force impose). Le phenomene est particulierement netlorsque la transition se fait au niveau d’un point non singulier de la frontiere. Noterle caractere tres banal de cette situation dans la realite physique : elle correspond parexemple a un materiau parallelepipedique fixe a un mur vertical sur l’un de ses cote,dans le cas ou l’adhesion n’est pas totale (par exemple si le materiau a ete colle et quela colle n’a pas ete repartie sur l’ensemble de la zone a fixer).

1.2.2. Cadre abstrait. Les resultats d’existence et d’unicite aux problemes varia-tionnels tels que ceux presentes dans la section 1.1 decoulent du theoreme de Lax-Milgram(theoreme 3.16), qui assure l’existence et l’unicite d’une solution au probleme consistanta trouver u ∈ H tel que

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ H,

ou a(·, ·) est une forme bilineaire continue, et ϕ est une forme lineaire continue sur H.Sous une hypothese de coercivite de a(·, ·) (definition 3.13, page 56), le theoreme de Lax-Milgram assure l’existence et l’unicite d’une solution a ce probleme. Noter que dans lecas ou a(·, ·) est symetrique (cas que nous rencontrerons generalement dans ce cours), letheoreme de Lax-Milgram est une simple application du theoreme de representation deRiez-Frechet, puisque a(·, ·) est un produit scalaire dont la norme associee est equivalentea la norme de depart.

Remarquons queα |u|2 ≤ a(u, u) = |〈ϕ , u〉| ≤ ‖ϕ‖ |u| ,

10La solution est en fait dans H3/2−ε pour tout ε > 0.

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1.3. RESOLUTION DES SYSTEMES LINEAIRES 23

de telle sorte que |u| ≤ ‖ϕ‖ /α. La constante 1/α apparaıt donc comme une mesure dela stabilite entre les donnees exterieures (ϕ correspond en general a un terme de force envolume, ou d’effort exerce en surface) et la solution u, qui correspond a un deplacementelementaire. Le probleme devient instable lorsque α devient petit.

Remarque 1.2. Pour l’equation de la chaleur, une telle situation peut se rencontrerlorsque l’on considere un materiau composite caracterise par une conductivite k = k(x)constante par morceaux, prenant par exemple la valeur 1 sur un sous-domaine Ω \ ω, et εsur ω. Si l’on considere que l’espace H1

0 (Ω) est muni de la norme |u|1, on aura

a(v, v) =∫

Ωk(x) |∇v|2 ≥ (inf

Ωk)∫

Ω|∇v|2 = ε |v|21 .

La constante de coercivite est alors ε, ce qui suggere que le gradient du champ corres-pondant uε est susceptible de prendre des valeurs tres importantes. En effet, si l’on prendpour ω comme domaine etroit occupe par un materiau tres peu conducteur de la chaleur,on obtient a la limite un probleme aux limites sur le domaine exterieur, avec conditionsde Neuman homogenes sur ∂ω (flux nul), de telle sorte que les valeurs de part et d’autredu domaine etroit peuvent etre tres differentes, ce qui ne peut se faire au sein de ω quepar apparition de gradients tres grands. On pourra se reporter a l’exercice 1.5 pour uneillustration de ce comportement.

1.3. Resolution des systemes lineaires

Cette section regroupe un certain nombre de considerations sur les differentes methodes deresolution d’un systeme lineaire (presentees en detail dans le chapitre 7), leurs conditionsd’utilisation, leurs avantages respectifs, leur vitesse de convergence le cas echeant.

Les methodes de resolution des systemes lineaires se classent en deux grandes categories

1) Methodes directes : ces methodes conduisent a une resolution exacte du systeme (sousl’hypothese idealisee que les operations elementaires soient effectuees a precision infinie).

2) Methodes iteratives : basees sur un procede iteratif qui construit une suite d’approxi-mations de la solution, qui converge vers cette solution.

3) Methodes rapides. Il s’agit en fait de methodes directes, mais qui meritent de figurer apart dans cette classification. La plupart ne sont applicables que dans des situations tresparticulieres : operateur de type Laplacien non perturbe (les inhomogeneites sont exclues),sur un maillage cartesien.

Precisons tout de suite que cette classification n’est pas etanche, car certaines methodesdirectes au sens precedent (comme la methode du gradient conjugue) produisent une suited’approximations de la solution, et peuvent etre utilisees (et donc considerees) comme desmethodes iteratives. Nous reserverons donc l’adjectif directe aux methodes qui ne donneaucune approximation de la solution avant d’avoir ete mene a leur terme.

Remarque 1.3. Une distinction essentielle entre les deux type d’approche est liee a lamaniere d’apprehender la matrice dans l’implantation effective de ces methodes sur ordina-teur. Les methodes directes necessitent un stockage de la matrice, alors que les methodes

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24 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

iteratives utilisent typiquement des produits matrice-vecteur successifs (la matrice elle-meme n’est pas touchee), de telle sorte que l’on peut effectuer l’assemblage en tempsreel et economiser la place memoire de stockage de la matrice. Cet avantage est parti-culierement sensible dans le cas d’un maillage structure, qui conduit a une matrice qui necontient qu’un petit nombre d’entrees differentes.

Nous supposerons ici que les operations elementaires sont realisee avec une precision infi-nie : les erreurs d’arrondi ne sont pas prises en compte ici.

Nous commencons par aborder la notion de conditionnement d’une matrice, ingredientessentiel pour mesurer la difficulte de resolution d’un systeme lineaire.

1.3.1. Conditionnement. Etant donnee une norme matricelle subordonnee11, leconditionnement d’une matrice A inversible est defini comme κ(A) = ‖A‖

∥∥A−1∥∥. Nous

ne considererons ici que la norme subordonnee a la norme euclidienne sur n. Ce condi-tionnement peut etre introduit comme majorant du facteur d’amplification entre une per-turbation sur les donnees (second membre du systeme) ou sur la matrice elle-meme, et lasolution du probleme (voir section 7.1, page 99). Au-dela de ce role d’estimateur de l’insta-bilite d’un probleme (tres important pour des problemes « reels », pour lesquels les donneessont susceptibles d’etre entachees d’erreurs), il intervient de facon essentielle dans les esti-mations de vitesses de convergence des methodes iteratives (notamment des methodes degradient decrites ci-apres). Plus precisement, on peut estimer (voir remarque 7.1, page 99)a Cκ (resp. C

√κ) le nombre d’iterations necessaires (donc le temps de calcul pour une

taille de matrice donnee) pour obtenir une precision donnee par une methode de gradient(resp. de gradient conjugue).

Nous nous interesserons ici principalement a la resolution de systemes lineaires pour les-quels la matrice A provient de la discretisation par elements finis d’un probleme elliptique,auquel cas A est symetrique definie positive. Le conditionnement est alors egal au rapportdes valeurs propres extremes λn/λ1. Avant d’aborder la question de l’estimation effec-tive de ce conditionnement, il est indispensable de bien comprendre les deux remarquessuivantes :

Remarque 1.4. Bien que les deux notions puissent interagir comme nous le verrons, ilfaut distinguer le conditionnement d’une matrice A issue de la discretisation d’une formebilineaire a(·, ·), de la quantite ‖a‖ /α (ou α est la constante de coercivite de a(·, ·)).Prenons l’exemple du Laplacien en dimension 1 avec conditions de Dirichlet homogenes.La forme bilineaire s’ecrit au niveau continu

a(u, v) =∫

Iu′v′,

de telle sorte que, si l’on munit H10 de la norme |u|1 =

∫(u′)2, le probleme au niveau

continu est parfaitement « conditionne » puisque ‖a‖ /α = 1. Le probleme consistant atrouver u tel que

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ H10 (Ω),

consiste exactement a realiser l’identification de Riez-Frechet ; l’inversion est donc uneisometrie entre V ′ et V , et, si l’on perturbe le second membre abstrait ϕ par dϕ, on a,

11Norme du type ‖A‖ = sup ‖Au‖ /‖u‖, ou ‖·‖ est une norme de n.

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1.3. RESOLUTION DES SYSTEMES LINEAIRES 25

avec des notations evidentes,|du||u| ≤ ‖dϕ‖

‖ϕ‖ .

Le Laplacien est vu ici comme un operateur de H10 dans son dual H−1, et cette application

est une isometrie, et comme telle parfaitement conditionnee.

Pour le probleme discret sur le domaine I =]0, 1[, le second membre est donnee sous laforme d’une fonction de L2(I). Le systeme lineaire dans n obtenu peut etre vu commela version discrete du Laplacien, mais pour la norme euclidienne sur n. Cette normeeuclidienne correspond (a un facteur multiplicatif pres) a la norme L2 sur I. L’operateurdiscret A correspond ainsi (toujours a un facteur multiplicatif pres, qui n’affectera pas leconditionnement) au Laplacien comme operateur de L2 dans L2. Cet operateur au niveaucontinu est dit non-borne, il n’est pas defini pour toutes les fonctions, et son spectre estune suite de reels positifs12 qui tend vers +∞ : il est infiniment mal conditionne. Le fait dediscretiser tronque les hautes frequences du spectre : seules les oscillations de frequence aumaximum de l’ordre de h (1/h2 pour les valeurs propres correspondantes, puisqu’on derivedeux fois) peuvent exister. En consequence, on obtient un conditionnement de l’ordre de1/h2, ce que l’on peut verifier sur le Laplacien discret en difference finie (voir exemple 7.3).Cette explosion du conditionnement reproduit simplement au niveau discret le caracterenon borne du Laplacien comme operateur de L2 dans L2.

Pour finir cette longue remarque, precisons que le probleme au niveau continu peut tresbien lui-meme etre mal conditionne, comme il a deja ete mentionne dans la remarque 1.2,page 23. L’estimation du conditionnement de la matrice resultante devra alors etre meneeavec precaution (voir a ce sujet l’exercice 1.10).

Remarque 1.5. On prendra garde au fait que, en elements finis (dans le cas d’un maillageuniforme) tout se passe a une echelle de l’ordre du volume d’un element (hd en dimensiond), mais cela n’invalide pas ces considerations sur le conditionnement, qui est homogened’ordre 0. Plus precisement, la discretisation du probleme de valeur propre continu, parexemple

−.u = λu,

dans le cas du Laplacien, conduit a resoudre le probleme aux valeurs propres generalise

Auh = λhMuh,

ou M est matrice dite de masse, telle que (Muh, vh) =∫

uhvh. Dans le cas d’un maillageuniforme, cette matrice est spectralement proche de hd Id (voir exercice 1.11). Or onpeut montrer que les premieres valeurs propres de ce probleme discretise tendent versles premieres valeurs propres de l’operateur continu. On appellera dans la suite λh

1/hd lapremiere valeur propre renormalisee par la matrice de masse, ou simplement renormalisee,qui se comporte comme la plus petite valeur propre λ1 du probleme continu.

Il est possible d’evaluer le conditionnement d’une matrice resultant de la discretisationd’un probleme elliptique en se fondant sur les considerations suivantes :(i) la plus petite valeur propre est associee aux grandes longueur d’onde en espace, qui

sont bien capturees par la methode numerique. En consequence, λ1 ne depend pas aupremier ordre du pas de discretisation (sous reserve de renormaliser par la matrice de

12Sur I , les vecteurs propres sont les fonctions sin(kπx), de valeurs propres associees π2k2.

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26 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

L+1

L+2

L−1

L−2

Ω

Fig. 1.2. Estimation de λ1

masse conformement a la remarque 1.5 ci-dessus), mais seulement de la geometrie. C’estla premiere valeur propre de l’operateur avec les conditions aux limites considerees.

(ii) la plus grande valeur propre est un reflet de la discretisation. Elle ne correspond arien de physique, mais aux fonctions de hautes frequences spatiales qui vivent dansl’espace discret. Conformement a la remarque 1.4, qui sera developpee ci-dessous, ellese comporte en 1/h2, ou h est la taille du plus petit element.

Estimation effective du conditionnement. Soit Ω un domaine de 2 (l’approche segeneralise sans probleme aux dimensions superieurs). La plus petite valeur propre duLaplacien avec conditions de Dirichlet homogenes s’ecrit, d’apres le theoreme de Courant-Fisher,

λ1 = infv∈H1

0 (Ω)

(Av, v)|v|2

,

de telle sorte que pour tout Ω+ contenant Ω, tout Ω− contenu dans Ω, on a

λ1(Ω+) ≤ λ1(Ω) ≤ λ1(Ω−).

Or la proposition 8.3, page 106, donne l’expression de la plus petite valeur propre dans unrectangle L1 × L2 :

λ1 = π2

(1L2

1

+1L2

2

).

Ces proprietes permettent d’encadrer assez precisement Λ1 pour des domaines pas tropeloignes d’un rectangle. Ainsi, pour le domaine represente sur la figure 1.2, on a

π2

(1

(L+1 )2

+1

(L+2 )2

)≤ λ1 ≤ π2

(1

(L−1 )2

+1

(L−2 )2

).

La plus grande valeur propre correspond au plus grandes frequences rendues possibles parle maillage. On peut l’estimer en suivant la demarche suivante. Notons tout d’abord que letheoreme de Gerchgorin (voir theoreme 8.2, page 105) permet de majorer cette plus grandevaleur propre par la somme des valeurs absolues des elements de n’importe quelle lignede la matrice. Pour la matrice du Laplacien dicretise par elements finis sur un maillage

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1.3. RESOLUTION DES SYSTEMES LINEAIRES 27

uniforme (diametre h), les elements de la matrice sont tous de meme ordre∫

Ω∇wi ·∇wj ≈ (Volume de l’element) × (valeur du gradient)2 ≈ hd × h−2 = hd−2,

ce qui donne (C est une constante universelle pour des maillages uniformes reguliers)λN ≤ Chd−2. Le theoreme 8.1, page 105, permet de minorer cette plus grande valeurpropre :

λN ≥ (Av, v)|v2|

,

pour tout vecteur v. Si l’on prend, dans le cas du Laplacien discret, le vecteur associe aune fonction de base (dont la norme euclidienne est 1), on obtient

λN ≥∫

Ω|∇wi|2 ≈ hd × h−1 = hd−2.

La plus grande valeur propre se comporte donc comme hd−2. Si l’on normalise par lamatrice de masse (ce qui revient essentiellement a diviser par le volume caracteristiqued’un element hd), on obtient h−2.

En conclusion, la plus petite valeur propre (normalisee) etant essentiellement une constantedu probleme (elle ne depend pas du parametre de discretisation), on obtient un condition-nement de l’ordre de 1/h2.

Remarque 1.6. On notera que le conditionnement du Laplacien (ou d’un operateur dumeme type, comme celui de l’elasticite) a nombre de points fixe (donc taille de matricefixee) decroit avec la dimension. En effet, pour N points de maillage en dimension d, lataille des mailles varie comme N−1/d, de telle sorte que le conditionnement se comporteen N2/d. Le nombre de points total n’intervient pas en effet dans le conditionnement,mais bien le nombre de points dans une direction d’espace, qui conditionne la capacite acapturer des hautes frequences.

1.3.2. Methodes directes. Les methodes directes presentees dans le chapitre 7 (voirsection 7.2) sont en general inutilisables pour des problemes de taille industrielle. Elles sontneammoins importantes pour les raisons suivantes :

(1) Elle peuvent etre utilisees sur des cas test de taille raisonnable (typiquement desproblemes elliptiques bidimensionnels sur des maillages de l’ordre de 100 × 100),et permettent de tester des methodes numeriques en s’affranchissant des erreursliees a la resolution effective des systemes. La methode utilisee par defaut dansFreefem++ est ainsi une methode directe, de type decomposition LU .

(2) Elles sont a la base d’un certain nombre de preconditionneurs, utilises pouraccelerer la convergence de methodes iteratives (par exemple preconditionnementLU incomplet).

(3) Une approche de decomposition de domaine permet parfois de se ramener a dessous-systemes a resoudre de taille raisonnable, meme si le probleme global excluaita priori l’utilisation de methodes directes. On peut alors tirer parti du fait que l’ondoive resoudre un grand nombre de fois (dans le cadre d’un algorithme iteratif liea l’approche de decomposition de domaine) le meme systeme pour des donneesdifferentes. On peut ainsi, par exemple, construire la decomposition LU d’unematrice associee a un sous-domaine, la conserver en memoire, et utiliser cette

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28 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

meme decomposition pour resoudre le systeme local (par la resolution de deuxsystemes triangulaires) a chaque iteration.

1.3.3. Methodes iteratives. Nous decrivons ici les methodes de type gradient,basees sur des principes tres generaux qui s’etendent a la minimisation de fonctionnellesnon quadratiques.

La plus simple de ces methodes est la

Methode de gradient a pas fixe. Il s’agit d’une strategie tres generale de recherchede minimum d’une fonctionnelle, que l’on peut voir comme une discretisation en temps (ils’agit d’un temps virtuel sans signification physique) d’une equation d’evolution appeleeflot-gradient. Considerons une fonctionnelle J derivable d’un espace de Hilbert H dans ,et l’equation differentielle

du

dt= −∇J(u) , u(0) = u0.

Si la trajectoire tend, quand t tend vers +∞, vers un point u∞ de H, alors u∞ est pointfixe de l’equation, et donc ∇J(u∞) = 0. Il s’ensuit que u∞ est un point critique de J . Dansle cas general, il peut s’agir d’un point-selle (la fonctionnelle augmente si l’on perturbe u∞dans certaines directions, diminue pour d’autres direction), ou d’un minimum local. Dansle cas ou la fonctionnelle est convexe, le point limite, s’il existe, minimise la fonctionnelleJ sur H. La methode de gradient consiste a construire la suite associee a la discretisationde cette equation differentielle par une methode d’Euler explicite : pour un pas de tempsρ > 0 fixe, on construit

u0 = u0 ,uk+1 − uk

ρ= −∇J(uk).

Cette approche permet de construire une approximation de la solution du systeme Au =b, ou A est symetrique definie positive, et b ∈ n un second membre. On introduit lafonctionnelle

J(v) =12(Av , v) − (b, v) , de gradient ∇J(v) = Av − b,

et l’on introduit un pas de temps ρ > 0. La discretisation du flot gradient par une methoded’Euler explicite s’ecrit donc

uk+1 = uk − ρ∇J(uk) = uk − ρ(Auk − b),qui est exactement l’algorithme 7.9. Pour ρ assez petit, on a convergence de l’algorithmevers la solution u du systeme lineaire, ce qu’on peut voir comme un resultat sur le com-portement asymptotique de l’algorithme de discretisation en temps.

Remarque 1.7. Cet algorithme peut etre utilise dans le cas ou la matrice est simplementsymetrique positive. Dans le cas ou b est dans l’image de A (cas pour lequel des solutionsexistent), on verifie immediatement que l’on a convergence vers une solution dont la pro-jection (orthogonale) sur ker A s’identifie a celle de u0. Cette propriete peut etre utile dansle cas ou l’on resout un probleme degenere, comme un probleme de deformation d’un solideelastique qui glisse sans frottement sur un support plan (le mouvement de translation pa-rallelement au support, qui n’introduit aucune deformation, donc laisse inchangee l’energieelastique, est dans le noyau de la matrice A). Noter que dans le cas u0 = 0 (qui corresponda ce que l’on fait en pratique, a moins de disposer d’une premiere approximation de lasolution), la solution trouvee est dans l’orthogonal du noyau de A.

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1.3. RESOLUTION DES SYSTEMES LINEAIRES 29

Methode de gradient a pas optimal.

Methode de gradient conjugue.

Remarque 1.8. La methode de gradient conjugue apparaıt (a la fois selon l’analysede convergence et dans les faits) comme la meilleure methode de gradient parmi cellespresentees. On prendra neammoins garde au fait que ses qualites sont liees a la preservationde certaines orthogonalites ou relation de conjugaison entre les residus et directions dedescente (voir proposition 7.15), proprietes qui sont etablies par recurrence. Or il arrivesouvent que l’on utilise cet algorithme dans le cas ou le produit matrice vecteur fasseintervenir un systeme a resoudre. Si ce systeme, que l’on resout a chaque iteration, estresolu lui-meme de facon imparfaite (par exemple par utilisation d’une methode iterative,ou du simple fait des erreurs d’arrondi machine), les proprietes ne seront pas preservees,et la vitesse de convergence, ni meme la convergence elle-meme, ne sont garanties. Lamethode de gradient a pas fixe est plus robuste en ce sens que chaque etape est semblablea la premiere13 : l’algorithme refait le point a chaque etape, en quelque sorte. On peutd’ailleurs montrer (voir [8]) la convergence de ce type d’algorithme dans le cas ou l’oncommet a chaque iteration une certaine erreur (si cette erreur n’est pas trop importante).L’algorithme du gradient conjugue se comporte pourtant bien en pratique, meme si l’etapeintermediaire est resolue imparfaitement, auquel cas le residu peut ne pas etre strictementdecroissant. On se referera a [13] pour des travaux recents sur ce sujet delicat.

13On pourra penser a un randonneur perdu la nuit dans la montagne. S’il s’arrange pour faireregulierement un pas dans une direction qui abaisse sensiblement son altitude, meme si ca n’est pas ladirection de plus grande pente, il finira par atteindre la vallee. S’il s’avise de se suivre l’idee du cheminoptimal qu’il peut avoir en tete, alors les erreurs accumulees peuvent le devier de son objectif.

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30 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

1.4. Exercices

Exercice 1.1. Soit Ω le carre unite de 2, et ω ⊂⊂ Ω un sous-domaine. On suppose ledomaine Ω occupe par un materiau conducteur de la chaleur, de conductivite k constantepar morceaux : k0 et kω (toutes deux strictement positives) sur Ω\ω et ω, respectivement.Soit f ∈ L2(Ω) donne. On s’interesse a l’equation de chaleur stationnaire dans ce materiaucomposite. On cherche donc un champ de temperature u sur Ω

−k.u = f sur ω et sur Ω \ ωu = 0 sur ∂Ω

[u]∂ω = 0,[k∂u

∂n

]

∂ω

= 0,

(1.6)

ou [Φ]∂ω represente le saut de la quantite Φ au travers de l’interface ∂ω.

1) Ecrire la formulation variationnelle du probleme, et montrer l’existence et l’unicite d’unesolution u a ce probleme. Preciser la regularite de u.

2) Ecrire le probleme correspondant a l’evaluation de la conductivite equivalente verticalede cet echantillon (selon l’approche menee dans la section 1.1.1).

3) Ecrire un code Freefem++ permettant l’estimation effective de cette conductivite ap-parente.

4) Verifier numeriquement que les conductivites apparentes verticale et horizontale peuventprendre des valeurs differentes, et donner un exemple (etaye par des calculs sur machine)pour lequel on peut faire tendre l’une vers 0 pendant que l’autre tend vers +∞.

Exercice 1.2. (Impossibilite de definir la valeur ponctuelle d’un champ)Soient Ω et ω deux domaines reguliers, avec ω ⊂ Ω. On definit la capacite de ω vis-a-vis

de Ω (on dira simplement capacite s’il n’y a pas d’ambiguite) la quantite

Cω = inf∫

Ω|∇u|2 , v|ω ≡ 1 sur ω , v ∈ D(Ω)

.

1) Calculer la capacite CRr d’une boule de rayon r vis-a-vis d’une boule de rayon R, dans

n pour n = 1, n = 2, et n = 3.

2) Preciser la limite de cette capacite lorsque le rayon interieur r tend vers 0, a R > 0 fixe.

3) En deduire qu’en dimension 2 ou 3 la notion de valeur ponctuelle d’un champ de H1(Ω)n’a pas de signification. On pourra montrer par exemple que le sous-espace des fonctionsregulieres qui prennent la valeur 1 en un point interieur a Ω est dense dans H1(Ω).

4) On se place en dimension 2, Ω est le carre unite occupe par un materiau elastiquede constantes de Lame µ et λ fixes aux bords de Ω, et ω un disque de rayon r centreen (1/2, 1/2), sur lequel le deplacement est impose egal a e2. Etudier numeriquement (al’aide du logiciel Freefem++ ) l’energie elastique de deformation associee a ce deplacementquand le rayon r tend vers 0.

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1.4. EXERCICES 31

Exercice 1.3. On se place dans un cadre analogue a celui de la section 1.1.1, pourun materiau homogene, et l’on suppose la temperature imposee a 0 sur Γ2 ∪ Γ3 ∪ Γ4. Lafrontiere Γ1 represente une paroi fine partiellement isolante, et la temperature a l’exterieurde cette paroi est fixee a la valeur uext. On suppose que le flux de chaleur au travers deΓ4 (compte positivement de l’interieur vers l’exterieur) est proportionnel a la differencede temperature entre l’interieur (champ inconnu u), et l’exterieur (uext). On notera β > 0le coefficient de proportionalite.

1) Ecrire le modele resultant de ces hypotheses, la formulation variationnelle correspon-dante, et montrer son caractere bien pose.

2) Proposer un modele analogue en elasticite lineaire, en precisant sa signification mecanique.

Exercice 1.4. (De Robin a Dirichlet)On considere un materiau conducteur de la chaleur (de conductivite constante egale a 1),occupant le domaine Ω =]0, 1[×]0, 1[, et l’on considere des conditions de Robin au bordde Ω (voir exercice precedent), avec une temperature exterieure nulle. On s’interesse doncau probleme

−.u = f sur Ω∂u

∂n+ βu = 0, sur Γ

(1.7)

1) Ecrire la formulation variationnelle du probleme, et etablir l’existence et l’unicite d’unesolution uβ dans H1(Ω), dont on admettra la regularite H2.

2) Montrer que, quand β tend vers +∞, uβ tend vers u solution du meme probleme avecconditions aux limites de Dirichlet homogenes. (On pourra ecrire la formulation variation-nelle verifiee par u pour des fonctions-test non nulles au bord, et faire la difference desdeux formulations variationnelles.)

3) Preciser le resultat equivalent si l’on se place dans le cadre de l’elasticite linearisee.

Exercice 1.5. Soit Ω un domaine regulier de 3, ω ⊂⊂ Ω un sous-domaine, et f ∈ L2(Ω),nulle sur ω. On suppose que ω est occupe par un materiau de conductivite ε, et Ω\ω par unmateriau de conductivite 1 (on note kε la champ constant par morceaux correspondant).On note uε ∈ H1

0 (Ω) la solution de∫

Ωkε(x)∇uε ·∇v =

Ωfv ∀v ∈ H1

0 (Ω).

1) Decrire le comportement de la suite (uε|Ω\ω) quand ε tend vers 0.

2) Que se passe-t-il si f est non nul sur ω ?

3) On se place en dimension 1 : Ω =] − 1, 1[, ω =] − η, η[, dans le cas f ≡ 0, mais avecmaintenant des conditions aux limites non homogenes : u(−1) = −1, u(1) = 1. On noteuεη la solution correspondante. Decrire les comportements possibles de uεη selon la manieredont ε et η tendent vers 0 relativement l’un par rapport a l’autre.

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32 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

k

σ · n = 0

σ · n = 0

u = 0 Ω

f

Fig. 1.3. Systeme Lame + ressort

Exercice 1.6. Soit Ω un domaine regulier de 3, ω ⊂⊂ Ω un sous-domaine, et f ∈ L2(Ω),nulle sur ω. On construit une suite un de champs de H1

0 (Ω) de la facon suivante :∫

Ω∇un+1 ·∇v =

ω∇un ·∇v +

Ωfv ∀v ∈ H1

0 (Ω).

1) On suppose que la restriction de un a Ω \ ω converge vers un champ u de H1(Ω \ ω),restriction a Ω\ω d’un champ de H1

0 (Ω) (toujours note u). Preciser l’equation aux deriveespartielles et les conditions aux limites dont u est solution.

2) Montrer que la restriction de un a Ω \ ω converge effectivement vers u dans H1(Ω \ ω).

3) Quel peut etre l’interet de cet algorithme iteratif pour calculer la solution du problemeprecise a la question precedente ?

4) Appliquer cette demarche au cas de l’elasticite. On considerera pour cela la suite (un)de champs de H1

0 (Ω)3 de la facon suivante :

12

Ωµ(∇un+1 + t∇un+1) : (∇v + t∇v) +

Ωλ(∇ · un+1)(∇ · v) =

12

ωµ(∇un + t∇un) : (∇v + t∇v) +

ωλ(∇ · un)(∇ · v) +

Ωf · v v ∈ H1

0 (Ω)3.

Exercice 1.7. On considere la situation representee sur la figure 1.3, ou Ω est le carreunite occupe par un materiau de Lame de constantes µ et λ, et le rectangle a droite estconstitue d’un materiau indeformable, relie a un ressort de raideur k. On suppose que laplaque rigide est assujetie a se deplacer horizontalement.

1)Ecrire le modele correspondant a cette situation, en supposant que le tampon rigide estsoumis a une force horizontale f .

2) Etablir la formulation variationnelle du probleme, et montrer que le probleme est bienpose.

3) Ecrire le bilan energetique de ce probleme.

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1.4. EXERCICES 33

4) Proposer une strategie de resolution permettant de calculer effectivement sous Freefem++une approximation du champ de deformation associe a une force f .

Exercice 1.8. Construire la matrice associee a la discretisation du Laplacien avec condi-tions de Dirichlet homogenes sur un maillage uniforme dans le cas des dimensions 1 et 2.Preciser la largeur de bande des matrices obtenues.

Exercice 1.9. Proposer un probleme d’elasticite mettant en evidence le fait que le passaged’une condition de Dirichlet a une condition de Neuman puisse induire une certaine sin-gularite de la solution au voisinage du point de jonction. Utiliser Freefem++ pour mettreen evidence le fait que la solution n’appartient pas a H2.

Exercice 1.10. On considere le probleme

−(ku′)′ = f,

sur l’intervalle I =]0, 1[, avec des conditions de Dirichlet homogenes aux extremites del’intervalle. On suppose que k est constant par morceaux, prenant la valeur kω sur unintervalle ω centre au milieu de I, et la valeur 1 ailleurs. On calcule l’approximation parelements finis uh de la solution u. Estimer l’erreur |u − uh|1, selon que les extremites deω coıncident avec des points du maillage ou pas.

Exercice 1.11. On considere une famille (Th) de triangulations cartesiennes du carreunite, de telle sorte que l’aire de tout triangle de Th vaut h2. On note Mh la matrice demasse sur Th. Montrer qu’il existe deux constantes 0 < c < C telles que

Sp(Mh/h2) ∈ [c, C] ∀h,

(Sp(Mh/h2) designe l’ensemble des valeurs propres de Mh/h2). (On pourra utiliser laformule (8.1), page 106 pour le calcul des elements de la matrice, et le theoreme de Ger-schgorin 8.2, page 105 pour la localisation des valeurs propres.)

Exercice 1.12. On se place dans le cadre de l’exercice 1.10 ci-dessus :

−(kεu′)′ = f,

sur l’intervalle I =]0, 1[ avec conditions de Dirichlet homogenes, ou kε est constant par mor-ceaux, prenant la valeur ε sur un intervalle ω centre au milieu de I, et la valeur 1 ailleurs.Estimer le conditionnement (pour ε petit) de la matrice resultant de la discretisation enespace de ce probleme par elements finis sur une discretisation uniforme de pas h (onpourra supposer que les extremites de ω coıncident avec des points du maillage).

Exercice 1.13. (Materiaux auxetiques)Concevoir a l’aide de Freefem++ un materiau au comportement effectif auxetique, c’est-a-dire proposer des champs µ et λ de coefficients de Lame conduisant, selon l’approche meneedans la section 1.1.2, a un coefficient de Poisson strictement negatif. On pourra se contenterde prendre µ non uniforme, et le chercher constant par morceaux avec un fort constrastedes valeurs (par exemple valeur 1 sur un sous-domaine, 1000 sur son complementaire).

N.B. : Valeurs accessibles, a titre d’exemple : -0.22 pour un composite a 2 materiaux, -0.38pour un composite a 3 materiaux.

Exercice 1.14. (Materiau a dilation negative)On modelise la dilation au sein d’un materiau elastique en rajoutant au tenseur des

contraintes un terme du type−κ(T − T0) Id,

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34 1. METHODE DES ELEMENTS FINIS : DEMARCHE GENERALE

ou T0 est une temperature de reference, et κ > 0 un coefficient de dilatation.

1) On considere un materiau composite dont l’un des composant est susceptible de sedilater selon le modele ci-dessus. Ecrire la formulation variationnelle associee a ce probleme(on pourra supposer le materiau colle sur un ses cotes a un support, sans forces exterieures),et etablir son caractere bien pose.

2) Concevoir un materiau a dilation negative, c’est a dire un materiau composite quisoit globalement a dilatation negative : son volume diminue lorsqu’il est soumis a unevariation de temperature positive. On pourra considerer l’assemblage d’un materiau souplea dilatation nulle et d’un materiau plus rigide a dilation non nulle (mais positive !).

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CHAPITRE 2

Prise en compte de contraintes

2.1. Preliminaires, introduction

Considerons une fonctionnelle J de n dans , lisse (au moins continument differentiable),que l’on cherche a minimiser sur un espace affine K de n, dont l’espace vectoriel sous-jacent K0 est defini comme le noyau d’une matrice B ∈ Mmn( ) :

K = U + ker B.

Notons u un extremum de J sur K. Pour tout h ∈ K0 (donc tel que u + h ⊂ K), toutt ∈ , on a

J(u + th) ≥ J(u) , d’ou t∇J · h + o(t) ≥ 0 ∀t ∈ .

On a donc ∇J · h = 0 pour tout h ∈ ker B, c’est a dire

∇J ⊂ (ker B)⊥ = Im(B").

En consequence il existe λ ∈ m tel que le couple (u,λ) verifie

∇J(u) + B"λ = 0Bu = BU.

Dans le cas ou J est une fonctionnelle quadratique :

v ∈ N 2−→ J(v) =12

(Au, v) − (b, v),

avec A matrice symetrique, on obtient le systeme matriciel

A + B"λ = b (2.1)Bu = BU. (2.2)

Interpretation des multiplicateurs de Lagrange.

Considerons une chaıne horizontale de n + 1 masses 0, 1, 2, . . ., n, reliees entre elles (0reliee a 1, 1 a 2, etc...) par des ressorts de longueur au repos nulle et de raideur k. Lespositions de ces masses sont representees par le vecteur position (x0, x1, . . . , xn) ∈ n+1.L’energie potentielle du systeme s’ecrit

J(x) =12k

n∑

i=1

|xi − xi−1|2 =12k(Ax,x),

ou A est (a une constante multiplicative pres) la matrice du Laplacien discret avec condi-tions de Neuman. Tout point diagonal (x, x, . . . , x) de n+1 minimise cette energie. On

35

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36 2. PRISE EN COMPTE DE CONTRAINTES

s’interesse maintenant a la situation ou la masse 0 est fixee au point x0 = 0, et la massen au point xn = L > 0. Il s’agit donc maintenant de minimiser J sur l’espace affine

E = x , x0 = 0 , xn = L = X + ker B , avec B : x ∈ n+1 2−→ (x0, xn) ∈ 2.

La matrice B s’ecrit

B =(

1 0 . . . 0 00 0 . . . 0 1

).

D’apres ce qui precede, il existe donc λ = (λ0,λ1) ∈ 2 tel que (2.1) soit satisfaite. Ecrivonsles premiere et derniere lignes de ce systeme :

k(x0 − x1) + λ0 = 0k(−xn−1 + xn) + λ1 = 0.

Ces relations expriment l’equilibre des masses extremales, et permettent d’interpreter −λ0

(resp. −λ1) comme la force exercee par le support en 0 sur la masse 0 (resp. par le supporten 1 sur la masse n). On peut preciser la configuration minimisante en notant que, pouri = 1, . . . , n − 1, on a

xi+1 − xi = xi − xi−1,

de telle sorte que les longueurs des ressorts sont toutes identiques, egales L/n, et ainsi

λ0 = −λ1 = kL/n.

Commentaires.

Precisons les difficultes liees a cette approche.

En premier lieu, noter que la maniere d’ecrire les contraintes n’est pas unique. On peutrajouter par exemple xn−x0 = L. On aura alors un troisieme multiplicateur de Lagrange,qui correspondrait a la tension (positive ou negative) au sein d’une barre rigide qui relieraitles points extremaux. La non unicite met en evidence le fait concret qu’il est a prioriimpossible de prevoir la tension effective au sein de ce raidisseur, ainsi que l’effort auniveau des supports. Dans la realite, il peut se produire par exemple que seuls les supportsfixes soient actifs, jusqu’a ce que l’un d’entre eux se deteriore et finisse par lacher, pour etrerelaye par le raidisseur, sans que rien ne tranparaisse au niveau de ce que nous appeleronspar la suite les variables primales (i.e. les positions des ressorts). On notera qu’il y a unlien fort entre l’expression mathematique d’un ensemble de contraintes et les moyens quel’on pourrait se donner pour les realiser en pratique.

Cet exemple est un peu caricatural car la troisieme contrainte est manifestement redon-dante. Dans des situations plus compliquees pourtant, il peut ne pas etre aise de supprimerdes contraintes pour parvenir a un jeu minimal equivalent qui assurera l’unicite des mul-tiplicateurs de Lagrange. D’autre part certains systemes reels tres courants conduisent aune non unicite. Ainsi, pour la chaise a 4 pieds poses sur un sol horizontal, on aura unmultiplicateur de Lagrange associe a chacun des 4 contacts avec le sol. Or 3 contacts suf-fisent pour que la chaise ne rentre pas dans le sol (nous ne considerons pas ici les questionsde stabilite). Il est ainsi impossible de prevoir, meme si l’on dispose de toutes les informa-tions, quel est l’effort au niveau de chacun des pieds d’une chaise parfairtement equilibree.Noter egalement que ces efforts sont susceptibles de changer au cours du temps de facontres irreguliere.

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2.2. CADRE THEORIQUE 37

Ce premier probleme apparaıt pour des situations extremement simples, pour un nombrefini de degres de liberte (et de contraintes). Le second probleme, qui affecte l’existence-meme des multiplicateurs de Lagrange, est lie au fait que, en dimension infinie, on aseulement Im(B") ⊂ (ker B)⊥ avec inclusion stricte si l’image de B" n’est pas fermee.

2.2. Cadre theorique

Avant d’aborder dans la section suivante des exemples de problemes de minimisationsous contrainte, nous donnons ici une vue d’ensemble de la demarche de formalisationmathematique. Nous allons considerer des problemes consistant a minimiser une fonction-nelle quadratique

J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉,

sur un sous-espace vectoriel K d’un espace de Hilbert V . La forme bilineaire a(·, ·) estsupposee symetrique, continue et coercive. Comme indique au debut de la section 6.1,page 89, le theoreme de Lax-Milgram assure l’existence et l’unicite d’une solution a ceprobleme, dont la formulation variationnelle est

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ K,

dont on deduit immediatement que la forme lineaire ξ definie par

〈ξ , v〉 = 〈ϕ , v〉 − a(u, v),

est dans K⊥. Si l’on suppose K de la forme ker B, ou B est une application lineairecontinue de V dans un espace de hilbert Λ, on peut se demander si la demarche meneeen dimension finie au debut de ce chapitre est valide. La proposition 3.27, page 59, assurel’identite

(ker B)⊥ = Im(B").Dans le cas ou l’image de B est fermee, on aura donc existence de λ ∈ Λ tel que ξ s’ecriveB"λ, ce que l’on ecrira en pratique sous la forme suivante : il existe λ ∈ Λ tel que

a(u, v) + (λ, Bv) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V(µ,Bu) = 0 ∀µ ∈ Λ.

Si B est surjectif, alors l’injectivite de B assure l’unicite de λ.

Remarque 2.1. (Interet des problemes mal poses)Dans la suite, nous serons parfois amenes a considerer des problemes mal poses, c’est adire pour lesquels on n’a pas existence du multiplicateur de Lagrange, et meme a batirdes schemas numeriques sur ces formulations a priori mal posees. Precisons, bien quecela depasse le cadre de ce cours, que de telle heresies apparentes peuvent etre justifieestout a fait rigoureusement : en effet, si λ n’est pas defini, la forme lineaire ξ (qui exprimel’action du multiplicateur de Lagrange) est, elle, parfaitement definie, et l’on peut esperer1construire une suite de multiplicateurs approches λh tels que la forme lineaire associe

v 2−→ 〈λh , Bv〉tende vers ξ.

1On peut etablir rigoureusement des resultats de convergence de la methode numerique associee, danscertains cas.

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38 2. PRISE EN COMPTE DE CONTRAINTES

2.3. Contraintes en elasticite

2.3.1. Fixation repartie. Pour ce premier exemple, nous considerons une situationou le nombre de contraintes est fini, de telle sorte que l’existence du multiplicateur deLagrange est assuree. On cherche a modeliser le fait qu’un materiau est fixe a un supporten un point interieur. L’exercice 1.2, page 30, met en evidence le fait que cette formulationn’est pas valide : il est impossible2 (sauf en dimension 1) de fixer le deplacement d’unpoint a 0 au sein d’un materiau. Si l’on cherche a representer tres precisement ce qui sepasse au voisinage du point d’attache, on peut par exemple introduire un petit domaineω correspondant a la taille du clou assurant la fixation, et prescrire des conditions deDirichlet homogenes sur la frontiere de ω. Si l’on s’interesse plus globalement a l’effet de lafixation sur le deplacement global, il peut etre pertinent de relaxer la situation en annulantle deplacement moyen sur un petit domaine ω.

Considerons donc Ω un domaine borne de 2, et ω ⊂⊂ Ω un sous-domaine de Ω, et notonsK l’espace des champs de H1

0 (Ω) qui sont de moyenne nulle sur ω. Le probleme se ramenea la recherche de u dans K qui minimise sur K la fonctionnelle d’energie

J(v) = µ

Ω|e(v)|2 +

λ

2

Ω(∇ · v)2 −

Ωf · v,

ce qui conduit a la formulation variationnelle

2∫

Ωµe(u) : e(v) +

Ωλ(∇ · u)(∇ · v) =

Ωf · v ∀v ∈ K.

Noter que cette formulation du probleme ne permet pas de reconstruire directement uneequation aux derivees partielles sur le domaine Ω en entier, car toutes les fonctions deD(Ω) ne sont pas dans l’espace admissible K (certaines fonctions regulieres ne sont pas amoyenne nulle sur ω).

Cette formulation peut donner lieu a une methode numerique de resolution, mais ellenecessite de travailler avec un espace de fonctions qui verifient la contrainte, ce qui peuts’averer tres delicat en pratique.

On se propose donc de traiter ce qui pouvait etre vu comme une condition essentielle (i.e.qui affecte l’espace sur lequel on minimise la fonctionnelle d’energie) comme une contrainteexterieure. L’espace sur lequel on recherche la solution sera donc V = H1

0 (Ω), et l’on ecritla contrainte de facon faible

µ ·∫

ωu = 0 ∀µ ∈ 2,

ce qui peut egalement s’ecrire

Bu avec Bu =

( ∫ω u1∫ω u2

)∈ 2,

ce qui place le probleme dans le cadre defini par (6.4), page 90. La formulation donnee parla proposition 6.12 prend ici la forme suivante (forme variationnelle)

2∫

Ωµe(u) : e(v) +

Ωλ(∇ · u)(∇ · v) + λ ·

ωv =

Ωf · v ∀v ∈ H1

0 (Ω)2

µ ·∫

ωu = 0 ∀µ ∈ 2

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2.3. CONTRAINTES EN ELASTICITE 39

L’existence et l’unicite d’un point-selle est immediate, elle resulte de la surjectivite de B(voir theoreme 6.6, page 91).

Noter que le probleme se ramene a la recherche d’un vecteur λ de 2 tel que la solutiondu probleme

−∇ · σ = f − λ ω

verifie la contrainte (deplacement nul sur ω).

Resolution effective. Nous proposons ici une methode pour calculer effectivement lasolution u du probleme de depart. Nous la presentons ici au niveau continu, mais elles’applique directement au probleme discretise en espace. Precisons que cette methode nes’applique effectivement qu’a des situations ou le nombre de contraintes est faible (dans lessituations plus generales, l’algorithme d’Uzawa permettra un calcul approche du champλ). Notons, pour λ donne, uλ la solution du probleme ci-dessus (avec les conditions auxlimites de depart sur le bord exterieur). La correspondance λ 2→ uλ est affine, et l’imagede cette correspondance est donc un espace affine de dimension 2 (qui contient la solutiondu probleme non contraint). Il s’agit de trouver l’element de cette espace affine qui verifiela contrainte. Si l’on note u0, u1 et u2 les solutions associees aux choix λ = 0, λ = (1, 0),λ = (0, 1), on sait que la solution s’ecrit

u = u0 + α1u1 + α2u2,

et qu’elle doit verifier Bu = 0. Cette derniere condition permet ainsi de calcul les coeffi-cients α1 et α2 par resolution d’une systeme 2 × 2.

2.3.2. Obstacle. L’exemple suivant est tres simple en termes de modelisation, etapparemment proche du precedent, mais fait intervenir une infinite de contraintes. Onconsidere Ω un domaine regulier de 2, et ω ⊂⊂ Ω un sous-domaine. On supose que ωrepresente une partie fixe dans un solide elastique en regime lineaire, fixe sur sa frontiereexterieure Γ. Cette situation peut s’ecrire comme un probleme aux limites standard :

−∇ · σ = f dans Ω \ ω

u = 0 sur Γ

u = 0 sur ω

(2.3)

avec σ = µ(∇u + t∇u) + λ (∇ · u) Id. Sur le plan variationnel, on peut caracteriser lasolution u de ce probleme comme le minimiseur de la fonctionnelle

J(v) = µ

Ω\ω|e(v)|2 +

λ

2

Ω\ω(∇ · v)2 −

Ω\ωf · v,

parmi les champs de H10 (Ω \ ω)2. Si l’on note maintenant K l’ensemble des champs de

H10 (Ω) qui s’annulent sur ω, alors la solution u prolongee par 0 dans ω minimise sur K la

meme fonctionnelle J avec des integrales prises cette fois sur Ω tout entier.

On parle d’une demarche de domaine fictif : le probleme s’ecrit maintenant sur un domainestrictement plus grand, mais plus simple geometriquement, que le domaine d’interet initial(ce qui permet l’utilisation d’un maillage « simple », typiquement un maillage cartesien,qui ne respecte pas la geometrie de l’inclusion), sous reserve d’inclure la contrainte d’an-nulation sur Ω a la nouvelle formulation.

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40 2. PRISE EN COMPTE DE CONTRAINTES

Un grand nombre de methodes ont ete proposees pour se ramener a une formulation surΩ, ce qui permet l’utilisation d’un maillage « simple », typiquement un maillage cartesien,qui ne respecte pas la geometrie de l’inclusion.

Dans le cadre des methodes variationnelles, les deux strategies suivantes peuvent etreutilisees.

Dualite. Suivant l’approche proposee dans [9], notons K l’espace des champs de H1(Ω)2qui s’annulent sur ω. Cet ensemble K peut s’ecrire

K =v ∈ H1

0 (Ω)2 ,

ωv · µ = 0 ∀µ ∈ L2(ω)2

.

On se ramene alors a la recherche d’un point-selle pour le Lagrangien (voir section 6.2)

L(v,µ) = J(v) +∫

ωµ · v,

ou, de facon equivalente (voir proposition 6.12, page 92), a la recherche d’un couple (u,λ)tel que

2∫

Ωµe(u) : e(v) +

Ωλ(∇ · u)(∇ · v) +

ωλ · v =

Ωf · v ∀v ∈ H1

0 (Ω)2

ωµ · u = 0 ∀µ ∈ L2(ω)2

Ce probleme n’admet pas necessairement de solution. En effet, la condition suffisante al’existence d’une solution donnee par theoreme 6.5 n’est pas verifiee : l’application qui av ∈ H1

0 (Ω)2 associe sa restriction a ω en tant que fonction de L2(ω)2, n’est pas a imagefermee (l’image est dense, et l’operateur est de toute evidence non surjectif). Mais cettenon-existence au niveau continu n’est pas redhibitoire a l’utilisation de cette formulationdans le cadre d’une methode de resolution numerique de ce probleme. Ainsi l’algorithmed’Uzawa peut s’ecrire au niveau continu sous la forme suivante :

(1) On fixe ρ > 0, et l’on se donne λ0 ∈ L2(Ω) (par exemple λ0 = 0).(2) Le champ λk etant connu, on definit uk+1 comme solution de

2∫

Ωµe(uk+1) : e(v) +

Ωλ(∇ · uk+1)(∇ · v) +

ωλk · v =

Ωf · v ∀v ∈ H1

0 (Ω)2

(3) On met a jour le multiplicateur de Lagrange :

λk+1 = λk + ρuk+1ω

(4) Retour a (2).

Remarque 2.2. Precisons qu’il n’existe pas a notre connaissance de demonstration deconvergence de uk vers u dans le cas de non-existence du multiplicateur de Lagrange.La demonstration proposee dans [5], qui s’applique a priori a la dimension infinie, uti-lise en effet de facon essentielle un couple solution (u,λ). Des resultats partiels de boncomportement de la suite des composantes primales uk sont donnes dans [12], ils se li-mitent a la convergence faible d’une sous-suite. Lorsque l’on discretise, le choses se passentmieux, puisque l’operateur correspondant est toujours a image fermee, de telle sorte que leprobleme d’existence ne se pose plus. On pourrait penser que l’impossibilite de demontrerla convergence de l’algorithme d’Uzawa en dimension infinie se traduit par une degradationde son comportement au niveau discret, lorsque le pas du maillage tend vers 0. Un telphenomene n’est pas observe en pratique.

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2.4. EXERCICES 41

Remarque 2.3. On peut baser la formulation point-selle sur une autre expression descontraintes, qui presente l’avantage de conduire a un probleme bien pose :

K =v ∈ H1(Ω)2 ,

ω(v · µ + ∇v : µ) = 0 ∀(µ, µ) ∈ L2(ω)2 × L2(ω)4

.

Nous avons neammoins privilegier la premiere approche car c’est la plus aisee a mettre enœuvre, et c’est la plus utilisee en pratique.

Penalisation. Cette methode est basee sur une relaxation de la contrainte (on travaillemaintenant sur l’espace non contraint) au prix de l’ajout d’un terme qui penalise la nonappartenance a l’espace admissible. La encore, toutes sortes de termes de penalisationpeuvent etre envisage, le choix le plus simple etant base sur

v ∈ K ⇐⇒∫

ω|v|2 = 0,

qui conduit a la fonctionnelle penalisee

Jε(v) =µ∫

Ω

|e(vv)|2 +λ

2

Ω(∇ · v)2 −

Ωf · v +

12ε

.

Il est raisonnable d’esperer que, pour ε petit, le minimiseur uε sur V = H10 (Ω)2 (espace

non contraint) de la fonctionnelle Jε est proche de la solution recherchee. On montre eneffet (voir section 6.3, page 95, et plus precisement le theoreme 6.21) que uε tend vers ulorsque ε tend vers 0.

2.3.3. Inclusion rigide. On considere Ω un domaine regulier de 2, et ω ⊂⊂ Ωun sous-domaine. On supose que ω represente une partie fixe dans un solide elastiqueen regime lineaire. On se donne un champ de force en volume f . On obtient le systemecaracterisant l’equilibre des forces en ecrivant que la somme des forces et des momentss’exercant sur l’inclusion est nulle (on supposera pour simplifier que le moment de f estnul, ce qui en general le cas).

−∇ · σ = f dans Ω \ ω

u = 0 sur Γ

u = U + θ ∧ r sur γ∫

γσ · n +

ωf = 0

γr ∧ σ · n = 0

(2.4)

ou U ∈ 2 et θ ∈ sont inconnus (degres de liberte du mouvement rigide).

2.4. Exercices

Exercice 2.1. On cherche a modeliser l’action d’un raidisseur sur un materiau elastiqueoccupant le carre unite Ω ⊂ 2. On suppose le bord inferieur Γ1 fixe au sol, et les autresbords libres. On considere deux petits disques centres en x1 et x2 (correspondant aux

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42 2. PRISE EN COMPTE DE CONTRAINTES

extremites du raidisseur) de meme taille ω1 et ω2, disjoints, fortement inclus dans Ω, etl’on cherche a minimiser la fonctionnelle d’energie

J(v) =µ

4

Ω

∣∣∇v + t∇v∣∣2 +

λ

2

Ω(∇ · v)2 −

Ωf · v,

sur l’espace des champs qui ne modifient laissent invariante la longueur du raidisseur, c’esta dire des champs v tels que

(U2 − U1) · e12 = 0 , avec Ui =∫

ωi

u , e12 =x2 − x1

|x2 − x1|.

1) Proposer une formulation de ce probleme de type penalisation, et preciser en quoi lastructure de la matrice est modifiee par rapport a la situation usuelle.

2) Ecrire la formulation variationnelle de type point-selle de ce probleme, l’equation auxderivees partielles dont le champ est solution (en precisant bien la nature de la ou desinconnue(s) supplementaire(s) introduite(s)), et proposer un algorithme pour resoudre ceprobleme en se ramenant a la resolution de problemes standard.

3) Resoudre effectivement un probleme de ce type sur machine, et mettre en evidencenumeriquement que la presence d’un raidisseur tend a augmenter le module d’Young ap-parent d’un echantillon (on se placera pour cela dans le cadre de la section 1.1.2).

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Deuxieme partie

Aspects theoriques et complementsmecaniques

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CHAPITRE 3

Espaces de Hilbert

3.1. Premieres proprietes, theoreme de Lax-Milgram

Definition 3.1. (Produit scalaire)Soit H un espace vectoriel sur . On appelle produit scalaire une forme bilineaire (u, v)de H × H dans , symetrique, definie et positive : (u, v) = (v, u), (u, u) ≥ 0 ∀u ∈ H et(u, u) = 0 ⇐⇒ u = 0.

Un produit scalaire definit sur H une structure d’espace vectoriel norme pour la normeu 2−→ |u| = (u, u)1/2.

Definition 3.2. (Espace de Hilbert)On appelle espace de Hilbert un espace vectoriel muni d’un produit scalaire, et qui estcomplet pour la norme associee.

Proposition 3.3. Soit H un espace de Hilbert, et X un sous-ensemble de H qui engendreun sous-espace dense dans H. Alors

u = 0 ⇐⇒ (u, h) = 0 ∀h ∈ X.

Demonstration : Soit u ∈ H. On approche u par une suite un de combinaisons lineairesfinies d’elements de X. On a alors |u|2 = lim(u, un) qui est nul des que u est orthogonal atout element de X. !

Proposition 3.4. (Inegalite de Cauchy-Schwarz)Tout produit scalaire verifie l’inegalite de Cauchy-Schwarz

|(u, v)| ≤ (u, u)1/2(v, v)1/2 ∀u, v ∈ H.

Demonstration : On ecrit que (u + tv, u + tv) est positif, pour tout t ∈ , notammentpour t = −(u, v)/ |v|2 qui realise le minimum. !

Proposition 3.5. (Identite du parallelogramme)Toute norme issue d’un produit scalaire verifie l’identite du parallelogramme

∣∣∣∣u + v

2

∣∣∣∣2

+∣∣∣∣u − v

2

∣∣∣∣2

=12(|u|2 + |v|2).

Theoreme 3.6. ( Projection sur un convexe ferme)Soit H un espace de Hilbert et K un convexe ferme non vide de H. Pour tout z ∈ H, il

existe un unique u ∈ K (appelee projection de z sur K) tel que

|z − u| = minv∈K

|z − v| = dist(z,K).

53

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54 3. ESPACES DE HILBERT

La projection u est caracterisee par la propriete

u ∈ K(z − u, v − u) ≤ 0 ∀v ∈ K.

(3.1)

On notera u = PKz.

Demonstration : On considere une suite minimisante (un)

un ∈ K , |z − un| −→ d = dist(z,K).

Pour p, q ∈ , on applique l’identite du parallelogramme a up − z et uq − z :∣∣∣∣up + uq

2− z

∣∣∣∣2

+∣∣∣∣up − uq

2

∣∣∣∣2

=12(|up − z|2 + |uq − z|2).

Comme K est convexe (up + uq)/2 ∈ K,∣∣∣∣up + uq

2− z

∣∣∣∣2

≥ d2.

On a donc ∣∣∣∣up − uq

2

∣∣∣∣2

≤ d2 − d2 + εp + εq = εp + εq,

avec εn = |un − z|2 − d2 −→ 0. La suite un est donc de Cauchy dans H complet, doncconverge vers u ∈ H. Comme K est ferme, u ∈ K, et par continuite de la norme, |u − z| =dist(z,K).

On ecrit ensuite simplement que pour tout v ∈ K, l’inegalite |z − w|2 ≥ |z − u|2 est verifieepour tout w du segment [u, v] (qu’on ecrit w = u + t(v − u), t ∈ [0, 1]). !

La demonstration du theoreme precedent suggere que toute suite minimisante (un) tendnecessairement vers le minimiseur. L’exercice suivant precise cette propriete, en explici-tant la vitesse de convergence de la suite des minimiseurs en fonction de la vitesse deconvergence de |un − z| vers |u − z|.

Remarque 3.7. Si K est un sous-espace affine ferme de H, alors la caracterisation (3.1)prend la forme

u ∈ K(z − u, v − u) = 0 ∀v ∈ K,

(3.2)

et si K est un sous-espace vectoriel de H, on a

u ∈ K(z − u, v) = 0 ∀v ∈ K.

(3.3)

Proposition 3.8. (Caracterisation de la densite)Soit H un espace de hilbert, et X un sous-espace vectoriel de H. Si l’implication

(u, h) = 0 ∀h ∈ X =⇒ u = 0,

est verifiee, alors X est dense dans H.

Demonstration : Si X n’est pas dense dans H, alors X, qui est un convexe ferme, eststrictement inclus dans H. Alors pour u /∈ X , le vecteur u−PXu ne verifie pas l’implication.!

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3.1. PREMIERES PROPRIETES, THEOREME DE LAX-MILGRAM 55

Theoreme 3.9. (Hahn-Banach)Soit H un espace de Hilbert, K ⊂ H un convexe ferme, et z un point de H qui n’appartient

pas a K. Alors il existe un hyperplan ferme qui separe K et z au sens strict, c’est-a-direqu’il existe h et x0 dans H tels que

(x − x0, h) ≤ 0 < (z − x0, h) ∀x ∈ K.

Demonstration : On introduit la projection u = PKz de z sur K, on definit x0 comme(z + u)/2, et h = z − u. Pour tout x ∈ K, on a

(x − x0, h) = (x − u, z − u)︸ ︷︷ ︸≤0

+ (u − x0, h)︸ ︷︷ ︸=−|h|2/2≤0

et on a par ailleurs (z − x0, h) = |h|2 /2 > 0. !

Tout espace de Hilbert peut s’identifier a son dual, comme l’exprime le theoreme suivant.

Theoreme 3.10. (Riesz-Frechet)Soit ϕ ∈ H ′ (dual topologique de H). Il existe f ∈ H unique tel que

〈ϕ , u〉 = (f, u) ∀u ∈ H. (3.4)

De plus, on a |f | = ‖ϕ‖H′ .

Demonstration : Si ϕ est la forme nulle, le resultat est immediat. Dans le cas contraire,on introduit K le noyau de ϕ. C’est un hyperplan ferme de H. On construit ensuiteun h ∈ SH ∩ K⊥. Pour cela on considere z /∈ K. D’apres la caracterisation (3.3), on a(z − PKz, v) = 0 pour tout v ∈ K. Le vecteur

h =z − PKz

|z − PKz|convient donc. Pour finir on remarque que tout v ∈ H peut s’ecrire

v =〈ϕ , v〉〈ϕ , h〉h +

(v − 〈ϕ , v〉

〈ϕ , h〉h)

= λh + w,

avec w ∈ K. On a donc, pour tout v ∈ H (on prend le produit scalaire de l’identiteprecedente avec h),

〈ϕ , v〉 = 〈ϕ , h〉 (v, h)d’ou l’identite (3.4) avec f = 〈ϕ , h〉h. L’unicite d’un tel f est immediate. !

On prendra garde au fait que cette identification depend du produit scalaire choisi.

L’identification etablie ci-dessus permet de donner un sens a la notion de differentielled’une application a valeurs dans en tant qu’element de l’espace de Hilbert :

Definition 3.11. (Differentiabilite)Soit J une application de H dans , et u ∈ H. On dit que J est differentiable en u s’ilexiste ϕ ∈ H ′ tel que l’on ait, pour h au voisinage de 0,

J(u + h) = J(u) + 〈ϕ , h〉 + |h| ε(h),

ou ε : H −→ H est telle que ε(h) −→ 0 quand h −→ 0. Si un tel ϕ existe, on le note J ′(u).On peut l’identifier a un element de H, appele gradient de J en u, que l’on note ∇J(u).

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56 3. ESPACES DE HILBERT

On dira que J est differentiable si elle admet une differentielle en tout point, et que J estC1 si l’application u 2−→ J ′(u) est continue.

Proposition 3.12. (Continuite d’une forme bilineaire)Soit a : H × H −→ une forme bilineaire. Alors a est continue si et seulement s’il existeune constante ‖a‖ telle que

|a(u, v)| ≤ ‖a‖ |u| |v| ∀u, v ∈ H.

Demonstration : On suppose a continue. La continuite en 0 assure l’existence d’un rtel que |a(u, v)| ≤ 1 sur B(0, r) × B(0, r). On a donc, pour tous u, v, non nuls

∣∣∣∣a(

ru

|u|, r

v

|v|

)∣∣∣∣ ≤ 1 =⇒ |a(u, v)| ≤ 1r2

|u| |v| .

Reciproquement, le developpement

a(u + h, v + k) = a(u, v) + a(h, v) + a(u, k) + a(h, k)assure la continuite en tout (u, v) ∈ H × H. !

Definition 3.13. (Coercivite d’une forme bilineaire)Soit a : H × H −→ une forme bilineaire. On dit que a est coercive s’il existe α > 0 tel

quea(u, u) ≥ α |u|2 ∀u ∈ H.

Remarque 3.14. En dimension finie, et dans le cas ou la forme est symetrique (a(u, v) =a(v, u)), on retrouve la notion de forme symetrique definie positive. Le plus grand coef-ficient α est alors la plus petite valeur propre de la matrice associee, et la plus petiteconstante ‖a‖ de la continuite sa plus grande valeur propre.

Proposition 3.15. Soit H un espace de Hilbert, et a une forme bilineaire et continue surl’espace produit H × H. Pour tout u ∈ H, on note Au l’element de H qui s’identifie a laforme lineaire a(u, ·) :

(Au, v) = a(u, v) ∀v ∈ H.

L’application u 2−→ Au est lineaire et continue. De plus si a(·, ·) est coercive, alors l’appli-cation A est une bijection.

Demonstration : L’application A est evidemment lineaire, et|Au| = sup

|v|=1(Au, v) = sup

|v|=1a(u, v) ≤ C |u| ,

ou ‖a‖ est la constante de continuite de a.

Si a est coercive, on a (Au, u) = a(u, u) ≥ α |u|2, et donc |Au| ≥ α |u| pour tout u dans H.Pour montrer que A est bijectif, on montre que son image est a la fois fermee et dense. Onverifie que l’image est fermee en considerant une suite (Aun) qui converge vers un elementde l’image w. Comme (Aun) converge, elle est de Cauchy, donc (un) est egalement deCauchy d’apres l’inegalite precedemment demontree. Elle converge donc vers u ∈ H quiverifie Au = w par continuite de A, ce qui prouve que l’image est fermee. Pour montrerla densite on utilise le critere de la proposition 3.8 : pour tout g ∈ H,

(g,Au) = 0 ∀u ∈ H =⇒ (g,Ag) = a(g, g) = 0qui entraıne g = 0 par coercivite de a. L’image de A est donc fermee et dense dans H :c’est l’espace H lui-meme. L’injectivite est une consequence immediate de la coercivite. !

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3.2. CONVERGENCE FAIBLE 57

Theoreme 3.16. (Lax-Milgram)Soit H un espace de Hilbert, et a une forme bilineaire continue et coercive sur H × H.

Pour tout ϕ ∈ H ′, il existe un u ∈ H unique tel que

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ H. (3.5)

Si a est symetrique, u est l’unique element de H qui realise le minimum de la fonctionnelle

v 2−→ J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉.

Demonstration : D’apres le theoreme de representation de Riesz-Frechet, il existe ununique f ∈ H tel que

(f, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ H.

On introduit l’operateur A associe a a(·, ·), qui est bijectif (voir proposition 3.15). Il existedonc une unique solution u a l’equation Au = f .

On suppose maintenant a(·, ·) symetrique. On note toujours u la solution du problemevariationnel (3.5). Pour tout h ∈ H, l’application

t 2−→ ψ(t) = J(u + th) − J(u)

est convexe, nulle en 0, de derivee nulle en 0. Elle est donc positive, et ainsi J(u+h) ≥ J(u)pour tout h ∈ H.

De la meme maniere, si w minimise J , on ecrit que la derivee de la fonction J(w+th)−J(w)est nulle en 0, ce qui est exactement la formulation variationnelle (3.5). !

3.2. Convergence faible

Definition 3.17. (Convergence faible)Soit (un) une suite d’elements de H. On dit que (un) converge faiblement vers u dans H,et on note un u, si

(un, v) → (u, v) ∀v ∈ H,

ou de facon equivalente, si

< ϕ, un >−→< ϕ, u > ∀ϕ ∈ H ′.

Avant d’enoncer le theoreme principal de cette section, qui etablit que les bornes d’unespace de Hilbert sont compacts dans un certain sens (pour la topologie de la convergencefaible), precisons qu’aucun ensemble d’interieur non vide dans un espace de dimensioninfinie ne peut etre compact :

Proposition 3.18. Soit H un espace vectoriel de dimension infinie. La boule unite fermeeBH n’est pas compacte.

Demonstration : On construit une suite de vecteurs de norme 1 et orthogonaux deux adeux de la facon suivante : on prend tout d’abord e1 ∈ SH (sphere unite de H). Supposante1, . . .,ek construits, on prend hk+1 /∈ Fk = vect(e1, . . . , ek), et on considere

ek+1 =hk+1 − PFkhk+1

|hk+1 − PFkhk+1|.

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58 3. ESPACES DE HILBERT

On construit ainsi une suite (ek) dans BH telle que |ep − eq|2 = 2. Aucune suite extraitene peut donc etre de Cauchy. !

Theoreme 3.19. Soit (un) une suite bornee dans un espace de Hilbert H. Alors on peutextraire une sous-suite convergeant faiblement vers u dans H.

Demonstration : On raisonne d’abord dans le cas ou H est separable. Il existe doncune famille denombrable xkk∈ dense dans H. On se propose de suivre le procede d’ex-traction diagonale de Cantor.

1) Comme (un, x1) est bornee dans on peut extraire une suite uj1(n) telle que (uj1(n), x1)converge.

2) Comme (uj1(n), x2) est bornee dans on peut extraire de uj1(n) une suite uj1j2(n) telleque (uj1j2(n), x2) converge.

3) Par recurrence, on construit une suite de sous-suites emboitees uj1j2···jk(n) telle que(uj1j2···jk(n), xk) converge, pour tout k.

4) On utilise a present le procede d’extraction diagonale : on pose ϕ(k) = j1 j2 · · ·jk(k)(de telle sorte que ϕ est strictement croissante), et on considere uϕ(n). Pour tout k, onremarque que uϕ(n), a partir du rang k, est aussi une suite extraite de (uj1j2···jk(n)), detelle sorte que (uϕ(n), xk) converge lorsque n → +∞.

5) On utilise ensuite la densite des xk. Pour tout x ∈ H, on montre que (uϕ(n), x) estune suite de Cauchy : soit ε > 0, il existe (xk) tel que |x − xk| < ε. Comme (uϕ(n), xk)est de Cauchy, il existe un N au-dela duquel

∣∣(uϕ(p), xk) − (uϕ(q), xk)∣∣ < ε. Pour tous p, q

superieurs a N , on a donc∣∣(uϕ(p), x) − (uϕ(q), x)

∣∣ ≤∣∣(uϕ(p), x) − (uϕ(p), xk)

∣∣+∣∣(uϕ(p), xk) − (uϕ(q), xk)

∣∣

+∣∣(uϕ(q), xk) − (uϕ(q), x)

∣∣

≤ Mε+ ε+ Mε = (1 + 2M)ε,

ou M est un majorant de |un|.

On a donc demontre que, pour tout x ∈ H, (uϕ(n), x) converge vers un element de H quel’on note h(x). L’application x 2→ h(x) ∈ est lineaire, et on a pour tout x ∈ H

|h(x)| = limn→∞

∣∣(uϕ(n), x)∣∣ ≤ M |x| ,

d’ou h continue sur H. D’apres le theoreme de Riesz-Frechet, cette forme s’identifie a unelement u de H. On a donc convergence faible de la suite extraite vers u.

Dans le cas ou le Hilbert n’est pas separable, on se place dans l’adherence de l’espacevectoriel engendre par les termes de la suite, qui est un espace de Hilbert separable (pourle meme produit scalaire) par construction. La convergence faible vers un u de ce sous-espace entraıne la convergence faible dans H. !

Proposition 3.20. Soit X ⊂ H un sous-ensemble qui engendre un sous-espace densedans H. On a

(un) bornee et (un, h) → (u, h) ∀h ∈ X =⇒ un u.

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3.3. COMPLEMENTS THEORIQUES 59

Demonstration : Soit v ∈ H. Pour tout ε > 0, on peut trouver un element h de vect Xa distance ε de v. Comme on a convergence faible contre h (qui est combinaison lineairefinie d’elements de X, il existe N tel que pour tout n ≥ N on ait |(un − u, h)| < ε. On adonc

|(un − u, v)| ≤ |(un − u, h)| + |(un − u, v − h)| ≤ ε+ 2Mε,

ou M est un majorant de un et u. !

Remarque 3.21. Le caractere borne de la suite est essentiel. Considerer par exemple lasuite (nen) ou (en) est la base Hilbertienne canonique de 22.

3.3. Complements theoriques

Nous rassemblons dans cette section un certain nombre de proprietes qui sont utiles a laformulation mathematique des problemes de point-selle.

Definition 3.22. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert. On note L (V,Λ) l’espace desapplications lineaires continues de E dans F . C’est un espace vectoriel norme completpour la norme

‖T‖L (V,Λ) = supu *=0

‖Tu‖Λ

‖u‖V

= supu∈BV

‖Tu‖Λ.

Lorsque F = V , on notera simplement L (V ).

Definition 3.23. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert et T ∈ L (V,Λ). On dit que Test compact si l’image de la boule unite de V est relativement compacte (i.e. d’adherencecompacte).

Remarque 3.24. De facon equivalente, un operateur compact est caracterise par le faitque pour toute suite bornee (un) dans V , on peut extraire une sous-suite uϕ(n) telle queTun converge dans Λ.

Les operateurs compacts « transforment » la convergence faible en convergence forte,comme l’exprime la

Proposition 3.25. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert et T ∈ L (V,Λ) compact. Alors

un u =⇒ Tu −→ u.

Definition 3.26. (Adjoint)Soient V et Λ deux espaces de Hilbert, et T ∈ L (V,Λ). On definit l’adjoint de T commel’operateur T " de Λ′ dans V ′ qui a ϕ ∈ Λ′ associe

T "ϕ : u 2−→ 〈T "ϕ , u〉 = 〈ϕ , Tu〉.On verifie immediatement que T " ∈ L (Λ′, V ′), avec ‖T "‖ = ‖T‖.

Dans la suite nous identifierons les espaces de Hilbert rencontres avec leur duaux, de tellesorte que T " est un operateur de Λ dans V .

Proposition 3.27. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert, et T ∈ L (V,Λ).

Im(T ") = (ker T )⊥.

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60 3. ESPACES DE HILBERT

Proposition 3.28. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert, et T ∈ L (V,Λ). Les assertionssuivantes sont equivalentes :

(i) Im(T ) est fermee.(ii) Im(T ") est fermee.(iii) Il existe C > 0 tel que

∀z ∈ Im(T ) , ∃u ∈ V , z = Tu , |u| ≤ C |z| ,ou, de facon equivalente

‖u‖V/ ker T ≤ C |Tu| .

(iv) Il existe β > 0 tel que

supu∈V

〈λ , Tu〉|u| ≥ β

∥∥∥λ∥∥∥

Λ′/ ker T ".

Proposition 3.29. Soient V et Λ deux espaces de Hilbert, et T ∈ L (V,Λ). Les assertionssuivantes sont equivalentes.

(i) T est surjectif.(ii) Il existe α > 0 tel que

|µ| ≤ α |T "µ| ∀µ ∈ Λ′.

(iii) Il existe β > 0 tel que

supu∈V

|〈λ , Tu〉||u| |λ|

≥ β |λ|Λ ∀λ ∈ Λ.

3.4. exercices

Exercice 3.1. Soit α = (αn) une suite bornee de reels, et

a : (u, v) ∈ 22 × 22 2−→+∞∑

n=0

αnunvn.

A quelle condition sur α la forme bilineaire a(·, ·) est-elle coercive ?

Exercice 3.2. Soit α = (αn) une suite bornee de reels, et

A : u ∈ 22 2−→ Au = (αnun)n.

A quelle condition sur α l’application A est-elle a image fermee ?

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CHAPITRE 4

Espaces de Sobolev

Soit N un entier ≥ 1. Dans tout ce chapitre, on designera par Ω un ouvert de N munide la mesure de Lebesgue dx.

4.1. Rappels sur l’espace L2(Ω)

On designe par Ω un ouvert de N muni de la mesure de Lebesgue dx.

Definition 4.1. On definit l’espace L2(Ω) comme

L2(Ω) =

f : Ω → , f mesurable,∫

Ω|f(x)|2 dx < +∞

.

On le munit de la norme ‖f‖2 =(∫

Ω |f |2)1/2

. On notera L2(Ω)N l’espace des champs devecteurs dont chaque composante appartient a L2(Ω).

Proposition 4.2. L’espace L2(Ω) est un espace de Hilbert pour le produit scalaire

(u, v) =∫

Ωu(x)v(x) dx,

comme pour tout produit du type

(u, v)k =∫

Ωk(x)u(x)v(x) dx,

ou k est une fonction mesurable telle que 0 < m ≤ k(x) ≤ M presque partout.

Demonstration : Le fait que cette forme bilineaire soit bien definie sur L2 × L2 estconsequence directe de l’inegalite de Cauchy-Schwarz. Il s’agit alors de montrer que L2

est bien complet pour la norme associee. Pour cela on considere une suite de Cauchy, onmontre par un argument de convergence monotone que la suite converge presque partoutvers une limite, que la limite appartient bien a L2, et que l’on a bien convergence pour lanorme L2 vers cette limite. On trouvera une demonstration detaillee dans [3], page 57.

Definition 4.3. (Suite regularisante)On appelle suite regularisante une suite (ρn) de fontions C∞ de N dans telle que, pourtout n ∈ ,

supp(ρn) ⊂ B(0, 1/n) ,

∫ρn = 1 , ρn(x) ≥ 0 ∀x ∈ .

Proposition 4.4. Soit f ∈ L2( N ). On definit la fonction ρn 3 f par

(ρn 3 f)(x) =∫

Nρn(x − y)f(y) dy.

61

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62 4. ESPACES DE SOBOLEV

Alors la fonction ρn 3 f est dans C∞( N ) ∩ L2( N ). On a

ρn 3 f −→ f dans L2( N ).

Remarque 4.5. Toute fonction f de L2(Ω) peut etre prolongee par 0 a N tout entier.On peut donc appliquer ce qui precede. Les proprietes de convergence enoncees ci-dessuss’appliquent ainsi a la restriction de ρn 3 f a Ω.

Definition 4.6. On note D(Ω) l’espace des fonctions C∞ a support compact dans Ω.On verifie que cet espace est non vide en considerant une boule ouverte B(a, r) dontl’adherence est dans Ω, et la fonction

ϕ(x) = exp(

1|x − a|2 − r2

)si x ∈ B(a, r) , ϕ(x) = 0 si x /∈ B(a, r).

Proposition 4.7. L’espace D(Ω) est dense dans L2(Ω).

Remarque 4.8. L’appartenance a L2 n’exige aucune regularite en espace (aucune « correl-ation spatiale » n’est exigee). En particulier, si l’on considere une partition de Ω sous laforme Ω = Ω1 ∪ Ω2, Ω1 ∩ Ω2 = ∅, ou les Ωi sont des ouverts tels que ∂Ω1 ∩ ∂Ω2 est demesure nulle, pour toutes fonctions fi ∈ L2(Ωi), la fonction f dont la restriction a Ωi estfi est dans L2(Ω). Nous verrons qu’une telle construction par morceaux d’une fonction esten general impossible pour les espaces de Sobolev.

4.2. Definitions, proprietes generales

Definition 4.9. (Gradient)Soit ϕ une fonction C1 de Ω dans . On appelle gradient de ϕ la fonction de Ω dans N

definie par

∇ϕ =

∂ϕ

∂x1

...∂ϕ

∂xN

.

Definition 4.10. On definit l’espace de Sobolev H1(Ω) comme l’ensemble des fonctionsu dans L2(Ω) telles qu’il existe v = (v1, . . . , vN ) ∈ (L2(Ω))N verifiant

Ωu∂ϕ

∂xi= −

Ωϕ vi ∀ϕ ∈ D(Ω) , ∀i = 1, . . . , N.

On notera alors v = ∇u.

La fonction ∇u de dans N est ainsi definie comme l’unique fonction vectorielle acomposantes dans L2(Ω) telle que l’identite entre vecteurs de N

Ωu∇ϕ = −

Ωϕ∇u

soit verifiee pour tout ϕ ∈ D(Ω).

On notera H1(Ω)N l’espace des champs de vecteurs dont chaque composante appartienta H1(Ω). Le gradient ∇u est alors une matrice dont la ligne i est le gradient de la i-emecomposante de u.

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4.2. DEFINITIONS, PROPRIETES GENERALES 63

Proposition 4.11. L’espace H1(Ω) muni de la norme ‖·‖ definie par

‖v‖2 =∫

Ωu2 +

Ω|∇u|2

est un espace de Hilbert separable1. .

Demonstration : On construit pour cela une isometrie entre H1(Ω) et un sous-espaceferme de L2(Ω) × L2(Ω)N . Voir [3, Prop. IX.1]. !

Notation : On designera par |u|0,Ω la norme L2 de u sur Ω (nous omettrons Ω quand iln’y a pas d’ambiguite), et par |u|1,Ω la semi norme H1 :

|u|21,Ω =∫

Ω|∇u|2 ,

de telle sorte que‖u‖2

H1 = |u|20,Ω + |u|21,Ω .

Proposition 4.12. Si u ∈ C1(Ω) ∩ L2(Ω) et ∇u ∈ (L2(Ω))N , alors u ∈ H1(Ω), et legradient de u au sens classique (definition 4.9) s’identifie au gradient au sens de Sobolev(definition 4.10).

Remarque 4.13. Nous verrons que les fonctions de H1(Ω) ne sont pas necessairementcontinues en dimension superieure ou egale a deux (voir exercice 4.3, page 80), mais ellespossedent une certaine regularite en espace. La regularite H1 exclut notamment les dis-continuites franches au travers d’une hypersurface2 (voir exercice 4.2, page 80).

Proposition 4.14. Soit u ∈ H1(Ω) telle que ∇u = 0 presque partout sur Ω. Alors u estconstante sur chaque composante connexe de Ω.

Demonstration : Voir Allaire [1, Prop. 4.2.5]. !

En dimension 1, une fonction peut s’ecrire comme integrale de sa derivee, comme le precisela proposition suivante.

Proposition 4.15. Soit I un intervalle de . Toute fonction u ∈ H1(I) admet unrepresentant continu u, qui verifie

u(x) = u(x) p.p. sur I , u(y) − u(x) =∫ y

xu′(t) dt.

Cette fonction continue sur I est prolongeable par continuite aux extremites de I.

Demonstration : Voir Brezis [3, Th. VIII.2]. !

1Il contient un sous-ensemble denombrable et dense2Ce fait est fondamental en mecanique des milieux continus. Si l’on identifie u a un champ de

deplacements elementaires, cela implique qu’un champ de deplacement qui tendrait a decomposer unmateriau en deux sous-parties disjointes est exclu du point de vu energetique.

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64 4. ESPACES DE SOBOLEV

Proposition 4.16. Soit u une fonction de L2(Ω). Les assertions suivantes sont equivalentes :(i) u ∈ H1(Ω).(ii) Il existe une constante C telle que

∣∣∣∣∫

Ωu∇ϕ

∣∣∣∣ ≤ C ‖ϕ‖L2 ∀ϕ ∈ D(Ω).

(iii) Il existe une constante C telle que, pour tout ω ⊂⊂ Ω, pour tout h tel que |h| <dist(ω,Ωc),

‖τhu − u‖L2(ω) ≤ C |h| .

Demonstration : (i) =⇒ (ii) est une consequence immediate de la definition.

(ii) =⇒ (i) Pour i entre 1 et N , on considere la forme lineaire definie sur C∞c ⊂ L2(Ω)

ϕ 2−→∫

Ωv∂iϕ.

Cette forme lineaire est continue pour la norme L2 par hypothese. Elle se prolonge donc pardensite de C∞

c (Ω) en une forme lineaire continue sur L2(Ω). Le theoreme de representationde Riesz-Frechet assure donc l’existence de wi ∈ L2(Ω) tel que

Ωv∂iϕ = −

Ωwiϕ,

d’ou u ∈ H1 avec ∇u = (w1, . . . , wN ). !

(i) =⇒ (iii) Soit ω ⊂⊂ Ω, et h < dist(ω,Ωc). On considere dans un premier temps unefonction u reguliere (u ∈ D(Ω)). On a

u(x + h) = u(x) +∫ 1

0∇u(x + th) · hdt,

d’ou

|u(x + h) − u(x)|2 ≤ |h|2∫ 1

0|∇u(x + th)|2 ,

et donc∫

ω|τhu − u(x)|2 ≤ |h|2

ω

∫ 1

0|∇u(x + th)|2 ≤ |h|2

∫ 1

0

ω|∇u(x + th)|2 .

On choisit maintenant ω′ fortement inclus dans Ω, qui contient tous les translates de ωpar th, pour t ∈ [0, 1]. On a

‖τhu − u‖L2 ≤ |h|∫

ω′|∇u|2 .

On conclut en utilisant la propriete de densite 4.18.

(iii) =⇒ (ii) Soit ϕ ∈ C∞c (Ω), et ω ⊂⊂ Ω qui contient le support de ϕ. Pour tout h tel

que h < dist(ω,Ωc), on a∣∣∣∣∫

ω(τhu − u)ϕ

∣∣∣∣ ≤ C ‖ϕ‖L2(ω) |h| ≤ C ‖ϕ‖L2(Ω) |h| .

D’autre part,∫

ω(u(x + h) − u(x))ϕ(x) =

Ω(u(x + h) − u(x))ϕ(x) =

Ωu(y)(ϕ(y − h) − ϕ(y)).

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4.2. DEFINITIONS, PROPRIETES GENERALES 65

La majoration (iii) implique donc∣∣∣∣∫

Ωu(y)

ϕ(y − h) − ϕ(y)|h|

∣∣∣∣ ≤ C ‖ϕ‖L2 .

On conclut en prenant h de la forme tei et en faisant tendre t vers 0. !

Proposition 4.17. L’espace D( N ) est dense dans H1( N ).

Notation : On dit que ω est fortement inclus dans Ω si ω est compact et inclus dans Ω.On note ω ⊂⊂ Ω.

Proposition 4.18. Pour tout ω ⊂⊂ Ω, tout u ∈ H1(Ω), il existe une suite (un) dansD(Ω) telle que

un −→ u dans L2(Ω) , ∇un −→ ∇u dans L2(ω)N .

Corollaire 4.19. Soit (ωn) une suite de domaines fortements inclus dans Ω, et u ∈ H1(Ω).Il existe une suite (un) dans D(Ω) telle que

‖un − u‖L2(Ω) −→ 0 , ‖∇un −∇u‖L2(ωn)N −→ 0.

Definition 4.20. On definit H10 (Ω) comme l’adherence de D(Ω) dans H1(Ω).

Noter que, d’apres la proposition 4.18, on a H10 ( N ) = H1( N )

Par rapport a H10 , l’espace H1 peut se decrire comme l’ensemble des fonctions L2 de

gradient L2 qui peuvent « prendre des valeurs non nulles sur le bord » . Cette expressionne pourra se voir donner un cadre mathematique precis qu’apres que l’on aura definit lanotion de regularite du bord (voir, section 4.3, la definition de l’operateur trace sur le bordγ0). On peut neammoins des maintenant donner un sens abstrait a la notion de valeurau bord, sans faire aucune hypothese sur la geometrie de Ω. Par analogie avec l’espacedes traces des fonctions de H1 dans le cas d’un bord regulier (voir definition 4.31), nousnoterons H1/2 l’espace abstrait correspondant.

Definition 4.21. On definit l’espace H2(Ω) comme l’ensemble des fonctions de H1(Ω)dont toutes les derivees partielles par rapport a l’une des composantes sont elles-memesdans H1(Ω). C’est un espace de Hilbert muni de la norme

‖u‖2H2(Ω) = |u|20 +

i

∣∣∣∣∂u

∂xi

∣∣∣∣2

0

+∑

i,j

∣∣∣∣∂2u

∂xi∂xj

∣∣∣∣2

0

= |u|20,Ω + |u|21,Ω + |u|22,Ω .

On peut definir de facon analogue les espaces Hm(Ω) pour m = 3, 4, . . ., mais nousn’utiliserons ici que m ≤ 2.

Definition 4.22. (Espace Hmloc)

Soit m un entier positif (on utilisera le cas m = 2 dans la suite). On definit l’espace Hmloc(Ω)

comme l’espace vectoriel des (classes de) fonctions de Ω dans dont la restriction a ω estdans Hm(ω), pour tout ω fortement inclus dans Ω. De facon equivalente, c’est l’ensembledes fonctions u de Ω dans telles que θu est dans Hm(Ω) pour tout θ dans D(Ω).

Noter que l’appartenance d’une fonction a Hmloc permet de parler de ses derivees m-iemes

comme de fonctions (mesurables) definies sur Ω. On donne ainsi un sens a des expressionsdu type ∂mu/∂xm

i = g presque partout dans Ω, ou g est une fonction de L2loc.

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66 4. ESPACES DE SOBOLEV

4.3. Traces

En elasticite, le probleme le plus couramment rencontre consiste a trouver le champde deplacement d’un solide deformable soumis a certaines sollicitations sur son bord(deplacement impose). Ces sollicitations au bord ne peuvent avoir un sens que si l’onest capable de parler d’un champ de deplacement sur le bord du domaine. Lorsque l’onconsidere des fonctions regulieres (au moins continues sur Ω), on peut parler simplementde la restriction de la fonction a ∂Ω. Dans le contexte present, nous avons vu que lesfonctions de H1(Ω) ne sont pas necessairement continues, et ne sont definies a priori quecomme des classes de fonctions (a un ensemble de mesure nulle pres). La frontiere d’unouvert regulier etant de mesure nulle, la notion de restriction n’a pas de sens. Nous allonsmontrer ici qu’il est possible de donner un sens precis a cette notion de trace, des que lesfonctions que l’on considere ont une regularite suffisante en espace.

Definition 4.23. (Espace des traces abstrait)On definit l’espace H1/2 comme l’espace quotient H1(Ω)/H1

0 (Ω). C’est un espace vectorielnorme pour la norme quotient

‖u‖H1/H10

= infv∈u

‖v‖H1 = infh∈H1

0

‖u − h‖H1 .

Noter que, d’apres la definition de H10 , on a aussi ‖u‖H1/H1

0= infh∈D(Ω) ‖u − h‖H1 .

Remarque 4.24. On a H10 ( N ) = H1( N ) (d’apres la proposition 4.17), et l’on peut avoir

H10 (Ω) = H1(Ω) meme si Ω est strictement inclus dans N (de telle sorte que D(Ω) soit

strictement inclus dans D( N )). L’espace quotient defini precedemment est alors l’espacetrivial 0. C’est le cas par exemple de 2 prive d’un point, ou de 3 prive d’un point oud’une droite (voir l’exercice 1.2 sur la notion de capacite).

Proposition 4.25. Soit u ∈ H10 (Ω). On definit u comme la fonction qui vaut u(x) pour

tout x ∈ Ω, et qui prend la valeur 0 a l’exterieur de Ω. Alors u ∈ H1( N ).

Demonstration : Tout d’abord remarquons que u est dans L2( N ). Par definition deH1

0 , u est limite d’une suite (un) de fonctions C∞ a support compact dans Ω. Pour toutϕ ∈ D( N ), on a

Nu∇ϕ =

Ωu∇ϕ = lim

n→+∞

Ωun∇ϕ

= − limn→+∞

Ωϕ∇un = −

Ωϕ∇u = −

Nϕv.

ou v est le champ de vecteurs qui vaut ∇u dans Ω, et 0 a l’exterieur de Ω. !

Dans cette section nous precisons les proprietes qui vont nous permettre de definir des va-leurs au bord pour des fonctions appartenant aux espaces de Sobolev introduits precedemment.On se reportera a [14], [3], ou [10] pour les demonstrations detaillees.

On definit le cylindre Qρh de N par

Qρh =x ∈ N , x = (x′, xN ) = (x1, . . . , xN ) ,

∣∣x′∣∣ < ρ , −h < xN < h

.

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4.3. TRACES 67

0

xN

x′

ρ

Qρh

hxN = ϕ(x′)

Fig. 4.1. Regularite de la frontiere

Dans la definition qui suit, “X” represente une regularite fonctionnelle du type Co, Lip-schitz, Ck, etc...

Definition 4.26. Soit Ω un ouvert de N . On dit que la frontiere de Ω est de classe Xsi en tout point a ∈ ∂Ω, il existe un systeme de coordonnees et ρ, h > 0, tels qu’il existeune application

ϕ :x′ ∈ N−1 ,

∣∣x′∣∣ < ρ−→

de classe X telle que

(i) ∀x′, |x′| < ρ⇒ |ϕ(x′)| < h,

(ii) ϕ(0) = 0,

(iii) Qρh ∩ ∂Ω coıncide avec le graphe de ϕ,

(iv) U ∩ Ω = (x′, xN ) , |x′| ≤ ρ , ϕ(x′) < xN < h.

Definition 4.27. (vecteur normal)Soit Ω un ouvert de classe C1, a un point de Γ = ∂Ω. On note ϕ l’application definieci-dessus. On appelle vecteur normal a Γ au point a le vecteur

n =(∇ϕ,−1)|(∇ϕ,−1)| .

Noter que l’on peut definir presque partout un tel vecteur sur une frontiere supposeeseulement Lipschitzienne.

On note D(Ω) l’ensemble des restrictions des fonctions de D( N ) a Ω.

Proposition 4.28. Soit Ω un ouvert de frontiere Γ Lipschitzienne et bornee. Il existe unoperateur de prolongement

P : H1(Ω) −→ H1( N ),

lineaire continu, tel que, pour tout u ∈ H1(Ω), la restriction de Pu a Ω s’identifie a u.

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68 4. ESPACES DE SOBOLEV

Demonstration : Voir Brezis [3, Th. IX.7] dans le cas d’un ouvert C1. L’ingredientprincipal de la demonstration est le prolongement par reflexion dont nous indiquons icile principe dans le cas N = 1. On considere u ∈ H1(]0, 1[), et l’on construit u comme lafonction qui s’identifie a u sur ]0, 1[, et telle que u(x) = u(−x) sur ] − 1, 0[. La fonction uest dans L2(]− 1, 1[). Pour toute fonction-test ϕ ∈ D(]− 1, 1[), si l’on note ϕ(x) = ϕ(−x),on a ∫ 1

−1uϕ′ =

∫ 0

−1uϕ′ +

∫ 1

0uϕ′ = −

∫ 1

0uϕ′ +

∫ 1

0uϕ′ =

∫ 1

0u(ϕ− ϕ)′.

Notons ψ = ϕ − ϕ. On ne peut pas utiliser l’appartenance de u a H1(]0, 1[) car ψ n’estpas a support compact dans ]0, 1[. On se ramene a une fonction a support compact enintroduisant, pour ε > 0, la fonction x 2−→ ηε(x) = η(x/ε), ou η est une fonction C∞ sur

+, nulle sur [0, 1/2] et sur [1,+∞[. La fonction ψε est dans D(]0, 1[). On a d’une part∫ 1

0uψ′

ε = −∫ 1

0ψεu

′ −→ −∫ 1

0ψu′ = −

∫ 1

−1ϕu′,

et d’autre part ∫ 1

0uψ′

ε −→∫ 1

0uψ′,

d’ou u ∈ H1(] − 1, 1[). !

Proposition 4.29. Soit Ω un ouvert de frontiere Γ Lipschitzienne. Alors D(Ω) est densedans H1(Ω).

Proposition 4.30. Soit Ω un ouvert de frontiere Γ Lipschitzienne et bornee. L’application

γ0 : ϕ ∈ D(Ω) 2−→ ϕ|Γ,

se prolonge par continuite en une application lineaire de H1(Ω) dans L2(Γ).

Definition 4.31. (Espace H1/2(Γ))On note H1/2(Γ) ⊂ L2(Γ) l’image de l’application γ0 : H1(Ω) 2−→ L2(Γ) definie ci-dessus.C’est un espace de Banach pour la norme

‖g‖H1/2(Γ) = infγ0v=g

‖v‖H1(Ω) .

Remarque 4.32. L’inclusion de H1/2(Γ) dans L2(Ω) est stricte. On peut notammentverifier que l’appartenance a H1/2(Γ) exclut les discontinuites franches. Prenons par exempleΓ =]0, 1[, et considerons la base hilbertienne de L2(Γ) des ϕk(x)

√2 sin(kπx). On peut ca-

racteriser l’appartenance a H1/2(Γ) d’une fonction u a l’aide des coefficient de Fourier deu ∈ L2(Γ) :

uk =∫ 1

0ϕku =

√2∫ 1

0u(x) sin(kπx),

de la facon suivante :u ∈ H1/2(Γ) ⇐⇒

k

k |uk|

Pour la fonction caracteristique de l’intervalle ]0, 1/2[, les coefficients impairs valent

u2k+1 =√

2∫ 1

0u(x) sin(kπx) =

√2∫ 1/2

1/2−1/2(2k+1)sin(kπx) = (−1)k

√2

(2k + 1)π.

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4.3. TRACES 69

Les coefficients pour les modes multiples de 4 sont nuls, et

u4k+2 =√

2∫ 1

0u(x) sin(kπx) =

√2∫ 1/2

1/2−(4k+2)sin((4k + 2)πx) =

2√

2(4k + 2)π

.

La serie qui intervient dans la caracterisation de H1/2 est donc divergente : u n’appartientpas a cet espace. Dans un contexte d’elasticite lineaire, la consequence de ce fait est qu’unecondition de deplacement impose qui modeliserait un dechirement de la frontiere ne peutse faire qu’au prix d’une depense energetique infinie.

Proposition 4.33. L’espace H10 (Ω) est constitue des fonctions de H1(Ω) dont la trace

sur ∂Ω est nulle.

Demonstration : Voir Raviart [14]. !

Definition 4.34. (Derivee normale)Soit Ω un domaine de frontiere Lipschitzienne. On note n le vecteur normal a Γ dirige versl’exterieur de Ω. Ce vecteur est defini presque partout. Pour toute fonction ϕ ∈ D(Ω), onappelle derivee normale de ϕ en un point de Γ la quantite

∂ϕ

∂n= ∇ϕ · n.

Definition 4.35. Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ lipschitzienne. On definit γ1

comme l’application de H2(Ω) dans L2(Γ) qui a u ∈ H2(Ω) associe ∇u · n, ou la trace dechaque composante de ∇u est definie selon la proposition 4.30. On notera

γ1u =∂u

∂n.

Noter que l’on n’utilise pas ici la densite de D(Ω) dans H2(Ω) (qui, de fait, n’est pasexigee).

Proposition 4.36. (Premiere formule de Green)Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ Lipschitzienne. Pour tous u et v dans H1(Ω), on a

Ωv∇u = −

Ωu∇v +

Γuvn.

Proposition 4.37. (Deuxieme formule de Green)Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ de regularite C2. Pour tout u dans H2(Ω) et tout

v dans H1(Ω), on a

−∫

Ωv.u =

Ω∇u ·∇v −

Γ

∂u

∂nv.

Proposition 4.38. Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ lipschitzienne. On suppose queΩ se decompose de la facon suivante

Ω =⋃

i=1,p

Ωr,

ou les Ωi sont des ouverts de frontiere lipschitzienne, inclus dans Ω, deux a deux disjoints.On note Γij = Ωi ∩ Ωj. Soit u une fonction definie sur Ω, dont la restriction ui a Ωi estdans H1(Ωi) pour tout i = 1, . . . , R. On suppose que pour tous i, j tels que Γij ;= ∅ lestraces de ui et uj sur Γij s’identifient. Alors u est dans H1(Ω).

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70 4. ESPACES DE SOBOLEV

Demonstration : On note v la fonction de L2(Ω) qui s’identifie a ∇u sur chacun desΩr. Pour tout ϕ ∈ D( N ), on a (en utilisant la proposition 4.36 sur chacun des Ωr),

Ωvϕ =

r=1,R

Ωr

= −∑

r=1,R

Ωr

u∇ϕ+∑

i,j

Γij

uϕ(ni + nj),

ou ni (resp. nj) est la normale a Γij sortante au domaine Ωi (resp. Ωj), de telle sorte queni + nj = 0. On a donc bien u ∈ H1(Ω) avec ∇u = v. !

Remarque 4.39. On prendra garde au fait que (on reprend les notation du theoremeprecedent), meme si u est dans H2(Ωi) pour tout i, le raccord des traces sur les interfacesne suffit pas pour assurer l’appartenance de u a H2(Ω). Cette remarque est a la base desdifficultes que l’on peut avoir a approcher une fonction sur un maillage qui ne respectepas la geometrie.

Proposition 4.40. On se replace dans le cadre des notations de la proposition precedente.Soit u une fonction definie sur Ω, dont la restriction ui a Ωi est dans H2(Ωi) pour touti = 1, . . . , R. On suppose que pour tous i, j tels que Γij ;= ∅ les traces de ui et uj sur Γij

s’identifient. On suppose d’autre part le raccord des derivees normales : ∂ui/∂n = ∂uj/∂nsur Γij . Alors u est dans H2(Ω).

4.4. Injections

Theoreme 4.41. Soit Ω un domaine borne de frontiere Lipschitzienne. Alors, pour toutentier m > N/2, Hm(Ω) s’injecte de facon continue dans C0(Ω). En particulier les fonctionsde H2(Ω) sont continues pour les dimensions physiques N = 1, 2, ou 3.

On retrouver notamment le fait deja enonce que les fonctions de H1(I), ou I est unintervalle reel, sont continues. En revanche, le theoreme ne s’applique pas a H1(Ω) endimension 2. Il existe effectivement des fonctions de H1( 2) qui ne sont pas continues(voir exercice 4.3).

Theoreme 4.42. (Rellich)Soit Ω un domaine borne de frontiere Lipschitzienne. Alors l’injection de H1(Ω) dans

L2(Ω) est compacte. L’injection de H10 (Ω) dans L2(Ω) est compacte pour tout Ω borne

(sans hypothese de regularite). De meme, l’injection de Hm+1(Ω) dans Hm(Ω) est com-pacte.

Demonstration : On se reportera a la section consacree a la transformee de Fourier (voirtheoreme 4.70) pour une demonstration de ce theoreme. On peut egalement demontrer lacompacite de l’injection en utilisant le point (iii) de la caracterisation 4.16 de H1(Ω), et letheoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov qui donne un critere suffisant de relative compacitepour des familles de fonctions de L2(Ω) (voir Brezis [3, Th. IV.25 & Cor. IV.26]). !

Exercice 4.1. Montrer que l’injection de H1(Ω) dans L2(Ω) n’est jamais compacte quandΩ n’est pas borne.

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4.5. CHAMPS DE VECTEURS 71

4.5. Champs de vecteurs

Definition 4.43. (Gradient, divergence, taux de deformation d’un champ de vecteurs)Soit u = (u1, u2, . . . , uN ) un champ de vecteurs regulier defini sur un domaine Ω. On

appelle gradient de u le champ de matrices

∇u =

∂u1

∂x1. . .

∂u1

∂xN

... . . . ...∂uN

∂x1. . .

∂uN

∂xN

.

On appelle divergence de u le champ scalaire

∇ · u =∑

1≤i≤N

∂ui

∂xi.

On notera e(u) la partie symetrique du gradient de u (tenseur des taux de deformation) :

e(u) =12(∇u + t∇u

)=

12

2∂u1

∂x1. . .

∂u1

∂xN+∂uN

∂x1

... . . ....

∂uN

∂x1+∂u1

∂xN. . . 2

∂uN

∂xN

.

Les notions ci-dessus s’etendent immediatement aux champs dont les composantes ap-partiennent a l’espace de Sobolev H1. Les identites ci-dessus se lisent alors comme desidentites entre fonctions de L2(Ω).

Proposition 4.44. Soit Ω un domaine borne de frontiere lipschitzienne, et u un champde vecteurs de H1(Ω)N . On a ∫

Ω∇ · u =

Γu · n.

Notation : Soient u et v deux champs de vecteurs. On note ∇u : ∇v le champ scalaire

∇u : ∇v =∑

1≤i,j≤N

∂ui

∂xj

∂vi

∂xj.

Proposition 4.45. (Formule de Green pour les champs de vecteurs)Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ de frontiere lipschitzienne. Pour tout u dans H2(Ω)Net tout v dans H1(Ω)N , on a

−∫

Ωv ·.u =

Ω∇u : ∇v −

Γv · (∇u · n)

Proposition 4.46. Soit Ω un ouvert borne de frontiere Γ de frontiere lipschitzienne. Pourtout u dans H2(Ω)N et tout v dans H1(Ω)N , on a

−∫

Ωv ·∇ ·

(∇u + t∇u

)=

12

Ω

(∇u + t∇u

):(∇v + t∇v

)−∫

Γv ·(∇u + t∇u

)· n

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72 4. ESPACES DE SOBOLEV

4.6. Inegalites de Poincare, de Korn

Proposition 4.47. (Inegalite de Poincare)Soit Ω un domaine de N borne dans une direction, c’est-a-dire tel que

Ω ⊂x ∈ N , ξ · x ∈]a, b[

.

Alors il existe une constante C > 0 telle que(∫

Ω|u|2)1/2

≤ C

(∫

Ω|∇u|2

)1/2

∀u ∈ H10 (Ω).

Demonstration : On note toujours u le prolongement par 0 de u sur N tout entier.Quitte a effectuer une translation et une rotation du systeme de coordonnees, on supposeque la bande qui contient Ω se met sous la forme

x = (x1, . . . , xN ) = (x′, xN ) ∈ N , xN ∈]0, L[

.

On suppose dans un premier temps u reguliere. Pour tout x = (x′, xN ) ∈ Ω, on a

u(x′, xN ) = u(x′, 0) +∫ xN

0∂Nu =

∫ xN

0∂Nu,

d’ou, d’apres l’inegalite de Cauchy-Schwarz,

u(x′, xN )2 ≤ L

∫ L

0|∇u|2 .

On a donc∫

Ωu2 ≤ L

N−1

∫ L

0

∫ L

0|∇u|2

≤ L2∫

N−1

∫ L

0|∇u|2 =

Ω|∇u|2 .

On conclut en utilisant la densite des fonctions regulieres. !

Remarque 4.48. On appelle constante de Poincare du domaine Ω le plus petit reel CΩ

tel que l’inegalite ci-dessus est verifiee. On a

1C2

Ω

= infu *=0

Ω|∇u|2

Ω|u|2

.

On peut ainsi montrer 1/C2Ω = λ1, ou λ1 est la plus petite valeur propre du Laplacien

avec conditions de Dirichlet, c’est-a-dire le plus petit reel tel qu’il existe u ∈ H10 (Ω) non

nul verifiant3−.u = λu.

La proposition precedente assure λ1 ≥ 1/L2, pour tout domaine Ω inclus dans une banded’epaisseur L.

3L’operateur de Laplace −%, qui fait intervenir des derivees secondes, n’est a priori defini pour desfonctions de H1 qu’au sens des distributions. On verra par la suite que ces derivees secondes du minimiseuru peuvent en fait etre definies dans le cadre de ce chapitre, c’est-a-dire en tant que fonctions de L2(Ω)(ou tout du moins L2

loc sans hypothese sur le domaine), de telle sorte que l’on pourra ecrire −%u = λupresque partout.

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4.6. INEGALITES DE POINCARE, DE KORN 73

Corollaire 4.49. Soit Ω un domaine de N borne dans une direction. Alors la formebilineaire

(u, v) 2−→∫

Ω∇u ·∇v

est un produit scalaire sur H10 (Ω), qui induit une norme equivalente a la norme de depart.

L’inegalite de Poincare enoncee ci-dessus est un cas particulier d’une inegalite plus generale :

Proposition 4.50. (Inegalite de Poincare generalisee)Soit Ω un domaine regulier, borne, et connexe, et T une application lineaire continue

de H1(Ω) dans un espace de Hilbert M . On suppose que l’image par T d’une fonctionconstante non nulle est elle-meme non nulle. Alors il existe une constante C telle que

|u|0 ≤ C (|Tu|M + |∇u|0) ∀u ∈ H1(Ω).

Demonstration : On raisonne par l’absurde. Si la propriete est fausse, alors pour toutn on peut construire un ∈ H1(Ω) tel que

‖un‖L2 > n (|Tun|M + |∇un|0) ∀u ∈ H1(Ω).

On peut choisir un tel que ‖un‖ = 1. La suite un etant bornee dans H1, on peut en extraireune sous-suite (que nous noterons toujours (un)) qui converge faiblement dans H1(Ω) (voirtheoreme 3.19), et donc fortement dans L2(Ω) (par application de la proposition 3.25,l’injection de H1(Ω) dans L2(Ω) etant compacte), vers u ∈ H1(Ω)). Comme la suite(∇un) tend vers 0 dans L2, elle est de Cauchy, et par suite (un) est de Cauchy dans H1.Elle converge donc dans H1 vers une limite, qui est necessairement la limite u dans L2.Comme Tun tend vers 0, on a necessairement Tu = 0. D’autre part, comme (∇un) → 0,on a ∇u = 0, et ainsi u est constante sur Ω (voir proposition 4.14, page 63). CommeTu = 0, cette constante est nulle, ce qui est absurde car ‖u‖ = lim ‖un‖ = 1 !

On se reportera a l’exercice 1.3, page 31 (question 2), pour un exemple d’utilisation decette propriete.

La demonstration ci-dessus permet d’etablir directement la propriete suivante :

Corollaire 4.51. Soit Ω un domaine regulier, borne, et connexe, et V un sous-espaceferme de H1(Ω) qui ne contient aucune fonction constante autre que 0. Alors il existeC > 0 tel que

|u|0 ≤ C |∇u|0 ∀u ∈ V.

Remarque 4.52. Ce corollaire s’appliquera notamment au cas ou V est un espace defonctions qui s’annulent sur une partie de la frontiere de mesure non nulle. Sur un telespace, |u|1 est une norme equivalent a la norme H1.

Theoreme 4.53. (Inegalite de Korn)Soit Ω un domaine de N borne regulier. Alors il existe une constante C > 0 telle que

‖u‖H1(Ω) ≤ C

(∫

Ω|u|2 +

Ω

∣∣∇u + t∇u∣∣2)1/2

∀u ∈ H1(Ω)N .

Demonstration : On trouvera une demonstration de cette propriete dans [6]. La premiereetape consiste a verifier que l’on peut reconstruire toutes les derivees secondes d’une fonc-tion a partir de la connaissance des derivees partielles des quantites qui apparaissent dans

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74 4. ESPACES DE SOBOLEV

le tenseur ∇u+ t∇u. La suite est delicate, elle se base sur une caracterisation des fonctionsde L2 comme distributions dans H−1(Ω), dual topologique de H1

0 (Ω), donc les deriveespartielles par rapport a chacune des variables d’espace sont aussi dans H−1(Ω). Pour lademonstration complete de cette propriete, voir [7, Th. 3.2].

Nous presentons ici une demonstration de cette propriete dans le cas de H10 . Pour tout

champ de deplacement regulier u, on a12

Ω

∣∣∇u + t∇u∣∣2 =

Ω(∇u+t∇u) : t∇u =

Ω|∇u|2+

Ω∇u : t∇u =

Ω|∇u|2+

Ω(∇ · u)2

d’apres la proposition 8.4, page 106. !

Cette inegalite est souvent utilisee sous la forme du corollaire suivant :

Corollaire 4.54. Soit Ω un domaine de N borne regulier, de frontiere Γ. Soit V unsous-espace de H1(Ω)N qui ne contient aucun deplacement elementaire rigide non trivial4.Il existe alors une constante C > 0 telle que

‖u‖H1(Ω) ≤ C |e(u)|0 .

Remarque 4.55. Ce corollaire s’applique en particulier au cas ou le materiau est fixesur une partie de la frontiere, ou V est alors le sous-espace des champ de H1(Ω)N quis’annulent sur Γ0 ⊂ Γ, partie de la frontiere de mesure non nulle.

4.7. Problemes aux limites elliptiques

Nous precisons ici la demarche qui permet de donner un cadre mathematique a un certaintype de problemes elliptiques.

4.7.1. Existence et unicite de solutions. Nous presentons dans cette section desresultats classique d’existence et d’unicite de solutions pour le probleme de Poisson.

Conditions aux limites de Dirichlet.

On s’interesse ici a la resolution5 de problemes du type

−.u = f dans Ωu = 0 sur ∂Ω,

(4.1)

ou f est une fonction de L2(Ω) donnee. On parlera du probleme de Poisson dans ledomaine Ω.

Definition 4.56. (Solution faible)On appellera solution faible de (4.1) une fonction de H1

0 (Ω) telle que∫

Ω∇u ·∇v =

Ωfv ∀v H1

0 (Ω). (4.2)

4C’est-a-dire que a + ω ∧ x ∈ V implique a = ω = 0.5Resolution au sens theorique du terme : on se preoccupe ici du caractere bien pose des problemes

(existence et unicite de solution, dependance continue par rapport aux donnees), et a la regularite dessolutions.

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4.7. PROBLEMES AUX LIMITES ELLIPTIQUES 75

Proposition 4.57. (Principe de Dirichlet)On suppose Ω borne dans une direction. Soit f ∈ L2(Ω). Alors le probleme 4.1 admetune unique solution faible : il existe un unique u ∈ H1

0 (Ω) solution de la formulationvariationnelle (4.2). C’est l’unique element de H1

0 (Ω) qui minimise la fonctionnelle

v 2−→ 12

Ω|∇v|2 −

∫fv.

Demonstration : C’est une application directe du theoreme de Lax-Milgram, avec

a(u, v) =∫

Ω∇u ·∇v , 〈ϕ , v〉 =

Ωfv.

Noter que la forme bilineaire a(·, ·) est bien coercive grace a l’inegalite de Poincare (pro-position 4.47, page 72). !

Conditions aux limites de Neumann.

On considere maintenant des conditions au bord de type Neumann. Comme ces conditionsne font intervenir que les derivees, comme l’operateur de Laplacien lui-meme, le problemede Poisson avec de telles conditions est evidemment mal pose (si l’on ajoute une fonctionconstante, qui est bien dans H1(Ω) des que Ω est borne, a n’importe quelle solution,on obtiend bien une autre solution). On verra a la fin de cette section que ce problemeest pourtant bien pose dans un certain espace, sous reserve que f verifie une certainecondition. Dans un premier temps, nous utilisons un moyen elementaire de contourner ceprobleme, qui consiste a rajouter au Laplacien un terme d’ordre 0. On s’interessera doncau probleme suivant

u −.u = f dans Ω∂u

∂n= 0 sur ∂Ω,

(4.3)

ou f est donnee.

Definition 4.58. On appellera solution classique (dans le cas ou f est au moins continue)une fonction de C2(Ω) qui verifie le systeme ci-dessus, et solution faible une fonction deH1(Ω) telle que ∫

Ωuv +

Ω∇u ·∇v =

Ωfv ∀v H1(Ω). (4.4)

L’existence et l’unicite d’une solution faible est immediate sans qu’il soit necessaire defaire des hypotheses sur le domaine, comme le precise la proposition ci-dessous. Il est enrevanche delicat de preciser en quel sens une solution faible est solution de (4.3), car laderivee normale n’est en general pas definie sur le bord.

Proposition 4.59. Soit f ∈ L2(Ω). Alors le probleme 4.3 admet une unique solutionfaible. Cette solution faible est l’element de H1

0 (Ω) qui minimise la fonctionnelle

v 2−→ 12

Ω|v|2 +

12

Ω|∇v|2 −

∫fv.

Demonstration : C’est de nouveau une application directe du theoreme de Lax-Milgramdans H = H1(Ω). !

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76 4. ESPACES DE SOBOLEV

4.7.2. Regularite des solutions faibles. Nous abordons maintenant le probleme deregularite des solutions faibles construites precedemment. Il s’agit notamment de determinersi l’equation de depart est verifiee comme identite entre fonctions mesurables (auquel casil est licite de preciser presque partout), ou dans un sens plus faible. On considere ainsides equations aux derivees partielles du type

−.u = f , u −.u = f ou −∇k ·∇u = f,

ou . est le Laplacien . =∑∂2/∂x2

i , k est un champ scalaire regulier tel que 0 < m ≤k(x) ≤ M < +∞.

Proposition 4.60. Soit Ω un domaine de N et u ∈ H1(Ω). On suppose qu’il existef ∈ L2(Ω) tel que ∫

Ω∇u ·∇ϕ =

Ωfϕ ∀ϕ ∈ D(Ω).

Alors u est dans H2loc(Ω) et verifie

−.u = f p.p.

Demonstration : On suppose dans un premier temps que Ω est l’espace N tout entier.Comme D(Ω) est alors dense dans H1(Ω), la formulation variationnelle est verifiee pourtoute fonction test de H1(Ω), en particulier les fonctions-test particulieres que nous allonsconstruire a partir de u. Pour h ∈ N , on introduit

Dhu =1|h|

(τhu − u) ,

et l’on ecrit la formulation variationnelle avec v = D−hDhu. Il vient∫

N∇u ·∇v =

1|h|2

N∇u · (τh∇u − 2∇u + τ−h∇u) .

On peut ecrire∫

N∇u · (−∇u + τ−h∇u) =

Nτh∇u · (−τh∇u + ∇u) ,

d’ou finalement∫

N|Dh∇u|2 ≤ ‖f‖L2 ‖D−hDhu‖L2 ≤ ‖f‖L2 ‖∇Dhu‖L2 = ‖f‖L2 ‖Dh∇u‖L2 ,

d’apres la proposition 4.16 ((i) ⇒ (iii)). On a donc

‖Dh∇u‖L2 ≤ ‖f‖L2

pour tout h ∈ N . On a donc ‖Dh∂iu‖L2 uniformement borne, et donc, toujours d’apresla proposition 4.16, ∂iu ∈ H1( N ) pour tout i = 1, . . . , N .

Dans le cas general on considere une fonction θ ∈ D(Ω). On a

∇(θu) ·∇ϕ = ∇u ·∇(θϕ) + ∇θ ·∇(uϕ) − 2ϕ∇u ·∇ϕ,

et ainsi la fonction θu ∈ H1( N ) verifie∫

N∇ (θu) ·∇ϕ =

Nθfϕ− 2

Nϕ∇u ·∇θ −

Nϕu.θ =

Ngϕ ∀ϕ ∈ D(Ω).

avec g ∈ L2( N ). La fonction θu est donc dans H2( N ) d’apres ce qui precede. On a doncbien u ∈ H2

loc(Ω). !

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4.8. COMPLEMENTS 77

Proposition 4.61. On suppose Ω borne dans une direction. Soit f un element de L2(Ω).La solution faible u ∈ H1

0 (Ω) de (4.2)) avec conditions de Dirichlet homogenes est dansH2

loc(Ω) et verifie−.u = f p.p.

Demonstration : C’est une application directe de la proposition 4.60. !

Le passage de la regularite H2loc a l’appartenance a H2(Ω) est loin d’etre immediat. Nous

nous bornerons ici a enoncer des resultats de regularite dans un certain nombre de situa-tions.

Proposition 4.62. Soit Ω un domaine de classe C2, borne dans une direction, et defrontiere Γ bornee. Pour tout f dans L2(Ω), la solution faible de −.u = f avec conditionsaux limites de Dirichlet homogenes appartient a H2, et il existe une constante C (quidepend du domaine Ω) telle que

‖u‖H2 ≤ C ‖f‖L2 .

Demonstration : L’appartenance a H2loc(Ω) est assuree par la proposition 4.60. On se

reportera a Brezis [3, Th. IX.25] pour une etude detaillee de la regularite pres du bord. !

Proposition 4.63. Les conclusions du theoreme ci-dessus sont valides si l’on suppose ledomaine polyedrique et convexe.

Remarque 4.64. Le resultat ne s’etend pas au cas d’un polyedre non convexe, commel’illustre l’exercice 4.5, page 80.

Remarque 4.65. Si l’on considere le probleme

u −.u = f,

avec conditions aux limites de Dirichlet, tout ce qui a ete dit precedemment reste valable,sans que l’on ait besoin de l’hypothese que Ω soit borne dans une direction pour assurerl’existence et l’unicite d’une solution faible.

Proposition 4.66. Soit Ω un domaine de frontiere C2 et bornee, et f un element deL2(Ω). La solution de (4.4) appartient a H2, et sa derivee normale est nulle sur Γ = ∂Ω.

4.8. Complements

4.8.1. Espaces de Sobolev et transformation de Fourier. On peut definir lesespaces de Sobolev l’aide de la transformee de Fourier. Cette approche est particulierementadaptee aux problemes poses sur l’espace tout entier, ou en geometrie periodique, ce quila place un peu en marge de cet ouvrage dont l’un des objectifs est precisement la prise encompte de geometries complexes en domaines bornes. Nous indiquons neammoins ici cer-tains elements de cette approche, qui permet notamment de bien comprendre le theoremede Rellich, qui est a la base de l’analyse de la methode des elements finis.

Definition 4.67. Soit u ∈ L2( N ). On definit sa transformee de Fourier comme la fonctiondefinie par

u(ξ) =1

(2π)−n/2

Ne−iξ·xu(x) dx.

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78 4. ESPACES DE SOBOLEV

Theoreme 4.68. L’application u 2−→ u est une isometrie de L2( N ) sur lui-meme.

On peut definir l’espace H1( N ) a l’aide de la transformee de Fourier, ce que nouspresentons ici comme un theroreme si l’on prend la definition 4.10, page 62 commereference.

Theoreme 4.69. L’espace H1( N ) est l’ensemble des fonctions u de L2( N ) telles que(1 + |ξ|2

)1/2u ∈ L2( N ).

Nous demontrons a present le theoreme de Rellich 4.42 deja enonce a la page 70.

Theoreme 4.70. Soit Ω un domaine borne de frontiere lipschitzienne. L’injection deH1(Ω) dans L2(Ω) est compacte.

Demonstration : On considere une suite (un) bornee dans H1(Ω). On note P l’operateurde prolongement de la proposition 4.28, page 67. On choisit P de telle sorte que Pv soitnul a l’exterieur d’un borne K, pour tout v ∈ H1(Ω). On conserve la notation (un) pourdesigner l’image par P de la suite initiale. D’apres le theoreme 3.19, page 58, on peuten extraire une sous-suite qui converge faiblement dans H1( N ). On notera toujours (un)cette sous-suite. Quitte a translater la suite, on suppose que la limite faible est 0. On ecrita present, pour tout M ≥ 0

‖un‖2L2 = ‖un‖2

L2 =∫

|ξ|<M|un|2+

|ξ|>M|un|2 ≤

|ξ|<M|un|2+

11 + M2

|ξ|>M

(1 + |ξ|2

)|un|2 .

Le second terme tend vers 0 quand M tend vers +∞. Il suffit donc de montrer que, pourM fixe, le premier terme tend vers 0. On a, pour tout ξ,

un(ξ) =1

(2π)−n/2

Ne−iξ·xun(x) dx =

1(2π)−n/2

NχKe−iξ·xun(x) dx,

ou χK est la fonction caracteristique de K (de telle sorte que χKe−iξ·x est dans L2( )),Cette quantite tend donc vers 0 quand n tend vers +∞ d’apres la convergence faible deun vers 0 dans L2. Comme par ailleurs |un(ξ)|2 est majore par une constante, le theoremede convergence dominee assure donc la convergence de |un(ξ)|2 vers 0 dans L1(B(0,M)).On a donc bien convergence vers 0 de ‖un‖L2. !

4.8.2. Approche Hdiv. Nous proposons ici une approche qui permet de donner unsens aux equations de type probleme de Poisson comme identite entre fonctions de L2 sanspasser par la regularite H2.

Proposition 4.71. Soit Ω un domaine quelconque, et v ∈ L2(Ω)N . On a l’equivalencesuivante :

∃C ,

∣∣∣∣∫

Ωv ·∇ϕ

∣∣∣∣ ≤ C ‖ϕ‖L2(Ω) ∀ϕ ∈ D(Ω) ⇐⇒ ∃q ∈ L2(Ω) tel que∫

Ωv·∇ϕ = −

Ωqϕ.

On dit alors que v admet une divergence faible dans L2(Ω), et l’on ecrit ∇ · v = q.

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4.8. COMPLEMENTS 79

Demonstration : La condition suffisante est consequence immediate de l’inegalite deCauchy-Schwarz. Pour la condition necessaire, on considere la forme lineaire

ϕ 2−→∫

Ωv ·∇ϕ

definie sur D(Ω). Comme elle est continue pour la norme L2(Ω) d’apres l’hypothese, cetteforme se prolonge par densite en une forme lineaire continue sur L2(Ω). Comme il s’agitd’un espace de Hilbert, cette forme admet un representant q ∈ L2(Ω). !

Definition 4.72. (Espace Hdiv)On notera Hdiv l’ensemble des champs de vecteurs u ∈ L2(Ω)N qui admettent une diver-gence faible L2 au sens de la proposition precedente.

Proposition 4.73. L’espace Hdiv est un espace de Hilbert pour le produit scalaire

(u,v)Hdiv=∫

Ωu · v +

Ω(∇ · u) (∇ · v) .

Demonstration : On considere une suite de Cauchy (un) dans Hdiv. On a un → u ∈ L2,et ∇ · un → q ∈ L2. On a

Ωu ·∇ϕ = lim

Ωun ·∇ϕ = − lim

Ωϕ∇ · un = −

Ωϕ q,

d’ou l’on deduit que u est dans Hdiv, avec ∇ ·u = q. On verifie immediatement la conver-gence de un vers u pour la norme de Hdiv. !

Remarque 4.74. On peut identifier la trace normale d’un champ de Hdiv a un elementdu dual topologique de H1/2. On considere Ω un ouvert de frontiere Γ Lipschitzienne etbornee. L’application qui a u ∈ D(Ω) associe la restriction a Γ de la quantite ∇u · npeut etre identifiee a un element du dual de H1(Ω) grace au fait que, pour toute fonctionϕ ∈ D(Ω), ∫

Γϕu · n =

Ωϕ∇ · u +

Ωu ·∇ϕ.

L’application ϕ 2→∫Γ ϕu ·n se prolonge donc par continuite en une forme lineaire continue

sur H1(Ω), que nous noterons ψu. Verifions que < ψu, v > ne depend que de la valeur de vsur le bord. Il suffit pour cela de verifier que H1

0 est dans le noyau de Ψu. Considerons doncv ∈ H1

0 (Ω). D’apres la proposition 4.33, v s’ecrit comme limite de fonctions vn dans D(Ω).On note ωn le support de vn. En admettant que la propriete de densite 4.19, page 65,s’etend a Hdiv c’est-a-dire qu’il existe un ∈ D(Ω)N tel que

‖un − u‖L2(Ω) → 0 , ‖∇ · un −∇ · u‖L2(ωn) → 0,

on obtient 〈Ψu , v〉 = 0. La forme lineaire s’annule donc sur H10 , et par suite elle peut etre

vue comme une forme lineaire sur l’espace quotient H1/H10 que nous avons defini comme

H1/2. Comme H1/2 s’identifie a H1/2 dans le cas d’une frontiere Lipschitz (par l’isometriev ∈ H1/2 2→ γ0v), on a bien donne un sens a u · n sur Γ en tant qu’element du dual deH1/2(Γ). On ecrira ainsi

u · n|Γ ∈ H−1/2(Γ),en prenant bien garde au fait qu’il s’agit d’une identification faite selon le procede ci-dessus.Il est en particulier illicite d’ecrire « presque partout » a cote d’une egalite identifiant deuxelements de cet espace.

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80 4. ESPACES DE SOBOLEV

Considerons maintenant la formulation variationnelle∫

Ω∇u ·∇v =

Ωfv ∀v ∈ D(Ω).

Cela implique que ∇v possede une divergence faible L2. Si l’on decide de designer par .l’operateur ∇ ·∇, a valeurs dans L2(Ω), defini sur l’ensemble des champs de H1(Ω) dontle gradient admet une divergence L2, alors on peut ecrire

−.u = f p.p.D’apres la remarque qui precede, on peut aussi donner un sens a la trace normale dugradient ∂u/∂n, non pas en tant que fonction, mais en temps que forme lineaire surl’espace H1/2(Γ) des traces des fonctions de H1.

4.9. Exercices

Exercice 4.2. On se place en dimension 1, sur le domaine Ω =] − 1, 1[. Montrer que lafonction de Heavyside H n’est pas dans H1(Ω).

Exercice 4.3. On se place sur Ω = B(0, 1) ⊂ 2. 1) Montrer que la fonction

uα : x 2−→ |ln |x||α

est dans H1(Ω) pour certaines valeurs de α.

2) Proposer un exemple de fonction non bornee dans H1(B(0, 1)) en dimension 3.

Exercice 4.4. Cet exercice illustre le fait que la notion de derivee normale ne peut etredefinie pour une fonction de H1. On se place sur l’intervalle I =]0, 1[. Construire une suitede fonctions regulieres dont la derivee en 1 est egale a 1, qui converge vers la fonctionnulle.

Exercice 4.5. Soit α ∈]0, 2π[. On definit le domaine Ωα dans le systeme de coordonneespolaires (r, θ) par

Ωα = (r, θ) , 0 ≤ r ≤ 1 , 0 < θ < α .

1) On rappelle que le Laplacien en coordonnees polaires s’ecrit

.u = ∂rru +1r∂ru +

1r2∂θθu.

Trouver p > 0 tel que la fonction

(r, θ) 2−→ uα(r, θ) = sin(θπ

α

)rp

soit harmonique sur Ωα, et verifier qu’elle appartient a H1(Ω).

2) Pour quelles valeurs de α la fonction uα est-elle dans H2(Ωα) ?

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CHAPITRE 5

Bases theoriques de la methode des elements finis

5.1. Approximation de Lagrange

Nous etablissons dans cette section des resultats d’approximation d’une fonction u, On sepropose ici de preciser comment une fonction u sur un domaine peut etre approchee parune fonction uh continue, dont la restriction a chaque element d’un maillage donne est unpolynome de degre fixe.

5.1.1. Preliminaires. Dans la suite K designe un simplexe de N non degenere (i.e.de volume non nul). On designera par K le simplexe de reference, defini par

K =(x1, . . . , xN ) ∈ N

+ , x1 + · · · + xN ≤ 1

.

Notation 5.1. Pour toute fonction w definie sur K (ou sur tout autre domaine), on notera(lorsque ces quantites sont definies)

|w|0,K = ‖w‖L2(K) , |w|1,K = ‖∇w‖L2(K)2 , |w|2,K =∥∥D2w

∥∥L2(K)N2 =

i,j

|∂iju|2

1/2

.

Notation 5.2. On note P k(K) l’espace des fonctions polynomiales sur K, de degre totalinferieur ou egal a k. Ainsi P 1(K) designe l’espace des fonctions affines sur K, de dimensionN + 1, et P 0(K) la droite des fonctions constantes.

Lemme 5.3. Soit IK un operateur lineaire continu de Hk+1(K) dans Hm(K), pour mentier positif ou nul, inferieur ou egal a k. On suppose que IK laisse invariant tous leselements de P k. Alors il existe une constante C telle que

|v − IKv|m,K ≤ C |v|k+1,K ∀v ∈ Hk+1(K).

Demonstration : On raisonne par l’absurde, en supposant l’existence d’une suite (vn)telle que

|vn − IKvn|m,K > nC |vn|k+1,K .

On choisit de prendre vn dans l’orthogonal de P k (ce qui est possible, quitte a corriger parun polynome de degre k, ce qui ne change aucun des membres), et de norme 1 dans Hk+1.Cette suite est bornee dans Hk+1, on peut donc en extraire une sous-suite qui convergefaiblement vers u ∈ Hk+1 . Cette sous-suite (toujours notee vn) converge fortement dansHk par injection compacte, et donc fortement en fait dans Hk+1 car, |vn|k+1,K tendantvers 0, elle y est de Cauchy. Elle converge donc fortement vers u. La limite u est dansl’orthogonal de P k, mais toutes ses derivees a l’ordre k + 1 sont nulles : il s’agit donc d’unpolynome de degre au plus k. On a donc u = 0, ce qui absurde car u est de norme 1 dansHk+1. !

81

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82 5. BASES THEORIQUES DE LA METHODE DES ELEMENTS FINIS

ρK

hK

Fig. 5.1. Definition de h et ρ pour un triangle

Remarque 5.4. Noter que dans le cas m = k = 1, le lemme ci-dessus est consequencede l’inegalite de Poincare generalisee (proposition 4.50), en prenant pour T l’operateur deprojection orthogonale sur les fonctions constantes.

5.1.2. Approximation sur un simplexe (elements d’ordre 1).

Definition 5.5. (Operateur d’interpolation)On definit l’operateur d’interpolation IK comme l’application de C(K) (ensemble des

applications continues de K dans ) dans P 1(K) qui a u ∈ C(K) associe la fonction IKuaffine sur K qui prend la valeur u(x) en chaque sommet x de K. On definit de meme I0

Kl’application de L1 dans P 0(K) qui a une fonction associe la fonction constante sur K, dememe valeur moyenne.

Notation 5.6. On note hK la longueur de la plus longue arete de K, et ρK le diametrede la plus grande sphere contenue dans K (voir figure 5.1). On a ainsi hK/ρK ≥ 1.

Theoreme 5.7. On suppose N = 1, 2, ou 3, de telle sorte que H2(K) s’injecte de faconcontinue dans C0(K). Il existe une constante C universelle telle que, pour tout triangle Kdu plan, non degenere, on a

|IKu − u|1,K ≤ Ch2

K

ρK|u|2,K ∀u ∈ H2(K)

|IKu − u|0,K ≤ Ch2K |u|2,K ∀u ∈ H2(K)

∣∣I0Ku − u

∣∣0,K

≤ ChK |u|1,K ∀u ∈ H1(K)

Demonstration : On se reportera a Raviart [14] pour une demonstration detaillee deces inegalites, pour des approximations d’ordre arbitrairement eleve. La premiere proprieteest obtenue de la maniere suivante : on ecrit l’inegalite du lemme 5.3 pour k = 1, m = 1,

∣∣u − IK u∣∣1,K

≤ C |u|2,K ,

ou K est le simplexe de reference defini par

K =(x1, . . . , xN ) ∈ N

+ , x1 + · · · + xN ≤ 1

de telle sorte que la constante C ci-dessus est une constante universelle. Pour un simplexeK non degenere, on introduit ensuite l’application affine Φ qui envoie K dans K (noter quel’on peut choisir Φ lineaire si l’on suppose que 0 est un sommet de chacun des simplexes).Pour tout u ∈ H2(K), on definit u = uΦ ∈ H2(K), et l’on ecrit l’inegalite d’interpolation

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5.1. APPROXIMATION DE LAGRANGE 83

pour u. Il reste a effectuer un changement de variable pour remplacer les integrales sur Kpar des integrales sur K. Noter en premier lieu que le Jacobien de la transformation|∇Φ|se trouve de part et d’autre de l’inegalite, et ne va donc jouer aucun role dans le transportde l’inegalite. En revanche le fait de deriver en espace a des echelles differentes introduitdes modifications. plus precisement, on a, pour toute fonction v = v Φ ∈ H1(K),

∇v = t∇Φ ·∇v , ∇v = t∇Φ−1 ·∇v

On a ainsi

|v|21,K =∫

K|∇v|2 dx =

K

∣∣t∇Φ−1 ·∇v∣∣2 |∇Φ| dx ≤ C

∥∥Φ−1∥∥2 |v|21,K |∇Φ|2 .

En appliquant cette inegalite a u − IKu, en utilisant l’inegalite sur K, puis en effectuantun dernier changement de variable pour se ramener a K, on obtient

∣∣u − IKu∣∣1,K

≤∥∥Φ−1

∥∥ |∇Φ|∣∣u − IK u

∣∣1,K

≤ C∥∥Φ−1

∥∥ ‖Φ‖2 |∇Φ| |∇Φ|−1 |u|2,K .

Or ‖Φ‖, qui majore le taux de dilatation des distances par Φ, est de l’ordre de h, et∥∥Φ−1

∥∥,qui majore le taux de dilatation des distances par Φ−1, est de l’ordre de ρK (voir [14] pourplus de details). Les autres inegalites se demontrent de la meme maniere. !

5.1.3. Approximation sur un domaine.

Definition 5.8. (Triangulation)Soit Ω un domaine polygonal du plan. On appelle triangulation de Ω une famille Th de

simplexes non degeneres1 deux a deux disjoints telle que

Ω =⋃

K∈Th

K,

et telle que tout face d’un polyedre K de Th est la face d’un autre polyedre K ′ de Th, oualors est inclus dans la frontiere de Ω. Les sommets des polyedres de Th sont appeles lesnœuds de la triangulation.

Definition 5.9. (Operateur d’interpolation)Soit Ω un domaine polygonal du plan, et Th une triangulation de Ω en simplexes (seg-

ments, triangles, ou tetraedres pour N = 1, 2, 3, respectivement). On definit l’operateurd’interpolation Ih comme l’application de C(Ω) (ensemble des applications continues deΩ dans ) qui a u ∈ C(Ω) associe la fonction uh affine sur chaque K ∈ Th qui prend lavaleur u(x) en chaque sommet x de Th.

Le parametre h joue un role un peu ambigu dans ce qui suit : il designe a la fois l’indiced’un membre d’une famille de triangulations (c’est donc le label d’une triangulation), etce qu’il est convenu d’appeler le diametre de la triangulation , c’est a dire le sup de hK

pour K ∈ Th, qui est un nombre reel. C’est evidemment un abus de notation, puisquedeux triangulations peuvent avoir le meme diametre sans etre identiques. Nous conservonsneammoins cet usage qui ne pose pas de probleme en pratique.

1La notion de triangulation s’etend a des decompositions en polyedres quelconques, mais nous nouslimiterons ici a des triangulations au sens premier du terme, c’est-a-dire des decompositions en trianglesou tetraedre.

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84 5. BASES THEORIQUES DE LA METHODE DES ELEMENTS FINIS

Definition 5.10. (Famille reguliere de triangulations)Soit Ω un domaine polygonal. On appelle famille reguliere de triangulations une famille(Th) telle que

(i) il existe une constante σ telle que suph supK∈Th(hK/ρK) ≤ σ,

(ii) le diametre de Th tend vers 0, c’est-a-dire que supK∈ThhK −→ 0.

Theoreme 5.11. Soit Ω un domaine polygonal, et (Th) une famille reguliere de triangu-lations de Ω. Pour tout u ∈ H2(Ω), on a

|u − Ihu|1,Ω ≤ Cσh |u|2,Ω , |u − Ihu|0,Ω ≤ Ch2 |u|2,Ω

Demonstration : On a∫

Ω|u − Ihu|2 =

K∈Th

K|u − Ihu|2 ≤ C2h4

K∈Th

|u|22,K ≤ C2h2 |u|22,Ω .

On raisonne de la meme maniere pour estimer |u − Ihu|1,Ω. !

5.1.4. Approximation d’ordres superieurs.

Theoreme 5.12. Soit k ≥ 1 (de telle sorte que H2(K) s’injecte de facon continue dansC0(K) pour les dimensions physiques), m ≤ K, et IK un operateur d’interpolation d’ordrek. Il existe une constante C universelle telle que, pour tout triangle K du plan, nondegenere, on a

|IKu − u|m,K ≤ Chk+1

ρm|u|k+1,K ∀u ∈ Hk+1(K).

Demonstration : La demonstration est semblable a celle du theoreme 5.7. Le principea retenir, peu surprenant, est que plus on est exigeant sur l’erreur, plus l’estimation estmauvaise, et que plus la solution est reguliere, meilleure est l’estimation (sous reserveque l’on utilise des elements d’ordre suffisamment eleves pour profiter de la regularite decette solution). Plus precisement, lorsque l’on exige une erreur portant sur un ordre dederivee m, on le paye par un facteur 1/ρm (qui tend vers +∞ quand h tend vers 0) dansla constante. Si l’on dispose d’un majorant de la derivee k + 1-ieme de u, et que l’oninterpole par des polynome d’ordre k, alors on gagne un facteur hk+1 dans la constante.Ces deux facteurs, l’un defavorable, l’autre favorable, apparaissent dans la demonstrationsous la forme de

∥∥Φ−1∥∥m et ‖Φ‖k+1, respectivement, lors des changements de variables

qui permettent de passer de l’element de reference a l’element reel. On se reportera a [14]pour une demonstration detaillee. !

5.2. Principes abstraits

5.2.1. Approche directe. Nous commencons cette section par une propriete abs-traite qui nous permettra d’etablir des estimations d’erreur pour un probleme de minimisa-tion resolu directement (c’est-a-dire en se placant dans l’espace admissible), ce qui revienta un probleme de minimisation sans contrainte. On considere a(·, ·) une forme bilineaire

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5.2. PRINCIPES ABSTRAITS 85

symetrique coercive sur V , de constante de coercivite α et de constante de continuite ‖a‖,et f ∈ V ′. On note u l’element de V qui minimise la fonctionnelle

v ∈ V 2−→ J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉.

Dans le cadre de la discretisation en espace qui sera presentee dans les sections suivantes,on utilisera la notation Vh pour representer un espace d’approximation de dimension finie,h etant un parametre associe au maillage sur lequel cette discretisation s’effectue. Dansla proposition abstraite qui suit, a la base de la methode des elements finis, Vh designesimplement un sous-espace ferme de V .

Proposition 5.13. (Lemme de Cea (cas symetrique))Soit a(·, ·) une forme bilineaire symetrique coercive sur V , de constante de coercivite α

et de constante de continuite ‖a‖, et ϕ ∈ V ′. On note u l’element de V qui minimise lafonctionnelle

v ∈ V 2−→ J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉.

Soit Vh un sous-espace ferme de V . On note uh l’element de Vh qui minimise J sur Vh.alors

|uh − u| ≤√

‖a‖α

infvh∈Vh

|vh − u| .

Demonstration : On ecrit les formulations variationnelles associees aux problemes deminimisation sur V et sur Vh, respectivement,

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ H,

a(uh, vh) = 〈ϕ , vh〉 ∀vh ∈ Vh.

On a donca(uh − u, vh) = 0 ∀vh ∈ Vh,

ce qui exprime que uh minimise la fonctionnelle v 2→ a(vh − u, vh − u) sur Vh. On a donc,en utilisant la coercivite et la continuite de a(·, ·),

α |uh − u|2 ≤ a(uh − u, uh − u) ≤ infvh∈Vh

a(vh − u, vh − u) ≤ ‖a‖ infvh∈Vh

|vh − u|2 ,

d’ou l’inegalite annoncee. !

La propriete demeure (avec une constante plus grande) pour une forme non symetrique,comme l’exprime le lemme de Cea general :

Proposition 5.14. (Lemme de Cea)Soit a(·, ·) une forme bilineaire (non necessairement symetrique) coercive sur V , de

constante de coercivite α et de constante de continuite ‖a‖, et ϕ ∈ V ′. Soit Vh un sous-espace de V . On note u et uh les elements de V et Vh, respectivement, qui verifient

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V,

a(uh, vh) = 〈ϕ , vh〉 ∀vh ∈ Vh.

Alors

|uh − u| ≤ ‖a‖α

infvh∈Vh

|vh − u| .

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86 5. BASES THEORIQUES DE LA METHODE DES ELEMENTS FINIS

Demonstration : On utilise comme precedemment

a(uh − u, vh) = 0 ∀vh ∈ Vh,

dont on deduit que a(uh − u, uh − u) = −a(uh − u, u − vh), pour tout vh ∈ Vh, d’ou

α |uh − u|2 ≤ a(uh − u, uh − u) ≤ |a(uh − u, vh − u)| ≤ ‖a‖ |u − uh| infvh∈Vh

|vh − u| ,

d’ou l’on deduit l’inegalite en prenant l’infimum en vh. !

Il pourra etre utilie (dans le cas de conditions aux limites de Dirichlet non homogenes parexemple) d’utilise la forme affine de ces lemmes. Nous l’explicitons ici dans le cas general(non symetrique).

Proposition 5.15. (Lemme de Cea (sur un espace affine))Soit V un espace de Hilbert, a(·, ·) une forme bilineaire continue sur V , et ϕ ∈ V ′.

Soit V 1 un sous-espace affine ferme de V et V 0 le sous-espace vectoriel associe. Soit V 1h

un sous-espace affine ferme de V 1, et V 0h le sous-espace vectoriel sous-jacent. On suppose

a(·, ·) coercive sur V 0, et l’on note u et uh les elements de V 1 et V 1h , respectivement, qui

verifienta(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V 0,

a(uh, vh) = 〈ϕ , vh〉 ∀vh ∈ V 0h .

Alors

|uh − u| ≤ ‖a‖α

infvh∈V 1

h

|vh − u| .

Demonstration : On introduit u1h ∈ V 1

h . On a, pour tout vh ∈ V 0h ,

a(u − uh, u − uh) = a(u − uh, (u − u1h) − (uh − u1

h)︸ ︷︷ ︸∈V 0

h

) = a(u − uh, (u − u1h) − vh)

= a(u − uh, u − (vh + u1h)),

d’ou l’inegalite proposee (vh + u1h parcourt V 1

h quand vh parcourt V 0h ). !

5.3. Resolution de problemes elliptiques par elements finis

Proposition 5.16. Soit Ω un domaine polyedrique convexe, et (Th) une famille regulierede triangulations de Ω. On note Vh l’ensemble des fonctions de H1

0 (Ω) dont la restrictiona chaque triangle de Th est affine. Pour f ∈ L2(Ω), on note u ∈ H1

0 (Ω) la solution faiblede

−.u = f,

et uh la solution du probleme discretise∫

Ω∇uh ·∇vh =

Ωfvh ∀vh ∈ Vh.

Il existe une constante C > 0 telle que

|u − uh|Ω,1 ≤ Ch |f |Ω,0 .

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5.3. RESOLUTION DE PROBLEMES ELLIPTIQUES PAR ELEMENTS FINIS 87

Demonstration : C’est une application directe de la proposition 4.62, page 77 (ou plusprecisement de la proposition 4.63 qui s’applique au cas d’un polyedre convexe), et dulemme de Cea 5.13. !

Proposition 5.17. (Lemme de Aubin-Nitsche)Sous les hypotheses de la proposition precedente, il existe une constante C > 0 telle que

|u − uh|Ω,0 ≤ Ch2 |f |Ω,0 .

Demonstration : On considere le probleme aux limites suivant

−.w = u − uh.

On prend u − uh comme fonction-test dans la formulation variationnelle de ce probleme.Il vient ∫

Ω|u − uh|2 =

Ω∇w ·∇(u − uh) =

Ω∇(w − Ihw) ·∇(u − uh)

car∫∇(u − uh) ·∇vh = 0 pour tout vh ∈ Vh. On a donc

|u − uh|20 ≤ |w − Ihw|1 |u − uh|1 .

Le premier facteur du produit se majore de la facon suivante|w − Ihw|1 ≤ C1h |w − Ihw|2 ≤ C2h |w|2 ≤ C3h |u − uh|0 ,

et le second par C4h |f |0, d’ou l’estimation en O(h2) sur la norme L2 de l’erreur. !

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CHAPITRE 6

Optimisation sous contrainte

6.1. Introduction

On designe par V un espace de Hilbert muni du produit scalaire (·, ·) et de la norme|·| associee. On se donne a(·, ·) une forme bilineaire symetrique continue et coercive, deconstante de coercivite α (voir definition 3.13, page 56), ϕ un element de V ′, et l’on definitla fonctionnelle

J : v ∈ V 2−→ J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉.

On s’interesse au probleme de minimisation sous contrainte

(P)

u ∈ K,

J(u) = infv∈K

J(v), (6.1)

ou K est un ensemble convexe ferme de V . Dans la suite on notera A l’operateur associea la forme bilineaire a, vu comme un operateur de V dans V ′ defini par

〈Au , v〉 = a(u, v) ∀v ∈ V.

Nous nous limiterons ici au cas ou K est un sous-espace vectoriel ferme. Sous cette hy-pothese, le theoreme de Lax-Milgram assure l’existence et l’unicite d’une solution auprobleme ci-dessus :Proposition 6.1. Le probleme (P) admet une solution unique u ∈ K, caracterisee par

a(u, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ K (6.2)

On a de plus la majoration

|u| ≤ ‖a‖α

‖ϕ‖ .

Dans toute la suite u designe la solution unique du probleme (P).

La proposition suivante est a la fois elementaire et essentielle a la comprehension desdifferentes formulations qui vont etres presentees ici.Proposition 6.2. On a

a(u, v) + 〈ξ , v〉 = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V, (6.3)

avec ξ ∈ K⊥ = ψ ∈ V ′ , 〈ψ , w〉 = 0 ∀w ∈ K.

Demonstration : C’est une simple reecriture de la formulation variationnelle (6.2) : laforme lineaire ξ definie par

v 2−→ 〈ϕ , v〉 − a(u, v)s’annule contre tout element de K. !

89

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90 6. OPTIMISATION SOUS CONTRAINTE

Remarque 6.3. Cette forme lineaire ξ aura en general une signification physique clairedans les applications. Ainsi, dans le cas ou le probleme considere traduit un equilibredes forces au sein d’un milieu (la formulation variationnelle (6.2) exprime alors ce quis’appelle le principe des puissances virtuelles), ξ pourra etre vu comme un champ deforce permettant d’assurer la contrainte, ou plus precisement, si v designe un champ dedeformation elementaire du milieu, 〈ξ , v〉 designe le travail elementaire des forces qui as-surent la contrainte. Noter que pour tout deplacement elementaire respectant la contrainte(c’est-a-dire v ∈ K), alors ce travail est nul. Dans le cas de l’equation de la chaleur, alorsξ represente un flux de chaleur par unite de volume, qu’il faut fournir au systeme pourassurer que la contrainte soit realisee.

Remarque 6.4. La forme lineaire ξ de la proposition precedente est unique. On distin-guera bien ce fait de l’eventuelle unicite de ce que nous definissons plus loin comme unmultiplicateur de Lagrange. La non unicite de ce multiplicateur de Lagrange tient au faitque nous chercherons a ecrire ξ sous la forme B"λ, ou B est un operateur pas toujourssurjectif ni meme a image dense (de telle sorte que B" peut ne pas etre injectif).

6.2. Approche duale

On suppose ici que l’ensemble admissible s’ecrit K = ker B, ou B est une applicationlineaire continue de H dans un espace de Hilbert Λ.

L’approche que nous allons mener consiste a reecrire la contrainte de facon duale :

u ∈ K ⇐⇒ (λ, Bu) = 0 ∀λ ∈ Λ,

et a remplacer le probleme de minimisation initial par un probleme de recherche de point-selle pour une nouvelle fonctionnelle L(·, ·), appelee Lagrangien, definie sur l’espace produitV ×Λ′. Il peut sembler etonnant de remplacer un probleme de minimisation par ce nouveauprobleme, a priori plus complique ; le point essentiel est que le nouveau probleme n’estplus contraint.

Nous considererons ainsi dans cette section le jeu d’hypotheses suivant∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣

V , Λ espaces de Hilbert,

a(·, ·) bilineaire symetrique coercive continue sur V × V , ϕ ∈ V ′

B ∈ L (V,Λ),

K = u ∈ V , Bu = 0

J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉, u = arg min

KJ,

(6.4)

Nous appelerons comme precedemment P le probleme de minimisation sur K dont u estsolution.

Les resultats les plus importants de cette section sont les theoremes suivants, consequencesdirectes de considerations theoriques du chapitre 3, qui assurent l’existence (pour le pre-mier) et l’unicite (pour le second, sous des hypotheses renforcees) de ce que nous appe-lerons un multiplicateur de Lagrange. La suite de la section permet essentiellement decomprendre pourquoi l’on parle du couple (u,λ) comme d’un point-selle.

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6.2. APPROCHE DUALE 91

Theoreme 6.5. On se place dans le cadre des hypotheses (6.4). On suppose de plus queB est a image fermee dans Λ. Alors il existe λ ∈ Λ tel que (u,λ) ∈ K ×Λ soit solution de

Au + B"λ = ϕ,

c’est a direa(u, v) + (λ, Bv) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V.

Demonstration : La proposition 6.2 assure que ξ = ϕ− Au est dans

K⊥ = ψ , 〈ψ , w〉 = 0 ∀w ∈ K .

Or K = ker B, et d’apres les propositions 3.28 et 3.27, page 59), ker B⊥ s’identifie a l’imagede B", d’ou l’existence du λ. !

On notera que le theoreme precedent assure l’existence d’un multiplicateur de Lagrange,mais pas son unicite. On a unicite du λ au prix d’une hypothese supplementaire sur B :

Theoreme 6.6. On se place dans le cadre des hypotheses (6.4). Si B est surjectif, alorsle probleme P′ admet une unique solution (u,λ) ∈ V × Λ′.

Demonstration : Si B est surjectif, alors B" est injectif, en effet

B"µ = 0 =⇒ 〈Bv , µ〉 = 0 ∀v ∈ V =⇒ |µ|2 = 0.

!

Dans le cas le plus general (B est simplement supposee lineaire continue), on peut resoudrede facon approchee le probleme P′′ au sens suivant :

Proposition 6.7. On suppose B lineaire continue (non necessairement a image fermee).Pour tout ε > 0, il existe λε ∈ Λ tel que

Au + B"λε = fϕ+ hε,

avec ‖hε‖ < ε.

Demonstration : On note ξ = ϕ− Au, de telle sorte que

Au + ξ = ϕ.

D’apres la formulation variationnelle du probleme initial P, l’element g est dans K⊥. OrK⊥ est exactement l’adherence de l’image de B" (voir proposition 3.27, page 59). Il existedonc λε dans Λ tel que |ξ − B"λε| < ε. !

Remarque 6.8. On peut ainsi construire une suite (λε) dont l’image par B" convergevers g. Mais en general la suite (λε) n’est pas bornee dans Λ.

Nous montrons dans la fin de cette section que le couple (u,λ) est point-selle d’une certainefonctionnelle associee au probleme.

Definition 6.9. (Lagrangien)On appelle Lagrangien du probleme de minimisation sous contrainte P la fcontionnelle

L : (v, µ) ∈ V × Λ 2−→ L(v, µ) = J(v) + (µ,Bv).

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92 6. OPTIMISATION SOUS CONTRAINTE

On notera P′ le probleme suivant :

Definition 6.10. (Point-selle)On appelle point-selle de L tout couple (u,λ) solution du probleme P′ suivant

(P′)

(u,λ) ∈ V × Λ,

L(u, µ) ≤ L(u,λ) ≤ L(v,λ) ∀v ∈ V , ∀µ ∈ Λ.

On appellera u la composante primale du point-selle (u,λ), et λ sa composante duale.

On verra plus loin que l’existence d’un point-selle n’est pas garantie en general. En re-vanche si un point-selle existe, alors sa composante primale est solution du probleme deminimisation sous contrainte initial, comme l’exprime la

Proposition 6.11. Si (u,λ) ∈ V × Λ est solution de (P′), alors u est solution de (P).

Demonstration : Soit (u,λ) ∈ V × Λ′ une solution de (P′). S’il existe µ0 ∈ Λ′ tel que

(µ0, Bu) ;= 0,

alors (la droite µ0 est dans Λ)

supµ∈Λ

L(u, µ) = +∞,

ce qui est contraire aux hypotheses. On a donc 〈µ0 , Bu〉 = 0 pour tout µ0 ∈ Λ, d’ouBu = 0 et donc u ∈ K. D’autre part pour tout v dans K, on a Bv = 0, d’ou

J(v) = L(v,λ) ≥ L(u,λ) = J(u),

d’ou l’on deduit que u ∈ K est bien la solution de P. !

La proposition suivante etablit le lien entre la formulation du theoreme 6.5 et la notion depoint-selle.

Proposition 6.12. On se place dans le cadre des hypotheses (6.4). Le couple (u,λ) estpoint-selle de L si et seulement s’il est solution du probleme (P′′) suivant

(P′′)

Au + B"λ = ϕBu = 0. (6.5)

Demonstration : Soit (u,λ) solution du probleme P′. On a alors, d’apres la propositionprecedente, Bu = 0. D’autre part, comme

L(u,λ) ≤ L(v,λ) ∀v ∈ V,

on a, d’apres le theoreme de Lax-Milgram,

(Au + B"λ− ϕ, v) = 0,

c’est-a-direAu + B"λ = ϕ.

Reciproquement supposons le couple (u,λ) solution de P′′. Comme Bu = 0 on a tout desuite

L(u, µ) = J(u) = L(u,λ) ∀µ ∈ Λ.

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6.2. APPROCHE DUALE 93

D’autre part, d’apres le theoreme de Lax-Milgram, Au+B"λ = ϕ implique que u minimisesur V la fonctionnelle

J(v) + (v,B"µ) ,

d’ou la seconde inegalite caracterisant le point-selle. !

Remarque 6.13. Cette condition de surjectivite est tres naturelle si l’on pense a unprobleme de dimension finie. On assimile alors B a une matrice qui, si l’application corres-pondante n’est pas surjective, a un rang strictement inferieur a son nombre de lignes. Lerang de B" (matrice transposee) est donc strictement inferieur a son nombre de colonnes,et par suite l’application lineaire correspondante a un noyau non trivial. Or l’espace dessolutions en λ est du type λ0 + ker B" d’apres la formulation P′′. On a donc dans ce casdegenerescence.

Algorithme d’Uzawa. L’algorithme d’Uzawa est couramment utilise pour resoudre ef-fectivement les problemes de point-selle. Il est en general presente dans la litterature sousforme matricielle (i.e. pour des problemes de dimension finie). Nous montrons ici qu’il aun sens en dimension infinie et que, sous la simple hypothese d’existence d’un point-selle,il converge.

L’algorithme d’Uzawa consiste en la construction d’une suite dans l’espace Λ selon leprocede suivant : on se donne ρ un parametre strictement positif, λ0 un element de Λ (onprendra en general λ0 = 0), et l’on construit (λk, uk) selon la procedure

uk = A−1(f − B"λk

)

λk+1 = λk + ρBuk.

On notera que uk−1 n’intervient pas dans la relation de recurrence. La composante primaledu couple (u,λ) apparaıt ainsi simplement comme une variable auxilliaire. On peut ecrirel’algorithme λk+1 = Tρλk, ou Tρ est l’application de Λ dans lui-meme definie par

Tρ = Id+ρBA−1 (f − B") .

Remarque 6.14. L’algorithme d’Uzawa est en fait un algorithme de gradient a pas fixepour la fonctionnelle

µ 2−→ J(µ) =12(A−1(f − B"µ), f − B"µ

),

dont le gradient s’ecrit∇J(µ) = −BA−1 (f − B"µ) .

On notera que, dans le cas ou B n’est pas a image fermee, cette fonctionnelle n’est pas coer-cive, ni meme en general sa restriction a l’orthogonal du noyau de B". Elle est en revancheminoree (par 0), donc elle admet un infimum (qui n’est pas necessairement atteint).

Remarque 6.15. L’algorithme d’Uzawa peut etre vu comme une discretisation expliciteen temps de l’equation d’evolution

dt= BA−1 (f − B"λ) = −∇J(λ).

On parle de flot-gradient. Le parametre ρ joue ainsi le role d’un pas de temps.

Proposition 6.16. On suppose ρ > 0. Les assertions suivantes sont equivalentes :(i) λ est point fixe de Tρ, i.e. Tρλ = λ.

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94 6. OPTIMISATION SOUS CONTRAINTE

(ii) Le couple (u,λ), avec u = A−1 (f − B"λ), est solution de P′′.

Demonstration : λ est point fixe de Tρ si et seulement si

BA−1 (f − B"λ) = 0,

ce qui est equivalent a : u = A−1 (f − B"λ) verifie Bu = 0 et Au + B"λ = f . !

Proposition 6.17. On suppose que le Lagrangien L admet un point-selle (u,λ). Alors lasuite uk = A−1(f −B"λk) converge vers u, solution du probleme de minimisation (P), desque

0 < ρ <2α

‖B‖2 , (6.6)

ou α est la constante de coercivite de a(·, ·).

Demonstration : On a

λk+1 = λk + ρBuk

λ = λ+ ρBu

d’ouλk+1 − λ = λk − λ+ ρB(uk − u).

On en deduit∣∣∣λk+1 − λ

∣∣∣2

=∣∣∣λk − λ

∣∣∣2+ 2ρ

(uk − u,B"(λk − λ)

)+ ρ2

∣∣∣B(uk − u)∣∣∣2

=∣∣∣λk − λ

∣∣∣2− 2ρ

(uk − u,A(uk − u)

)+ ρ2

∣∣∣B(uk − u)∣∣∣2

≤∣∣∣λk − λ

∣∣∣2− ρ(2α− ρ ‖B‖2

) ∣∣∣uk − u∣∣∣2.

Si la condition sur ρ est verifiee, alors la suite∣∣λk − λ

∣∣ est decroissante positive, doncconverge, et par suite uk converge vers u. !

Convergence de la suite des multiplicateurs de Lagrange (Uzawa). Nous demontronsici une propriete peu documentee dans la litterature, qui est que la suite des multiplica-teurs de Lagrange construite par l’algorithme d’Uzawa converge faiblement, meme dans lecas de non-unicite du point-selle. La demonstration est basee sur la proposition suivante :

Proposition 6.18. (Lemme d’Opial)Soit Λ un espace de Hilbert, Λ un sous-ensemble non vide de Λ, et (λk) une suite d’elementsde Λ telle que

(i) pour tout µ ∈ Λ, la suite∣∣λk − µ

∣∣ converge,

(ii) si une sous-suite (λϕ(k)) converge faiblement vers un element µ de Λ, alors µ ∈ Λ.

Alors la suite (λk) converge faiblement vers un element de Λ.

Demonstration : Voir [11]. !

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6.3. PENALISATION 95

Proposition 6.19. On suppose que le Lagrangien L admet un point-selle (u,λ) (nonnecessairement unique). Alors, sous l’hypothese (6.6), la suite (λk) converge vers µ ∈ Λ,tel que (u, µ) est point-selle pour L.

Demonstration : On note Λ ⊂ Λ l’ensemble des µ tels que (u, µ) est point-selle pourL (ou de facon equivalente solution du probleme P′′), et l’on se propose de verifier quela suite (λk) rentre dans le cadre du lemme d’Opial. L’hypothese (i) est verifiee, commeon l’a vu lors de la demonstration de la proposition 6.17. Considerons maintenant unesous-suite, que nous notons encore (λk) pour alleger l’ecriture, qui converge faiblementvers µ ∈ Λ. On a

Auk + B"λk = f

pour tout k. Or Auk converge vers Au, et B"λk converge faiblement vers B"µ (d’apres laproposition ??, page ??). On a donc par passage a la limite (faible)

Au + B"µ = f,

et ainsi (u, µ) est point-selle de L c’est-a-dire µ ∈ Λ. Le lemme d’Opial ci-dessus permetde conclure. !

Remarque 6.20. Dans le cas de la dimension finie (donc notamment lors de la resolutionnumerique de problemes discretises en espace), on aura donc convergence forte de la suitedes multiplicateurs de Lagrange. On distinguera bien cette propriete de convergence pourle probleme discretise (a parametre h de discretisation fixe), de la propriete de convergenceeventuelle de la suite des limites vers « quelque chose » quand le parametre de discretisationh tend vers 0.

6.3. Penalisation

Le principe de la methode de penalisation consiste a remplacer le probleme sous contraintepar un probleme de minimisation sans contrainte, en rajoutant a la fonctionnelle de departun terme dit de penalisation.

On considere le jeu d’hypotheses suivant∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣

V espace de Hilbert,

a(·, ·) bilineaire symetrique coercive continue, ϕ ∈ V ′

b(·, ·) bilineaire symetrique continue positive (i.e. b(v, v) ≥ 0 ∀v ∈ V ),

K = u ∈ V , b(u, u) = 0 = ker b,

J(v) =12a(v, v) − 〈ϕ , v〉, u = arg min

KJ,

Jε(v) =12a(v, v) +

12ε

b(v, v) − 〈ϕ , v〉, uε = arg minV

J.

(6.7)

On appelera P (resp. Pε) le probleme de minimisation sur K dont u est solution (resp. surV dont uε est solution).

On peut etablir un resultat tres general de convergence forte de uε vers u :

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96 6. OPTIMISATION SOUS CONTRAINTE

Theoreme 6.21. Sous les hypotheses (6.7), la suite (uε) converge vers u quand ε tendvers 0.

Demonstration : Voir [4]. !

Remarque 6.22. On peut preciser le comportement asymptotique du terme b(uε, v)/εde la formulation variationnelle penalisee. On note ξ la forme lineaire definie par la pro-position 6.2. On a

a(u, v) + 〈ξ , v〉 = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V,

et d’autre part

a(uε, v) +1εb(uε − u0, v) = 〈ϕ , v〉 ∀v ∈ V.

On a donc en soustrayant ces deux identites∣∣∣∣1εb(uε − u0, v) − 〈ξ , v〉

∣∣∣∣ ≤ |a(u − uε, v)| ≤ C |u − uε| |v| .

Comme uε converge vers u dans V , on a ainsi convergence (forte dans V ′) de la suite desformes lineaires

v 2−→ 1εb(uε − u0, v)

vers la forme lineaire ξ.

Malgre son apparence abstraite, cette remarque a une grande importance en termes demodelisation : dans le contexte de l’elasticite par exemple, pour une inclusion rigide oufixee (voir section 2.3, page 38), il sera possible d’estimer directement l’effort exerce parcette inclusion sur le solide exterieur (voir a ce propos la remarque 6.3, page 90).

La demonstration qui precede, qui utilise un argument de compacite, ne donne aucuneindication sur la vitesse de convergence de uε vers u. Nous enoncons ici un certain nombrede proprietes qui nous permettront dans certains cas d’estimer cette vitesse de convergence.

Le resultat que nous presentons ici, strictement plus fin que les resultats precedents (voirremarque 6.25 a la fin de cette section), s’inspire d’un travail deja ancien de Babuska [2].

Proposition 6.23. On se place dans le cadre des hypotheses (6.7), page 95. On supposequ’il existe ξ ∈ V tel que

b(ξ, v) = 〈ξ , v〉 ∀v ∈ V,

ou ξ est la forme lineaire definie par (6.3), page 89. On a alors

|u − uε| ≤ Cε.

Demonstration : Notons dans un premier temps qu’il est licite de prendre ξ dans K⊥

(sinon, on le remplace par sa projection sur K⊥). On introduit maintenant la nouvellefonctionnelle

Rε(v) =12a(u − v, u − v) +

12ε

b(εξ − v, εξ − v).

Montrons que minimiser Jε revient a minimiser Rε. On a

Rε(v) =12a(u, u) +

ε

2b(ξ, ξ) +

12a(v, v) +

ε

2b(v, v) − a(u, v, ) − b(ξ, v).

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6.3. PENALISATION 97

Or on a par hypothese b(ξ, v) = 〈ξ , v〉, d’ou

−a(u, v) − b(ξ, v) = − < ϕ, v >,

et par suite Rε(v) est egal a Jε(v) plus une quantite qui ne depend pas de v.

On introduit maintenant l’element w = εξ + u. On a

Rε(w) =ε2

2a(ξ, ξ) + 0 car u ∈ K = ker b,

et ainsi |Rε(w)| ≤ Cε2. Comme uε minimise Rε, on a

0 ≤ Rε(uε) =12a(u − uε, u − uε) +

12ε

b(εξ − uε, εξ − uε) ≤ Cε,

dont on deduit, d’apres la coercivite de a(·, ·), la majoration de l’erreur en O(ε). !

On utilisera souvent l’estimation de la proposition 6.23 sous la forme du corollaire suivant(strictement plus faible, comme le precise la remarque 6.25 ci-apres) :

Corollaire 6.24. Toujours sous les hypotheses (6.7), on suppose que b(·, ·) s’ecrit b(u, v) =(Bu,Bv), ou B est un operateur lineaire de V vers Λ, a image fermee. Alors |uε − u| =O(ε).

Demonstration : Montrons que l’hypothese de la proposition ?? est verifiee. Il suffitpour cela de montrer que pour tout ξ ∈ V ′ qui s’annule sur K s’identifie, a travers b(·, ·),a un ξ ∈ V , i.e. qu’il existe ξ ∈ V tel que

〈ξ , v〉 = b(ξ, v) ∀v ∈ V.

Note that, as ξ vanishes over K, it can be seen as a linear functional defined on K⊥, sothat it is equivalent to establish that T : V −→ (K⊥)′ defined by

ξ 2−→ ζ : 〈ζ , v〉 = b(ξ, v) ∀v ∈ K⊥,

is surjective. We denote by T " ∈ L (K⊥, V ) the adjoint of T . For all w ∈ K⊥,

|T "w| = supv *=0

(T "w, v)|v|

= supv *=0

b(w, v)|v|

= supv *=0

(Bw,Bv)|v|

≥ |Bw|2

|w|.

As B has closed range, |Bw| ≥ C |w| for all w in (ker B)⊥ = K⊥, so that

|T "w| ≥ C2 |w| ∀w ∈ K⊥,

from which we conclude that T is surjective. !

Remarque 6.25. Le corollaire qui precede est strictement plus faible que le resultatgeneral de convergence a l’ordre 1. Dans le cas ou l’on cherche a imposer des conditionsde Dirichlet homogenes par exemple, on cherche uε dans H1(Ω) tel que

Ω(uεv + ∇uε ·∇v) +

Γuεv =

Ωfv ∀v ∈ H1(Ω).

La proposition 6.23 assure la convergence vers la solution du probleme avec conditionsde Dirichlet homogenes en O(ε), alors que la forme b(·, ·) ne verifie pas la condition ducorollaire 6.24 (l’espace H1/2 des traces de fonctions de H1 n’est pas ferme dans L2(∂Ω)).

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CHAPITRE 7

Resolution de grands systemes lineaires

7.1. Definitions, preliminaires

Conditionnement. La notion de conditionnement d’une matrice (on parle aussi de condi-tionnement d’un systeme lineaire) joue un role tres important dans l’etude de la resolutionde systemes lineaires. Nous verrons plus loin que ce conditionnement intervient notammentde facon essentielle dans le vitesse de convergence de methodes de resolution iteratives.

Le conditionnement d’une matrice apparaıt de facon naturelle lorsque l’on cherche a esti-mer la stabilite de la resolution d’un systeme lineaire par rapport aux donnees, independammentde la methode numerique utilisee effectivement pour resoudre le systeme. Considerons unematrice A ∈ Mn( ) inversible, un second membre b ∈ n, et le systeme lineaire

Au = b,

Le conditionnement quantifie la confiance que l’on peut avoir dans la solution (exacte) dece systeme en fonction de la confiance que l’on a dans les donnees (en l’occurrence le secondmembre b), qui sont susceptibles d’etre entachees d’erreurs de mesure, d’erreurs liees austockage sur ordinateur avec une precision finie. Dans ce qui suit nous nous considerons lanorme matricielle ‖A‖2, notee simplement ‖A‖, subordonnee a la norme euclidienne sur

n. On considere ainsi une perturbation δb du second membre, et l’on cherche a estimerla variation δu induite sur la solution :

A(u + δu) = b + δb.

On a donc δu = A−1b, d’ou |δu| =∥∥A−1

∥∥ |δb|. D’autre part b = Au implique |b| ≤ ‖A‖ |δb|,d’ou finalement

|δu||u| ≤

∥∥A−1∥∥‖A‖ |δb||b| .

Definition 7.1. (Conditionnement)Soit A une matrice inversible. On appelle nombre de conditionnement de A le reel

κ =∥∥A−1

∥∥‖A‖.

La quantite κ mesure donc le rapport entre l’erreur relative maximale sur la solution etl’erreur relative sur les donnees. Cette quantite sans dimension est toujours superieure ouegale a 1 (1 = ‖Id‖ =

∥∥AA−1∥∥ ≤ κ). Pour κ< 1, le probleme est tres instable par rapport

aux donnees.

Remarque 7.2. On peut aussi se demander quel est l’effet sur la solution d’une pertur-bation de la matrice elle-meme :

(A + δA)(u + δu) = b.

99

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100 7. RESOLUTION DE GRANDS SYSTEMES LINEAIRES

On obtient au premier ordre (on neglige le terme en δAδu) une formule analogue a laprecedente, qui fait intervenir le κ comme un majorant du facteur d’amplification del’erreur relative :

|δu||u| ≤

∥∥A−1∥∥‖A‖‖δA‖

‖A‖ .

Conditionnement des matrices s.d.p. Dans le cas ou A est symetrique definie positive,de valeurs propres

0 < λ1 ≤ λ2 ≤ · · · ≤ λn,

le conditionnement s’ecrit κ = λn/λ1. Il est toujours strictement plus grand que 1 saufdans le cas A = Id.

Exemple 7.3. Considerons la matrice du Laplacien discret donnee dans la section 8.1.2,dont les valeurs propres sont connues. Le conditionnement de cette matrice est donc

κ = λN−1/λ1 =sin2

((N−1)π

2N

)

sin2(π

2N

) ∼ 4N2 quand N → +∞.

Definition 7.4. Soit A = (aij) une matrice. On dit que A est une matrice-bande s’ilexiste 2 tel que aij = 0 des que |j − i| > 2. Bien sur cette notion n’a d’interet que si 2 estsignificativement plus petit que n.

7.2. Methodes directes

Methode de Cholesky. La methode de Cholesky consiste a decomposer une matricesymetrique definie positive en un produit de 2 matrices triangulaires transposees l’une del’autre.

Algorithme 7.5. (Cholesky)Soit A = (aij) une matrice symetrique definie positive de Mn( ). Alors la matrice trian-gulaire inferieure L = (bij)j≤i definie par

b11 =√

a11 , b21 = a21/b11 , . . . , bn1 = an1/b11,

et, pour j = 2, . . . , n,

bjj =

√√√√ajj −j∑

k=1

b2jk , bij =

aij −j−1∑

k=1

bjkbik

bjj, i = j + 1, . . . , n,

est telle que A = L tL.

Le systeme Au = b est alors resolu par la resolution successive des deux systemes trian-gulaires

Lw = b , tLu = w.

Proposition 7.6. La decomposition d’une matrice A s.d.p. de taille n×n par la methodede Cholesky necessite n extractions de racines, et un equivalent de n3/6 divisions oumultiplications.

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7.3. METHODES ITERATIVES 101

La resolution du systeme lineaire Au = b par cette methode necessite en outre, pourla resolution des deux systemes triangulaires, l’equivalent de n2 operations elementaires(multiplications ou divisions).

Demonstration : Le nombre d’extraction de racines est bien egal a n. Pour le nombrede multiplications/divisions, on cherche directement un equivalent. La premiere etapen’est donc pas prise en compte. Le gros du cout est dans le calcul de chacun des elementsextradiagonaux bij, au nombre de n−j pour j fixe, qui necessite (on ne garde que l’essentiel)j mutiplications. La complexite est donc en

j

(n − j)j,

qui est un O(n3), avec le coefficient 1/6 (penser a∫

x(1 − x) = 1/6).

La resolution d’un systeme triangulaire consiste a effectuer, pour tout j = 1, . . . , n, j mul-tiplications et une division. On a donc une complexite en n2/2 pour chacun des systemestriangulaires. !

Remarque 7.7. La complexite reelle est en general tres inferieure (tout du moins sil’ecriture du programme informatique est adaptee a la situation), notamment dans le casdes matrices-bande (voir definition 7.4 ci-dessus), ce qui est souvent le cas des matricesresultants de la discretisation par elements finis d’un operateur elliptique. Dans ce cas,on peut montrer que la matrice L associee possede la meme structure de matrice bande.En consequence, pour j allant de 2 a n, le nombre d’elements extradiagonaux bij chutede n − j a 2, tout comme le nombre d’operations necessaire. La complexite descend donca n22. Noter que la resolution des 2 systemes triangulaires, dont la complexite chute an2, reste d’un cout negligeable par rapport a la factorisation (au moins dans de la casd’un seul systeme, voir a ce sujet la remarque 7.8). Dans le cas du Laplacien discret endimension 1, la largeur de bande est 2, d’ou une complexite de l’ordre de n, le nombre depoints (nous ne precisons pas la constante, car la petite largeur de bande rend significativesdes operations dont nous avions neglige le nombre). En dimension 2, pour un problemescalaire sur un maillage

√n ×

√n, la matrice est de taille n, et de largeur de bande

√n,

d’ou une complexite en n2/6.

Remarque 7.8. Cette methode peut etre particulierement performante lorsque l’on sou-haite resoudre un grand nombre de fois un systeme1 impliquant une matrice donnee A(pour des seconds membres distincts). Notons M ce nombre de systemes a resoudre. lacomplexite totale est de n3/6 + Mn2, de telle sorte que dans la situation extreme ou ndevient negligeable devant M , on a une complexite asymptotique de la methode en n2

(cout unitaire d’une resolution de systeme).

7.3. Methodes iteratives

7.3.1. Methode du gradient a pas fixe (Richardson).

1Cette situation se rencontre par exemple dans le cadre de la discretisation en temps d’un problemed’evolution par une methode implicite, qui se ramene a chaque pas de temps a la resolution d’un systemepour une meme matrice mais des seconds membres differents.

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102 7. RESOLUTION DE GRANDS SYSTEMES LINEAIRES

1−1λ1 λ2 λn

1 − ρλ11 − ρλn

. . .

Fig. 7.1. Spectre de Id−ρA

Algorithme 7.9. Soit A une matrice symetrique definie positive de Mn( ). L’algorithmedu gradient a pas fixe est base sur la construction suivante : on se donne ρ > 0, un vecteurinitial u0 ∈ n, et l’on construit

uk+1 = uk − ρ(Auk − b).

Proposition 7.10. L’algorithme du gradient a pas fixe converge des que ρ ∈]0, 2/λn[, ouλn est la plus grande valeur propre de A

Demonstration : On note ek = uk − u l’erreur, qui verifie ek+1 = (Id−ρA)ek. Cetteerreur converge des que les valeurs propres de Id−ρA sont de module strictement inferieura 1. L’operation A 2→ Id−ρA renverse le spectre de A comme illustre sur la figure 7.1. Lesvaleurs propres de la nouvelle matrice sont donc de module strictement inferieur a 1 si etseulement si 1 − ρλn > −1, c’est a dire 0 < ρ < 2/λn. !

Remarque 7.11. Bien que la notion de choix optimal pour ρ soit sujette a caution, onnotera que le choix

ρ = 2/(λ1 + λn)minimise le rayon spectral de Id−ρA. Pour ce choix, le rapport geometrique de convergenceest 1−2λ1/(λ1 +λn), donc de l’ordre de 1−2κ−1 pour κ grand. La convergence sera doncd’autant plus lente que le conditionnement κ est grand.

7.3.2. Methode du gradient a pas optimal. La methode du gradient a pas op-timal est basee sur un calcul explicite du pas ρ de l’algorithme de gradient ci-dessus, defacon a minimiser la valeur de la fonctionnelle J sur la droite

uk − ρ(Auk − b) , ρ ∈

.

Un simple calcul permet d’exprimer ce ρ optimal a chaque iteration :

Algorithme 7.12. Soit A une matrice symetrique definie positive de Mn( ). L’algorithmedu gradient a pas optimal est base sur la construction suivante : on se donne un vecteurinitial u0 ∈ n, et l’on construit

uk+1 = uk − ρk(Auk − b) , ρk =∣∣b − Auk

∣∣2

|b − Auk|2A, avec |v|2A = (Av, v) .

Remarque 7.13. Noter que ρk est minore et majore, pour toute matrice s.d.p. A donnee.

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7.3. METHODES ITERATIVES 103

7.3.3. Methode du gradient conjugue. La methode du gradient conjugue permetd’approcher numeriquement la solution de problemes du type Ax = b, ou A est une matricesymetrique definie positive. Nous verrons qu’en fait il s’agit d’une methode exacte (quiconverge en un nombre d’iterations fini egal a la dimension de l’espace), mais elle est dansla pratique utilisee comme un algorithme iteratif.

Algorithme 7.14. Soit A une matrice symetrique definie positive de Mn( ). L’algorithmedu gradient conjugue est base sur la constrution iterative suivante, a partir d’un vecteurinitial u0 ∈ n. On definit tout d’abord le residu initial correspondant r0 = b − Au0, etl’on pose p0 = r0,

αk =|rk|2

(Apk, pk)uk+1 = uk + αkpk

rk+1 = rk − αkApk

βk+1 = |rk+1|2 / |rk|2

pk+1 = rk+1 + βk+1pk.

Proposition 7.15. Les suites (rk), (pk) construite selon l’algorithme du gradient conjugue 7.14verifient les proprietes suivantes :

(rk, pi) = (rk, ri) = 0 ∀i ≤ k − 1 , (pk, Api) = 0 ∀i ≤ k − 1 , |rk+1|A−1 ≤ |rk|A−1 ,

|rk|A−1 = minFk

|b − Au|A−1 , Fk = u0 + vect(p0, . . . , pk−1).

Demonstration : On demontre ces proprietes par recurrence. On a

(rk+1, rk) = |rk|2 −αk(rk, Apk) = |rk|2 −αk(pk −βkpk−1, Apk) = |rk|2 −αk(pk−, Apk) = 0.

Pour tout i ≤ k − 1, on a

(rk+1, ri) = (rk − αkApk, ri) = −αk(Apk, ri).

Comme ri = pi − βipi−1, le produit scalaire est nul du fait que les directions pj sont deuxa deux conjuguees pour j ≤ k (hypothese de recurrence).

On a de meme (rk+1, pi) = 0 pour tout i ≤ k, car pi s’exprime en fonctions des rj, pourj ≤ i.

Pour la conjugaison des directions de descente, on a

(pk+1, Apk) = (rk+1 + βk+1pk, (rk − rk+1)/αk),

ce qui donne (on utilise (rk+1, rk) = (pk, rk+1) = 0)

(pk+1, Apk) = − 1αk

(|rk+1|2 + βk+1(pk, rk)

)= 0

car (pk, rk) = |rk|2, et βk+1 = |rk+1|2 / |rk|2.

!

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104 7. RESOLUTION DE GRANDS SYSTEMES LINEAIRES

Proposition 7.16. Soit A une matrice symetrique definie positive, et (uk) une suited’iteres produite par l’algorithme du gradient conjugue 7.14. On note |·|A la norme associeea la matrice A, et κ = λn/λ1 le conditionnement de A. On a

|uk − u|A ≤ 4 |u0 − u|A(√

κ− 1√κ+ 1

)k

.

Corollaire 7.17. La norme de l’erreur verifie

|uk − u| ≤ 4κ |u0 − u|(√

κ− 1√κ+ 1

)k

.

Remarque 7.18. Pour de grands nombres de conditionnement, on a une convergencegeometrique de rapport voisin de 1− 2/

√κ. On remarquera que ce taux est bien meilleur

que celui trouve pour la methode de gradient a pas fixe (egal a 1−2/κ, voir remarque 7.11).

Remarque 7.19. La convergence etant geometrique de rapport 1 − 2/√κ, le nombre

d’iterations a realiser pour etre sur d’avoir une precision donnee ε est de l’ordre de kε =√κ ln(1/ε), contre κ ln(1/ε) pour le gradient a pas fixe. Le gain potentiel en termes de

temps de calcul est donc considerable. Pour la resolution du Laplacien en dimension 1,avec N = 100 points, le conditionnement est de l’ordre de 104 (voir exemple 7.3, page 100),et le calcul par gradient conjugue va 100 fois plus vite que le calcul par gradient simple.

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CHAPITRE 8

Complements theoriques et techniques

8.1. Valeurs propres, vecteurs propres

8.1.1. Estimation des valeurs propres.

Theoreme 8.1. (Courant-Fisher)Soit A une matrice symetrique, de valeurs propres

λ1 ≤ · · · ≤ λN .

On aλk = inf

dimE=ksupv∈E

(Av, v)|v2| .

En particulier,

λ1 = infv∈ N

(Av, v)|v2| , λN = sup

v∈ N

(Av, v)|v2| .

Theoreme 8.2. (Gerschgorin)Soit A = (aij) ∈ Mn( ). Soit Sp(A) l’ensemble des valeurs propres de A. On a

Sp(A) ⊂n⋃

i=1

D(aii, ri) , ri =∑

j *=i

| aij | ,

ou D(a, r) ⊂ 2 designe le disque ferme de centre a et de rayon r.

8.1.2. Spectre du Laplacien discret. La matrice

A =

2 −1 0 · · 0

−1 2 −1 0 · ·

0 −1 · · ·

· · · · ·

· · 2 −1

0 · · 0 −1 2

∈ MN−1( )

possede N − 1 valeurs propres distinctes

λk = 4 sin2

(kπ

2N

), k = 1 , . . . , N − 1.

Le vecteur propre associe a la valeur propre λk s’ecrit

uk = t

(sin(

N

), sin

(2kπN

), . . . , sin

((N − 1)kπ

N

)).

105

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106 8. COMPLEMENTS THEORIQUES ET TECHNIQUES

8.1.3. Valeurs propres du Laplacien.

Proposition 8.3. Les valeurs propres du Laplacien avec conditions de Dirichlet ho-mogenes dans un parallelepipede L1 × ·Ln de 3 sont

λk1...kn = π2

((k1

L1

)2

+ · · · +(

kn

Ln

)2)

.

8.2. Assemblage

8.2.1. Integrale de fonctions barycentriques dans un simplexe. Soit K unsimplexe de n non degerenere, c’est a dire l’enveloppe convexe de n + 1 points dontles combinaisons barycentriques engendrent l’espace. On note λi(x) la i-eme coordonneebarycentrique d’un point x de K. On a

Kλα1

1 . . .λαn+1n+1 = |K| α1! . . .αn+1!

(α1 + · · · + αn+1 + n)!, (8.1)

ou |K| est le volume de K

8.3. Formules d’integration par partie

Proposition 8.4. Soitent u et : v deux champs reguliers sur Ω. On a∫

Ω∇u : t∇v =

Ω(∇ · u) (∇ · v) +

Γ(∇ · u)v · n−

Γ(∇u · v) · n

Demonstration : On a∫

Γ(∇u · v) · n =

Ω∇ · (∇u · v)

=∫

Ω

i

∂i

j

vj∂jui

=∫

Ω

i

j

((∂i∂jui)vj + ∂jui∂ivj)

=∫

Ωv (∇∇ · u) +

Ω∇u : t∇v

=∫

Ω(∇ · u)v · n−

Ω(∇ · u) (∇ · v) +

Ω∇u : t∇v

!

8.4. Operateurs differentiels en coordonnees curviligne

La divergence d’un champ de vecteur u = (ur, uθ, uz) en coordonnees polaires s’ecrit

∇ · u =∂ur

∂r+

ur

r+

1r

∂uθ∂θ

+∂uz

∂z.

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8.4. OPERATEURS DIFFERENTIELS EN COORDONNEES CURVILIGNE 107

Le Laplacien d’une fonction u du plan ecrite en coordonnees cylindriques (r, θ, z) s’ecrit

.u =∂2u

∂r2+

1r

∂u

∂r+

1r2

∂2u

∂θ2+∂2u

∂z2.

Le Laplacien d’une fonction u de l’espace ecrite en coordonnees spheriques (r, θ,Φ) s’ecrit

.u =∂2u

∂r2+

2r

∂u

∂r+

1r2 sin2 Φ

∂2u

∂θ2+

cosΦr2 sinΦ

∂u

∂Φ+

1r2

∂2u

∂Φ2

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CHAPITRE 9

Complements mecaniques

9.1. Coefficient de Poisson, module d’Young, et parametres de Lame

9.1.1. Definitions, relations. Les parametres caracterisant un materiaux elastiqueen regime lineaire les plus couramment utilises par les ingenieurs (car directement acces-sibles a la mesure) sont le module d’Young E, qui quantifie le rapport entre l’allongementet la contrainte exercee, et le coefficient de Poisson ν, qui quantifie le rapport entre ladeformation dans la direction transverse a l’etirement et la deformation selon la directionde l’effort.

Les parametres intervenant dans les equations de l’elasticite lineaires sont appeles coeffi-cients de Lame, notes en general µ et λ. Ils precisent le lien entre le tenseur des contrainteset le tenseurs des taux de deformation :

σ = µ(∇u + t∇u

)+ λ (∇ · u) Id

Ces familles de parametres sont liees par les relations suivantes

µ =E

2(1 + ν), λ =

νE

(1 + ν)(1 − 2ν), (9.1)

et inversementE =

µ(3λ+ 2µ)λ+ µ

, ν =λ

2(λ+ µ). (9.2)

Ces relations peuvent etre demontrees en considerant la situation d’un echantillon demateriaux occupant le parallelepipede

] − a/2, a/2[×] − a/2, a/2[×]0, b[.

On cherche un champ de deplacement associe a un etirement selon e3 sous la forme suivante(ε represente la deformation selon la direction vecticale)

u1 = −νεx1 , u2 = −νεx2 , u3 = εx3.

Le tenseur des contraintes associes est constant egal a

σ =

−2µνε+ λε(1 − 2ν) 0 0

0 −2µνε+ λε(1 − 2ν) 00 0 2µε+ λε(1 − 2ν)

Un tel champ verifie les equations de l’elasticite au sein du materiau (le tenseur descontraintes, constant, a une divergence nulle). Sur les bords lateraux, le tenseur normaldes contraintes est nul des que

σ11 = σ22 = −2µνε+ λε(1 − 2ν) = 0 ⇐⇒ ν =λ

2(λ+ µ).

109

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110 9. COMPLEMENTS MECANIQUES

L’effort par unite de surface exerce sur l’echantillon au niveau du bord superieur s’ecrit

σ33 = 2µε+ λε(1 − 2ν),

qui vaut Eε par definition du module d’Young. On en deduit donc (en remplacant ν parson expression trouvee ci dessus) la premiere equation de 9.2

Remarque 9.1. Pour fixer les idees, remarquons que 10−6E correspond a la force (ex-primee en Newton) qu’il faut exercer sur un echantillon de section egale a 1 cm2 pourobtenir un allongement de 1%. Ainsi pour du verre (E = 60 GPa), cette force est de60.109.10−6 = 6.104 N. Pour un echantillon de meme section qui supporte une masse de 1kg, l’allongement est de ε = 105/E = 1.6 10−4%.

Les valeurs approximatives de E et ν pour un certain nombre de materiaux sont donneesdans le tableau suivant (valeurs tirees de [6]) :

E (en GPa) ν ρ λ/µacier 200 0.3 7.8 5verre 60 0.25 2.8 4bois 7 0.2 0.4 3.3

elastomere 0.2 0.5 1 +∞

9.2. Cercles de Mohr et limite elastique

On note σ le tenseur des contraintes en un point interieur d’un materiaux elastique, etl’on se place dans le repere principal (de valeurs propres associees σ1 ≤ σ2 ≤ σ3). Pourtout n ∈ S2 (vecteur unitaire de 3), on note F = σ ·n, FN = F · n la contrainte normaledans la direction n, et FT = (|F|2 − F 2

N )1/2 le module de la contrainte tangentielle. Ons’interesse a l’ensemble que decrit (FN , FT ) lorsque n parcours S2. On se ramene ainsi al’existence de solutions n = (n1, n2, n3) au systeme

n21 + n2

2 + n23 = 1

σ1n21 + σ2n

22 + σ3n

23 = FN

σ21n

21 + σ2

2n22 + σ2

3n23 = F 2

N + F 2T .

Ce systeme de Vandermonde (pour les inconnues n21, n2

2, n23, est inversible des que σ1 <

σ2 < σ3. Sous cette hypothese, on le resout en remarquant que pour tout polynomeP (x) = x2 + ax + b, on a (en faisant b fois la premiere ligne, plus a fois la seconde, plus laderniere),

n21P (σ1) + n2

2P (σ2) + n23P (σ3) = P (FN ) + F 2

T .

Le choix P (x) = (x − σ2)(x − σ3) permet d’obtenir la valeur de n21. De meme pour n2

2, etn2

3.

Il faut et il suffit que ces quantites soient positives pour qu’une solution au probleme initialen n = (n1, n2, n3) existe. Les conditions s’ecrivent donc

(FN − σ2)(FN − σ3) + F 2T ≥ 0

(FN − σ3)(FN − σ1) + F 2T ≤ 0

(FN − σ1)(FN − σ2) + F 2T ≥ 0.

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9.2. CERCLES DE MOHR ET LIMITE ELASTIQUE 111

σ1 σ2 σ3

FN

FT

FmaxT = (σ3 − σ1)/2

Fig. 9.1. Cercles de Mohr

Les frontieres des trois ensembles sont donc des cercles dans le plan (FN , FT ), chacunsymetrique par rapport a l’axe des x, et dont on connait l’intersection avec l’axe des x(en σ2 et σ3 pour le premier par exemple). Ces cercles sont representes sur la figure 9.1.L’ensemble admissible est finalement l’intersection entre le demi-plan des FT positifs (FT

est un module), le disque 2, les complementaires des disques 1 et 3 (zone hachuree).

Noter que la contrainte tangentielle maximale vaut (σ3 − σ1)/2, et elle est atteinte pourFN = (σ3 + σ1)/2. Si l’on note ui le vecteur propre (unitaire associe ) la valeur propresσi, on verifie que

u3 + u1√2

· σ · u3 + u1√2

=σ3 + σ1

2,

u3 − u1√2

· σ · u3 + u1√2

=σ3 − σ1

2.

Le maximum de contrainte tangentielle est donc atteint dans le plan bissecteur aux direc-tions principales associees aux valeurs propres extremes.

Critere de Rankine. Le critere de Rankine est base sur la donnee de valeurs limites(minimale σ− et maximale σ+) des contraintes normales principales. Il s’ecrit donc

σ− < σi < σ+.

Noter que la contrainte tangentielle maximale est de fait limitee a (σ+ − σ−)/2.

Critere de tresca. Le critere de Tresca se base sur une valeur limite τe du module descontraintes tangentielles. Il s’ecrit donc d’apres ce qui precede, si l’on note σi les contraintesprincipales ordonnees,

|σ3 − σ1| ≤ 2τe.

9.2.1. Elasticite bi-dimensionnelle. Ce cours presente un certain nombre d’exem-ples en dimension 2. Nous precisons ici le sens que l’on peut donner a ces exemples. Unepremiere maniere de voir les choses (qui correspond a ce qui se passe en mecanique desfluides) est de considerer que l’on s’interesse a un echantillon tridimensionnel cylindrique(axe selon e3), soumis a des sollicitations telles que le deplacement selon e3 est nul, et quetoutes les quantites sont invariantes par translation selon e3. Dans ce cadre, le materiau

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112 9. COMPLEMENTS MECANIQUES

bidimensionnel possede les memes coefficients de Lame que le materiau reel tridimension-nel. Mais cette maniere de voir les choses est peu realiste, notamment car meme un effortpurement radial est susceptible d’entraıner des deformations dans la direction orthogonale,sauf dans des situations tres particulieres.

Une maniere alternative de donner un sens au modele 2D est de considerer une plaqueelastique d’epaisseur constante occupant un domaine

ω = Ω×]0, η[,

ou Ω est un domaine de 2.

On suppose cette plaque soumise a des sollicitations ou des contraintes sur le deplacementsur son bord lateral ∂Ω×]0, η[, et des conditions libres sur Ω × 0 et Ω × η Si l’onsuppose que le tenseur des contraintes est constant dans la direction x3, les conditions detraction libre au bord imposent

∂1u3 + ∂3u1 ≡ 0 , ∂2u3 + ∂3u2 ≡ 0 , 2µ∂3u3 + λ(∂1u1 + ∂2u2 + ∂3u3) ≡ 0,

On a ainsi

∂3u3 = −λ∂1u1 + ∂2u2

2µ + λ,

ce qui permet de se ramener donc a un probleme d’elasticite lineaire pour un materiaubidimensionnel de coefficients de Lame

µ" = µ , λ" =2λµλ+ 2µ

.

On cherche maintenant a donner un sens a E et ν pour les cas bidimensionnel. La demarchemenee ci-dessus conduit aux coefficients :

ν" =λ"

λ" + 2µ, E" =

4µ(λ" + µ)λ" + 2µ

.

Cercle de Mohr pour le modele bidimensionnel.

Dans la premiere approche (cylindre sans deformation longitudinale), on ne peut pas diregrand chose si ce n’est que le tenseur des contraintes (tridimensionnel) s’ecrit

σ =

2µ∂1u1 + λ(∂1u1 + ∂2u2) µ(∂1u2 + ∂2u1) 0

µ(∂1u2 + ∂2u1) 2µ∂2u2 + λ(∂1u1 + ∂2u2) 0

0 0 λ(∂1u1 + ∂2u2)

On connait donc une valeur propre.

Pour le cas de la plaque (deformable dans la troisieme direction, sans effort exerce danscette direction), le tenseur des contraintes se ramene a une matrice 2 × 2. Dans les casles plus courants (du type de l’extension consideree dans la section 1.1.2), on aura doncune valeur propre nulle (direction propre e3), et deux valeurs propres de signes opposes,qui correspondent donc a σ1 et σ3. Les plans sur lesquels la contrainte tangentielle estmaximale sont donc les plans qui contiennent le vecteur normal a la plaque et l’un desdeux vecteurs e1 + e2 ou e1 − e2.

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9.2. CERCLES DE MOHR ET LIMITE ELASTIQUE 113

On peut calculer explicitement les valeurs propres

σ± =12

(σ11 + σ22 ±

√(σ11 − σ22)2 + 4σ2

12

)

et les vecteurs propres (dans le cas σ12 ;= 0)

e± =(

σ12

− (σ11 − σ±)

)

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115

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Index

Adjoint (operateur), 59Algorithme

d’Uzawa, 93de gradient a pas optimal, 102de gradient conjugue, 103

Auxetique (materiau), 33

Bande (matrice), 100

Cea (lemme de), 85, 86Capacite (d’un sous-domaine), 30Conditionnement, 24, 104Conditionnement

Definition, 99du Laplacien discret, 100Estimation effective, 26

Conditions aux limitesde Robin, 31

Courant-Fisher (theoreme de), 105Critere

de Rankine, 111de Tresca, 111

Dilatation (negative), 33Domaine fictif (methode de), 39

EspaceHdiv, 79H2, 65

Faible (solution), 74Formule de Green

deuxieme, 69premiere, 69vectorielle, 71

Gradient a pas optimal (algorithme de ), 102Gradient conjugue (algorithme de ), 103Gradient conjugue (methode de), 103Green (formule de), 69, 71

Hahn-Banach (theoreme de), 55

Identite du parallelogramme , 53Inegalite

de Cauchy-Schwarz, 53de Korn, 73

de Poincare, 72de Poincare generalisee, 73

Interpolation (operateur d’), 82, 83

Korn (inegalite de), 73

Lagrange (multiplicateurs de), 35, 90Lagrangien, 91Lame (parametres), 109Lax-Milgram (theoreme de), 57Lemme

de Aubin-Nitsche, 87de Cea (cas non symetrique), 85de Cea (cas symetrique), 85de Cea (espace affine), 86

Lemme de Aubin-Nitsche, 87

Methodede domaine fictif, 39de Gradient conjugue , 103

Materiauauxetique, 33

Matrice-bande, 100

Module d’Young, 109Multiplicateurs de Lagrange, 35, 90

Parallelogramme (identite du), 53Parametres de Lame, 109Plancherel (theoreme de), 78Poincare (inegalite de), 72Poincare generalisee (inegalite de), 73Point-selle, 92Poisson

Coefficient de , 109Poisson (probleme de), 74Probleme

de Poisson, 74Projection, 53Prolongement (operateur), 67

Rankine (critere de), 111Rellich (Theoreme), 70Riesz-Frechet (th. de representation de), 55Robin (conditions aux limites de), 31

117

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118 INDEX

Sobolev (espaces de), 62Solution

faible, 74

Theoremede Courant-Fisher, 105de Hahn-Banach, 55de Lax-Milgram, 57de Plancherel, 78de Rellich, 70de representation de Riesz-Frechet, 55

Traced’une fonction de H1, 68

Tresca (critere de), 111Triangulation, 83

Uzawa (algorithme), 93

Young (module d’), 109