lt truong quan niem [3]

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LA THÉORIE DES CHAMPS CONCEPTUELS Introduction Renouvellement de la question des savoirs Gérard Vergnaud, psychologue, aborde la question de l ’apprentissage en tenant compte à la fois du sujet (de ses connaissances) et des savoirs constitués. Il s’inscrit dans la continuité des travaux de Piaget qui a dirigé sa thèse, mais il prend une distance avec la réorganisation des connaissances dans des structures logico-mathématiques générales. Il ne dissocie pas le savoir de son utilisation : « La connaissance rationnelle est opératoire ou n'est pas. » Finalité de la théorie des champs conceptuel Fournir des moyens pour comprendre les filiations et les ruptures entre les connaissances d ’un sujet : -sujet enfant ou adolescent (savoir-faire et savoirs exprimés) ; -sujet adulte (contraint par des habitudes professionnelles). I. Situations, schèmes et concepts 1. Les situations a) Définition et exemples La notion de situation a été définie en didactique des mathématiques, par Guy Brousseau notamment, en lui conférant une dimension affective et cognitive (voir cours sur la théorie des situations). Chez Vergnaud, les situation désignent l’ensemble des circonstances dans lesquelles se trouve une notion mathématique. Exemples de situations d’addition. A. Dans la classe, il y a des garçons et des filles. B. L’infirmière a toisé les élèves, elle a dit que j’ai grandi. C. Maud est plus âgée que moi et Elsa est plus jeune que moi. I. Situations, schèmes et concepts 1. Les situations b) Les situations et l’apprentissage des notions sous-jacentes Deux aspects sont à prendre en compte dans l’examen des situations proposées pour l’enseignement d’une notion : -d’une part leur extraordinaire diversité pour une même notion mathématique ; -d’autre part le rôle de chacune d’elles dans la construction des connaissances des élèves à propos de cette notion. En conséquence, se pose la question de l’ordre dans lequel les situations sont proposées, de la fréquence avec laquelle on rencontre ces situations dans l’enseignement ou dans la vie courante. Cela pose aussi la question de l’enseignement à proposer pour que les élèves sachent utiliser les notions qu’ils ont apprises, y compris pour résoudre des problèmes qu’ils n ’ont pas rencontrés auparavant. I. Situations, schèmes et concepts 1. Les situations c) Analyse des situations et des problèmes qu’elles posent L’analyse des situations conduit à négliger les informations peu ou pas pertinentes au profit de celles qui le sont (variables connues et inconnues) et des relations entre elles. Une telle analyse permet de déterminer les problèmes issus d’une situation, au-delà même de ceux qu’on rencontre dans la vie courante. Exemple : hier matin j ’ai acheté une baguette « tradition » à la boulangerie de mon quartier, elle coûte un peu plus cher que la baguette ordinaire, mais elle est bien meilleur ! J ’ai payé avec une pièce de 2 euros cette baguette à 1,20 euros, la boulangère m ’a rendu huit pièces de 10 centimes car elle n ’avait pas d ’autre monnaie. Trois problèmes issus de cette situation d’achat d’un article payé en espèce avec rendu de monnaie.

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Lý thuyết trường quan niệm của Vergnaud - một trong 3 lý thuyết nền tảng của Didactic Toán.

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Page 1: LT Truong Quan Niem [3]

LA THÉORIE DES CHAMPS CONCEPTUELS

IntroductionRenouvellement de la question des savoirs

Gérard Vergnaud, psychologue, aborde la question del ’apprentissage en tenant compte à la fois du sujet (de sesconnaissances) et des savoirs constitués.

Il s’inscrit dans la continuité des travaux de Piaget qui a dirigé sathèse, mais il prend une distance avec la réorganisation desconnaissances dans des structures logico-mathématiquesgénérales.

Il ne dissocie pas le savoir de son utilisation :

« La connaissance rationnelle est opératoire ou n'est pas. »

Finalité de la théorie des champs conceptuel

Fournir des moyens pour comprendre les filiations et les rupturesentre les connaissances d ’un sujet :

-sujet enfant ou adolescent (savoir-faire et savoirs exprimés) ;

-sujet adulte (contraint par des habitudes professionnelles).

I. Situations, schèmes et concepts

1. Les situations

a) Définition et exemples

La notion de situation a été définie en didactique des mathématiques,par Guy Brousseau notamment, en lui conférant une dimensionaffective et cognitive (voir cours sur la théorie des situations).

Chez Vergnaud, les situation désignent l’ensemble des circonstancesdans lesquelles se trouve une notion mathématique.

Exemples de situations d’addition.

A. Dans la classe, il y a des garçons et des filles.

B. L’infirmière a toisé les élèves, elle a dit que j’ai grandi.

C. Maud est plus âgée que moi et Elsa est plus jeune que moi.

I. Situations, schèmes et concepts

1. Les situations

b) Les situations et l’apprentissage des notions sous-jacentes

Deux aspects sont à prendre en compte dans l’examen des situationsproposées pour l’enseignement d’une notion :

-d’une part leur extraordinaire diversité pour une même notionmathématique ;

-d’autre part le rôle de chacune d’elles dans la construction desconnaissances des élèves à propos de cette notion.

En conséquence, se pose la question de l’ordre dans lequel lessituations sont proposées, de la fréquence avec laquelle on rencontreces situations dans l’enseignement ou dans la vie courante.

Cela pose aussi la question de l’enseignement à proposer pour queles élèves sachent utiliser les notions qu’ils ont apprises, y comprispour résoudre des problèmes qu’ils n ’ont pas rencontrés auparavant.

I. Situations, schèmes et concepts

1. Les situations

c) Analyse des situations et des problèmes qu’elles posent

L’analyse des situations conduit à négliger les informations peu oupas pertinentes au profit de celles qui le sont (variables connues etinconnues) et des relations entre elles.

Une telle analyse permet de déterminer les problèmes issus d’unesituation, au-delà même de ceux qu’on rencontre dans la viecourante.

Exemple : hier matin j ’ai acheté une baguette « tradition » à laboulangerie de mon quartier, elle coûte un peu plus cher que labaguette ordinaire, mais elle est bien meilleur ! J ’ai payé avecune pièce de 2 euros cette baguette à 1,20 euros, la boulangèrem ’a rendu huit pièces de 10 centimes car elle n ’avait pasd ’autre monnaie.

Trois problèmes issus de cette situation d’achat d’un article payéen espèce avec rendu de monnaie.

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I. Situations, schèmes et concepts

1. Les situations

d) Classes de situations

La relation entre situations et notions mathématiques n’est passimple : il y a souvent différentes situations pour une même notion,et souvent différentes notions pour une même situation.

En prenant le terme de situation au sens large (comprenant à la foisles circonstances dans lesquelles se trouve une notion mathématiqueet les problèmes qui sont issus de cette situation) Gérard Vergnaudpropose de classer les situations en fonction leur traitement : deuxsituations seront dans la même classe si elles appellent le mêmetraitement.

Exemple : la classe des situations où une petite collectiond’objets est à dénombrer.

Le traitement est le même, on « compte » les objets un par un.

I. Situations, schèmes et concepts

2. Les schèmes

a) Définition

Un schème est l’organisation invariante de la conduite d’un sujet quipermet traiter une même classe de situations.

Le schème est fonctionnel, il comporte à la fois l’organisation desgestes, des formes langagières, des opérations de pensées, desinteractions sociales qui permettent de traiter une classe desituations.

Exemple : le schème du dénombrement des petites collections.

Ce schème repose sur différents principes : abstraction, ordreindifférent, bijection, cardinalité...

Ces principes sont des concepts (bijection, cardinalité) ou desthéorèmes (abstraction, ordre indifférent) qui n ’ont pas besoin d’êtreformulés pour être utilisés : ce sont des concepts-en-acte et desthéorèmes-en-acte.

I. Situations, schèmes et concepts

2. Les schèmes

b) Composantes des schèmes

On distingue quatre éléments organisateurs des schèmes :

-le ou les buts, les sous-buts et les anticipations ;

-les règles d’action, de prise d’information et de contrôle, dont lafonction est de générer la conduite ;

-les invariants opératoires (concepts-en-acte, théorèmes-en-acte) quipermettent de sélectionner l’information pertinente et de la traiter ;

-les inférences en fonction des particularités de la situationrencontrée et qui s’effectuent à partir des informations et du but visé.

I. Situations, schèmes et concepts

2. Les schèmes

c) Efficacité des schèmes

Les erreurs viennent d ’une mauvaise adaptation d ’un schème à laparticularité de la situation (problème d’inférence), d ’unemobilisation d ’un schème inadapté à la situation (défaut deconceptualisation), d ’un théorème-en-acte faux, etc..

•Exemple 1

Il y a 9 enfants dans la ronde.

•Exemples 2 et 3

3 5 - 1 7 2 2 1/2 + 1/3 = 2/5

•Exemple 4

Problème : Maud a 4 ans de moins que Raphaël. Maud a 17 ans. Quel est l ’âge de Raphaël ?

Réponse : Raphaël a 13 ans.

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I. Situations, schèmes et concepts

3. Les concepts

a) Définition des concepts

Dans une étudie didactique ou psychologique, Vergnaud propose dene réduire les concepts ni à leurs définition, ni à leur utilisation :

« Un concept ne se peut pas se réduire à sa définition, du moinssi l’on s’intéresse à son apprentissage et à son enseignement »

« Un concept-en-acte n’est pas un concept, un théorème-en-acten’est pas un théorème »

Vergnaud définit un concept par trois ensembles :

-La référence : l’ensemble des situations qui donnent du sens auconcept ;

-Le signifié : l’ensemble des invariants sur lesquels repose l’efficacitédes schèmes ;

-Le signifiant : l’ensemble des formes langagières et non langagièresqui permettent de représenter symboliquement le concept, sespropriétés, les situations, et les procédures de traitement.

I. Situations, schèmes et concepts

3. Les concepts

b) Exemple : le concept d’addition

•Cette opération est définie mathématiquement en fonction deséléments sur lesquels elle porte.

Exemple : Si les entiers naturels sont définis comme descardinaux, l’addition des entiers naturels se définit par la réuniond’ensembles disjoints.

•Dans la théorie de Vergnaud, le concept d’addition est défini par :

-l’ensemble des situations d’addition (partie/tout, report de longueur,etc.) ;

-l’ensemble propriétés de l’addition, y compris celles qui sont sous-jacentes aux techniques (ordre indifférent des nombres, mais pas deschiffres, effet sur l’égalité, etc.) ;

-l’ensemble des formes langagières et non langagières (les termesplus, somme, ajouter, retenue, etc., les expressions « je pose », « jeretiens », etc., les symboles +, (), = , etc.)

II. Les champs conceptuels

1. Des modèles différents pour analyser les problèmes

L’analyse d’une situation ou d’un problème convoque des modèlesdifférents suivant les objectifs de l’analyse (linguistique, logique,etc.), la théorie des champs conceptuels donne un rôle essentiel auxconcepts eux-mêmes.

Problème 1 : Maud a joué aux billes à la récréation de 10h avecson amie Claire. Elle en a perdu 8. Avec combien de billes Maudrepartira-t-elle sachant qu ’elle est arrivée avec 24 billes ?

Problème 2 : Maud a joué au billes. Elle en a perdu 8, il lui enreste 16. Combien en avait-elle ?

Une analyse linguistique et une analyse des schèmes de traitementde la situation mettent en relief des complexités différentes, elles neconduisent pas toujours aux mêmes conclusions quant à la difficultédes problèmes.

II. Les champs conceptuels

2. Filiations entre connaissances et champ conceptuel

Une situation et les problèmes qui en sont issus ne portent jamais surune seule notion mathématique. En conséquence, certaines notionssont liées dans les processus d’enseignement et d’apprentissage.

Problème 1 (numération de position et cardinal d ’un ensemble) :Nadia a 18 euros. Elle a un billet de 10 et le reste en pièces de 1euro. Combien a-t-elle en pièces ?

Problème 2 (mesure d ’une grandeur, transformation ettransformation inverse) : Bachir a grandi de 18 cm en un an. Ilmesure maintenant 1,75 m. Quelle était sa taille l ’an dernier ?

La notion de champ conceptuel permet d’aborder ensemble lessituations et les concepts, elle est définie pour un ensemble deconcepts par :

-l’ensemble des situations portant sur ces concepts ;

-ces concepts et les théorèmes permettant de résoudre lesproblèmes issus de ces situations.

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II. Les champs conceptuels

2. Filiations entre connaissances et champ conceptuel

Exemple

Le champ conceptuel des structures additives recouvre :

-l’ensemble des situations dont le traitement met en œuvre uneaddition, une soustraction ou un enchaînement de ces opérations ;

-les concepts de cardinal, de mesure, de transformation temporellede mesure, de comparaison quantifiée de mesures, de nombrenaturel, relatif, d ’axe gradué, de déplacement orienté et quantifié,d’abscisse, etc.

-les théorèmes qui décrivent les propriétés de l’addition et de lasoustraction (commutativité de l ’addition, neutralité du zéro, etc.),ainsi que ceux qui permettent de traiter des situations :

Cardinal de la réunion de deux ensemble :

card (A u B) = card (A) + card (B) - card (A n B)

Transformation et transformation inverse :

T(I) = F implique T -1 (F) = I

III. Le sujet et la théorie champs conceptuels

1. Catégorisation des situations d’un champ conceptuel

Les situations d’un même champ conceptuel sont nombreuses. Lacatégorisation que propose Vergnaud tient compte à la fois desstructures mathématiques sous-jacentes aux situations et dudéveloppement psychologique des moyens de traiter ces situations.

La catégorisation des situations du champ conceptuel des structuresadditives sera présentée dans le cours sur les problèmes additifs.

Exemples de situations additives différenciées par Vergnaud :

- « j’ai trois bonbons dans ma main, j’en rajoute deux et je lareferme. Combien y a-t-il de bonbons dans ma main ? (réussite à5 ans)

- « Robert vient de perdre 5 billes, il en a maintenant 7. Combienen avait-il avant de jouer ? » (difficultés jusqu’à 8 ans)

- « Julie a joué aux billes, elle en a perdu 6 à la récréation del’après-midi. Au cours de la journée, elle a gagné 10 billes. Ques’est-il passé le matin ? » (75% d ’échec à 12 ans)

III. Le sujet et la théorie champs conceptuels

2. Le rôle des signifiants dans l’activité du sujet

Langage naturel et symbolismes particuliers remplissent troisfonctions :

•Une fonction de communication

Les signifiants langagiers permettent au sujet de désigner ou depercevoir tel objet de la situation, telle relation, telle propriété, telleintention, tel but, etc.

•Une fonction calculatoire

Les signifiants langagiers permettent au sujet de d’organiser sontraitement de la situation : organiser et effectuer les calculs,conserver les résultats intermédiaires, contrôler les résultats, etc.

•Une fonction d’accompagnement de la pensée

Les symboles en algèbre, les figures à main levée en géométrie, lesschémas en arithmétique sont autant de signifiants dont on use pourrésoudre un problème, y compris dans la recherche d’une démarcheefficace pour parvenir à la solution.

III. Le sujet et la théorie champs conceptuels

3. Le sens dans la théorie des champs conceptuels

Le sens d’un concept pour un sujet est sa relation aux situations etaux signifiants de ce concept, c’est-à-dire les schèmes évoqués chezle sujet par ces situations ou ces signifiants.

Problème

Un pâtissier a fabriqué 274 chocolats. Il prépare des paquets.Dans chaque paquet, il doit mettre 16 chocolats.Combien peut-il remplir de paquets ?

Démarches de trois élèves A, B et C de CM1

A pose l’opération 274 ³ 16.

B pose l’opération 274 – 16.

C calcule 16 + 16 + 16 = 4848 + 48 + 48 + 48 = 192192 + 48 = 240240 + 34 = 274

et, finalement, répond 34 paquets.