l'ordre du jour… · qui pousse à produire. la plus rapide des transformations. ... j’ai...

Extrait de la publication

L ’ O R D R E D U J O U R


Du même auteur

L’Amant de SophiePrétexte, 2003

DiagonaleNous, 2007

il était tempsWharf/Nous, 2010

Envoi(avec Luc Bénazet)Héros-Limite, 2012


Fict ion & Cie

Benoît Casas

L’ O R D R E D U J O U R

Seuil25, bd Romain-Rolland, Paris XIVe

c o l l e c t i o n« Fiction & Cie »

fondée par Denis Rochedirigée par Bernard Comment

L’ordre du jour a été écrit dans le cadre d’une résidence d’écrivain de la région Île-de-France à la librairie Le comptoir des mots (Paris, XXe).Remerciements à Nathalie Lacroix, Géraldine Chognard et Xavier Person.

isbn 978-2-02-11 -

© Éditions du Seuil, mai 2013

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1er janvierl’année commencesous un ciel bleu et au soleil.ciel piquantpromenade matinale.matinée de soleilsur la terre sur l’eaumordante savoureuse vivante.on arrive le matin par le trainet on sait que l’on vase promener voir vivre.nouvelle année nouvelle aventurenouvelles promesses.je donne vie à ma solitude.tension semblable à celle du chatqui attend sa proie.dans un livre très exact et très détailléje lisais le récit duGrand Incendie de Londres.je le lus avec des frissons d’émerveillementde découverte et de nouveau.ne tendait-il pas à créerune pareille brèche ?

2 janvierle présent :je ne croyais pas


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avoir le droit de l’abandonneravant qu’il eût pu se résoudreen bonheur.on a parlé de l’île.la pluie est venueune longue pluie miroitantequi tombait oblique.je dépouille mot par mot.je travaille vitebrûle les étapesprovoque des courts-circuits.lutter contre la dislocationl’éparpillement.un travail me repose d’un autre.la question n’est pas :quel est le sens de cette vie ?c’est : que pouvons-nous fairede cette vie ?

3 janvierBartók.tempête de vent et de pluie.rêves ajournésles excès d’oscillation.mettre les chosesau point.condition impérative.la direction qui a été prisesoude ensemble les jours.mes forces mincesne pouvaient servirqu’à condition d’êtrerassemblées.


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4 janvierfroid de chiensur les bords de la Seine.du froid de l’humidité du vent.un temps terrible.aspire à lire indéfiniment.désir de faire naîtrece sentiment d’unionavec ce que je lis.reflet du ciel rosé d’hiver.des nuages noirs passentcouvrant le ciel.cette nuit j’ai rêvé de mon père.la photographie d’un être aimé.douleur de jamais plus.ces fils mystérieux et fragiles tisséssecrètement de cœur à cœur.cette chose qui n’a plus de nomdans aucune langue.si troublé par le transitoireque souvent je murmureou me demande combien de foisencore je reverrai M.

5 janvierj’ai vu se lever le soleil.un ciel suavetraversé de flammes.un violet impurpuis un rose solennel.des nuages de l’extraordinairecouleur des ailesdes oiseaux tropicaux.


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bocal à gingembre.une odeur presque alcoolisée.prendre les mots à même la boucheet les faire miroiter un momententre les doigts comme des bagues.passons à l’ordre du jour.programme d’une vie libre.de la vitesse incorporée.je fais durer l’élan.la pêche ne s’arrête jamais.c’est moins le besoin que la forcequi pousse à produirela plus rapide destransformations.libération par le refus d’un rôle.quand on sent s’éveiller en soitoutes les capacités de décisiongrâce à cette décisionunique.

6 janvierle matin tout était blanctout était voilé froidet la neige continuait à tomber.s’il ne se met pas à gelerce ne sont que pluie et boue.brume dégel gadoue pluie.le miroir est l’essentielle photographie.la typographie est unedétermination de la lecture.forme brève :inducteur de vérité.pratique du temps espacé.


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éviter l’ankylose :mettre le feu au fagot des mots.sont plus que de simples drogues.tout rythme a pour fonction d’exciter.principe d’agitationde mouvement d’inquiétude.maintenir l’eau au point d’ébullition.que j’applique à moi-mêmece que Marx a dit du mondequ’il s’agit non de connaîtremais de transformer.la question du prix à payer.une sorte d’aiguillonfiché dans l’existence.pas de vérité sansconversion du sujet.promesse de je ne sais quel bonheursemblable à l’espoir d’une vie.curieuse adéquation.dont on ne connaît pasle terme.

7 janvierle matinon se mouillait hâtivementles mains et le visageet on se remettait à l’étude.la neige a cesséet un ciel bleu sombrebleu de gentianes’est montré.sa présence agitcomme un excitant.


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elle devient un peu ivre.programme acrobatique.chaleur poids seinsle poème manipulequelques sens explosifs.le ciel est mort.possibilité d’une poésiecommuniste.je serai fidèleà ces sévères idées.ce qui n’est pas écritpapillottedevant les yeux.retour sousla pluie.

8 janvierle grand froidles routes impossibles.lourde plus lourde que jamaisla neige tombe.nappes de lumière.ce couteau de la lumièrece ciseau.rapidité d’intervention.Picasso.le divan est prêt prête la dame.un arrêt sur image.une heure un point fixedans l’espace et le temps.l’un comme l’autre.le long détour du travaill’ancrage dans cet effort.

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la patiente ténacitédu lire du dire.le Tu : l’appel à l’autre.tout vocable réveille.j’ai pris du cognac.étrange retour halluciné.un registre où l’on trouveraitle nom de tout hommeayant vécu sur terreavec un abrégé de sa vie.

9 janviersemaines de bruitde boue etpoussière.aujourd’hui il faisait beau.le soleil brillaitet la neige fondait sur les arbres.le grondement de la merétait intolérable.conduites impérieuses.pas méditéesmais d’autant plus fortes.c’est à considérerque les choses vont de soiqu’on ne voit riende ce qu’on a pourtantdevant les yeux.il faut le courage defixeravec lesyeux.


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10 janviertemps pluvieux.mois de lecture etd’épluchage incessant.histoire personnelle-impersonnelle.exigence demaintenir à la paroleson oralitésa légitimité expressivesa matérialité.idée ou rythmeentre des rapports.retournant les phrasesdans la boucheavant de confierquoi que ce soitau papier.une intensité par avance.parler change tout.porter l’étincelle.un mot bien placépeut emporterl’orgasme.l’écrivain maigrequi frappe fort.les duretés du caramel.cela fut — le vin aidant —un dîner italientel un chœurde Verdi.ce qui semble libertéet qui se révèle au contraireinébranlablefixé à l’avance.

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ce qui arriveet dont on ne sait pas encoreque c’est arrivé.une joie quime dépasseet me brise.

11 janvierj’ai feuilleté au hasardmes cahiers.vitesse d’exécution.à portée de voix.journal :une espèce de pont essayéentre le temps civilet celui dont le projet tentel’invention.ce qui n’est jamais à sa placece qui est toujours hors de saison.jours irréparables.dire les décisions.je n’ai pas devolontés.trop excitépour dormir.

12 janvierfroide nuit.les nuits sont noirescomme de l’encre.jour froid et odieux.assurément il existe


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des possibilités.sous quelle pierresont-elles cachées ?la marée est haute.le moteur du progrès :la luxure.il faudra éliminer beaucoup.mais l’essentielest d’écrire vitepour ne pas briser l’élan.et que scintillele sens formelde l’énonciation.

13 janvierj’ai rêvé que j’avais un enfantle cou casséplus petit qu’une main.temps épouvantable.saison franche.la retraite : s’absenter sur place.déconnecter le plus possibleles obligations de l’économie.notre seul recours présentce sont les rapportsentre les motsque le poète doit inventer.le temps des rois touche à sa fin.il y aura du sangrépandu comme de l’eauet des larmes comme de la rosée.mais au bout du compteles peuples l’emporteront.

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faire quelque pas en arrièredeux par exemple avantd’en faire trois en avantdans l’espoir d’en gagnerun.nous traduirons ensemble.un peu de papierun crayon.ma langue tenduedans le mont tendre.je n’ai pas perduun grammede désirpour toi.

14 janviercyprès.froid intense.cette ombre immense du cielet cette mer d’encre.vagues bleu sombrepresque violetavec de hautes crêtes écumantes.froid perte de tempsobstination.opinions et pensées de mon fils.journal : enregistrement sismographiquele résultat s’annule constamment.cette pensée m’épuisaitet me ranimait tour à tour.vins et spiritueux : cela apaisemais rend mélancolique.Rome se colore dans le souvenir.


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j’ai encore ce sifflet dans la tête.désir ardent besoin anxieuxde prendre de mordre de faire.qu’est-ce que ce désir que rienne peut changer ni fléchirquand tout change ?

15 janvierrêves rapidesemmêlés.je tremble et je sursautesommeil de gibier.encore un jour glacial.exsangue.un vent abominableun ciel de zinc.cette passion préparatoire.l’extrême de la variation.trop brève pour transcrireou s’excuser.les moyens rythmiquessont des armescontre le temps.la poésie làoù on ne l’attend pas.je me suis recouvertlittéralement de tâches— pour me forcerà la preuve de les accomplir.whisky.poulpe.


réalisation : pao éditions du seuilimpression : s.n. firmin-didot au mesnil-sur-l’estrée

dépôt légal : mai 2013. n° 110576 (00000)imprimé en france

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