SCIENCE MONDIALE

L'union fait la force: mondialisation de la physique

des particules La physique des particules est depuis longtemps une "mégascience". En outre, ses projets ambitieux prennent un caractère de plus en plus international, car c'est la condition sine qua non pour recueillir les ressources nécessaires. Ses besoins futurs ont été évalués au cours d'une réunion récente d'un

groupe de travail spécialisé de l'Organisation de Coopération et Développement économiques (OCDE).

S'il est vrai que la science ne connaît pas

de frontières géographiques, il faut alors

que ses organes de délibération eux

mêmes soient internationaux. L'une de ces

plates-formes est le Forum mondial de la

Science (Global Science Forum ou GSF)

de l'influente Organisation de Coopération

et Développement économiques (OCDE).

Le GSF, successeur du Forum Mégascience

de l'OCDE créé en 1992, a constitué des

groupes de travail dans plusieurs

domaines spécialisés, parmi lesquels la

physique des particules a toujours figuré

en très bonne place.

Lors d'une réunion du GSF à Londres du

13 au 15 avril 2000, il avait été convenu de

créer un Groupe consultatif pour conseiller

le GSF sur la question de l'établissement d'une "carte routière" de la phy­

sique des hautes énergies dans les 20 à 30 prochaines années afin de

préparer la voie à de nouvelles grandes installations.

Le groupe est composé de physiciens et d'administrateurs scientifiques

en exercice qui représentent les Etats membres de l'OCDE, ainsi que les

Etats non-membres qui poursuivent un programme en physique des

hautes énergies.

A la réunion de Londres, le groupe avait été mandaté pour examiner la

physique expérimentale et théorique des particules, avec des accéléra­

teurs ou non, ainsi que l'astrophysique corpusculaire, et pour rendre

compte au GSF vers le milieu de 2002.

L'initiative du GSF apparaît dans une période d'innovation rapide en phy­

sique des hautes énergies. Le CERN a commencé de construire son Grand

collisionneur de hadrons, dont l'énergie de collision représentera sept fois

celle du Tevatron du Fermilab. Au Japon, aux Etats-Unis et en Europe, il existe

des projets pour la construction d'un collisionneur linéaire électron-positon

de 0,5 à 1 TeV. Un tel collisionneur présente un très grand intérêt pour la

physique dans un domaine complémentaire de celui du LHCToutefois, les

coûts de construction de cette machine sont élevés.

Dans le même temps, l'apparition d'idées nouvelles en matière d'accé­

lérateurs a donné lieu à des travaux de

R&D prometteurs sur les anneaux de stoc­

kage de muons et la production corres­

pondante de faisceaux intenses de

neutrinos. Aux énergies plus élevées, la

R&D sur un collisionneur linéaire électron-

-positron de plusieurs TeV (CLIC) se pour­

suit et le même travail commence sur des

collisionneurs de muons et des collision-

neurs de hadrons d'énergie supérieure.

Parallèlement, le mariage de l'astrophys­

ique et de la physique des particules, tant

au niveau expérimental qu'à celui de la

théorie, se traduit par un programme scien­

tifique de portée appréciable.

Une cinquantaine de délégués ont

assisté au Laboratoire DESY de Hambourg,

du 9 au 11 novembre 2000, à la première réunion du Groupe consultatif

présidée par lan Corbett (Royaume-Uni). Le CERN, les différentes commu­

nautés asiatiques, américaines, européennes et internationales de physi­

ciens des hautes énergies (le Comité asiatique sur les futurs accélérateurs,

ACFA, le Comité consultatif américain pour la physique des hautes éner­

gies, HEPAR le Comité européen sur les futurs accélérateurs, ECFA, et le

Comité international pour les futurs accélérateurs, ICFA), ainsi que la section

de physique astrocorpusculaire de l'Union internationale de physique pure

et appliquée (UIPPA-PANAGIC) et l'Union européenne avaient également

envoyé des observateurs. Les prochaines réunions du groupe se tiendront au

CERN, au Japon et aux Etats-Unis, et le groupe présentera ensuite son rap­

port au GSF

La tenue.de la réunion à DESY était particulièrement opportune, en rai­

son d'un projet de construction d'un collisionneur linéaire supraconducteur

électron-positon de 500 à 800 GeV (TESLA) par une collaboration inter­

nationale où DESY joue un rôle central. Après une introduction par

Hermann-Friedrich Wagner, de la délégation allemande, et un exposé sur

les perspectives de physique par Brian Foster (Bristol), le Directeur de DESY

Albrecht Wagner a décrit en détail les plans et les travaux de prototype

relatifs au projet. Il a évoqué en particulier les résultats impressionnants

Réunion à DESY, Hambourg, du Groupe consultatif du

Forum mondial de la science de l'Organisation de

Coopération et Développement économiques (OCDE).

La réunion était présidée par le britannique lan Corbett.

22 Courrier CERN Mars 2001

SCIENCE MONDIALE

obtenus par la collaboration en ce qui concerne le développement de cavi­

tés accélératrices à gradient élevé dans le cadre de l'installation d'essai de

TESLA (TTF2). Cette installation servira de source intense de rayons X à

partir de 2003 (projet SASE FEL - juillet 2000 p26). Wagner a annoncé la

présentation en mars prochain d'un rapport technique de conception pour

examen par le gouvernement allemand et il a exprimé des idées sur la

manière dont cette machine pourrait être construite (en particulier par le

biais d'un Réseau planétaire de l'accélérateur, constitué de laboratoires

nationaux pour la construction de la machine - juin 2000 pl9).

Peter Rosen, du ministère américain de l'énergie (DOE), a attiré l'atten­

tion sur les nouvelles installations impressionnantes en physique corpus­

culaire et nucléaire qui apparaissent aux Etats-Unis - le collisionneur

proton-antiproton amélioré TeV2 au Fermilab, l'usine à B au SLAC de

Stanford, et le collisionneur d'ions lourds RHIC de Brookhaven - ainsi que

sur la nécessité d'exploiter ces installations. Il a évoqué les activités de

R&D qui se poursuivent en ce qui concerne un collisionneur linéaire élec­

tron-positon de haute énergie, des anneaux de stockage de muons et des

collisionneurs de hadrons au-delà du LHC (VLHC). Il a annoncé que la com­

munauté des physiciens américains examinerait les perspectives futures

lors d'un atelier à Snowmass en juin-juillet, qui sera suivi par une réunion

du comité HEPAR lequel rendra compte au DOE et à la National Science

Foundation dans la suite de l'année.

Vitalité à long terme

Ger van Middelkoop (NIKHEF), exprimant le point de vue des petites

nations européennes activement présentes dans la physique des hautes

énergies, a souligné l'importance du CERN pour la vitalité à long terme de

la physique des particules, tant européenne qu'internationale.

Notant l'internationalisation croissante des activités japonaises (l'usine

à B de KEK et le projet neutrinos K2K au Japon, le LEP et le LHC au CERN

et CDF au Fermilab), Sakue Yamada (KEK) a décrit les importantes activi­

tés de R&D sur les accélérateurs au Japon en vue de la conception d'un

accélérateur linéaire électron-positon de haute énergie utilisant l'installa­

tion d'essai des accélérateurs (ATF) de KEK. Il a souligné qu'il était impor­

tant d'avoir les réactions des communautés de physiciens avant de prendre

des décisions sur la construction du prochain accélérateur.

Enfin, Kurt Hubner du CERN a décrit la R&D à plus long terme concer­

nant CLIC, un projet du CERN pour un collisionneur linéaire électron-posi­

ton de plusieursTeV, ainsi que les collaborations avec d'autres laboratoires

européens dans le domaine de la R&D sur un anneau de stockage de

muons et un faisceau intense de neutrinos. Il a évoqué également les

études en vue d'améliorer l'intensité et/ou l'énergie des faisceaux du LHC.

Dans la discussion qui a suivi, l'idée d'un accroissement des dépenses

de R&D sur les technologies des accélérateurs a été massivement

appuyée. On s'est aussi déclaré très favorable au maintien d'une certaine

compétition régionale dans l'élaboration de programmes prometteurs dans

les domaines de la physique et des accélérateurs.

En raison du recouvrement des activités de R&D en Europe, aux Etats-Unis

et au Japon sur un collisionneur linéaire électron-positon de 0,5 à 1 TeV, et

comme il existe dans chaque région des instances qui militent en faveur de la

construction d'une telle machine, des évaluations "fouillées" de la situation de

la physique des hautes énergies ont été demandées. Des rapports de ces

organismes devraient être produits en 2001. En particulier, l'ECFA:

• patronne un groupe de travail ECFA-DESYsur la physique et les détec­

teurs avec un collisionneur linéaire électron-positon qui fera partie du

rapport technique de conception pourTESLA;

• appuie une série d'initiatives européennes de R&D en vue d'un

anneau de stockage de muons et d'un complexe de faisceaux intenses

de neutrinos;

• a constitué un groupe de travail présidé par Lorenzo Foà sur l'avenir

des activités de physique des hautes énergies avec des accélérateurs en

Europe.

Il a été demandé au groupe de travail, dont la composition est repré­

sentative des différents Etats membres du CERN, de dégager un consensus

parmi les physiciens européens sur une "carte routière" de la physique des

particules avec des accélérateurs au-delà du LHC, ainsi que sur l'infra­

structure requise et la R&D qui reste nécessaire. Le groupe pense pouvoir

terminer son rapport vers le milieu de la présente année. Simultanément,

l'ICFA a créé des sous-groupes chargés d'étudier les questions techniques

et d'organisation en rapport avec le Réseau planétaire de Wagner pour la

construction d'un accélérateur.

Le sous-groupe PANAGIC de I'UIPPA a récemment rendu compte à

l'UlPPA des progrès fait dans l'établissement de cette carte routière décri­

vant les principales activités, et ce rapport a été distribué par le président

du PANAGIC Alessandro Bettini.

Le groupe consultatif du GSF a créé également un sous-groupe restreint

qui travaillera avec l'OCDE sur les problèmes sociologiques et d'organisa­

tion d'un "laboratoire mondial", et des informations seront recueillies sur

les politiques gouvernementales et en matière de financement des pays

participants. Ces études, ainsi que les rapports de l'ICFA, de l'ECFA, de

l'ACFA, de l'HEPAP et du PANAGIC, seront les principales sources d'infor­

mations du Groupe consultatif.

Allan Clark Université de Genève.

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Courrier CERN Mars 2001 23

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